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Article de revue

Articuler différentes échelles d'analyse dans la comparaison

Intermédiaires de l'emploi et mise en œuvre des politiques visant les chômeurs âgés en France et au Royaume-Uni

Pages 93 à 108

Notes

  • [1]
    Nous souhaitons remercier les directeurs de ce numéro, ainsi que les relecteurs anonymes et Vincent Caradec pour leurs précieuses remarques sur les versions antérieures de ce texte.
  • [2]
    Dans la suite du texte, pour ne pas alourdir le propos, nous parlerons le plus souvent de chômeurs âgés. L’expression n’est pas très heureuse, mais témoigne du fait que ce public est construit sur la base de l’âge.
  • [3]
    La variable nationale a, de manière générale, un caractère prégnant dans les travaux comparatifs. Cela tient en partie au succès de l’approche sociétale développée par des chercheurs du LEST (Maurice et al., 1992) ou du modèle développé par Esping-Andersen (1999).
  • [4]
    Nous avons également rencontré quelques difficultés concernant les Jobcentre : sans personne ressource, l’accès nous est resté en partie fermé. Malgré tout, nous y avons réalisé cinq entretiens et quelques observations. Ce matériau indique que les programmes destinés aux plus de 50 ans sont mis en œuvre par des prestataires. Un terrain plus approfondi au sein des Jobcentre aurait peut-être conduit à nuancer ce constat ; néanmoins la littérature (Considine, 2001 ; Finn, 2005) confirme que ce sont essentiellement les prestataires du SPE qui développent les actions de retour à l’emploi.
  • [5]
    L’échelle régionale constitue un niveau d’analyse important, mais nous ne disposons pas de suffisamment de matériau pour le prendre en compte ici.
  • [6]
    Le taux de chômage des plus de 50 ans est difficile à évaluer en raison de dispositifs les soustrayant du marché du travail (Alcock et al., 2003 ; Guillemard, 2010). Leur taux de chômage est relativement bas, comparé aux autres classes d’âge. En 2012, il s’élève à 5% au Royaume-Uni et à 6,5% pour la France – contre respectivement 8,1% et 9,6% pour l’ensemble de la population active (ONS, 2012 ; INSEE, 2012). En revanche, ils connaissent plus souvent que les autres classes d’âge un chômage de longue durée.
  • [7]
    Selon les financeurs, ce ciblage permet d’éviter que les prestataires « recrutent » des chômeurs qui n’auraient pas besoin d’aide (Finn, 2009). Dans les faits, une difficulté récurrente des prestataires est de trouver des personnes qui répondent aux cahiers des charges, ce qui les place dans une situation paradoxale : parce qu’il leur faut suivre un nombre de chômeurs défini, ils finissent par intégrer dans leurs dispositifs des individus pour qui le retour à l’emploi n’est pas envisageable, pour des raisons familiales ou de santé.
  • [8]
    Dans les deux pays, l’âge s’articule étroitement à d’autres variables comme le genre, l’origine sociale et culturelle : les âges auxquels on est perçu comme âgé au travail varient selon le sexe, la qualification, etc. Cette donnée est rarement intégrée par les politiques publiques et les intermédiaires de l’emploi : l’âge est considéré pour lui-même, ce qui renforce les effets de naturalisation.
  • [9]
    Les prestataires des SPE qui ne sont pas focalisés sur les chômeurs âgés mais qui les reçoivent au même titre que d’autres publics développent des discours similaires.
English version

Introduction

1Dans un contexte d’inquiétudes sur le financement de la protection sociale, en particulier des régimes de retraite, les pouvoirs publics britanniques et français ont récemment mis à l’agenda politique la question de l’allongement de la vie active [2]. Néanmoins, les différences sont marquées dans la manière dont ces deux pays structurent les fins de carrière à travers les politiques de l’emploi et les systèmes de protection sociale (Guillemard, 2010). La France se rapproche du modèle continental, marqué par une démarchandisation assez forte ce qui, dans le cas des fins de carrière, s’est traduit depuis les années 1970 par une indemnisation importante des sorties précoces, tout en étant peu associée à des possibilités de retour sur le marché du travail. Quant au Royaume-Uni, il se caractérise par une obédience libérale : intervenant en dernier ressort sur le marché du travail, les fins de carrière y sont déterminées par les besoins du marché. C’est ainsi que l’on peut repérer des types nationaux de fins de carrière : la France a vu s’édifier une culture de la sortie précoce et le Royaume-Uni a construit le public des chômeurs âgés comme une variable d’ajustement aux besoins du marché (Ibid.).

2Désormais, dans les deux pays, des politiques s’efforcent de favoriser leur retour à l’emploi. Nous travaillons plus précisément sur leur mise en œuvre, sur la manière dont elles ciblent les chômeurs âgés et sur les argumentaires construits par les intermédiaires de l’emploi pour favoriser leur embauche. Sur un tel sujet, la variable nationale prend a priori un caractère « d’évidence » (Barbier, Letablier, 2006) [3]. Cependant, elle a été mise à l’épreuve du terrain : les logiques à l’œuvre dans les politiques visant les chômeurs âgés ne sont pas seulement nationales.

