1Cet article se propose de présenter certains des apports d’Alain Wisner au développement de l’ergonomie et de la pensée sur le travailler, en faisant une référence spéciale au Brésil. De présenter les idées et les concepts qu’il a utilisés pendant toute sa carrière et les influences qu’il a exercées sur l’élaboration d’une pensée centrée sur le travail dans ses diverses dimensions. Néanmoins, il ne pourra, faute de temps, expliciter, en la clarifiant, la relation existant entre sa pensée et des théories plus modernes comme la théorie de la complexité. La distance qu’Alain Wisner a semblé prendre vis-à-vis de toute réflexion purement théorique s’explique par le choix qu’il a fait, dès le début de sa carrière, d’appliquer la connaissance scientifique à la recherche de solutions aux problèmes de la société (Wisner, 1995b). Il a cherché ainsi à contribuer au développement de théories sur l’être humain, en tant que sujet de son histoire, acteur dans son travail et dans sa vie en société. D’une façon ou d’une autre, il a beaucoup enrichi l’approche épistémologique de l’ergonomie par ses propres réflexions, ou par celles qu’il a favorisées chez ses collègues proches.
2Même s’il est difficile de séparer une œuvre de son auteur, nous éviterons d’entrer trop directement dans la vie et la personnalité d’Alain Wisner, tout en évoquant, en quelques mots, la façon dont il a milité, dont il s’est engagé en faveur du développement de l’ergonomie, spécialement de l’ergonomie de l’activité, et pour la diffusion de cette discipline au Brésil. Au risque d’être injuste à son égard, disons simplement qu’il a consacré sa vie à répondre à une série de questions auxquelles le conduisaient une curiosité sans limites et une indignation infinie face aux injustices issues d’une division inégale du travail, que ce soit pour ce qui concerne les conditions de travail ou son contenu. Il s’indignait aussi que l’on eût recours à des préjugés pour évoquer l’intelligence des travailleurs ou celle des différents peuples (Wisner, 1993c). À aucun moment, il n’a cessé de militer pour que soit reconnue l’intelligence du travailler, contrairement aux courants qui ont dominé la pensée scientifique durant une bonne partie du xxe siècle. Il ne s’intéressait pas seulement à faire évoluer la pensée scientifique, mais surtout à mener une action politique qui vise à améliorer concrètement la santé des travailleurs et à augmenter l’efficacité des systèmes de production. Wisner a laissé un grand héritage sur le plan de la science, de l’éthique et de l’amitié, qui va longtemps encore influencer la pensée et l’action de beaucoup d’entre nous.
À propos de l’héritage d’Alain Wisner et de son évolution
3Wisner a commencé à étudier en laboratoire les problèmes de confort posés par la conduite des automobiles et les études qu’il a alors menées en s’appuyant sur la physiologie des corps ont joué un rôle important dans son évolution. Pour améliorer les artefacts et le travail en soi, il faut mettre en application la connaissance que l’on a de l’être humain, de son fonctionnement, de ses capacités. Ces premiers travaux, qui se fondent sur des connaissances en anthropométrie et en biomécanique, ont été utilisés par la Régie Renault dans la conception de ses projets. Wisner propose l’incorporation de concepts comme celui de masses suspendues pour saisir comment le corps humain réagit aux secousses et penser les suspensions et les sièges du véhicule. Ses études et celles de ses autres collègues ont influencé les projets de Renault. Il s’est aussi intéressé à la relation entre accident et baisse d’attention chez le conducteur (Wisner, 1992).
4Dans cette période où s’élabore la pensée ergonomique, Wisner exerce la fonction de médecin physiologiste et d’ingénieur. Pour lui, il est évident que les différents champs du savoir doivent être mis à contribution et que l’on obtient de meilleurs résultats si les projets d’ingénierie prennent en compte le fonctionnement humain. Toutefois, c’est à l’amélioration du travail en usine qu’il veut surtout contribuer ; en tant que médecin, il ne pouvait accepter l’idée qu’un ouvrier pût être mutilé à cause de son travail. S’il fait référence au concept discutable de « charge de travail », c’est pour mettre en évidence que le travail a un coût, qu’il est un risque pour la santé. Pour lui, il existait des alternatives à l’épuisement physique et émotionnel des ouvriers lorsqu’ils sortent de leur travail. En outre, on pourrait éviter de nombreuses pertes économiques si les machines et le système productif étaient pensés autrement (Wisner, 1995 b). Nous nous référons aux années cinquante.
