Tumultes 2008/2 n° 31

Couverture de TUMU_031

Article de revue

Refuser la globalisation et la nation authentique

La politique féministe dans la conjoncture actuelle

Pages 185 à 201

Notes

  • [*]
    Une version beaucoup plus développée de ce texte a été publiée sous le titre « Between the Burqa and the Beauty Parlour? Globalization, Cultural Nationalism and Feminist Politics », in Antoinette Burton, Anita Loomba et al. (eds), Postcolonial Studies and Beyond, Duke University Press, 2004.
  • [1]
    Cet article a été écrit en 2003.
  • [2]
    On appelle bindi une marque ornementale posée sur le front, entre les deux sourcils.
  • [3]
    Voir, par exemple, Fatima Mernissi, The Veil and the Male Elite. A Feminist Interpretation of Women's Rights in Islam, Reading, Massachussetts, Addison-Wesley Publishing Company, 1991, et Tanika Sarkar and Urvashi Butalia (eds.), Women and the Hindu Right, Kali for Women, New Delhi, 1995.
  • [4]
    S. M. Basheer, « Behind the veil », Communalism Combat, janvier 2003.
  • [5]
    Muzamil Jaleel (2001) « Look at me, don’t look at me » The Indian Express, 9 september 2001, Section 1, p. 1.
  • [6]
    Le salon de beauté comme espace ambigu d’affirmation de soi et de réification, a largement été étudié dans les recherches féministes. Voir par exemple P. Black « “Ordinary people come through here”: Locating the beauty salon in women’ lives », Feminist Review, n° 71, 2002 ; et P. Black et Ursula Sharma « Men are real, Women are made up: Beauty Therapy and the Construction of Femininity », Sociological Review, 49 (1), 2001.
  • [7]
    J’utilise le terme de « postcolonialisme » non pour désigner simplement ce qui est « postérieur » au colonialisme, mais dans un autre sens bien connu, c’est-à-dire comme le discours de mise en opposition qui naît de la rencontre avec le colonialisme. La postcolonialité commence donc dès le tout premier moment du contact colonial. Cf. Bill Ashcroft, Gareth Griffiths and Helen Tiffin, The Postcolonial Studies Reader, London, Routledge, 1999, p. 117.
  • [8]
    Mei Fong, « Lifting the veil from Pak ramps » (Wall Street Journal) reproduit dans The Indian Express, 31 mars 2002, p. 18.
  • [9]
    Kumkum Sangari, « New Patriotisms: the Beauty Queen and the Bomb », in Rada Ivecovic and Julie Mostov (eds.), From Gender to Nation, Ravenna, Longo Editore, 2002, p. 156.
  • [10]
    Ibid.
  • [11]
    Ibid., p. 162.
  • [12]
    Ce terme désigne la stratégie économique d’auto-suffisance, qui a été une des lignes majeures du programme du Mahatma Gandhi (Note de S.D.H.).
  • [13]
    Par exemple à Bombay le 25 avril 2001, et à Delhi le 27 février 2003.
  • [14]
    Il s’agit du CPI (M) au gouvernement dans l’État du Bengale (Note de S.D.H.).
  • [15]
    Surjeet rules out probe into Cola row », The Hindu, 8 février 2003, p. 7.
  • [16]
    « Regarding industrial policy there is some friction between government and the unions », The Indian Express, 10 juin 2001.
  • [17]
    K. Sangari, « New Patriotisms: the Beauty Queen and the Bomb », op. cit., p. 162.
  • [18]
    Ibid., p. 162.
  • [19]
    Ibid., p. 168.
  • [20]
    Frederic Jameson, « Globalisation and Political Strategy », New Left Review, juillet-août 2000, p. 49.
  • [21]
    Kancha Iliah, « Cultural Globalisation », The Hindu, 22 février 2003, p. 10.
  • [22]
    F. Jameson, « Globalisation and Political Strategy », op. cit., p. 65.
  • [23]
    Ibid., p. 64.
  • [24]
    Bhagwan Josh, Dilip Simeon et Purushottam Agarwal, « Rethinking Secularism », Mainstream, 30 décembre 1990.
  • [25]
    Purushottam Agarwal, « Surat, Savarkar and Draupadi: Legitimising Rape as a Political Weapon », in Tanika Sarkar et Urvashi Butalia (eds.), Women and the Hindu Right Kali for Women, Delhi, 1995, p. 32.
  • [26]
    Eugen Weber, La fin des terroirs. La modernisation de la France rurale, traduit de l’anglais (Peasants into Frenchmen, 1976) par Antoine Berman et Bernard Geniès, Éditions Fayard, 1983, p. 691.
  • [27]
    F. Jameson, « Globalisation and Political Strategy », op. cit., p. 65.
  • [28]
    Amnesty International rapporte ainsi les faits qui se sont produits dans cet État de l’Ouest de l’Inde au printemps 2002 : « L’étincelle est venue de l’attaque par des Musulmans, d’un train transportant des activistes hindous de retour de la ville d’Ayodhya (État d’Uttar Pradesh), où ils avaient soutenu la campagne d’une organisation extrémiste pour construire un temple hindou là où une ancienne mosquée a été détruite par des militants hindous en 1992. Cinquante-huit personnes sont mortes brûlées vives durant l’attaque du train.
    Les appels à la revanche n’ont pas tardé. Une véritable chasse aux Musulmans s’est déclenchée dans plusieurs villes du Gujarat, notamment dans la plus grande ville, Ahmedabad, peuplée à 80% d’Hindous. De larges bandes d’Hindous se sont formées et ont attaqué hommes, femmes et enfants musulmans, détruisant tout ce qu’ils possédaient sous le regard passif, voire les encouragements des policiers. Un climat de terreur a régné durant plusieurs semaines : filles violées puis brûlées vives, enfants poignardés à mort, femmes enceintes éventrées, hommes massacrés, etc. « Rape and burn » (violer et brûler) était la technique de terreur la plus utilisée par les assaillants hindous à l’encontre des femmes musulmanes. » Ce massacre qui a fait au moins 2 000 morts s’est déroulé avec la complicité évidente de la police (Note de S.D.H.).
  • [29]
    Nazila Fathi « A little leg, a little booze, but hardly Gomorrah », The New York Times, 15 avril 2002.
  • [30]
    Mukul Sharma, « Nature and Nationalism », Frontline, vol. 18, n° 3, 316 février 2001.
  • [31]
    Voir mon essai « Women and Citizenship », in Partha Chatterjee (ed.), Wages of Freedom, OUP, Delhi, 1998.

