Notes
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[1]
Ce thème a été traité par l’ensemble des sociologues du travail et de l’organisation parmi lesquels Crozier M. et Friedberg E., 1977 ; Reynaud J.-D. 1988 ; Linhart D., 1994.
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[2]
Voir l’ouvrage de Bernadette Bensaude-Vincent, Se libérer de la matière. Fantasmes autour des nouvelles technologies, Paris, Éd. Inra, 2004, 89 p.
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[3]
Voir à ce sujet Astier I., 1997, Revenu minimum et souci d’insertion. Weller J.-M., 2000, « La controverse au guichet : vers une magistrature sociale ? », Droit et société. Muñoz J., 2003, « Prendre en charge un accident du travail : une activité de qualification à l’épreuve de la précarisation », Sciences sociales et santé.
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[4]
Voir à ce titre les mobilisations des associations telles que la Fnath (Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés) ou l’Andeva (Association nationale de défense des victimes de l’amiante) et pour les tutelles les effets de la nouvelle loi organique Rgpp (Révision générale des politiques publiques).
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[5]
Ce même terme a été employé pour les désigner jusqu’aux années soixante-dix : « liquidateurs », car, comme m’expliquait un technicien, « on était chargé de liquider, c’est-à-dire que l’on réglait les dépenses entraînées par l’at. »
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[6]
Il s’agit des déclarations des accidents du travail et maladies professionnelles reçues à la caisse. Cependant, ce chiffré n’englobe que les accidents et maladies ayant entraîné un arrêt.
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[7]
La charte Marianne se fonde sur 5 séries d’engagements : – Faciliter l’accès des usagers dans les services ; – Accueillir les usagers de manière attentive et courtoise ; – Répondre de manière compréhensible et dans un délai annoncé ; – Traiter systématiquement la réclamation ; – Recueillir les propositions des usagers pour améliorer la qualité du service public.
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[8]
Par exemple, si nous parlons d’un accident mortel, le coût direct pour l’entreprise ou la branche représente 26 fois le salaire minimal, soit environ 621 318 €. Un syndrome du canal carpien avec une ipp de 9 %, environ 11 939 €.
-
[9]
Si nous nous limitons simplement à ces cinq lettres types, pour un dossier, cela fait 5 à 10 courriers… soit pour un technicien environ 2 660 courriers par an…
-
[10]
Un récent rapport de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) insiste pour ces services sur les gains en productivité où les effectifs ont diminué de 5,1 % entre 2005 et 2011. L’introduction de l’informatique s’accompagne d’une baisse aussi des effectifs. Rapport sur l’évaluation de la convention d’objectifs et de gestion 2005-2011 de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général, Rapport définitif, 2013, p. 4.
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[11]
Sayn I., Op cit.
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[12]
Weller J.-M., Op. cit., 2003, p. 437.
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[13]
Nous pouvons aussi citer la création du site http://www.net-entreprises.fr/ en 2008 pour effectuer les déclarations en ligne. Ce service réduira considérablement les déclarations papier et également le traitement de saisie des déclarations.
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[14]
Un phénomène similaire avait été observé par Silvera R. lors de l’introduction du télétraitement dans les années 1980 (fin) avec Laser.
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[15]
Circulaire Cnamts 5/02/2001, origine Drp et Ensm, « Suivi de mise en œuvre du dispositif des at/mp issu du décret du 27 avril 1999 », p. 6.
-
[16]
L’activité de qualification est d’autant plus forte que la définition de l’accident du travail reste floue « est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise », Article L. 411-1 du code de la Sécurité sociale.
-
[17]
Weller J.-M., 2010, Op. cit., p. 16.
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[18]
Voir le premier travail de Thébaud-Mony A., 1991, Op. cit. Aussi Muñoz J., 2002, L’Accident du travail. De la prise en charge au processus de reconnaissance, Presses universitaires de Rennes.
1Dans les analyses sociologiques du travail, la lecture de l’activité de travail comme activité créatrice existe, mais souvent comme le résultat d’une régulation permettant d’obtenir ou de conserver un espace de liberté [1] (Crozier M., Friedberg E., 1977 ; Reynaud J.-D., 1988 ; Linhart D., 1994). Cet espace permet aux ouvriers, aux employés et autres salariés, de contrecarrer la dimension contraignante de l’univers du travail. Ainsi, l’appropriation de l’activité se traduit par « la maîtrise de l’action de travail par celui qui l’exécute, et permet de donner un sens au travail, d’en négocier et d’en modifier les conditions » (Bernoux P., 1982). L’autonomie dégagée par le salarié vise expressément le contrôle de l’activité dans un contexte de forte contrainte. Or, la mise en place de ces régulations peut également être révélatrice de la capacité des acteurs de créer de nouvelles formes d’associations (Latour B., 2006). L’appropriation, de ce point de vue, comporte indiscutablement une dimension collective, car elle conditionne « l’implication de l’individu » et en délimite les frontières.
2En partant de l’exemple de l’informatisation progressive des services de la prise en charge des accidents du travail, il s’agira de montrer dans un premier temps que les frontières de l’activité du technicien suivent un cheminement chaotique loin de l’image du bureaucrate comme une simple illustration de l’ethos d’un corps administratif mécanique et figé (Spire A., 2005). En effet, la littérature sociologique montre l’existence de dilemmes, de contradictions, de tensions (Jeannot G., 2008 ; Weller J.-M., 2003 ; Lascoumes P. et Le Bourhis J.-P., 1996) dans la réalisation du travail dans les administrations. Dans un second temps seront exposées dans le détail les constructions et les modalités de la capacité créative des techniciens face à une transformation majeure des modalités (et donc du contenu) de leur travail : la quasi-disparition du dossier papier. Cet exemple est une illustration du mouvement de fond des transformations de l’Assurance maladie. Ce mouvement s’accompagne d’une vision ancienne soutenant l’idée selon laquelle la disparation de la matière (ici le dossier) est une victoire de plus de l’homme sur la matière [2].
3En effet, dans le secteur des administrations publiques, les changements introduits ces dernières années orientent l’activité vers une conception en termes « d’offre de services » (Weller J.-M., 2010). Cette transformation s’est accompagnée dans certains domaines d’une introduction forte de l’informatisation et la disparition quasi totale du dossier, outil premier du technicien. Alors que la connaissance du travail du technicien montre l’importance centrale du dossier, car il est considéré « vivant ». Il est raturé, il est manipulé, il est complété, il est contesté, etc. De la bonne tenue de son dossier dépendent les actes et la validité de la procédure. L’univers des techniciens a été ainsi analysé comme une activité de travail de qualification et de discernement où l’activité n’est jamais prédéterminée [3]. Si bien qu’il s’agit de construire régulièrement la réalité administrative permettant au technicien d’effectuer son travail. Au sein des Caisses primaires d’assurance maladie (Cpam), la mise en place des applications informatiques remplaçant le traitement « écrit » de la déclaration des accidents du travail – traitement qui se caractérisait presque par un rapport physique entre le technicien et « ses dossiers » – ainsi que les recompositions internes engendrées par l’implémentation de postes informatiques individuels reconfigurent plusieurs dimensions du processus de reconnaissance de l’accident du travail. Dans ces circonstances, que nous montre la dématérialisation presque totale du dossier papier ?
