Tumultes 2005/2 n° 25

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Article de revue

Les interventions individuelles et collectives de la génétique sur l'espèce humaine

Pages 111 à 130

1La maîtrise du vivant par l’homme a commencé, il y a très longtemps, avec l’invention de l’agriculture et de l’élevage mais également avec l’utilisation de diverses substances naturelles pour lutter contre les maladies. L’impact sur certains animaux et certaines plantes a été important puisque la plupart des organismes vivants qui sont à l’origine de notre alimentation sont à des degrés divers des créations de l’homme par une sélection génétique empirique. L’impact sur l’espèce humaine s’est à peu près cantonnée à une maîtrise très limitée de la reproduction.

2La diffusion de la théorie de l’évolution, la découverte des lois de l’hérédité et la mise en évidence de l’existence de la cellule comme base commune de tous les organismes vivants, qui ont eu lieu presque simultanément au milieu du XIXe siècle, ont profondément changé le regard que l’homme avait de la vie et de sa place dans l’univers. Les applications pratiques qui en ont découlé ne sont pas devenues véritablement significatives avant le début du XXe siècle. Depuis, les choses n’ont cessé de s’accélérer et le début du XXIe siècle correspond à l’avènement d’une ère nouvelle où les communautés humaines vont être en mesure de maîtriser le vivant comme jamais auparavant.

3La mise en évidence des systèmes endocrinien, immunitaire et nerveux chez les animaux et l’homme ont permis d’envisager de multiples interventions à l’aide notamment de substances chimiques. La découverte de la structure et du rôle des protéines et des gènes et la mise au point des techniques essentielles qui permettent de les manipuler et de modifier ainsi le patrimoine génétique des organismes vivants, ont ouvert des perspectives nouvelles d’une ampleur considérable. Les nouvelles activités qui en découlent sont regroupées sous le nom de biotechnologies. Les biologistes ont tout d’abord travaillé in vivo sur des organismes entiers, puis in vitro à l’aide de cellules isolées ainsi qu’avec des systèmes acellulaires composés d’extraits cellulaires plus ou moins purifiés. Chaque nouvelle approche n’a pas chassé les précédentes. Les biologistes ont maintenant commencé à travailler in silico. La bio-informatique est en effet devenue en une décennie seulement un outil essentiel pour gérer la prodigieuse quantité d’informations que recèlent les organismes vivants. Les biologistes vont donc pendant les décennies qui viennent, et de plus en plus, procéder à des allers et retours entre l’in vivo et l’in silico. C’est dire que la décomposition, inévitablement réductionniste, des organismes vivants en éléments simples que sont les molécules, ira systématiquement de pair avec une analyse de leurs effets dans leur contexte naturel qu’est l’animal, la plante ou le micro-organisme.

4Les interventions sur l’homme qui résulteront de cette aventure sont considérables et leur puissance, à la base de leur succès, peut engendrer à proportion des risques divers. Ces interventions sont de nature très différentes et ont des conséquences très variées. Cet article se propose de décrire les principales biotechnologies appliquées ou potentiellement applicables à l’espèce humaine. Ces différentes interventions peuvent être regroupées ainsi : l’observation fine des génomes qui permet le tri des embryons et les diagnostics génétiques, la thérapie moléculaire réalisée à l’aide de protéines recombinantes, la thérapie cellulaire et la greffe d’organes, la thérapie génétique, le clonage par transfert de noyau et la transgénèse. Ce classement correspond à des impacts potentiels sur l’homme dont la portée va croissant, depuis le simple test génétique jusqu’à la modification définitive du patrimoine génétique.

L’observation des génomes

5La sélection des animaux, des plantes et des micro-organismes a, pendant des millénaires, reposé sur une observation globale et relativement superficielle des propriétés des organismes vivants. Depuis deux décennies environ, la situation s’est radicalement transformée. Dans un certain nombre de cas particuliers, il a été possible d’établir une relation simple entre une propriété biologique donnée et la structure fine d’un gène bien défini, qui est déterminée par la séquence des bases de l’ADN correspondant. Cette approche a ainsi rapidement permis de sélectionner les meilleurs bovins laitiers en fonction de la structure des meilleurs allèles des gènes des protéines du lait.

6Il est possible, dans une situation favorable, de faire ainsi une recherche au cas par cas des gènes directement responsables des propriétés particulières des organismes vivants et en particulier des maladies chez l’homme. Il faut pour cela que le gène en question ait un impact fort sur le caractère biologique observé et qu’il soit exprimé de manière intense et très spécifique.

7Une autre approche, basée sur l’utilisation de la carte génétique des organismes vivants, est pratiquée depuis plus de dix ans. Elle consiste tout d’abord à établir une corrélation entre des séquences d’ADN très polymorphes et abondamment représentées dans les génomes, d’une part, et le caractère étudié, d’autre part. De telles séquences sont nombreuses et les plus utilisées sont les microsatellites. Ceux-ci sont par exemple composés de 10 à 20 GT selon les individus. Ces séquences qui doivent provenir d’erreurs de la réplication de l’ADN lors de la division cellulaire sont donc par essence très polymorphes mais également héritables. Elles sont si abondantes qu’il s’en trouve toujours certaines situées au voisinage du gène responsable par exemple d’une maladie humaine.