1Les débats qui, en Inde, tournent autour de la globalisation semblent ne prendre que l’une des deux formes suivantes. Soit la célébration acritique, par les élites consuméristes, de la nouvelle sphère émergente parfaitement Mcmondialisée, soit la réaffirmation, également sur le mode de la célébration, de l’État-nation comme rempart contre le capital global, par des forces qui se situent de part en part du spectre politique de la gauche à la droite. Cet article explorera différents aspects de ces débats, en mettant l’accent sur les disjonctions et les contradictions dans chacune des deux positions, pour essayer de définir un espace pour une politique féministe qui échappe aux deux options.

2On peut trouver une utile voie d’accès au terrain que je veux explorer dans le mouvement récent de quelques groupes militants au Cachemire pour faire respecter le port du voile par les femmes musulmanes de cet État. Ce mouvement a maintenant plus d’un an [1] et il a débuté avec un ultimatum lancé par un groupe militant peu connu du Cachemire, le Lashkar-e-Jabbar. Le groupe a annoncé que toutes les femmes musulmanes de la vallée du Cachemire auraient à porter la burqa, et que celles qui ne le feraient pas seraient « punies ». Suivirent des attaques à l’acide sur les visages des femmes non voilées et des menaces de mort, une fois la date limite passée. À l’exception d’une importante organisation de femmes, Dukhtaraan-e-Millat, qui soutint l’appel, les autres groupes militants dénoncèrent cet ultimatum, et émirent des doutes quant à l’existence d’un groupe se nommant lui-même Lashkar-e-Jabbar, suggérant qu’il pourrait s’agir d’une stratégie de l’État indien pour discréditer l’activité militante au Cachemire. Néanmoins la menace était réelle, et beaucoup de femmes, qui jusqu’alors ne voulaient pas porter la burqa, la mirent. Après ce qui parut être une accalmie, le mouvement s’intensifia en 2002, cette fois au nom d’une autre organisation. À cette phase, la menace cessa d’être à long terme — trois jeunes femmes furent tuées pour ne s’être pas voilées.

3Cependant, pour ceux qui se battent pour protéger les droits démocratiques en Inde, on peut citer encore une autre tentative parmi d’autres, au cours des dernières années, pour contrôler le vêtement des femmes et leur comportement au nom de la pureté culturelle. Avec la circulation de plus en plus libre d’images issues de la culture consumériste occidentale à travers les chaînes de télévision en raison de la levée des restrictions, à l’ère de la « libéralisation », s’est exprimée à différents niveaux l’idée que la culture « indienne » était menacée. Des organisations de la droite hindoue, comme le Bajrang Dal et le Akhil Bharatiya Vidyarthi Parishad ont essayé de faire respecter les codes vestimentaires par les femmes dans les universités, déclarant que le harcèlement sexuel diminuerait si les femmes s’habillaient de façon « respectable » et conformément à la « tradition indienne ». Il est intéressant de noter qu’au Cachemire le Lashkar-e-Jabbar avait également appelé les « sœurs hindoues et sikhs » à porter un « bindi[2] » de façon à éviter d’être attaquées. Il est clair que lorsqu’on en vient au marquage du corps des femmes par des signes culturels, l’aile droite s’unifie en traversant les lignes idéologiques. De plus, il y a une homogénéisation caractéristique de l’Autre (dans ce cas, les non-musulmanes) car, bien sûr, les femmes sikhs ne portent pas le bindi.

4Le fait que les communautés placent leur honneur dans « leurs » femmes et que la politique des cultures (cultural policing) commence avec le marquage et la définition de la place des femmes « à l’intérieur » de la communauté [3], est maintenant un phénomène bien étudié par la recherche et la politique féministes. C’est tout particulièrement lorsqu’une communauté sent une menace peser sur son identité ou son existence, que sa fière affirmation identitaire commence par se marquer sur le corps de « ses » femmes. Par exemple, on date souvent l’augmentation du nombre de femmes musulmanes portant la burqa dans l’État du Kerala, où cette pratique était rare, de la démolition de la mosquée de Babri [4]. Ce phénomène n’est pas limité aux seules communautés minoritaires ; les communautés majoritaires elles aussi réagissent de cette façon à la menace que représente la culture « occidentale », comme on l’a vu avec les réactions violentes à la compétition pour le titre de Miss Monde, en Inde de la part de la droite hindoue et au Nigeria de la part de la droite musulmane. Mais c’est un sujet dont les féministes parlent depuis longtemps déjà. Ce qui m’intéresse ici, c’est un autre aspect de ce phénomène.

