Couverture de TURB_106

Article de revue

Une réussite de l’articulation urbanisme-transport : la Toison d’Or à Dijon

Pages 25 à 31

Notes

  • [1]
    Pour plus de détails sur cette section, se référer au document suivant : Aménagement d’une entrée de ville - Avenue de Langres, documentation de l’Agence Intercommunale d’Urbanisme du District de l’Agglomération Dijonnaise, octobre 1995 (15 pages).
  • [2]
    Beauvais-Consultants : Distribution des biens de consommation et usage de la voiture particulière pour motif “achats” dans les agglomérations françaises, Rapport Final DRAST-PREDIT-METL, février 2003, 134 pages. Joachim Broomberg : “La Mobilité pour achats vue par les enquêtes globales de transport en Ile-de-France”, Transports Urbains n°105, Octobre-Décembre 2003, 2 pages.
  • [3]
    Voir “Divia, votre nouveau réseau de bus”, Dossier Le Grand Dijon N°5 (magazine d’information de la Communauté de l’agglomération dijonnaise, téléchargeable sur Internet à l’adresses suivante : http://www.grand-dijon.fr) et voir aussi le Site Internet du nouveau réseau : http://www.divia.fr

1Le mode d’intégration urbaine du centre commercial de la Toison d’Or à Dijon et sa desserte par les transports collectifs en font un cas d’école quasiment unique en France, eu égard à la taille de l’agglomération, de l’ordre de 250 000 habitants, et à l’ancienneté de sa conception, qui date du début des années quatre-vingt. En première approche, ce centre ne déroge pourtant pas aux logiques classiques d’implantation des centres commerciaux périphériques français. Localisé aux franges de l’agglomération, à la croisée d’une grande radiale et de la rocade qui ceinture la ville par l’Est, il est doté d’un gros hypermarché, d’une importante galerie marchande, mais aussi d’une piscine et d’un hôtel.

2Si sa localisation aux franges de l’agglomération est classique, le traitement des accès en voiture, à pied et en transports publics ne l’est pas. Alors que la plupart des centres commerciaux périphériques sont conçus pour la voiture sans beaucoup de considération pour les piétons ou les usagers des transports collectifs, la Toison d’Or est reliée au centre de la ville de façon très directe par les transports en commun, et notamment par une ligne partiellement en site propre. Les aménagements destinés aux piétons sont également particulièrement étudiés.

3Par ailleurs, tandis que la plupart des centres commerciaux sont conçus comme des îles monofonctionnelles reliées à leur environnement urbain par un système complexe de voies routières et des parcs de stationnement étendus en larges nappes, le centre commercial de la Toison d’Or a été pensé dans une logique urbaine. Il s’inscrit dans une programmation liée à la culture et aux loisirs (centre aquatique, parc paysager, Zénith) et l’une de ses façades s’ouvre sur une esplanade d’où l’on peut aussi accéder, à pied, à un parc paysager, à des quartiers d’habitation et au terminus du site propre pour autobus.

4C’est grâce à une volonté politique forte et à la capacité à construire des partenariats solides que l’agglomération de Dijon a pu intégrer un centre commercial au cœur d’un projet urbain, en veillant à ce que loisirs et culture complètent l’offre commerciale, et que les transports collectifs et la marche à pied puissent constituer une véritable alternative à la voiture particulière.

Un nouveau quartier urbain qui intègre d’origine centre commercial et transports collectifs

5L’agglomération dijonnaise compte 21 communes et 250 000 habitants. La densité moyenne de l’agglomération est de 1200 habitants/km2, ce qui correspond à la densité moyenne des 14 agglomérations françaises qui comptent entre 200 000 et 300 000 habitants. Le centre de la Toison d’Or est intégré aux Quartiers de Pouilly, à environ 3 kilomètres au nord du centre-ville, aux franges de l’agglomération.

Fig.1

L’agglomération du Grand Dijon et, au nord, les Quartiers de Pouilly

Fig.1

L’agglomération du Grand Dijon et, au nord, les Quartiers de Pouilly

(Source : Communauté d’agglomération du Grand Dijon).