Méthodologie

De part et d’autre de la Manche, nous avons constitué, entre 2007 et 2010, deux corpus de 25 entretiens avec des intermédiaires de l’emploi intervenant auprès de chômeurs âgés. Nous avons rencontré des acteurs ayant mis en œuvre des programmes de retour à l’emploi destinés à ce public ou s’étant spécialisés dans son recrutement. Trois types d’intermédiaires sont identifiables : services publics de l’emploi (SPE), prestataires du SPE et structures focalisées sur le retour à l’emploi des chômeurs âgés.
Les relations des SPE avec leurs prestataires et les activités dont ils ont la charge ne sont pas similaires dans les deux pays. Au Royaume-Uni, les programmes ciblés sur les chômeurs âgés, conçus par les politiques de l’emploi, ne sont pas mis en œuvre par les Jobcentre Plus (l’équivalent britannique de Pôle Emploi), mais par des prestataires. De ce fait, ce sont ces derniers que nous avons davantage rencontrés [4]. En France, nous nous sommes concentrée sur les ateliers que délivre Pôle Emploi. Nos corpus ne sont donc pas équivalents : en France, nous avons réalisé une quinzaine d’entretiens à Pôle Emploi et une dizaine autour de petites structures focalisées sur les chômeurs âgés. En Angleterre, nous avons recueilli une dizaine d’entretiens auprès du SPE et ses prestataires, une quinzaine avec des employés ou des fondateurs de petites structures focalisées sur les older workers. Cette « asymétrie » des terrains renvoie à des paysages institutionnels différents (Lima, 2004).

3Cet objet se prête donc particulièrement à la discussion de la place de la variable nationale dans les comparaisons par rapport à d’autres échelles d’analyse. C’est ce que nous nous proposons de faire dans cet article. Nous montrerons que le niveau national reste indispensable, mais qu’il doit être articulé à d’autres niveaux d’analyse. En effet, les politiques déployées pour favoriser le retour à l’emploi des chômeurs âgés et les pratiques des acteurs chargés de leur mise en œuvre – les intermédiaires de l’emploi – oscillent entre spécificités nationales et logiques de convergence. De ce point de vue, l’Union européenne a amorcé une dynamique de rapprochement des États membres sur la manière de concevoir la place de l’âge dans nos sociétés, qui s’articule à des spécificités nationales (Marginson, Sisson, 2004). Nous soulignerons tout d’abord que, dans un contexte marqué par la mise en cause du critère d’âge au niveau européen, les politiques de l’emploi restent nationalement marquées. Nous verrons ensuite qu’en dépit de ces spécificités nationales, les discours des intermédiaires de l’emploi français et anglais sont très proches et reflètent l’imbrication des niveaux nationaux et européen [5].

Les politiques nationales de retour à l’emploi des chômeurs âgés dans un contexte européen de mise en cause de l’âge

4Dans les deux pays, les pratiques des intermédiaires de l’emploi témoignent d’une ambivalence sur le critère de l’âge qui a été cristallisée par l’Union européenne à travers ses préconisations sur l’emploi des plus âgés. Ces dernières s’articulent toutefois aux traditions politiques des États français et britanniques. La manière dont ils se sont saisis de cette question et les politiques qu’ils ont déployées témoignent à cet égard de la persistance de logiques nationales. C’est pourquoi nous montrerons que la construction du public des chômeurs âgés se comprend à l’articulation des logiques européennes et nationales.

Une impulsion européenne

5Au cours des années 1990, la question de l’allongement de la vie active est mise à l’agenda européen. Cette préoccupation s’est déclinée en deux dynamiques, en partie contradictoires.

6La directive EMPLOI du Conseil de l’Union européenne engage les États membres à rendre illégale la discrimination sur le marché du travail. L’âge en particulier est perçu comme un critère rigide et arbitraire pour encadrer des trajectoires individuelles qui se singularisent. L’interdiction de la discrimination sur l’âge sur le marché du travail a été transposée en 2001 en France et en 2006 au Royaume-Uni. Si le fait de considérer l’âge comme un possible critère de discrimination n’est pas nouveau dans ce dernier, l’Europe lui a imposé d’adopter une loi longtemps discutée (Macnicol, 2006). À l’inverse, cette question est nouvelle en France (Caradec et al., 2009) où, plus qu’outre Manche, l’âge est un critère des opérations de recrutement. La seconde dynamique repose sur la préoccupation relative au niveau d’emploi des seniors, mise en évidence dans la Stratégie européenne pour l’emploi (SEE) qui, en 2001, fixe l’objectif d’un taux d’emploi de 50% pour les 55-64 ans en 2010.

7Ces deux logiques s’articulent pour favoriser l’emploi des quinquagénaires tout en produisant une tension autour du critère de l’âge. Alors que l’interdiction de la discrimination sur l’âge délégitime le recours à ce critère, la SEE comprend l’objectif concomitant d’améliorer l’emploi des plus âgés en indicateurs chiffrés et ciblés sur une classe d’âge ; pour ce faire, la SEE préconise le développement d’actions auprès des quinquagénaires. L’âge se trouve en tension : mis en cause comme critère de gestion de la main-d’œuvre, il reste un outil de ciblage dans la conduite des politiques publiques.