5Wisner souligne très tôt l’importance du dialogue entre l’ergonomie et les autres domaines de la connaissance. Ainsi le rôle de la physiologie et de la toxicologie, par rapport à l’hygiène au travail, est de proposer des limites à ne pas dépasser, y compris de montrer que dans de nombreux cas, elles sont dépassées. Pourtant, il n’est pas de son ressort de définir quel en serait le niveau acceptable dans une réalité donnée, dans la mesure où d’autres questions sont en jeu et qu’il serait difficile d’isoler un risque du contexte de travail. Une vision linéaire de la cause et de son effet peut conduire à proposer l’élimination d’un agent agressif, le bruit par exemple, alors qu’il peut être un signal qui fait sens pour le travailleur. Wisner insistait beaucoup sur le fait qu’il ne s’agissait pas de créer ou d’exacerber un problème en voulant réduire ou éliminer un autre. Il proposait déjà une approche plus complexe du travailler, même s’il ne se référait pas directement à la complexité, du moment qu’il prônait que s’établît une interconnexion entre les différentes variables présentes dans l’activité du travailleur.
6Selon lui, d’autres questions devraient aussi être posées, qui demanderaient d’ailleurs d’être éclairées par la psychologie et la sociologie. Il est important que soit proposée une autre approche, basée sur l’ergonomie, si l’on veut réduire la souffrance et augmenter d’autant le confort et l’efficacité du travail. La notion de confort étant relative, elle doit être resituée dans la réalité vécue par le travailleur. Wisner veut déjà, il est intéressant de le noter, prendre en considération d’autres variables, celles qui sont liées aux relations de travail, par exemple. La compréhension des rapports sociaux existants joue un grand rôle dans la compréhension des risques de santé au travail et dans l’élaboration d’une perspective de transformations, qui est la maxime première de l’ergonomie.
7Wisner a travaillé avec un autre concept, celui de compromis ; en effet, les situations de travail exigent la construction de divers compromis, y compris des compromis entre les points de vue de l’ergonomie et de la technique. L’ergonomie impulse des solutions techniques nouvelles et les solutions en ergonomie ne peuvent ignorer les questions techniques ; ne sont-elles d’ailleurs pas principalement ou exclusivement axées sur l’amélioration d’aspects techniques ? Il serait donc important d’incorporer dans la conception du dispositif technique des connaissances sur l’Homme et sur les populations. Wisner inclut les défis que pose le vieillissement des populations qui prend ici la forme de l’exclusion de nombreuses personnes, dès quarante ans, à cause de l’inadéquation des conditions de travail. Il s’intéresse aussi à l’exclusion fréquente des handicapés du monde de la production. Modifier cet ordre des choses est pour lui un principe fondamental ; d’où la nécessité de collaborer avec les ingénieurs afin que ceux qui exécutent ne souffrent pas des erreurs commises au niveau de la conception du projet ou dans la gestion de la production.
8Il propose ainsi que soient modifiés les concepts qui prévalent dans le secteur industriel ; pour lui un projet est mal pensé si le travailleur doit s’adapter à des machines conçues à partir d’une logique fonctionnaliste. La référence à un travailleur moyen, bien formé, agissant dans une situation stable n’est pas la plus adéquate. Wisner critique ces concepts qui sont, en bonne partie, issus d’une vision tayloriste, car ils sont basés sur une conception superficielle du travail. Élaborer un projet en pensant à l’ensemble de la population ne serait pas seulement souhaitable, mais aussi faisable et utile, car il en résulterait des effets favorables à la production et la société elle-même.
9Bien qu’il n’ait pas soutenu la nécessité de changements radicaux dans la conception des tâches, car, pour lui, dans les années soixante, l’ergonomie n’a pas à s’occuper des questions liées à l’organisation du travail, Wisner pense que les tâches peuvent aussi évoluer et créer des conditions plus favorables à la santé physique et mentale des travailleurs et plus propices aux intérêts économiques. Il avance avec prudence, car les améliorations proposées pour le poste de travail, principalement si l’on accorde de l’importance aux aspects physiologiques, ne conduisent pas forcément à la création de meilleures conditions pour le travailleur, mais peuvent aboutir à l’augmentation des cadences et à l’aggravation de la situation. C’est à une leçon d’humilité qu’il nous convie en évoquant les limites de la connaissance existante et la nécessité d’évoluer pour être en mesure de traiter de questions de plus en plus complexes (Wisner, 1966).
