Couverture de TURB_121

Article de revue

Observations et considérations sur la mobilité et les transports publics à Wrocław (Pologne)

Pages 30 à 36

Contraintes et héritages

Une situation privilégiée près de la frontière occidentale de la Pologne

1Wrocław est la métropole urbaine du Sud-Est de la Pologne (6e pays de l’Union européenne par sa population avec 38 millions d’habitants). C’est la capitale administrative de la voïvodie de Basse Silésie (Dolny Śląsk) : trois millions d’habitants pour 19946 km2. C’est une ville-carrefour près de laquelle se rencontrent les vallées de l’Odra et de ses affluents (Bystrzyca, Oława, Widawa), au croisement d’axes routiers dont les trafics (poids-lourds comme véhicules individuels) connaissent une croissance spectaculaire : A4-E40 (Dresde-Berlin/Cracovie), N8 (de Łódź et Varsovie vers Prague) et N5 (de Poznań vers Wałbrzych).

2La fonction de centre ferroviaire reste importante malgré la crise que traversent actuellement les PKP (Polskie Koleje Państwowe : chemins de fer de l’état polonais), concurrencés par les autocars à longue distance. Une dizaine de lignes plus ou moins actives convergent vers l’énorme gare centrale parmi lesquelles on peut surligner : l’axe principal Szczecin-Wrocław-Katowice-Cracovie-Przemyśl qui draine tout le sud de la Pologne et permet la liaison avec la conurbation industrielle de Silésie, au nord la ligne vers Poznań et Varsovie, au sud la ligne vers les Carpates et Prague.

3Ces confluences aménagées au cours de l’Histoire ont fait de Wrocław la « ville aux cent ponts » : élevés sur le réseau anastomosé de l’Odra et de ses affluents, permettant la liaison entre l’autoroute et la voie ferrée principale au sud du fleuve et le centre de la Pologne (Poznan, Varsovie). Mais les infrastructures de transit, héritages du XIXe siècle, détruites et reconstruites au XXe sont pour le moment inadaptées à l’essor de la mobilité, frappant en Pologne depuis 1975 et surtout 1990.

Des héritages incontournables pour comprendre les évolutions actuelles

4Comme dans toute réflexion sur les transports urbains et leur influence sur l’organisation de l’espace et la vie économique et sociale il est important de se référer à l’histoire du territoire concerné pour essayer de comprendre les traits les plus signifiants des modèles en place. Pour Wrocław trois déterminants semblent importants : l’appartenance à l’espace germanique encore assumé en 1945, les effets de la planification mise en place par la république populaire de Pologne de 1945 à sa chute, l’application des mesures de libéralisation économique formellement depuis le changement de régime en 1989 (mais enclenchés dès les années 1970)

Une vile (Breslau) germanisée du XIIe siècle à 1945

5L’appartenance de la ville à la Pologne a été justifiée lors des changements de frontière de 1945 par la suzeraineté des rois de Pologne (dynastie des Piasts) jusqu’au XIIIe siècle, et aussi par l’existence dans cette région de fortes populations slaves polonophones, surtout dans les campagnes. Mais dès le XIIe siècle les ducs de Silésie firent allégeance au Saint Empire Romain Germanique et durent se résigner au rattachement du territoire à la couronne tchèque du XIVe au XVIe siècles, première étape de l’annexion par les Habsbourg d’Autriche de 1526 à 1742.

6La conquête de la Basse Silésie par la Prusse, entamée en 1742 et définitive en 1757, confirmée après les guerres napoléoniennes, intégrera naturellement la région à l’empire allemand en 1871. En 1919, après des insurrections et des arbitrages internationaux, l’État polonais, en complète renaissance après sa disparition en 1795, obtint de l’Allemagne la Poznanie et la Haute-Silésie mais il n’en fut pas ainsi pour Breslau et la Basse Silésie (où se maintiendra toutefois une forte minorité non germanophone).

