Travailler 2011/2 n° 26

Couverture de TRAV_026

Article de revue

Stress et suicides liés au travail au sein de l'institution militaire

Pages 87 à 110

Notes

  • [1]
    Valérie Bailleul-Hugele, Jessica Bruntz, La Cohorte 2005 des officiers semi-directs, Observatoire social de la défense, Secrétariat général pour l’administration, décembre 2006.
  • [2]
    Article de Fabrice de Pierrebourg (14.02.2005).
  • [3]
    Steven E. Pflanz., Scott Sonnek, 2002, « Work Stress in the Military : Prevalence, Causes and Relationship to Emotional Health », Military Medicine, n° 167 : 877-882. Steven E. Pflanz, 2001, « Occupational Stress and Psychiatric Illness in the Military : Investigation of the Relationship Between Occupational Stress and Mental Illness Among Military Mental Health Patients », Military Medicine, n° 166 : 457-462.
  • [4]
    Zahava Solomon, Combat Stress Reaction : The Enduring Toll of War, New York, Plenum Press, 1993. Paul T. Bartone., Mark A. Vaitkus, Amy Adler, « Dimensions of Psychological Stress in Peacekeeping Operations », Military Medicine, n° 163, 1998 (p. 587-593). Kelly T. McKee, Mark Gregory Kortepeter., Sven-Knudsen Ljaamo, 1998, « Disease and Nonbattle Injury Among Unites States Soldiers Deployed in Bosnia-Herzegovina during 1997 : Summary Primary Care Statistics for Operation Joint Guard », Military Medicine, n°163 : 733-42.
  • [5]
    Steven E. Pflanz, « Job Stress, Depression, Work Performance, and Perceptions of Supervisors in Military Personnel », Military Medicine, sept. 2006.
  • [6]
    N° 0462/DEF/DRH-AA/SDPAAS/BCP du 21 novembre 2006.
  • [7]
    L’Encéphale, « Données épidémiologiques sur les suicides et tentatives de suicide dans les armées en 1998 », vol. 27, n° 4, 2001 (p. 320).
  • [8]
    Guillaume Desjeux, José Labarère, Laurent Galoisy-Guibal, René Ecochard, 2004, « Suicide in the French armed forces », European Journal of Epidemiology, n° 19 : 823-829.
  • [9]
    Le Journal de Monréal, 25.07.2006.
  • [10]
    Randon S. Welton, 2006, « Suicide and the Air Force Mental Health Provider : Frequency end Impact », Military Medicine, september.
  • [11]
    Georges Tallon, 1990, « Les statistiques des suicides et tentatives de suicide dans l’armée belge de 1976 à 1987 », Revue internationale des Services de santé des forces armées, n° 63 : 223-225.
  • [12]
    Le Journal de Montréal, 25.07.06.
  • [13]
    Marie-Claude Mouquet, Vanessa Bellamy (avec la collaboration de Valérie Carasco), « Suicides et tentatives de suicides en France », Études et Résultats, n° 488, mai 2006, ministère de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, ministère de la Santé et des Solidarités.
  • [14]
    Christophe Dejours, Travail, usure mentale, Paris, Centurion, 2005 (chapitre « Un exemple a contrario : l’aviation de chasse »).
  • [15]
    Francis Petzl (2004), Patrick Fontaine (2005) et Laurent Gouzien (2006).
  • [16]
    Christian Larose est vice-président du Conseil économique et social, responsable Cgt et auteur de Violences au travail. Agressions, harcèlement, plans sociaux.
  • [17]
    La France malade du travail, en collaboration avec Jacques Bandt et Claude Dubar, Paris, Bayard, 1995 ; Plaisir et Souffrance dans le travail, Paris, Aocip, 1988 ; Psychopathologie du travail (collectif), Entreprise moderne d’édition, 1995 ; Travail et usure mentale, Paris, Centurion, 2005 ; Suicide et travail : que faire ?, en collaboration avec Florence Bègue, Paris, Puf, 2009…
  • [18]
    L’enquête quantitative menée en 2003 par l’Inspection médicale de Basse-Normandie établit toutefois que 300 à 400 salariés se suicideraient chaque année sur leur lieu de travail (Maryvonne Gournay, Françoise Laniece, Isabelle Kryvenac, « Étude des suicides liés au travail en Basse-Normandie », Travailler, 2004, n° 12 : 91-98).
  • [19]
    Steven E. Pflanz, 2006, « Job Stress, Depression, Work Performance, and Perceptions of Supervisors in Military Personnel », Military Medicine, sept.
  • [20]
    Le Journal canadien, 25.07.06.
  • [21]
    Le Journal canadien, 25.07.06.
  • [22]
    Le Journal canadien, 25.07.06.
  • [23]
    Emile Durkheim, 2007, Le Suicide. Étude de sociologie, Paris, Puf, Quadrige.
  • [24]
    Raoul Girardet, 1998, La Société militaire de 1815 à nos jours, Paris, Perrin.
  • [25]
    Erving Goffman, 1998, Asiles. Étude sur la condition sociale des malades mentaux, Paris, Éditions de Minuit.
  • [26]
    Céline Bryon-Portet, « L’essor de la communication interne au sein des armées et ses limites : du commandement au management ? », Communication et Organisation, n° 34, décembre 2008, p. 154-177.
  • [27]
    Charles C. Moskos, Frank R. Wood, The Military : More Than Just a Job ?, États-Unis, Pergamon, 1988. Charles C. Moskos, John Allen Williams, David R. Segal, 1999, The Post-modern Military : Armed Forces after the Cold War, Oxford University Press.
  • [28]
    Charles C. Moskos, 1987, « La banalisation de l’institution militaire. L’armée américaine : du modèle institutionnel au modèle industriel », in Futuribles, n° 111, juin.
  • [29]
    Claude Weber, 2000, « Diversité et Unité. Contribution à une déclinaison des identités militaires : les formes projetées, vécues et représentées », Thèse de doctorat en sciences sociales, Université Marc-Bloch de Strasbourg-ii, juin.
  • [30]
    Carle Doutheau, François Lebigot et al., 1994, « Facteurs de stress et réactions psychopathologiques dans l’armée française au cours des missions de l’Onu », Revue internationale des services de santé des forces armées, n° 67 : 30-34.
  • [31]
    Journal du Cnrs, n° 182, mai 2005, « Les nouveaux visages du travail ».
  • [32]
    Céline Bryon-Portet, 2006, « Malaise dans le corps des officiers de l’armée de l’air », Défense nationale, août-septembre, nos 8-9 : 183-196.
  • [33]
    Ainsi en fut-il pour l’ancien ministre de la Guerre Saigo Takamori. Le suicide de Yukio Mishima s’inscrit également dans une telle logique de séduction/répulsion face au modernisme occidental, de nostalgie à l’égard du Japon traditionnel, et cela même si les mobiles relatifs à l’éthique guerrière se parent volontiers des oripeaux esthétiques et romanesques propres à l’écrivain.
  • [34]
    Céline Bryon-Portet, « L’influence de la structure familiale sur la motivation des officiers et ses conséquences », Cahiers d’histoire immédiate, n° 36, hiver 2009, p. 253-265.
  • [35]
    Le taux d’emploi des conjointes de militaires est de 60,3 %, contre 70,8 % des Françaises vivant en couple (données livrées dans le premier Rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire).
  • [36]
    Charles C. Moskos, John Allen Williams, David R Segal, The Post-modern Military : Armed Forces After the Cold War, Oxford University Press, 1999.
  • [37]
    Le taux annuel de divorces chez les militaires demeure inférieur à celui de la population française, car les valeurs catholiques (cela est manifeste dans la Marine nationale notamment) et, plus largement, les valeurs traditionalistes, restent prépondérantes. Néanmoins, ce taux est en hausse. En 2005, il a plus fortement augmenté chez les couples de militaires que chez les couples civils (données livrées dans le premier Rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire).
  • [38]
    Jodi L. Grenier, J. Robert Swenson, Gerald Michael FitzGibbon, Alan J. Leach, 1997, « Psychosocial Aspects of Coronary Disease Related to Military Patients », Canadian Journal of Psychiatry, Ottawa, Canadian Psychiatric Association, vol. 42, n° 2 : 176-184.
  • [39]
    Dominique Raingeard, 1997, « Opération Turquoise. Témoignage d’un psychiatre », Médecine et Armée, n° 23 : 347-350.
  • [40]
    François Lebigot, Maurice Bazot, Denis Condroyer, 1987, « Suicide et institution militaire », Psychologie médicale, n° 19 : 609-612.
  • [41]
    Maurice Bazot, 2001, « La crise suicidaire en milieu militaire », La Crise suicidaire : reconnaître et prendre en charge (collectif, Fédération française de psychiatrie), Éditions John Libbey Eurotext, p. 100.
  • [42]
    Steven E. Pflanz, « Job Stress, Depression, Work Performance, and Perceptions of Supervisors in Military Personnel », Military Medicine, sept. 2006.
  • [43]
    L’Encéphale, 2001 ; xxvii : 320-4, « Données épidémiologiques sur les suicides et tentatives de suicide dans les armées en 1998 ».
  • [44]
    Le Journal de Montréal, 25.07.2006.
  • [45]
    Rapporté par le Jamc (Journal de l’Association médicale canadienne) du 21 mars 2000.
  • [46]
    Randon S. Welton, Lisa R. Blackman, « Suicide Prevention Among Active Duty Air Force Personnel », United States, 1990-1999, Mmwr, 1999.
  • [47]
    William W. McDaniel, M. Rock. et Jon R. Grigg, « Suicide Prevention at a United States Navy Training Command », Military Medicine, 1990 ; vol. 155, n° 4, p. 173-175.