10Après son arrivée au laboratoire d’Ergonomie du Cnam, Wisner poursuit ses travaux en ouvrant davantage l’éventail des thèmes à traiter en ergonomie. Il renforce les études sur la physiologie de l’homme et le travail, enrichit la réflexion sur la santé du travailleur, car il constate toujours qu’il y a un profond désajustement entre la physiologie du corps humain et ce qu’en exigent les plus diverses situations de travail. Il est de plus en plus convaincu que les études doivent se mener sur le terrain, en « situation réelle » et que c’est à partir des constats in situ que l’on peut revenir au laboratoire avec des questions qui aboutiront à de nouvelles réponses. Il veut, entre autres, penser la variabilité du corps humain et celle de la production, car il se distancie de plus en plus de la pensée hégémonique forgée dans l’industrie et disséminée dans la société à partir des idées de Taylor et de Ford. Pour lui, il n’existe aucune preuve que le degré maximal de division du travail corresponde à un niveau maximal de productivité et que la division entre l’exécution et la conception soit fructueuse. Toute sa trajectoire exprime un point de vue divergent sinon opposé.
11Pour lui, il est clair que le travail ne peut être conçu à partir d’une vision restrictive des capacités humaines, qu’il doit pouvoir être exécuté par le plus grand nombre de personnes et ne pas être un critère d’exclusion sociale. Le travail doit être adapté à une population réelle et non être basé sur des connaissances construites en laboratoire, où la plupart du temps la population étudiée se limitait à de jeunes étudiants et à de jeunes recrues du service militaire. Wisner présente les résultats de diverses études menées en laboratoire et en situation de travail qui montrent comment varient les indicateurs physiologiques ; spécialement lorsqu’ils portent sur la performance, l’activation et l’attention, ils peuvent être utiles pour évaluer un travail. Il sera alors possible de mettre en évidence que les changements dans les variables physiologiques ont lieu avant les changements dans la performance. Il affirme que ce type d’approche, malgré son intérêt, a des limites, car on ne peut réduire la complexité du travail à des variables physiologiques. Dans le cas spécifique de la charge mentale, il est important d’avoir recours à des modes d’exploration psychologiques (Wisner, 1973).
12La pensée de Wisner est de plus en plus influencée par l’anthropologie ; il propose aussi que le débat en ergonomie s’ouvre à la sociologie et même à la pédagogie. Le monde du travail dépasse de beaucoup la question de la relation entre physiologie livresque et ingénierie. Les travailleurs constituent une population très diversifiée où la différence est la règle et non l’exception. Ils varient par l’âge, le sexe, le niveau scolaire, les capacités physiques, chacun ayant sa propre souffrance. L’humanité ne peut être contenue dans le monde restreint et prédéfini de la production industrielle classique. Dans un article de 1972, Wisner ouvre le dialogue avec d’autres disciplines en affirmant qu’un ergonomiste se doit de comprendre les structures techniques, économiques et sociales de l’endroit où s’inscrit son action. Pour lui, il est important de le souligner, toute transformation s’exprime dans ses possibilités ou ses limites selon la façon dont se combinent ces divers éléments puisqu’il n’existe pas une ergonomie hors contexte. Sa volonté de dialogue s’affirme dans son séminaire d’anthropotechnologie où il propose, au cours des années, la lecture de différents auteurs appartenant à d’autres champs de la connaissance, liés surtout à l’anthropologie cognitive (Wisner, 1991).
13Il ne demande pas à l’ergonomiste de se substituer au sociologue, à l’économiste, à l’ingénieur de production, mais il l’incite fortement à construire une relation avec d’autres professionnels et d’autres champs de la connaissance, tant dans l’action proprement dite que dans la recherche. Quand il parle en termes de structures, il mentionne sa proximité avec la pensée de Piaget pour qui la structure se définit comme un « système en transformation ».
