Travailler 2018/2 n° 40

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Article de revue

Répondre du social dans les pratiques cliniques individuelles en psychopathologie du travail. Discussion des contributions de M. Pezé, B. Edrei & I. Gernet

Pages 53 à 63

1S’il s’agit de dresser un inventaire de l’évolution des pratiques cliniques individuelles en psychopathologie du travail, l’évocation des consultations « Souffrance et Travail » est incontournable. Le témoignage de Marie Pezé déroule la construction d’une pratique originale et son institutionnalisation progressive, avec ce que cela impose de pugnacité et de ténacité face à tout ce qui résiste. Le commentaire n’est pas commode, car il y a beaucoup d’expérience clinique cristallisée dans la communication de Marie Pezé, tandis que la présentation se positionne plutôt dans le registre de l’action dans le champ social. Ma première remarque sera la suivante : au vu de l’importance du réseau et de l’aspect capital des formes de coopération engagées dans cette pratique, il convient de se demander si les termes de clinique individuelle correspondent bien à ce dont il est question ?

2À côté de ces consultations « Souffrance et travail », la clinique individuelle, si on accepte ces termes, est aussi le lot de nombreux praticiens qui exercent en libéral. Le dispositif est alors bien souvent celui du cadre thérapeutique, et c’est le lieu à partir duquel Béatrice Edrei et Isabelle Gernet ont présenté le cas de Simon.

3Un troisième dispositif manque, et mériterait d’être versé à la discussion, à savoir celui où les entretiens individuels, circonscrits dans le temps, ont pour objectif de construire un levier pour des interventions au sein de l’organisation du travail. La puissance de ces lieux est de s’ancrer dans un dispositif plus large, où l’espace clinique est utilisé, au sens noble, par l’institution qui héberge sa pratique. L’enjeu est alors du côté de la prévention ou de l’action, et non du soin, ce qui est bien différent. À défaut d’avoir une présentation autour de ce type de dispositif, le débat se limitera aux questions déjà nombreuses soulevées par le soin à proprement dit.

Comment écouter l’incapacité de penser le monde du travail ? Trois écueils à éviter

4La présentation de la pratique clinique est un exercice délicat, mais il est indispensable de s’y prêter pour entrer dans le cœur de la discipline. Une des difficultés est alors certainement de faire apparaître les principes théoriques qui guident ce travail clinique ? Qu’est-ce qui outille l’écoute ?

5Les modalités d’écoute des patients qui permettent de faire apparaître la consistance de tel ou tel tableau clinique ne sont pas les mêmes en fonction des théories sur lesquelles on s’appuie. On ne fait pas apparaître la douleur ou un épuisement professionnel comme ça. Le tableau existe dans une certaine manière de mener l’entretien. D’interroger les gestes, le rapport que le patient entretient avec les règles de métier, le zèle, etc. Autant d’éléments qui sont totalement invisibles et qui n’émergent que si le clinicien a l’idée qu’elles peuvent être là. Sur ce point, les positions de Marie Pezé, Béatrice Edrei et Isabelle Gernet s’accordent assez facilement.

6Mais cela se corse, semblerait-il, sur la façon d’écouter et de rendre visible « le monde » dans lequel se déploie ce qui caractérise le rapport subjectif au travail. Comment écouter ce monde ? Autrement dit, pour envisager la pratique, l’articulation entre théorie sociale et théorie du sujet ne peut rester invisible, et c’est bien cette articulation qui fait l’objet de la discussion.

7Le cas de Simon, et son commentaire théorique, peut être déroutant. Le chemin causal qui conduit à la décompensation et l’évolution du tableau clinique échappent pour partie. Ce dont on peut être sûr, c’est qu’il s’agit bien d’un cas de psychopathologie du travail, c’est-à-dire une histoire où les troubles mettent en cause la situation de travail. L’enjeu de la présentation n’est pas de soutenir une étiologie ou une nosographie propre à la psychopathologie du travail, ce qui par ailleurs existe de façon assez précise. Le cas pose certaines considérations relatives à la centralité du travail dans l’étiopathogénie comme acquises (Dejours et al., 2010), ce qui peut être frustrant. Mais la discussion souhaite nous emmener un pas plus loin, du côté de la pratique thérapeutique, face à cette clinique de l’incapacité de penser le monde.