4Le processus de qualification faisant l’objet d’une codification sous la forme d’une application informatique peut aboutir à une vision réductrice des capacités des acteurs. En suivant l’activité des techniciens, on voit que la codification de l’activité permet une certaine créativité (engendre une marge pour la créativité). L’informatisation du dossier fonctionne comme une épreuve permettant d’observer une activation renouvelée des compétences des acteurs pour agir, pour qualifier, juger ou encore justifier leurs actions. Cela représente un moment d’incertitude durant lequel les acteurs devront s’accorder sur la marche à suivre et, en même temps, montre les fils que vont tisser les techniciens pour mener à bien leur travail premier : qualifier. L’activité créatrice n’apparaît pas comme une pure « adaptation » à un environnement numérique ni comme une reproduction du mode de coordination antérieur. Ce n’est pas une tentative des techniciens pour faire perdurer l’activité sous sa forme antérieure à l’introduction de l’informatique, ni une sorte de calque. L’enquête montre au contraire que le dispositif lui-même sert de source de création. La créativité – entendue ici comme une activité engendrant des idées collectivement construites et considérées comme utiles et significatives pour la réalisation du travail – apparaît comme constitutive de l’action de qualification des techniciens. Seule cette créativité rend possible le traitement des déclarations des accidents du travail et des maladies professionnelles.
5À la fin des années 1990, pour faire face aux dysfonctionnements des dispositifs de prise en charge révélés par l’affaire de l’amiante et dans le cadre des nouvelles politiques de modernisation des services publics, les caisses ont adopté un certain nombre de changements organisationnels [4]. Parmi les changements introduits, les nouvelles technologies et notamment l’informatisation du dossier de déclaration d’accident du travail (dat) constituent les modifications les plus importantes. Le présent texte rend compte des effets produits par l’introduction de la dématérialisation du dossier papier dans le cadre des politiques de modernisation, mais également comme un argument d’amélioration de la prise en charge.
6Toutefois, cantonner l’analyse de l’activité des services de prise en charge des accidents du travail et maladies professionnelles aux aspects techniques serait réducteur. L’activité d’un service d’accident du travail d’une caisse ne peut se comprendre sans se référer au cadre législatif de base, en l’espèce le code de la Sécurité sociale et la jurisprudence en la matière (Sayn I., 1998 ; Muñoz J., 2002). Or, la combinaison de l’introduction de l’informatisation, des demandes de collectifs de victimes et, enfin, de l’évolution de la législation impacte et modifie le mode d’organisation du travail. Comment dans ces circonstances l’introduction de nouveaux process de travail (informatisation, certification qualité, évolution législative, morcellement des tâches) affecte-t-elle l’organisation du travail des techniciens chargés de prendre en charge les accidents du travail et les maladies professionnelles ? S’agit-il d’un effet de la rationalisation du travail administratif ? Si tel est le cas, cette rationalisation induit-elle une certaine intensification du travail et, par conséquent, une augmentation de l’incertitude, d’une part, et, d’autre part, une certaine perte de sens rendant l’activité moins « gérable », car moins impliquante et moins gratifiante pour les agents ?
7Pour analyser ces phénomènes, il convient dans un premier temps de voir quelle est la place de ces services au sein des caisses et de retracer l’évolution de l’organisation du travail avant la dématérialisation de déclaration accident du travail. Pour, ensuite, exposer les effets de l’introduction de l’informatisation au sein du service accident du travail.
Méthodologie
L’observation de type ethnographique non participante a été effectuée entre 2007 et début 2009. Les entretiens ont été réalisés dans un premier temps avec les responsables des services respectifs (N = 3) dans la phase exploratoire.
Dans un second temps, l’observation a été réalisée auprès de techniciens en suivant l’organisation mise en place et les variations successives de celle-ci. En effet, la période d’observation couvre globalement la période de mise en place de la nouvelle application et les différentes tentatives pour organiser le travail des techniciens. Après une période d’observation (2007-2008), une série d’entretiens semi-directifs a été réalisée auprès de techniciens.
Outre les dimensions factuelles de l’activité (ancienneté, type d’organisation, compétences du technicien(ne), horaires, etc.), une attention particulière a été accordée, sur la base des exemples tirés des observations, aux explications (justifications) que les techniciens donnaient de leurs actions.
En outre, une enquête par questionnaires a été réalisée (N = 150) dans les services concernés. La comparaison entre les différents services a permis de monter en généralité et de mesurer les effets éventuels du contexte.
Globalement les services observés se structurent de la manière suivante : 2 cadres, 2 agents de maîtrise, 1 secrétaire, 2 contrôleurs, 1 technicien « saisie des déclarations », 24 techniciens liquidateurs, 1 technicien « saisie des prestations » et 2 agents à contrat temporaire. Il s’agit de l’effectif réel du service. En effet, l’organigramme théorique du service prévoit un total de 26 agents et non pas 33 comme tel est le cas.
Les services accidents du travail : une illustration du travail administratif
Les services accidents du travail un service spécifique
8L’organisation interne d’une caisse reproduit partiellement la structuration du code de la Sécurité sociale dans la mesure où l’on trouve un découpage de services reflétant exactement les différentes fonctions stipulées dans le code de la Sécurité sociale : invalidité, conseil médical, service prestations, service contentieux, etc.
9Le service accident du travail occupe de ce point de vue une place un peu à part. En effet, il doit organiser la prise en charge des accidents du travail en fonction et en référence à une législation spécifique. Il conserve une certaine autonomie dans le mode d’organisation de la prise en charge puisqu’il applique une législation qui lui est propre.
10Quant à l’organisation du travail, elle apparaît comme très différente d’une caisse à l’autre. En effet, s’il y a une standardisation des procédures, l’organisation qui en résulte n’est pas toujours la même dans les différentes caisses. Dans notre échantillon, le service accident du travail est tantôt rattaché directement au sous-directeur technique, tantôt directement rattaché au directeur-adjoint. Le niveau hiérarchique se trouve ainsi différencié d’une caisse à une autre, le sous-directeur technique occupant une place intermédiaire entre les cadres de service et la direction de la caisse, tandis que le directeur-adjoint siège au sein de la direction de la caisse. L’autonomie découle en fait de la distance qu’une telle gestion crée entre la direction et les techniciens. En outre, la législation et la jurisprudence renforcent cette autonomie. En effet, l’examen du dossier accident du travail doit se faire au cas par cas. Les techniciens ont donc un rôle majeur, car ils doivent, à la lecture des différents documents, donner des indications concernant l’accident, ce qui demande un examen relativement exhaustif. Enfin, la réglementation diffère par rapport au régime maladie. Ni les textes ni la formation des techniciens ne sont les mêmes. L’autonomie naît de cet espace qui se crée au cours de l’examen concret de la déclaration.