7La germanisation de Breslau pendant plus de 400 ans eut évidemment des conséquences importantes eu égard au développement de la ville : application du droit urbain dit de Magdebourg favorisant les libertés communales et les corporations professionnelles, urbanisme « à l’allemande » avec de très beaux monuments urbains dès la Renaissance (hôtel de ville composite : Rathaus devenu Ratusz) et des équipements souvent à l’avant-garde (parcs, ponts, centrales électriques). La croissance industrielle au XIXe et au XXe siècles a entraîné une forte hausse de la population passée de 400 000 habitants en 1900 à 700 000 en 1940, soit autant que de nos jours.

La destruction du « Festung Breslau » et son repeuplement limité après 1945

8Lors de la marche de l’armée rouge vers le cœur de l’Allemagne après les victoires de Stalingrad et de Koursk, la résistance de la garnison de Breslau décrétée « forteresse » par l’état-major de la Wehrmacht dura de février à mai 1945. Les pertes militaires furent importantes dans les deux camps comme le montre le cimetière soviétique au sud de la ville. Quant aux civils qui n’eurent pas le temps de fuir, leur mortalité fut effrayante à cause des bombardements, de l’artillerie, des maladies, de l’affaiblissement et des exactions diverses.

9Entre l’été 1945 et 1950, Breslau, redevenu Wrocław par les décisions prises aux conférences de Yalta et de Postdam, connut un changement radical de sa population avec l’expulsion de la quasi-totalité de ses citoyens allemands (sauf des irréductibles souvent âgés) et l’accueil de Polonais venus du reste du pays, notamment ceux expulsés des zones orientales occupées par l’URSS : région de Lwow intégrée à l’Ukraine, Biélorussie… Tout cela s’est déroulé dans un contexte de violence, de spoliation, de ruptures familiales et sociales. Au niveau du patrimoine, les nouvelles autorités polonaises et la population ne pouvaient que comptabiliser les ruines. Wrocław est peu à peu reconstitué, notamment avec la reconstruction de son centre historique.

Une république populaire favorable au transport public ?

10Dans une économie nationalisée et contrôlée par le Parti Ouvrier unifié (PZPR) dans le cadre du CAEM (Conseil d’assistance économique mutuel, plus connu sous son acronyme anglais COMECOM), il y eut peu de place jusqu’en 1972 pour l’industrie et la consommation automobile : fabrication limitée et surtout orientée vers les besoins militaires, prix prohibitif des automobiles privées et absence de crédit, pénurie quasi organisée de l’essence et des pièces détachées.

11La ville ne retrouva une population équivalente à celle de l’avant-guerre qu’au bout d’une quarantaine d’années. Le nouveau régime ne put faire face à la pénurie de logements qu’à partir de la fin des années 1960 avec l’industrialisation du bâtiment et l’édification de grandes cités de logements collectifs. L’assouplissement du contrôle, assez strict au début, de l’installation en ville se fit progressivement mais eut d’énormes conséquences dans un pays resté jusque-là très rural : croissance de l’emploi dans l’industrie et le secteur tertiaire (même si celui-ci était officiellement minoré), accès massif aux enseignements secondaire et supérieur, demandes de biens et de services qui accentuaient la conscience et la réalité de criantes pénuries.

12Au niveau de la mobilité, la Pologne des années 1960-1975 se présentait comme une société à deux vitesses avec des villes où la circulation des hommes et des marchandises commençait à s’organiser selon les critères (sinon le développement) des pays industriels et des campagnes atones, même si une partie des agriculteurs pouvant commercialiser une partie de leur production (à partir des mesures prises en leur faveur depuis 1956 par le régime de Władysław Gomułka) put connaître une relative aisance.

