1Les gares sont au cœur de l’urbanisme, comme elles le furent souvent aux sources du chemin de fer, mais alors toujours au bord des villes déjà faites. Elles sont désormais un point focal du projet d’urbanisme dans la ville dense aussi bien que dans ses franges et sa couronne périurbaine. Mais pour des raisons qui ne relèvent pas de la même logique.
2Dans la ville dense qui les a absorbées, elles sont l’un des lieux de convergence de flux, lui-même intégré à des quartiers urbains qui accumulent habitat et emplois, équipements publics et services. C’est-à-dire un lieu où s’additionnent la haute accessibilité et l’intensité de la vie urbaine, un lieu où s’empilent le centre urbain, le nœud de réseau et le pôle attractif. Le renouveau du rail, combinant la grande vitesse nationale et internationale et des dessertes régionales dont la fréquence est désormais élevée, voire cadencée, fait des gares des centres de la convoitise, offrant du foncier et des promesses d’immobilier et de services dont l’exploitant ferroviaire entend tirer parti, en France comme ailleurs en Europe, en Allemagne notamment.
3Mais comme le montrent plusieurs exemples étrangers, la fonction ferroviaire risque à ce « jeu de la meilleure place » de se marginaliser dans un espace de commerces et de bureaux dont elle aura offert l’opportunité en se retirant elle-même aux marges de ces hauts-lieux métropolitains de nouvelle génération, associant la fonction économique à l’échelle du continent à l’économie résidentielle du quartier urbain. Au risque, aussi, d’assécher la vie urbaine de proximité, diffusée au fil des espaces publics ? La logique des gares ne regarde pas que le seul exploitant ferroviaire : c’est une question d’urbanisme au sens large. Gares en ville, ville en gare, qui serait opposé à une telle intégration ? Mais les termes de l’équation sont-ils équilibrés ? À suivre, donc …
4Aux franges des agglomérations et dans les couronnes périurbaines, les gares relèvent d’une autre logique : en faire, par densification des alentours, des points d’entrée dans le système urbain polycentrique qui émerge partout dans les aires métropolitaines de quelque importance, un système qui repose sur une accessibilité élevée entre pôles.
5Cette fois, les espoirs placés dans la densification autour et à partir des gares relèvent directement du registre du développement urbain durable. On en attend la création d’un système de mobilité fondé largement sur la combinaison du mode ferroviaire et des modes actifs, la marche et le vélo, comme alternative compétitive à l’usage exclusif de la voiture particulière.
6Les quartiers de gares ne peuvent pourtant prétendre constituer un modèle d’extension urbaine durable qu’à la condition d’offrir, de gare en gare, à la fois habitat et emploi. La poursuite de la dispersion, tantôt de la résidence, tantôt de l’emploi, risque de faire des points denses fixés par les gares des lieux de dissémination ou d’attraction diffuse des navetteurs, indifférents à l’offre ferroviaire parce que les lignes et du même coup les trains ne conduisent pas là où sont soit l’emploi soit l’habitat.
7Les conditions à réunir pour que la densification autour des gares soit efficace en termes d’accessibilité alternative à la route sont donc multiples et ne peuvent être considérées qu’à l’échelle de l’aire métropolitaine. Est-ce bien le cas ? Faute d’une conception de la « ville des bordures » à la bonne échelle, les vertus de la densification autour des gares pourraient s’évaporer au gré de l’expérience. À suivre, donc …