Notes
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[1]
Cet article reprend les propos développés lors de deux conférences données en septembre 2015 à l’Institut catholique de Paris à l’occasion de mon départ en retraite. Avec mes remerciements à Brigitte Cholvy pour la relecture attentive qu’elle en a faite.
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[2]
Groupe de Recherche en Anthropologie Chrétienne (ci-après GRAC), « Trouble dans la définition de l’humain. Prendre la mesure d’une crise anthropologique », Transversalités, supplément n° 1, 2014.
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[3]
GRAC, « Destinée de l’humanisme et révolution anthropologique contemporaine. Trouble dans la définition de l’humain (II) », Transversalités, supplément n° 3, 2015.
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[4]
Cf. Henri-Jérôme Gagey, « La tâche clinique de la théologie », dans François Bousquet, Henri-Jérôme Gagey, Geneviève Médevielle et Jean-Louis Souletie (éd.), La responsabilité des théologiens. Mélanges offerts à Joseph Doré, Paris, Desclée, 2002, p. 705-721.
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[5]
Joseph Ratzinger, « Jubilé des catéchistes », conférence sur le thème de la nouvelle évangélisation, dimanche 10 décembre 2000, consulté le 25 août 2013 sur http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_2000_1210_jubilcatechists-ratzinger_fr.html
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[6]
Joseph Ratzinger, Foi chrétienne hier et aujourd’hui, Paris, Mame, 1969, p. 31-32.
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[7]
Pierre Rousselot, « Les yeux de la foi », Recherches de Science Religieuse, 1910, p. 241-259, p. 444-475.
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[8]
Saint Thomas d’Aquin, In Joh., c. 6, 1.4, n. 7 ; c. 15, 1.5, n. 5.
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[9]
Voir Walter Kasper, Dogme et Évangile, Paris, Casterman, 1967 (éd. allemande : 1965), p. 42.
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[10]
François Russo, « Lettre de Galilée à Christine de Lorraine, Grande-Duchesse de Toscane » (1615), Revue d’histoire des sciences et de leurs applications, t. 17, n° 4, 1964, p. 331-338.
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[11]
Cf. Robert Vander Gucht et Herbert Vorgrimler (éd.), Bilan de la théologie du xxe siècle, Paris, Casterman, 1971.
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[12]
J’ai présenté plus largement cet aspect des choses dans un article d’hommage à Antoine Delzant : « Quel professeur il fut pour moi ? », dans Antoine Delzant ou le risque de croire, Les cahiers d’ALETHE, janvier 2015, p. 35-43.
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[13]
Alasdair MacIntyre, Après la vertu, Paris, PUF, 1997 (éd. américaine : 1981).
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[14]
Hans Urs von Balthasar, Qui est chrétien ?, Mulhouse, Salvator, 1968 (éd. allemande : 1967), p. 43.
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[15]
Un exemple de ce décalage est la crise bérengerienne au xie s. Bérenger de Tours, né vers l’an mille et directeur de l’école cathédrale de cette ville, avait été l’élève de Fulbert de Chartres qui souvent mettait ses étudiants en garde contre le « réalisme » eucharistique, comme le faisait aussi Augustin avec ses néophytes. À Tours, Bérenger enseigne dans le même sens. Selon lui, l’Eucharistie est « essentiellement un symbole, un signe », ce qui ne veut pas dire qu’elle le soit « simplement » car « une vertu (virtus) lui est attachée ». Il rejette catégoriquement l’idée d’un changement de substance et combat l’identité du corps sacramentel et du corps historique de Jésus-Christ. Or, dans les nouvelles conditions d’intelligibilité qui se sont imposées, ce discours, qui correspond à ce que les Pères avaient tenu, est entendu comme négateur de la foi eucharistique reçue. Bérenger parle comme les Pères, mais semble avoir perdu la foi dans la présence réelle. Il fut appelé à s’expliquer devant un synode romain qui lui imposa de signer un serment qui contenait des propos d’un réalisme jusque-là inédit sur la présence physique du Christ dans l’eucharistie au risque de tomber dans un « sensualisme » qui défie la raison, comme le reconnaissent sans trop de peine bien des théologiens contemporains. Ce fut la tâche de la théologie scolastique d’exprimer le mystère de l’eucharistie dans les termes de la nouvelle rationalité, mais en évitant ces excès.
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[16]
Cf. Claude Geffré, Le christianisme au risque de l’interprétation, Paris, Cerf, coll. Cogitatio Fidei, n° 120, 1997.
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[17]
Marie-Dominique Chenu, La théologie comme science au xiiie siècle, Paris, Vrin, 1943 ; Id., La théologie est-elle une science ?, Paris, Fayard, 1957 ; Yves-Marie Congar, article « Théologie », dans Dictionnaire de Théologie Catholique, vol. XV.
