Notes
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[1]
« Jouer la carte Atoubus pour favoriser la mobilité urbaine », La Gazette, 19 septembre 2011.
-
[2]
Voir les documentations produites alors par le Sytral et « Jouer la carte Atoubus pour favoriser la mobilité urbaine ? », La Gazette, 19 septembre 2011.
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[3]
« “Il n’y a eu aucune concertation sur les attentes des habitants en amont” », Le Progrès, 30 août 2011.
-
[4]
« Refonte du réseau de surface Atoubus. Éléments d’analyse » (http://www.lyon-en-lignes.org, consulté le 22 octobre 2012).
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[5]
« La promesse d’un réseau de bus aux dessertes harmonisées pour 2011 », Le Progrès, 28 septembre 2011.
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[6]
« Atoubus : réseau restructuré, Lyonnais bien organisés » (http://www.lyon-info.fr, consulté le 22 octobre 2012).
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[7]
Des prolongements de lignes dans le Sud-Ouest parisien ont conduit à des remaniements assez importants de plusieurs lignes de métro en 1937.
-
[8]
Voir Offner (J.-M.) & Sander (A.), Les Points-Clés d’Autrement Bus, des théories à la pratique. Analyse de la mise en œuvre d’une innovation à la RATP, Paris, RATP, 1990.
1L’autobus souffre généralement de son absence d’infrastructure, qui lui vaut d’être considéré comme une solution de second choix, notamment dans les agglomérations dotées de réseaux ferrés (métro ou tramway). Cette perception, partagée par différents cercles – des voyageurs aux élus et techniciens – se trouve contrebalancée par la souplesse que cette absence d’infrastructure confère justement à un réseau d’autobus. Une absence qu’il convient évidemment de relativiser, aussi bien en raison des logiques de dépôts ou de pôles multimodaux que du développement d’itinéraires aménagés, en particulier des couloirs réservés et sites propres.
2De ce point de vue, le cas lyonnais présente un intérêt tout particulier, puisque cette agglomération a utilisé cette souplesse pour profondément restructurer son réseau d’autobus à l’été 2011. L’opération, baptisée Atoubus, a consisté à remanier l’ensemble du réseau tout en faisant évoluer les principales caractéristiques de l’offre, comme la fréquence, l’amplitude horaire, le type de matériel, les numérotations, etc. Elle révèle ainsi la façon dont on conçoit aujourd’hui ce que doit être une offre de surface dans une agglomération où les principaux systèmes de transport classiques sont présents. Mais au-delà de sa mise en œuvre propre, cette révolution pose également différentes questions au monde des transports urbains et interroge les rapports entre transport et urbanisation en les plaçant dans une échelle de temps qui diffère de celle quotidienne de l’exploitation.
Une opération longuement préparée
3C’est en 2009 que l’idée du projet Atoubus est rendue public par le Sytral. Les échos dans la presse font alors mention d’un projet de restructuration du réseau de surface de l’agglomération dont l’objectif est de proposer un réseau hiérarchisé et simplifié dans lequel des lignes principales offriraient une fréquence élevée à l’aide de matériel articulé. Si l’idée est également d’accroître la longueur des couloirs réservés, les projets n’envisagent pas initialement l’augmentation de la longueur des lignes.
4Pourquoi un tel projet ? L’objectif est en réalité multiple. Il s’agit d’abord d’adapter l’offre de surface aux nouveaux modes de vie. À Lyon comme ailleurs, les pratiques des voyageurs ne sont plus celles qui prévalaient jusqu’aux années 1990. Les heures creuses se remplissent, notamment sous l’effet du travail à temps partiel ; la demande pour des services plus tardifs le soir se renforce ; les motifs de trajets se diversifient. Ainsi, les trajets domicile-travail ou domicile-études ne représentent plus que 37 % du total [1]. Il s’agit ensuite de mieux suivre les lignes directrices d’une agglomération dont les équilibres ont évolué : améliorer la desserte des zones périphériques et des pôles majeurs fréquentés de façon toujours plus intense par la population lyonnaise, etc. Enfin, l’opération vise aussi une meilleure intermodalité avec les autres systèmes collectifs de transport notamment les tramways et les TER, dont l’offre se veut innovante en région Rhône-Alpes et sur le territoire lyonnais en particulier.