14Il est de plus en plus clair pour Wisner que la santé dépend du confort offert par les conditions de la production, qu’elle découle du respect des caractéristiques individuelles qui sont réparties dans les populations concernées et captées par la connaissance de l’être humain, qui est de plus en plus au cœur des études en ergonomie. L’ergonomie commence, à son tour, à questionner d’autres disciplines de base comme la physiologie et la sociologie du travail à partir de constats de terrain jusqu’alors ignorés par ces disciplines. La médecine du travail classique n’a pas non plus les outils qui lui permettraient de répondre à cette évolution des connaissances, car fondée sur des principes positivistes de la relation cause-effet, elle ne sait comment incorporer les questions posées par le travail de terrain et présentées dans le cabinet médical. Il est de plus en plus clair qu’il faut modifier les diverses approches, quelle que soit la discipline, et que ces changements seront impulsés par le développement de l’ergonomie de l’activité.
15Le développement de la méthode en ergonomie constitue une autre facette de cette évolution. Déjà à la fin des années cinquante, Wisner va s’intéresser aux limites des méthodes expérimentales qui dominaient l’ergonomie à ses débuts, telle qu’elle était proposée à l’époque par l’Ergonomics Society. Qu’il ait soutenu une autre méthode d’analyse a conduit les membres de cette société à prendre des distances vis-à-vis de lui. L’adoption de l’Analyse ergonomique du travail (aet), proposée dans un premier temps par Faverge, Ombredame et Pacaud, pour être l’un des piliers fondamentaux de l’évolution des recherches, des études et des interventions des équipes d’ergonomie du Cnam, marque historiquement le développement de l’Ergonomie de l’activité. Cette méthode, qui a démontré sa pertinence dès ses débuts, devient de plus en plus la marque distinctive des chercheurs de cette équipe. Il est de plus en plus évident que c’est la « réalité » du travail qui guide la méthode et non les hypothèses initiales élaborées en laboratoire par les chercheurs en ergonomie. Il n’est pas besoin d’une réflexion épistémologique approfondie pour se rendre compte de la force de la méthode proposée et de son évolution au fil du temps. La liaison avec les demandes sociales conduit à une évolution constante des questions à traiter, un état de fait qui renforce encore l’importance de l’aet, qui devient non seulement un outil fondamental pour l’ergonomie, mais aussi un instrument intégrable par d’autres disciplines.
16La pensée de Wisner se fait de plus en plus méthodologique, et épistémologique aussi. Il s’intéresse davantage à la place de l’ergonomie par rapport aux autres disciplines, à l’importance d’établir des liens avec les autres disciplines pour promouvoir le développement non seulement de la connaissance, mais aussi du travail, et des artefacts de la production. Il existe, pour lui, des ressemblances entre l’aet et la méthode des ethnologues. L’importance qu’il accorde à la question méthodologique est manifeste : pour l’ergonomiste, dit-il, l’action est première et la construction des modèles théoriques seconde. L’ergonomie est de ce fait un art. Il existe une dialectique constante entre le terrain et la réflexion sur l’action en situation. La situation est, dans ce cas, toujours singulière, si bien qu’il n’a jamais cherché à universaliser les propositions d’amélioration, mais bien tenté d’agir sur une situation pour l’améliorer. Cette action est autant celle des différents acteurs sociaux qui cherchent à comprendre, à construire un compromis qui conduise à des changements effectifs dans le travail. Il est important de distinguer l’action dans le sens ergonomique de l’action des travailleurs qui est la cible de l’étude. Cette distinction, selon nous, ne doit pas être comprise comme une séparation : dans la mesure où se tisse une influence réciproque, il ne peut y avoir une nette séparation entre observateur et observé, mais il y a des acteurs engagés dans un processus avec des rôles différents. (Wisner, 1991.)
17Wisner, en défendant sans cesse l’intelligence du travailleur, s’est rapproché de la psychologie cognitive. Il ne peut concevoir que l’on continue à traiter les travailleurs comme s’il s’agissait d’êtres non-intelligents, et producteurs d’erreurs. Dans ses travaux et ses orientations, il met nettement en relief la façon dont ceux-ci, en situation de travail, résolvent les problèmes et les difficultés rencontrés. Certaines recherches menées dans ce sens par des équipes du laboratoire du Cnam sont bien connues. Plus d’une fois, les recherches furent des réponses à des demandes sociales, car, avec les avancées technologiques en matière d’automation et d’informatisation, est apparue avec plus d’évidence l’incompatibilité des systèmes qui avaient été conçus sans que fussent prises en considération les capacités et les limites de la cognition humaine. Le développement des sciences cognitives a clairement démontré qu’il n’y avait pas de différences dans les capacités humaines entre les travailleurs de diverses professions et à différents niveaux hiérarchiques.