8Cette impulsion européenne est déclinée différemment dans les espaces nationaux et selon des calendriers spécifiques. Mais elle entretient cette ambivalence autour du critère de l’âge, puisque, d’un côté, elle impose aux États membres d’interdire la discrimination sur l’âge et de l’autre, elle les incite à se saisir de la question de l’emploi des travailleurs âgés. Les effets de la SEE sont délicats à cerner. En effet, l’emploi n’est pas une compétence de l’Union européenne, les objectifs fixés sont indicatifs et ne sont pas assortis de sanctions – ce qui explique la persistance de politiques de l’emploi nationales. Pour autant, la SEE exerce une influence sur les politiques nationales, ne serait-ce que du point de vue des populations mises à l’agenda et des programmes de retour à l’emploi qu’elle finance à travers le Fonds social européen. Si la SEE n’a d’ailleurs pas pour objectif de réduire les spécificités nationales, elle s’efforce de coordonner et d’orienter les politiques nationales (Palier, 2009). En outre, les instruments de la SEE – la méthode ouverte de coordination et le benchmarking – jouent un rôle dans l’orientation de ces dernières (Bruno et al., 2006). Ils permettent d’articuler les objectifs de la SEE aux diversités nationales, tout en introduisant ou en diffusant des normes qui imprègnent ensuite les réformes mises en œuvre au niveau national. Leur influence est d’autant plus forte que ces instruments sont assortis d’évaluations et qu’ils reposent sur la mise en concurrence des États membres.

9Regardons de quelle manière cette dynamique européenne interagit avec les politiques nationales.

Des politiques de l’emploi nationalement marquées

10Du point de vue des chômeurs âgés [6], les politiques de l’emploi françaises et anglaises semblent se rapprocher dans leurs objectifs. Pour autant, le calendrier de la mise à l’agenda et les indicateurs mis en place au niveau européen ne s’intègrent pas de la même manière dans les politiques de l’emploi nationales, qui restent marquées par de fortes cultures politiques (Barbier, 2008). Au Royaume-Uni, les politiques de l’emploi sont limitées, ciblées et déléguées. En France, l’enjeu a plutôt été de restreindre l’accès aux sorties anticipées du marché du travail et de promouvoir « l’emploi des seniors ».

11Jusque récemment, le Royaume-Uni n’avait pas de mesure spécifique en faveur des older workers. L’arrivée des travaillistes au pouvoir en 1997 inaugure une série d’interventions sur le marché du travail, dont des interventions ciblées qui avaient été abandonnées au cours des années 1980 (Erhel, 2009). En 1998, le nouveau gouvernement lance des programmes de retour à l’emploi qui ciblent les jeunes et les chômeurs de longue durée. En 2000, ils sont étendus aux plus de 50 ans. De ce point de vue, les engagements britanniques sur l’emploi des plus âgés précèdent de peu les préconisations de l’Union européenne, ce qui limite son influence dans les orientations prises par le Royaume-Uni. Ce dernier se targue, à l’inverse, d’avoir inspiré la SEE ; la référence à celle-ci et à ses indicateurs est restreinte dans le débat public (Büchs, 2007).

12Si le pays a pris des mesures pour les plus de 50 ans, il n’est pas pour autant possible de parler d’un revirement des politiques. D’inspiration libérale en matière de protection sociale, le Royaume-Uni intervient en marge du marché du travail. Les politiques de l’emploi sont peu développées et caractérisées par un niveau de dépenses publiques limité (0,5 % du PIB en 2008, contre 2% pour la France ; Eurostat, 2010). En 2008, l’indemnisation du chômage représente un tiers des dépenses des politiques de l’emploi, contre environ deux tiers pour la moyenne de l’Union. 9% du budget sont réservés au financement des programmes à destination des chômeurs, le reste est alloué au fonctionnement du SPE et au financement de ses prestataires (52% contre 12% pour l’Union). Le Royaume-Uni délègue en effet une bonne partie des activités liées à la recherche d’emploi à des prestataires privés ou associatifs (Finn, 2009).

13Dans ce pays, le recours aux prestataires, ancien (Bessy et al., 2001), s’est trouvé renforcé avec la création en 2001 des Jobcentre, assortie de coupes budgétaires, entraînant la réduction du nombre d’agents et la multiplication de contrats avec des prestataires. Ce choix s’appuie sur l’idée que le recours au marché est plus efficient pour réduire les coûts, tout en améliorant les prestations délivrées par la mise en concurrence du service public (Finn, 2009). Les Jobcentre s’occupent surtout du suivi des demandeurs (gestion administrative, indemnisation et contrôle). Les activités liées à la recherche d’emploi – travail sur le CV et les lettres de motivation, préparation aux entretiens d’embauche, etc. – sont limitées et déléguées à des prestataires (Considine, 2001). De surcroît, elles ne sont pas ouvertes à tous les chômeurs, mais proposées à ceux qui sont considérés comme les plus éloignés de l’emploi, pour ne pas orienter les dépenses vers des chômeurs qui n’en auraient pas besoin. À côté du SPE, les prestataires, après avoir répondu à des appels à projets, mettent en œuvre des actions à destination des publics identifiés par les politiques de l’emploi.