11Les femmes sont majoritaires dans le service. Le travail s’organise par groupes de quatre ou cinq techniciens. Ce travail commence par le tri du courrier. La réception du courrier est la première phase du travail. Il s’agit de classer le courrier par risque. Chaque risque requiert une prise en charge spécifique et le traitement n’est pas le même pour les trois types de déclarations (accident du travail, maladie professionnelle et accident de trajet). Les deux dernières exigent souvent une enquête alors que, pour l’accident du travail, ce n’est pas systématique.
12Ensuite, le courrier est distribué à chaque « plateau » ou groupe de techniciens. Chaque technicien est responsable d’un « portefeuille » de dossiers. Entre les groupes, il existe une organisation faite à partir du mois de naissance de la victime. Les déclarations sont réparties en fonction de ce critère. À l’intérieur du groupe, on retrouve le même découpage. La « liquidation » des dossiers est du ressort des techniciens, c’est-à-dire qu’ils sont chargés, à la suite de la prise en charge, du calcul et du versement de l’indemnité journalière. Le reste du travail consiste à suivre ces dossiers sur des durées extrêmement variables qui vont de quelques jours à plusieurs dizaines d’années [5]. L’affectation des diverses tâches se fait en fonction des niveaux de technicité atteints par les différents techniciens.
13Le nombre des déclarations d’accident du travail traitées par an s’élève à 12 869 [6] en 2008. Le nombre des déclarations d’accident du travail, que chaque technicien traite, fluctue entre 380 et 400 par an. Se pose bien sûr une question aux responsables : comment organiser le traitement d’un tel afflux des déclarations ? L’organisation par groupes et par « portefeuille » au sein des services observés permet d’attirer l’attention sur le caractère administratif de la prise en charge d’un accident du travail, mais également sur une réalité de « production », car il s’agit d’examiner et de traiter ces déclarations tout en respectant les principes de la législation. En effet, si l’organisation par portefeuille permettait d’englober l’ensemble des étapes de la prise en charge, il ne restait pas moins qu’une telle organisation obéissait à un principe de rationalité de traitement des déclarations d’accidents du travail afin d’optimiser le suivi. Si cette organisation du travail était plus appréciée par les techniciens, elle était très critiquée par les associations des victimes pour les retards cumulés. Ces retards seront un des éléments mis en avant pour justifier l’introduction de dématérialisation.
14Le travail des techniciens ne se résume pas à « l’accueil » des déclarations d’accident du travail. Leur charge de travail est importante, car ils doivent gérer les dossiers des accidents qui restent « ouverts » durant toute la vie des assurés accidentés. Ce traitement peut être plus ou moins important. En fait, le nombre des dossiers qui sont traités est aussi fonction du type d’indemnisation. C’est pourquoi, dans certaines caisses, s’est mise en place une division des tâches en fonction des incapacités (temporaires ou permanentes). Les techniciens chargés des déclarations accidents du travail par exemple avec des incapacités temporaires peuvent traiter un flux de 1 300 dossiers par an. Le stock est important jusqu’à : 3 500 dossiers par technicien ; les techniciens doivent examiner les nouveaux dossiers, mais aussi répondre aux demandes des dossiers en cours (rentes, arrêts, indemnités journalières, soins, rechutes).
15Les techniciens sont à la base du traitement ; ils étudient les dossiers, lancent éventuellement les enquêtes, enfin sont en contact direct avec la victime et l’employeur. Ces spécificités vont se traduire par la mise en place de normes collectives propres aux groupes de travail ou entre services pour organiser le traitement des déclarations. Le traitement des déclarations tardives (art. 471-1 de la Sécurité sociale) est à ce titre une bonne illustration. Normalement, les employeurs effectuant une déclaration tardive (au-delà de 48 heures) pouvaient se voir infliger au titre de l’article 471-1 du code de la Sécurité sociale l’imputation directe du coût de la prise en charge d’un accident ou maladie. Cette sanction faisait l’objet, lors de nos observations, d’une variabilité de traitement qui dépendait directement des normes collectives en place. Certains services ont mis en place des fichiers « retards » alors que d’autres utilisaient des boîtes nommées « art. 471-1 ». Les techniciens n’appliquaient pas systématiquement le rappel, mais en fonction de la présence ou absence de l’employeur dans ces dispositifs.
16En réalité, malgré l’organisation du travail par portefeuille qui pourrait laisser penser à un travail très individualisé, l’activité dans les services accidents du travail est basée sur une coopération permanente du collectif. Derrière la relation personnalisée (technicien/portefeuille) se développe toute une série de relations au sein des groupes (plateau) pour réguler l’examen des déclarations. Ainsi, les nouveaux techniciens sont initiés progressivement à l’étude d’une déclaration, et les anciens se consultent également face à certains cas jugés « rares » ou « complexes », voire, parfois, ils instaurent une relation directe avec leur hiérarchie (contrôleur) permettant d’aboutir à un modus vivendi partagé pour éviter les erreurs. Autrement dit, le traitement d’une déclaration d’accident du travail, s’il nécessite des compétences individuelles (connaître la législation accident du travail, savoir distinguer les éléments significatifs d’une déclaration, rédiger des courriers, etc.), s’accompagne également d’un partage de normes.
17Ce partage illustre assez bien les travaux en sociologie du travail concernant la construction d’une certaine autonomie au travail à travers la création d’une règle commune de coordination. En effet, l’autonomie gagnée à partir de la place particulière qu’ils occupent dans le traitement des déclarations permet aux techniciens de mener à bien l’activité de qualification, c’est-à-dire de faire aboutir le processus de construction des faits permettant d’établir la réalité de l’accident, et donc de lui donner une existence administrative.
18Dans cette perspective, le dossier papier occupe une place centrale dans le traitement, car il concentre toutes les traces de l’activité de qualification, puisqu’il fait l’objet d’une série de manipulations pendant lesquelles le technicien va rassembler les informations nécessaires à la prise en charge. Le technicien va souligner certains passages pour tenter de reconstruire le processus d’imputabilité. Le nombre de personnes présentes, la personne qui a donné l’ordre, le lieu, ou encore la nature de l’accident sont autant d’éléments que le technicien va examiner pour parvenir à qualifier la situation. Le dossier papier constituait ainsi le premier support de travail grâce auquel le technicien inscrivait et « traçait » son activité, le raisonnement suivi, et accumulait les pièces nécessaires à l’élaboration de la qualification.
L’arrivée de l’informatique résulte d’une double contrainte : le mouvement de modernisation et les effets des affaires
19La situation des services de prise en charge des accidents du travail et des maladies professionnelles va connaître un bouleversement important à la fin des années 1990 et début des années 2000. D’une part, le mouvement de modernisation auquel les services publics sont soumis depuis l’adoption, entre autres, de la charte Marianne [7] et, d’autre part, le scandale sanitaire de l’amiante.
