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Article de revue

La fabrique de l’intérêt collectif

Politiques de rémunérations et formes de solidarité sociale dans des coopératives de production

Pages 137 à 159

Notes

  • [1]
    Le statut des Scop est défini par la loi du 19 juillet 1978. La Confédération générale des Scop définit la ligne du mouvement ; des Unions régionales se chargent de l’accompagnement des Scop.
  • [2]
    « Est moral, peut-on dire, tout ce qui est source de solidarité, tout ce qui force l’homme à compter avec autrui, à régler ses mouvements sur autre chose que les impulsions de son égoïsme, et la moralité est d’autant plus solide que ces liens sont plus nombreux et plus forts » (Durkheim, 1978 : 393).
  • [3]
    En 2018, dans les 2 369 Scop en France, la part des bénéfices nets reversés aux salariés est de 42 % ; 13 % sont versés aux associés au titre de la rémunération du capital, le restant (46 %) est alloué aux réserves. Source : http://www.les-scop.coop/sites/fr/les-chiffres-cles/
  • [4]
    Contrairement aux deux autres noms d’entreprise, Scop Ti n’est pas un nom fictif. En effet cette Scop doit un certain nombre de ses propriétés à la notoriété médiatique des ex Fralib, qui rendrait artificielle une tentative d’anonymisation.
  • [5]
    Ces entreprises ont été choisies pour leur rapport contrasté à la gestion coopérative mais le corpus ne prétend pas à la représentativité : les reprises d’entreprises en difficulté ne représentent que 10 % des Scop en 2018 ; 65 % sont des créations ex nihilo.
  • [6]
    Le capital social d’une coopérative est divisé en parts sociales dont le montant est fixé par les statuts. Lors de l’admission au sociétariat, tout associé doit acheter une part sociale. Les associés peuvent ensuite en acheter d’autres ; les statuts peuvent prévoir une souscription obligatoire. Aucun associé ne peut détenir plus de 50 % du capital social.
  • [7]
    « La nouvelle vie, sans patron ni dividende, des anciens Fralib », L’Express, 26/02/2016.
  • [8]
    Sur ces débats, voir Roger (2012) et Godechot (2007 : 73 et sq.).
  • [9]
    Interview publiée dans L’Humanité Dimanche, le 6 août 2009.
  • [10]
    Conférence sur le management participatif, juin 2012.
  • [11]
    Observation réalisée les 11-12 décembre 2018.
  • [12]
    Tout se passe comme si le travail nécessaire pour entretenir un capital symbolique spécifique, coûteux en temps, en argent et en ressources humaines, était d’autant plus nécessaire que la Scop se rapproche plus, dans les rapports de travail au quotidien et dans son mode de gestion, des entreprises classiques (Hély et Moulévrier, 2013).
  • [13]
    M. Quijoux (2011) a montré dans un autre contexte comment la figure de « l’ouvrier zélé » permet de comprendre l’engagement dans les usines récupérées en Argentine.
  • [14]
    À titre d’exemples la pièce de théâtre de Philippe Durand 1336 Paroles de Fralib, ou les films de Claude Hirsch (Pot de terre et pot de fer ; 1336 jours, des hauts, débats mais debout ; Coriaces mais pas voraces).
  • [15]
    Conférence sur le management alternatif, juin 2012.
  • [16]
    Burawoy (2015) analyse les effets ambivalents de ces marchés internes du travail : la mobilité interne et la valorisation de l’ancienneté contribuent à dissoudre les tensions entre salariés et patrons mais ne font pas disparaître celles entre salariés.

1au xixe siècle, le partage des bénéfices est conçu comme un moyen de réaliser l’idéal socialiste d’abolition du salariat et d’émancipation du travail. Le cœur du projet de l’Association du capital et du travail, créée en 1880 par Jean-Baptiste Godin pour donner aux salariés la propriété de leur outil de production, est d’unir les hommes par le travail et de faire en sorte que « chacun travaille pour tous et tous pour chacun » (Lallement, 2009 : 287).

2Les dispositifs de partage des bénéfices vont progressivement perdre leurs dimensions politiques et émancipatrices. Récupérés par le patronat, ils se réduisent à un outil managérial destiné à accroître la productivité et à assurer la docilité du salariat (Bernard, 2016b : 26). Dans le contexte actuel d’individualisation des salaires, la diversification des formes de rémunération s’inscrit dans le mouvement de fragmentation et de mise en concurrence des salariés.

3Pourtant il existe toujours un type d’entreprises, minoritaires en nombre, qui semble s’inscrire à rebours de cette tendance. Les Scop (sociétés coopératives et participatives) se caractérisent par un mode original de relation entre le travail et le capital. Les salariés sont aussi les propriétaires de l’entreprise : ils détiennent au moins 51 % du capital social et 65 % des droits de vote [1]. Ces entreprises mettent en avant leur dimension « morale » au sens durkheimien [2], parce que le partage des bénéfices favorise la redistribution aux salariés et les réserves impartageables de l’entreprise et doit d’abord servir l’intérêt collectif des coopérateurs, qui ont tous le même poids en assemblée générale, quelle que soit leur contribution financière [3].

4Les Scop se singularisent notamment par leurs pratiques de rémunération. Les économistes et gestionnaires pointent leur caractère a priori peu incitatif. Les salaires, notamment des cadres, y sont globalement moindres que la moyenne dans les secteurs d’activités et zones d’entreprises comparées, l’échelle des salaires y est plus resserrée et le « mérite » serait peu pris en compte. Pour expliquer l’engagement des salariés, il faudrait ainsi chercher les incitations en dehors du système de rémunération, dans la qualité de vie au travail (Juban et al., 2015).

5De fait, le cas des Scop met en évidence les limites d’une conception strictement économique de la rémunération. Plutôt que de séparer les dimensions monétaires et symboliques des rétributions, on se propose de réfléchir sur l’articulation entre ces deux dimensions. La rémunération n’est pas uniquement une variable économique, elle confère aussi un statut et une place dans le groupe. Dans la manière dont les salariés jugent leur salaire, les enquêtes montrent qu’il est souvent moins question du montant des salaires que des différences de salaires et des critères qui les justifient (Hérard, 2001 ; Baudelot et al., 2014), c’est-à-dire des principes de rémunération. C’est en fonction de ces principes de rémunérations qui peuvent être contrastés selon les secteurs, mobilisent des critères différents et renvoient à des cultures du travail, des conceptions de soi et des organisations spécifiques, que les salariés se situent et s’évaluent (Saglio, 2003).

6Les Scop formulent de ce point de vue des principes de rémunération originaux, qui mettent en avant le primat, sur les intérêts individuels, d’un « intérêt collectif » commun au capital et au travail et qui unirait aussi les différentes catégories de salariés. Quelles sont les conditions de possibilité de l’autonomie relative de systèmes de rémunération qui cherchent à faire exister des formes de solidarité sociale, dans le contexte actuel d’individualisation du rapport salarial ? Comment sont-ils perçus, légitimés, acceptés ou contestés ? En se penchant sur les effets des pratiques de rémunération sur les salariés coopérateurs, on voudrait s’interroger sur la mesure dans laquelle elles ébranlent la philosophie implicite du rapport entre travail et capital.