8Ce qui ressort, c’est que la pratique thérapeutique devrait éviter plusieurs écueils. Le premier est celui, tant décrié, de la victimisation. Le second est l’écueil du tout sexuel interprétatif, et enfin le troisième, thématisé comme herméneutique de la domination.

9Premièrement. Une critique récurrente relative à la prise en charge individuelle des patients qui consultent pour des problèmes de travail est celle qui consiste à dire qu’il s’agit d’un dispositif produisant des victimes (Fassin et Rechtman, 2007 ; Gaignard, 2013 ; 2015). La consultation individuelle permettrait d’encadrer l’expression de la colère ou du ressentiment tout en laissant intacte la machine politique. De ce fait, elle maintiendrait les rapports d’exploitation, et elle éluderait la question de la responsabilité du patient dans la reproduction de la structure sociale dominante.

10Ce qui est avancé par Béatrice Edrei et Isabelle Gernet démine totalement cette critique précisément parce qu’elles se demandent comment les cliniciens manient les jeux dynamiques de l’inconscient et des rapports de domination. Bien au contraire, la thèse est de dire que c’est la construction d’un espace de compréhension de ces considérations qui est thérapeutique. On voit bien que le thème de l’inconséquence politique persiste, sauf qu’elle change de camp, et se déplace du côté du patient, sous forme d’une question : comment rendre compte de l’incapacité de Simon de se poser des questions politiques ?

11Le second écueil est celui du pansexualisme interprétatif. Dans sa communication, Marie Pezé explique, parfois avec une certaine ironie, que la construction de sa pratique s’est faite contre une certaine surdité des milieux psychiatriques. Elle argumente combien l’utilisation parfois abusive de certains concepts psychanalytiques, au mieux, est insuffisante, au pis vient opposer une fin de non-recevoir à l’expression de la souffrance des patients.

12Globalement, les techniques interprétatives des thérapeutes qui n’ont pas de connaissances du travail conduisent à personnaliser ou à médicaliser la souffrance, c’est-à-dire à réinterpréter la souffrance en la déchargeant de ce qu’elle doit au travail. D’une certaine façon, la prise en charge redouble le déni de la souffrance. Sur ce point, Isabelle Gernet a évoqué le travail de Sabine Flick, qui rapporte très finement comment les thérapeutes « déthématisent » régulièrement le travail dans les échanges qu’ils entretiennent avec leurs patients. Mais Sabine Flick va plus loin que ce constat, elle formule l’idée selon laquelle l’oubli ou la méconnaissance des contraintes sociales dans le cadre thérapeutique serait une conséquence de la résistance des thérapeutes à la visée normative de leur pratique. Pour résister à la place à laquelle ils sont assignés du côté de la revalidation et de la remise au travail, ils construiraient finalement un cadre de pensée dénué de toute théorie sociale, où les interprétations qu’ils font dépolitisent la souffrance et empêchent in fine toute critique sociale. Une des conséquences de cette modalité de résistance très particulière, dont les rapports avec les stratégies défensives contre la souffrance sont à approfondir, serait d’invisibiliser le contexte de travail. Ce qui est intéressant, même si Sabine Flick ne le dit pas comme ça, c’est qu’elle décrit les psychothérapeutes comme des Simon, à savoir dans l’incapacité de penser l’articulation entre leur travail et son inscription dans le monde social.

13Marie Pezé le dit autrement : il y a trop de réel dans cette affaire de violence sociale pour la laisser aux psychanalystes. La psychopathologie qui se réfère à la psychanalyse pose de gros problèmes, car la théorie sociale héritée de la psychanalyse fait totalement l’impasse sur les rapports sociaux, sur l’inscription de la domination dans le psychisme, sur le rôle central du travail dans la structuration de l’Imaginaire social, etc. En effet, comme l’a bien repéré Norbert Elias, Freud a conçu un modèle de l’individu éminemment sociologique couplé à un modèle de la société éminemment individualiste (Elias, 2011). Elias souligne les régulières équivalences que le fondateur de la psychanalyse établit entre le développement de l’individu et le développement social. Freud développe une conception de l’individu comme un univers microsociologique, où dans la topique psychique s’organise un petit monde social, avec des rapports de force, des luttes… Mais, pour autant, Freud n’envisage guère la complexité de l’organisation sociale et des rapports sociaux différenciés (de genre, de parenté, de travail, économiques…).