20Cela s’est notamment traduit par la possibilité faite aux assurés et aux employeurs de mobiliser d’autres dispositifs législatifs tels que l’article 24 de la Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Ce dispositif, par exemple, oblige les administrations à fournir un traitement transparent et en complète adéquation avec la législation tout en respectant les droits des administrés. Ces contraintes réglementaires seront d’autant plus accentuées que l’affaire de l’amiante viendra souligner de manière claire les insuffisances du système de prise en charge en particulier des maladies professionnelles (Thébaud-Mony A., 1991 ; Henry E., 2007).
21Ainsi, les services de prise en charge accident du travail vont faire l’objet d’une série de modifications législatives pour mieux cadrer la prise en charge, mais également d’une série de démarches internes (audits). L’audit général lancé début des années 2000 par la Cnamts pour évaluer les services de prise en charge des accidents du travail aboutit à l’adoption de recommandations qui touchent aussitôt l’organisation du travail. Ainsi, il sera question d’améliorer et d’optimiser la prise en charge pour obtenir une homogénéisation sur tout le territoire. Cette optimisation passe par l’usage de statistiques plus fines, par un pilotage de l’instruction des déclarations, par la maîtrise des délais internes et les délais externes.
22Ces différentes préconisations vont se concrétiser à travers l’informatisation du service accident du travail et la mise en place et la diffusion du logiciel Orphée à partir de 1999 puis l’articulation avec une autre application (Eurydice) à partir de 2005. Ces deux applications permettent de réunir, sur une seule interface, l’ensemble des étapes de la prise en charge d’une déclaration (étude de la déclaration et calculs des rentes). En effet, ces applications informatiques sont présentées comme pouvant « structurer la démarche d’instruction du dossier ». Orphée comporte dans sa base une bibliothèque de courriers types (demande d’information, accusé de réception, refus, etc.) et un échéancier. Ce dernier canalise et ponctue le rythme de travail des techniciens en les alertant sur les envois à faire, les documents à demander, la saisie des salaires, etc.
23L’organisation du travail que nous avons présentée précédemment basée sur la gestion papier des portefeuilles d’assurés sera remise en cause avec l’arrivée de ces nouveaux logiciels. L’affaire de l’amiante aura également des répercussions dans la mesure où elle touchera directement la question de la prise en charge notamment des mp. Or, le scandale de l’amiante se traduira dans un premier temps par une série de demandes de prise en charge et de contestations devant les Commissions des Recours amiables des caisses et également les tribunaux. Ces litiges vont avoir des incidences en interne en termes de gestion des dossiers. Les services accident du travail seront obligés progressivement de revoir leurs procédures pour éviter des contestations de plus en plus nombreuses émanant tant des employeurs que des assurés.
24L’exemple le plus paradigmatique des effets induits par l’amiante est sans doute l’application des articles R. 441-11 et R. 441-13 concernant le respect du contradictoire. Cet article du code de la Sécurité sociale permet à l’assuré ou l’employeur de contester une décision de la caisse si celle-ci n’a pas respecté le contradictoire, en d’autres termes si elle n’a pas mis en place de dispositif adéquat pour informer les employeurs des décisions et pour leur donner la possibilité de contester, la caisse ne pourra pas imputer l’accident du travail ou la maladie professionnelle au compte de l’employeur. L’enjeu est donc considérable pour une caisse, car cela peut représenter plusieurs millions d’euros [8]. Si la prise en charge est un acte administratif résultant d’une activité de qualification, elle doit respecter certaines règles juridiques et notamment le respect de l’information préalable et continue de toutes les parties. Dans tous les services observés lors de notre enquête, nous avons ainsi constaté la mise en place d’une série de dispositifs (notamment à l’aide du logiciel Orphée) permettant de proposer, de manière presque automatique, des lettres types informant de la réception de la déclaration, du début de l’étude de la prise en charge, de la future décision, de la possibilité de venir consulter le dossier pour l’employeur, des voies des recours, etc. L’ensemble de ces lettres avait fait bondir le nombre de courriers envoyés par le service (le nombre avait triplé) [9].
25La charge de travail a été nettement accrue durant cette période sous le double effet des réformes concernant l’amélioration de la qualité de service, mais également sous la pression des affaires et scandales dans le domaine de la reconnaissance et de la prise en charge des accidents du travail et maladie professionnelle. Dans ce contexte d’évolution managériale, technique et législative, c’est tout le processus de qualification des accidents du travail qui est redéfini [10].
La codification du processus de qualification
26Pour comprendre les modifications intervenues, il convient de souligner deux conséquences liées à l’informatisation des déclarations des accidents du travail et des maladies professionnelles. D’une part, la disparition du dossier papier qui va, de fait, bouleverser l’activité des techniciens et, d’autre part, la parcellisation des tâches issue de la nouvelle organisation du travail.
La dématérialisation du dossier papier ou la remise en cause de l’activité de qualification ?
27Le droit social est un droit des faits [11]. Dans la mesure où les déclarations ne peuvent être prises pour argent comptant, c’est au technicien de construire les faits ou de qualifier la situation. C’est la raison pour laquelle, il doit composer avec des textes, (code de la Sécurité sociale), des objets (déclaration, accès à la base de données, mobilisation des applications adjacentes à chaque type de demande, etc.) et l’expérience collective du service. Autrement dit, le dossier sur lequel le technicien travaille permet de construire une réalité administrative ayant un sens au sein des caisses. Sans les pièces, les documents, les formulaires et autres objets propres à l’univers de travail des techniciens, la prise en charge de l’accident du travail n’est pas possible. Comme le signale Weller « une des premières surprises qui saisissent le chercheur examinant le cours ordinaire du travail administratif concerne l’importance des questions que se pose le bureaucrate dès lors qu’il doit prendre une décision en droit. Alors qu’on aurait pu s’attendre à un univers de certitudes peuplé de routines infaillibles et de réponses toutes faites, on découvre un monde doucement paranoïaque où les demandes et les situations des usagers sont systématiquement “mises en quatre” [12]. »
28Avec la progressive disparition des supports papier, la construction des faits et leur qualification vont se baser sur des modalités pratiques.
« Non, aujourd’hui avec Orphée, c’est différent. Nous devons nous familiariser avec cette application. Enfin, on trouve tout le nécessaire dans le programme, les lettres types, les formulaires, les questionnaires types que l’on envoie, etc. Mais cela fait un peu bizarre de travailler sur un ordinateur et ne pas avoir à remplir un dossier, le raturer, mettre des élastiques, etc. »
30La première remarque que les techniciens vont mettre en avant est la disparition du contact physique avec le support de travail. Le dossier faisait l’objet de manipulations, le technicien l’épluche, le crée, le complète, l’annote, le classe, le transporte, l’examine, etc. Le travail administratif possède, paradoxalement, cette singularité d’avoir une dimension physique de rapport à l’outil de travail. C’est la raison pour laquelle, l’arrivée des ordinateurs dans les services des accidents du travail non seulement bouleverse l’activité (sur laquelle nous reviendrons), mais également la relation avec l’objet central du travail administratif à savoir le dossier papier.