8L’examen d’un nombre suffisant de microsatellites d’un individu par la technique d’amplification de gène (PCR) permet avec un très haut degré de certitude de déterminer si l’ADN provient ou non de cet individu et si lui-même est le descendant ou le parent d’un autre individu. Cette technique, qui requiert en principe l’ADN d’une seule cellule, est de plus en plus couramment appliquée en criminologie ainsi que pour établir la filiation entre individus. Chez les animaux et les plantes, une sélection basée sur l’observation systématique de microsatellites est possible dès lors que ceux-ci sont situés au voisinage du gène responsable d’un caractère biologique donné.

9L’étude fine de l’ADN, qui parfois nécessite au moins un an de recherche, permet dans le meilleur des cas d’identifier le gène directement impliqué dans l’expression du caractère biologique d’intérêt. Ainsi a-t-on pu identifier plusieurs centaines de gènes jouant un rôle majeur dans des maladies génétiques humaines. C’est ainsi qu’ont été identifiés les gènes responsables de la mucoviscidose, de la dystrophie musculaire, de la maladie de Huntington, etc. Le séquençage complet de certains génomes et en particulier du génome humain va permettre de connaître la structure de tous leurs gènes et d’identifier ceux qui sont responsables des principales maladies humaines. Ces techniques vont offrir la possibilité de connaître aisément telle ou telle région du génome de chaque individu. Ainsi peut-on déjà prévoir avec une bonne précision la prédisposition qu’un individu a d’être atteint de la maladie de Huntington lorsqu’il approchera de la quarantaine. Les conséquences de ces révélations sont multiples. Il est en effet possible de prévoir si un embryon est porteur de deux copies mutées du gène CFTR, situation qui engendre inéluctablement la mucoviscidose. Un tri des embryons après fécondation in vitro est ainsi possible.

10Notons que les employeurs et les compagnies d’assurance peuvent techniquement s’appuyer sur des tests génétiques de ce type pour décider d’une embauche ou pour déterminer le prix que l’individu devra payer pour s’assurer.

11Les techniques sont par leur principe même d’une grande précision et d’une non moins grande fiabilité, à condition toutefois d’être appliquées dans des conditions rigoureuses et strictement contrôlées. Leurs limites sont plutôt théoriques. En effet, une minorité de caractères biologiques, y compris de maladies, est déterminée par l’action d’un seul gène. Même dans le cas de la mucoviscidose qui fait partie des situations simples, certaines mutations du gène CFTR se traduisent toujours par un état pathologique, mais dont l’intensité varie selon les individus. Cela tient à l’influence de la composition du génome de chacun que l’on nomme parfois le fond génétique. L’intensité du mouvement des ions chlore normalement assuré par la protéine CFTR est en réalité modulée par d’autres gènes dont la répartition est propre à chaque individu.

12La plupart des caractères biologiques sont la résultante de l’action coordonnée et complexe de plusieurs gènes. On parle ainsi de caractère multigénique. L’examen d’un gène, tout autant que celui de plusieurs gènes, n’a donc qu’une signification limitée. L’effet biologique est en effet souvent contrôlé par un très grand nombre de gènes agissant chacun de manière peu intense, si bien qu’il n’est pas possible de prévoir quelles combinaisons sont favorables ou défavorables pour l’individu. Pour ces raisons, annoncer la découverte du gène de l’alcoolisme ou de l’homosexualité n’est rien de moins qu’une escroquerie.

13Le tri des embryons n’a donc de sens que s’il est limité aux gènes ayant un effet majeur. Il n’est par ailleurs justifié que pour les gènes responsables de maladies graves. Les gènes sélectionnés pour procéder à un tri d’embryons devraient donc être définis et être pour l’essentiel les mêmes pour tous les individus et non pas laissés au libre choix des couples ou des médecins. Il en va de même pour tous les diagnostics génétiques applicables aux adultes. Seul l’examen de quelques gènes est scientifiquement pourvu de sens et parmi ceux-là, quelques-uns seulement peuvent être l’objet d’un examen éthiquement acceptable. Chaque individu a par ailleurs également le droit de connaître son statut génétique lorsqu’il s’agit d’une maladie grave, et celui de ne pas le connaître, en particulier lorsqu’il s’agit d’une maladie grave et incurable.

La thérapie moléculaire

14Cette pratique remonte à la nuit des temps. L’analogue naturel de l’aspirine présent en particulier dans les feuilles de saule, est ainsi utilisé depuis des lustres pour soulager les personnes qui souffrent de divers maux. La pharmacologie a remporté depuis cent ans les succès considérables que l’on sait. Il est admis qu’il est de plus en plus difficile de découvrir de nouvelles molécules d’intérêt pharmaceutique par les approches classiques. La connaissance des génomes va progressivement apporter des solutions nouvelles reposant sur des bases plus rationnelles et moins empiriques. La disponibilité des molécules que les chimistes synthétisent n’est pas en défaut. C’est le choix de celles qui peuvent devenir des médicaments qui est impossible sans connaissances biologiques plus approfondies.