14En France, les enjeux des politiques de l’emploi sont sensiblement différents. Longtemps visés par des mesures favorisant leur sortie du marché du travail, les chômeurs âgés sont depuis peu l’objet de politiques d’« activation » (Barbier, 2008). L’année 2006 marque un tournant avec l’adoption d’un plan gouvernemental pour l’emploi des seniors. Contrairement au Royaume-Uni, les objectifs fixés par la SEE sur les 55-64 ans ont pris une place importante dans le débat public ; ses indicateurs apparaissent de manière récurrente dans les rapports publics, les média, les publications statistiques. La SEE a exercé un rôle majeur dans les orientations prises par la France sur l’emploi des plus âgés et dans les pays d’obédience continentale plus généralement (Palier, 2009).

15Dans ce contexte, l’enjeu pour Pôle Emploi a été de mettre en cause la culture de la sortie précoce qui s’y est manifestée dans la pratique de la « demande morte » (Demazière, 1992, p.223). L’activité d’aide à la recherche d’emploi repose sur un travail de catégorisation des chômeurs, opéré par les conseillers à l’emploi, qui varie selon la situation des chômeurs et la perception qu’ils ont de leurs chances de sortir du chômage. Or, les chômeurs âgés sont perçus comme trop vieux, peu employables et proches de l’inactivité. Avec la demande morte, ils ne sont pas considérés comme des demandeurs d’emploi, c’est-à-dire comme des personnes privées temporairement de travail, susceptibles d’en retrouver un. Les conseillers les orientent vers des dispositifs de retraits précoces plutôt que vers des offres d’emploi.

16Par ailleurs, l’objectif de leur retour à l’emploi s’inscrit dans un contexte où le SPE a fortement évolué. Depuis les années 1980, le suivi des chômeurs se standardise et le recours aux prestataires croît (Simonin, 2005). Comme au Royaume-Uni, le contrôle de la recherche d’emploi gagne en importance et les conseillers sont pris dans des logiques de résultats et d’évaluation. Malgré tout, les activités liées à la recherche d’emploi sont en large partie encore délivrées par Pôle Emploi. Ce dernier développe des actions à destination des publics des politiques de l’emploi, dont les chômeurs âgés. Tout un travail de sensibilisation, à travers des formations notamment, a été mené à l’encontre de la demande morte, afin d’amener les conseillers à considérer ces chômeurs comme des demandeurs d’emploi à part entière. L’un des organisateurs de ces formations en précise les objectifs : « l’issue du chômage pour les seniors, c’est l’emploi et c’est ça qu’il va falloir que les conseillers commencent à intégrer. Et donc, une des préconisations majeures sur la question, c’était la légitimation du projet de retour à l’emploi ».

17L’Europe a ainsi favorisé le développement de tendances communes qui s’inscrivent au sein de systèmes qui conservent leur empreinte nationale, visible au niveau des SPE et de leur recours variable à la sous-traitance. Si l’Europe a imposé au Royaume-Uni de légiférer sur la discrimination sur l’âge, les effets de la SEE y sont moins nets. Elle semble l’avoir davantage incité à poursuivre les actions déjà mises en œuvre, avec les programmes de retour à l’emploi qu’elle cofinance (Walker, 2002), plus qu’elle ne les a impulsées. En France, en revanche, elle inaugure l’idée selon laquelle l’âge peut constituer un motif de discrimination et elle participe à la mise à l’agenda de l’emploi des seniors.

La construction du public des chômeurs âgés par l’âge

18Ce développement de tendances communes lié à la persistance de logiques nationales se retrouve avec l’examen de la construction du public des chômeurs âgés par les politiques de l’emploi. Associer le contexte européen de mise en cause de l’âge aux politiques nationales permet de comprendre le jeu des ressemblances et des différences dans la manière dont ce public est ciblé.

19Dans leurs fondements, ces politiques témoignent d’une ambivalence par rapport au critère d’âge. Tout en portant la dénonciation de l’âge comme critère de jugement des compétences individuelles, elles ne s’en départissent pas. Les politiques de l’emploi anglaises et françaises ont en effet construit le public des chômeurs âgés à partir de l’âge comme principal critère et ciblent la même classe d’âge. Le Royaume-Uni a introduit un programme pour les plus de 50 ans en 2000, le New Deal 50+, et le service public de l’emploi français a lancé en 2008 un plan de mobilisation pour l’emploi des seniors visant les plus de 50 ans. L’âge se retrouve dans tous les programmes visant les chômeurs âgés et les mêmes âges sont mobilisés dans les deux pays (45 ou 50 ans).

20Ce public fait en revanche l’objet d’un ciblage plus précis au Royaume-Uni qu’en France, ce qui renvoie aux enjeux des politiques de l’emploi des deux pays. En France, compte tenu de la volonté de mettre en cause la culture de la sortie précoce, les prestations de Pôle Emploi sont ouvertes à l’ensemble des chômeurs, mais varient principalement selon un critère d’âge. Et encore, l’application est souple : « ça nous est déjà arrivé oui dans les groupes de prendre quelqu’un qui avait 45-46 » explique l’animatrice d’un atelier ouvert, en principe, aux chômeurs de plus de 50 ans. Au Royaume-Uni, en revanche, une multiplicité de critères s’ajoutent à l’âge (type d’allocation perçue, zone de résidence, etc.). Dans la mesure où les actions en faveur des chômeurs âgés sont déléguées à des prestataires, multiplier les critères d’éligibilité permet d’encadrer précisément leur travail tout en ciblant a priori les chômeurs les plus éloignés de l’emploi [7]. En ce sens, ils sont tenus de respecter scrupuleusement l’application de ces critères au risque sinon de ne pas être payés : « On a eu des personnes qui avaient 49 et elles allaient avoir 50 dans un mois, mais on ne pouvait pas les accepter, parce que… il est bien précisé dans le contrat qu’elles doivent avoir 50 ans ou plus » (prestataire du Jobcentre). On retrouve les caractéristiques des politiques britanniques : limitées, ciblées et déléguées.