1La fin de la guerre froide et le mouvement de professionnalisation des armées ont entraîné le déploiement de types d’activités et de missions différentes de celles du passé. On constate notamment un essor des activités administratives liées à une logique de rationalisation et de performance financière, des missions de maintien ou de rétablissement de la paix sous l’égide de l’Onu, accompagnées de nouvelles règles d’engagement… Parallèlement, une amplification du stress se révèle dans l’accomplissement des tâches quotidiennes.

2Nous allons tenter, dans un premier temps, d’appréhender le phénomène et son étendue, par une évaluation chiffrée et qualitative, puis d’en proposer une analyse. Celle-ci a pour dessein d’inscrire la situation des armées au sein des transformations de la société globale et de chercher des explications aux suicides des militaires, à travers une discussion de la théorie durkheimienne du suicide. Enfin, nous proposerons un certain nombre de mesures préventives et curatives, en pointant le rôle des médecins et des réseaux de soutien.

Un taux de dépression et de suicide en augmentation

Quelques chiffres sur les conséquences du stress

3Les militaires français notent une augmentation du stress dans l’accomplissement de leurs tâches quotidiennes. Par ailleurs, ils n’ont guère une vision optimiste de l’avenir, puisque nombre d’entre eux pensent que le stress grandira dans les prochaines années. Interrogés dans le cadre d’une étude réalisée par l’Observatoire social de la défense, les 371 officiers ayant intégré les écoles militaires en 2005, après réussite à un concours interne, déclarèrent que le stress irait crescendo pour 55 % d’entre eux (42 % estimaient qu’il resterait stable, et 2 % songeaient qu’il diminuerait) [1].

4L’expression d’une plus grande détresse psychologique, avec pour corollaire un taux de dépression en hausse, se manifeste nettement au sein de l’institution militaire. Ce constat, qui n’est pas propre aux armées françaises, peut être fait dans la plupart des pays occidentaux, notamment anglo-saxons. Ainsi Le Journal de Montréal soulignait-il : « On dénombrerait deux fois plus de dépressifs chez les militaires canadiens qu’au sein de la population civile. C’est ce qui ressort d’une vaste enquête menée à la fin de l’année 2002 par Statistique Canada auprès de 8 000 militaires pour le compte de l’équipe de santé mentale des Forces canadiennes [2]. » De récentes enquêtes américaines dénoncent également la pression croissante à laquelle sont soumis les militaires [3], et cela même en temps de paix. Or, si le déploiement des troupes lors des opérations extérieures, des missions de guerre ou de maintien de la paix, entraînent inévitablement des réactions nerveuses liées aux circonstances particulièrement difficiles qui sont les leurs [4], il semble plus surprenant que le stress gagne aussi le personnel dans les situations dites de « veille ». En outre, une relation de cause à effet peut être établie entre pression professionnelle et troubles psychologiques, parmi lesquels on compte les états dépressifs :

5

« De récentes études ont montré qu’il y a un degré élevé de stress lié au travail chez le personnel militaire […] Plus d’un quart (27,4 %) de la population militaire a déclaré souffrir d’un stress significatif lié à ses activités professionnelles. Un lien significatif a été établi entre le stress au travail ainsi que le phénomène de dépression, et une performance détériorée, davantage de jours d’absence, une santé physique plus fragile et une perception négative des compétences du commandement. […] Le rapport entre le stress engendré par des missions humanitaires, de pacification ou de guerre, et la santé émotionnelle du personnel militaire, a été bien documenté. Cependant, peu de recherches ont été conduites sur le stress qui peut se déployer dans un environnement de travail militaire en de temps de paix et dans des situations de routine [5]. »

6L’institution militaire connaît également une augmentation de conduites autoagressives. En témoigne un document signé du chef d’état-major de l’armée de l’air, adressé à différents commandements et autorités hiérarchiques afin de sensibiliser l’ensemble du personnel à ce problème : « l’armée de l’air est confrontée à un nombre croissant de suicides ou tentatives de suicide. […] En moyenne sur cinq ans (2001-2005), 108 personnels de l’armée de l’air (officiers, sous-officiers, civils ou militaires du rang) ont réalisé un acte autoagressif (41 suicides et 67 tentatives) », précise le document du général Stéphane Abrial daté du 21 novembre 2006 [6]. Le précédent chef d’état-major, le général Wolkzinski, avait lui aussi confié son inquiétude à ce sujet à plusieurs reprises, au cours de différentes réunions, vers la fin de son mandat.