5Je citerai une déclaration faite par une jeune femme musulmane du Cachemire, qui s’est mise à porter le voile après avoir reçu des menaces. Interrogée par un journaliste critique du diktat, elle déclara qu’elle n’avait jamais porté de burqa auparavant, que cela la rendait terriblement malheureuse, et qu’elle se sentait contrainte et entravée. « J’avais l’habitude d’aller régulièrement au salon de beauté, avait-elle dit plaintivement, mais maintenant je n’ai pas à me soucier de mon visage. » Cette déclaration a été placée en encadré dans l’article, de sorte que ce qui frappe en premier lieu c’est l’aspect poignant d’une jeune fille qui déclare qu’elle n’a plus à se soucier de son visage, parce qu’elle se trouve emprisonnée dans une burqa. Néanmoins, à un autre moment de l’interview, elle concédait qu’elle se sentait davantage en sécurité en public, parce que les hommes lui témoignaient plus de respect. « Cela peut être un facteur de liberté », disait-elle, « vous pouvez aller où vous voulez [5]. »

6Nous y voilà : la burqa qui offre un abri contre le harcèlement sexuel et quelques-unes des restrictions à leur mobilité auxquelles ont affaire les jeunes filles, et le salon de beauté, qui fait figure de royaume de l’expression de soi et d’émancipation de la contrainte du voile. Douloureuse alternative bonne à piéger une féministe ! La police des cultures est-elle moins efficace quand elle n’a pas le soutien de fusils mais du consensus sociétal ? Est-elle moins contraignante du côté « salon de beauté » de l’équation ? Lorsque les femmes brésiliennes meurent sur les tables d’opération des chirurgiens esthétiques ou que les adolescentes américaines risquent leur vie à manger de moins en moins pour rester belles et minces, s’agit-il de police des cultures, ou est-ce l’expression d’un « libre arbitre » ? Si cette jeune fille du Cachemire pouvait continuer à fréquenter les salons de beauté, en serait-elle plus libre de s’exprimer « elle-même » ? J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit en aucun cas ici d’une simple question rhétorique, mais d’un dilemme significatif pour la compréhension de ces phénomènes d’un point de vue féministe. Considérons le nombre croissant de femmes indiennes de classe moyenne, qui auraient pu être des ménagères sans revenu propre, et qui maintenant installent des salons de beautés dans leur maison. En agissant ainsi, elles deviennent de petits entrepreneurs (les documents officiels qui enregistrent les prêts accordés à cette fin qualifie de « non traditionnelle » cette méthode pour se procurer des revenus, tout comme la micro-édition ou la gestion de boutiques de téléphone public). Il est vraisemblable que ces femmes acquièrent ainsi un degré de contrôle de leurs ressources légèrement supérieur à celui qu’elles avaient comme femmes au foyer. Cependant la prolifération de ces salons de beauté reflète aussi la nouvelle pression du « good look » selon les nouvelles normes, qui s’exerce même sur les femmes de milieux traditionnels, et qui les pousse à dépenser leur temps et leur argent pour y parvenir [6].

7Il s’agit d’un phénomène propre à ce moment de l’histoire, en particulier quand on se trouve dans une démocratie postcoloniale [7] comme l’Inde. Face à la rhétorique moralisatrice sans cesse renouvelée de la droite, pendant les années 1990, qui ciblait les femmes en tant que dépositaires de la pureté culturelle, une modalité de réponse critique est venue de l’élite globalisée, célébrant le « choix », la « liberté individuelle » et le « droit des femmes sur leur corps ». C’est ainsi qu’une histoire sur les concours de beauté au Pakistan publiée dans le Wall Street Journal, était intitulée « Le Pakistan dévoilé [8] ». C’est pourquoi tandis que la droite attaquait les concours de beauté ou les célébrations de la Saint-Valentin comme étant « occidentaux » et « moralement corrupteurs », les élites indiennes occidentalisées réaffirmaient leur fierté de notre « modernité », et l’assurance de « nos femmes » sur la scène internationale (plusieurs femmes indiennes ont en effet, ces toutes dernières années, été élues Miss Univers et Miss Monde). Dans ce débat, la gauche semble s’être laissé piéger à assimiler l’« anti-globalisme/anti-impérialisme » au « nationalisme ». Elle a, dans ce processus, pris des positions similaires à celles de la droite. Par exemple, les gouvernements des deux États qui ont interdit les concours de beauté en 2001 sont ceux de l’Uttar Pradesh, dirigé par le BJP, et du Bengale occidental, dirigé par un Front de gauche. Aucun des partis ne s’est situé dans la perspective d’une critique de l’instrumentalisation des corps des femmes. Dans les deux cas, la justification était de l’ordre de la « pureté culturelle ».

8Le défi pour une politique féministe, dans ce contexte, est de pouvoir élaborer un espace différent pour une politique radicale de la culture, une politique qui se différencie du nationalisme culturel et économique de la gauche et de la droite, mais aussi des réponses libérales des élites consuméristes qui célèbrent la globalisation.