De “l’entrée de ville” au quartier urbain

6La zone de Pouilly, située au nord de Dijon de part et d’autre de la RN 74, avait été réservée de longue date par le District de l’agglomération en vue de l’urbanisation future [1]. La route nationale qui traversait la zone était avant tout perçue comme un obstacle à l’urbanisation des quartiers à construire : flux de véhicule importants, vitesse, bruit, pollution, difficultés de franchissement. Une déviation de cette nationale vers l’ouest, en vue de contourner la future zone à urbaniser, a été envisagée dans les années 1970. En 1983, une nouvelle phase de réflexion sur l’urbanisation de cette zone est engagée, avec un parti pris différent : la RN 74 peut être requalifiée en boulevard urbain et devenir un atout dans la desserte du secteur à urbaniser. C’est alors la naissance de l’avenue de Langres et du projet de création d’un site propre pour autobus de 1,5 km de long traversant les futurs quartiers.

Fig.2

Les quartiers de Pouilly à Dijon en 1984 et en 2004

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Les quartiers de Pouilly à Dijon en 1984 et en 2004

(Source : Communauté d’agglomération du Grand Dijon).

7Les principes d’aménagement de l’avenue ont été intimement liés aux principes d’urbanisation du futur secteur. Il s’agissait de faciliter l’accessibilité et la sécurité des différents modes de déplacement, d’où la création du site propre, de voies cyclables, de larges trottoirs : 60 % de l’espace n’est pas livré à la circulation des voitures particulières. Une attention particulière a été portée à la qualité architecturale et paysagère, ainsi qu’aux différentes séquences du paysage urbain (passage progressif de l’espace naturel à l’urbain dense). Dans le souci de contrôler l’évolution future en amont et en aval de la RN 74, la ville de Dijon s’est assuré la maîtrise foncière des terrains de part et d’autre de la RN 74 jusqu’à 1500 m au nord des quartiers à créer. Cette requalification de la route nationale a été saluée et la Ville de Dijon a été lauréate en novembre 1996 du Palmarès National des Entrées de Villes, organisé par le Ministère de l’Equipement, pour son aménagement de l’avenue de Langres.

8L’urbanisation de la “zone de Pouilly” (qui deviendra les “Quartiers de Pouilly”) est le plus important projet urbain jamais engagé par la Ville (240 ha). Le plan conçu en 1983 était avant tout un “schéma directeur” consistant à dessiner l’espace public et à créer une trame orientée dans laquelle les différents programmes pourront ensuite être adaptés au fil du temps (15 à 20 ans).

9Le plan d’urbanisme initial prévoit quatre grands quartiers, deux d’activités économiques et de loisirs au nord et deux quartiers plutôt destinés à l’habitat au sud. Les objectifs de la municipalité consistent à la fois à permettre le développement d’une zone d’accueil d’envergure pour les activités tertiaires et de recherche, ainsi qu’un complexe de commerces et de loisirs, à répondre aux besoins de la population en termes d’habitat et d’emploi, et à structurer l’entrée nord de la ville en évitant une urbanisation anarchique en bordure de la RN 74.

Un boulevard urbain et un site propre pour structurer les quartiers de Pouilly

10Le site propre pour autobus et le complexe commercial de la Toison d’Or constituent deux éléments structurants du projet et ont été parmi les premiers réalisés. Le parc technologique, au nord-ouest de la zone, a été opérationnel dès 1986, le complexe de la Toison d’Or et le site propre pour autobus ont été inaugurés en 1990. La construction des quartiers se réalise progressivement depuis 1986 et la dernière tranche des réalisations est prévue à l’horizon 2005-2006. Une synergie intéressante a été trouvée dans la création conjointe du site propre et du complexe de la Toison d’Or. Alors que les quartiers d’habitation vont mettre des années à se constituer, le centre commercial est rapidement sorti de terre, et ce gros générateur de trafic a permis de rendre tout de suite exploitable le site propre pour autobus. Une fois ces deux éléments mis en place, l’urbanisation s’est progressivement développée en “habillant” ce squelette.

11Le complexe de la Toison d’Or est une zone de 56 hectares qui se compose de deux pôles, le centre commercial et un parc paysager de 12 hectares. Le parc urbain avait initialement été conçu comme un parc récréatif payant et confié à la Lyonnaise des Eaux, mais celle-ci s’est désengagée après deux ans, et la ville en a fait un parc gratuit.