Figure 1
Figure 1
La gare centrale de Wrocław se situe à un important carrefour ferroviaire
(photo J.-B. Lugadet)
Figure 2
Figure 2
Les tramways, au service des objectifs de desserte des grandes zones de développement urbain et industriel, constituent un héritage de la période communiste
(photo : J.-B. Lugadet)

13À Wrocław comme dans les autres grandes villes de Pologne, les autorités municipales qui n’avaient guère d’autonomie appliquèrent une politique de priorité aux réseaux de tramway et d’autobus pour assurer essentiellement la relation domicile-travail. Celle-ci était conçue, dans le cadre d’un urbanisme théorisé comme fonctionnel, pour permettre le transit entre les zones d’activités industrielles (le long de l’Odra dans notre cas) et des grands ensembles développés à partir de 1970 et toujours proches des axes de communication, ce qui les différenciait sensiblement de ceux édifiés en France. Mais ce « modèle » connut des nuances : persistance d’un habitat mixé socialement au centre-ville, construction (héroïque en économie socialiste) de pavillons individuels, motorisation de quelques privilégiés…

14Dans les années 1960-1970 se développèrent aussi les dessertes périurbaines ou régionales avec les autocars du réseau national PKS et, là où existaient des voies ferrées, des services quasi cadencés des PKP très performants (par exemple entre Wrocław et Opole). C’était le seul moyen d’assurer la mobilité d’une population de plus en plus concernée par des migrations de travail ou d’études avec de plus en Basse Silésie l’impératif d’assurer les relations entre les familles séparées par les migrations de la phase précédente.

15Le gouvernement dominé par Edward Gierek (1970-1980) amorça des changements notables sur le plan de la circulation et des transports. Dans le cadre d’un certain assouplissement économique marqué par le recours aux crédits et aux licences étrangères, la valorisation relative des industries de consommation, la mise en avant de nouvelles valeurs sociales et économiques, de nouvelles tendances apparurent. Avec tout d’abord l’accès à l’automobile individuelle avec des modèles fabriqués en Pologne sous licence FIAT (FSO 125 et 126), un développement timide des stations-service et des garages, l’amorce d’un réseau routier qui ne concernait guère notre zone (la 2 fois 2 voies nord-sud Haute Silésie-Varsovie étant prioritaire).

Le « Tout auto » depuis 1990

16La révolution économique déclenchée dès 1989 par le gouvernement Mazowiecki-Balcerowicz issu du mouvement « Solidarnóść » et menée sans restriction (y compris par les sociaux-démocrates) jusqu’à nos jours a entraîné en matière de transport :

  • la libéralisation du marché et de la construction automobile ;
  • l’importation de véhicules surtout d’occasion (voire accidentés et « cannibalisés » : années 1990-96) ;
  • la constitution rapide d’un réseau de garages, de concessions et de services qui font de l’automobile un des secteurs phares de la nouvelle économie de la Pologne (avec l’agroalimentaire et les industries polygraphiques) ;
  • une croissance spectaculaire du parc automobile qui a triplé en 15 ans au profit de toutes les classes de la population (avec évidemment des différences au niveau des véhicules choisis) ;
  • l’installation par les fabricants internationaux (FIAT, General Motors, Volkswagen, Daewoo) et les équipementiers (Bosch, Michelin) d’unités de production ;
  • une inadaptation criante du réseau routier à un trafic en croissance encore forte du fait du début de la multimotorisation des ménages et d’un étalement urbain désormais bien amorcé ;
  • un appétit nouveau pour les circulations liées aux loisirs et ce malgré un prix relativement élevé des carburants (4 PLN le litre soit 1 €) ;
  • une accidentologie spectaculaire qui place la Pologne en tête du plus triste des palmarès de l’Union européenne.

17On a parallèlement assisté à une désaffection vis-à-vis du système ferroviaire dans tout le pays (où on estime que 20 % des lignes ont été désaffectées entre 1990 et 2010). On peut noter sans mal les signes visibles de cette tendance : abandon de services comme ceux arrivant à la gare Swiebodzki (toute proche pourtant du centre-ville), non-entretien des matériels et des stations, chute des trafics voyageurs dans la spirale connue abaissement du financement - dégradation des services - baisse de l’usage.