9Il est instructif à ce niveau d’examiner un argument important qui présente la globalisation comme uniformément opprimante, en particulier parce qu’elle est censée être pleinement compatible avec la politique de la droite hindoue en Inde. Kumkum Sangari, dans un article intitulé « La reine de beauté et la bombe » montre, à juste titre, qu’aussi bien la défense des concours de beauté par les nouvelles classes moyennes indiennes que l’opposition à ces manifestations de la part de la droite hindoue, « relèvent du nationalisme et véhiculent un antiféminisme manifeste [9] ». Cependant elle essaie de comprendre cette réponse contradictoire exclusivement à l’intérieur du cadre de l’économie politique. Elle définit les deux réponses comme correspondant à « deux moments historiques distincts » — la droite hindoue représentant « l’ère du capital marchand, qui a favorisé l’extraction en maintenant des relations précapitalistes dans les formations colonisées ». Durant cette ère, « des enclaves “retardataires” tenues à l’écart du marché et de “l’occident” sont devenues synonymes de la culture indigène authentique », alors que ce sont les nouvelles classes moyennes représentant « les “enclaves modernisées” qui, dans la période actuelle, sont devenues l’épicentre de la culture authentique [10] ». Sangari sépare donc les deux réponses, comme correspondant à différents moments temporels du capitalisme. Cependant, au fur et à mesure que l’argumentation avance, il devient impossible de maintenir la distinction, car les contradictions sont trop nombreuses. Après tout, la nouvelle classe moyenne constitue aussi une partie de la base qui soutient la droite hindoue, et c’est en partie la raison pour laquelle le Premier ministre qui est à la tête de la coalition de droite, a applaudi au succès des femmes indiennes dans les concours de beauté. Sangari a trop facilement écarté ce fait, le qualifiant de « division du travail entre les parlementaires “modérés” à l’intérieur de la droite hindoue et les vandales qui tirent profit de la rue », les premiers soutenant l’ajustement structurel, alors que les autres maintiennent le mythe des revendications de l’aile droite nationaliste hindoue en clamant leur opposition à « quelques-uns de leurs épiphénomènes ». Ces derniers groupes, soutient-elle (et elle donne en exemple le Vishwa Hindu Parishad et le Bajrang Dal), « ne mentionnent même plus l’économie [11] ».

10En réalité, ce n’est pas le cas. Il y a certainement une division du travail dans la droite hindoue, mais elle procède différemment. Le Vishwa Hindu Parishad et le Bajrang Dal se centrent généralement sur la « culture », alors que c’est le Swadeshi Jagran Manch qui s’occupe de l’« économie ». Ce dernier se consacre spécifiquement à propager le slogan, émotionnellement chargé, du swadeshi[12]. Cette organisation, tout comme les autres branches de ce qui est appelé le Groupe Sangh — conglomérat flou de différentes formations hindoues de droite — met continuellement la pression sur le gouvernement pour qu’il revienne sur la politique de libéralisation conforme aux prescriptions de la Banque mondiale. De fait, les organisations hindoues de droite ont collaboré avec les organisations de gauche à plus d’une occasion, à Delhi et à Bombay, pour monter des manifestations de masse contre la globalisation [13].

11D’un autre côté, le gouvernement de la gauche (communiste) du Bengale occidental a invité très activement le capital étranger, et a montré un grand empressement à appliquer toutes les politiques d’ajustement structurel exigées pour que ce programme réussisse. Par exemple, le Secrétaire général du Parti communiste de l’Inde (marxiste [14]) a dit clairement, à plusieurs occasions, que le parti n’était pas opposé à ce que des entreprises comme Coca-Cola viennent investir dans le pays [15]. Le Premier ministre du Bengale occidental, Buddhadev Bhattacharya, du CPI (M) a dit dans une récente interview : « Le monde a besoin d’une compréhension nouvelle... nous devons comprendre le capital et ses exigences. Le capital est très important. » Ajoutant qu’il fallait créer des emplois non de l’ancienne façon, mais en encourageant les énergies entrepreneuriales [16]. Son gouvernement a avalisé un système contractuel pour les travailleurs, et il est prêt à liquider les industries d’État qui sont mal en point. Sangari n’aborde pas du tout ce qu’a de complexe et de contradictoire l’attitude de la gauche par rapport à la globalisation. Son silence sur la gauche, dans son article, suggère que cette dernière est « réellement » contre la globalisation, contrairement à la position hypocrite de la droite. Néanmoins, si la « schizophrénie » qu’elle attribue à la droite hindoue par rapport à ce problème est tout aussi évidente pour la gauche, alors nous devons renoncer à tenter de comprendre ces réponses contradictoires en termes de pathologie.

12Nous voici donc en présence d’une configuration dans laquelle nous voyons, à certains égards, les gouvernements de gauche et de droite se soumettre à l’ajustement structurel, et à d’autres, les nationalistes de gauche et de droite protester ensemble contre les clauses sociales et la « culture occidentale » représentée par les concours de beauté [17]. Sur d’autres points encore, gauche et droite se rejoignent dans un orgueil nationaliste concernant la bombe : le CPI (M) a été l’un des premiers à réagir à l’explosion de la bombe nucléaire indienne en félicitant les scientifiques indiens pour leur « exploit ». Ce n’est qu’un peu plus tard, après la réciproque des explosions nucléaires au Pakistan, que la gauche a fait connaître publiquement son opposition à la bombe. Dans un passage passionnant, Sangari développe l’idée que si la bombe tourne autour de l’« axe de la masculinité » et le concours de beauté autour de l’« axe de la féminité », « l’un et l’autre s’enracinent dans des sentiments de privation ». « Un cumul national de la beauté et de l’aptitude à la violence, doivent pouvoir résoudre tous les problèmes économiques et sociaux [18]. » Il y a là une intuition forte et des idées convaincantes, mais le problème est que Sangari suit la tendance générale en Inde propre à l’opposition de gauche à la bombe, en la caractérisant comme « englobée dans le vocabulaire de l’hindouïté [19] ». Elle amalgame donc la droite hindoue avec les soutiens à la globalisation, aux concours de beauté, et à la bombe. Cependant, même si l’explosion de la bombe a eu lieu sous un gouvernement de coalition conduit par l’aile droite hindoue, la politique nucléaire de l’Inde n’a pas été initiée par la droite hindoue qui a simplement hérité d’un projet nationaliste de longue date, consistant à « faire entrer l’Inde sur la scène mondiale », projet auquel la droite et la gauche ont toutes deux contribué.