« Ce n’est pas pareil, avec l’ordinateur : tout d’abord, nous devons suivre ce qu’il nous dit… vous voyez [il me montre l’écran], là, nous avons nos échéances. Nous devons être attentifs à ce message. Et, tous les jours, il [ordinateur] nous sort une liste des dossiers à traiter en priorité. Cela est assez différent d’avant ».
32La mise en place de l’outil informatique s’accompagne également de l’apparition d’indicateurs mesurant le stock, les retards, le nombre des dossiers traités, en résumé les flux [13]. Ces informations sont affichées et présentées à l’ensemble de techniciens par le responsable. Il rappelle les objectifs globaux de la caisse et notamment ceux du service. Une attention particulière est donnée à la réduction des dossiers en retard et également au respect du contradictoire. Ainsi, la fonction du contrôleur dans l’ancienne organisation du travail, qui était essentiellement du conseil et de l’expertise auprès des techniciens, évolue vers une fonction de surveillance et d’accomplissement des objectifs à atteindre. Ces objectifs auront comme effet majeur de développer ou plutôt d’augmenter le nombre de prises en charge dites « implicites ».
33En effet, pour pouvoir répondre à la contrainte du flux et en même temps respecter les principes législatifs, les techniciens auront tendance à prendre en charge un accident du travail à partir d’un examen de la déclaration succinct. Par exemple, la déclaration d’un accident du travail concernant un vendeur représentant de commerce dans certains services ne donnera pas lieu à des démarches précises, car les techniciens considéreront que, pour ce type de métier, il n’est pas nécessaire de rechercher l’imputabilité « ils sont toujours au travail ». Ou encore une déclaration d’accident du travail avec témoins, se passant sur le lieu du travail, avec une intervention des pompiers et pendant le temps de travail, ne soulèvera pas de questionnement particulier. Cependant, comme le souligne un audit réalisé par la Cnamts en 2004, ce genre d’activité, bien que légale, ne peut être généralisée et doit être maîtrisée. Ainsi, « de nombreuses caisses recourent volontairement à la prise en charge implicite maîtrisée pour limiter les frais d’affranchissement. Il était annoncé que la Cnamts devait prendre une position définitive sur ce point ». À l’évidence, la conjugaison d’une logique productive articulée à la contrainte informatique joue un rôle primordial dans la transformation du travail des techniciens.
34Avec l’arrivée de l’informatique, les responsables des services entameront une série de transformations de l’organisation du travail en s’appuyant sur l’outil informatique pour « optimiser » l’activité. Toutefois, ce processus explicitera des choix constants et des tensions entre la gestion de flux (le nombre des déclarations, les stocks, etc.) et l’examen attentif de déclarations (processus de qualification) [14] (Silvera, 1987). Avec la disparition d’une bonne partie du support papier, les techniciens se sentent dépossédés de leur activité première : construire la réalité matérielle de l’accident du travail (qualification). Comme nous le soulignions plus haut, les techniciens avaient une autonomie assez importante dans l’analyse de la déclaration, tandis que l’application Orphée en structurant l’activité à partir d’un plan type et d’un échéancier contraint les techniciens à suivre de manière presque mécanique les propositions de l’application d’autant plus systématiquement que les consignes des responsables des services (objectifs chiffrés) sont affichées et régulièrement rappelées. Cette situation provoque chez les techniciens des réactions assez contrastées, mais une expression revient dans les propos recueillis « on ne prend plus en charge, on saisit ».
35Le travail à l’aide de l’application Orphée aura comme premier effet d’installer une certaine « dépendance » à l’outil, si bien que l’activité de travail première du service, prendre en charge un accident du travail ou une mp, connaîtra des dysfonctionnements.
36L’usage de l’application viendra illustrer l’idéal type de la « personnalité bureaucratique », puisque les techniciens sont conduits à s’appuyer systématiquement sur l’outil au lieu de poser les actes de gestion afférents.
37Les services de la Cnamts, par le biais de l’audit, feront le constat en soulignant notamment : « l’application nationale, qui a vocation à aider le gestionnaire dans l’organisation de son activité opérationnelle – notamment grâce à un échéancier et à une bibliothèque de courriers types –, ne saurait se substituer à lui, ni dans le choix des actes de gestion à effectuer en fonction des caractéristiques de chaque dossier ni, a fortiori, dans la prise de décision. L’automatisation des actes de gestion et l’envoi de courriers sans intervention du gestionnaire doivent donc être, dans leur principe, limités » (extrait de l’audit national Cnamts) [15]. Cette situation reflète une certaine « atomisation » de l’organisation du travail adoptée dans les services.
38L’action de qualification se trouve ainsi largement affectée par la mise en place de l’application informatique et a causé le développement de comportements passifs ou ritualisés, mécaniques, c’est-à-dire sans adhésion véritable à l’objectif de l’organisation ; les techniciens exécutent leur tâches, mais sans y croire. L’introduction du numérique dans ces conditions les contraint à passer d’une situation, où ils étaient conscients d’une mission à accomplir en équité, à un fonctionnement où remplir dans les temps des tâches quantifiées devient l’objectif. Le but, le sens, semblent reculer face à une rationalité étroitement gestionnaire.
« Mais vous avez vu comment nous faisons maintenant ? Ce n’est pas du travail ! Avant, nous examinions les déclarations, nous avions le suivi entier d’un dossier. On pouvait passer des appels téléphoniques, on pouvait demander des enquêtes complémentaires, etc., et, aujourd’hui, c’est la machine qui nous dicte ce que l’on doit faire ! Moi, depuis qu’Orphée a été mis en place, je ne me sens plus concernée par mon travail ».
40Ce premier tableau ébauché rapidement montre une activité de travail fortement bouleversée par la mise en place de l’informatique. Nous nous attarderons dans la partie suivante à analyser de manière précise l’activité de qualification dans ce nouveau contexte.
Les effets du programme informatique : une segmentation de l’analyse des déclarations ?
41Pour cerner le processus de qualification dans le nouveau contexte organisationnel, il convient dans un premier temps de décrire l’organisation du service après la mise en place de l’informatique. Cette première étape nous permettra de présenter l’application Orphée de façon plus détaillée et d’analyser l’activité créatrice au cours du processus de qualification.
Une organisation calquée sur la structure de l’application : le sentiment de déqualification des techniciens
42Comme nous l’avons vu, l’introduction de l’informatisation se veut une politique d’optimisation et d’amélioration de la qualité de service. Dans cette perspective et face à l’augmentation de litiges et contestations, les responsables des services sont conduits à trouver des solutions organisationnelles pour pouvoir rattraper les retards ou se conformer aux nouvelles contraintes législatives. Les applications informatiques seront utilisées pour tenter de répondre à ce problème produisant un « effet de calque » sur la division du travail.
43En effet, l’un des effets les plus emblématiques de l’informatisation des services accidents du travail est la parcellisation de l’analyse de la déclaration basée sur le modèle du logiciel utilisé, Orphée.
