Notes
-
[1]
Il y avait 6,4 millions de véhicules en circulation en 2018 en Algérie, soit 151,7 véhicules/1000 habitants ; la croissance du parc a été importante dans les dix dernières années : en 2008, il était de 3,9 millions de véhicules et 112,4 véhicules/1000 habitants (respectivement +64 % et +35 %). La majorité des véhicules est concentrée dans les grandes villes : 433 véhicules/1000 habitants à Alger, 229 à Oran, 472 à Constantine.
-
[2]
D’après M. Cote (1994), la ville de Constantine comptait 30 000 habitants en 1830. En presque un siècle, elle n’a grandi que lentement : en 1948 y habitaient 77 000 Algériens et 40 000 Européens. Cette croissance s’est accélérée après la guerre de libération ; en 1966, la ville avait comblé le vide laissé par le départ des Européens et comptait déjà 240 000 habitants. Dans les années 1970, les programmes d’industrialisation et de développement économique ont relancé l’exode rural vers Constantine. Depuis les années 1980, il s’est fortement tassé, mais l’agglomération a continué à croître naturellement au rythme de 3,2 % par an.
-
[3]
Une station urbaine est une infrastructure publique, assurant la prise en charge des flux de déplacements urbains et suburbains. Tandis que la gare routière est une infrastructure publique, implantée hors voirie, accueillant des lignes routières en terminus ou en transit. Une station urbaine est donc un espace d’échanges piétons entre différents modes de transport. Lorsque la station urbaine offre une correspondance avec les modes de transport ferrés, elle est qualifiée de pôle d’échanges urbain. (Source : Direction de la planification et du développement, 2017, Guide technique : classification, réalisation et organisation des Infrastructures de Transport de Voyageurs par Route « I.A.T.V.R. », Ministère des travaux publics et des transports, Algérie).
1 – Introduction
1La dégradation de la qualité de l’air et son impact sur la santé des populations sont des problèmes majeurs de l’environnement. En effet, l’accroissement rapide de la pollution atmosphérique et la transformation progressive du climat sont des indicateurs du déséquilibre écologique et environnemental de la planète.
2De son côté, le trafic routier est responsable de l’essentiel des rejets de polluants dans l’atmosphère et de la dégradation de la qualité de l’air. La pollution atmosphérique des villes est largement causée par les rejets des véhicules motorisés (90 % du CO). De plus, selon les derniers chiffres de l’OMS, les effets conjugués de la pollution de l’air extérieur et intérieur seraient responsables du décès prématuré de 6,5 millions de personnes dans le monde (OMS, 2016).
3Le transport urbain, en tant que cause principale de la pollution environnementale, est au cœur de l’action menée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cependant, si la prise en charge de ce secteur est négligée, alors la communauté mondiale ne pourra pas gagner sa bataille contre le changement climatique (Glandus et Beltrando, 2013).
4Les problèmes environnementaux de la ville sont en fait ceux que la ville fait peser ou rejette à l’extérieur d’elle-même, à savoir la production de déchets et de pollutions diverses causées par les transports. Cependant, vivre en ville ne signifie pas nécessairement air pollué, congestion, bruit et longs temps de transport, car les nouvelles technologies et les systèmes intelligents de transport sont en train de rendre de nombreuses villes plus saines et plus agréables à vivre (Georges, 1993 ; Actu environnement, 2013).
5En Algérie toutefois, la pollution atmosphérique des véhicules est dominante car ils assurent près de 90 % du trafic intérieur (passagers et marchandises), avec un parc automobile conséquent [1]. La ville de Constantine souffre comme toutes les grandes villes du même mal et connaît une congestion routière majeure dans le centre et aux entrées de ville. À ce jour, malgré les projets de plusieurs modes de transport collectifs urbains (TCU) écologiques, le seul mode en service à Constantine est le tramway, en concurrence avec de nombreux autres modes (bus et taxis).
6Comment donc les nouveaux modes de TCU peuvent-ils trouver leur place par rapport aux modes classiques de Constantine ? Quels sont leurs potentiels ? Et quelle amélioration de la qualité du service peut-on en attendre ?
7Cet article répond donc aux questions suivantes :
- en tant que moyen de transport collectif urbain, le tramway offre-t-il une meilleure réponse environnementale ?
- une coordination entre le tramway et les systèmes de transport existants est-elle susceptible d’améliorer les performances d’ensemble ?