18L’analyse du travail a pu montrer l’importance de la connaissance intellectuelle que le travailleur a de la situation réelle, des sources d’information, des stratégies utilisées, et de leur genèse. Les discussions sur la charge mentale ont été approfondies, sans toutefois donner les moyens de rendre cette notion mesurable ; comme dans le cas de la notion de charge de travail, aucune mesure ne peut être significative. Par ailleurs, là où les signes de « surcharge » sont évidents, les solutions qui visent à faciliter le travail doivent être englobées dans les modifications de la situation de travail elle-même. Les résultats de nombreux travaux ont élargi nos connaissances sur les processus d’apprentissage et aussi sur les causes des dysfonctionnements dans les systèmes automatisés et informatisés. Outre sa capacité d’expliquer les problèmes, l’ergonomie a rendu possible l’intégration de nouveaux concepts dans l’élaboration de ces dispositifs techniques. Au lieu d’aller dans le sens de la substitution de l’être humain, l’ergonomie a montré que le travail effectué par l’homme reste central et que les systèmes doivent le favoriser et le faciliter.
19Wisner a mis fortement l’accent sur certains aspects de la réalité comme la compréhension des difficultés rencontrées au jour le jour dans les situations concrètes de la production ; pour lui, encore, le travail réel passe inexorablement par l’intelligence du travailleur : il ne s’agit pas seulement de la reconnaître, mais aussi de lui accorder un rôle fondamental dans la compréhension de ce qui se passe pour pouvoir construire des solutions d’amélioration. Dans le monde réel, affirme-t-il, (Wisner, 1982 et 1995a), il n’y a pas de problème donné, comme dans l’école traditionnelle où l’énoncé du problème porte en lui-même la solution par le recours à certains algorithmes. Dans la situation réelle, il n’y a pas de problème donné, il y a diverses solutions possibles ; la construction même du problème peut être enrichie, plus ou moins, avec l’incorporation de nouveaux aspects, de nouveaux points de vue. Il est de la compétence du travailleur de construire les problèmes et de chercher les solutions dans le développement même de son activité. Il doit se confronter aux événements imprévus, les découvrir d’abord puis apprendre à travers les difficultés concrètes rencontrées dans la mise en œuvre de la solution. Travailler, c’est aussi construire des compromis entre des objectifs contradictoires, c’est développer une intelligence de la pratique, avoir recours au concept de la mètis. Or, la constitution des problèmes, qui est l’activité cognitive fondamentale pour agir sur le monde réel, est encore peu étudiée dans les écoles et dans les processus d’apprentissage formel au niveau de l’entreprise.
20L’aet est un processus similaire. On peut la voir comme une méthodologie permettant de comprendre comment les personnes constituent leurs problèmes au travail, ou comme un espace où les problèmes relatifs au travail peuvent se constituer en tant que tels. En ce sens, elle rend possibles les échanges entre les travailleurs, entre les différents acteurs participant au processus analytique, et aussi entre les divers acteurs de la production. Cela est dû au fait qu’elle ne s’établit pas exclusivement sur l’observation de comportements, mais sur la compréhension commune et partagée du réel, sur la signification ou la re-signification des actions, à travers différentes techniques d’autoconfrontation et de validation.
21À la question que pose la conception du dispositif technique qui pourrait faciliter la compréhension des travailleurs et augmenter la fiabilité des systèmes, ont été ajoutées d’autres interrogations sur la façon dont les informations sont partagées par le collectif des travailleurs et surtout sur l’importance à donner à l’étude de la cognition en situation, lorsque les études en laboratoire ne permettent pas de comprendre comment les travailleurs constituent les problèmes et quelles sont les difficultés rencontrées dans le déroulement de l’action. Il s’est révélé alors plus important de dialoguer avec d’autres disciplines comme l’anthropologie cognitive, la psycholinguistique et la sociolinguistique. Alors s’ouvre la perspective d’incorporer des concepts anthropologiques et de développer une vision empruntée à l’anthropotechnologie, connue aussi comme l’ergonomie du transfert de technologie.