14Pour le dire vite, ce qui pourrait être un point d’appui pour penser, à savoir la théorie sociale psychanalytique, s’avère finalement être un objet extrêmement problématique. Face aux nouveaux tableaux cliniques, la tentation est grande pour la psychanalyse de convoquer ce qui est déjà connu, à savoir l’étiologie sexuelle et la centralité de la sexualité dans l’économie psychique. Alors, certes, c’est incontournable, mais c’est insuffisant. Les propositions de Béatrice Edrei et d’Isabelle Gernet soutiennent avec force que le rapport au travail est intimement intriqué avec l’économie sexuelle, ce qui renouvelle la façon d’écouter les conflits psychiques générés par l’investissement subjectif au travail. Cet appui sur la théorie de la double centralité de la sexualité et du travail a des conséquences pratiques fortes. Inévitablement, cette référence conduit à un déplacement par rapport à la clinique du transfert centrée sur la réactualisation de conflits psychiques liés à la sexualité infantile. Avec l’outillage théorique proposé, la pratique se déplace du côté de l’écoute du clivage (Dejours, 2001 ; 2017).

15Pour ce faire, le travail clinique suppose un rapport précis à la théorie non pas comme un moyen de résoudre les problèmes posés, mais pour penser ce qui résiste à l’analyse. Pour Simon comme pour tant d’autres, l’inanalysabilité des troubles pourrait résulter du fait qu’il n’est pas possible de les déconstruire à partir des seules références de la psychopathologie générale. Il convient, pour avoir accès au caractère thérapeutique de l’interprétation, de faire référence aux rapports sociaux de domination et à la façon dont ils se mettent en forme au poste de travail. Bref, d’être doté d’une théorie sociale conséquente qu’il est possible de convoquer dans l’écoute et la méthode interprétative. Si la question que le clinicien se pose est : qu’est-ce qui résiste à l’analyse ? La réponse de Béatrice Edrei et d’Isabelle Gernet est : précisément l’impensé des formes contemporaines d’organisation du monde social, au centre desquelles on trouve la domination du et par le travail.

16Cela étant dit, les exposés nous mettent aussi en garde sur la tentation d’une herméneutique de la domination, ce qui est une belle formule pour évoquer les interprétations qui viseraient à traduire systématiquement ce dont se plaint le patient dans des catégories conceptuelles de rapports de pouvoir (Flottes, 2013). Ces rapports sociaux existent, il peut être utile d’y faire référence, mais le nœud de la pratique clinique est de comprendre de quelle façon le patient est partie prenante de ces formes de domination.

17Le cas présenté, lui, semble frappé d’un oubli, d’une méconnaissance ou d’un déni de la domination et des formes qu’elle emprunte dans l’organisation du travail. Se pose alors la question : la mise en lumière de ce point aveugle peut-elle être thérapeutique ? Ne pas occulter les rapports de domination qui structurent le travail, est-ce que cela signifie pour autant qu’ils doivent surdéterminer les interventions ou les interprétations que l’on est amené à faire ? Y a-t-il finalement une différence entre l’entretien clinique qui viserait à faire du patient un « salarié averti », c’est le cinquième point de Marie Pezé, et une pratique qui tendrait à dévoiler ou révéler au patient l’ordre sociologique et ses pesanteurs ?

18La première partie de la réponse est claire : la clinique individuelle ne peut pas constituer le lieu d’une quelconque politisation, au risque d’une grave dérive déontologique. Et si les dimensions politiques qui se font sentir dans l’activité sont à explorer, c’est parce cela devrait permettre d’élaborer comment l’évolution de l’organisation du travail s’accompagne d’une dégradation de la santé.

19Marie Pezé rappelle qu’elle n’utilise pas le mot de « victime ». Si l’on dresse la liste des mots qui ne sont pas utilisés pour aborder la clinique individuelle en psychopathologie du travail, on trouvera aussi ceux de « souffrance éthique ». L’absence du concept de souffrance éthique dans chacune des communications ne fait pourtant pas penser qu’il s’agit d’une invalidation ou d’une réfutation du caractère opérant du concept, mais plutôt d’une invitation à une mise en discussion de celui-ci. Le concept de souffrance éthique est-il suffisamment robuste ? Résiste-t-il à la pratique ?