7Il faut pour cela rompre avec une vision homogénéisante des coopératives. L’examen des dispositifs de rémunération fournit un angle pertinent pour éclairer les usages contrastés qui peuvent être faits de la notion de coopération, en fonction notamment de l’histoire de la Scop et des propriétés des dirigeants.

8L’analyse s’appuie sur les résultats d’une enquête menée dans trois entreprises industrielles où les salariés sont tous associés. La première, Scop Ti [4], une usine de thé et d’infusions qui compte une quarantaine de salariés, incarne le modèle de la coopérative engagée portant un projet de transformation sociale. Située aux environs de Marseille, elle est fondée en 2014 après une lutte de près de quatre ans des salariés de Fralib contre le groupe Unilever qui voulait fermer l’usine. La seconde usine, Isolec, d’une cinquantaine de salariés, produit des isolateurs pour la distribution électrique dans la Drôme. Elle est aussi issue, il y a une quinzaine d’années, d’une reprise en Scop par des salariés conduits par un élu CGT, mais les syndicats y ont disparu. Cablor, la troisième entreprise située dans l’Ouest rural, fabrique des câbles, fils et tubes. C’est l’une des plus anciennes et des plus grosses coopératives industrielles : elle compte plus de 1 000 salariés en France et a plusieurs filiales à l’étranger [5]. Près de 80 entretiens, individuels et quelquefois collectifs, souvent répétés, ont été conduits auprès de salariés, responsables des ressources humaines, anciens salariés et autres acteurs locaux (élus, bénévoles, experts, membres du mouvement des Scop). Ces données ont été complétées par la participation à une session de formation chez Cablor et par le dépouillement de documentations internes (archives syndicales chez Scop Ti et Isolec, rapports sociaux, archives, accords d’intéressement et données sur les parts sociales fournis par le service des ressources humaines chez Cablor).

9On montrera d’abord comment, au-delà des différentes conceptions de la rémunération du capital, la possession de parts sociales est pensée au prisme du travail et de l’emploi et dotée d’une valeur morale spécifique. Cela conduira à analyser les effets des représentations de la propriété coopérative sur les dispositifs de rémunération du travail.

Rupture ou conversion au capitalisme ? Le capital et sa rémunération

10La principale spécificité des Scop est que les salariés sont majoritaires au capital. Alors que les relations salariales sont souvent comprises comme résultat de l’opposition entre deux groupes, les salariés et les actionnaires, les coopérateurs occupent simultanément les deux positions. Quels sont les effets de ce double statut et de cette double source de rémunération sur la perception par les salariés de leur place dans l’entreprise ?

11Statutairement, le coopérateur n’est pas un actionnaire comme il le serait dans une autre entreprise. Il est désigné comme « associé » et non comme actionnaire ; il détient des « parts sociales » [6] et non des actions ; celles-ci rapportent éventuellement des « intérêts » et non des dividendes. Si ces distinctions de vocabulaire ne sont pas toujours reprises par les enquêtés qui parlent souvent de leurs dividendes, elles traduisent des différences objectives avec les entreprises non coopératives : les parts sociales des Scop ne sont ni cessibles ni négociables et ne donnent pas lieu à une plus-value. Elles ne rapportent pas obligatoirement des intérêts : c’est l’assemblée générale des coopérateurs qui en décide tous les ans, la rémunération (facultative) du capital étant limitée au tiers des bénéfices.

12Ces principes généraux donnent lieu à des pratiques contrastées, qui traduisent des rapports différents à l’ordre économique dominant. L’appropriation collective des moyens de production peut s’inscrire dans une volonté de rupture avec l’entreprise capitaliste ; tout au contraire la participation des salariés au capital peut être considérée comme le moyen de les transformer en co-entrepreneurs.

Le capital conquis par la lutte des classes

13Dans un premier ensemble de coopératives, fondées par des militants syndicaux, le capital possédé par les associés revêt une valeur qui ne se réduit pas aux intérêts monétaires qu’il pourrait rapporter. Il incarne une victoire ouvrière et atteste la capacité des salariés à gérer eux-mêmes leur usine (Quijoux, 2018).

14À Scop Ti, il est hors de question de rémunérer le capital : « Il n’y aura jamais de dividendes, jamais de rémunération du capital. On a déjà donné ! », déclare le président du conseil d’administration [7]. La Scop se construit en rupture avec le modèle antérieur, quand les militants articulaient les revendications salariales à une dénonciation plus globale du système de rémunération capitaliste. Au printemps 2010 par exemple, au cours d’une grève pour les salaires, ils dénonçaient le montant « indécent » des dividendes des actionnaires et du salaire du dirigeant : « Tout ce qui est pris dans la poche des travailleurs va dans celles de ceux qui nous font la leçon, se versent des salaires indécents, s’octroient des parachutes dorés, spéculent en Bourse contre les États » (tract du 10 mai 2010).

15Le projet de coopérative est nourri par cette grille de lecture. Il s’agit d’abolir les rapports d’exploitation. Les statuts de Scop Ti rappellent que « la recherche du profit économique reste subordonnée à la promotion et à l’épanouissement de ses coopérateurs salariés ». C’est ainsi que l’entreprise a fait le choix d’embaucher l’ensemble des salariés qui ont participé au conflit, le rythme des embauches étant fonction, non de l’activité économique, mais des dates auxquelles les salariés arrivent en fin de droits. Du fait notamment de cette priorité donnée à l’emploi, la Scop peine toujours en 2019 à atteindre l’équilibre financier.

16Le capital détenu par les salariés a un statut particulier : il a été conquis dans l’accord de fin de conflit avec Unilever, qui a versé une somme conséquente permettant le démarrage de la Scop et le versement par les salariés de l’équivalent de trois mois de salaire dans la coopérative. Le capital incarne la lutte victorieuse sur les actionnaires. S’il ne rapporte pas d’intérêt, c’est parce qu’il traduit une conception spécifique de la propriété. Tout au long de la lutte qui aboutit à la Scop, un discours militant opposait l’illégitimité des actionnaires, qui possèdent des actions mais ne sont pas les propriétaires de l’entreprise parce qu’ils ne se préoccupent que du rendement financier de leurs titres, et la légitimité des salariés, à qui l’usine appartient de fait parce qu’ils en prennent soin et ont à cœur sa pérennité. Les parts sociales des salariés associés ne font qu’institutionnaliser la possession légitime de l’entreprise par ceux qui y travaillent [8].