21La construction du public des chômeurs âgés s’éclaire ainsi en articulant le niveau européen – qui cristallise la mise en cause de l’âge, tout en promouvant l’emploi d’une classe d’âge – aux politiques nationales. Ces dernières s’inscrivent dans des contextes nationaux, elles se déclinent dans des paysages institutionnels distincts et ciblent plus ou moins précisément les chômeurs. De ce point de vue, le cadre national constitue un niveau privilégié. En revanche, l’analyse de la déclinaison de ces politiques suppose de prendre en considération non seulement l’échelle européenne, mais également les acteurs de leur mise en œuvre dans chaque pays.

Des intermédiaires anglais et français au cœur de l’ambivalence de l’âge

22La contradiction des discours sur l’âge, présente dans les objectifs européens et transcrite dans les politiques de l’emploi nationales, se manifeste particulièrement au niveau des intermédiaires de l’emploi. Elle structure même leurs pratiques. Dans les deux pays, les argumentaires pour valoriser les chômeurs âgés oscillent entre la dénonciation de la sélection des individus sur la base de leur âge et la production de discours liant avancée en âge et compétences. Par ailleurs, la mise à l’agenda de l’emploi des chômeurs âgés et le contexte de dénonciation de l’âge a permis l’essor de structures focalisées sur ce public. Avec leur émergence, nous verrons que les paysages institutionnels des intermédiaires de l’emploi se diversifient dans chaque pays, ce qui donne à voir deux manières d’envisager les publics cibles qui dépassent les contextes nationaux.

Un argumentaire commun

23Les programmes de retour à l’emploi à destination des chômeurs âgés sont construits sur un paradoxe, que l’on retrouve dans les discours des intermédiaires de l’emploi. Si le retour à l’emploi des chômeurs âgés s’inscrit dans un contexte de mise en cause de l’âge, comme critère de discrimination, ce dernier reste identifié comme le frein essentiel dans leurs chances de retrouver un emploi. Ce paradoxe renvoie aux débats sur la discrimination positive et aux difficultés de désigner un groupe par rapport à un critère sans le naturaliser. D’une part, en effet, « la catégorisation est une activité de connaissance et de reconnaissance » (Guillaumin, 2002, p.251). Elle permet de mettre en évidence les difficultés spécifiques que rencontrent certains groupes, mais, d’autre part, une fois cette catégorisation opérée, il est difficile de s’en départir (Ibid.). De part et d’autre de la Manche, les discours des intermédiaires de l’emploi témoignent de cette ambivalence, oscillant entre dénaturalisation et naturalisation de l’âge.

24Les intermédiaires partent du même constat : les chômeurs âgés rencontrent de grandes difficultés à retrouver un emploi. Les stéréotypes dont ils font l’objet s’observent dans les deux pays : un manque de qualification et une connaissance rudimentaire des nouvelles technologies, des problèmes de santé occasionnant davantage d’absences. Aux yeux des employeurs, ils coûteraient trop cher et seraient peu mobiles. Dans ce contexte, les réunir sur la base de l’âge pour leur apporter une aide particulière paraît légitime. Pour valoriser les candidatures des chômeurs âgés, les intermédiaires s’attachent à dénaturaliser ce critère en dénonçant ces stéréotypes. Ils affirment que juger les individus sur la seule base de leur âge n’est ni pertinent, ni fondé, et que seules les compétences doivent intervenir dans les recrutements. Un conseiller Pôle Emploi expose sa manière d’intervenir auprès des employeurs : « mais ce que vous recherchez c’est des gens compétents ? Donc l’âge, on s’en fiche… » Dans le même temps, pour promouvoir cette main-d’œuvre, ils élaborent un argumentaire, similaire en France et en Angleterre, mettant en avant des atouts qui leur seraient spécifiques. Les chômeurs âgés sont, parmi les qualificatifs qui reviennent le plus souvent, « expérimentés », « raisonnables », « matures », « sérieux », « professionnels ». Ils utilisent cet argumentaire aussi bien pour convaincre les employeurs qu’auprès des chômeurs doutant de leurs chances de retrouver un emploi : « si vous dites : “regardez-moi, je suis très sage (wise), je suis très expérimenté, j’ai… vous savez, j’ai plein de connaissances”, alors peut-être qu’ils trouveront votre candidature plus intéressante » (prestataire des Jobcentre).

25Dans le même temps qu’ils cherchent à dénaturaliser l’âge, les intermédiaires le naturalisent en prêtant aux chômeurs âgés des qualités et des savoir-être qui leur seraient irréductibles puisqu’ils s’acquièrent avec l’avancée en âge. Cette tension entre dénaturalisation et naturalisation de l’âge constitue la base des argumentaires des intermédiaires anglais et français [8].

L’émergence de structures focalisées sur les chômeurs âgés

26Par ailleurs, dans les deux pays, de nouveaux acteurs mobilisés sur les chômeurs âgés ont récemment émergé, à l’articulation des niveaux nationaux et de la dynamique de mise en cause de l’âge.