7Le problème avait déjà été soulevé par des médecins militaires vers la fin des années 1990. Guillaume Desjeux, alors médecin à l’hôpital d’instruction des armées Desgenette à Lyon, et un groupe de chercheurs insistaient ainsi sur l’utilité des systèmes de surveillance attachés aux conduites suicidaires dans les milieux militaires eu égard à l’évolution de ces dernières. Ils faisaient également remarquer que les suicides et tentatives de suicides avaient presque doublé entre 1995 et 1998. L’année 1996 fut une année saillante dans cette progression, puisque les suicides augmentèrent de près de 70 % par rapport à l’année précédente [7] :

1995 1996 1997 1998 Tentatives 57 92 91 105 Suicides 21 39 44 40

8Poursuivant ses recherches, Guillaume Desjeux nota une nouvelle recrudescence dans les armées françaises au cours des années suivantes : « De 1997 à 2000 inclus, 230 suicides ont été recensés sur un effectif de 315 934 personnes ; c’est-à-dire que le taux de suicide annuel était 18,2 pour 100 000 militaires en position d’activité » (avec une surreprésentation de la Gendarmerie nationale, avec 25,7 pour 100 000 en 2000, surreprésentation qui s’explique par les difficultés matérielles et morales d’un métier où l’on côtoie souvent la violence et la mort, mais aussi par la détention d’une arme de service qui facilite le passage à l’acte). Puis, il précise qu’« en 2000, le suicide a été la seconde cause de mortalité dans l’armée française après les accidents [8]. »

9Une évolution similaire apparaît dans les forces armées de nombreux pays occidentaux. Ainsi Le Journal Canadien rapporte-t-il que « le taux de suicides a doublé dans les Forces canadiennes entre 1990 et 2004, passant de 1 suicide pour environ 8 000 militaires à 1 suicide pour environ 4 000 [9]. » On constate aux États-Unis un saut alarmant au cours de la même période [10]. En Belgique, on recense un taux de suicides évoluant de 16 à 35 pour 100 000 entre 1976 et 1987 [11].

10Malgré cette hausse significative des conduites autoagressives, le nombre des suicides demeure inférieur à la moyenne de la population civile. Ainsi, Guillaune Desjeux note qu’en 1998, le taux d’incidence de suicide dans les armées était de 14,1 pour 100 000, tandis que celui de la population civile était de 28,8 pour 100 000. Cette relative faiblesse peut s’expliquer à la fois par un mode de recrutement extrêmement rigoureux et exigeant (sélection opérée en partie sur l’hygiène morale et physique, visite médicale prenant en considération les antécédents psychiatriques…), par la présence d’unités médicales sur le lieu de travail des militaires et la mise en place de visites annuelles obligatoires, mais également grâce aux valeurs d’entraide et de cohésion inhérentes au métier des armes, dont nous verrons pourtant qu’elles tendent à s’atténuer. Michel W. Drapeau, colonel à la retraite des Forces canadiennes (lesquelles connaissent un essor du taux de suicide comparable aux Forces françaises), explique aussi que « nos militaires sont censés être en bonne forme physique et mentale. Ils sont entourés par une batterie de spécialistes, ont accès à des services médicaux de pointe, sont bien rémunérés, etc. Donc, on ne peut pas les comparer à des civils qui comptent dans leurs rangs des gens plus faibles, chômeurs, handicapés… [12]. »

11Soulignons que cet écart entre taux de suicide militaire et civil se réduit pourtant, la société civile française connaissant une évolution inverse à celle des armées. En effet, selon une récente enquête publiée dans Études et Résultats[13], qui s’appuie sur les données de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de son Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (Cepidc), « le taux brut de suicides tous âges a ainsi diminué d’environ 2 % par an entre 1993 et 2002 », et il se stabilise depuis lors autour de 11 000 par an. L’armée aurait logiquement dû afficher, elle aussi, une courbe descendante.

12L’autre élément de surprise est lié au fait que les dépressions et les suicides frappent aussi des franges catégorielles jadis relativement épargnées, à savoir des officiers supérieurs appartenant à des spécialités opérationnelles, par conséquent des individus sélectionnés pour leur sang-froid et leur force morale, habitués à exercer leur métier sous une forte pression psychologique et physique. Ainsi en est-il des pilotes de chasse, par exemple, qui trouvent leur motivation même dans un stress quotidien, ainsi que le soulignait Christophe Dejours dans son étude sur l’aviation de chasse, qui démontrait le déni viril et héroïque du risque dont ces hommes faisaient preuve [14]. Or, entre 2004 et 2006, trois pilotes de chasse de l’armée de l’air française se sont suicidés [15]. Si ces cas ne permettent évidemment pas la généralisation, ils amènent néanmoins le chercheur à s’interroger sur une possible mutation du phénomène suicidaire dans les armées. Ce type d’indicateur pourrait en effet devenir pertinent si des études plus précises et menées sur le long terme établissaient que le taux de suicide des catégories les plus opérationnelles connaît une hausse significative. Plus généralement, la prise en compte de ces évolutions diamétralement opposées à celles du milieu civil doit rendre vigilant et faire considérer le malaise qui affecte le métier des armes comme un fait préoccupant.

Pathologies liées au travail : une tendance sociétale

13Par-delà le nombre global de suicides, il convient de distinguer plus particulièrement ceux qui sont motivés par l’environnement professionnel. Ainsi, si le taux de conduites autoagressives tend à diminuer globalement au sein de la population, en revanche les suicides plus précisément liés à l’activité professionnelle des victimes sont quant à eux en plein essor. Selon certains sociologues et médecins spécialisés, la prolifération de ces gestes réactionnels, dus à une dégradation des conditions de travail, représente un phénomène de société tout à fait nouveau (ces actes étaient par le passé des cas isolés qui demeuraient relativement exceptionnels et frappaient surtout le milieu agricole). Les études sur le sujet abondent (notamment grâce aux spécialistes Christian Larose [16] et Christophe Dejours [17]), et cela même si l’on peut déplorer la rareté des enquêtes statistiques [18]. La question qui se pose est donc celle de la nature du lien existant entre les causes de la pathologie civile et celles de la pathologie militaire. Car l’armée se révèle, comme dans bien d’autres domaines, un miroir de la société, dont elle épouse globalement les évolutions et les dérives. Le personnel militaire n’échappe pas au stress grandissant qui touche le monde du travail ni aux suicides engendrés par des situations professionnelles conflictuelles ou dégradées. Il y échappe d’autant moins que le nouveau statut général des militaires de 2005 tend à rapprocher les militaires des civils et que, de ce fait, la spécificité militaire se banalise peu à peu.