Fig. 3
Fig. 3
L’ancienne gare Swiebodzki, qui constituait une alternative pratique à la gare centrale
(photo J.-B. Lugadet)

Les atouts du transport public

Une gouvernance simplifiée

18Le jeu politique national caractérisé par une certaine instabilité et l’efficience rapidement prouvée des pouvoirs locaux (là où ils disposent de revenus et de cadres formés) ont objectivement favorisé les dirigeants régionaux (« starostes ») et les maires des grandes villes. La réforme territoriale de 1999 en créant 17 voïvodies (au lieu de 49 auparavant) a renforcé mécaniquement les fonctions, les pouvoirs et les finances des métropoles comme Cracovie, Gdansk, Poznań et Wrocław.

19Wrocław comme la plupart des communes (gmina) polonaises est vaste et peuplée (29km2, 632 000 hab.). En comparaison la commune de Nantes ne compte que 283000 habitants sur 65,19 km2 et n’est qu’un élément (certes central) de sa communauté urbaine. En Pologne, un seul conseil municipal s’occupe des choix politiques pour notre métropole avec son président distinct du maire. Celui-ci, élu au suffrage universel, gère les services municipaux et demeure responsable de l’administration, des personnels et des finances. La Régie des Communications de Wrocław (« MPK » : Miejskie Przedsiębiorstwo Komunikacyjne) peut être considérée comme administrée quasi directement par le Service des Transports urbains (Dzial Zarzadzania Transportem Publicznym) dont les bureaux se trouvent dans la Mairie.

20Cette organisation, somme toute assez proche de ce qui se fait en Allemagne, est objectivement un facteur de simplification de la gouvernance urbaine. Elle permet de visualiser clairement les responsabilités en matière d’organisation, de services, de progrès, de dysfonctionnements. Elle est probablement synonyme d’économie de moyens et de relais hiérarchiques ou fonctionnels. Elle peut évidemment être une source de sclérose en cela qu’elle ne crée pas d’entreprise réellement autonome. La suite nous apprendra que ce n’est pas le cas.

Les réseaux urbains de transport : dynamismes et pesanteurs

21Le réseau de tramway de Wrocław apparaît dense, fonctionnel et vivant. Créé sous l’empire allemand, ayant atteint son apogée à la veille de la 2e guerre mondiale, repris et renforcé dans la période communiste, il comprend :

  • Une infrastructure de 258 km en voie de 1,435m double sauf sur certains tronçons terminaux ;
  • 300 stations distantes en moyenne de 600 m sauf sur les trajets terminaux (entre Pilczyce et Legnica, sur la ligne la plus longue, on a plutôt affaire à un système tram-train) ;
  • 21 lignes dont les services peuvent se superposer (d’où l’insistance sur le terme « réseau » qui n’est pas, ici, la simple juxtaposition de lignes en correspondance) ;
  • 200 rames avec une prédominance de matériels Konstal 102, 105, 204 du constructeur tchèque Tatra (fournisseur régional et quasi exclusif des pays communistes de l’époque), acquis dans les années 1970 et renouvelés à partir des années 2000.

Figure 4

Plan du réseau actuel de tramways de Wrocław

Figure 4

Plan du réseau actuel de tramways de Wrocław

(source : MPK)

22Depuis le tournant du siècle le réseau est en effet en renouvellement au niveau :

  • des services et des tarifs valorisant les abonnements ;
  • de l’infrastructure avec en moyenne la reprise d’une ligne par an au niveau de l’assise, du ballast, des rails et de la caténaire (le service cesse alors durant de longues semaines et des autobus assurent une desserte de substitution) ;
  • du matériel, le MPK acquérant désormais de nouvelles rames en passant des appels d’offres européens.

23De nouveaux tramways Skoda 19T (28 unités en 2010) à plancher partiellement bas circulent désormais sur la ligne 8. Leur avant légèrement relevé les ont fait surnommer « cornichons » (ogórek). S’ils n’offrent pas un surcroît évident de place, leur plancher bas, par opposition aux hautes marches des véhicules utilisés jusqu’ici, les font plébisciter par les personnes âgées, les handicapés et les porteurs de poussettes (jusqu’ici quasiment exclus).