44Le processus de qualification propre à la prise en charge de l’accident du travail se trouve directement touché. En effet, l’application Orphée au service accidents du travail se présente comme une série de fonctions déclinant, grâce à une arborescence, les différentes étapes de la prise en charge : enregistrement de la déclaration, saisie des salaires, rédaction de lettres – information, accusé de réception, etc. – classement de risque, étude de l’imputabilité, volet médical (certificat médical initial ou cmi), etc.
45L’activité de qualification, sur la base de l’analyse de la déclaration, se caractérise par un processus d’analyse à partir des faits (éléments) contenus dans la déclaration, mais également à partir de la mobilisation des règles de base à savoir : le temps, le lieu et la subordination [16]. Ce triptyque permet aux techniciens d’évaluer la réalité de l’accident. Or, la mise en place de l’application Orphée installe la prépotence de la structure du logiciel sur l’organisation du travail. Tout se passe comme si les responsables des services s’étaient fondés sur le logiciel pour coordonner le travail entre les techniciens. Ils vont reproduire dans l’organisation du travail et notamment dans sa division les fonctions du logiciel.
46L’introduction de l’outil technique va engendrer deux effets. Le premier effet concerne la reproduction ou la transposition, sur l’organisation du travail concrète, de la structure de l’application informatique. Les responsables des services avaient pris comme référence les interfaces de l’application informatique pour coordonner le travail entre les techniciens.
47L’observation des services a abouti au constat suivant : les groupes de techniciens ont été remplacés par un dispositif fondé sur le parcours de la déclaration. Ce choix d’organisation s’est traduit par un découpage du processus de qualification, puisque les techniciens sont « postés » en fonction du parcours du traitement de la déclaration, c’est une logique de spécialisation. Un technicien sera chargé uniquement, par exemple, de la saisie des déclarations, un autre du codage du risque, un troisième de l’étude de la déclaration et par conséquent de la prise en charge éventuelle et, enfin, un quatrième se chargera du calcul des indemnités journalières. Ce mode d’organisation connaîtra des variations en fonction des flux des déclarations ou du stock en attente de décision. En effet, le responsable du service pourra ainsi affecter une personne de plus à la saisie ou une personne de plus à l’étude de la déclaration afin de rattraper le retard. Les techniciens, pour ne pas connaître une certaine « routinisation » de leur activité, changent de poste de travail dans certains services toutes les semaines. La polycompétence et le turn-over font donc partie de ce genre d’organisation.
48Ce mode d’organisation provoquera des réactions de découragement chez certains techniciens, notamment en référence au mode de travail antérieur (par portefeuille) :
« Comment voulez-vous travailler dans ces conditions ? On ne connaît pas les dossiers… On est un jour à tel poste et on se trouve face à son ordinateur et on ne fait que suivre le logiciel. Il est bien fait, par ailleurs, mais, du coup, nous n’avons pas nos portefeuilles. Avant, on était responsables d’un groupe de portefeuilles, on savait ce que l’on avait, on trouvait l’information facilement, là on peut aussi, mais ce n’est pas pareil ».
50La parcellisation de la prise en charge se traduira par une interdépendance plus forte entre les techniciens, dans la mesure où le travail des uns dépend de l’avancement du parcours de la déclaration et, par conséquent, des autres membres. Dans ce contexte, nous avons pu observer l’instauration d’une régulation interne du parcours de la déclaration permettant aux techniciens de coordonner leurs actions. En effet, deux étapes aux yeux des techniciens apparaissaient importantes. D’une part, l’étude de la déclaration et, d’autre part, le calcul des indemnités. Les techniciens postés à ces deux étapes se sont autorisés à exiger des autres membres soit d’accélérer soit de ralentir la cadence du traitement des déclarations. L’objectif premier à leurs yeux était de pouvoir rapidement prendre une décision pour éviter l’augmentation du stock en retard. Ainsi, le rythme de travail faisait l’objet d’une certaine régulation de la part des techniciens, si bien que les relations de travail à l’intérieur de groupes évoluent en accroissant le caractère collectif du travail (Gollac M., 1996).
Quand les techniciens tentent de recréer la qualification
51Le second effet qui accompagne la mise en place d’une telle organisation touche l’activité de qualification. En adoptant un découpage transposant le fonctionnement d’Orphée, les responsables des services sapent l’activité de qualification à laquelle se livraient les techniciens. Comme les techniciens se trouvent affectés à différents postes de manière intermittente, la connaissance du travail à effectuer leur échappe. Ainsi, les techniciens postés à l’examen des déclarations cherchent non seulement à comprendre le type de déclaration d’accident du travail auquel ils ont affaire, mais également à comprendre le travail effectué par les autres techniciens. Comment la déclaration a-t-elle été saisie ? A-t-elle été bien saisie ? A-t-on reçu tous les éléments ? Les lettres d’informations ont-elles été postées ? Mon collègue a-t-il fait le nécessaire avec le certificat médical initial ? Autrement dit, les techniciens cherchent à contextualiser le travail afin de comprendre son sens et son contenu.
52Le système mis en place avait comme objectif déclaré d’améliorer l’efficacité du process de travail, mais cette nouvelle organisation du travail aboutit à un effet totalement contraire. Comme le soulignait Weller, dans un article portant sur les évolutions de formes d’organisation du travail, « la spécialisation d’une partie des activités y est pensée en fonction d’une logique fonctionnelle (accueil téléphonique, accueil au guichet, liquidation) liée à la nature des artefacts qui règlent le contact avec le public (plate-forme, borne, guichet, ordinateur). Ceux-ci sont eux-mêmes pensés à partir du degré de standardisation du service à l’usager, mais sans considération pour l’expertise professionnelle qu’il requiert (maîtrise fine de la législation, connaissance des cas et de la jurisprudence, écoute sociale, etc.), alors que les transformations antérieures de l’organisation, en instaurant la polyvalence et le contact direct avec le public, avaient pu potentiellement favoriser cette expertise [17] » C’est la raison pour laquelle les techniciens considèrent assez largement une telle implantation comme une régression vers un mode de fonctionnement fonctionnel et non proactif du travail.
53La lecture des données et renseignements saisis sur le dossier numérique par les techniciens situés en amont du process n’est pas toujours limpide pour les suivants. Si bien que les techniciens se trouvant en aval, au poste de l’analyse des déclarations par exemple, vont rechercher auprès de leurs collègues en amont les informations nécessaires pour vérifier ou conforter une interprétation. Pour pallier les inconvénients de la logique de chaîne de traitement, les techniciens interpellent leurs collègues, discutent avec ceux qui sont postés à une autre étape de la chaîne, etc.