13C’est pourquoi il n’est pas très utile de tenter de comprendre les effets de la globalisation (ou la politique de droite en Inde) en fonction de la seule politique économique, ni même de présumer qu’il y a du côté de la gauche une position purement anti-globalisation, et du côté de la droite, nécessairement une position de compromis. Comme nous l’avons vu, les réponses varient selon qu’il s’agit de gouvernements, de partis, ou de syndicats de gauche et de droite, et réduire toute cette variété de situations à deux positions homogènes, c’est perdre le sens de la complexité à la fois de la globalisation et des réponses qui lui sont apportées.

14Dans ce contexte, je trouve éclairante la manière dont Frederic Jameson identifie cinq niveaux de globalisation : technologique, politique, culturel, économique et social [20]. Comme il l’indique, cet exercice permet de faire l’inventaire de leurs ambiguïtés. Dans le contexte indien, Kancha Iliah propose un raisonnement analogue quand il suggère que, alors que dans la sphère économique la globalisation « a permis au riche d’avoir une vie épanouie et variée et a rendu le pauvre plus pauvre », dans le domaine culturel elle « a ouvert une nouvelle voie d’espoir pour les masses historiquement opprimées », c’est-à-dire les basses castes, qu’il appelle « Dalit-Bahujan ». Selon lui l’accès de ces castes à l’anglais est un moyen d’entrer en contact avec les « systèmes de savoir égalitaires du monde ». Alors que la culture « occidentale » menace les Brahmanes, elle libère les Dalit-Bahujan. « La globalisation culturelle nie le mythe brahmane de la pureté et de la souillure [21]. » Jameson et Iliah nous aident à rendre plus complexe notre compréhension de la globalisation et de ses effets.

15Néanmoins, l’intention de Jameson, une fois identifiés les différents niveaux de globalisation, consiste à démontrer leur cohésion ultime, et ce faisant, elle tend à faire disparaître leurs ambiguïtés. Comme nous le verrons plus tard, ce mouvement nous ramène plus ou moins en arrière, aux mouvements qui identifient anti-impérialisme et nationalisme. Je suggèrerais que le nationalisme n’est que l’une des plateformes à partir de laquelle contrer l’impérialisme de la globalisation des entreprises, et que ce n’est certainement pas la plus juste ni la plus efficace, du point de vue d’un essai de critique radicale du capitalisme. En bref, on a besoin d’une critique sans compromis de l’État-nation.

16Frederic Jameson affirme crûment, malgré quelques précautions qu’il prend plus loin dans le même article, que « l’État-nation reste aujourd’hui le seul terrain concret et le seul cadre pour la lutte politique [22] ». Il tient à cette idée, bien qu’il reconnaisse que les États-Unis ont « coopté » le langage du nationalisme et utilisent le langage de l’universalisme pour défendre leurs intérêts nationaux spécifiques. Cependant Jameson essaie de venir au secours du nationalisme en s’engageant dans un exercice familier à ceux qui suivent l’historiographie indienne. Il distingue entre un « bon nationalisme » qui est « le grand projet collectif » de construction d’une nation, et un « mauvais nationalisme » qui est la tentative de s’emparer du pouvoir d’État afin d’assurer l’hégémonie de la bourgeoisie nationale. « C’est pourquoi les nationalismes qui ont conquis le pouvoir ont pour la plupart été les mauvais ». Jameson pense en outre qu’« on se fourvoie à confondre le nationalisme avec des phénomènes comme le communautarisme, ce qui est frappant dans (par exemple) la politique identitaire hindoue, même si c’est à une échelle vaste et — il faut bien le dire — nationale [23] ».

17J’affirmerais, au contraire, que le nationalisme même est l’une des formes premières de la politique identitaire. Il n’est pas évident que la politique identitaire ne puisse se référer qu’aux « plus petites » identités incluses dans la nation, même si c’est là une assertion courante dans l’historiographie indienne. Par exemple, un groupe d’historiens indiens soutient que l’essor des identités religieuses, régionales et autres, résulte de « la dégradation du nationalisme réduit à un stratagème idéologique destiné à défendre les intérêts des élites dirigeantes [24] ». On émet ici la théorie d’un nationalisme authentique qui serait démocratique et séculier. Cette théorie sous-tend même des analyses comme celles de Purushottam Agarwal, qui reconnaissent que ce qui est appelé « communautarisme » n’est pas tant un particularisme vis-à-vis de la nation, que, simplement, un autre projet moderne de construction nationale [25]. Car Agarwal continue à distinguer le projet communautaire de construction nationale du projet séculier sur la base de l’orientation « démocratique » (affirmée, pas démontrée) du dernier, opposée à l’orientation autoritaire du premier.

18Quoi qu’il en soit, je voudrais insister sur le fait qu’aucun projet de formation communautaire ne peut a priori ou par nature être supposé démocratique. Au contraire, « la nation » ne peut représenter que les valeurs dominantes, majoritaires, et les minorités qui réaffirment « leur » culture ne peuvent jamais déclarer qu’elles sont légitimées à représenter la nation, qu’il s’agisse des Musulmans en Inde ou des Indiens aux États-Unis. En outre, d’un point de vue historique la nation « séculière » a elle aussi construit la citoyenneté à travers des mesures anti-démocratiques. Dans le cas classique de la France, Eugen Weber décrit le processus d’« acculturation » par lequel au dix-neuvième siècle, les habitants de l’aire qui devint la France furent faits « Français », c’est-à-dire « la civilisation des Français par la France urbaine, la désintégration des cultures locales par le modernisme et leur absorption par la civilisation dominante de Paris. [...] Livrées elles-mêmes jusqu’à leur accession à la qualité de citoyens, les masses rurales non assimilées furent intégrées au sein de la culture dominante de la même manière qu’elles avaient été intégrées dans une entité administrative. Ce qui s’est passé correspond à une sorte de colonisation [26] [...] ».