Des rémunérations monétaires et symboliques du capital et leurs aléas

17Les représentations du capital sont différentes quand il résulte, comme c’est plus souvent le cas, de l’effort financier des salariés qui se cotisent collectivement pour reprendre leur entreprise. Comme Fralib, Isolec est issue d’une reprise par les salariés. Le conflit y est plus court : trois mois s’écoulent entre la mise en liquidation de l’entreprise et l’acceptation par le tribunal de commerce du projet de Scop. Il n’a pas la même issue. Ce sont les salariés mobilisés et des donateurs qui réunissent les sommes nécessaires au redémarrage. Ce capital est rémunéré à Isolec, sans que cette question ait, semble-t-il, fait débat. La bonne santé de la Scop à ses débuts permet pendant les premières années la redistribution d’intérêts (la meilleure année, les associés ont touché en moyenne 614 euros). Sur le modèle de l’épargne salariale (Bernard, 2016a), la rémunération du capital est alors un des moteurs de la motivation des salariés selon l’ancien délégué CGT devenu patron : « Le fait que chacun soit actionnaire stimule considérablement les équipes » [9].

18Pourtant, la dimension financière ne suffit pas à rendre compte de la satisfaction des associés : elle est indissociable d’autres formes de gratifications. Les revenus du capital sont aussi la preuve que d’anciens salariés subordonnés sont capables de gérer leur entreprise. Si la rémunération du capital est source de fierté, c’est parce qu’elle dit quelque chose de la valeur des coopérateurs : elle est à la fois financière et symbolique.

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Ça faisait plaisir par rapport à tous ceux qui disaient qu’on y arriverait pas. Ils disaient : on ne va pas commencer à jouer avec les gens qui n’ont pas fait d’études pour donner à gérer une entreprise. Vous vous rendez compte, c’est un syndicat qui va gérer ça ! C’est la décadence des patrons. Alors quand on a pu montrer que ça marchait, qu’on avait nos dividendes en plus, ça faisait comme une revanche !
(Retraité, ancien opérateur élu CGT, 23/03/2017)

20Ces intérêts du capital sont bien différents, dans la représentation que s’en font les associés, d’une « valeur actionnariale » qu’il s’agirait de maximiser (Lordon, 2010). Un ancien grand patron qui a soutenu la Scop évoque ainsi la vertu des coopérateurs par comparaison avec la recherche effrénée d’enrichissement des actionnaires qu’il a côtoyés au cours de sa carrière. Les revenus du capital ne sont pas légitimes en eux-mêmes : les associés sont réticents à les toucher quand les profits ne sont pas directement liés à l’activité de production, différenciant bien l’usage des différents types de bénéfices en fonction de leur source (Zelizer, 2005 : 29).

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Une année, en 2006, Isolec avait récupéré des produits gardés par le liquidateur pour un euro symbolique. Ces produits étaient comme neufs, on les a vendus au prix fort et cette année-là, on a fait 12 % de profit. Normalement, notre répartition c’est 40 % réserve, 40 % participation et 20 % dividendes. Les ouvriers, qui n’ont pourtant pas des salaires énormes, ont dit : non, on ne devrait pas faire comme ça. Là c’est un profit exceptionnel. On devrait prendre 10 en dividendes et mettre 10 de plus en réserve. Incroyable ! Au lieu de toucher 800 euros, ils en ont touché 400 ! Alors que j’ai connu des boîtes où les actionnaires touchent 40 000 euros et même si la boîte perd du fric, ils prennent quand même les dividendes !
(Retraité, ancien patron soutien bénévole, 21/01/2018)

22Ces représentations vertueuses ne sont pas partagées par tous les associés. Depuis quelques années, l’entreprise ne fait plus de bénéfices et ne distribue ni participation ni intérêt. L’obligation de prendre des parts est souvent perçue comme un « retrait sur salaire » obligatoire. Cet opérateur était un des ouvriers d’Isolec les plus désireux de faire un entretien avec moi. Il m’explique avec amertume ses regrets d’avoir accepté l’embauche en CDI ; il pense démissionner avant d’être obligé d’être coopérateur.

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Alors ça reste anonyme ? Je suis arrivé ici en intérim, il y a six mois. Moi j’aime bien l’intérim. Il y a les 10 %, la prime de fin de contrat, tout ça. On s’en sort. Mais après j’ai accepté l’embauche. Et le problème de l’embauche, c’est qu’il y a une Scop. Donc au mois de juin, il y a une réunion générale, qui va dire si elle m’accepte ou pas. Et à partir de ce moment-là, si je suis accepté, mon salaire… Là il est de 1 160 et quelques. Au mois de juin, on m’enlève 4 % pour la Scop. Donc ça me fait 60 euros de moins. Comment vous voulez que je tombe à 1 100 ? Comment vous voulez que les gens soient intéressés ? […] C’est intéressant à partir du moment où toutes les années on a une part ! Là, je dirais pas, ça vaut la peine de mettre 60 euros, qu’ils m’enlèvent de mon salaire. Mais je vais pas mettre 60 euros dans un truc qui marche pas ! Faut être honnête quand même ! Comme je leur ai dit, je préfère les mettre à la banque. C’est pas grand-chose, mais je sais que je perds pas d’argent.
(Opérateur, 22/03/2017)

24Le rapport à la participation au capital oppose les coopérateurs les plus engagés, souvent les anciens qui ont participé à la reprise de l’entreprise, et des salariés moins disposés à adhérer à la coopérative. Ces derniers sont peu sensibles à la dimension morale de la propriété de l’entreprise et ont une perception plus strictement monétaire des coûts et gains de l’engagement coopératif. Les anciens soupçonnent d’ailleurs volontiers les « jeunes » d’être responsables de la baisse des résultats, avec l’idée que les bénéfices sont le produit de l’ardeur et de la motivation des travailleurs :

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Je ne comprends pas comment les gens ne font pas le maximum pour que ça aille bien. Ça fait deux ans qu’ils ne touchent plus de dividendes. Ils rouspètent. Mais si tu ne fais pas ce qu’il faut, te plains pas ! Dans les meilleures années, on a touché des chèques de 1 000, 1 200 euros. Ça faisait presque un quatorzième mois. Mais on retroussait nos manches, on ne comptait pas nos heures !
(Retraité, ancien agent de maîtrise, 23/03/2017)

26Dans ces deux entreprises, le capital a été apporté par des salariés qui étaient pour la plupart ouvriers, quelquefois techniciens et agents de maîtrise. Il est étroitement articulé à leur expérience de l’entreprise et à leur position de salariés. C’est du point de vue du travail qu’ils prennent position sur le capital et sa rémunération éventuelle. Si les prises de positions varient selon les positions des coopérateurs, la participation au capital n’est pas considérée comme un placement financier : c’est un acte militant, un devoir moral ou plus prosaïquement la condition pour être embauché.