L’anthropotechnologie et l’ergonomie au Brésil
22La préoccupation de Wisner pour les autres pays emprunte une double direction. D’un côté, il a cherché à diffuser largement l’ergonomie de l’activité dans d’autres cultures en dépassant son origine franco-belge. De l’autre, en intégrant des questions posées dans d’autres pays, dans d’autres cultures, il a voulu enrichir l’éventail théorico-conceptuel de l’ergonomie. Le recours à des concepts développés par l’anthropotechnologie lui a permis de démontrer avec certitude la thèse que l’intelligence ne se limite pas à un type déterminé de travailleurs, qu’elle ne se limite pas aux travailleurs issus des pays considérés comme développés, ou y travaillant (Wisner, 1994). D’ailleurs, il n’a jamais accepté le concept de pays développés ; pour lui, il y a des pays développés industriellement et des pays en voie de développement industriel. Ainsi, la richesse culturelle ne peut se comprendre à partir d’un point de vue univoque et a-historique, qui serait celui qui accorde le statut de développés aux peuples ayant réussi dans le monde mercantile et capitaliste, et concentrés surtout dans l’hémisphère nord. Ses nombreux voyages en Amérique du Sud, au Brésil en particulier, en Afrique du Nord, au Maghreb, en Asie et en Afrique centrale, ainsi que ses recherches menées en collaboration avec ses étudiants, lui ont permis de constater que la richesse culturelle et l’intelligence sont réparties de façon aléatoire, et que c’est là un fait incontournable. Le succès du développement industriel, particulièrement au début du xxe siècle, peut s’expliquer autrement que par cette vision empreinte de préjugés, qui dote certains peuples d’une suprématie culturelle et d’une intelligence supérieure ; il convient de recourir à des raisons historiques, économiques et ethnologiques. L’apport des autres cultures, au cours de l’histoire, au développement industriel et à la construction de la culture française, est une évidence. Passionné d’histoire, il cultivait avec obstination la diversité.
23L’anthropotechnologie qu’il propose cherche à améliorer les aspects opérationnels, sur le plan des intérêts commerciaux et des profits, à améliorer aussi la santé des populations et la situation des économies locales. La notion de tissu social et industriel est fondamentale pour la compréhension des différences entre pays et régions.
24En ce qui concerne le développement de l’ergonomie au Brésil, il n’est pas facile de déterminer avec exactitude le moment où Wisner y a contribué, mais on peut affirmer que, dès l’instant où cette discipline a été institutionnalisée au Brésil, il l’a accompagnée et lui a offert un apport fondamental. C’est ainsi que l’on peut affirmer aujourd’hui que l’ergonomie a une place dans les différents niveaux de la société brésilienne, à l’université, dans les entreprises, les syndicats et les pouvoirs publics. De manière plus spécifique, l’ergonomie de l’activité fait partie de l’enseignement et de la recherche dans diverses universités. L’influence de Wisner ne se limite pas aux étudiants qu’il a eus ; la notion d’activité s’est diffusée bien au-delà des personnes qui ont été en contact avec lui, car elle a été reprise d’une manière ou d’une autre dans les diverses approches que l’ergonomie ou d’autres disciplines ont élaborées pour traiter de la question du travail ou de la création d’artefacts. Certes, ce n’est pas là l’œuvre d’un seul penseur, d’un seul professeur, mais Wisner a eu un rôle fondateur dans la construction de ce paysage.
25Des étudiants brésiliens ont choisi l’angle de l’anthropotechnologie pour leurs thèses de doctorat portant sur des situations de travail au Brésil qu’ils comparaient avec des situations de travail en France. Elles ont pour sujet : le travail dans les salles de contrôle (Neri dos Santos), l’agroindustrie (Júlia Issy Abrahão), la construction civile (Mário Leal Ferreira), l’organisation des horaires du travail posté (Leda Leal Ferreira), l’usage de produits toxiques dans l’agriculture (Laerte Idal Sznelwar), des questions éthiques du travail (Francisco de Paula Antunes Lima). Ce type de travaux relève du champ d’application de l’ergonomie et contribue à son développement théorique et conceptuel. Cette liste se limite aux étudiants que Wisner a lui-même dirigés dans la réalisation de leur doctorat ; il en est d’autres qui ont poursuivi leurs études en ergonomie dans le cadre de son laboratoire, sans compter les nombreuses personnes qu’il a rencontrées et avec lesquelles il a discuté et approfondi des thèmes liés au travail et à des situations brésiliennes.