Figure 5
Figure 5
Un nouveau tramway Skoda « cornichon » à la station Nadodrze
(photo J.-B. Lugadet)

24Le réseau apparaît efficient dans la desserte du centre-ville, entouré par une boucle où passe la quasi-totalité des lignes, même si l’on peut regretter que les deux ou trois lignes qui passaient par le centre symbolique de la ville (« Rynek ») aient été déferrées. De même, au-delà de la desserte des grandes zones d’habitation des années 1970, on peut être impressionné par la proximité des stations et leur aménagement quant à l’accès aux centres commerciaux qui se sont épanouis depuis une quinzaine d’années à la faveur de la mise en place de l’économie capitaliste. Seul le complexe situé sur l’échangeur de l’autoroute à 10 km du centre-ville échappe à cette règle car il est entièrement bâti selon une logique automobile, même s’il est desservi par un service gratuit affrété par l’hypermarché Auchan.

25Cette desserte sans état d’âme des centres commerciaux (les stations portent leur nom) surprend les observateurs français qui ont peu d’exemples en parallèle (Dijon, Montpellier). Elle traduit une réorientation de l’usage du transport public en Pologne. Si elle est synonyme d’adaptation aux évolutions économiques et sociétales, elle peut avoir des effets pervers. On peut souhaiter toutefois qu’elle inspire des aménageurs de l’hexagone ?pour la reconquête à l’automobile des centres commerciaux périphériques.

26La logique d’évolution du réseau d’autobus apparaît sensiblement différente de ce que l’on peut voir en France où l’on voit coexister des lignes de desserte des centres villes et, quand existent des lignes de tramway, des services de rabattement. À Wrocław, c’est cette fonction qui semble prédominer avec toutefois l’existence de lignes « tangentielles » pour relier des zones non desservies directement par le tramway et de services dits rapides espaçant les stations. En périphérie, les lignes d’autobus assurent un maillage relativement fin mais ne semblent pas vouées au cabotage, d’autant plus que l’habitat desservi reste majoritairement dense. Le réseau apparaît a priori très fréquenté et avec un fort brassage social et générationnel, mais ici des statistiques seraient bienvenues.

27Le problème primordial des autobus à Wrocław est le temps d’accès au centre-ville. Théoriquement, les autobus peuvent utiliser les voies du tramway et certains aménagements sont remarquables (station d’échanges de la place Grunwald : « Rondo Ronald Reagan »). Mais la plupart du temps faute de couloir de circulation (où lorsque la voie du tramway est ballastée) ils se meuvent au milieu d’une circulation automobile très dense y compris autour du centre-ville, totalement dépendants des embouteillages et de feux qui ne leur laissent aucune priorité.

Évolutions en cours et perspectives

Une modernisation du transport public qui demeure timide

28La croissance du trafic routier a été spectaculaire à Wrocław, ville désormais synonyme d’embouteillages et de pollution automobile. Peu de choses en dehors de l’accompagnement commercial (parkings, garages, station-service) ont été réalisées depuis 1990 pour accompagner ou limiter cette marée déferlante : pas de politique de restriction de l’accès au centre-ville (sauf pour le Rynek et le quartier de la cathédrale), peu d’améliorations de la voirie en dehors de la création d’un nouveau pont permettant l’amorce d’un contournement Ouest limité toutefois par la capacité des boulevards et le maintien des carrefours à niveau. Seul le maintien du coût des carburants à un prix relativement élevé peut être mis en avant ici comme facteur coercitif. Les choix récents en matière d’urbanisme sont relativement favorables à la circulation automobile : développement des quartiers le long des grandes voies routières, choix de l’implantation du stade lié à l’Eurofoot 2012 à l’ouest de l’agglomération pour une meilleure accessibilité routière, mise en travaux du tronçon Nord d’un boulevard périphérique raccordant la route venant de Varsovie à l’autoroute Berlin-Cracovie.