27Ces structures sont, pour l’essentiel, des cabinets de recrutement et des associations. De taille restreinte, elles n’emploient souvent que quelques salariés – parfois, seulement le fondateur de la structure. Dans les deux pays, elles sont le plus souvent créées par des hommes, ayant exercé des fonctions de cadres supérieurs ou de managers / executives qui, aux alentours de la cinquantaine, font l’expérience du chômage et des difficultés à retrouver un emploi. Ayant réalisé une « étude de marché » qui a mis en évidence un secteur « porteur », ils se spécialisent dans le retour à l’emploi des chômeurs âgés. Plus fondamentalement, l’histoire personnelle de ces fondateurs a rencontré l’agenda de leur pays.

28En effet, de part et d’autre de la Manche, ces structures naissent dans le sillage de la mise à l’agenda de l’emploi des seniors. C’est plus particulièrement à la fin des années 1990 que la plupart des structures voient le jour au Royaume-Uni (avec un regain en 2006 où la discrimination sur l’âge devient illégale) ; en France, en 2005-2006. Se spécialiser dans le retour à l’emploi des chômeurs âgés, créer une structure sur ce créneau leur paraît possible dans la mesure où le problème acquiert une plus grande visibilité, accompagnée de politiques de l’emploi et de financements gouvernementaux et européens, eux-mêmes permis par un recours croissant à l’externalisation de l’intermédiation à l’emploi. De ce fait, elles se sont développées plus précocement au Royaume-Uni. En 2009, elles étaient une dizaine en France et une trentaine de l’autre côté de la Manche. En 2012, l’écart numérique s’est réduit, puisqu’on en dénombre une vingtaine en France et toujours une trentaine au Royaume-Uni. Elles n’ont en revanche pas la même audience dans les deux pays. Les structures anglaises sont organisées en un réseau national puissant de lobbying, The Age and Employment Network, qui n’a pas d’équivalent en France et qui leur confère une influence potentiellement plus large.

29Enfin, ces structures sont, elles aussi, au cœur de la mise en tension de l’âge. Engagées dans la promotion de l’emploi des plus âgés, elles se mobilisent contre la discrimination sur l’âge, tout en restant dans l’ambiguïté. Si elles dénoncent l’illégitimité de ce critère, elles déploient un argumentaire mêlant dénaturalisation et naturalisation de l’âge. Par ailleurs, leur appellation témoigne de cette ambivalence, en faisant plus ou moins explicitement référence à l’âge. En France, le terme senior apparaît souvent (Cadres Seniors Consulting, Senior Agir). Au Royaume-Uni, la nomination est plus variée, faisant référence à l’âge (Working50Plus, Third Age Foundation) ou à des qualités supposées liées à l’avancée en âge : l’expérience (Skilled People), la maturité (Mature Accountants), la sagesse (Wise Owls).

30L’émergence de ces structures, leur développement, mais selon des calendriers et des contextes nationaux distincts, se comprend ainsi au regard de différents niveaux d’analyse.

Cibler ou non les chômeurs âgés

31À côté des SPE et de leurs prestataires, se trouvent donc des structures focalisées sur les chômeurs âgés. Les intermédiaires, selon qu’ils soient ou non spécialisés sur les plus âgés, se différencient au sein des cadres nationaux, tout en se rapprochant de part et d’autre de la Manche dans la mesure où ils font face à des enjeux similaires (Marginson, Sisson, 2004).

32Pôle Emploi et les Jobcentre, en tant que services publics, se veulent exemplaires en matière de non-discrimination et, par souci d’équité, ils se doivent d’accompagner tout demandeur d’emploi [9]. Pour autant, la pression d’un chômage massif et durable a rendu légitime la construction de publics prioritaires (Erhel, 2009). C’est ainsi que, de part et d’autre de la Manche, les chômeurs âgés sont devenus une cible des politiques de l’emploi dans la mesure où il a été établi – statistiquement – qu’ils connaissaient des difficultés particulières.

33Néanmoins, les conseillers des SPE et leurs prestataires formulent des hésitations quant à la pertinence de ce ciblage. Cibler des publics reconnus comme les plus en difficulté sur le marché de l’emploi et leur accorder une aide particulière leur semble justifié, mais ils pointent le risque de réifier ces publics autour du critère qui les réunit. Un conseiller Pôle Emploi est explicite sur ce point : « dès l’instant où on distingue un public et qu’on le distingue trop, on le fragilise. » Le danger serait de « se convaincre que effectivement c’est un public à problèmes. » En outre, la création de catégories est porteuse d’éventuelles tensions avec l’objectif d’équité des SPE vis-à-vis de l’ensemble des chômeurs, comme le souligne cet agent Pôle Emploi : « aujourd’hui, qui est le plus prioritaire des prioritaires ? Celui qui vient d’une ZUS ? Celui qui est éventuellement au RMI ? Celui qui a plus de 50 ans ? Ou la personne handicapée ? […] du coup… on s’écarte du sens global du métier de conseiller à l’emploi qui est normalement donc service public et tout type de public. »