19Dans un tel contexte, il est profondément problématique d’affirmer, du point de vue d’un projet démocratique, un lien direct entre anti-impérialisme et nationalisme. Nous qui souhaitons pratiquer une politique démocratique, ne pouvons nous permettre de ne pas réfléchir sur le moment fondateur de la violence discursive que « la nation » a présupposé et produit, et aux formes de répression et de marginalisation sur lequel est basé le discours nationaliste hégémonique, à n’importe quel moment de l’histoire et dans n’importe quelle partie du globe — même à Cuba et en Chine, présentés par Jameson comme « les meilleurs contre-exemples de la façon dont le nationalisme concret peut être parachevé par un projet socialiste [27] ». Aucun projet de nationalisme n’est jamais « parachevé ». Il est paralysé, d’une manière ou d’une autre, par un appareil de coercition qui s’appuie sur la sanction de la violence pour prévenir l’expression d’autres voix et d’autres identités qui ont des aspirations similaires.

20Comme nous venons de le constater, le « décès de l’État-nation » à l’ère de la globalisation est un mythe. Dès que l’État-nation a abandonné ses responsabilités en matière de développement et de protections sociales, il s’est aussitôt reconstitué sous tous ses aspects oppressifs. Que ce soit aux États-Unis, en Inde, en Bosnie ou au Rwanda, le nationalisme xénophobe et chauvin s’exprime à plein régime, et le visage répressif de l’État-nation face aux voix dissidentes et/ou marginalisées apparaît de façon évidente. Le prétendu « retrait de l’État » n’est visible que dans les secteurs dans lesquels il avait auparavant quelques responsabilités, à savoir la santé, l’éducation, etc. Ce « retrait » est en réalité une étape nécessaire pour faciliter la pénétration du capital global, tandis que sont prises un grand nombre de mesures pour contrôler la mobilité du travail et les syndicats, et que sont promulguées de nouvelles mesures qui renforcent l’État de toutes sortes de manières pour assurer un climat favorable à l’investissement. De fait, la délégitimation de l’autorité de l’État ne concerne que les effets positifs (d’un point de vue démocratique) qui ont été produits dans les luttes anti-impérialistes, et elle s’accompagne simultanément du renforcement de tout ce que nous associons de négatif et de répressif à l’État. Le résultat de ce processus est que ce qui peut être appelé une réponse « démocratique » est quelque chose de beaucoup plus complexe que ce à quoi notre expérience nous a jusqu’ici préparés.

21Je voudrais présenter une série d’exemples pour illustrer la nature complexe du terrain qu’une politique radicale doit affronter. Les forces de la globalisation peuvent travailler contre celles de la droite religieuse. Pourquoi, par exemple, les grandes entreprises indiennes sont-elles intervenues si fortement et si publiquement contre le nettoyage ethnique qu’avait tenté d’effectuer il y a un an le gouvernement de la droite hindoue du Gujarat ? Parce qu’une Inde secouée par la violence n’est pas une Inde dans laquelle les investissements sont en sécurité. Autre exemple, le quotidien national The Indian Express, qui a mené une des campagnes les plus âpres et les plus minutieuses contre le carnage du Gujarat [28], et qui a pris une position fortement séculière aussi bien dans ses éditoriaux que dans tous ses récits. Cependant ce journal est également un de ceux qui s’expriment le plus fortement en faveur de la globalisation, et qui approuve de façon régulière les mesures anti-pauvres comme le « nettoyage » de Delhi d’où l’on chasse les colporteurs et les marchands des rues, où l’on interdit la mendicité, etc. Les deux sentiments, le fait d’être pour la globalisation et hostile au fondamentalisme religieux, sont parfaitement compatibles. Pourquoi, par exemple, la Saint-Valentin, qui est de plus en plus populaire en Inde, est-elle devenue la cible de violentes attaques de la part de la droite hindoue ? Pour les féministes qui ont critiqué à la fois la « romance » et le consumérisme qui sous-tendent la Saint-Valentin, l’opposition de la droite hindoue met en relief un autre aspect : le pouvoir potentiellement subversif de deux individus « amoureux », et (peut-être) oublieux des identités de caste, de classe et de religion. Ce caractère potentiellement subversif de la romance est certainement une menace que la droite hindoue prend très au sérieux. De la même façon en Iran, l’île de Kish est devenue en 1989 zone franche, et depuis ce temps-là les règles strictes concernant le vêtement et la mixité des sexes ont été adoucies pour les touristes aussi bien étrangers qu’iraniens. Les autorités doivent de temps en temps faire un rappel à l’ordre pour éviter l’ingérence des tenants de la ligne dure, mais en gros, Kish est « connue pour être une oasis de luxe et de laxisme [29] ». Inversement, bien sûr, la globalisation économique peut se réapproprier les slogans féministes au bénéfice d’images traditionnelles des femmes. Ainsi beaucoup de publicités poussant à consommer des biens à l’occasion du 8 mars, le célèbrent comme la « Journée de l’épouse ».