Fig.3
Fig.3
La RN 74 en 1984, le profil en travers de l’avenue de Langres, et une photo de l’avenue de Langres aujourd’hui.
(Source : Communauté d’agglomération du Grand Dijon)

12Le centre commercial est un équipement d’envergure régionale, avec 56 000 m2 de surface commerciale, 130 boutiques, 8 moyennes ou grandes surfaces et plusieurs restaurants. En outre, le centre commercial est doté d’activités de loisirs et de culture. Il abrite un centre aquatique avec piscine à vague et plage couverte, un fitness club et un hôtel trois étoiles. Le centre accueille 8 millions de visiteurs par an et produit un chiffre d’affaire de 343 millions d’euros (ce qui le place, à titre indicatif, au rang des dix plus grands centres commerciaux d’Ile-de-France).

13Le complexe de la Toison d’Or, réalisé rapidement après le lancement du projet urbain, en constitue une pièce maîtresse. En alliant commerce et loisirs à proximité d’un lieu de détente de qualité, il contribue à rendre attractif ces nouveaux quartiers périphériques, aussi bien pour les développeurs et investisseurs que pour les futurs habitants.

14Le site propre pour autobus joue un rôle central à plusieurs titres. Tout d’abord sur un plan géographique, il trace un axe de desserte au milieu des Quartiers de Pouilly. Par ailleurs, le site propre accompagne le réaménagement de la RN 74. Il contribue à requalifier ses rives et participe à la création d’un boulevard urbain propice à l’urbanisation. Enfin, le site propre relie le pôle attractif du complexe de la Toison d’Or au centre-ville, moyennant un temps de parcours de 15 minutes tout au plus.

Accéder au centre commercial par les transports collectifs

15Alors que dans la majorité des cas, la desserte des centres commerciaux par les transports collectifs peut être considérée comme minimale voire nulle, avec des arrêts de bus rejetés de l’autre côté d’une voie rapide ou à l’extrémité des zones de stationnement, ce qui contraint les piétons à un véritable parcours d’obstacle, la situation est bien différente à la Toison d’Or. Cette fois, c’est aux transports publics que l’on a donné la meilleure part : la longueur du cheminement nécessaire à un usager des transports collectifs pour atteindre à pied la galerie marchande est d’environ 100 mètres, soit 1,5 minute de marche, ce qui est plus court que pour la moitié des places des parcs de stationnement. En outre, le cheminement s’effectue dans un espace public de qualité.

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À l’arrivée, les usagers évoluent dans un espace dédié aux piétons.
(Photo J. Broomberg).
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Les piétons débouchent sur un vaste esplanade. Les restaurants ont des terrasses de part et d’autre de la porte d’accès au centre commercial.
(Photo J. Broomberg).

16Au terminus, les piétons ne doivent pas faire face au flux des automobiles. Ils se meuvent dans un espace dédié aux transports publics et aux piétons. Les arrêts des deux lignes qui desservent le centre commercial (lignes 7 et 16) sont situés de part et d’autre d’une raquette dont le terre-plein est planté et où est également aménagée une aire réservée aux taxis. Les autobus y stationnent entre deux rotations ce qui permet d’attendre le prochain départ dans l’autobus. L’espace est conçu avec une attention particulière pour les piétons, jusqu’à la zone de dépose des chariots de l’hypermarché, située à 20 mètres de l’arrêt de l’une des lignes et à 50 mètres de l’autre. Le terminus débouche sur une vaste esplanade minérale en légers gradins qui permet d’accéder à la fois au parc paysager et à la porte du centre commercial (appelée “Marie de Bourgogne”). Le centre commercial ouvre sur cette esplanade une façade “urbaine” et des restaurants y ont installé leurs terrasses. Dans tout cet espace, point de voitures.

17Le site propre permet d’éviter la congestion automobile qui apparaît aux heures de grande affluence, vers 17h-18h les jours ouvrables et les samedis après-midi. Les comptages effectués par la DDE et le centre commercial montrent que 26 % des automobilistes arrivent au centre commercial par l’entrée nord du parking (l’entrée du périurbain), et 74 % par son entrée sud, proche de la ville. Le flux d’automobiles le plus important est celui qui provient de l’avenue de Langres par le sud, qui contribue à environ 50 % des trafics. La congestion est donc maximale entre les deux derniers ronds-points au sud-est du centre commercial. Le site propre est totalement dissocié de la circulation automobile dans le sens centre-ville – Toison d’Or, même pour franchir les deux ronds-points. Dans sa dernière portion, le site propre utilise un itinéraire distinct de celui des voitures qui se rendent au parking, et conduit les voyageurs vers la “façade urbaine” du centre commercial.