8Il s’insère dans le cadre d’une planification intégrée Transport-Urbanisme qui cherche à jumeler ville et mobilité durable et intelligente.
2 – Approche méthodologique
9L’article traite de deux aspects :
- l’impact environnemental dû aux différents moyens de transport collectif urbains (pollution atmosphérique et le bruit) ;
- l’intermodalité au niveau des différents points d’arrêt du tramway dans un rayon de 300 mètres (corridor).
10La pollution atmosphérique est évaluée à partir d’une analyse du réseau routier parcouru par les bus et taxis en comparaison avec le tramway. L’étude du bruit est basée sur l’observation, en tenant compte des voiries modifiées par l’introduction du tramway ; la congestion développée au niveau des nœuds centraux et sur les voies limitrophes au corridor du tramway est analysée. Le but est d’évaluer le niveau de congestion routière suivant la diminution de la capacité de voirie pour implanter la ligne du tramway, sachant que le corridor de déplacement voit, en tout état de cause, sa capacité augmenter fortement puisqu’un tramway de 45 m équivaut environ à la capacité de transport de 150 voitures.
11Dans la partie d’étude portant sur l’intermodalité, trois éléments sont étudiés : l’information multimodale, la tarification intégrée et le fonctionnement des pôles d’échange, de façon à évaluer l’efficacité de l’intermodalité de la première ligne du tramway.
3 – L’agglomération de Constantine
12Située au nord-est de l’Algérie, à 430 km d’Alger, l’agglomération de Constantine, qui regroupe cinq communes (groupement intercommunal constantinois), est la troisième du pays et compte 1 059 000 habitants en 2018. La wilaya de Constantine (12 communes) englobe l’agglomération.
13Constantine est une très ancienne cité d’origine numide et romaine, construite sur un site défensif exceptionnel formé par le creusement progressif de deux oueds, l’oued Rhumel et l’oued Boumerzoug. Elle est un pôle d’échanges important et contrôle un vaste territoire. C’est une capitale régionale, qui a vu la création d’importants équipements tels que l’aéroport et l’université. Si la ville est restée longtemps cantonnée sur son rocher – la médina reste le pôle commercial et administratif principal –, elle a connu une forte expansion et est sortie de ce cadre contraint en deux temps :
- durant la période coloniale et l’exode rural qui a suivi par la création de faubourgs, jusque vers 1970 ;
- par le développement de noyaux urbains préexistants et la création d’une ville nouvelle, Ali Mendjeli [2].
14L’orographie de la ville n’a pas été sans compliquer l’organisation des déplacements, dès le moment où elle a dépassé son cadre originel. Il a fallu créer de spectaculaires viaducs – dont l’un dédié au tramway –, arbitrer entre les flux ; ceci explique aussi l’intérêt du recours au transport par câble.
15Le groupement des cinq principales communes forme un ensemble géographique cohérent. Constantine au centre demeure le principal noyau de peuplement. Les autres communes sont des pôles secondaires plus spécialisés mais attractifs et fonctionnels sur les plans économique, administratif, patrimonial et touristique.
16Chaque commune dispose d’équipements et de spécialisations différents en hôtellerie, santé, administration, commerce et éducation. Les distances entre les différentes communes varient entre 6 km et 15 km (voir la carte). Les communes de Constantine et d’El-Khroub disposent des fonctions les plus complètes. Ain Smara abrite l’industrie mécanique lourde, Didouche Mourad a une dominante agricole et Hamma Bouziane compte de nombreuses usines et de l’industrie de transformation.
17La ville nouvelle d’Ali Mendjeli qui dépendait d’El-Khroub et n’avait pas de statut administratif (commune, wilaya…) est devenue le pôle urbain le plus important de l’agglomération par la richesse de ses équipements et l’importance de ses activités : deux grandes universités, des écoles, un hôpital militaire régional, des hôtels, plusieurs banques, des centres commerciaux. Elle est donc devenue assez logiquement wilaya déléguée à la fin 2019. Elle est plus attractive que les autres communes sur le plan commercial et celui des loisirs.
18Les interactions entre Constantine et les communes voisines sont fortes, ce qui se traduit par de nombreux déplacements quotidiens. Les principaux motifs de déplacement sont pour les études et pour le travail. La figure 1 résume l’utilisation des modes de transports collectifs prédominants. Quant aux déplacements engendrés par les communes, ils s’effectuent surtout vers Constantine pour des motifs administratifs et d’achats.