5Moins présent initialement, un autre objectif – améliorer l’attractivité du réseau d’autobus en vue de susciter un report modal depuis l’automobile – se fait de plus en plus net avec l’avancement du projet, jusqu’à devenir l’un des points majeurs de la communication en 2011. Il correspond néanmoins aux tendances générales partagées par les acteurs du monde des transports urbains à Lyon comme ailleurs et notamment inscrites dans les documents de planification.
6Enfin, un objectif s’est dessiné au fil de la concertation et de la réflexion engagée en amont d’Atoubus, celui d’augmenter l’offre kilométrique. Finalement, le réseau remodelé propose 3 millions de km supplémentaires par an, soit une hausse de 8%. Lors de la mise en œuvre de l’opération cette augmentation devient même un argument principal affiché en faveur du projet, que ce soit pour justifier de l’embauche de nouveaux machinistes ou parce qu’un tel chiffre reflète de façon simple l’évolution d’un système nécessairement plus complexe à appréhender en termes spatiaux. L’idée est notamment centrale dans les discours de Bernard Rivalta, président socialiste du Sytral, et finit même par résumer l’opération dans des publications professionnelles et promotionnelles [2].
Inertie et restructuration
7Une fois identifiés les dysfonctionnements, qui se lisent à l’aune des objectifs déclinés préalablement, le Sytral et son concessionnaire Keolis ont eu l’ambition de mettre en œuvre une restructuration d’envergure qui n’était pas sans risque. En effet, Lyon est une agglomération millionnaire dont le réseau de surface reflète l’importance démographique, l’extension géographique et l’intensité des échanges qui se font sur son territoire.
8Bien que n’étant qu’un des supports de la mobilité lyonnaise – à hauteur d’environ 38% des déplacements en transports collectifs pour l’autobus avant l’opération Atoubus – le réseau de surface accueille effectivement 650 000 voyageurs par jour, ce qui en fait le deuxième réseau français, loin devant ceux de Lille et Marseille et derrière celui de la région parisienne. La ligne C3, exploitée par trolleybus, est même la plus chargée de France (55 000 voyageurs par jour), devant les lignes d’autobus parisiennes. La conduite du millier de véhicules qui parcourent les 132 lignes que compte le réseau avant la restructuration est assurée par plus de 2000 conducteurs. Le réseau lui-même compte plus de 4700 points d’arrêt répartis sur 65 communes. Le poids de l’exploitation est donc fort et les enjeux se comprennent à l’échelle d’un territoire métropolitain qui entend compter dans l’espace européen.
9D’un autre point de vue, l’importance de ce réseau explique également l’inertie de sa configuration. Elle a conduit justement à la constitution d’un réseau dont la lisibilité s’est affaiblie. La succession de modifications locales sans cohérence particulière entre elles a en effet conduit à brouiller les cartes. Antennes et terminus partiels s’étaient ainsi multipliés au fur et à mesure des besoins et contraintes de l’exploitation.
10La dernière grande restructuration du réseau remontait effectivement à 1978, lors de l’inauguration du métro et juste après la mise en place des premiers couloirs réservés aux autobus. D’autres, de moindre ampleur, l’avaient amendée : en 1991 lors de l’ouverture de la ligne D du métro, en 1997 pour son prolongement et en 2001 avec l’ouverture des premières lignes lyonnaises de tramway. C’est donc une opération sans précédent depuis plus de 30 ans que le Sytral et Keolis ont engagé entre 2009 et 2011.