« Un technicien a son regard fixé sur l’écran de son ordinateur. Il relie et scrute différentes parties d’une déclaration. Puis, il commence à ouvrir différentes fenêtres de l’application. Il regarde les lettres adressées, les documents reçus, l’historique de la saisie, puis revient sur la déclaration. Il lève le regard et s’adresse à l’ensemble de ses collègues avec une voix pas très forte en posant la question suivante : “Est-ce que cela vous dit quelque chose la déclaration de l’entreprise M. concernant une chute d’échafaudage ? Elle a été saisie en fin de semaine dernière et je n’arrive pas à trouver les salaires de référence du salarié, ça vous dit quelque chose ?” L’ensemble de techniciens se regardent et s’interpellent mutuellement. Puis, une technicienne lui donne les réponses nécessaires tout en quittant son poste (classement des risques) ».
55L’outil de travail, l’ordinateur, sera également mis à contribution pour recréer les mêmes conditions que sur le support papier. En effet, lors de nos observations, les techniciens non seulement vont se consulter mutuellement, mais ils vont également utiliser le support informatique pour développer leur activité. Ainsi le logiciel Word® sera ouvert et des fichiers seront créés par les techniciens : fichiers lettres types (lettres non prévues par l’application), fichiers mémoire (pour garder en mémoire les modifications faites), fichier info (pour réunir des informations liées au processus de qualification (jurisprudence, l’évolution législation, etc.). À l’écran, le « bureau » du poste informatique est parsemé de fichiers que le technicien passe son temps à ouvrir et fermer. Outre l’application Orphée, l’ordinateur offre la possibilité d’ouvrir plusieurs applications à la fois. Ainsi le technicien a un écran comportant plusieurs applications ou fenêtres ouvertes. Le contrôleur va créer sur son bureau un fichier comportant les captures d’écran de l’application Orphée pour pouvoir classer les rejets, ou les demandes des indemnités journalières. Par ailleurs, les techniciens avec les contrôleurs ont élaboré un fichier Word contenant une base de lettres types non prévues dans l’application. Ces lettres types comportent des liens hypertextes facilitant le renvoi vers les phrases types et les documents à insérer dans la lettre. Le document comporte plusieurs dizaines de pages et est enrichi au fur et à mesure. Ces conditions matérielles facilitent et favorisent la réappropriation par les techniciens du travail. Le processus de qualification se trouve ainsi réintroduit à travers l’usage de ces différentes possibilités, mais également à la lecture même de la déclaration.
56Une déclaration d’accidents du travail à l’ouverture par la technicienne sous Orphée découvre le texte suivant : « Notre salariée Mme T., en sortant de son atelier sur le parking de notre société, a glissé sur une plaque de glace et s’est fracturée le poignet. » À la lecture, la technicienne regarde les différentes cases cochées par l’employeur puis s’interroge « il a coché accident de trajet… ce n’est pas normal parce qu’il a eu lieu sur le parking de la société… c’est un accident du travail pas de trajet ». Elle recoche la bonne case. Comme l’application ne permet pas de décocher, elle imprime la déclaration et barre la case et recoche. Elle garde sur un autre dossier papier la trace et, en même temps, elle termine la saisie (dématérialisée). Immédiatement, elle communique à ses collègues le problème pour qu’ils fassent le nécessaire notamment en termes de lettres. En effet, l’application possède une base de lettres types qui ne permet aux techniciens que de remplir des cases (adresses par exemple ou le nom). Le technicien s’épargne ainsi la rédaction. Mais, au-delà de la création de nouveaux modèles de lettres (pas prévus dans la base), les techniciens au sein de la nouvelle organisation doivent articuler les « injonctions » de l’application et le traitement effectué par les collègues. Tous les matins, lors du démarrage de l’application, le programme sur l’écran affiche, avec l’image d’une horloge rouge, les dossiers sur lesquels il faut statuer en urgence et de manière prioritaire, car cela permet de répondre aux impératifs de l’organisation (pas de dossiers en retard), mais également aux impératifs législatifs.
57Ainsi, le technicien ouvre ces dossiers et découvre le dossier. Il doit réexaminer l’ensemble de pièces pour statuer sur la prise en charge ou le refus de la déclaration. Le dossier ouvert par le technicien montre la situation suivante : « Déclaration produite un vendredi après-midi. Une main écrasée dans une machine. L’assuré avait été transporté à l’hôpital, le certificat l’atteste, la déclaration parvenue le lundi aux services. » Face à cela, le technicien en examinant les pièces doit reconstituer deux processus. Le premier concerne le processus de qualification à partir du triptyque : temps, lieu et subordination. Le second processus touche davantage le raisonnement suivi par les collègues : pourquoi il a noté cela ? Pourquoi n’a-t-il pas statué immédiatement ? Comment se fait-il qu’il n’ait pas demandé telle pièce ? Pourquoi les questionnaires n’ont pas été envoyés ? Tout cela est primordial, car il en va du respect du contradictoire lorsque l’on va donner une réponse positive ou négative. Le technicien est donc conduit à vérifier le travail du collègue. Comment ? En scrutant finement l’ensemble de lettres enregistrées dans les dossiers de l’application. Comme toute application informatique, Orphée offre la possibilité de « tracer » et d’enregistrer les diverses manipulations. Ainsi, dans notre cas, le technicien découvre que son collègue n’avait pas envoyé de lettre à l’assuré, mais seulement à l’employeur. Or, pour faciliter le travail de prise en charge, les techniciens, comme nous l’indiquions plus haut, procèdent assez régulièrement à des prises en charge « tacites » lorsque les trois critères se trouvent réunis. Dans ce cas, la lettre n’est adressée qu’à l’employeur pour l’informer de ses droits. Dans notre cas, l’assuré accidenté était sur le lieu de travail, le certificat de l’hôpital en atteste, le lien de subordination ne fait pas de doute, ni le fait que l’accident a eu lieu pendant le temps de travail.
58Ces différents exemples tirés des pratiques de travail montrent que la nouvelle organisation du travail issue des réformes de l’Assurance maladie a rendu plus difficile le travail de qualification des dossiers.
Conclusion
59La dématérialisation du dossier des déclarations d’accident du travail et l’informatisation progressive des services chargés de la gestion de ces documents ne se confondent pas avec une disparition de la nature du travail des techniciens. En effet, la dématérialisation pourrait laisser penser que nous observons une perte progressive des compétences des techniciens privés de leurs outils de travail. Or, l’analyse des effets de ce processus de dématérialisation montre les capacités créatives des techniciens pour mener à bien le travail. La matière de travail des techniciens se cristallisait dans le support papier du dossier dans l’ancienne organisation, l’application informatique transforme sa manifestation. L’imposition des nouvelles applications produisent plusieurs effets que nous avons essayé de présenter.