Les modes de déplacement entre les différentes communes du groupement constantinois
Les modes de déplacement entre les différentes communes du groupement constantinois
4 – Le transport dans le groupement constantinois
19L’offre de transport s’est nettement améliorée ces dernières années tant au niveau du parc de véhicules que des infrastructures avec la mise en service de bus écologiques (ETUSC) en 2005, d’une liaison par télécabine en 2008 et d’une première ligne de tramway en 2013, ainsi qu’avec la création de plusieurs gares routières à Constantine et El-Khroub, de stations urbaines [3] et d’un pôle d’échange à Constantine.
4.1 – Le Transport Collectif Urbain
20L’agglomération constantinoise dispose de plusieurs modes de TCU et de Transport Collectif en Site Propre (TCSP) ainsi que de pôles intermodaux (gares routières, stations urbaines et pôles urbains) pour raccorder les liaisons urbaines et interurbaines. En plus des infrastructures intermodales existantes (tableau 1), d’autres sont envisagées par les collectivités locales (tableau 2).
Types d’infrastructures intermodales en service*
Types d’infrastructures intermodales en service*
* Les gares routières de catégorie « A » sont d’intérêt national, celles de catégorie « B » sont d’intérêt régional.Carte des infrastructures lourdes de transport à Constantine et de leurs projets d’extension
Carte des infrastructures lourdes de transport à Constantine et de leurs projets d’extension
Types d’infrastructures intermodales proposées en 2018
Communes | Nombre et type | Date de fin d’étude du projet | |
---|---|---|---|
Gares routières | Constantine | Gare routière intermodale à Zouaghi Slimane | Études achevées 2016, Projet non réalisé |
Ain Smara | Gare routière type « A » | Études achevées 2016, Projet non réalisé | |
Hamma Bouziane | Gare routière type « A » | ||
Stations urbaines | Constantine | 7 urbaines | Études achevées 2016, Projet non réalisé |
El Khroub | 1 à El Khroub centre 1 à Ali Mendjeli 1 à Massinissa | ||
Hamma Bouziane | 1 Station urbaine | ||
Didouche Mourad | 1 Station urbaine | ||
Pôles d’échanges | Didouche Mourad | Pôle d’échanges multimodal | Études achevées 2015, Projet non réalisé |
Types d’infrastructures intermodales proposées en 2018
21Le parc de véhicules est composé de :
- Bus de deux catégories : bus privés (ayant une capacité de 70 à 100 places et minibus de 35 à 69 places) et bus publics exploités par l’ETUSC (capacité de 101 places par véhicule) ;
- Taxis de quatre catégories : taxis collectifs par place, taxis individuels, taxis clandestins, taxis électroniques (YASSIR).
22Le réseau de chemin de fer de Constantine comprend neuf gares ; le tableau 3 montre la fréquentation globale de voyageurs au cours de cinq années récentes (2013-2017). Au cours de la dernière décennie, le train de Constantine a connu une diminution significative de son nombre de voyageurs.
Nombre de voyageurs en train. Années 2013-2017
Année | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 |
---|---|---|---|---|---|
Nombre de voyageurs transportés | 192 240 | 196 560 | 185 122 | 162 047 | 121 806 |
Nombre de voyageurs en train. Années 2013-2017
4.2 – Les Transports Collectifs en Site Propre
23La télécabine a été mise en service le 5 juin 2008 comme un moyen de transport durable, dans le cadre du développement touristique et de valorisation de l’image de la ville par rapport aux sites traversés ainsi qu’à la splendeur du rocher (figure 3). La ligne relie deux quartiers (centre-ville et les cités Emir Abdelkader-Sakiet Sidi Youcef-Ziadia) et compte une station intermédiaire qui dessert l’hôpital, l’un des plus grands employeurs de la ville (Centre Hospitalo-Universitaire de Constantine, CHUC Benbadis).
24Malheureusement, ce service a subi plusieurs interruptions depuis 2016 pour des raisons de gestion et d’entretien avec un changement d’exploitant : l’ETAC (Entreprise des Transports Aériens par Câble) a pris la place de l’ETUSC. Étant donné le côté pittoresque de la région et le panorama magnifique dont on bénéficie de la télécabine, la ligne attire également les touristes.