La restructuration en détails
11Atoubus concerne l’ensemble des lignes du réseau, même si certaines demeurent inchangées, et en propose une hiérarchisation, présentée comme un objectif mais qui peut se comprendre aussi bien comme un outil. Au sommet de la hiérarchie, les lignes fortes C1, C2 et C3 – exploitées par des trolleybus – sont complétées par 23 autres lignes qui constituent le réseau des lignes majeures, identifiées par la lettre C. Elles offrent des relations entre les grands secteurs de l’agglomération et proposent des correspondances avec le réseau ferré. Leur fréquence est élevée (8 à 10 minutes d’intervalle) et constante au long de la journée, de 7h à 20h, de même que pendant les petites vacances scolaires et une partie de l’été. Exploitées par matériel articulé ou par trolleybus, elles ont pour ambition de drainer un fort flux de voyageurs.
12Des lignes complémentaires viennent affiner la desserte proposée par le réseau et assurer des services spécifiques. Les 15 lignes identifiées par la lettre S – comme Soyeuses – sont des lignes de proximité, assurant une desserte de commune ou d’arrondissement. Les 6 lignes identifiées par l’indice ZI – comme Zones industrielles – assurent en semaine la desserte de pôles d’emplois, notamment en correspondance avec le réseau ferré. Parmi les lignes GE – comme Gar’Express – 6 voient leur tableau de marche calé sur les TER afin de relier les zones d’emploi ou d’habitat aux gares périphériques. En revanche, 2 autres assurent une desserte du parc Techlid situé dans l’Ouest lyonnais, selon un principe d’itinéraire commun menant à la zone d’activité où une desserte à la demande est alors offerte. Atoubus voit également la mise en place d’un service de transport à la demande, Résago, dont les horaires, itinéraires et arrêts sont fixes mais qui circulent sur réservation la veille du voyage. Enfin le service de nuit est maintenu : 4 lignes partent de la zone des Terreaux pour permettre des mobilités nocturnes à partir de l’hypercentre lyonnais et sont notamment fréquentées par les étudiants de Villeurbanne et de l’Ouest de l’agglomération.
13D’un point de vue spatial, l’accent est mis sur la desserte des principaux pôles de l’agglomération : espaces commerciaux, lieux d’activité, hôpitaux, campus universitaires, etc. Des lignes transversales, au nombre de 17, ambitionnent également de proposer des liaisons directes de périphérie à périphérie et de rompre ainsi avec la logique centre-périphérie qui jusque-là marquait fortement le réseau. Atoubus crée également 230 points d’arrêt nouveaux.
14Pour assurer ce nouveau service, d’importants investissements ont été réalisés. Le parc a été accru de 16 Citelis articulés en 2009, puis de 79 autres en 2010. Construits par Irisbus à Annonay, en région Rhône-Alpes, ils présentent notamment une augmentation des surfaces vitrées, spécialement étudiée pour ce marché. Au coût de ces nouveaux véhicules – 36 millions d’euros – sont venus s’ajouter la nécessaire adaptation des dépôts – 14 millions d’euros – et les aménagements de voirie réalisés à l’occasion – 6 millions d’euros. La longueur des couloirs réservés et bandes cyclables a effectivement été accrue par l’opération Atoubus. Le surcoût de fonctionnement lié à l’offre supplémentaire est estimé à 20 millions d’euros par an. Enfin, l’effectif des conducteurs a été accru d’environ 10% par l’embauche de 250 nouveaux employés.
La nuit du 29 août et sa préparation
15Conformément aux annonces faites plus d’un an auparavant, Atoubus fut mis en place au cours de la nuit du 29 août 2011. La concrétisation de l’opération n’a semble-t-il pas posé de souci majeur, notamment du fait du lourd travail produit en amont. Du côté de l’exploitant, seules quelques erreurs de parcours commises par les machinistes sont à noter. Du côté des voyageurs, les inquiétudes étaient plus fortes, mais le dispositif mis en place pour l’information sur le terrain – notamment 80 stands disséminés dans l’agglomération, 400 employés mobilisés, le centre d’appel des TCL, etc. - a permis de répondre aux multiples questions.