22Encore d’autres arrangements qui font désordre. Comment comprendre la présence active de la droite hindoue dans certains mouvements contre les grands barrages, par exemple dans la région de Tehri ? Leur rhétorique épouse l’imagerie « hindoue » uniquement pour défendre le mode de vie traditionnel contre le développement moderne et destructeur, ainsi que le montre l’œuvre de Mukul Sharma [30]. Sharma lui-même attribue une motivation « communautariste » à l’implication de la droite hindoue dans de tels mouvements. Même si c’étaient là les motifs « réels », il est sûr que la participation active de la droite hindoue à un mouvement écologique peut engendrer deux conséquences également possibles. Il se peut qu’elle réussisse à communautariser le mouvement, mais il y a aussi de fortes chances que le mouvement écologique restreigne et transforme le « communautarisme » de la droite hindoue. Nous ne pouvons pas présumer à l’avance ce qui se passera. Inversement, il y a un courant pro-Dalit/basses castes qui est fortement pro-globalisation et favorable au grand barrage, parce que pour les basses castes, la « tradition » et le caractère coercitif des activités traditionnelles ne peut qu’être oppressif.

23C’est pourquoi les deux types de réaction, qu’il s’agisse de se tourner vers l’État-nation pour réaffirmer la vieille autorité, ou d’en présumer la défaite et de fêter la globalisation, sont tout à fait déplacés. Je dois sans doute préciser ici que le raisonnement développé ci-dessus, qui rejette l’idée que l’on puisse critiquer l’impérialisme en s’appuyant sur l’État-nation, prend le contre-pied à la fois du post-nationalisme « d’en haut » de la globalisation économique qui cherche à dépasser la souveraineté de la nation dans l’intérêt du capital global, et du discours des ONG internationales avec leur notion de « société civile globale ». L’un et l’autre utilisent le langage de l’universalisme pour piétiner la souveraineté nationale et la remplacer par une autorité supranationale qui appliquera un ensemble de codes homogènes. On décrirait mieux le type de post-nationalisme auquel je me réfère en disant que c’est un mouvement « qui vient d’en bas », à la fois trans-national et sub-national. D’un côté, les solidarités trans-frontières des mouvements de femmes, des mouvements pour les droits des travailleurs et des minorités, pour la démocratie et la paix. De l’autre, les luttes sub-nationales qui critiquent simultanément la nation, l’État, et la communauté.

24On trouve un exemple marquant d’un tel mouvement sub-national dans l’engagement du mouvement des femmes dans la question du Code civil uniforme. À partir de la fin des années 1990, on s’est écarté de la revendication d’un Code civil uniforme, en reconnaissant que cette uniformité ne mettrait pas fin à l’injustice de genre. Un tel code ne ferait qu’universaliser comme « indienne », une norme des castes supérieures hindoues de l’Inde du Nord, en y contraignant toutes les communautés et les castes ; il renforcerait l’intervention de l’État sans réaliser les objectifs féministes. On comprend maintenant qu’on ait besoin de stratégies multiples et simultanées pour aboutir à des rapports justes entre les hommes et les femmes (gender justice) dans le domaine des lois personnelles, ce qui implique de renforcer les courants démocratiques à l’intérieur des communautés religieuses qui essaient de réformer les lois personnelles de façon à parvenir à la justice de genre [31].

25Le mouvement queer constitue un autre exemple de mouvement qui a la potentialité de dépasser la nation dans les deux sens indiqués plus haut. Il se peut que la visibilité croissante de ce mouvement et sa présence dans le discours commun en Inde résultent, d’abord, de la globalisation des peurs et des stéréotypes associés au sida. Néanmoins, depuis qu’il est apparu dans l’arène publique, sa politique subversive a beaucoup évolué. « Queer » est le terme adopté pour suggérer la déstabilisation minutieuse de la catégorie de « genre » elle-même, et la fluidité continuelle du genre et des identités sexuelles, bien au-delà de la simple prolifération de labels comme gay, lesbienne, bisexuel, etc. Les mouvements queer, à travers le monde, incarnent la possibilité à la fois de construire des liens à travers les frontières, et de compliquer les identités de genre/sexualité, de race, et de communauté. Il permet donc une critique radicale de la famille hétérosexuelle et patriarcale qui est le fondement de l’État-nation.

26Si l’on prend au sérieux les « cinq niveaux » de globalisation de Jameson, il faut parvenir à caractériser la « globalisation » comme une articulation complexe de processus différenciés, qui peuvent entrer en contradiction les uns avec les autres. L’intersection de ces processus peut produire des moments différenciés du point de vue spatial et du point de vue temporel, qui produisent de la contrainte mais aussi de la liberté. On ne peut prédire à l’avance lequel de ces moments produira de la contrainte ou de la liberté. Une politique qui vise une transformation radicale ne peut se permettre de ne pas reconnaître toute la signification et tout le potentiel qu’offre cette imprévisibilité.