Le statut ambigu de la rémunération des « co-entrepreneurs »

27Ce rapport qu’on peut qualifier d’« ouvrier » au capital est en partie lié aux conditions de reprise des entreprises, dans le cadre de conflits sociaux. La troisième entreprise, Cablor, a été créée, non par des ouvriers ou des cadres moyens, mais par des dirigeants et des patrons, avant la Seconde Guerre mondiale, afin de bénéficier de marchés d’Etat alors réservés aux coopératives. Son capital est issu d’une croissance continue. C’est aujourd’hui une entreprise au chiffre d’affaires de plus de 500 millions d’euros. La Scop appartient intégralement à ses salariés. Si les cadres (15 % des effectifs, 25,9 % des parts sociales) achètent en moyenne plus de parts que les ouvriers (53 % des effectifs, 31,7 % des parts), les ouvriers sont les premiers propriétaires de l’entreprise.

28Ici dans le discours de promotion de la propriété coopérative, il ne s’agit ni de rompre avec le capitalisme ni de prouver que des ouvriers savent gérer leur usine. Cablor est sous beaucoup de ses aspects, selon son PDG, titulaire d’un MBA, ancien directeur commercial recruté par un chasseur de tête, « une société anonyme comme les autres » qui « est d’abord là pour travailler, pour produire, pour satisfaire les besoins de ses clients et pour dégager du profit » [10], et où cinq niveaux hiérarchiques séparent les dirigeants et les opérateurs.

29La propriété coopérative a une autre vocation : elle doit transformer des salariés en co-entrepreneurs. Ainsi, les parts sociales n’y sont pas non plus considérées comme un simple placement financier. Leur achat, obligatoire au bout de trois ans, marque l’entrée dans un nouveau statut dont l’importance symbolique est régulièrement rappelée. Depuis quelques années, les nouveaux salariés suivent un « parcours coopératif » au cours duquel toute une série de petites cérémonies sont destinées à rendre plus solennelle l’accession au statut d’associé. Ils sont pris en charge par des « relais coopératifs », des associés plus anciens qui les initient à la vie coopérative, et le parcours s’achève avec la délivrance d’un « passeport coopératif ».

30Les deux journées qui ouvrent ce parcours ont permis d’observer le travail en acte pour fabriquer un ethos d’entrepreneur particulier (« Ici on n’est ni des financiers, ni des bisounours » pour reprendre la formule d’un animateur) [11]. Les sessions portaient sur la place à part de Cablor dans le paysage coopératif français, sur l’histoire de l’usine et sur ses performances industrielles et financières. La dernière demi-journée consacrée à l’actionnariat salarié et à la lecture des comptes a suscité beaucoup de réactions chez les participants, une dizaine d’opérateurs et de techniciens et deux cadres. Attentifs, ils posaient des questions sur les tableaux et cherchaient à comprendre l’évolution des « dividendes », terme que leur responsable leur a demandé de proscrire (« Attention, on est en coopérative, je n’aime pas qu’on parle de dividendes. Ce sont des intérêts de parts sociales ») dans un souci de démarcation par rapport aux entreprises non coopératives [12].

31Ici la rétribution financière est relativement élevée – les intervenants rappellent à plusieurs reprises aux salariés leur chance-, et la rémunération du capital est un des moteurs de la motivation attendue des salariés. De nombreux associés sont néanmoins réticents à l’idée d’acheter des parts, comme l’attestent les remous suscités par l’obligation récente d’en prendre deux tous les ans. L’entretien mené avec un relais coopératif d’une cinquantaine d’années, ancien opérateur devenu technicien, donne bien à voir le statut ambivalent attribué aux parts sociales. Les intérêts sont d’abord présentés comme des rémunérations qui reflètent le sérieux dans le travail :

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On met l’accent sur les déchets, la conscience professionnelle au travail. C’est pour ça que le conseil d’administration rémunère à 8,5 %. Pour mettre l’accent sur le fait que c’est quand même notre entreprise : vous voyez, si vous faites attention à ce que vous faites, les déchets et tout ça, c’est le fruit pour nous tous. Il faut leur expliquer. Moi j’ai toujours été professionnel dans mon travail, je n’ai pas attendu d’être associé, mais les jeunes, on en voit…

33Puis au cours de l’entretien, il évoque les fluctuations passées des dividendes et son malaise à reconnaître que les revenus du capital ne sont pas toujours des récompenses du travail bien fait.

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Une fois je me souviens, ça m’avait choqué, je courais dans l’atelier, un vieux m’a dit : Cours pas, on gagne plus d’argent à repeindre les machines qu’à travailler ! C’était une année où ils n’avaient pas beaucoup de travail, du coup ils faisaient des bricoles comme peindre les machines. Ce qui m’avait choqué, c’est qu’il y avait des histoires financières. Ils avaient acheté beaucoup de cuivre à un prix bas, il a été valorisé ensuite, et ça a rapporté. Les gens ont touché beaucoup. Ça choque je trouve. Parce que ce n’était pas le fruit du travail qui était récompensé. C’est pas logique.
(Technicien, 28/11/2018)

35Ces représentations ouvrières sont étonnamment proches de celles qu’analyse Bernard Mottez quand il retrace les débats au sujet de la participation aux bénéfices au début du xxe siècle. La fédération des métaux CGT estimait ainsi en 1923, en réponse à un questionnaire du ministère du Travail sur ce thème, que seul un bénéfice « normal » garantit la « réelle moralité » de la participation : le bénéfice est légitime quand il résulte d’une bonne organisation du travail, il ne l’est pas quand il « provient d’un prix de vente excessif rendu possible par des circonstances particulières » et « sans relation avec l’intérêt général » (Mottez, 1966 : 105-106). Cette méfiance ouvrière rencontrait celle des membres de la société d’économie politique qui s’opposaient à la participation au nom de l’idée que « le travail n’a rien à voir aux bénéfices : c’est l’affaire de l’entrepreneur, cela dépend de son habilité, de la situation de l’entreprise sur le marché, de mille choses sur lesquelles le travailleur n’a aucun pouvoir et dont il serait injuste qu’il fasse les frais » (Ibid. : 90-91). Bernard Mottez voyait dans cette ambivalence une des raisons de l’échec de la participation. Parce que les ouvriers n’ont pas de contrôle sur le bénéfice et sont exclus des informations touchant au « secret des affaires », la participation n’exprime plus qu’un rapport de pouvoir et suscite l’indifférence, voire la réticence des salariés (Ibid. : 108).

36Le cas des coopératives infirme en partie cette conclusion. Si la participation aux bénéfices est effectivement d’autant plus légitime auprès des salariés que les bénéfices résultent du produit du travail, si les profits ou pertes liés au « monde des affaires » suscitent méfiance et inquiétude, les coopératives produisent d’autres formes d’engagement, dissociées des considérations financières. Ainsi, même à Cablor, où les motivations des associés pourraient être plus utilitaristes que dans les petites Scop peu rentables, l’achat de parts est présenté comme une obligation, souvent énoncée dans des registres moraux et altruistes, comme un devoir envers son entreprise au nom des emplois qu’elle garantit. Ce retraité, dont les deux enfants sont opérateurs à Cablor, met ainsi en scène dans l’entretien son ethos de « bon coopérateur ». L’achat de parts sociales ne résulte pas de considérations sur les risques ou les bénéfices financiers. C’est en tant que tel et indépendamment de sa rémunération qu’il a une valeur ; il est associé à la « conscience professionnelle » du bon ouvrier [13].