15Il est frappant de constater que peu de protéines sont utilisées comme médicaments alors qu’elles jouent un rôle essentiel dans les organismes vivants. Cela vient pour une bonne part du manque de connaissance des gènes et des protéines correspondantes. Cette lacune va être progressivement comblée avec l’étude systématique du génome humain. Une autre limite réside dans la relative difficulté qu’il y a à se procurer les protéines en quantité suffisante. Ces molécules ont pour la plupart une structure trop complexe pour qu’on les obtienne par synthèse chimique. Le nombre des protéines traditionnellement obtenues par extraction à partir du corps humain est limité (insuline, hormone de croissance, facteurs sanguins, antigènes vaccinants, anticorps, etc.). Il ne peut qu’aller en diminuant en raison des risques de contamination que l’administration de molécules par injection entraîne. Les protéines, qui sont de plus en plus utilisées, sont synthétisées à partir de bactéries, levures, plantes et animaux transgéniques. C’est pourquoi on dit de ces protéines qu’elles sont recombinantes. Le nombre de ces molécules qui vont être utilisées pour des thérapies humaines va croître très rapidement au cours des premières décennies du siècle qui commence. L’utilisation des protéines recombinantes pose quelques problèmes de biosécurité spécifiques qui sont traités de manière très rigoureuse selon les traditions de l’industrie pharmaceutique.

16La connaissance des génomes a déjà permis l’émergence de nouvelles méthodes de criblage pour identifier des molécules chimiques non protéiques aux activités pharmacologiques potentielles. S’accroît ainsi la possibilité de rechercher les molécules qui interfèrent d’une manière ou d’une autre avec des gènes qui sont directement impliqués dans les maladies humaines.

17L’étude de certains gènes humains permet déjà de définir plus précisément les doses à administrer d’un médicament. La réceptivité à certains médicaments varie en effet selon les individus. L’examen préalable des principaux gènes impliqués dans cette sensibilité va permettre d’adapter au mieux une thérapie donnée à chacun d’eux.

La thérapie cellulaire

18Les organes sont composés de cellules qui ont une durée de vie limitée et variable selon le type de tissu. Les cellules doivent donc être remplacées grâce à une division cellulaire bien contrôlée. Certains organes comme l’intestin ou la peau sont soumis à une dégradation régulière et sont pour cette raison en permanence renouvelés. D’autres, liés par exemple à la fonction de reproduction (qui chez la femelle au moins est essentiellement cyclique), n’ont qu’une existence transitoire — c’est le cas du follicule ovarien, du corps jaune, de la muqueuse utérine et de la glande mammaire. D’autres enfin, comme le système nerveux, ne sont que très peu capables de remplacer leurs cellules mortes. Les neurones détruits par un processus naturel ou accidentel ne sont donc que très partiellement remplacés.

19Ce renouvellement de tissus se fait à partir de cellules souches qui sont peu différenciées, capables de s’autorépliquer sans se différencier pour assurer leur renouvellement et de se multiplier intensément en se différenciant pour reconstruire un tissu endommagé.

20Il est traditionnellement admis que la première cellule embryonnaire issue de la fécondation et ses deux cellules filles sont totipotentes car elles sont capables de donner naissance à un individu. Les cellules embryonnaires qui en dérivent perdent progressivement leur totipotence, on dit qu’elles sont pluripotentes. Chacune d’elles peut en effet participer à la genèse de tous les organes mais non redonner seules un embryon viable ; les cellules pluripotentes associées expérimentalement à un embryon précoce (morula ou blastocyste) par micro-injection peuvent dans le meilleur des cas participer à la genèse de tous les organes. Les lignées de cellules pluripotentes sont appelées embryonnaires souches (ES). En se différenciant encore plus, les cellules pluripotentes deviennent multipotentes. Leur capacité à engendrer des organes n’est plus restreinte qu’à quelques organes ou types cellulaires. L’étape suivante donne naissance aux cellules souches d’organes capables de s’autorépliquer en l’état et de donner naissance selon les besoins aux cellules complètement spécialisées des organes. Certaines cellules souches d’organes sont multipotentes. C’est le cas des cellules de la moelle osseuse qui donnent naissance aux cellules sanguines, les globules rouges et les globules blancs qui en comportent différents types cellulaires (lymphocytes, macrophages, plaquettes, etc.). Certaines autres cellules souches d’organes sont unipotentes. C’est le cas des spermatides qui ne peuvent devenir que des spermatozoïdes.

21Certains événements naturels ou accidentels conduisent à la destruction partielle d’organes. Dans certains cas, il est possible de restaurer des organes pleinement fonctionnels. C’est le cas des cellules de la peau qui par autogreffe peuvent guérir des grands brûlés. C’est également le cas pour les cellules sanguines renouvelées par des greffes de moelle osseuse après des chimiothérapies ou des irradiations par des rayonnements X ou .

22Il était admis jusqu’à ces toutes dernières années que le processus qui mène des cellules totipotentes aux cellules différenciées des organes, était irréversible. Ce processus résulte de l’expression sélective, selon les types cellulaires, d’environ 10% des gènes de l’organisme, les combinaisons des gènes restés actifs assurant les différentes fonctions spécialisées des organes.