25Le service offre des performances intéressantes : une fréquence de l’ordre de 3 minutes, une capacité maximale de 2 000 passagers/sens/heure, une vitesse maximale de 22 km/h ; les usagers parcourent désormais en 7 minutes un trajet qui dure 45 minutes en auto. La fréquentation journalière a beaucoup crû au fil du temps (tableau 4), avec une moyenne de 5 500 passagers/jour dans les dernières années. Pour environ 100 000 habitants, les conditions d’accès à la médina et certainement à l’hôpital ont radicalement changé.
Nombre de voyageurs transportés par la 1re ligne de la télécabine de Constantine
Année | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 (3 mois) | 2017 |
---|---|---|---|---|---|
1 286 600 | 2 196 400 | 1 935 900 | 484 818 | 1 995 511 |
Nombre de voyageurs transportés par la 1re ligne de la télécabine de Constantine
26Deux nouvelles lignes de 2,7 et 3,1 km sont prévues (voir figure 2), avec chaque fois une station intermédiaire. La population desservie par les deux extensions de la télécabine est estimée à 150 000 habitants.
27Le tramway traverse la ville avec une ligne (L1) dont le premier tronçon de 8,1 km a été mis en service le 4 juillet 2013 (10 stations entre la cité Zouaghi Slimane et le stade Ben Abdelmalek Ramadan) (figure 4). Une première extension de la ligne L1 (7 km) a été mise en service le 3 juin 2019 entre Zouaghi Slimane (Constantine) et Kadri Brahim (à l’entrée de la ville nouvelle d’Ali Mendjeli), en passant par l’université Salah Boubnider Constantine 3 (6 stations). Une deuxième extension de la ligne L1 (de 3,35 km), entre Kadri Brahim (Ville Nouvelle) et l’université 2, comprenant 7 stations, est en construction.
28Le tracé de la première ligne du tramway arrivait aux limites de la médina à la Place des Martyrs. Il a fallu supprimer presque 1 kilomètre de ligne et repositionner le terminus à l’ancienne station urbaine de Ben Abdelmalek Ramdane. Les prolongements de la ligne de tramway devraient apporter un net surcroît de clientèle par rapport au premier tronçon, qui ne dessert qu’une population de l’ordre de 25 000 habitants (les résidents de la cité Zouaghi Slimane) et l’université Frères Mentouri (40 000 étudiants). Et c’est en prolongeant la ligne vers la ville nouvelle Ali Mendjeli qui compte déjà environ 300 000 habitants, via le pôle universitaire Salah Boubnider Constantine 3 (19 000 étudiants), que le tramway prendra tout son intérêt et deviendra autrement plus fréquenté. Il ne transporte en effet aujourd’hui que 16 000 à 20 000 passagers par jour (tableau 5).
Nombre de voyageurs transportés par la 1re ligne (L1) du tramway de Constantine
Nombre de voyageurs transportés par la 1re ligne (L1) du tramway de Constantine
4.3 – Parc relais et pôles d’échanges
29La première ligne du tramway de Constantine traverse un parc relais auprès de la station Khaznader. Cet espace a été réalisé pour faciliter le stationnement des usagers qui veulent utiliser le tramway en laissant leurs voitures dans un endroit sécurisé (150 places).
30Un pôle d’échanges se trouve dans la zone industrielle Palma au-dessous de la station du tramway, avec une capacité totale de 126 bus et 311 taxis collectifs. Lors de l’inauguration de la première ligne du tramway, cet espace était considéré comme un parc relais ; plus tard, il est devenu un pôle d’échanges grâce à sa surface et sa position stratégique. Ce pôle met en contact transport routier inter-wilaya par bus et taxis collectifs, tramway et transports urbains.
31Un second pôle d’échange est prévu au niveau de Zouaghi Slimane pour assurer une interconnexion avec les autres modes urbains.
5 – Résultats d’études
32La plupart des avenues principales de la ville de Constantine ont été transformées avec la création d’un site propre pour le tramway, ce qui a modifié les flux de circulation. Le site propre du tramway fait 7,50 m de large dans l’axe des voies sur une longueur de 8,1 km du stade Ben Abdelmalek jusqu’à la cité Zouaghi Slimane. Bien qu’une partie de la population ait changé de mode de transport en abandonnant la voiture particulière le long de ce corridor, les importants flux de voitures perpendiculaires au tracé du tramway aux abords des carrefours proches de la mosquée El Amir Abdelkader ont généré d’importants phénomènes de congestion. Une recherche effectuée par rapport au retard produit par la congestion de ces nœuds, dans la comparaison du temps de déplacement parcouru par le tramway, les bus et les taxis sur cette ligne met malgré tout en évidence un gain de temps remarquable pour le tramway (tableau 6).