Fig.4

Le site propre pour autobus utilise un itinéraire dissocié de celui des automobiles qui se rendent aux parcs de stationnement, et le terminus donne directement accès à un hôtel, à l’entrée du parc paysager et à la porte du centre commercial, proche du centre aquatique et des restaurants

Fig.4

Le site propre pour autobus utilise un itinéraire dissocié de celui des automobiles qui se rendent aux parcs de stationnement, et le terminus donne directement accès à un hôtel, à l’entrée du parc paysager et à la porte du centre commercial, proche du centre aquatique et des restaurants

(Photo : Communauté d’agglomération du Grand Dijon retouchée par l’auteur).

18Outre l’intérêt d’éviter les embouteillages, cet itinéraire dissocié pour le site propre a permis l’aménagement du véritable petit pôle transports publics-piétons-taxis déjà décrit, dans cette zone soustraite aux flux des voitures.

Fig.5

Répartition des montées et descentes de la ligne 16 un jour ouvrable de semaine entre le centre-ville et la Toison d’Or

Fig.5

Répartition des montées et descentes de la ligne 16 un jour ouvrable de semaine entre le centre-ville et la Toison d’Or

(source STRD, juin 2004).

Le centre commercial, générateur de trafic pour le transport collectif

19Le “serpent de charge” de la principale ligne d’autobus (la 16), autrement dit le nombre de voyageurs présents dans les autobus entre deux arrêts, pour un jour ouvrable de semaine, montre que les deux plus gros points de montée et de descente de voyageurs sont le centre ville et la Toison d’Or. Avec plus de 2400 montées/descentes par jour, la Toison d’or représente 18,5 % du nombre quotidien moyen de voyageurs transportés sur la ligne 16 (environ 13 000 voyageurs/jour). Pour l’exploitant du réseau de transport public, la STRD, la Toison d’Or est un pôle générateur de trafic de bout de ligne qui contribue à rendre cette ligne de transport intéressante côté banlieue. En outre, par rapport à une desserte de type domicile-travail, le flux généré par le centre commercial est plus continu sur l’ensemble de la journée et permet de lisser la fréquentation des bus au cours de la journée. Le centre commercial sert en quelque sorte de “locomotive” à la ligne de transports publics.

Fig.6

Évolution des trafics annuels de voyageurs sur la ligne d’autobus 16, qui dessert le centre commercial de la Toison d’Or et, par comparaison, la ligne 12, une autre forte ligne du réseau. L’impact du quartier de Pouilly se fait sentir jusqu’en 1997, année à partir de laquelle la ligne 16 suit la tendance générale du réseau au déclin (1998 - 2002)

Fig.6

Évolution des trafics annuels de voyageurs sur la ligne d’autobus 16, qui dessert le centre commercial de la Toison d’Or et, par comparaison, la ligne 12, une autre forte ligne du réseau. L’impact du quartier de Pouilly se fait sentir jusqu’en 1997, année à partir de laquelle la ligne 16 suit la tendance générale du réseau au déclin (1998 - 2002)

(source STRD – juin 2004)

20La part modale des transports collectifs peut être évaluée grâce à plusieurs mesures. La première évaluation de cette part modale est donnée par une enquête-clients de 2002 réalisée pour le centre commercial par un bureau d’étude. Les part des différents modes sont les suivantes : 86 % pour la voiture particulière, 1 % pour les deux-roues, 2 % pour la marche à pied et 11 % pour l’autobus. Une deuxième évaluation de cette part modale peut être obtenue grâce aux comptages automatiques effectués à chaque porte d’entrée du centre commercial. Les clients qui franchissent la porte Marie de Bourgogne donnant sur l’esplanade piétonnière sont soit des clients venus à pied du voisinage, soit des clients venus en autobus. Un jour de semaine, sur un flux d’environ 19 000 clients, 12,6 % entrent par cette porte. Si l’on prend en compte le 1 % de clients venus à pied, on retrouve bien la part de 11 % des clients venus en autobus.