16Toutefois, dès le premier jour, la presse se fait l’écho de remarques négatives, notamment sur le manque de concertation en amont [3]. Le nouveau réseau s’avère effectivement moins pratique pour certains voyageurs, ce qui est difficilement évitable. Il convient également de faire la part de la réticence au changement. Celle qui touche les utilisateurs et qui s’exprime alors, comme celle qui alimente la représentation des opérateurs, souvent enclins à éviter toute restructuration par peur de perdre les voyageurs, aux habitudes réputées ancrées. Dans le cas d’Atoubus ce dernier sentiment n’est toutefois pas perceptible dans la mesure où Keolis a travaillé avec le Sytral à la définition et à la mise en œuvre de l’opération. En revanche, la réticence directe de certains usagers n’a probablement pas été immédiatement levée, malgré un travail de longue haleine.
17Une fois les premières bases du projet annoncées, une consultation s’est déroulée de l’automne 2009 au printemps 2010, auprès des élus et techniciens, selon une logique de secteurs géographiques. Le projet a alors pu être affiné, avant d’être présenté jusqu’à l’automne 2010, toujours par secteur auprès d’un public le plus large possible, notamment par des véhicules sillonnant l’agglomération. Les modifications ne pouvaient plus alors qu’être faites de façon marginale. La dernière phase, de l’automne 2010 à l’été 2011, fut une phase d’information sur le projet définitif et de préparation en interne. Il est donc difficile de soutenir qu’Atoubus est une décision décrétée d’en haut ; mais elle a associé des échelons intermédiaires à la définition du projet lui-même, et non les habitants au sens large.
18Il convient toutefois de souligner que, simultanément, l’espace public s’est emparé des débats sur l’opération envisagée puis concrétisée. À l’heure des nouveaux médias, Atoubus a ainsi dû naviguer dans un monde où se côtoient formes anciennes et formes nouvelles de communication, ce qui pose la question de l’expertise et de son statut. Les voies traditionnelles ont tenu un rôle important, notamment par le biais d’articles concernant des zones géographiques précises, comme ceux du Progrès. Les demandes exprimées y furent généralement contradictoires, à l’exception de la demande consensuelle de hausse des fréquences et de baisse des tarifs ! Les associations se sont également mobilisées, celles favorables aux transports publics soutenant l’esprit général du projet tout en réclamant que soit poussée plus loin la logique de priorité accordée aux autobus et de coordination avec les autres modes.
19Mais des voix nouvelles, comme Lyon capitale, ont également porté le débat en ligne, en ouvrant ainsi la porte aux réactions et autres commentaires rendus possibles par le monde virtuel. Le site Lyon en lignes s’est aussi particulièrement distingué. Spécialisée dans les transports lyonnais, cette structure collaborative a effectivement produit un document technique assez fouillé qui défend une position critique sur l’opération Atoubus [4]. Tout en saluant sa nécessité, il en pointe les manques, comme l’absence de réel cadencement, et appelle à des prolongements, notamment sur les autres réseaux.
Discours sur l’autobus
20L’opération Atoubus se joue donc également dans les discours. De ce point de vue, le Sytral répète que la restructuration se fonde sur une analyse des pratiques et des attentes des voyageurs, conduite sur le long terme. Mais les discours doivent également montrer l’innovation. Ainsi, Michèle Vullien, élue au comité syndical du Sytral, peut-elle affirmer qu’« il faut en finir avec la culture de la non-rupture de charge [5] ». Une ambition intéressante quand on sait à quel point la rupture de charge peut être perçue comme dommageable, par l’opérateur comme par le voyageur. Mais également une nécessité imposée par la logique nouvelle du réseau, laquelle entend permettre des correspondances entre lignes de surface et intermodales. Une façon également d’assumer le fait qu’Atoubus coupe certaines lignes, comme la 27 (Cordeliers – Laurent-Bonnevay) et, en concentrant les arrêts, impose des correspondances en partie nouvelles.