23Un certain nombre d’observations ont récemment amené à réviser ce dogme. Le clonage par transfert de noyau de cellules totalement différenciées (voir plus loin) en est la démonstration la plus éloquente. Il s’agit là clairement d’un processus non naturel induit expérimentalement. Il est également possible de faire revenir des cellules souches d’organes multipotentes à l’état de pluripotence en les plaçant dans un embryon précoce. Les faits récents ont clairement démontré que certaines cellules souches d’organes étaient capables de se transformer en cellules souches d’un autre organe. Ainsi des cellules souches nerveuses transplantées dans la moelle osseuse peuvent donner naissance à des globules rouges et des globules blancs. De même, des cellules souches musculaires peuvent se transformer en cellules souches nerveuses ou cellules souches sanguines. Ce phénomène a été appelé transdifférenciation. Ajoutons à cela le fait que l’addition d’un seul gène dans des cellules hépatiques suffit à les transformer en cellules capables de synthétiser de l’insuline de manière régulée, comme les cellules pancréatiques. L’état différencié des cellules est donc beaucoup moins définitif et d’une beaucoup plus grande plasticité qu’on ne l’imaginait. On ne peut exclure pour autant que des transdifférenciations se produisent naturellement dans l’organisme, même si un tel phénomène n’a pas été observé à ce jour.

24Un autre point essentiel concerne les cellules embryonnaires souches qui peuvent se transformer in vitro en cellules sanguines, nerveuses, musculaires, immunologiques, etc., selon la combinaison des facteurs différenciateurs ajoutés au milieu de culture des cellules ES.

25Tous ces faits offrent depuis peu de temps des possibilités immenses pour procéder à des thérapies cellulaires réparatrices. On peut ainsi améliorer le sort des personnes atteintes des maladies de Parkinson ou de Huntington en greffant dans leurs cerveaux des cellules fœtales cérébrales humaines. Des cellules musculaires de patients sont également capables de restaurer en partie le muscle cardiaque à la suite d’une greffe.

26Il paraît donc logique d’obtenir in vitro des cellules souches d’organe destinées à être greffées à partir de cellules souches embryonnaires. De très nombreuses études sont pour cela nécessaires car le processus de différenciation in vitro est loin encore d’être maîtrisé. Il en va de même pour l’obtention par ce moyen de cellules souches d’organe homogènes et correspondant à un type de tissu donné.

27L’obtention des cellules souches embryonnaires pose par ailleurs elle-même des problèmes techniques et éthiques importants. Les cellules pluripotentes peuvent être obtenues par culture à partir d’embryons développés jusqu’au stade blastocyste. Les embryons surnuméraires résultant de fécondation in vitro peuvent être utilisés à cet effet. Ces embryons sont relativement nombreux et n’ont plus de destinée. Une autre possibilité théorique est l’utilisation de la technique de clonage par transfert de noyau (voir plus loin) pour obtenir des cellules embryonnaires pluripotentes puis des cellules souches d’organes in vitro. En principe, ce procédé, contrairement au précédent, permet d’offrir au patient ses propres cellules fœtales, qui n’induisent aucune réaction de rejet et n’apportent aucun pathogène nouveau. Le procédé qui n’est rien d’autre que théorique pose des problèmes éthiques évidents qu’on a plus ou moins occultés dans la mesure où des embryons viables seraient alors créés dans le seul but de servir de source de cellules. Il s’agit là d’une réification de l’embryon dans la pleine acception du terme.

28Les approches décrites plus haut sont à mettre en compétition avec les xénogreffes capables en principe d’apporter aux patients non seulement des organes mais plus simplement des cellules de porc protégées contre les mécanismes de rejet de l’hôte.

29Il est actuellement impossible d’évaluer lesquels de ces protocoles s’avéreront capables de devenir des procédés thérapeutiques effectifs. Il ne fait aucun doute que des espoirs énormes sont justifiés et que les enjeux médicaux sont considérables. Ceci est d’autant plus vrai qu’une addition de gènes peut avoir eu lieu pendant la culture des cellules souches. On peut alors procéder à une thérapie génique en même temps qu’à une thérapie cellulaire.

Les greffes d’organe

30Dans certaines situations, la greffe des cellules ne saurait être un procédé suffisant pour réaliser une véritable thérapie. Les organes entiers doivent parfois être changés.

31La pénurie d’organes est réelle puisque 3 000 personnes meurent chaque année en France par manque de greffons. Cette situation n’a aucune chance de s’améliorer significativement. On admet en effet que le don d’organes, même optimisé, ne pourrait répondre à la demande des patients.

32Le recours aux organes d’animaux apparaît donc comme incontournable. Encore faut-il pour cela que des problèmes techniques redoutables aient trouvé une solution. Les organes provenant d’animaux sont en effet très violemment rejetés par les hôtes humains. Trois types de mécanismes, rejet suraigu, rejet suraigu différé et rejet classique sont à l’origine de ces échecs.