29Les financements liés à ces équipements sont lourds pour les finances nationales et municipales, même si des fonds européens viennent soulager la part polonaise. Compte tenu de la situation, ils peuvent encore apparaître pertinents. Le risque encouru est bien entendu leur obsolescence rapide s’ils ne servent qu’à accroître la mobilité domicile-travail-loisirs et l’étalement urbain. On ne peut que souhaiter des politiques d’accompagnement visant à freiner le développement immobilier dans leurs alentours et à ne favoriser que la circulation de transit.

30On a souligné, plus haut, les avancées du transport public à travers la modernisation du réseau de tramway. Chaque année plusieurs kms de voie sont totalement restructurés et les nouvelles rames de tramway renouvellent un parc qui le mérite. L’usage du réseau est important à tout moment de la journée et de la semaine. Un service de nuit consistant est maintenu dans un pays où des services et des magasins peuvent fermer tardivement et où les horaires de travail semblent plus dérégulés qu’en France. Le dimanche l’offre reste forte dans une ville qui n’est pas désertée et où au contraire, les églises et les supermarchés toute l’année et les monuments et les parcs, surtout au printemps, sont très fréquentés…

31Des projets de développement sont mis en avant à travers notamment le concept de « Tram plus ». La première ligne concernée, en cours de réalisation, reliera le sud-est de la ville (Tarnogaj) au nouveau stade en passant par la gare centrale. À moyen terme, la desserte de l’aéroport est également programmée. On est ici face à ce qui peut apparaître comme un tram-train en notant qu’ici la maîtrise d’ouvrage est faite dans un cadre encore urbain et non régional.

32C’est que pendant ce temps, l’offre ferroviaire pour les services périurbains n’est guère en croissance, reste en tout cas peu visible et peut sembler illustrer la déshérence jusqu’à ces dernières années des PKP. Toutefois il faut souligner comme indices d’évolution la restructuration des chemins de fer polonais selon les critères européens avec le holding PKP-SA intégrant un gestionnaire d’infrastructure, un réseau national pour les passagers (PKP Inter city) et la mise en avant d’un service régional (Regio). Les changements sont certes encore peu visibles dans les services même si des nouveaux matériels apparaissent, si la gare de Wrocław est en chantier de restructuration lourde (depuis 2010) et si existe un titre de transport coordonné PKP-MKP. Malgré tout cela les services ferroviaires périurbains sont encore peu attractifs dans la métropole de Basse-Silésie malgré un énorme potentiel : une étoile ferroviaire à 7 branches et un contournement, des gares de correspondance très bien situées et bien desservies par le tramway ou les autobus, l’existence d’un réseau suburbain bien développé entre 20 et 40 km (Oława, Jelcz, Brzeg, Trzebnica, Legnica, Sobótka)…

Figure 6
Figure 6
La modernisation passe par le renouvellement de la flotte d’autobus, qu’illustre ce Citaro de la ligne 122
(photo J.-B. Lugadet)
Figure 7
Figure 7
Exemple d’équipement à destination des modes doux, ce parc à vélos proche d’une station de tramway à Lesnica
(photo J.-B. Lugadet)

33Il faut également mentionner les mesures prises en faveur des modes de mobilité « doux » dans une ville où les cyclistes urbains et les équipements qui leur sont attribués sont en croissance. La marche à pied est favorisée par un très vaste espace piétonnier au centre-ville, l’existence de parcs entre ce dernier et le premier anneau urbain. Par ailleurs, la marche est favorisée par des habitudes prises lors des époques de pénurie et par de nouveaux comportements culturels, notamment la valorisation du sport avec actuellement l’essor de la « marche norvégienne » !

Deux pistes d’évolution

34Les choix proposés ci-dessus supposent la mise en place de financements pérennes importants visant à la fois au développement des réseaux et des matériels et à leur maintenance. Les choix actuels du financement du transport public en Pologne ne sont pas satisfaisants. On peut estimer, en l’absence de renseignements financiers non obtenus que les recettes sont composées pour un tiers de subventions de la municipalité, pour un tiers au coût supporté par les usagers et pour le reste à des recettes diverses dont une part importante liée à la publicité (qui s’étale spectaculairement sur les tramways).