21Il n’existe pas d’étude exhaustive ou systématique sur le partage modal dans l’accès aux centres commerciaux. Néanmoins, les études monographiques existantes montrent que pour un centre commercial ou un hypermarché situé en périphérie de ville, en province, la part des automobilistes est de l’ordre de 95 %, la part des usagers des transports collectifs étant de l’ordre de 4% [2]. La part de 11 % obtenue ici par les TC représente donc au moins le double des moyennes généralement observées. C’est largement suffisant pour parler de réussite, s’agissant de lignes régulières d’autobus et non de navettes dédiées au centre commercial, ce qui aurait été le signe d’un échec de l’urbanisme, comme souvent ailleurs.

22Dans le contexte actuel des efforts engagés dans les plans de déplacements urbains pour réduire l’utilisation de la voiture particulière et accroître la part des transports publics, il est utile de souligner à travers cet exemple à quel point l’urbanisme détermine les conditions d’exploitation du transport public, son efficacité, et in fine son niveau d’utilisation par les habitants de l’agglomération. Pour un usager du transport public, n’est-il pas également important d’avoir une bonne fréquence de passage (un faible temps d’attente), une vitesse commerciale élevée (un temps de trajet réduit) et des espaces d’attente et des cheminements de qualité (qualité de l’attente et moindre pénibilité à l’arrivée) ? Or, qu’un seul de ces maillons manque à la chaîne et c’est l’ensemble de son voyage qui en sera pénalisé. Ici, le pari de l’interface entre urbanisme et transport public semble avoir été tenu : le site propre assure un temps de parcours faible ; les flux générés par le centre commercial permettent au transporteur de maintenir des fréquences élevées ; le terminus et les différents aménagements piétions facilitent l’utilisation du bus. Alors que d’autres lignes de bus ont vu leur fréquentation chuter de façon régulière d’environ 20 % entre 1989 et 2003, la ligne 16 a attiré de nouveaux clients.

Communauté d’agglomération et centre commercial : des intérêts bien compris

23La visite du centre commercial la Toison d’Or donne globalement l’impression d’une intégration urbaine réussie, impression communiquée par une conception globale, marquée par l’insertion du site propre et les aménagements côté esplanade, mais aussi par le traitement des parkings et une conception cohérente de l’ensemble des cheminements piétonniers, d’où qu’ils viennent.

24Les parkings sont construits sur deux niveaux et utilisent la topographie du site, de sorte que le niveau supérieur est au niveau des voies de dessertes et s’intègre plus facilement dans le paysage. Le niveau inférieur reçoit bien la lumière naturelle grâce à trois tranchées ouvertes. Ces tranchées correspondent au niveau inférieur à des allées plantées, dont les arbres émergent jusqu’à trois mètres au-dessus du niveau supérieur. Sur les deux niveaux, des cheminements piétons d’environ un mètre cinquante sont aménagés de part et d’autres de ces allées. Un cheminement qui longe le parking et permet d’atteindre la zone de bureau qui jouxte le premier rond-point a également été réalisé (Figure 13). Ces cheminements, même s’ils relèvent d’un vocabulaire routier, ont le mérite d’avoir été pensé au préalable de façon cohérente et conjuguent lisibilité et sécurité.

25Ces efforts d’intégration urbaine du centre commercial sont à mettre au crédit du dialogue qui a été noué entre l’agence intercommunal d’urbanisme, pilote du projet urbain, et Espace Promotion, qui a assuré la conception, la réalisation et qui aujourd’hui gère le centre commercial. La ville de Dijon, qui avait assuré la maîtrise foncière des terrains, a été en mesure de discuter pied à pied sur des éléments très précis du programme du complexe de la Toison d’Or (par exemple la hauteur des niveaux de parkings, les auvents qui améliorent l’impact visuel, les cheminements, les plantations d’arbres…). La municipalité a tracé des lignes directrices fortes et le promoteur de centres commerciaux a su voir l’intérêt de ce complexe novateur, alliant commerce, loisirs et espace récréatif, liant logique privée et logique publique d’aménagement, conçu tout à la fois pour la voiture et les transports publics sans contradiction. Espace Promotion a participé au financement du site propre à hauteur de 5,7 millions de francs, ce qui représente environ un sixième des investissements totaux du réaménagement de l’avenue de Langres.

figure im9
Allée plantée au niveau inférieur du parking et cheminements piétonniers.
(Photo J. Broomberg).
figure im10
Cheminement piétonnier entre la zone de bureaux et le centre commercial, côté parc de stationnement.
(Photo J. Broomberg).