33La maîtrise de ces mécanismes de rejet n’est actuellement pas possible. Le premier d’entre eux, qui résulte surtout de l’activation du complément humain, est très significativement contrecarré par la présence de deux gènes humains transférés aux porcs. Ce succès partiel mais très réel incite à penser que l’addition d’autres gènes étrangers et l’inactivation de quelques gènes du porc pourraient donner naissance à des porcs dont les organes ne seraient plus rejetés par les hôtes humains. Ils pourraient même l’être moins que les organes humains. Une expérience réalisée simultanément par trois entreprises dans le monde confirme la validité de cette approche. L’antigène le plus impliqué dans les rejets des xénogreffons est une structure glycosidique qui contient des galactoses. Ce type d’antigène existe chez la plupart des animaux supérieurs mais pas chez les primates supérieurs qui ont perdu le gène de la galactosyl transférase responsable de la synthèse de l’antigène. Ce gène a été inactivé chez des porcs en utilisant les techniques de recombinaison homologue et de clonage par transfert de noyau. Les reins de ces porcs ont pu être maintenus au moins deux mois chez des singes receveurs sans subir de réactions de rejet particulières.

34Une fois ces problèmes résolus, d’autres ne manqueraient pas de se poser. Le porc a été choisi pour devenir une source potentielle d’organes et de cellules pour plusieurs raisons. Cet animal est suffisamment proche de l’homme par sa taille et sa physiologie pour que ses organes soient fonctionnels chez les hôtes humains. L’élevage du porc dans des conditions où la présence des pathogènes peut être contrôlée est possible. Le porc est par ailleurs déjà massivement utilisé pour l’alimentation humaine. Il reste à démontrer quelles cellules et quels organes seraient effectivement fonctionnels chez les hôtes humains. Le transfert de pathogènes est toujours possible, mais en principe moins risqué que lors d’allogreffes qui peuvent aisément transmettre des maladies humaines. La présence de rétrovirus porcins transmissibles aux cellules humaines dans certaines conditions expérimentales est une réalité préoccupante. La xénogreffe pourrait en effet dans le pire des cas se traduire par la genèse de rétrovirus pathogènes capables d’infecter les cellules humaines autant que les cellules porcines. L’étude approfondie du génome porcin qui est en cours et la capacité théorique d’inactiver les génomes rétroviraux par transgénèse ne laissent pas les expérimentateurs dans un état d’impuissance. Il existe par ailleurs des lignées de porcs dépourvus de séquences rétrovirales endogènes et ne produisant pas de particules virales.

35Une dernière question d’ordre éthique ou peut-être plutôt psycho-sociale concerne l’origine porcine des organes. Pour certains, l’origine animale d’un greffon est difficilement acceptable. Ils ont le sentiment d’être ainsi ramenés à l’animalité. Toutefois, plus les personnes interrogées possèdent de connaissances en biologie, moins elles font valoir cette réticence. On pourrait imaginer que le porc est particulièrement irrecevable pour les personnes qui n’ont pas admis le porc parmi leurs aliments. Il ne semble pas que ce problème soit une véritable limite. La consommation de porc est en effet très éloignée de la greffe d’organes porcins qui est un acte médical réalisé dans des conditions sanitaires parfaites pour la guérison de patients incurables par d’autres moyens.

La thérapie génique

36Il y a plus de dix ans déjà, le transfert de gènes dans les cellules somatiques de patients est apparu comme une thérapie logique et prometteuse. Cette opération dans son principe ne modifie en rien le patrimoine génétique de l’individu puisque ses cellules germinales ne sont pas génétiquement modifiées. Il s’agit plutôt d’une greffe de gènes.

37L’avantage théorique de la thérapie génique est que le gène lui-même est alors un médicament plutôt que la protéine qui lui correspond. Cela permet d’éviter d’administrer la protéine aux patients. Qui plus est, l’administration de protéines recombinantes ne saurait apporter le moindre soulagement aux personnes souffrant de myopathies. Le gène ajouté aux cellules peut en principe apporter la protéine à l’intérieur des cellules qui elles-mêmes la synthétisent. En revanche, une protéine recombinante exogène ne peut que marginalement pénétrer dans les cellules pour y être active après avoir été injectée aux patients.

38La thérapie génique est souvent présentée comme ayant pour but de guérir des maladies génétiques en remplaçant un gène naturellement muté par le même gène mais dans sa forme non pathogène. Un seul véritable succès a été obtenu, cela en 2000 seulement. Il s’agit d’un procédé permettant d’amener à une vie normale les enfants immunodéficients et maintenus sous une bulle protectrice.

39La thérapie génique peut tout autant, en principe au moins, via le gène transféré apporter localement à un organe des facteurs de croissance capables de le régénérer. Il ne s’agit pas dans ces cas d’un remplacement de gènes défectueux mais d’une forme de thérapie moléculaire un peu particulière. C’est en réalité à cette catégorie de thérapie génique qu’appartient le protocole qui amène les enfants bulle à la guérison.

40Le traitement potentiel de certains cancers repose sur la thérapie génique. Dans ce cas, il s’agit en général d’apporter spécifiquement aux cellules tumorales un gène tueur qui les détruit et induit ainsi une régression de la tumeur.