Gain du temps en tramway par rapport aux autres modes de TC
Moyen de transport | Temps de parcours | Nombre d’arrêts | Perte du temps par rapport au tramway, en hdp | |
---|---|---|---|---|
Heure creuse (hc) | Heure de pointe (hdp) | |||
Tramway | 27 min | 27 min | 10 | / |
Bus | 1 h | 1 h 35min | 11 | 1 h 8min |
Taxi | 45 min | 1 h 10 min | / | 43 min |
Gain du temps en tramway par rapport aux autres modes de TC
33Les analyses effectuées pour évaluer l’impact écologique et le fonctionnement d’une certaine intermodalité ont permis d’obtenir des résultats présentés ci-dessous. Les taux de pollution atmosphérique et les niveaux de bruit ont été adoptés tant qu’indicateurs pour des évaluations comparatives à l’intérieur de la ville de Constantine ; d’autres indicateurs tels que l’information multimodale, la tarification intégrée et l’organisation des pôles d’échange ont été retenus pour évaluer l’efficacité de l’intermodalité le long du couloir de la première ligne du tramway de Constantine, en correspondance des parcs relais et des pôles d’échanges.
5.1 – Impact écologique
34La pollution de l’air et l’effet de serre sont les principaux problèmes environnementaux provoqués par les transports routiers de l’agglomération de Constantine, les véhicules à moteur à combustion interne étant l’une des premières sources de pollution. Les bruits sont liés à la croissance des activités sur un cycle temporel de plus en plus étendu du trafic routier et les travaux de chantier en cours surtout en ville ; le bruit est une composante importante de la pollution urbaine et l’une des atteintes les plus répandues à la qualité de vie urbaine. Les émissions polluantes augmentent rapidement à Constantine par suite de la croissance démographique, de l’accélération de l’urbanisation, du désenclavement du monde rural et de l’exigence d’accès aux services sociaux de base.
35D’après le diagnostic du Plan d’Aménagement de la Wilaya de Constantine (PAW), 90 % de la population choisit la voiture particulière (VP) ou le TC (bus ou taxi) pour se déplacer. Le taux de motorisation privé a augmenté dans les dix dernières années, ainsi d’ailleurs que le nombre de bus et taxis : on est passé de 672 à 1 130 bus (BTV, 2018) et de 367 à 3 675 taxis collectifs (Cellule taxi, 2018). Les flux de circulation sont plus forts pendant l’année universitaire et aux abords de Constantine, El-Khroub et Ali Mendjeli. On y note de fortes congestions routières, avec une perturbation induite sur la circulation des bus et taxis et une importante pollution atmosphérique.
36Les services de bus et taxis sont concentrés surtout dans la commune de Constantine et dans la commune d’El-Khroub qui sont les centres émetteurs principaux de l’agglomération. Bus et taxis sont toujours dominants à Constantine et El-Khroub, par rapport aux autres communes en termes de véhicules-km. Ces deux communes jouent un rôle important par rapport à leurs centralités et à la présence de plusieurs universités, instituts, activités administratives, éducatives et commerciales.
37La capacité du tramway dépend de ses dimensions et du standard de confort ; dans cette étude, on a adopté les références de la DTWC, qui retient une capacité de transport du tramway de Constantine (45 m) équivalente à celle de 3 bus, de 6 minibus ou de 150 voitures. La traction électrique d’un tramway permet d’éviter les émissions polluantes typiques des véhicules à traction thermique.
38Une estimation moyenne de la réduction du taux de pollution de la ligne 1 du tramway en a été déduite ; les résultats sont présentés ci-après (tableau 7). Sachant que le taux de pollution le plus élevé est celui des taxis collectifs par rapport aux bus existants, ce sont les taxis qui ont l’impact le plus important sur la pollution atmosphérique. La contribution relative en termes de pollution des différentes composantes de Transport Public avant utilisation du tramway a été calculée proportionnellement au nombre de véhicules.