L’élaboration des enjeux politiques du travail. Souffrance et plaisir éthiques

20Pour rappel, depuis l’introduction du concept de souffrance éthique par Christophe Dejours en 1998, celui-ci a été largement discuté. Initialement, le qualificatif d’éthique est indexé à un contexte très limité d’apparition de la souffrance, à savoir là ou l’injustice est prescrite et patente. « Faire le mal ». La fécondité du concept a été de poser le traitement de la dimension axiologique comme consubstantielle au travailler, et donc inévitable dans la clinique. Progressivement, le critère de la souffrance éthique n’est plus restreint à l’exemple paradigmatique du mal infligé à autrui. Il s’épaissit de problèmes plus triviaux relatifs à la qualité du travail, au « travail bien fait », donc au contenu de l’activité. On peut souffrir de faire le mal, mais on peut aussi souffrir de mal faire son travail, de mal travailler. Enfin, certaines recherches cliniques ont dégagé que ce n’est pas uniquement du fait d’avoir mal agi que les gens tombent malades, ni même seulement d’avoir « mal travaillé », mais c’est lorsque l’échec de leur engagement devient manifeste et que l’expérience douloureuse qu’ils font est celle de la désillusion.

21Le cas de Simon est indubitablement une avancée dans la clinique de la souffrance éthique. Il me semble qu’il est incompréhensible sans cette référence constante, mais qui reste implicite, probablement par souci de cohérence épistémologique interne à la psychanalyse, mais peut-être que les raisons sont autres. Le titre du texte présentant le cas Simon pourrait être : quelle métapsychologie pour la souffrance éthique ? Et pourtant. Il n’y a pas de souffrance éthique ni même de conflit éthique dans le cas rapporté. L’insistance porte sur l’incapacité de produire une pensée critique, et classiquement, en psychodynamique du travail, certains cliniciens entendraient la trace de défenses contre la souffrance éthique. Si Simon se défend contre cette souffrance, par définition, le conflit éthique n’est pas immédiatement saisissable. Il serait appréhendable uniquement par ses rejetons, frappés du sceau des défenses. Mais ce n’est pas ça que Béatrice Edrei et Isabelle Gernet semblent dire. Et pourtant, vous évoquez malgré tout certaines défenses, et vous justifiez d’ailleurs qu’elles doivent être attaquées « non pas parce qu’elles structurent la pérennité d’un système que l’on trouverait juste ou injuste, mais parce que ce sont des défenses ». Si ces défenses ne visent pas à se protéger contre la souffrance éthique, quel est leur objet ? Ce seraient des défenses contre quoi ? Il me semble donc que c’est la nature et le contenu même de la souffrance et de l’appareillage défensif qui est interrogé, avec en son cœur le clivage.

22Ce qui est déroutant, c’est que, pour mener cette discussion métapsychologique avec rigueur, l’argument utilise des termes qui sont eux aussi a priori très éloignés de cet univers conceptuel. Le texte parle de politique, de pensée politique et de sens politique. Il est rappelé que le travail est central d’un point de vue politique, et que, par l’expérience du travail, la question politique est toujours posée. Ce qui revient à dire que la politique et ses vicissitudes ne sont pas uniquement une question de philosophie politique, elle est aussi bel et bien une question psychopathologique. Il devient clair que l’expérience du travail est ce qui permet de prendre la psychanalyse à rebours : au lieu de partir de la sexualité et de découvrir la construction d’un lien social qui dériverait des destins de la libido, comme chez Freud (Freud, 1921) et une majorité des psychanalystes, la proposition est de partir de l’expérience du travail qui fait découvrir inévitablement la question de l’Imaginaire social, des rapports sociaux, et du politique.

23Le lieu par excellence de la pratique politique, c’est le travail et, ce qui est énigmatique, c’est que le patient, lorsqu’il évoque son propre travail, évite soigneusement de l’envisager comme tel. Pour Simon, cette question se pose en négatif, en creux, c’est-à-dire qu’il confronte le clinicien à un déficit de pensée sur ces dimensions. La proposition technique est donc d’explorer ce décalage pour en saisir les déterminants psychopathologiques. Et cette piste amène à une confrontation au clivage du patient, ce qui produit des effets cliniques notables.