41La thérapie génique pose peu de problèmes éthiques de principe. Il s’agit de l’administration de molécules dotées d’un pouvoir thérapeutique comme d’autres. Les procédés utilisés ne doivent en aucun cas permettre d’atteindre les cellules germinales. L’intégration au hasard dans l’ADN de l’hôte du gène étranger possédant l’effet thérapeutique peut dans certains cas modifier l’expression des gènes de la cellule jusqu’à lui conférer un caractère tumoral.

42C’est ce qui s’est produit chez trois enfants génétiquement immunodéprimés parmi plusieurs dizaines qui ont subi le même traitement et qui ont pu ainsi sortir de leur bulle protectrice et mener une vie normale. Dans les trois cas, le vecteur viral porteur du gène thérapeutique s’est inséré au voisinage d’un gène de type oncogène. La surexpression de ces gènes conduit fréquemment à la formation de tumeurs. Dans le cas présent, les trois enfants ont été atteints de leucémies de gravité variable et l’un d’entre eux est décédé. Cet effet qui était théoriquement possible s’est avéré beaucoup plus fréquent que prévu. Ceci révèle ou confirme le fait que les rétrovirus et généralement les gènes étrangers s’intègrent de préférence dans le génome de l’hôte là où il y a des gènes. Une étude plus approfondie sur des modèles animaux aurait peut-être permis de mieux évaluer les risques. Une étude des cellules ayant reçu le gène thérapeutique doit pouvoir permettre d’identifier les lots dans lesquels le gène s’est intégré dans un site à risque du génome de l’hôte. Seules des cellules validées seraient ainsi transplantées chez les patients.

43La manière dont sont conduits les essais de thérapie génique peut ne pas être satisfaisante. Il s’agit de procédés nouveaux dont les effets, dus le plus souvent à la technique elle-même, peuvent être dangereux pour les patients. Ainsi a-t-on vu des individus sains ayant accepté de se soumettre à des essais de thérapie génique de phase I nullement bénéfiques pour eux, mourir à la suite d’administration de gènes thérapeutiques. Les faits ont été assez clairement établis. Les effets secondaires ont été produits dans ce cas par les vecteurs viraux dont la fonction est de véhiculer le gène jusqu’aux cellules cibles. Une administration de ces vecteurs en quantité très excessive pour tenter d’obtenir à tout prix des effets thérapeutiques est la cause des accidents. Il fait peu de doute que ces derniers ont été le résultat direct des pressions exercées par les actionnaires des entreprises qui ont réalisé ces expériences.

Le clonage par transfert de noyau

44Par définition, le clonage est la reproduction d’organismes génétiquement identiques. Cela implique donc que la reproduction ne fasse pas appel à la sexualité. Lors de la reproduction sexuée en effet, les chromosomes paternels et maternels sont distribués au hasard pour constituer l’embryon par fécondation. Auparavant, au cours de la méiose, les cellules sexuelles ont procédé à des échanges multiples et aléatoires de régions entières de chromosomes. Ces événements sont uniques à chaque fois, ce qui fait que chaque individu est lui-même génétiquement unique. Ce processus n’est pas tant fait pour engendrer de la biodiversité que pour protéger les individus contre l’accumulation de gènes défectueux.

45Les micro-organismes (bactéries et levures) se reproduisent essentiellement selon un processus non sexué et donc naturellement par clonage. Le marcottage naturel des plantes ainsi que le bouturage des jardiniers sont des formes de clonage. La régénération des plantes en reformant des embryons in vitro à partir des cellules différenciées sont également des clonages. Nombre de plantes ornementales et de végétaux largement consommés par l’homme sont aussi des clones. Le clonage a l’avantage de reproduire à l’identique des individus ayant les meilleurs génomes et d’accélérer le progrès génétique en apportant également les meilleurs génomes dans les circuits de reproduction classiques.

46La reprogrammation du génome des cellules animales, les faisant passer de l’état différencié à la totipotence, n’a jamais pu être obtenue par la simple action d’un milieu de culture comme c’est le cas pour les plantes. Le transfert de noyau dans le cytoplasme d’un ovocyte préalablement énucléé est pour cela nécessaire.

47Les premiers clonages ont été réalisés chez le xénope (un batracien de laboratoire) il y a bientôt cinquante ans et il y a vingt ans chez le mouton. La naissance de Dolly obtenue sans véritable innovation technique signifie que le clonage est possible non seulement à partir du noyau de cellules pluripotentes fraîches mais également à partir de cellules totalement différenciées. Un être humain peut donc en principe se reproduire à l’identique génétiquement par cette méthode.

48Le rendement du clonage est très faible et il n’est pas certain qu’il devienne élevé. Un fœtus sur deux ne survit pas, la mort intervient peu avant ou peu après la naissance. Ce phénomène mal compris est attribué à une mauvaise reprogrammation des gènes lors du transfert de noyau. Le clonage est donc par définition l’inverse d’une manipulation génétique puisqu’il s’oppose au remaniement naturel des chromosomes qui précède la fécondation. C’est en fait une manipulation épigénétique, puisqu’il ne permet pas toujours de remettre les gènes dans un état fonctionnel satisfaisant bien qu’ils n’aient pas muté.