14Des entreprises telles que Renault, Edf ou Sodexho, ont été confrontées à des suicides répétés au sein de leur personnel. Parmi les sites jugés particulièrement pathogènes, l’usine Psa de Peugeot-Citroën à Mulhouse, qui a vu quatre salariés mettre fin à leurs jours en avril et mai 2007, la centrale nucléaire Edf de Chinon, qui recensa quatre victimes en deux ans, le Technocentre de Renault à Guyancourt, qui comptabilisa quatre morts en quelques mois. Plus récemment, c’est France Télécom qui a été montrée du doigt, avec 35 suicides sur les deux dernières années. Certaines familles de victimes, estimant la direction responsable, ont entamé des procédures juridiques. Les procès engagés visent à prouver la non-prise en compte de la souffrance des salariés par certains managers, voire la production du stress comme technique même de management…

15Ces drames résultent d’un mode de vie et de production modifié, focalisé sur la rentabilité, la productivité, le culte du travail, de l’argent et de la performance. Ainsi que le démontrait déjà la critique heidegerienne de la technique, suivie en cela par des œuvres cinématographiques telles que Les Temps modernes, de tels traitements aboutissent à une profonde déshumanisation. Soumis au jeu de la concurrence et des promotions, les rapports humains se déploient de plus en plus dans une logique de rivalité agressive. À cela s’ajoute un noyau familial de plus en plus souvent éclaté (caractérisé par une hausse des divorces, du célibat et du nombre de structures monoparentales), qui cesse parfois de servir de rempart contre les rouages destructeurs d’une machinerie professionnelle de plus en plus dévorante, et contre une permanente dépréciation de la personne.

16Du fait de l’atténuation progressive de la spécificité des armées, les militaires sont sensiblement soumis à ces mêmes problèmes. Il existe aujourd’hui deux catégories principales d’états dépressifs et de suicides liés à l’activité professionnelle des militaires : certains, post-traumatiques, sont dus aux particularismes militaires, à la tension nerveuse supportée ou aux conditions difficiles des opérations extérieures, par exemple ; d’autres, n’étant pas propres au métier des armes, expriment un malaise au quotidien, abstraction faite des situations opérationnelles. Partagées avec le monde civil, ces sources de malaise (parmi lesquelles on peut classer des cas de harcèlement moral, des problèmes avec la hiérarchie, des conflits entre vie privée et travail) sont de plus en plus fréquentes. Il semblerait même que ce soient ces derniers symptômes qui connaissent le plus grand essor. Steven Plfanz constate cette tendance aux États-Unis : « Une précédente recherche a démontré que les aspects les plus spécifiques du métier militaire, comme le déploiement outre-mer et à l’étranger, le changement fréquent de poste, les missions ponctuelles loin du domicile, ne constituent pas des motifs de plaintes significatives de la part du personnel militaire. La principale source de stress du travail militaire semble plutôt être associée aux aspects des activités sur base dans leur pays natal, tels que les responsabilités professionnelles, les horaires de travail, ou des difficultés avec la hiérarchie [19]. »

Une difficile évaluation

17S’il est indéniable que le nombre de suicides liés à l’activité professionnelle connaît un singulier essor, ainsi que l’indiquent souvent les témoignages laissés par les défunts, les déclarations des proches et les statistiques délivrées par la médecine du travail, son évaluation exacte est cependant malaisée à établir.

18La première difficulté a trait au caractère confidentiel, voire tabou, des chiffres relatifs aux actes autoagressifs. Si nulle entreprise ne se vante de voir augmenter le mal-être de ses salariés et d’être à l’origine de la détresse de certains d’entre eux, cela se vérifie a fortiori au sein de la « Grande muette ». Faisant figure d’exception, les forces armées américaines communiquent abondamment sur ce thème ; en revanche, la plupart des autres institutions taisent un sujet jugé sensible. D’aucuns affirment, à l’instar du colonel Michel W. Drapeau, que nombre d’entre elles faussent les données en classant certains suicides en décès accidentels. En ce qui concerne l’armée canadienne, par exemple, il faudrait multiplier les chiffres officiels par 1,25 % pour s’approcher de la réalité [20]. À ce camouflage de la part des autorités militaires, il convient d’ajouter le silence des victimes de troubles psychologiques et de tendances autoagressives, elles-mêmes peu enclines à révéler des maladies perçues comme des signes de vulnérabilité et préjudiciables pour l’avancement dans les grades [21]. Les risques de déclaration d’une inaptitude, temporaire ou définitive, à l’exercice du métier des armes, incitent à travestir ou cacher les données.

19La seconde difficulté est liée à l’imbrication profonde des aspects médicaux, psychologiques et sociaux, mais aussi des facteurs professionnels et extraprofessionnels. Cela est encore plus vrai chez les militaires, pour lesquels la frontière entre ces deux domaines est ténue, eu égard au statut particulier qui est le leur et aux valeurs inhérentes au métier des armes, lequel exige disponibilité absolue, abnégation et esprit de sacrifice. Une multitude de rapports l’atteste. Le Journal canadien, s’appuyant sur une étude de 1996 portant sur les risques de suicide liés aux opérations de maintien de la paix, note par exemple : « Ainsi, un de ces soldats se serait suicidé parce qu’il se disait l’objet “d’un traitement injuste de la part des Forces canadiennes, puisqu’il était affecté loin de sa copine”, mais qu’il n’arrivait pas à régler le problème avec sa hiérarchie. Un autre, en instance de départ en mission, et confronté à “de graves problèmes avec sa conjointe” semblait “déchiré entre son sens du devoir et son désir de sauver son union”. Ça n’a pas empêché son commandant de lui fixer un ultimatum : “être une poule mouillée” ou un “bon soldat” [22]. »

20Il est malaisé d’identifier ce qui relève de la sphère privée et ce qui est lié au domaine professionnel. Bien souvent, c’est la rencontre, fortuite et malheureuse, de plusieurs facteurs, qui accule un individu et l’incite à commettre l’irréparable. Lorsque la solidité des assises de la vie privée disparaît, les atteintes du stress lié au travail se trouvent décuplées, l’environnement familial ou amical ne jouant plus un rôle compensateur et protecteur. De même, un travail trop stressant peut entraîner des déséquilibres conjugaux. L’interaction est parfois si grande que l’on est susceptible de confondre causes et effets. Cette intrication des facteurs étiologiques est d’ailleurs utilisée comme ligne de défense par de nombreuses entreprises lorsque des familles de victimes intentent un procès à la direction pour négligence vis-à-vis de ses salariés. La plupart des entreprises telles que Renault, Edf et Sodexho, contre-attaquent et refusent toute responsabilité, arguant du fait que les disparus vivaient des ennuis extraprofessionnels. Une telle réorientation est cependant difficilement soutenable dans bien des cas, notamment lorsque le défunt laisse un courrier expliquant clairement son geste par des dysfonctionnements professionnels récurrents.

Les facteurs de changement : faut-il revisiter la théorie durkheimienne ?

Effacement de la spécificité militaire et dissolution de la cohésion : du suicide altruiste au suicide égoïste ?

21L’analyse effectuée sur le suicide par Emile Durkheim en 1897 [23] peut nous guider dans la compréhension des conduites autoagressives actuelles des militaires, dont le taux demeure plus bas que la moyenne nationale, mais se trouve en forte augmentation. Selon lui, un tel acte d’autodestruction, révélateur de l’état moral d’une communauté d’individus, n’a de sens qu’en raison de la relation qu’il entretient avec le lien social et ses déséquilibres. Une étude approfondie du phénomène l’amène à distinguer quatre types de suicide, qui répondent à leur tour à deux variables, à savoir l’intégration, que l’on peut définir comme l’attachement au groupe, et la régulation, c’est-à-dire l’attachement aux règles de la collectivité. Ainsi, le « suicide fataliste », défini par un excès de réglementation, s’opposerait-il au « suicide anomique », caractérisé par une régulation insuffisante, tandis qu’au « suicide égoïste », dû à un manque d’intégration sociale, ferait face le « suicide altruiste », favorisé par une intégration trop importante. Toujours selon Durkheim, le cas de l’hyperintégration concernerait notamment les suicides des militaires, qui vivent dans une structure fortement centrée sur elle-même et adhèrent au principe de cohésion.