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On a eu des années où ça n’a rien rapporté, mais il faut savoir ce qu’on veut. Est-ce qu’on veut garder une entreprise à notre porte ou est-ce qu’on veut … ? Moi, j’ai toujours été un bon coopérateur, que ce soit au niveau de mon travail ou au niveau de participer selon mes moyens. Je ne m’occupe pas de si ça rapporte ou pas. Je suis toujours sociétaire, et j’espère le rester jusqu’à la fin de mes jours.
(Retraité, ancien opérateur, 20/04/2018)

38Ces représentations invitent à revenir sur l’opposition entre revenus du travail et du capital. Dans un tout autre univers social, en enquêtant dans l’industrie financière, Olivier Godechot (2007) montrait la limite de la perspective dichotomique qui oppose salariés et actionnaires comme deux groupes à partir d’une délimitation légale et comptable des revenus : une partie des traders se considèrent comme propriétaires des actifs de l’entreprise et font valoir leur droit sur le profit. Si la finance fournit l’exemple de riches salariés qui s’arrogent des quasi-droits de propriété sur leurs actifs, à l’autre bout de l’échelle sociale, les salariés des coopératives conçoivent leur participation au capital à partir de systèmes de dispositions construit par l’expérience ouvrière. La propriété des moyens de production ne transforme pas les ouvriers en capitalistes, du point de vue de leur représentation du profit. L’argent du capital, dont il est souvent admis implicitement qu’il n’est légitime que s’il rémunère le fruit du travail, est systématiquement associé au salaire, qu’il s’agisse des « retraits sur salaire » pour l’achat de parts sociales ou du « quatorzième mois » que peuvent rapporter les intérêts.

39Symbole d’une victoire ouvrière sur les actionnaires ou instrument d’éducation des associés, la possession de part sociale ne se réduit pas à un placement financier. Indépendamment de sa rémunération, la participation au capital est dotée d’une valeur morale et symbolique : c’est un engagement dans un collectif, qu’il s’agisse d’un groupe militant ou d’une entreprise qui joue un rôle central dans le bassin d’emploi local. Sur chacun des terrains, on a rencontré des salariés qui refusent cette représentation « morale » des parts sociales : ils sont alors réticents à devenir associés ou cherchent à quitter l’entreprise. L’adhésion à ces dimensions symboliques conditionne donc en partie les contours des groupes de coopérateurs.

Tensions autour de la mesure des contributions individuelles à l’« effort collectif »

40Comme la propriété collective, les dispositifs de rémunération du travail sont conçus pour entretenir et renforcer la coopération entre les associés. C’est une autre particularité des coopératives, où le travail est considéré comme une œuvre collective et où les inégalités salariales sont limitées (Magne, 2016). Comment sont mesurées et rétribuées les contributions individuelles, éventuellement inégales, à cette œuvre collective ? Les réponses à cette question sont révélatrices des fondements de la solidarité sociale que les coopératives cherchent à entretenir. À cet égard, la coopérative la plus militante, Scop Ti s’oppose aux deux autres, non seulement par un moindre écart de salaires (le rapport entre le salaire le plus élevé et le plus bas est de 1,2 chez Scop Ti ; de 3 à Isolec ; il est supérieur à 10 à Cablor), mais aussi par ses modes de légitimation des différences.

À travail égal, salaire égal ? Tensions militantes autour de l’impossible « système parfait »

41Une minorité de coopératives militantes ont instauré la stricte égalité de tous les salaires : le travail relève d’une action collective qui n’est pas divisible et les salaires sont indépendants des compétences et des postes (Pruvost, 2015). Scop Ti se rapproche de ce cas limite. Les choix en matière salariale s’inscrivent dans la volonté de rompre avec un système antérieur décrit comme inégalitaire et arbitraire. Les politiques de rémunération ont été décidées collectivement au cours de plusieurs assemblées générales. Le sujet a été long à trancher : il a fallu neuf mois de discussions souvent houleuses pour arriver à un accord (« le temps de gestation de notre bébé » plaisante une salariée). Certains militants prônaient un salaire unique quel que soit le poste occupé ; d’autres peu nombreux étaient favorables au maintien de la grille antérieure. Finalement, trois niveaux de salaires ont été fixés : 1 600 euros pour les opérateurs, 1 670 euros pour les techniciens et agents de maîtrise et 1 900 euros pour le dirigeant. Le principe est celui du maintien des catégories des conventions collectives avec un salaire unique par catégorie.

42Ce choix n’est pas sans susciter des tensions. Certains anciens opérateurs ont dû se former à d’autres métiers, à la comptabilité, à la logistique ou à la gestion. C’est moins le montant de leur salaire que le principe d’une différence avec ceux qui sont restés dans l’atelier qui a fait débat.

43

Le plus de débats qu’on a eus, c’était sur le salaire unique, parce qu’il y en avait qui voulaient le même salaire pour tous. On a beaucoup débattu, on a voté, c’est pas passé. Ça avait du bon et du pas bon. Parce que là, on le voit bien, dans l’investissement, on n’est pas tous égaux. Il y en a qui font juste leurs heures… C’est quelque chose qu’on avait déjà au moment de la lutte. Il y en a qui étaient plus là que d’autres. Le système parfait, on ne l’a pas trouvé encore.
- Il n’y a pas beaucoup de différences…
Non, 70 euros avec un opérateur. Mais des fois c’est juste une question de principe, de dire que comme ce n’est pas le même métier, je me fais plus chier, je gagne un peu plus.
(Ancien opérateur, administratif, 3/12/2018)

44La différence même limitée entre les salaires marque un principe de hiérarchisation. Dans cette Scop attachée à défendre de nouveaux principes de justice, ces différences, pour être légitimes, sont retraduites en termes militants. Elles ne sont pas justifiées par la valeur intrinsèque du poste ou par les compétences requises pour l’occuper, mais par l’engagement de ceux qui consacreraient plus de temps et d’énergie à la cause de la Scop, sur le modèle de l’engagement militant.

45La plupart des salariés, quelle que soit leur catégorie, ont des salaires plus bas que ceux qu’ils touchaient à Fralib. Si le salaire de base des opérateurs a été maintenu, voire un peu augmenté pour les plus bas coefficients, s’y ajoutaient à l’époque de la multinationale des primes de nuit et des primes d’équipe (la baisse de la production a fait disparaître le travail de nuit), des primes d’ancienneté, un treizième mois, une prime de vacances et une participation aux bénéfices. La perte est forte pour les salariés du collège « techniciens et agents de maîtrise » dont le salaire total variait entre 2 000 à 3 900 euros selon les documents consultés.