21Mais Atoubus marque également une autre évolution dans le discours porté sur les transports en commun. Quand Lyon a bâti sa réputation récente sur sa dynamique en matière de tramway ou de vélo en libre-service, l’autobus paraît dès lors en mesure, d’une part, de susciter de l’intérêt dans une ville dotée d’une large palette de systèmes collectifs et, d’autre part, de renforcer la réputation d’une agglomération qui entend se montrer dynamique dans le domaine des transports. Jean-Louis Touraine, premier adjoint au maire de Lyon, déclare ainsi qu’« il faut que le bus soit plus rapide et confortable que la voiture [6] ». Injonction qui eût paru bien utopique il y a quelques années encore.
22Cet intérêt, voire cette confiance, portés sur l’autobus s’inscrivent dans une tendance qu’il est possible de déceler à l’échelle nationale. Alors que les principales agglomérations françaises se sont toutes dotées de tramways, l’autobus revêt de nouveaux avantages. Que ce soit pour les villes n’ayant pas les moyens de financer un tramway ou pour celles dont les tracés possibles ont déjà été équipés, le tramway ne fait plus figure de seule voie de salut. Des projets novateurs, comme le Busway nantais, ont ouvert la voie dans ce sens. À Lyon, il ne s’agit même plus de réellement créer une nouvelle ligne visible d’autobus plus ou moins équipée, mais bien de profiter de la capillarité offerte par ce mode pour rénover le réseau à l’échelle de l’agglomération. L’attachement à l’objet est toutefois encore perceptible dans la mise en avant des nouveaux matériels articulés Citelis, qui ne constituent pourtant qu’environ 10% du parc.
23Mais la focalisation sur l’autobus et sur la nécessité de faire évoluer un réseau vieilli ne doivent pas masquer l’idée que d’autres amendements aux réseaux lyonnais sont peut-être souhaitables, même si moins envisageables. Les propositions de moderniser l’offre de métro ou de tramway, rassemblées sous les noms Atoumétro et Atoutram, n’entendent ainsi pas remanier les infrastructures elles-mêmes, sinon à la marge pour le tramway. Si l’autobus est concerné, c’est aussi qu’il est le seul pour lequel les modifications d’itinéraires semblent envisageables. Rappelons pourtant que même le métro parisien a connu des restructurations de lignes dans les années 1930, faisant ainsi preuve d’une forme de souplesse oubliée [7].
Mises en perspective
24Le parallèle parisien est ici intéressant, sinon par son métro du moins par ses transports de surface. Le réseau d’autobus intra-muros, qui compte environ deux fois moins de lignes que le réseau du Sytral, est en grande partie l’héritier de la grande réforme qui a eu lieu à la Libération, il y a près de 70 ans maintenant. Cette réorganisation, qui a vu l’autobus inféodé aux modes ferrés et son réseau restructuré selon une logique de pôles, a été rendue possible par la suspension quasi complète des services pendant la guerre. Seule cette situation exceptionnelle a permis de sortir des débats récurrents des années 1930 portant sur la rationalisation d’un réseau superposant lignes d’autobus et anciennes lignes de tramways exploitées par des autobus. Cette réforme n’était déjà que la première d’ampleur importante depuis le milieu du XIXe siècle, lorsque fut instauré un opérateur unique, chargé en 1855 d’exploiter un réseau de 25 lignes d’omnibus.
25Le réseau parisien intra-muros n’a donc connu que deux restructurations principales en presque deux siècles d’existence. En banlieue, l’opération Autrement Bus, engagée dans les années 1980, a permis une restructuration des lignes par secteurs géographiques successifs, autour de la notion de pôles, sur un territoire ayant autrement plus évolué que le tissu parisien, dont les équilibres, notamment démographiques, ne sont pourtant pas figés [8]. Les dernières grandes évolutions du réseau parisien intra-muros n’ont donc pas eu l’ampleur d’Atoubus. La mise en place des lignes Mobilien, au cours de la décennie 2000, s’est opérée ligne par ligne, même si des convergences ont pu être trouvées, notamment par l’équipement d’axes communs en couloirs protégés et par le réaménagement de pôles. Pour leur part, les lignes secondaires n’ont pour l’essentiel pas été modifiées.
