Cet article, je vous l’écris à la première personne. C’est nouveau pour moi d’utiliser le je car en tant que chercheuse en dernière année de doctorat, je viens d’une longue emprise du nous. Je vous écris donc en tant que Fabiana Ex-Souza, doctorante et artiste afro-brésilienne en art visuel, qui par auto-décret s’est donné comme tâche d’expurger pour le reste de sa vie son nom d’esclave. Avant d’aller plus loin, il me semble important de donner quelques précisions sur la question du décolonial qui soulève des incompréhensions dans le scénario français. Il faut ainsi savoir que les études décoloniales sont une école de pensée ayant des origines latino-américaines ; elles découlent de la création des républiques latino-américaines au quatorzième siècle et répondent à l’impérialisme européen et à la modernité imposée au monde non européen. Portées par une multitude de voix subalternes du tiers-monde, elles ont fait émerger une nouvelle grammaire du savoir dans l’académie. Cette option décoloniale invite la communauté savante, y compris les artistes, à réfléchir sur les violences inavouées du projet moderne de domination européenne.
C’est ainsi qu’à partir de cette proposition de réflexion/sensibilité frontalière, on assiste à l’émergence d’histoires, d’expériences et de voix « autres » qui, se levant contre l’infériorisation « épistémicide » de l’Autre et de ses savoirs, révèlent les limites d’un projet occidental de connaissance à prétention universaliste.
Il est vrai que dès mon entrée aux Beaux-Arts au Brésil en 2005, et bien avant de connaître la pensée décoloniale, j’ai fait appel à la pensée afro-féministe dans l’académie pour lutter contre un système de savoir qui m’oppressait…