46Ainsi la CGT de Fralib, réputée pour toujours défendre avec pugnacité les salaires a dû se résoudre, une fois aux commandes de la Scop, à baisser les rémunérations du fait des difficultés du démarrage. La rétribution de l’effort collectif des coopérateurs et de leur vertu militante se situe d’abord dans l’ordre symbolique. Les ex Fralib ont fait l’objet d’une couverture médiatique intense pendant toute la durée de leur lutte, et ils continuent à être les héros de films, pièces de théâtre, documentaires, mémoires de sociologie ou d’anthropologie [14]. Ils ont même été sujet de baccalauréat en 2017. Les entretiens reviennent souvent sur l’« enrichissement » personnel produit par les ouvertures géographiques et sociales et la découverte d’autres horizons de travail.

47Alors que la lutte pour obtenir une reconnaissance va en général avec une lutte pour avoir aussi les avantages matériels associés (Bourdieu, 2017 : 131), tout se passe ici au contraire comme si les gratifications symboliques compensaient les restrictions de salaires. La haute valeur du collectif rejaillit sur chacun de ses membres et les oblige en quelque sorte à être à la hauteur des attentes qu’ils suscitent. Ce rapport à l’honneur est antérieur à la Scop. En 2010, c’était pour « gagner leur dignité » que les syndicalistes revendiquaient une augmentation de salaire ; avant cela c’est au nom de la défense des droits syndicaux que les délégués avaient réussi à faire condamner Fralib pour discrimination et à obtenir une revalorisation. Dans cette entreprise, les revendications matérielles n’ont jamais été dissociées des principes de justice. L’argent a une haute valeur morale quand il est le produit d’une victoire ouvrière (les 100 000 euros qui ont été versés à chaque salarié à la fin du conflit), il est honteux quand il signifie un renoncement à l’honneur (les « primes à la valise » acceptées par les salariés qui ont renoncé à la lutte). C’est ici non la source mais la fonction de l’argent qui marque sa valeur morale.

Rémunérer des co-entrepreneurs : proximité sociale et proximité de rémunération

48Les politiques visant à l’égalité salariale ne concernent qu’une minorité de Scop. Dans la plupart des coopératives, il s’agit plutôt de limiter les tensions qui résulteraient d’une trop grande disparité. Cette question est aussi ancienne que les coopératives. Au sein du familistère de Guise au xixe siècle, Godin peinait déjà à concilier son souci de récompenser les talents et la priorité donnée à la cohésion entre les travailleurs ; il concluait que la récompense des talents devait être avant tout un honneur et non une source de revenu, car « si chacun était mû uniquement par des intérêts individuels, si l’esprit de fraternité venait à manquer, l’Association courrait vite à sa perte » (Lallement, 2009 : 254).

49La tension entre le souci d’une juste rémunération et le primat de l’intérêt collectif est résolue selon des mécanismes qui renvoient aux logiques de recrutement des Scop. À Isolec, le fondateur de la Scop s’est fait un « point d’honneur » à conserver exactement les salaires antérieurs, y compris les primes d’ancienneté et le treizième mois. « Chacun a retrouvé son salaire, au centime près. Je me le devais pour montrer qu’on n’était pas des charlots ». Dans le même temps, il cherche à limiter l’écart entre le plus bas et le plus haut salaire de un à trois : « J’ai mes convictions. Et on ne peut pas espérer que les gens vont vous suivre si on reproduit les injustices d’avant ». Ces deux objectifs apparemment contradictoires se sont conciliés spontanément par la sélection des salariés qui sont restés dans la coopérative. Les cadres aux plus hauts salaires sont partis dès l’annonce des difficultés, et les salariés qui ont porté le projet de Scop étaient tous opérateurs, techniciens, agents de maîtrise ou employés administratifs.

50Les coopératives issues de reprises d’entreprises sont ainsi le lieu de promotions spécifiques, où l’accession à des fonctions d’encadrement ou de direction n’est pas nécessairement corrélée à des augmentations conséquentes de salaires. La proximité en termes d’origines sociale et professionnelle semble être un puissant facteur de modération des écarts de rémunération. Cela tient à l’effet de l’origine sociale et du niveau de diplôme sur les aspirations salariales (Godechot et Gurgand, 2000). On peut faire l’hypothèse que joue aussi, dans le cas des coopératives, la similitude des conceptions de la justice liée à cette proximité initiale, voire la persistance des perspectives égalitaires propres au monde ouvrier (Hérard, 2001 : 434 ; Lallement, 2009 : 255).

51À Cablor, où les hiérarchies professionnelles sont plus marquées, la question des inégalités salariales se pose dans d’autres termes. Les politiques de rémunération ne sont pas discutées en assemblée générale, elles sont mises en place dans le service de ressources humaines et résultent des négociations annuelles. Le niveau de salaire des opérateurs est défendu par les syndicats qui excluent d’accepter des modérations de salaires au nom d’une hypothétique augmentation de la participation aux bénéfices :

52

Chaque fois qu’on s’évertue à leur expliquer, avec des schémas, qu’ils gagneraient plus à faire augmenter le bénéfice qu’à défendre les salaires, c’est peine perdue. Ils disent ‘oui, oui’, mais ce qu’on leur dit n’a aucun effet !
(DRH, 26/11/2018)

53Si les opérateurs touchent un salaire que les syndicalistes estiment « correct », le salaire moyen des cadres serait, selon le DRH, plus bas que celui du « marché ». Les écarts de rémunérations entre catégories restent ainsi limités, même s’ils tendent à s’accroître.

Tableau I

Rapport entre les rémunérations annuelles moyennes à Cablor

CadresTechniciens, agents de maîtriseEmployésOuv riers
2011204,1114,399,2100
2012198,1113,6100,3100
2013203,2115,7104,3100
2014205,7116101,9100
2015208,211797,2100
2016207,4116,6104,4100

Rapport entre les rémunérations annuelles moyennes à Cablor

(source : bilans sociaux)

54Quant aux dix plus hauts salaires, ils ont en 2016 une rémunération moyenne qui représente 4,5 fois la rémunération moyenne des ouvriers de l’entreprise et 11 smic. Le souci de contrôler les écarts est justifié par un souci « d’équilibre » par le PDG : « Il y a un principe de bon sens qui est de dire : tout travail mérite salaire, tout bon travail mérite reconnaissance. Est-ce qu’une fonction plus qu’une autre mérite une reconnaissance disproportionnée ? Je n’en suis pas si sûr que cela et ça peut plutôt provoquer des malaises au final. Il faut garder un peu d’équilibre » [15].

55L’entreprise a longtemps mis en avant son souci de favoriser la coopération plutôt que la compétition. C’est la valeur accordée au collectif qui justifie le refus des primes individuelles en fonction des résultats, au nom de l’idée que la réussite d’une personne est toujours le résultat d’une mobilisation collective.