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[18]
Henri-Jérôme Gagey, « Xavier Thévenot et la question de la différence chrétienne », dans Geneviève Médevielle et Joseph Doré (éd.), Une Parole pour la Vie. Hommage à Xavier Thévenot, Paris, Cerf, 1998, p. 257-276.
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[19]
Pour plus de développements, voir Henri-Jérôme Gagey, « Une crise sans précédent », Transversalités, supplément n° 1, op. cit., 2014, p. 13-30 ; Id., Les ressources de la foi, Paris, Salvator, coll. Forum, 2015, p. 9-31.
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[20]
J’ai développé ce point plus largement dans Les Ressources de la foi, op. cit., p. 191-256.
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[21]
Cf. Gn 3,3a et 3,5b : « Mais, pour le fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin […] le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal ».
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[22]
Allusion au titre de François Moog et Joël Molinario (éd.), Mélanges offerts à Henri-Jérôme Gagey. La théologie et le travail de la foi, Paris, Salvator, 2015.
1Cette étape de notre recherche est la troisième. À ce stade, notre interrogation porte sur les manières de faire propres à la théologie qui pourraient nous permettre de faire face à la crise anthropologique contemporaine. La première étape de notre recherche [2] nous a permis de prendre la mesure de la crise qui nous affecte tous, d’où que nous venions, aucun continent, aucun pays n’y échappant. Nous avons ensuite, dans le cadre d’un colloque en 2014 [3], examiné non seulement les résistances, pour ainsi dire, primaires à la déconstruction de l’humain, mais aussi quelques situations typiques de la société actuelle, généralement dénoncées comme des signes de sa déshumanisation, mais qui dévoilent des voies pour reconstruire un humanisme et une éthique positive marqués au sceau de la fragilité.
2Dans une troisième étape, dont le présent volume marque la synthèse, nous tentons d’examiner des catégories et des figures théologiques, certes élaborées dans d’autres contextes, mais qui peuvent être susceptibles d’éclairer l’auto-compréhension de l’individu post-moderne. La précédente étape avait d’ailleurs déjà attiré l’attention sur les catégories d’universalité, du Serviteur, de la loi naturelle et sur quelques modalités pour en opérer la reprise. Il revient maintenant à chacun des contributeurs de ce troisième volume, enseignants en théologie ou en philosophie, d’exposer, au titre de leurs spécialité, comment ils voient émerger, dans le contexte actuel, soit de nouvelles manières de faire de la théologie, soit des manières de faire anciennes, c’est-à-dire traditionnelles, qui retrouvent une pertinence ou dont il s’agit de réactualiser la pertinence.
3Dans cette perspective, je vais tenter de tirer les conclusions de mon expérience d’enseignant engagé pendant de nombreuses années dans la définition des programmes comme dans l’accompagnement d’étudiants en Master et en Doctorat, car tous, enseignants comme étudiants, ont à s’engager dans un acte de recherche théologique qui corresponde au contexte actuel. Pour aller plus loin que des développements qui risqueraient de rester abstraits, sur les mutations civilisationnelles qui affectent la vie des sociétés, et sur les menaces environnementales qui menacent l’avenir de la planète, je voudrais donc tenir ici un propos méthodologique décrivant l’attitude fondamentale que doit aujourd’hui prendre le théologien, une attitude que je définis, depuis quelques temps déjà [4], de clinique. Au-delà de la formule qui peut faire choc, je défends la proposition d’un style théologique nouveau, tout en n’étant pas dupe qu’elle s’inscrit dans une manière très traditionnelle de faire de la théologie, mais en faisant valoir quelques exigences qui correspondent à la situation actuelle.
La foi à entendre comme une libre prise de position
4Parler de la responsabilité clinique de la théologie, c’est dire une chose simple, mais importante : la théologie est au service de la vie de la foi, il lui revient de prendre soin des affirmations et des pratiques dans lesquelles la foi s’énonce et se vit. Elle n’a pas la charge de prouver la vérité de la foi en la transformant en une sorte de savoir qui s’imposerait de manière contraignante et dispenserait le croyant d’un libre engagement. Dans la mesure où la foi est la réponse à une proposition de vie, elle est la prise de position d’une liberté sur la vérité de la Vie, telle que la présente l’Évangile. Or,
[…] nous observons un processus progressif de déchristianisation et de perte des valeurs humaines essentielles qui est préoccupant. Une grande partie de l’humanité d’aujourd’hui ne trouve plus, dans l’évangélisation permanente de l’Église, l’Évangile, c’est-à-dire une réponse convaincante à la question : « Comment vivre ? » [5]
6Croire consiste donc à reconnaître dans l’Évangile une proposition de vie convaincante qui peut mobiliser toute une existence. L’Évangile présente comment Jésus-Christ, à la suite des prophètes et des sages d’Israël, décrit ce que c’est que vivre en vérité et offre cette Vie en partage à celui qui accepte de suivre son appel. Être son disciple, c’est marcher à sa suite et vérifier que l’appel à vivre, qu’il adresse et dont il témoigne « selon les Écritures », est capable de tenir ses promesses. Bref, que sa parole ne ment pas. La foi est donc une prise de position sur la vérité de la Vie, comme le dit ailleurs J. Ratzinger : « La foi est la forme, irréductible au savoir et sans commune mesure avec lui, d’une prise de position de l’homme à l’égard de l’ensemble de la réalité » [6].