22Cette analyse était valable à l’époque où les liens infra-groupaux, l’esprit de corps et la symbiose avec l’institution étaient si importants qu’ils pouvaient paradoxalement entraîner des réactions autoagressives semblables à celles qui, dans le reste de la société, étaient engendrées par un manque d’intégration et une impression de rejet de la part de la communauté. Naguère, le chef était assimilé à la figure paternelle, aux côtés de la « mère patrie », et les « frères d’armes » n’étaient jamais seuls dans cette « grande famille », selon une expression consacrée. C’était un système rigide et souvent punitif, mais la contrepartie est qu’il revêtait un caractère protecteur, voire infantilisant (à travers le principe d’« obéissance » passive notamment, tel que l’a développé Raoul Girardet [24]). Close sur elle-même, cette « institution totale » devait être coupée du monde extérieur afin de créer les meilleures conditions de réalisation des missions confiées [25].

23Or, ce modèle ne semble plus aussi pérenne à l’aube du xxie siècle. L’effacement progressif de la spécificité militaire, depuis la fin de la guerre froide et la bureaucratisation d’une armée professionnelle qui se concentre sur des activités administratives, juridiques et financières, a affaibli les liens fraternels qui soudaient les soldats combattant côte à côte. Nous avons pu le constater nous-mêmes durant les sept années de notre engagement militaire, où nous avons observé et analysé les conditions d’exercice du métier, et recueilli les témoignages de collègues ayant un long passé dans l’institution et déplorant les mutations récentes. Ce délitement social est notamment caractérisé par une moindre implication dans la vie associative militaire, qui était très prégnante dans l’armée. L’intégration au groupe dans les unités les moins militarisées et les moins opérationnelles s’avère plus flottante, ce qui crée une solitude que ne peuvent totalement compenser par ailleurs des contacts rapprochés avec la société civile. Car cette dernière considère toujours le militaire comme un individu un peu à part. Il ne peut se fondre au reste de la population, à cause du port de l’uniforme, de ses sujétions, des codes utilisés et d’un mode de vie à nul autre pareil. Moins lié à son institution, le militaire, endossant aujourd’hui un statut hybride, n’est pas pour autant assimilé à un civil par ses concitoyens, et lui-même ne peut pas se considérer comme tel.

24En outre, après avoir longtemps été déterminés dans leurs comportements et leurs modes de pensée par les valeurs de la communauté, les militaires subissent, de leur propre aveu, un important relâchement des règles fondatrices, tout du moins lorsqu’ils n’œuvrent pas en opérations extérieures (service en état-major, sur base, dans des régiments ou des casernes en métropole). Ce relâchement s’exprime par une crise de l’autorité, un assouplissement de la discipline physique (probablement dû à une évolution des mentalités, mais aussi aux efforts de fidélisation qu’a entraînés la professionnalisation des armées), des modes de commandement qui s’apparentent à des méthodes de management [26] et une liberté d’expression accrue (multiplication des organes de concertation, tels que les cfm et csfm (Conseil de la fonction militaire et Conseil supérieur de la fonction militaire), nouveau statut général des militaires permettant une publication dans la presse sans autorisation préalable). Et, si l’armée continue d’exiger une soumission importante de la part de ses militaires, elle n’est plus aussi protectrice qu’auparavant. Devenus comme orphelins, les « enfants de la patrie » perdent ainsi leurs repères identitaires.

25Des sociologues américains, tels Morris Janowitz et Charles Moskos [27], avaient très tôt alerté les autorités politiques et militaires sur les risques de dysfonctionnement que pouvaient engendrer l’effacement de la spécificité militaire et l’assimilation progressive des armées à une entreprise civile. Ce que ces chercheurs avaient annoncé dans les années 1970, en raison de la professionnalisation de l’armée américaine, s’est réalisé aux États-Unis et semble gagner aujourd’hui de nombreux pays occidentaux. Ce phénomène de « banalisation [28] », inscrivant les armées dans une logique industrielle bien éloignée de leur identité originelle, n’est sans doute pas étranger au développement d’une certaine détresse. Au-delà du fait que les militaires sont en quête de sens dans une institution qui voit ses idéologies bouleversées, la distanciation qui s’établit vis-à-vis du groupe et l’érosion du clan en tant que collectif structuré isolent chacun des membres de la communauté.

26Si elle conserve sa validité, la théorie durkheimienne mériterait donc d’être réactualisée à l’aune des transformations que les armées ont connues au cours de la dernière décennie. Prenant appui sur sa grille d’analyse, mais considérant le nouveau contexte des armées, l’on peut émettre l’hypothèse qu’en un siècle, le suicide touchant la population militaire s’est déplacé vers les pôles opposés de ceux sur lesquels il se positionnait vers la fin du xixe siècle, évoluant ainsi de l’hyperintégration vers l’hypo-intégration, et même l’hyporégulation, autrement dit du suicide altruiste vers un suicide de type égoïste, voire anomique (la nouveauté étant que l’on constate une augmentation des suicides des militaires alors que la société est de type individualiste, ce qui, selon Durkheim, tendrait pourtant à protéger cette population). Afin de confirmer ou d’invalider cette hypothèse, et d’aller plus avant, il serait nécessaire de réaliser de véritables études, qualitatives et quantitatives, sur le sujet.

27Par ailleurs, certaines nuances et précisions s’imposent si l’on considère que l’armée n’est pas une entité homogène et que la situation des militaires, soumis à divers rythmes d’action et cultures, diffère selon les spécialités (opérationnelles / de soutien), les armes et les lieux d’exercice du métier des armes [29]. Ainsi les études menées par le Centre d’études en sciences sociales de la défense, et par le Service de santé des armées [30], sur les missions nouvelles réalisées à l’occasion des interventions en ex-Yougoslavie, puis au Kosovo, concluaient au contraire que l’une des difficultés principales, entraînant un réel accroissement des charges psychologiques (principalement pour les troupes au sol de l’armée de terre), provenait non pas d’une dérégulation, mais de la superposition des exigences traditionnelles des opérations et du combat, et d’exigences supplémentaires ou contradictoires relatives au mode d’action de maintien de la paix. On serait alors plutôt face à une surréglementation. Dans ces conditions, certains suicides entreraient dans la catégorie « fataliste », plutôt que dans la catégorie « anomique » voire « égoïste ». Cette nécessaire distinction entre les suicides qui touchent les militaires en opération et ceux qui ne le sont pas rend difficile notre étude, dans la mesure où des facteurs de nature différente interviennent dans chaque cas (cependant, même si les causes des suicides ne sont pas les mêmes, ainsi que nous nous sommes efforcée de le montrer, les taux de suicides sont en augmentation dans les deux cas). De la même manière, le cas de la Gendarmerie nationale, dont le personnel est soumis aux droits et devoirs particuliers définis par le statut général des militaires, au port de l’uniforme et à une résidence obligatoire sur le lieu de travail, nous semble devoir être toutefois considéré à part, eu égard à la nature particulière des activités des gendarmes, qui sont plus proches de la population et des métiers civils que les autres militaires.