56

Le sens du collectif, ça s’entretient aussi dans l’accord d’intéressement, les accords de participation. L’intéressement c’est collectif, et il faut le rappeler, même s’il y a toujours quelqu’un qui va expliquer qu’il aurait plus d’intéressement s’il avait été tout seul. Ou bien il y a la rémunération variable : je suis contre les bonus, tout ce qui est individuel. Je trouve que ça prône complètement les valeurs individuelles, ça n’a rien à faire chez nous !
- Qui vous demande ça ?
Les commerciaux. J’avoue que, question attractivité de l’entreprise, quand je rencontre le candidat et que je dis : ici il n’y a pas de prime individuelle, le commercial me regarde avec des yeux comme ça ! […] La rémunération variable, pour moi, ça n’a rien à faire dans une Scop. Le commercial fait un score, mais pourquoi ? Est-ce que c’est parce qu’il est un bon commercial ou bien parce qu’il a un bon produit qui arrive au bon moment ?
(DRH, 19/04/2018)

57Comme à Isolec, la limitation des écarts de salaires peut être mise en rapport avec le nombre important de cadres issus de la promotion interne. Cablor a mis en place une politique de formation active qui inclut systématiquement cet objectif. L’entreprise investit beaucoup dans la formation des futurs techniciens, détectés parmi les opérateurs. Les cadres sont souvent issus des ateliers. La valeur conférée à l’expérience se traduit par les possibilités de promotions, les primes d’ancienneté ou encore par les règles de participation aux bénéfices : le montant perçu est indépendant du salaire et du poste, mais il s’élève avec l’ancienneté. Cette valorisation de l’enracinement dans l’entreprise, qui n’exclut pas les tensions internes [16], peut être mise en rapport avec un recrutement qui a longtemps été très localisé et rendait possible un certain resserrement des salaires : « Parce que quand vous êtes en interne, bien dans un poste, que vous habitez à côté, vous n’allez pas voir tous les jours le salaire du marché. Donc tant qu’il n’y a pas d’injustice, vous ne voyez pas de problème » (DRH, 26/11/2018).

58La priorité donnée au recrutement interne trouve néanmoins ses limites avec l’accroissement des compétences techniques attendues dans ce secteur à haute technologie. Les difficultés de recrutement des cadres sont mises en avant pour expliquer l’élévation des salaires d’entrée des jeunes diplômés depuis quelques années, laquelle a ensuite servi de justification, au nom du principe de l’ancienneté, pour élever les salaires des cadres maison. Le DRH a dû se résoudre à accepter, sous forme d’expérimentation, des salaires avec une partie variable, sous la pression du « marché » dont les candidats venus de l’extérieur seraient le cheval de Troie.

59

Ça ne me plaît pas mais l’attractivité passe malheureusement par l’amélioration du package individuel. Le côté collectif, quand je reçois un candidat, c’est : cause toujours, ce qui m’intéresse c’est ce que je vais recevoir. Ce qu’on dit sur l’intéressement et la participation n’a aucun effet. Il y a une sorte de paradoxe entre nos principes et le marché. On a l’impression que le marché est au contraire de ce qu’on préconise. Les écoles de commerce leur vendent ça : vous êtes les meilleurs, vous avez droit à une prime. Du coup, on récupère le gars, il est formaté comme ça : je suis le plus beau, je suis le meilleur, je vaux tant. Ça me gêne, l’individuel. La somme des intérêts individuels n’est pas l’intérêt collectif.
(DRH, 26/11/2018)

60La possibilité d’instaurer et de faire accepter des systèmes de rémunération relativement autonomes par rapport au « marché » repose sur l’intégration du groupe de coopérateurs. Cette intégration est assurée par des mécanismes qui varient avec les conceptions de la propriété coopérative : la vertu militante chez Scop Ti, la promotion interne et l’enracinement local chez Isolec et Cablor. Cela se traduit par des niveaux et des écarts de salaires variables : les salaires mensuels moyens des opérateurs sont nettement plus élevés à Cablor (2 390 euros avec les primes) qu’à Scop Ti et Isolec où ils ne dépassent que de peu le smic. C’est aussi à Cablor que les salaires des cadres et des dirigeants sont les plus élevés, Isolec et Scop Ti étant plus égalitaires à cet égard. Le point commun de ces trois entreprises est que les salariés y sont reconnus, promus, rétribués en fonction de critères en partie autonomes par rapport à l’extérieur. Sur le modèle des marchés fermés, la solidarité entre les salariés s’établit sur la base de leur commune appartenance à un univers de reconnaissance relativement autonome, et sur la défense de cette autonomie, gage de la stabilisation de leurs espérances de carrière (Saglio, 1991).

61Ces « zones franches », où les capitaux dominants, comme le diplôme, sont moins opérants (Bourdieu, 1982), restent néanmoins fragiles, dans un contexte d’élévation constante du niveau scolaire des jeunes diplômés, de mobilité géographique et d’affaiblissement des ressources d’autochtonie sur le marché de l’emploi (Germe, 2001). La difficulté des Scop, même les moins critiques, à trouver à l’extérieur de l’entreprise, un personnel qualifié susceptible de partager leurs valeurs met en lumière une des difficultés de ce modèle alternatif à contester l’ordre dominant.

62Le cas des coopératives illustre l’intérêt d’articuler les dimensions monétaires et symboliques des rémunérations et de penser l’ordre symbolique à l’intérieur du pôle marchand et non seulement dans les pôles du « désintéressement » détachés des logiques économiques (Godechot, 2007 : 275). Les Scop sont des entreprises marchandes qui cherchent à faire exister des dispositifs de rémunérations originaux assurant des formes de solidarité sociale entre les coopérateurs. Les trois cas étudiés illustrent des manières différentes de concevoir et d’organiser la solidarité, reposant sur des idéaux égalitaire, la fierté ouvrière ou la valorisation des promotions internes. Dans tous les cas, le rapport des coopérateurs à leur rémunération est conditionné par leur rapport à ces principes de justice. Le prisme des rémunérations permet de dégager deux grands principes d’opposition entre les coopératives. Le premier rend compte de la distribution entre rétributions matérielles et symboliques. Le critère de la taille et du chiffre d’affaires oppose ainsi les Scop « ouvrières », qui distribuent beaucoup de capital symbolique au détriment du capital économique, aux Scop « patronales » qui ont plus de capital économique et où les rétributions monétaires sont au contraire constitutives des rétributions symboliques. Le second principe de différenciation renvoie aux supports de la proximité entre les coopérateurs. La proximité militante, la proximité en termes d’origines professionnelles et la proximité liée à l’autochtonie sont autant de sources de cohésion différentes, même si elles peuvent se cumuler ou se combiner. Ce sont aussi, indissociablement, des principes de hiérarchisation qui influent sur les rémunérations et leurs justifications. Ces logiques collectives n’excluent pas les tensions : dans chacune des entreprises, la définition de l’intérêt collectif, comme le processus de marquage des rémunérations (Zelizer, 2005 : 64), peut susciter frustrations et contestations.