35Si dans l’ensemble on peut être impressionné par les nouvelles formes de mobilité à Wrocław et par le relatif bon état et d’usage du réseau de transport public, force est de reconnaître que l’on peut souhaiter des évolutions et des améliorations pour améliorer la qualité de vie urbaine. La maîtrise du trafic automobile semble être une piste riche. On a vu qu’en Pologne elle apparaît difficile compte tenu d’un accès récent à la démocratisation du véhicule individuel (une trentaine d’années après la France) et de l’insuffisance objective des infrastructures (de transit surtout car la voirie urbaine principale est bien dimensionnée en dehors du centre-ville).

Figure 8
Figure 8
Les tramways publicitaires font partie du paysage de Wrocław
(photo : J.-B. Lugadet)

36La coordination des divers degrés de transport public apparaît ensuite nécessaire. Compte tenu du passé centralisé et du poids souligné des métropoles, elle est peut-être paradoxalement plus difficile à réaliser qu’en France. Elle devrait ici essentiellement concerner en ville la réalisation d’un réseau plus performant et encore mieux relié à celui des tramways. Elle serait surtout l’occasion à travers cinq ou six pôles multimodaux que l’on peut sans trop grand risque énumérer : gare centrale bien entendu, Nadodrze, Mikolov, Krzyki, Sołtysowicka-Psie Pole aux points de contact entre routes ou avenues principales, voies ferrées et/ou tramway. La réhabilitation comme pôle d’accès au centre de la gare Swiebodzki est certainement une piste intéressante qui permettrait de valoriser un quartier peu structuré par les équipements qui y sont implantés et un monument dont la désaffection et la déshérence sont en complète contradiction avec l’intérêt affectif pour le patrimoine que l’on ressent généralement en Pologne.

Conclusions provisoires

37Cet exposé sans prétention scientifique a été réalisé en collaboration avec Ecopôle (centre d’initiation à l’environnement de la métropole nantaise) dans une perspective comparative. Il nous a permis d’appréhender des retards voire des reculs notables en Pologne par rapport aux nouvelles exigences de la mobilité confrontée à la lutte contre l’effet de serre et toutes les pollutions : peu de limitations à la circulation et au stationnement automobile, manque flagrant de couloirs réservés aux autobus, faiblesse de la coordination des services de transport… Sa préparation et sa rédaction nous ont fait prendre conscience de la pertinence voire de la supériorité du mode d’organisation des collectivités locales dans ce pays. De l’efficacité aussi du pragmatisme en matière de transport public avec une adaptation progressive de l’existant (certes à l’origine efficient), loin des effets d’annonce auquel nous sommes trop habitués en France notamment au niveau des « nouveautés » sensées tout révolutionner, même quand elles ne sont que des reprises de concepts anciens (trolleybus baptisé tramway sur pneu etc.)

38Des pistes sont tracées pour approfondir cette recherche notamment dans ses aspects quantitatifs et pour des présentations « in situ » à des Nantais. À Wrocław comme à Nantes les questions de mobilité sont désormais aussi importantes que celles liées aux développements économiques et démographiques, à l’urbanisme et en liaison étroite d’ailleurs avec elles. Il importe de les populariser dans une démarche comparative de recherche sans négliger l’affirmation de convictions militantes dans un domaine aussi important pour la construction des futurs modes de vie urbains…

Documentation

À défaut d’une documentation accessible en français les sites internet sont incontournables. Au-delà des articles « Wikipedia » sur la Basse Silésie, Wrocław, les PKP on peut consulter avec profit :
Si on est amateur de matériel ferroviaire urbain on peut se référer à deux sites complémentaires :
Nous n’avons pas pu encore identifier des associations poursuivant des objectifs semblables à ceux de l’ANDE et de la FNAUT (fédération nationale des associations d’usagers des transports) et toute piste en la matière est bienvenue.

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