26Autre horizon pour une comparaison, les autres agglomérations françaises présentent un réseau de métro soit inexistant soit peu comparable dans son ampleur et son efficacité avec celui de Lyon. Cette dimension est à souligner mais ne peut que renforcer l’intérêt porté au réseau d’autobus dans ces villes. L’arrivée d’un tramway y suscite généralement une réorganisation des lignes d’autobus, ce qui peut même donner lieu à une rénovation de l’image de l’autobus, par exemple par une livrée nouvelle, comme ce fut le cas à Reims. À Dijon, la restructuration du réseau d’autobus a même anticipé l’arrivée du tramway, puisqu’en juillet 2010 de premières modifications ont été apportées au réseau afin de permettre les travaux du projet de tramway lui-même. À Grenoble comme à Lille, une restructuration d’ampleur du réseau d’autobus est engagée. Mais ces deux villes ont fait le choix d’étapes successives étalées sur trois ans, sans faire le pari du changement du jour au lendemain qu’a constitué Atoubus.
Conclusion
27Les objectifs chiffrés d’Atoubus étaient une augmentation de la fréquentation de 3 à 4% par an, jusqu’à atteindre une part modale des transports en commun de 33 % en 6 ans, quand elle n’était que de 21 % avant l’opération. Autre objectif, le report modal fait plus figure d’incantation, ce dont témoigne le slogan « A vous de jouer » retenu par la communication de l’opération à destination des habitants de l’agglomération. L’évaluation d’Atoubus est en cours et l’horizon des objectifs de même que l’inertie caractéristique du monde des transports conduisent à ne pas tirer de conclusions trop hâtives sur l’effet de cette restructuration.
28Soulignons plutôt l’originalité d’une opération qui remanie un réseau sans qu’une infrastructure nouvelle vienne le nécessiter. Mais quelle sera la pérennité des principes sous-jacents d’Atoubus ? La hiérarchie des lignes sera-t-elle souple pour suivre les déplacements d’équilibre que peut connaître la fréquentation ? La simplicité des itinéraires résistera-t-elle à la tentation d’ouvrir des antennes et de créer des terminus partiels, au gré de l’évolution du tissu urbain ?
29Enfin, du point de vue théorique, cette opération permet de poser de nouveau une question ancienne, celle des interactions entre urbanisme et transport. La nécessité de procéder à Atoubus ne validerait-elle pas l’idée que l’autobus n’oriente ni les pratiques ni l’urbanisme, mais qu’il n’est qu’un mode suiveur, du moins dans un contexte multimodal ?
Notes
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[1]
« Jouer la carte Atoubus pour favoriser la mobilité urbaine », La Gazette, 19 septembre 2011.
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[2]
Voir les documentations produites alors par le Sytral et « Jouer la carte Atoubus pour favoriser la mobilité urbaine ? », La Gazette, 19 septembre 2011.
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[3]
« “Il n’y a eu aucune concertation sur les attentes des habitants en amont” », Le Progrès, 30 août 2011.
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[4]
« Refonte du réseau de surface Atoubus. Éléments d’analyse » (http://www.lyon-en-lignes.org, consulté le 22 octobre 2012).
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[5]
« La promesse d’un réseau de bus aux dessertes harmonisées pour 2011 », Le Progrès, 28 septembre 2011.
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[6]
« Atoubus : réseau restructuré, Lyonnais bien organisés » (http://www.lyon-info.fr, consulté le 22 octobre 2012).
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[7]
Des prolongements de lignes dans le Sud-Ouest parisien ont conduit à des remaniements assez importants de plusieurs lignes de métro en 1937.
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[8]
Voir Offner (J.-M.) & Sander (A.), Les Points-Clés d’Autrement Bus, des théories à la pratique. Analyse de la mise en œuvre d’une innovation à la RATP, Paris, RATP, 1990.