49Pour des raisons techniques, le clonage humain reproductif ne peut donc être actuellement envisagé et il ne le sera peut-être jamais. La société s’est massivement prononcée contre le principe du clonage reproductif, qui pourrait poser des problèmes insolubles d’identité pour l’enfant, voire pour son géniteur.

50Le clonage thérapeutique décrit plus haut et qui a pour but théorique de fournir aux patients des cellules souches qui ont leur génotype, peut en principe être à la base de thérapies cellulaires diverses. Le clonage sous sa forme actuelle implique de disposer d’un nombre considérable d’ovocytes humains et la technique sera pendant un temps indéterminé chargée de multiples incertitudes. Sa mise en œuvre n’est donc pas certaine.

51Une alternative possible pourrait consister à utiliser des ovocytes d’animaux dans lesquels seraient transférés des noyaux humains. De telles expériences ont été réalisées plusieurs fois, essentiellement en Chine. Les résultats obtenus après transfert de noyaux humains dans des ovocytes énucléés de lapine incitent, d’un strict point de vue technique, à poursuivre dans cette voie. En effet, les embryons chimères ainsi préparés se sont développés normalement jusqu’au stade blastocyste et les cellules différenciées qui en ont dérivé avaient les propriétés caractéristiques de cellules humaines. Cette approche lève l’hypothèque de la collecte d’ovocytes humains. Les embryons chimères sont imparfaitement définis. On peut considérer qu’ils ne pourraient donner lieu à la naissance d’enfants clonés, ce qui pourrait lever en partie certaines objections sur l’instrumentalisation des embryons humains. Les propriétés biologiques des cellules dérivées des embryons chimères sont à peu près inconnues. Il est certain que ces cellules contiennent des mitonchondries de lapins qui se retrouveraient chez les patients avec leur vingtaine de gènes non humains. Ce fait n’est pas forcément un handicap technique car les exigences requises pour la thérapie cellulaire sont a priori bien moins élevées que pour le développement complet d’un organisme.

La transgénèse

52L’intervention la plus décisive faite sur un organisme vivant est la modification de son patrimoine génétique par transgénèse. Celle-ci, pratiquée chez les animaux depuis 1980, comprend deux opérations distinctes : l’addition et le remplacement de gène. La première consiste à ajouter au génome de l’hôte un gène étranger le plus souvent par une intégration au hasard dans l’ADN. La deuxième fait appel à un processus de recombinaison homologue qui permet à l’ADN étranger de prendre très précisément la place d’un gène de l’hôte.

53Diverses techniques en constante amélioration sont pour cela mises en œuvre. Il est possible selon les espèces d’ajouter l’ADN étranger dans les gamètes avant la fécondation ou dans l’embryon au stade d’une cellule par micro-injection dans le noyau ou le cytoplasme. Le remplacement de gène est un processus rare et il ne peut se faire que dans des cellules cultivées, capables ensuite de participer au développement d’un embryon et à la transmission de la mutation à la descendance. Des cellules pluripotentes de souris sont ainsi utilisées depuis 15 ans avec succès. Ces cellules génétiquement modifiées et sélectionnées sont introduites dans un embryon précoce pour participer à son développement. Ce protocole n’a pu être exploité chez aucune autre espèce.

54La technique de clonage par transfert de noyau permet de réaliser le remplacement des gènes dans des cellules multipotentes ou différenciées et de reconstituer ensuite des clones qui se trouvent être transgéniques. Cette technique a été appliquée avec succès au mouton, à la vache et à la souris. Elle devrait l’être prochainement à d’autres ruminants domestiques, au porc et probablement au lapin et au rat.

55Toutes ces techniques, pour certaines d’entre elles récemment mises au point, sont en principe applicables à l’espèce humaine. Elles ne l’ont pas été pour des raisons d’ordre technique mais en raison des interdictions que toutes les communautés humaines concernées ont imposées.

56La transgénèse animale est un outil essentiel pour l’étude fondamentale des gènes et des maladies humaines. Elle commence à être à l’origine de protéines recombinantes d’intérêt thérapeutique et sera peut-être un jour à l’origine de cellules et d’organes permettant de réaliser des xénogreffes. La transgénèse a commencé à être exploitée pour améliorer les productions animales, notamment en apportant des solutions nouvelles pour lutter contre les maladies.

57Les différentes techniques qui constituent les biotechnologies sont à des degrés divers de perfectionnement. La plupart progressent actuellement à un rythme rapide. C’est le cas des techniques qui ont pour but de définir la séquence complète de l’ADN des génomes. Cela va conduire progressivement à une connaissance potentielle précise et rapide de n’importe quel gène de chaque individu.

58Les pratiques des chefs d’entreprises et des assureurs peuvent, si l’on n’y prend garde, s’en trouver très significativement modifiées aux dépens des individus.