63L’adhésion des coopérateurs à ces principes ne repose pas uniquement sur des choix intellectuels ou politiques, comme ce serait le cas dans des univers militants (Pruvost, 2015). Dans les différentes coopératives étudiées, selon des degrés et des processus variables, l’attachement subjectif à son entreprise est aussi un attachement objectif : les coopérateurs, ouvriers, techniciens ou cadres autodidactes, sont dépendants d’une Scop qui leur confère emploi et statut. Les salariés plus jeunes, plus diplômés, plus mobiles sont souvent moins susceptibles de s’engager dans les reprises d’entreprises en Scop ou d’accepter un emploi qui ne correspond pas à leurs attentes salariales. Le « nous » des coopérateurs est le résultat d’une sélection résultant d’un entremêlement de contraintes et d’adhésions qui se renforcent mutuellement.

64L’appartenance de classe apparaît ainsi comme un élément fondamental pour comprendre le rapport aux rémunérations du capital comme du travail. Ainsi, l’investissement dans le capital est compris à partir de l’éthos du travail. C’est en tant que travailleurs attachés à « la cause de l’emploi » (Didry, 2016), que les associés donnent un sens à leur participation au capital et à sa rémunération éventuelle. Dans l’univers ouvrier qui a une expérience des aléas de l’existence bien différente de celle de la bourgeoisie économique, le « risque » pris par l’investisseur n’est pas une valeur positive qui justifierait une rémunération et lui confèrerait son caractère légitime. Les dividendes font l’objet d’un marquage social spécifique : ils sont d’autant plus conformes aux catégories de perception d’une juste rétribution qu’ils sont considérés comme une rémunération du travail et non des aléas des affaires. Contrairement à une lecture simplifiée du marxisme, les positions de classes ne se laissent pas déduire des types de revenus perçus. Les coopérateurs ne deviennent pas des capitalistes. L’appartenance de classe conditionne au contraire la perception du sens de la rémunération et la croyance en sa légitimité. C’est aussi la relative homogénéité sociale entre les coopérateurs, qui permet de rendre compte de la réticence aux inégalités de salaires et plus généralement de l’attachement à ce qui incarne le collectif, quand « non seulement tous les membres du groupe sont individuellement attirés les uns vers les autres parce qu’ils se ressemblent, mais ils sont attachés aussi à ce qui est la condition d’existence de ce type collectif, c’est-à-dire à la société qu’ils forment par leur réunion » (Durkheim, 1978 : 73).

65L’autonomie relative des systèmes de rémunération n’est pas propre aux Scop et renvoie à des processus plus généraux de constitution de marchés internes du travail. On peut faire l’hypothèse que les coopératives ont valeur de cas limite en donnant à voir certains des fondements et des tensions autour des principes des définitions internes des principes de rémunération. La capacité d’une coopérative à défendre son propre système de hiérarchisation, de reconnaissance et de rémunération dépend en effet de sa capacité à préserver des formes de capital social spécifique, c’est-à-dire à faire bénéficier à ses membres des profits matériels et symboliques associés à l’appartenance au groupe. Les principes de proximité des coopérateurs, qui fondent l’adhésion au système de rémunération, peuvent ainsi se retourner en fragilité quand il s’agit de recruter dans des milieux sociaux et professionnels éloignés de ces valeurs morales et de cette représentation du salaire comme marquage de l’appartenance au groupe.

Références

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  • Saglio J., 2003. Rémunération et segmentations des marchés du travail, in G.de Terssac (dir.), La théorie de la régulation sociale de Jean-Daniel Reynaud, Paris, La Découverte, 169-178.
  • Zelizer V., 2005 [1ère éd. 1994]. La signification sociale de l’argent, Paris, Le Seuil.

Mots-clés éditeurs : inégalité, salaire, capital, travail, scop

Date de mise en ligne : 28/01/2020

https://doi.org/10.3917/tt.035.0137

Notes

  • [1]
    Le statut des Scop est défini par la loi du 19 juillet 1978. La Confédération générale des Scop définit la ligne du mouvement ; des Unions régionales se chargent de l’accompagnement des Scop.
  • [2]
    « Est moral, peut-on dire, tout ce qui est source de solidarité, tout ce qui force l’homme à compter avec autrui, à régler ses mouvements sur autre chose que les impulsions de son égoïsme, et la moralité est d’autant plus solide que ces liens sont plus nombreux et plus forts » (Durkheim, 1978 : 393).
  • [3]
    En 2018, dans les 2 369 Scop en France, la part des bénéfices nets reversés aux salariés est de 42 % ; 13 % sont versés aux associés au titre de la rémunération du capital, le restant (46 %) est alloué aux réserves. Source : http://www.les-scop.coop/sites/fr/les-chiffres-cles/
  • [4]
    Contrairement aux deux autres noms d’entreprise, Scop Ti n’est pas un nom fictif. En effet cette Scop doit un certain nombre de ses propriétés à la notoriété médiatique des ex Fralib, qui rendrait artificielle une tentative d’anonymisation.
  • [5]
    Ces entreprises ont été choisies pour leur rapport contrasté à la gestion coopérative mais le corpus ne prétend pas à la représentativité : les reprises d’entreprises en difficulté ne représentent que 10 % des Scop en 2018 ; 65 % sont des créations ex nihilo.
  • [6]
    Le capital social d’une coopérative est divisé en parts sociales dont le montant est fixé par les statuts. Lors de l’admission au sociétariat, tout associé doit acheter une part sociale. Les associés peuvent ensuite en acheter d’autres ; les statuts peuvent prévoir une souscription obligatoire. Aucun associé ne peut détenir plus de 50 % du capital social.
  • [7]
    « La nouvelle vie, sans patron ni dividende, des anciens Fralib », L’Express, 26/02/2016.
  • [8]
    Sur ces débats, voir Roger (2012) et Godechot (2007 : 73 et sq.).
  • [9]
    Interview publiée dans L’Humanité Dimanche, le 6 août 2009.
  • [10]
    Conférence sur le management participatif, juin 2012.
  • [11]
    Observation réalisée les 11-12 décembre 2018.
  • [12]
    Tout se passe comme si le travail nécessaire pour entretenir un capital symbolique spécifique, coûteux en temps, en argent et en ressources humaines, était d’autant plus nécessaire que la Scop se rapproche plus, dans les rapports de travail au quotidien et dans son mode de gestion, des entreprises classiques (Hély et Moulévrier, 2013).
  • [13]
    M. Quijoux (2011) a montré dans un autre contexte comment la figure de « l’ouvrier zélé » permet de comprendre l’engagement dans les usines récupérées en Argentine.
  • [14]
    À titre d’exemples la pièce de théâtre de Philippe Durand 1336 Paroles de Fralib, ou les films de Claude Hirsch (Pot de terre et pot de fer ; 1336 jours, des hauts, débats mais debout ; Coriaces mais pas voraces).
  • [15]
    Conférence sur le management alternatif, juin 2012.
  • [16]
    Burawoy (2015) analyse les effets ambivalents de ces marchés internes du travail : la mobilité interne et la valorisation de l’ancienneté contribuent à dissoudre les tensions entre salariés et patrons mais ne font pas disparaître celles entre salariés.

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