Taux de réduction de pollution des modes de TCU après mise en service du tramway de Constantine
Véhicules | Parc en service par rotation | Équivalence de 1 tramway dans d’autres véhicules | N. rames de tramway | Niveau (%) de pollution avant le tramway | Réduction (%) de pollution après le tramway |
---|---|---|---|---|---|
Bus | 121 | 3 bus | 40 | 3,36 | 47,06 |
Minibus | 140 | 6 minibus | 23 | 3,89 | 27,06 |
Taxis collectifs | 3 342 | 150 taxis collectifs | 22 | 92,75 | 25,88 |
Taux de réduction de pollution des modes de TCU après mise en service du tramway de Constantine
39Le remplacement de ces moyens de transport polluants par le tramway a eu un effet important dans la diminution de la circulation routière et du niveau de la pollution atmosphérique. Par rapport à un coefficient d’équivalence, les 3 603 véhicules existants sont remplacés par 85 rames de tramway, à traction électrique. On en déduit le taux de réduction de la pollution pour chaque catégorie de véhicules substitués : environ 47 % pour les bus, 27 % pour les minibus, 26 % pour les taxis.
40Le bruit des transports collectifs urbains constitue l’une des plus importantes sources de nuisances sonores, un problème qui reste difficilement maîtrisable, et l’augmentation prévisible des trafics ne laisse guère présager d’amélioration globale à court terme. De ce fait, l’observation sur site montre que l’intensité de bruit le long du tramway a localement diminué.
5.2 – Intermodalité
41Lorsqu’un usager combine plusieurs modes de transport, il accomplit des déplacements intermodaux, que des pôles d’échanges existent ou non pour lui faciliter son voyage (Richer et al., 2016). L’aménagement de pôles intermodaux permet de faciliter les transferts, d’organiser les temps d’attente, de coordonner les horaires et de distribuer des services par des aménagements spécifiques.
42Tout au long de la première ligne L1 du tramway, on remarque à chaque point d’arrêt l’existence d’un ou plusieurs points de stationnement pour les bus, les taxis ou bien les deux en parallèle, avec une distance qui ne dépasse pas les 300 m de part et d’autre de la ligne (figure 6). Plusieurs modes échangent à la station Zouaghi Slimane non sans une certaine anarchie dans les déplacements ; les aménagements sont très simples et les flux piétons entrent en conflit avec la circulation générale. Le pôle d’échange de la zone industrielle Palma répond mieux aux exigences de l’intermodalité entre plusieurs modes de transport. Dès lors, il satisfait mieux les clients sur le plan de l’information multimodale, de la disponibilité d’une tarification intégrée, du confort, de la sécurité et de la qualité des aménagements.
43Avec le tramway, l’information multimodale a été développée avec des nouvelles fonctions comme l’affichage des stations d’arrêt à bord des véhicules, des bornes d’information électroniques, un site internet. Une politique de tarification intégrée est envisagée mais n’est pas encore mise en œuvre. Toutefois, les abonnés du tramway peuvent également emprunter les bus sur une petite partie du réseau.
6 – Discussion et conclusions
44Les résultats d’études montrent que la pollution, due essentiellement aux émissions de gaz des véhicules, dégrade la qualité de l’air en particulier dans les communes de Constantine et d’El Khroub, les communes les plus empruntées par les bus et les taxis.
45L’analyse comparative effectuée entre les modes de TCU traditionnels et les nouveaux modes de TCSP, démontre que le tramway de Constantine, qui a été réalisé selon les normes internationales plus innovantes, a permis la diminution du taux de pollution avec l’élimination de la majorité des bus non écologiques ou qui ont dépassé l’âge d’exploitation. En conséquence, on a estimé un taux de réduction de pollution de 67,0 % pour les autobus, 83,6 % pour les minibus, 99,3 % pour les taxis collectifs, mais l’estimation n’a pas été menée à l’échelle de l’agglomération ou du corridor. Lors de la réalisation de la ligne du tramway, certaines voiries ont connu une diminution remarquable du bruit des véhicules et des TCU et d’autres ont connu une diminution légère. On peut dire que le tramway a atteint un développement équilibré sur le plan écologique grâce à son alimentation par l’énergie électrique. De plus, il permet la rationalisation de la circulation routière. À cet effet, il peut être favorisé en tant que meilleur moyen de TCSP pour le développement d’autres lignes à l’échelle urbaine et interurbaine.