L’ergonomie et le psychisme
26La question du psychisme est, depuis longtemps, une des préoccupations de Wisner, mais elle ne devient explicite qu’à partir des échanges qu’il a établis avec Christophe Dejours. C’est ensemble qu’ils ont organisé à Paris le premier Colloque national de psychopathologie du travail en 1984 (Dejours, Veil et Wisner, 1985). Pour Wisner, et il l’affirme à diverses occasions, les travailleurs vivent le travail comme un tout, il n’est donc pas possible de séparer le point de vue physiologique, d’une approche cognitive, psychique, sociale ou anthropologique. Or, s’il y a distinction, c’est que les disciplines, qui traitent de l’être humain sous ses différents angles, utilisent des méthodes et des concepts variés. Ne dit-il pas lui-même qu’il n’y a pas de cognition sans corps ? Il faut donc comprendre leurs influences mutuelles, y compris celle de la souffrance psychique engendrée par une « surcharge » cognitive (Wisner, 1993a).
27Il ouvre le dialogue avec l’approche psychique lorsqu’il fait état de l’anxiété des travailleurs qui résulte des incertitudes, des problèmes, de la dégradation des installations, de l’impossibilité à produire un travail bien fait, de la détérioration des relations de travail dans les situations de travail les plus diverses (Wisner, 1993b). Wisner accompagne et influence l’évolution de la pensée de Dejours (Wisner, 1993b), sur des questions qui vont de la souffrance, de la défense psychique à la possibilité d’avoir du plaisir au travail. En dépit de l’existence d’une distinction nette entre l’approche de la psychodynamique du travail et celle de l’ergonomie, il les pense complémentaires, car la première donne des réponses à des questions qui n’avaient pas été traitées par l’ergonomie. Selon lui, une théorie du sujet n’existe pas encore en ergonomie alors qu’elle existe dans la psychodynamique du travail proposée par Dejours.
Et la complexité…
28Peut-on établir un dialogue entre ce que Wisner a préconisé pour l’ergonomie et la théorie de la complexité ? Voici quelques points de discussion qui permettront de construire la façon dont l’ergonomie est en liaison avec le propos de certains auteurs, dont Edgar Morin (Morin, 1990). Les concepts de base de l’ergonomie, qui relèvent surtout de la physiologie et de la psychologie cognitive, ne permettent pas, on le sait, de saisir à quels découpages épistémologiques renvoyer l’ergonomie, principalement en ce qui concerne son approche et sa méthodologie. Si la proposition de Wisner de situer l’aet dans le champ de l’anthropologie fait sens, il faut aller plus loin pourtant et avoir recours à certains paradigmes scientifiques pour l’expliquer. L’approche ergonomique de l’activité prend de plus en plus de distance avec le mécanicisme et le positivisme qui dominent, au moins jusqu’au milieu du xxe siècle. Wisner est prudent, il ne propose pas de créer une rupture paradigmatique radicale, mais il va sans cesse introduire de nouvelles questions, de nouvelles relations, et délimiter de nouveaux espaces qui pourront être abordés sous l’angle du travail et dans une approche ergonomique. À aucun moment, il ne propose une simplification de la réalité, même s’il oriente ses actions et ses propositions sur des segments du travail réalisé dans des situations réelles (Wisner, 1972).
29Wisner porte un regard complexe sur la réalité et cherche à mettre en relation les phénomènes qu’il observe. La méthodologie utilisée pour analyser le travail permet d’en saisir la complexité. Parfois, il qualifie de complexes certains types de travail, ceux qui sont par exemple effectués dans des situations considérées comme plus dynamiques. Il affirme aussi le caractère complexe de la situation de travail et son analyse exige une méthodologie particulière qui va jouer un rôle prédominant dans la mise en évidence des principales sources de variation. L’apprentissage de l’ergonomie par les étudiants, ces futurs professionnels, représente aussi un défi que Wisner relève, un défi qui inclut que soient abordés les problèmes d’une réalité complexe. Cette difficulté se posera probablement au moment où il faudra procéder à une nécessaire rupture paradigmatique, car beaucoup arrivent à l’ergonomie en étant imprégnés de paradigmes positivistes qui se révèlent inadéquats à la compréhension de la réalité. Par ailleurs, cette compréhension va de pair avec une perspective de transformation, et les acteurs d’un processus d’action ergonomique doivent alors adopter, pour résoudre un problème, certains modèles partiels, plus pragmatiques.