Nouvelles logiques économiques : la fin du suicide héroïque

28Christophe Dejours analyse l’essor des malaises liés à l’environnement professionnel au sein de la société civile comme une conséquence de la dégradation du « vivre-ensemble », des solidarités scellées par les syndicats et de la convivialité des rapports humains [31]. Parallèlement à l’effritement de ces solidarités professionnelles, remparts contre l’isolement et les pulsions morbides, la montée de la concurrence et de l’individualisme a achevé le processus de développement du « chacun pour soi » et de l’espace privé, au détriment de l’espace public. Et cette sphère privée, nous l’avons mentionné, se trouve également déstabilisée par un éclatement de la cellule familiale, ce qui participe doublement d’une fragilisation de l’individu. La machine entrepreneuriale prend ses salariés dans les rets d’une logique économique que ne compensent guère l’entraide au travail et le soutien apporté en dehors de l’environnement professionnel.

29L’armée, elle aussi, calque de plus en plus son modus operandi sur les modèles du privé et de la fonction publique. La mise en place de la lolf (Loi organique relative aux lois de finances), en introduisant une culture de la rentabilité, a opéré une véritable rupture. Désormais, les militaires doivent rendre des comptes permanents via des activités de contrôle de gestion et s’investir dans des procédures administratives lourdes, qui leur paraissent bien éloignées du cœur de leur métier. En outre, leur charge de travail ne cesse d’augmenter, alors même que les restrictions budgétaires et la réduction des effectifs de la Défense (500 000 en 1996 contre 350 000 en 2006) entravent la réalisation des missions quotidiennes. Assimilés à des salariés ou à des producteurs, certains militaires sont soumis à un stress de nature bureaucratique bien différent du stress du combattant. Ils déplorent la disparition de l’éthique guerrière, constituée de valeurs telles que l’honneur et le courage face au péril. Mal à l’aise dans ce rôle de « rond de cuir », ils vivent douloureusement cette révolution culturelle [32].

30Or, l’une des motivations principales de l’engagement militaire, notamment pour les officiers, a trait au prestige des fonctions et à une reconnaissance de la valeur personnelle par la bravoure déployée et l’exploit accompli dans les situations périlleuses. Nombreux sont ceux qui ont admiré, adolescents, le courage exemplaire du chevalier d’Assas ou la noble insoumission du général de Gaulle. Mais les comportements héroïques (allant jusqu’au sacrifice ultime par le don de sa vie), garants d’une certaine notoriété et parfois même d’un passage à la postérité, se raréfient. Le développement des concepts « zéro mort » et « guerre propre », associé à un Droit des conflits armés entraînant des règles d’engagement extrêmement contraignantes, rendent improbable la réalisation d’un « suicide héroïque », tel que le baptisait Durkheim et tel qu’il se pratiquait plus couramment pendant la Seconde Guerre mondiale, l’épisode indochinois et la crise algérienne, et ce, jusqu’aux années 1990. La possibilité permanente de cet acte sacrificiel, rappelant l’esprit de renoncement et d’abnégation de ceux qui servent un idéal et renouant avec la noblesse de l’ancienne chevalerie, auréolait de gloire les hommes qui choisissaient le métier des armes. Si nul ne peut regretter la diminution du risque de mourir à la guerre, la disparition progressive de ce suicide de type altruiste, ainsi que le qualifie Durkheim, ne prive-t-il pas les militaires les plus attachés aux valeurs fondatrices des armées de toute identité professionnelle et du sens de leur engagement ? Et ne pourrait-on concevoir, chez certains, un suicide de substitution, qui s’exprimerait non pas par un excès de foi, mais par un défaut de foi chez les autres, jugé insupportable ?

31La logique de l’honneur, mise en exergue par Philippe d’Iribarne et exacerbée dans la culture de l’officier, fait que ce dernier accepte difficilement la perte des valeurs séculaires. Dans une moindre mesure, on pourrait comparer ce que ressent l’officier à ce que vivaient les derniers samouraïs, qui exprimaient parfois leur désespoir face à l’effondrement du système social traditionnel sous l’ère Meiji par un suicide rituel et honorable appelé « seppuku » ou pratique du hara kiri[33]. Cet acte, indissociable du Bushido, le code d’honneur du guerrier, et du Junshi, visant à prouver son courage et sa fidélité, traduisait l’affirmation ultime d’un code de valeurs morales en voie de disparition. Ces cas extrêmes trouvent leur origine dans le délitement social et les soudaines dérégulations d’une communauté ultratraditionaliste, ce qui peut être mis en parallèle avec le malaise actuellement vécu par les officiers les plus attachés aux valeurs fondatrices de leur institution et les plus affectés par leur effacement progressif.

Mobilité, émancipation féminine et déni de la maladie : des facteurs aggravants

32À ce processus d’acculturation se greffe une série de facteurs aggravants, parmi lesquels la forte mobilité à laquelle sont soumis les militaires. En moyenne, un officier est muté tous les quatre ans, un sous-officier tous les huit à neuf ans, selon une enquête réalisée par le Haut comité d’évaluation de la condition militaire, rendue publique en février 2007. Ces incessants déplacements géographiques ne favorisent pas la constitution d’un tissu social durable en dehors des relations de travail. Or, le cercle professionnel, même s’il demeure très prégnant dans la vie des militaires, occupe une place moins importante qu’auparavant. Il n’est plus un relais aussi puissant, un substitut aussi efficace à l’éloignement des familles (célibat géographique, parents et amis à l’autre bout de la France).

33Le rôle des épouses des militaires, autre pilier qui maintenait la solidité de l’édifice familial lorsque le devoir appelait le mari sur des théâtres d’opération pendant plusieurs mois, a également varié et s’est modifié dans son rapport à l’institution [34]. Jadis intégrée à la communauté militaire dont elle faisait partie au travers d’associations diverses, l’épouse affichait souvent un dévouement et une disponibilité qui permettaient à son époux d’être libéré des contraintes administratives et domestiques. Aujourd’hui encore, le nombre d’actives demeure inférieur au taux national [35], notamment à cause des mutations de leur mari, qui ne favorisent guère l’accès à l’emploi et les progressions de carrière. Cependant, les conjointes de militaires exercent de plus en plus souvent une activité professionnelle. Elles choisissent de s’investir professionnellement, quitte à ce que cela se fasse au détriment de la carrière de leur conjoint, voire de la stabilité de leur couple [36]. De fait, les divorces chez les militaires connaissent une nette hausse [37]. La multiplication des séparations accentue le déracinement inhérent au métier des armes et peut plonger certains dans la dépression, surtout lorsque les conditions de travail sont dégradées.