46Toutefois, il fallait répondre encore à la question suivante : où ont été transférés les déplacements par voiture privée qui n’ont pas été captés par la ligne du tramway ? D’un échange avec le responsable de la Direction de transport de la Wilaya de Constantine, on a déduit que « la majorité des déplacements a été transférée vers la périphérie ». Ce qui peut confirmer que le taux de pollution a effectivement diminué au niveau du réseau tramway, mais pas forcément au niveau plus général de l’agglomération urbaine.
47La qualité de l’air en ville représente aujourd’hui un enjeu majeur pour la société. Cependant, la préservation de la qualité de l’air est liée à l’amélioration de la qualité des services, des systèmes et des moyens de transport, dont les modes de déplacement propres et écologiques. Malgré le développement de plusieurs modes de TCU, à savoir la ligne du tramway et les bus écologiques, le réseau routier continue à souffrir des problèmes importants dans le cadre de la congestion d’infrastructures routières communales et intercommunales. Les services de TCU écologiques devraient être encore plus renforcés, travaillant aussi bien sur l’intermodalité. L’expérience du pôle d’échange de Palma s’est révélé bien répondre à la demande au vu des critères de l’intermodalité.
48Le développement du TCU écologique permet d’améliorer la dynamique urbaine et structurelle de la ville de Constantine. On pourrait donc renforcer les résultats obtenus en :
- remplaçant des bus et taxis traditionnels par des bus à haut niveau de service (BHNS) et des taxis écologiques dans l’urbain et l’interurbain ;
- développant d’autres lignes de tramway dans l’urbain et l’interurbain proche ;
- mettant en place une tarification intégrée plus étendue ;
- établissant des horaires fixes pour les différents parcours des bus et du tramway à communiquer au public dans chaque point d’arrêt ;
- intégrant le train dans l’intermodalité et en accentuant son développement entre les différentes communes ;
- étendant le transport aérien par câble ;
- introduisant les nouvelles technologies d’information et de communication (NTIC) dans les points d’arrêts, gares routières et pôles d’échanges.
Données de cadrage
1 – Offre de transport
Description du réseau des transports en 2018
Longueur du réseau (km) | Nombre de lignes | Nombre de véhicules | Capacité (Voy/h) | |
---|---|---|---|---|
Bus | 709 km | 62 | 1.138 | ‐ |
Taxis | Toute destination périmètre urbain | 7.239 | ‐ | |
Tramway | 8,1 | 1 | 27 rames | 6.000 |
Téléphérique | 1,5 | 1 | 33 cabines | 2.000 |
Train | 22 | 1 | 1 | ‐ |
Description du réseau des transports en 2018
49Principales caractéristiques des TCSP :
Tramway (1er tronçon) de stade Ben Abdelmalek Ramadan à Zouaghi Slimane : | ||
Fréquence : 3’ Durée du trajet : 27’ | Longueur de la ligne : 8,1 km | Nombre de stations : 10 |
Tramway (2e tronçon) de Zouaghi Slimane à Kadri Brahim : | ||
Fréquence : 3’ Durée du trajet : 14’ | Longueur de la ligne : 7 km | Nombre de stations : 6 |
Tramway (3e tronçon) de Kadri Brahim à l’université 2 : | ||
Fréquence : 3’ Durée du trajet : 11’ | Longueur de la ligne : 3,35 km | Nombre de stations : |
Téléphérique (1er tronçon) : | ||
Fréquence : 3’ Durée de trajet : 7’ | Longueur de la ligne : 1,5 km | |
Téléphérique (2e et 3e tronçons) : | ||
Longueur des lignes : 2,7 et 3,1 km |
2 – Répartition des déplacements par mode
Fréquentations journalières des modes de transport en 2015
Moyen de transport | Déplacements/jour | % |
---|---|---|
Bus | 426 850 | 58 % |
Taxi | 277 250 | 38 % |
Tramway | 21 000 | 3 % |
Télécabine | 9 350 | 1,5 % |
Train | 700 | 0,1 % |
Fréquentations journalières des modes de transport en 2015
3 – Tarification
50En règle générale, chaque transporteur pratique un tarif propre et donc pour un voyage mobilisant plusieurs modes de déplacement, il faut plusieurs titres de transport. Il existe cependant des abonnements, limités à certains transporteurs et à une portion de l’agglomération.