30Il existe une relation dialogique, on le sait, entre la compréhension que l’on a des relations les plus diverses qui influencent les actions dans le travail et l’adoption de mesures pragmatiques pour résoudre une question. Même alors, Wisner introduit toujours une autre variable pour épargner aux travailleurs les problèmes et les risques qui pourraient accompagner les solutions. Quand il aborde la question du bruit par exemple, il inclut des concepts comme l’interférence avec la communication : il s’agit de voir si ce phénomène ne contient pas une information sur le déroulement de la production, si l’utilisation d’un équipement de protection a des inconvénients, ce qui expliquerait en partie la résistance à l’utiliser, outre le risque que fait encourir la perte de l’audition. Il situe toujours le problème dans une perspective plus large, même si dans un premier temps il propose de se focaliser sur le phénomène.
31Dans cette perspective, Wisner propose que la compréhension de la réalité inclue la découverte de la régularité, des lois qui ordonnent l’apparent désordre de la situation analysée. Ici, il semble se distinguer des positions de Morin qui voit dans la relation ordre et désordre une constante en quête de nouveaux types d’ordre. Peut-être n’a-t-on pas construit de dialogue plus direct avec de tels concepts ; en effet Wisner affirme, à partir d’une vision systémique, qu’il est important d’examiner, pour être efficace, des systèmes d’ordre moins élevé, ou des sous-systèmes, dès lors qu’ils peuvent influer sur des systèmes d’ordre supérieur.
32En soulignant l’importance du structuralisme, Wisner montre la possibilité de dialoguer avec d’autres champs d’action. Il se réfère à Piaget lorsqu’il affirme que la structure contient totalité, transformation, autorégulation et autoconstruction. À partir de là, il est possible de mettre en relation ce point de vue, certains paradigmes tels qu’ils sont formulés dans la théorie de la complexité, comme le principe hologrammatique, le rapport entre ordre et désordre, la récursivité et l’autopoiese. Il inclut aussi les questions de l’incertitude, de l’instabilité et les interrelations entre les sous-systèmes les plus divers qui composent un environnement productif déterminé.
33En définissant l’approche ergonomique comme un processus, une action qui vise à une transformation, on peut comprendre que la méthode proposée ne conduise pas à une simplification de la réalité, mais qu’elle permette d’incorporer la complexité de la situation de travail. Peut-être pouvons-nous affirmer que l’Aet offre un regard complexe sur le travailler. Dans ce processus d’une action transformatrice, on voit des différences significatives avec ce que Wisner appelle critères de bon fonctionnement pour les machines et pour l’être humain. Éventuellement, on pourrait ici aller plus loin encore, dès lors que les machines fonctionnent selon un programme et que l’être humain vit ; les machines n’ont pas d’autopoiese, n’admettent pas de désordre, n’apprennent pas. La différence entre programme et apprentissage distingue aussi totalement la machine et l’être humain, et les réserves qu’exprime Wisner face à la vision du système Homme-machine prennent ici tout leur sens.
Conclusion
34Ce serait pure prétention de ma part que de vouloir, dans ce petit article, enfermer une œuvre aussi vaste. Il ne s’agit là que d’une petite contribution qui vise à inciter les personnes intéressées par le travail humain à toujours retourner aux écrits qu’il nous a légués. Il ne m’est pas possible de conclure cet article, comme il n’est pas possible de considérer l’œuvre de Wisner comme achevée. S’il a cessé d’écrire, sa pensée reste vivante et elle continuera, espérons-le, à influencer la pensée de nombreuses personnes et durant beaucoup, beaucoup d’années. Peut-être que ceux qui étaient peu sensibles, jusqu’à maintenant, au travail humain et à l’importance qu’il a pour la société, vont aussi y trouver des sources d’inspiration pour agir sur le monde.
Bibliographie
- Dejours C., Veil C., et Wisner A., 1985, Psychopathologie du travail, Entreprise moderne d’édition, Paris.
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Mots-clés éditeurs : Brésil, ergonomie, ingénierie de production, système homme-machine
Date de mise en ligne : 01/01/2008
https://doi.org/10.3917/trav.015.0039