60Avec la division de l’organisation du travail, et la place centrale accordée à l’usage de l’application Orphée, les techniciens des services accidents du travail se retrouvent dans des conditions qui ne leur permettent plus d’avoir le même contrôle de l’activité de qualification. En perdant cette compétence, du fait de l’usage d’une application informatique, les techniciens ressentent et déplorent une perte de sens dans la réalisation de leur activité. C’est une rupture avec une tradition d’analyse des dossiers et de construction des faits proche du travail du juriste. Cette dimension est clairement apparente dans l’analyse des effets induits par l’informatisation. Parmi ces derniers, la question du contrôle de l’activité (respect des délais par exemple) est au centre des régulations sociales. Les techniciens vont non seulement s’adapter à cette nouvelle donne, mais vont, par leurs choix, leurs coopérations et leurs échanges, réussir à recréer une partie de l’activité de qualification. Ils s’appuient sur les nouveaux dispositifs (logiciels, lettres, jurisprudence) pour concevoir des nouvelles modalités de travail. Il s’agit bien de se construire à travers l’acte de qualification. Celui-ci n’est pas une activité purement matérielle, mais il s’agit bien d’une compétence attendue et espérée tant par l’organisation que le collectif de travail. C’est pourquoi les techniciens opèrent un panachage entre les objets connus physiquement présents encore et les nouveaux objets. L’activité créatrice émerge à partir de ces nouvelles associations entre le fonctionnement de l’application et le fonctionnement du collectif. De ce point de vue, l’activité analysée dans une optique pragmatique ne « signifie pas poursuivre des fins clairement identifiées, ni appliquer des normes établies, et la créativité ne consiste pas davantage à savoir écarter les obstacles rencontrés sur ces voies prescrites » (Joas H., 1999). Le processus de qualification ainsi codifié à travers l’application informatique nous permet d’illustrer les dimensions créatrices à l’œuvre dans le travail administratif.
61Un des arguments majeurs avancés pour accélérer l’informatisation et la dématérialisation a été la montée du contentieux. Celui-ci permettait plus facilement d’introduire les changements managériaux et organisationnels avec un constat partagé par tous tel que le retard dans le traitement des dossiers. La réorganisation du service effectuée dans ce cadre produit différents effets aboutissant à des discours de perte de sens ou de reconquête de l’activité. À l’instar de Nora El Qadim, la question de la réorganisation ici, si elle vise un contentieux précis, s’inscrit également dans un cadre de transformation profonde des services publics et des réformes dans le domaine de la santé au travail (El Qadim N., 2013).
62C’est la raison pour laquelle, une telle réalité ne saurait occulter une série de questions liées à la dématérialisation et notamment pour les assurés. En effet, prendre en charge un accident du travail ou une maladie professionnelle n’est pas un acte banal [18]. Derrière cet acte, il y a une réalité sociale qui n’est pas neutre dans le domaine de la santé au travail. Si la dématérialisation est conçue dans une unique optique de logique de service pure où le bénéfice se situerait seulement en termes d’allégement des contraintes et de réduction des coûts, on peut se questionner sur le « droit au guichet » (Tchen V., 2013) où les assurés et les techniciens pourraient trouver matière à exposer leurs arguments respectifs et les justifications. Ainsi, l’analyse du processus de dématérialisation nous permet d’illustrer le passage d’une logique d’expertise pouvant créer une réelle distance avec les assurés à une logique de services industrialisée, où la distance avec les assurés ne se réduit pas, mais se complexifie également.
Bibliographie
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- Weller J.-M., 2010, « Comment les agents se soucient-ils des usagers ? », Informations sociales, n° 158 : 12-18.
Notes
-
[1]
Ce thème a été traité par l’ensemble des sociologues du travail et de l’organisation parmi lesquels Crozier M. et Friedberg E., 1977 ; Reynaud J.-D. 1988 ; Linhart D., 1994.
-
[2]
Voir l’ouvrage de Bernadette Bensaude-Vincent, Se libérer de la matière. Fantasmes autour des nouvelles technologies, Paris, Éd. Inra, 2004, 89 p.
-
[3]
Voir à ce sujet Astier I., 1997, Revenu minimum et souci d’insertion. Weller J.-M., 2000, « La controverse au guichet : vers une magistrature sociale ? », Droit et société. Muñoz J., 2003, « Prendre en charge un accident du travail : une activité de qualification à l’épreuve de la précarisation », Sciences sociales et santé.
-
[4]
Voir à ce titre les mobilisations des associations telles que la Fnath (Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés) ou l’Andeva (Association nationale de défense des victimes de l’amiante) et pour les tutelles les effets de la nouvelle loi organique Rgpp (Révision générale des politiques publiques).
-
[5]
Ce même terme a été employé pour les désigner jusqu’aux années soixante-dix : « liquidateurs », car, comme m’expliquait un technicien, « on était chargé de liquider, c’est-à-dire que l’on réglait les dépenses entraînées par l’at. »
-
[6]
Il s’agit des déclarations des accidents du travail et maladies professionnelles reçues à la caisse. Cependant, ce chiffré n’englobe que les accidents et maladies ayant entraîné un arrêt.
-
[7]
La charte Marianne se fonde sur 5 séries d’engagements : – Faciliter l’accès des usagers dans les services ; – Accueillir les usagers de manière attentive et courtoise ; – Répondre de manière compréhensible et dans un délai annoncé ; – Traiter systématiquement la réclamation ; – Recueillir les propositions des usagers pour améliorer la qualité du service public.
-
[8]
Par exemple, si nous parlons d’un accident mortel, le coût direct pour l’entreprise ou la branche représente 26 fois le salaire minimal, soit environ 621 318 €. Un syndrome du canal carpien avec une ipp de 9 %, environ 11 939 €.
-
[9]
Si nous nous limitons simplement à ces cinq lettres types, pour un dossier, cela fait 5 à 10 courriers… soit pour un technicien environ 2 660 courriers par an…
-
[10]
Un récent rapport de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) insiste pour ces services sur les gains en productivité où les effectifs ont diminué de 5,1 % entre 2005 et 2011. L’introduction de l’informatique s’accompagne d’une baisse aussi des effectifs. Rapport sur l’évaluation de la convention d’objectifs et de gestion 2005-2011 de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général, Rapport définitif, 2013, p. 4.
-
[11]
Sayn I., Op cit.
-
[12]
Weller J.-M., Op. cit., 2003, p. 437.
-
[13]
Nous pouvons aussi citer la création du site http://www.net-entreprises.fr/ en 2008 pour effectuer les déclarations en ligne. Ce service réduira considérablement les déclarations papier et également le traitement de saisie des déclarations.
-
[14]
Un phénomène similaire avait été observé par Silvera R. lors de l’introduction du télétraitement dans les années 1980 (fin) avec Laser.
-
[15]
Circulaire Cnamts 5/02/2001, origine Drp et Ensm, « Suivi de mise en œuvre du dispositif des at/mp issu du décret du 27 avril 1999 », p. 6.
-
[16]
L’activité de qualification est d’autant plus forte que la définition de l’accident du travail reste floue « est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise », Article L. 411-1 du code de la Sécurité sociale.
-
[17]
Weller J.-M., 2010, Op. cit., p. 16.
-
[18]
Voir le premier travail de Thébaud-Mony A., 1991, Op. cit. Aussi Muñoz J., 2002, L’Accident du travail. De la prise en charge au processus de reconnaissance, Presses universitaires de Rennes.