34Enfin, les militaires atteints d’état dépressif ont tendance à nier leur pathologie. Ce déni de la maladie, mis en lumière par des chercheurs canadiens, affecte aussi bien les symptômes d’anxiété que ceux de la dépression. Les paramètres culturels semblent être déterminants dans la façon dont les malades gèrent leur maladie. Ainsi est-il estimé que « les caractéristiques uniques des militaires pourraient être d’importants facteurs qui influent sur l’état psychosocial des militaires souffrant de coronaropathies. Ces caractéristiques incluent un haut degré de dénégation de la maladie, de solides réseaux de soutien social, une puissante éthique du travail militaire et des saturations stressantes uniques aux militaires [38]. » Le déni de la maladie constitue un facteur aggravant, car celui-ci occulte le symptôme sans le faire disparaître, et rend impossible l’apport d’une aide quelconque.

35L’ambiguïté du malaise militaire actuel, on le voit, naît de la mixité du statut qu’il possède aujourd’hui. Ce statut étant hybride, le militaire est, par certains aspects, proche des civils, dont il emprunte des comportements et des aspirations, tout en conservant des particularismes inhérents au métier des armes, lesquels entrent parfois en contradiction les uns avec les autres.

Les mesures préventives et curatives

Le rôle crucial des médecins militaires et des psychologues

36Parmi les moyens préventifs et curatifs, les médecins militaires ont un rôle de premier ordre à jouer. L’écoute, le soutien, les traitements médicamenteux, peuvent aider les patients en souffrance. Néanmoins, peut-être serait-il judicieux d’introduire dans chaque site militaire des psychologues, aux côtés des médecins généralistes. Spécialisés, ils pourraient assurer un suivi efficace et obtenir une guérison plus rapide. L’implantation locale permettrait en outre de lever les résistances relatives au fait d’aller consulter un « psy », résistances plus fortes dans les armées que dans le monde civil. La démarche serait facilitée par les liens établis entre médecins militaires généralistes et psychologues militaires. Les premiers seraient susceptibles de diriger les patients détectés comme des individus à risques vers les seconds, sans qu’une coûteuse et volontariste prise de rendez-vous à l’extérieur ne soit à faire de la part du malade. L’on pourrait même envisager d’imposer à l’ensemble des militaires une visite annuelle obligatoire auprès d’un psychiatre. De telles mesures ont déjà été prises de manière ponctuelle dans des contextes particuliers (ainsi en fut-il à Goma, par exemple, pendant l’opération Turquoise, lorsque les soldats creusaient des fosses à longueur de journée pour y enterrer les cadavres [39]). Elles gagneraient sans doute à être généralisées.

37Par ailleurs, l’efficacité des mesures médicales et des différents réseaux de soutien (assistantes sociales notamment) ne pourra être satisfaisante que si les médecins et psychologues militaires s’efforcent de rendre audibles le stress et les états dépressifs, et de décomplexer les malades. Car il existe un présupposé lourd de conséquences : l’ethos d’un militaire lui impose d’être fort, physiquement et moralement. Le milieu militaire est culturellement étranger à une prise en compte des états d’âme et de la détresse humaine. Le personnel accepte donc difficilement de prendre un traitement pour soigner une dépression, considérant probablement qu’il s’agirait là d’un aveu de faiblesse. Par ailleurs, dans l’armée, le suicide est d’autant plus tabou qu’il s’oppose de manière radicale à l’idée de sacrifice [40], dont on a vu qu’elle constitue une référence mythique chez les militaires. Comme dans l’acception commune et contrairement à la typologie de Durkehim, en effet, le sacrifice, qui consiste à donner sa vie pour défendre des valeurs supérieures, n’est pas considéré comme un suicide. Maurice Bazot rappelle que des sanctions pénales étaient parfois appliquées à ceux qui avaient fait une tentative de suicide, par assimilation de ce geste à une automutilation volontaire, interdite par le code de justice militaire (article 418), car destinée à se soustraire aux obligations liées à l’armée [41]. Pourtant, un militaire en détresse devrait être surveillé avec d’autant plus d’attention qu’il pourrait s’avérer dangereux : le port d’arme, le pilotage d’aéronefs dotés de missiles, sont autant de dangers potentiels qui commandent une grande prudence.

38Tant que la souffrance et les pathologies psychiques apparaîtront tabous, incompatibles avec leur métier, les malades auront des réticences à évoquer leur malaise, et le mal s’aggravera jusqu’à engendrer des actes suicidaires. Un processus de reconnaissance des situations de stress au travail doit être entrepris. Il est nécessaire de sensibiliser les personnes qui ont autorité pour modifier des conditions de travail jugées insatisfaisantes ou pathogènes et préserver, par une attention particulière, les sujets à risques. Pour cela, une coordination doit s’opérer entre les réseaux de soutien et les autorités militaires concernées. De surcroît, la période de formation en école militaire, phase essentielle d’acculturation, pourrait sensibiliser les nouvelles recrues à la prise en compte des malaises moraux, afin de produire de nouvelles générations de militaires plus familiarisés avec ce genre de problématique.

La responsabilité du commandement

39Les cas évoqués des entreprises Edf, Renault et France Telecom, témoignent de la nécessité de cette prise en compte et de la nécessaire formation du personnel d’encadrement. De nombreuses alertes avaient été données par les services médicaux concernant des individus exaspérés par le stress présent dans leur travail quotidien et présentant des risques de passage à l’acte, mais la direction n’avait pas pris au sérieux ces avertissements. La pression professionnelle n’ayant pas été réduite par la chaîne hiérarchique, la situation s’est malheureusement soldée par le décès de nombreux salariés. Des cas similaires sont apparus dans les forces armées françaises, mais la culture spécifique de ces institutions n’a guère permis une révélation au grand jour.

40Non seulement le commandement est responsable de ces décès lorsque, ayant connaissance du dysfonctionnement de certaines unités et du mal-être qui touche des individus clairement identifiés, il fait preuve d’indifférence et de laxisme ; mais il l’est encore davantage s’il crée lui-même ce genre de situations pathogènes, en imposant des conditions de travail insupportables et des délais d’exécution impossibles à tenir, des modes de commandement trop exclusivement tournés vers la rentabilité, une pression morale permanente que des contraintes opérationnelles ne justifient pas. Sur ce sujet, les chercheurs américains dressent un tableau sans concession :

41« D’après notre expérience, les patients militaires dont la santé mentale est atteinte se plaignent souvent de difficultés avec leur hiérarchie. Des recherches ont démontré que le personnel militaire travaillant sous les ordres de chefs abusifs adopte moins de comportements citoyens, tels que “aider des collaborateurs à résoudre des problèmes liés au travail, ne pas se plaindre pour des problèmes triviaux, se montrer courtois avec leurs collègues et tenir des propos positifs sur l’organisation auprès des civils”. Ces valeurs ne sont pas exigées par le travail, mais elles sont essentielles au bon fonctionnement de l’organisation et à l’accomplissement de ses missions. Dans le milieu militaire, les conflits opposant des chefs et des subordonnés sont souvent résolus en faveur des chefs. Malheureusement, le personnel militaire n’a pas l’option de renoncer à traiter avec un gradé difficile. Il semblerait qu’un petit nombre de chefs dotés de faibles compétences managériales et qualités relationnelles contribuent dans une large part à engendrer le stress souligné par le personnel militaire [42]. »

42Ce point bloquant est relatif aux particularités culturelles de l’armée. Il existe une tendance à ne pas reconnaître les erreurs du commandement, ainsi que l’illustre l’adage « le chef a toujours raison », d’autant plus prégnant dans les institutions fortement hiérarchisées et où prédomine le principe d’autorité. L’on préfère étouffer les situations dégradées, par peur du scandale, plutôt que de tenter de les réguler, car cela reviendrait à reconnaître l’existence de certaines erreurs. Un tel état d’esprit favorise le développement de zones de non-droit, de “cas” étouffés ou non pénalement traités. Si les inspections (Inspection générale des armées, Inspections des armées) traitent assez efficacement les dossiers sensibles qui sont portés à leur connaissance lorsqu’elles sont officiellement saisies par des militaires qui se jugent victimes d’injustices ou de mauvais traitements, les échelons intermédiaires et les entités locales plus directement concernées, eux, créent souvent des blocages pour que les informations ne remontent pas. Dans certains cas, les victimes elles-mêmes hésitent à porter plainte auprès des hautes autorités, par peur des représailles (préjudices de carrière, ostracisme…).