26Aujourd’hui, face à la concurrence toujours plus féroce des autres grands pôles commerciaux périphérique, en particulier celui de Quetigny qui, à l’inverse de la Toison d’Or, est conçu sur le classique mais tristement efficace triptyque zone extensive-boites à chaussures-accessibilité automobile, le directeur du centre commercial sait que les transports publics, la programmation loisirs-culture et l’image qualitative de son centre sont des atouts pour rester attractif.

Et demain ? Potentialités et incertitudes

27Bientôt quinze ans après l’inauguration du centre commercial et la mise en service du site propre pour autobus, le site va connaître plusieurs évolutions, notamment par la création d’un Zénith à l’est du parc urbain, d’une zone d’activité au nord de la Toison d’Or au-delà de la rocade, et de l’implantation d’un parc-relais. Comment le réseau de transport public va-t-il accompagner ces évolutions ? Selon quelle logique et quelles priorités ces différents éléments vont-ils s’organiser ? La communauté d’agglomération saura-t-elle préserver une cohérence d’ensemble, ou bien des logiques individuelles vont-elles prévaloir ?

La restructuration du réseau renforce la desserte du centre commercial

28La restructuration du réseau de transport public dans l’ensemble de l’agglomération répond à une baisse globale de la fréquentation et manifeste l’exigence du maintien des coûts d’exploitation grâce à une hausse de la productivité [3]. C’est une restructuration qui va dans le sens d’une rationalisation du réseau et d’une réduction du nombre de véhicules-kilomètres offerts. Un des principes organisateurs de cette réforme est la hiérarchisation du réseau en fonction de lignes structurantes appelées lianes (“lignes à niveau élevé de service”). Les lianes fonctionnent de 5h à 0h30 tous le jours (et de 9h à 0h30 les dimanches et jours fériés), avec des fréquences élevées (entre 5 et 10 minutes) entre 7h et 19h. En dépit de la rationalisation du réseau, la desserte de la Toison d’Or va être renforcée, ce qui souligne son rôle important au sein du réseau de transports publics. En effet, les deux lignes d’origine (16 et 7) deviennent des lianes (2 et 7) radiales, auxquelles s’ajoutent deux nouvelles lignes, une ligne principale qui passe par les quartiers d’habitation et de bureaux à l’ouest de la zone (14) et une ligne complémentaire qui dessert des quartiers peu denses à l’est (35). Le terminus de la Toison d’Or renforce ainsi son caractère de pôle d’échange.

29La communauté d’agglomération a décidé d’implanter un Zénith à l’est du parc de la Toison d’Or. Son ouverture est prévue pour l’automne 2005. Des discussions sur le prolongement d’une des lianes jusqu’au Zénith sont en cours entre la STRD, la COMADI et le centre commercial. Pour la STRD, il s’agirait de créer un prolongement de ligne bus à partir du terminus actuel, qui serait mis en service les soirs où des activités sont programmées au Zénith. Le directeur de la Toison d’Or est conscient des impacts positifs de cette nouvelle activité nocturne sur le site : le Zénith renforcera l’image loisirs et culture du centre et constituera par ailleurs une nouvelle source de clientèle. Le centre commercial est donc très favorable au projet de prolongement de la desserte par autobus jusqu’au Zénith, ce qui permettrait aux restaurants du centre commercial de fonctionner en complémentarité avec les évènements du Zénith. Le centre semble disposé à céder une partie de son terrain pour aménager le prolongement d’une des deux lignes de bus jusqu’au Zénith.

