1Le 6 août 2015, la loi “pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques” a été promulguée par le Président de la République. Cette loi, plus connue sous le nom de “loi Macron”, achève le processus de libéralisation du transport par autocar en France. Certaines dispositions, comme celles portant sur le transport interurbain par autocar, sont d’application immédiate. Dès lors, l’ouverture d’un service régulier par autocar comportant des arrêts intermédiaires espacés de plus de 100 kilomètres n’est plus soumise à autorisation.
2Selon un avis de l’Autorité de la concurrence du 27 février 2014, seules 110 000 personnes ont emprunté l’autocar en France en 2013. Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle “loi Macron”, Bercy espère que, dès 2016, 5 millions de voyageurs emprunteront l’autocar.
3L’augmentation du nombre de passagers entraînera nécessairement une augmentation des litiges entre les voyageurs par autocar et les transporteurs. L’occasion ici de faire un état des lieux des droits des passagers par autocar.
Les droits des passagers par autocar consacrés par un règlement européen
4De nombreuses dispositions du droit français sont applicables aux litiges occasionnés par un transport par autocar. Elles s’appliquent en fonction du cadre dans lequel le passager subit son dommage. On peut citer notamment la loi « Badinter » du 5 juillet 1985 qui fixe le régime d’indemnisation des passagers qui subissent un dommage dans le cadre d’un accident de la route, ou encore le contrat type voyageur issu d’un décret du 22 août 2008 qui réglemente uniquement le transport occasionnel en France.
5Cependant, la loi « Macron » va principalement favoriser l’essor des services réguliers longue distance. Le droit des passagers pour ce type de trajet est essentiellement consacré par la réglementation communautaire. En effet, après avoir élaboré un règlement à l’attention des passagers aériens en 2004 et des passagers ferroviaires en 2007, le législateur européen n’a pas oublié les passagers en autocar et leur fait bénéficier de droits spécifiques par l’intermédiaire du règlement n° 181/2011 du 16 février 2011 “concernant le droit des passagers dans le transport par autobus et autocar”. Ce texte est applicable en France depuis le 1er mars 2013.
6Le règlement s’applique à tous les passagers empruntant un service régulier national ou international lorsque leur montée ou leur descente s’effectue sur le territoire d’un état membre de l’Union européenne et lorsque la distance à parcourir dudit service est supérieure ou égale à 250 kilomètres.
7Un service est dit “régulier” lorsqu’il assure “le transport de passagers par autobus ou autocar selon une fréquence et sur un trajet déterminés, les passagers pouvant être pris en charge et déposés à des arrêts préalablement fixés.”
8Le règlement fait également bénéficier certains droits aux passagers empruntant un service occasionnel. Ces dispositions concernent le droit d’acheter un billet dans des conditions non discriminatoires, notamment en raison de la nationalité, et à l’exception des tarifs sociaux. En cas d’accident, les passagers des services occasionnels sont également soumis aux conditions d’indemnisation et d’assistance prévues par le règlement européen.
Des droits supplémentaires pour les passagers subissant un retard, une annulation ou une surréservation sur les services réguliers longue distance
9Les passagers voyageant sur un service régulier, dont la distance totale à parcourir est supérieure à 250 kilomètres, disposent de droits supplémentaires. Ces droits concernent notamment les cas d’annulation ou de retard au départ du service.
10En cas d’annulation ou de retard au départ de plus de 120 minutes du service, les passagers ont droit de choisir entre :
- la poursuite du voyage vers la destination finale dans les meilleurs délais et dans des conditions comparables.
- le remboursement de leur titre de transport et, si besoin, un réacheminement gratuit vers leur point de départ initial. Ce remboursement doit être fait en espèces ou par un autre moyen s’il est accepté par le passager. Il doit avoir lieu dans les 14 jours qui suivent la réception de la demande de remboursement du passager par le transporteur.
11Si le transporteur n’est pas en mesure de proposer au passager une solution de substitution pour atteindre sa destination finale, le passager peut exiger, en sus du remboursement, une indemnité correspondant à 50% du prix du billet. Cette indemnisation doit être versée par le transporteur dans un délai d’un mois, à compter de la demande du passager.