27Traduit de l’anglais par Sonia Dayan-Herzbrun

Notes

  • [*]
    Une version beaucoup plus développée de ce texte a été publiée sous le titre « Between the Burqa and the Beauty Parlour? Globalization, Cultural Nationalism and Feminist Politics », in Antoinette Burton, Anita Loomba et al. (eds), Postcolonial Studies and Beyond, Duke University Press, 2004.
  • [1]
    Cet article a été écrit en 2003.
  • [2]
    On appelle bindi une marque ornementale posée sur le front, entre les deux sourcils.
  • [3]
    Voir, par exemple, Fatima Mernissi, The Veil and the Male Elite. A Feminist Interpretation of Women's Rights in Islam, Reading, Massachussetts, Addison-Wesley Publishing Company, 1991, et Tanika Sarkar and Urvashi Butalia (eds.), Women and the Hindu Right, Kali for Women, New Delhi, 1995.
  • [4]
    S. M. Basheer, « Behind the veil », Communalism Combat, janvier 2003.
  • [5]
    Muzamil Jaleel (2001) « Look at me, don’t look at me » The Indian Express, 9 september 2001, Section 1, p. 1.
  • [6]
    Le salon de beauté comme espace ambigu d’affirmation de soi et de réification, a largement été étudié dans les recherches féministes. Voir par exemple P. Black « “Ordinary people come through here”: Locating the beauty salon in women’ lives », Feminist Review, n° 71, 2002 ; et P. Black et Ursula Sharma « Men are real, Women are made up: Beauty Therapy and the Construction of Femininity », Sociological Review, 49 (1), 2001.
  • [7]
    J’utilise le terme de « postcolonialisme » non pour désigner simplement ce qui est « postérieur » au colonialisme, mais dans un autre sens bien connu, c’est-à-dire comme le discours de mise en opposition qui naît de la rencontre avec le colonialisme. La postcolonialité commence donc dès le tout premier moment du contact colonial. Cf. Bill Ashcroft, Gareth Griffiths and Helen Tiffin, The Postcolonial Studies Reader, London, Routledge, 1999, p. 117.
  • [8]
    Mei Fong, « Lifting the veil from Pak ramps » (Wall Street Journal) reproduit dans The Indian Express, 31 mars 2002, p. 18.
  • [9]
    Kumkum Sangari, « New Patriotisms: the Beauty Queen and the Bomb », in Rada Ivecovic and Julie Mostov (eds.), From Gender to Nation, Ravenna, Longo Editore, 2002, p. 156.
  • [10]
    Ibid.
  • [11]
    Ibid., p. 162.
  • [12]
    Ce terme désigne la stratégie économique d’auto-suffisance, qui a été une des lignes majeures du programme du Mahatma Gandhi (Note de S.D.H.).
  • [13]
    Par exemple à Bombay le 25 avril 2001, et à Delhi le 27 février 2003.
  • [14]
    Il s’agit du CPI (M) au gouvernement dans l’État du Bengale (Note de S.D.H.).
  • [15]
    Surjeet rules out probe into Cola row », The Hindu, 8 février 2003, p. 7.
  • [16]
    « Regarding industrial policy there is some friction between government and the unions », The Indian Express, 10 juin 2001.
  • [17]
    K. Sangari, « New Patriotisms: the Beauty Queen and the Bomb », op. cit., p. 162.
  • [18]
    Ibid., p. 162.
  • [19]
    Ibid., p. 168.
  • [20]
    Frederic Jameson, « Globalisation and Political Strategy », New Left Review, juillet-août 2000, p. 49.
  • [21]
    Kancha Iliah, « Cultural Globalisation », The Hindu, 22 février 2003, p. 10.
  • [22]
    F. Jameson, « Globalisation and Political Strategy », op. cit., p. 65.
  • [23]
    Ibid., p. 64.
  • [24]
    Bhagwan Josh, Dilip Simeon et Purushottam Agarwal, « Rethinking Secularism », Mainstream, 30 décembre 1990.
  • [25]
    Purushottam Agarwal, « Surat, Savarkar and Draupadi: Legitimising Rape as a Political Weapon », in Tanika Sarkar et Urvashi Butalia (eds.), Women and the Hindu Right Kali for Women, Delhi, 1995, p. 32.
  • [26]
    Eugen Weber, La fin des terroirs. La modernisation de la France rurale, traduit de l’anglais (Peasants into Frenchmen, 1976) par Antoine Berman et Bernard Geniès, Éditions Fayard, 1983, p. 691.
  • [27]
    F. Jameson, « Globalisation and Political Strategy », op. cit., p. 65.
  • [28]
    Amnesty International rapporte ainsi les faits qui se sont produits dans cet État de l’Ouest de l’Inde au printemps 2002 : « L’étincelle est venue de l’attaque par des Musulmans, d’un train transportant des activistes hindous de retour de la ville d’Ayodhya (État d’Uttar Pradesh), où ils avaient soutenu la campagne d’une organisation extrémiste pour construire un temple hindou là où une ancienne mosquée a été détruite par des militants hindous en 1992. Cinquante-huit personnes sont mortes brûlées vives durant l’attaque du train.
    Les appels à la revanche n’ont pas tardé. Une véritable chasse aux Musulmans s’est déclenchée dans plusieurs villes du Gujarat, notamment dans la plus grande ville, Ahmedabad, peuplée à 80% d’Hindous. De larges bandes d’Hindous se sont formées et ont attaqué hommes, femmes et enfants musulmans, détruisant tout ce qu’ils possédaient sous le regard passif, voire les encouragements des policiers. Un climat de terreur a régné durant plusieurs semaines : filles violées puis brûlées vives, enfants poignardés à mort, femmes enceintes éventrées, hommes massacrés, etc. « Rape and burn » (violer et brûler) était la technique de terreur la plus utilisée par les assaillants hindous à l’encontre des femmes musulmanes. » Ce massacre qui a fait au moins 2 000 morts s’est déroulé avec la complicité évidente de la police (Note de S.D.H.).
  • [29]
    Nazila Fathi « A little leg, a little booze, but hardly Gomorrah », The New York Times, 15 avril 2002.
  • [30]
    Mukul Sharma, « Nature and Nationalism », Frontline, vol. 18, n° 3, 316 février 2001.
  • [31]
    Voir mon essai « Women and Citizenship », in Partha Chatterjee (ed.), Wages of Freedom, OUP, Delhi, 1998.
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