24À ce niveau de discussion, une question est incontournable : « Le manque de considération sur les rapports de domination qui structurent le monde du travail est-il le résultat de défenses ou un défaut du patient ? » Une frange de la sociologie répondrait aisément que c’est précisément une caractéristique de l’habitus dominant de ne pas penser la domination (Bourdieu, 2015), mais le problème est qu’ici, le patient, qui effectivement est un cadre, souffre et demande que l’on s’y colle pour l’aider. Donc la réponse en termes strictement sociologiques n’est pas très opérante, car non seulement elle ne rend pas compte de cette souffrance, mais surtout elle n’indique pas dans quelle direction aller pour soulager le patient. Votre proposition est d’attiser une curiosité, du côté des enjeux politiques du travail, ou plus précisément des enjeux politiques de son propre travail.

25La proposition qui ressort de l’actualité de la clinique individuelle en psychopathologie du travail s’adresse bien au-delà de la psychopathologie du travail, puisqu’elle entrevoit de façon originale la conception des rapports entre pensée et politique. Il ne s’agit non pas de les aborder du côté de la souffrance, mais d’une certaine façon du côté du plaisir, de l’investissement intellectuel, de la satisfaction de l’exercice de pensée. Cela peut paraître uniquement théorique, mais les conséquences cliniques sont importantes. « Apprendre à exercer sa pensée sur le travail, c’est apprendre à exercer son sens politique et son sens moral. » Béatrice Edrei n’écrit pas réapprentissage. Elle écrit apprentissage. Ce qui est avancé, c’est que l’on ne pourrait concevoir le politique, l’éthique, on pourrait ajouter probablement l’esthétique, sans passer par le travail. C’est par l’élaboration de son rapport au travail et de son indépassable caractère politique que pourra naître le plaisir de la pensée. Ce que cela signifie, c’est que l’expérience éthique peut être un plaisir, pas uniquement une souffrance. Et que ce plaisir est secondaire au travail. Le destin de la souffrance éthique, ou plutôt, pour essayer d’être fidèle à l’esprit du cas Simon, le plaisir éthique, serait finalement un gain de la thérapie, une production du travail thérapeutique.

26Cette proposition à la fois théorique et technique est totalement cohérente avec l’anthropologie de la psychodynamique du travail. L’avance de l’intelligence du corps sur la conscience que l’on en a place le faire avant le penser. À l’autre pôle, c’est-à-dire au bout du processus qui, partant du faire, va vers la perlaboration de l’expérience du travailler, est convoquée la question de la sublimation. Non plus comme une sorte d’au-delà ou d’un supplément d’âme de la thérapie, mais bel et bien comme un enjeu clinique à part entière, qui exigerait une réexploration systématique, aussi bien de ces succès que de ses ratés. Ce qui rend le sens politique ou le sens moral désirable que si l’on a en vue la sublimation. Est-ce bien la thèse ?

27Si tel est le cas, cette absence du concept de souffrance éthique pour parler de Simon serait finalement très fructueuse, puisqu’elle nous amènerait à la fois à réinterroger le statut et les contours de ce qu’est la sublimation, mais aussi à renouveler les façons dont on peut entrevoir les rapports entre sens moral, sens politique, et organisation du travail.

Bibliographie

Bibliographie

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  • Dejours C., 2001, Le Corps, d’abord, Paris, Payot.
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  • Elias N., 2011, Au-delà de Freud. Sociologie, psychologie, psychanalyse. Paris, La Découverte.
  • Fassin D. et Rechtman R., 2007, L’Empire du traumatisme. Enquête sur la condition de victime, Paris, Flammarion.
  • Flick S., 2016, Treating Social Suffering ? Work-Related Sufffering and Its Psychotherapeutic Re/Interpretation. Distinktion, Journal of Social Theory.
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  • Freud S., 1921, Psychanalyse des masses et analyse du MOI, OCF XVI, Paris, Puf, 1991.
  • Gaignard L., 2015, Chroniques du travail aliéné, Paris, Éditions d’une.
  • Gaignard L., 2013, « Les “techniques de réduction du malheur” », Travailler, 29 : 243-56.

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