51Voici quelques tarifs indicatifs au voyage (100 DA = 0,5 €) :
- Bus publics à Constantine (tarification à la distance) : 5-30 DA, sur la wilaya : 30-60 DA
- Bus privés à Constantine (les tarifs ne sont pas administrés) : 30-50 DA, sur la wilaya : 40-100 DA
- Tramway : 40 DA (abonnement mensuel à 1 500 DA)
- Télécabine : 20 DA
- Taxis (Constantine) : 300-1000 DA
- Taxis clandestins (Constantine) : 400-1000 DA
52Prix de l’essence
53Selon le carburant, entre 44 et 47 DA/litre (soit 0,22-0,235 €/l).
54Prix du stationnement
55Coût du stationnement payant dans le cœur d’agglomération : 100 DA pour les deux premières heures de stationnement, 50 DA ensuite.
Bibliographie
Bibliographie
- Bureau Transport Voyageurs (BTV), Rapport annuel 2018.
- Cote, M. (1994). Constantine. Encyclopédie berbère. Open Edition Journal, pp. 2069-2081.
- Cellule taxi (DTWC), Rapport annuel 2018.
- Direction de transport de la wilaya de Constantine (DTWC), Rapports annuels 2008, 2009, 2018, 2019.
- Djamel, R. (2008). Les Structures Spatiales de l’Est Algérien. Les maillages territoriaux, urbains et routiers. Université de Constantine.
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- Ministère des Travaux publics et des Transports (2017). Classification, réalisation et organisation des infrastructures de Transport de Voyageurs par Route I.A.T.V.R. Guide technique. Constantine.
- OMS (2016). Burden of disease from the joint effects of household and ambient air pollution for 2012. Public Health, Social and Environmental Determinants of Health Department, Switzerland.
- Rebbah, I. (2014). Croissance et étalement urbain de la ville de Constantine, La planification urbaine à l’épreuve. Université Larbi Ben M’Hidi de Oum El Bouaghi.
- Richer, C., Meissonnier, J. et Rabaud, M. (2016). Quelle(s) intermodalité(s) dans les mobilités quotidiennes ? Transports et intermodalité. ISTE Éditions, pp. 261-288.
- Saidouni, M. (2010). Éléments d’introduction à l’urbanisme : histoire, méthodologie, réglementation. Alger : Casbah-Éditions. ISBN : 9961-64-234-1
- Société d’Exploitation du Tramway de Constantine (SETRAM). Statistiques d’exploitation 2019. https://www.setram.dz/site/fr/constantine.
- URBACO (2016). Rapport du bilan annuel. Constantine.
- http://m.actu-environnement.com/actualites/ameliorer-transport-urbain-pour-mieux-vivre-en-ville20140.html
- http://www.aps.dz/regions/86931-constantine-fin-des-travaux-de-consolidation-des-stations-du-telepherique
Notes
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[1]
Il y avait 6,4 millions de véhicules en circulation en 2018 en Algérie, soit 151,7 véhicules/1000 habitants ; la croissance du parc a été importante dans les dix dernières années : en 2008, il était de 3,9 millions de véhicules et 112,4 véhicules/1000 habitants (respectivement +64 % et +35 %). La majorité des véhicules est concentrée dans les grandes villes : 433 véhicules/1000 habitants à Alger, 229 à Oran, 472 à Constantine.
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[2]
D’après M. Cote (1994), la ville de Constantine comptait 30 000 habitants en 1830. En presque un siècle, elle n’a grandi que lentement : en 1948 y habitaient 77 000 Algériens et 40 000 Européens. Cette croissance s’est accélérée après la guerre de libération ; en 1966, la ville avait comblé le vide laissé par le départ des Européens et comptait déjà 240 000 habitants. Dans les années 1970, les programmes d’industrialisation et de développement économique ont relancé l’exode rural vers Constantine. Depuis les années 1980, il s’est fortement tassé, mais l’agglomération a continué à croître naturellement au rythme de 3,2 % par an.
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[3]
Une station urbaine est une infrastructure publique, assurant la prise en charge des flux de déplacements urbains et suburbains. Tandis que la gare routière est une infrastructure publique, implantée hors voirie, accueillant des lignes routières en terminus ou en transit. Une station urbaine est donc un espace d’échanges piétons entre différents modes de transport. Lorsque la station urbaine offre une correspondance avec les modes de transport ferrés, elle est qualifiée de pôle d’échanges urbain. (Source : Direction de la planification et du développement, 2017, Guide technique : classification, réalisation et organisation des Infrastructures de Transport de Voyageurs par Route « I.A.T.V.R. », Ministère des travaux publics et des transports, Algérie).