30Parmi les autres projets en cours autour de cette zone, il faut signaler l’ouverture à l’urbanisation d’une ZAC au nord de la Toison d’Or, au-delà de la rocade routière. Alors que le site propre bifurque à droite sur l’avenue de Langres pour assurer la desserte du centre commercial et se termine en cul-de-sac, ce même site propre pourra-t-il desservir la ZAC, séparée du centre commercial par la deux-fois-deux voies ? Si une des lianes est prolongée vers le Zénith, un franchissement de la rocade par une passerelle piéton/autobus pourra-t-il être envisagé ? La desserte en transports publics de la ZAC n’est en outre pas indépendante du projet de création d’un parc relais dans ce secteur.

Fig.7

Projets autour de la Toison d’Or. Le Zénith et la ZAC sont planifiés ; la localisation du parc-relais est en débat, de même que les options de desserte en TC du Zénith (en rose, tracé et positions possibles du terminus du Zénith) ; la création d’un drive-in McDonald est un des projets possibles du centre commercial

Fig.7

Projets autour de la Toison d’Or. Le Zénith et la ZAC sont planifiés ; la localisation du parc-relais est en débat, de même que les options de desserte en TC du Zénith (en rose, tracé et positions possibles du terminus du Zénith) ; la création d’un drive-in McDonald est un des projets possibles du centre commercial

(fond de plan Communauté d’agglomération du Grand Dijon, modifications de l’auteur)

31Par ailleurs, le centre commercial, qui a été un allié de poids dans l’urbanisation de la zone, reste avant tout un acteur économique qui veille à ses intérêts face à une vive concurrence et qui construit ses propres stratégies de développement. Ses objectifs économiques ne le poussent pas naturellement à “faire de la ville”. Parmi ses projets, il y a le rachat des terrains du parc urbain dans l’idée d’y installer un multiplexe et le souhait de créer un MacDonald drive-in à l’entrée du centre commercial, au niveau du premier rond-point. Une des richesses de ce site est d’avoir pu (et su) allier espace public et espace commercial privé : il faut pouvoir continuer de le faire sans renoncer pour autant aux projets d’évolution de la zone.

Fig.8

Desserte TC de la Toison d’or avant (en haut) et après (en bas) la restructuration du réseau fin 2004

Fig.8

Desserte TC de la Toison d’or avant (en haut) et après (en bas) la restructuration du réseau fin 2004

(source STRD).

32Contrairement aux idées reçues, le cas de la Toison d’Or montre que centre commerciaux et transports publics ne sont pas incompatibles, même quand le transport public n’est pas porté par le tramway. En deuxième lieu, il ressort que l’urbanisme joue un rôle essentiel en amont, aussi bien à grande échelle (planification d’un site propre en même temps que d’un quartier nouveau) qu’à celle des aménagements de détail tels que les continuités piétonnes. La prise en compte des transports publics très en amont permet d’en assurer l’insertion, d’améliorer leurs conditions d’exploitation et de faciliter leur utilisation par les usagers ; elle permet en outre de passer d’une logique purement routière à une logique plus urbaine. Ensuite, il faut souligner que l’acteur public s’est donné le moyen de son action grâce à une réelle maîtrise du foncier.

33Enfin, cet exemple montre l’importance d’une vision à long terme mue par des principes directeurs forts, tout en ménageant la possibilité d’adapter les projets au fil du temps, c’est-à-dire des besoins et des opportunités.

Notes

  • [1]
    Pour plus de détails sur cette section, se référer au document suivant : Aménagement d’une entrée de ville - Avenue de Langres, documentation de l’Agence Intercommunale d’Urbanisme du District de l’Agglomération Dijonnaise, octobre 1995 (15 pages).
  • [2]
    Beauvais-Consultants : Distribution des biens de consommation et usage de la voiture particulière pour motif “achats” dans les agglomérations françaises, Rapport Final DRAST-PREDIT-METL, février 2003, 134 pages. Joachim Broomberg : “La Mobilité pour achats vue par les enquêtes globales de transport en Ile-de-France”, Transports Urbains n°105, Octobre-Décembre 2003, 2 pages.
  • [3]
    Voir “Divia, votre nouveau réseau de bus”, Dossier Le Grand Dijon N°5 (magazine d’information de la Communauté de l’agglomération dijonnaise, téléchargeable sur Internet à l’adresses suivante : http://www.grand-dijon.fr) et voir aussi le Site Internet du nouveau réseau : http://www.divia.fr
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