12Par ailleurs, le règlement européen prévoit la situation dans laquelle le transporteur refuse l’accès à bord d’un passager au motif d’une surréservation. Ce procédé consiste, pour le transporteur, à vendre d’avantage de titres de transport qu’il n’y a de places dans le véhicule. Cette pratique issue du transport aérien pourrait se démocratiser dans le transport routier de passagers.
13Le passager se voyant refuser l’accès à bord pour un tel motif doit, de la même manière qu’en cas de retard ou d’annulation, se voir offrir le choix entre un transport de substitution dans des conditions comparables ou un remboursement. Si le transporteur n’offre pas ce choix, le passager peut prétendre à une indemnité équivalente à 50% du prix du billet, en sus du remboursement.
14Dans tous les cas, les passagers en attente dans les stations doivent être informés, par le transporteur ou le gestionnaire de la station, de l’heure de départ estimée, si elle est connue, et au plus tard 30 minutes après l’heure de départ prévue initialement. Pour les passagers en attente dans les arrêts intermédiaires, où l’information par voie d’affichage est souvent inexistante, le règlement européen encourage le transporteur à les informer par voie électronique.
15En cas de retard de plus de 90 minutes ou d’annulation d’un voyage qui doit durer plus de 3 heures, le passager doit se voir offrir gratuitement des collations, repas ou rafraîchissements, à condition qu’il soit possible d’en effectuer la livraison.
16Si l’attente du véhicule implique que le passager doit passer une nuit sur place, le transporteur doit proposer un hébergement gratuit et l’acheminement vers ce lieu d’hébergement. Le transporteur peut limiter son obligation d’hébergement à 80 € par nuit et par passager, dans la limite de deux nuits.
17Le transporteur n’est pas tenu d’offrir l’hébergement s’il démontre que “l’annulation ou le retard est due à des conditions météorologiques sévères ou à des catastrophes naturelles majeures compromettant l’exploitation du service d’autobus ou d’autocar en toute sécurité.”
18En outre, il faut noter que les passagers qui détiennent un billet ouvert, ne mentionnant pas d’horaire de départ, ne peuvent pas bénéficier de l’assistance, du droit au remboursement ni du droit à indemnisation précité.
Le droit au transport pour les personnes handicapées et à mobilité réduite
19Le règlement européen du 16 février 2011 est attentif aux personnes handicapées ou à mobilité réduite. L’objet même du règlement vise “la non-discrimination et l’assistance obligatoire pour les personnes handicapées et les personnes à mobilité réduite”. Les transporteurs doivent permettre le droit au transport pour les passagers en situation de handicap ou de mobilité réduite et leur offrir gratuitement une assistance. L’article 9 du règlement précise que “les transporteurs, agents de voyages et voyagistes ne peuvent refuser d’accepter une réservation, d’émettre ou fournir un billet ou de faire monter à bord une personne au motif de son handicap ou de sa mobilité réduite”. De plus, aucun supplément de prix ne peut être demandé pour transporter une personne handicapée ou à mobilité réduite.
20Le transporteur peut cependant refuser de transporter une personne handicapée ou à mobilité réduite pour des motifs de santé, de sécurité ou si le véhicule, la station, ou l’arrêt de bus ne permet pas une montée de la personne dans le véhicule et dans des conditions sûres et réalisables sur le plan opérationnel. En revanche, le transporteur doit laisser la possibilité au passager de se faire accompagner gratuitement par un assistant si cela permet de remédier aux difficultés liées à l’accessibilité du véhicule.
21En tout état de cause, le transporteur et les gestionnaires des stations doivent informer les passagers des conditions d’accessibilité ou des possibilités de trajets de substitution accessibles à leur endroit.
22Enfin, le règlement exige que les personnels des stations et des transporteurs soient formés à l’assistance des personnes handicapées et à mobilité réduite. En France, cette disposition a cependant fait l’objet d’une dérogation et ne s’appliquera qu’à compter du 1er mars 2018, au plus tard.