34Ces hésitations prennent encore plus d’acuité dans un contexte d’individualisation de la recherche d’emploi, comme en témoigne ce chargé des relations internationales du Jobcentre. Il précise d’abord que « parmi les groupes de clients, bien sûr, il y a… les chômeurs âgés […] qui est un groupe très important, et sur lequel nous avons besoin d’avancer plus vite ». L’entrée en vigueur en 2009 d’un nouveau programme, le Flexible New Deal, entre cependant en contradiction partielle avec ses propos. À la fin des années 1990, le parti travailliste a mis en place des programmes ciblant différents publics (les jeunes, les familles monoparentales, les plus de 50 ans, etc.). Mais ces distinctions ont peu à peu posé question, notamment celles fondées sur l’âge : « nous avions un New Deal appelé 50+ et qui aidait tout le monde qui avait plus de 50 ans, mais nous essayons de sortir de ce critère d’âge… » Les anciens programmes ont été rassemblés dans le Flexible New Deal qui vise à « personnaliser » le suivi des demandeurs d’emploi. Malgré tout, des mesures ciblent toujours les plus de 50 ans, puisqu’« on sait que… les quartiers ont de multiples barrières sur… sur lesquelles il faut travailler et, encore une fois, pour les chômeurs âgés, c’est exactement la même chose. Donc nous devons cibler ces zones en particulier. » La persistance identifiée de difficultés particulières rencontrées par ces chômeurs légitime de les établir comme public, autour du critère de l’âge. Pour autant, les différents publics ne sont pas opposés entre eux, mais mis en équivalence : « plus de gens sont en compétition pour moins d’emplois, (…) si vous êtes trop jeune et inexpérimenté, ou trop vieux avec trop d’expérience, vous êtes marginalisé » (prestataire des Jobcentre).

35Ne partageant pas le souci d’équité propre aux SPE, les discours des structures focalisées sur les plus âgés sont moins nuancés. Plutôt qu’une mise en équivalence des difficultés rencontrées par les différents publics des politiques de l’emploi, ils les opposent aux chômeurs âgés. Ces structures tirent leurs financements du retour à l’emploi des plus âgés : les cabinets de recrutement par leurs opérations de placement et les associations en décrochant des programmes de retour à l’emploi. Pour assurer la pérennité souvent fragile de leur structure, leurs membres sont vindicatifs dans la défense de l’emploi des chômeurs âgés et ce faisant, ils sont prompts à le distinguer des autres publics.

36D’après eux, les chômeurs âgés ne sont pas un public comme les autres. Ils opèrent une hiérarchisation des difficultés rencontrées par les différents publics et recourent au registre de la discrimination pour renforcer l’illégitimité de la situation faite aux plus âgés (Caradec et al., 2009). Non seulement ils sont victimes de discrimination mais, en plus, « les formes de discrimination les plus criantes, c’est l’âge et le sexe » (directeur d’un cabinet français). En outre, ils estiment que les chômeurs âgés sont peu aidés, comparativement aux autres publics. Peu de structures s’en occupent, peu de fonds leur sont alloués, comme l’explique la directrice d’une association anglaise : « si vous êtes une association pour les enfants, ou pour les jeunes, ou pour des malades, ou pour les étrangers, euh… ce n’est pas trop compliqué de trouver de l’argent. Si vous êtes une association pour les cadres âgés, personne… ce n’est pas une cause très sympathique, donc trouver des fonds, c’est… ambitieux ».

37Surtout, ils prennent position par rapport à une autre catégorie de l’action publique, les « jeunes » dont l’insertion paraît plus légitime que le retour à l’emploi des quinquagénaires. À partir des années 1970, en effet, les besoins en main-d’œuvre diminuant, les plus âgés des actifs ont servi de variable d’ajustement pour favoriser l’emploi des plus jeunes (Kohli et al., 1991). Les acteurs de ces structures ne comparent pas seulement ces deux catégories d’âge. Pour légitimer le retour à l’emploi de leur public, ils tendent à les opposer et à les mettre en concurrence. La plupart évoquent le fait que les jeunes n’auraient pas la même « éthique du travail » que leurs aînés : « les jeunes sont […] beaucoup plus consuméristes en relation travail, consommateurs. Un jeune, dans un entretien, avant de parler du projet d’entreprise, de se projeter, il va vous parler des RTT, des avantages, etc. » (fondateur d’un cabinet français). Alors que les anciens, « ils sont plus fiables que leurs cadets, ce n’est pas comme s’ils allaient partir pour avoir une promotion… […] j’ai travaillé avec plein de jeunes qui… ils géraient mal leur temps, ils… chaque lundi ils étaient absents » (fondateur d’une structure anglaise). Au final, ils seraient d’ailleurs plus compétitifs que les jeunes car « un jeune qui sort de l’école, quand vous l’embauchez, il coûte moins cher. Ça c’est clair. Mais seulement il n’est pas opérationnel. Hein, il faut… 6 mois […] alors qu’un senior vous allez le payer peut-être un peu plus cher […] sauf qu’au bout de quinze jours il est opérationnel, donc il est productif tout de suite » (directeur d’un cabinet français).

38Ainsi les intermédiaires de l’emploi, selon qu’ils se focalisent ou non sur les plus âgés, dessinent deux manières d’envisager les publics des politiques de l’emploi. La mise en œuvre de ces dernières dans des paysages institutionnels distincts s’éclaire à l’articulation du niveau national et du contexte général européen d’ambivalence du critère d’âge.