43Telle est également la position de Guillaume Desjeux : « La prévention du suicide ne relève pas de la seule démarche médicale. Elle relève aussi de la responsabilité du commandement pour tout ce qui relève de l’hygiène mentale de l’unité. La hiérarchie militaire doit avoir le souci de la connaissance des hommes et des relations intersubjectives et hiérarchiques. […] Relevant de la responsabilité du commandement, l’importance accordée au style de commandement, à la connaissance des hommes et aux conditions matérielles de vie, tout particulièrement en campagne, est un des facteurs importants de prévention du risque suicidaire [43]. » Des chercheurs canadiens font un constat identique, évoquant une étude qui déplore que « certains commandants semblaient avoir peu de compassion pour les soldats aux prises avec des difficultés affectives [44]. »

L’exemple de l’US Air Force : une prise en compte réussie

44Les États-Unis se sont heurtés à ce type de difficulté concernant les suicides des militaires [45]. De 1990 à 1994, le suicide a été la deuxième cause de mortalité chez les membres du personnel actif de l’Us Air Force, représentant 23 % des décès totaux de cette population. Les autorités ont estimé que le problème se posait en des termes médicaux, certes, mais également communautaires. Une stratégie de prévention a donc été mise en place en 1996, comportant des facteurs de protection reposant sur des réseaux d’entraide et un renforcement du sentiment d’appartenance à la communauté militaire [46]. Par ailleurs, d’autres organismes militaires américains ont compris la nécessité d’impliquer le commandement en l’associant étroitement à ses programmes spécifiques de prévention, ainsi qu’il est mis en exergue dans l’étude « Suicide Prevention at a United States Navy Training Command [47] ».

45Les résultats obtenus grâce à cette stratégie furent spectaculaires, ce qui semble corroborer nos propres hypothèses sur les causes d’une augmentation des taux de suicide en France. De 1994 à 1998, le nombre de suicides est tombé de 16,4 à 9,4 pour 100 000. En 1999, le taux estimatif était de 2,2 pour 100 000 membres. Les autres forces armées américaines, qui n’ont pas mis en place la stratégie de leur consœur aérienne, n’ont pas vu baisser leur taux de suicide de manière aussi significative pendant la même période. Il semble donc indispensable de ne pas considérer le suicide comme une fatalité, et de traiter le mal à la racine.

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Mots-clés éditeurs : solidarité, armée, stress, délitement social, suicide

Date de mise en ligne : 03/10/2011

https://doi.org/10.3917/trav.026.0087

Notes

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    Christian Larose est vice-président du Conseil économique et social, responsable Cgt et auteur de Violences au travail. Agressions, harcèlement, plans sociaux.
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  • [18]
    L’enquête quantitative menée en 2003 par l’Inspection médicale de Basse-Normandie établit toutefois que 300 à 400 salariés se suicideraient chaque année sur leur lieu de travail (Maryvonne Gournay, Françoise Laniece, Isabelle Kryvenac, « Étude des suicides liés au travail en Basse-Normandie », Travailler, 2004, n° 12 : 91-98).
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  • [32]
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  • [33]
    Ainsi en fut-il pour l’ancien ministre de la Guerre Saigo Takamori. Le suicide de Yukio Mishima s’inscrit également dans une telle logique de séduction/répulsion face au modernisme occidental, de nostalgie à l’égard du Japon traditionnel, et cela même si les mobiles relatifs à l’éthique guerrière se parent volontiers des oripeaux esthétiques et romanesques propres à l’écrivain.
  • [34]
    Céline Bryon-Portet, « L’influence de la structure familiale sur la motivation des officiers et ses conséquences », Cahiers d’histoire immédiate, n° 36, hiver 2009, p. 253-265.
  • [35]
    Le taux d’emploi des conjointes de militaires est de 60,3 %, contre 70,8 % des Françaises vivant en couple (données livrées dans le premier Rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire).
  • [36]
    Charles C. Moskos, John Allen Williams, David R Segal, The Post-modern Military : Armed Forces After the Cold War, Oxford University Press, 1999.
  • [37]
    Le taux annuel de divorces chez les militaires demeure inférieur à celui de la population française, car les valeurs catholiques (cela est manifeste dans la Marine nationale notamment) et, plus largement, les valeurs traditionalistes, restent prépondérantes. Néanmoins, ce taux est en hausse. En 2005, il a plus fortement augmenté chez les couples de militaires que chez les couples civils (données livrées dans le premier Rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire).
  • [38]
    Jodi L. Grenier, J. Robert Swenson, Gerald Michael FitzGibbon, Alan J. Leach, 1997, « Psychosocial Aspects of Coronary Disease Related to Military Patients », Canadian Journal of Psychiatry, Ottawa, Canadian Psychiatric Association, vol. 42, n° 2 : 176-184.
  • [39]
    Dominique Raingeard, 1997, « Opération Turquoise. Témoignage d’un psychiatre », Médecine et Armée, n° 23 : 347-350.
  • [40]
    François Lebigot, Maurice Bazot, Denis Condroyer, 1987, « Suicide et institution militaire », Psychologie médicale, n° 19 : 609-612.
  • [41]
    Maurice Bazot, 2001, « La crise suicidaire en milieu militaire », La Crise suicidaire : reconnaître et prendre en charge (collectif, Fédération française de psychiatrie), Éditions John Libbey Eurotext, p. 100.
  • [42]
    Steven E. Pflanz, « Job Stress, Depression, Work Performance, and Perceptions of Supervisors in Military Personnel », Military Medicine, sept. 2006.
  • [43]
    L’Encéphale, 2001 ; xxvii : 320-4, « Données épidémiologiques sur les suicides et tentatives de suicide dans les armées en 1998 ».
  • [44]
    Le Journal de Montréal, 25.07.2006.
  • [45]
    Rapporté par le Jamc (Journal de l’Association médicale canadienne) du 21 mars 2000.
  • [46]
    Randon S. Welton, Lisa R. Blackman, « Suicide Prevention Among Active Duty Air Force Personnel », United States, 1990-1999, Mmwr, 1999.
  • [47]
    William W. McDaniel, M. Rock. et Jon R. Grigg, « Suicide Prevention at a United States Navy Training Command », Military Medicine, 1990 ; vol. 155, n° 4, p. 173-175.

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