59L’identification individuelle des gènes peut également être un moyen puissant pour procéder à des pratiques eugéniques. L’eugénisme tel qu’il a été pratiqué pendant la première partie du XXe siècle ne semble plus avoir cours dans les sociétés développées. Le tri des embryons basé sur l’observation de marqueurs génétiques ne semble répondre en effet actuellement à aucun projet collectif de la société. Les choix sont faits individuellement sans intervention politique oppressive. Le culte du risque zéro et l’esprit de compétition exacerbé poussent en revanche les parents à vouloir n’avoir que des enfants parfaits. D’autres projettent quant à eux leurs propres désirs et fantasmes sur leurs enfants plutôt que de les amener à l’état adulte en respectant leur personnalité. Cela peut se traduire par une forme d’eugénisme sournois librement consenti et même exigé par les individus eux-mêmes et non directement par la société. Ces demandes reposent pour une bonne part sur une méconnaissance du rôle véritable des gènes. Une partie seulement de notre personnalité est génétiquement définie et la sélection des génomes humains ne devrait pas aller au-delà d’une élimination au cas par cas de ceux qui ne peuvent que donner naissance à des individus souffrant de maladies graves.

60Les thérapies moléculaire et génique ne posent guère que les problèmes de mise en œuvre qui ont été évoqués plus haut. La thérapie cellulaire basée sur l’utilisation de cellules souches est actuellement l’objet d’une compétition parfois malsaine. Les promesses dans ce domaine sont considérables et les enjeux à la fois médicaux et financiers troublent de toute évidence les esprits. Il est symptomatique que le clonage reproductif ait été d’emblée si vigoureusement condamné et le clonage thérapeutique au contraire soutenu. Il semble que la condamnation du premier, irréalisable en pratique pendant encore longtemps, permette au second de se faire oublier et d’occulter ainsi le fait que sa mise en œuvre est une instrumentalisation de l’embryon. Il est difficilement explicable que l’on envisage actuellement, au niveau gouvernemental, la création d’embryons humains par clonage pour des thérapies cellulaires. Il reste en effet à réaliser beaucoup d’études préliminaires essentielles avant que cette approche puisse être raisonnablement envisageable. La différenciation bien contrôlée in vitro des cellules ES est loin d’être un fait acquis. Les embryons surnuméraires peuvent y contribuer sans que l’on soit obligé de créer des embryons nouveaux par clonage ou non. Des expériences de clonage chez les primates semblent par ailleurs un préalable pour passer à l’espèce humaine. Il est de toute façon nécessaire d’entreprendre sur des animaux de laboratoire des recherches de base sur le clonage. Il est étrange par ailleurs que l’on donne une telle importance au clonage thérapeutique alors que l’obtention de cellules souches d’organes par transdifférenciation et l’utilisation de cellules d’origine porcine n’ont pas encore été explorées de manière approfondie.

61En cas de succès technique, le clonage reproductif humain n’aurait probablement pas beaucoup d’adeptes. Ce mode de reproduction s’ajoute en effet à la fécondation par don de spermatozoïdes et d’ovocytes, à la fécondation in vitro, au don d’embryon et à l’adoption. Il est vraisemblable que les demandeurs potentiels de reproduction par clonage deviendront moins nombreux au fur et à mesure que s’approfondira l’information sur le rôle véritable du génome dans la vie des individus.

62L’espèce humaine n’a fait l’objet d’aucun essai de transgénèse. Les limites techniques peuvent à elles seules expliquer cet état de fait. On peut supposer que l’amélioration des techniques de manipulation des embryons et des gènes rendra un jour la transgénèse humaine plus accessible.

63Reste le problème de fond. La transgénèse ne saurait être pratiquée dans un autre but que celui de prévenir des maladies humaines. Même optimisées, les techniques de transgénèse conserveront une marge d’incertitude sur la précision des modifications génétiques effectuées.

64On ne peut dans ce domaine accepter l’inconnu. L’utilisation des techniques permettant d’enlever les gènes étrangers en cas de problème paraît plus ou moins possible en théorie, ce qui reviendrait à empiler les techniques pour corriger les erreurs méthodologiques.

65La lutte contre les maladies génétiques se fait et se fera de plus en plus précisément par le tri des embryons, techniquement et éthiquement plus acceptable que la transgénèse pour atteindre le même but.

66On peut imaginer que, dans le courant du XXIe siècle ou plus tard, l’homme atteigne un tel degré dans la connaissance de sa propre biologie qu’il puisse envisager des modifications définitives de l’espèce humaine par transgénèse. Cela pourrait même faire l’objet d’un consensus. Mais il s’agit là de toute évidence d’un débat qui n’est pas de notre temps.

67Au fil des années, les sociétés scientifiquement développées ont créé des comités chargés d’encadrer certaines applications des biotechnologies. Ces comités apprennent progressivement à jouer le rôle qu’on attend d’eux. L’écart entre l’émergence d’un concept ou d’une technique et son application à l’homme est de plus en plus réduit. Il en va de même pour la mise en place des comités qui parfois en arrivent à anticiper la réalité. Les succès même lents et partiels nous invitent à l’optimisme pourvu que les décisions puissent être prises à la suite de débats réellement ouverts et approfondis.


Date de mise en ligne : 01/01/2011.

https://doi.org/10.3917/tumu.025.0111

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