Conclusion

39Pour analyser la mise en œuvre des politiques de l’emploi ciblant les chômeurs âgés de part et d’autre de la Manche, il convient donc d’articuler plusieurs niveaux d’analyse. Le retour à l’emploi des quinquagénaires s’inscrit dans un contexte d’ambivalence du point de vue de l’âge, impulsée et entretenue au niveau européen (qui, d’un côté, interdit la discrimination par l’âge et, de l’autre, promeut l’emploi des 55-64 ans), qui s’articule de manière étroite à des politiques de l’emploi encore fortement dessinées au niveau national.

40Le cadre national demeure structurant : il permet de différencier des politiques publiques de l’emploi, il façonne les paysages institutionnels de l’intermédiation à l’emploi, avec un recours plus ou moins important des SPE à la sous-traitance. Au-delà, il est nécessaire de prendre en compte le niveau européen, dans la mesure où les politiques mises en œuvre par l’Union européenne ont conduit à un rapprochement dans les manières de concevoir la place de l’âge dans l’organisation des parcours de vie en France et au Royaume-Uni. L’articulation étroite de ces deux niveaux d’analyse se révèle donc indispensable. La mise en œuvre des politiques de l’emploi s’inscrit dans des contextes institutionnels nationaux, mais les argumentaires que les intermédiaires de l’emploi déploient pour favoriser l’embauche des chômeurs âgés, ambivalents du point de vue de l’âge, témoignent de la dynamique européenne de mise en cause de l’âge comme critère des politiques publiques. Lier les niveaux nationaux et européen se révèle également fécond pour comprendre le ciblage plus ou moins précis dont font l’objet les chômeurs âgés dans chaque pays, mais aussi pour analyser l’apparition de structures focalisées sur ces chômeurs. L’articulation de différents niveaux d’analyse montre ainsi son caractère heuristique dans le cadre de comparaisons internationales ; elle permet de saisir la mise en œuvre des politiques de l’emploi dans leur complexité.

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Date de mise en ligne : 16/01/2013

https://doi.org/10.3917/tt.021.0093

Notes

  • [1]
    Nous souhaitons remercier les directeurs de ce numéro, ainsi que les relecteurs anonymes et Vincent Caradec pour leurs précieuses remarques sur les versions antérieures de ce texte.
  • [2]
    Dans la suite du texte, pour ne pas alourdir le propos, nous parlerons le plus souvent de chômeurs âgés. L’expression n’est pas très heureuse, mais témoigne du fait que ce public est construit sur la base de l’âge.
  • [3]
    La variable nationale a, de manière générale, un caractère prégnant dans les travaux comparatifs. Cela tient en partie au succès de l’approche sociétale développée par des chercheurs du LEST (Maurice et al., 1992) ou du modèle développé par Esping-Andersen (1999).
  • [4]
    Nous avons également rencontré quelques difficultés concernant les Jobcentre : sans personne ressource, l’accès nous est resté en partie fermé. Malgré tout, nous y avons réalisé cinq entretiens et quelques observations. Ce matériau indique que les programmes destinés aux plus de 50 ans sont mis en œuvre par des prestataires. Un terrain plus approfondi au sein des Jobcentre aurait peut-être conduit à nuancer ce constat ; néanmoins la littérature (Considine, 2001 ; Finn, 2005) confirme que ce sont essentiellement les prestataires du SPE qui développent les actions de retour à l’emploi.
  • [5]
    L’échelle régionale constitue un niveau d’analyse important, mais nous ne disposons pas de suffisamment de matériau pour le prendre en compte ici.
  • [6]
    Le taux de chômage des plus de 50 ans est difficile à évaluer en raison de dispositifs les soustrayant du marché du travail (Alcock et al., 2003 ; Guillemard, 2010). Leur taux de chômage est relativement bas, comparé aux autres classes d’âge. En 2012, il s’élève à 5% au Royaume-Uni et à 6,5% pour la France – contre respectivement 8,1% et 9,6% pour l’ensemble de la population active (ONS, 2012 ; INSEE, 2012). En revanche, ils connaissent plus souvent que les autres classes d’âge un chômage de longue durée.
  • [7]
    Selon les financeurs, ce ciblage permet d’éviter que les prestataires « recrutent » des chômeurs qui n’auraient pas besoin d’aide (Finn, 2009). Dans les faits, une difficulté récurrente des prestataires est de trouver des personnes qui répondent aux cahiers des charges, ce qui les place dans une situation paradoxale : parce qu’il leur faut suivre un nombre de chômeurs défini, ils finissent par intégrer dans leurs dispositifs des individus pour qui le retour à l’emploi n’est pas envisageable, pour des raisons familiales ou de santé.
  • [8]
    Dans les deux pays, l’âge s’articule étroitement à d’autres variables comme le genre, l’origine sociale et culturelle : les âges auxquels on est perçu comme âgé au travail varient selon le sexe, la qualification, etc. Cette donnée est rarement intégrée par les politiques publiques et les intermédiaires de l’emploi : l’âge est considéré pour lui-même, ce qui renforce les effets de naturalisation.
  • [9]
    Les prestataires des SPE qui ne sont pas focalisés sur les chômeurs âgés mais qui les reçoivent au même titre que d’autres publics développent des discours similaires.

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