7Par cette définition de la foi, dans son incommensurabilité au savoir qui fait preuve et contraint l’assentiment, J. Ratzinger tend paradoxalement vers le point de vue de type nietzschéen selon lequel croire est une affaire de goût. La prédication chrétienne se prononce avec conviction sur le mystère du Dieu Père, Fils et Esprit, créateur du ciel et de la terre et de tout ce qu’ils contiennent. Mais, si elle emporte cette conviction, c’est parce que le procès vivant de sa transmission au travers de pratiques narratives, rituelles et sociales de la communauté, communique à ceux qui l’accueillent le goût de la vraie vie. Le chrétien est celui qui s’incline devant la manifestation de l’amour livré en Jésus-Christ et qui reconnaît alors comme la mesure de son existence le commandement de l’amour qu’il énonça en le liant à son destin tout entier : « aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » (cf. Jn 13,34 et 15,12). De ce point de vue, croire est bien une affaire de goût, procédant d’une longue et toujours obscure initiation au goût de la vraie vie.
8Toutes les affirmations de la doctrine chrétienne concernant le Dieu trinitaire, la divinité de Jésus-Christ, sa conception virginale, n’ont de sens que si elles sont comprises comme des révélations de ce que c’est que vivre et non pas réduites au statut de description objectivante de l’essence de Dieu dont nous pourrions simplement prendre connaissance sans nous trouver immédiatement déterminés par elles. L’affirmation de la Trinité de Dieu n’est pas une doctrine obscure concernant Son intimité qu’il nous serait demandé de tenir pour vraie, parce que c’est comme ça, étant admis que, dans le fond, rien ne changerait réellement si Dieu était quatre ou deux personnes ou même un Dieu solitaire replié sur lui-même qui n’engendre pas. À cette doctrine correspond, au contraire, une certaine compréhension de ce que c’est que vivre les uns par les autres et nous recevoir les uns des autres dans la communion de l’amour. C’est cette communion qui nous est ouverte par la communication que Dieu le Père fait de Lui-même en envoyant le Fils qui nous remet son Esprit. C’est cette communion qu’établit entre nous l’écoute de la Parole qui nous est adressée et nous travaille dans le cadre de l’action liturgique.
9C’est donc bien un certain goût de vivre qui nous est proposé et communiqué par l’évangélisation permanente de l’Église, goût que nulle certitude établie dans l’ordre du savoir ne peut nous imposer d’elle-même. Comme l’écrivait Pierre Rousselot dans son célèbre article « Les yeux de la foi » [7], l’ouverture des yeux de la foi, qui seuls voient en vérité ce qui est, est l’affaire d’une adhésion amoureuse ou émue de tout l’être. Déjà, pour Thomas d’Aquin, ni la doctrine chrétienne, ni les miracles qui l’attestent, ne disent rien à l’homme sans « l’interior instinctus et attractus doctrinae » qu’il appelle aussi « inspiratio interna et experimentum » [8]. Comme l’écrit encore Walter Kasper se référant à K. Barth et à H. Urs von Balthasar, si les hommes en viennent à croire en l’Évangile, cela ne peut se réaliser que par l’éclat de la beauté intime de la vérité et par la puissance supérieure de la folie de l’amour divin. Cette beauté, quand elle les atteint, les conduit, par le chemin de la croix, au-delà de toutes leurs attentes et des déterminations de la philosophie transcendantale ou existentielle, à leur plein accomplissement [9].
10Parler de la foi comme d’une affaire de goût, nous renvoie à la précarité essentielle et au caractère paradoxal de la décision de la foi : elle est une décision fragile parce qu’elle renvoie à un jugement esthétique qui ne peut se légitimer dans l’ordre du savoir. Or, affirmer que croire en Dieu résulte d’une décision libre trouble, parce que c’est suggérer un doute sur la vérité objective de l’affirmation de Dieu. En effet, que Dieu existe ou non, voilà un fait, qui ne devrait dépendre ni de la liberté des hommes ni des options qu’ils prennent sur le sens de leur existence. Or, selon notre conception spontanée de la vérité, dans le cours normal des choses, dès lors qu’un énoncé porte sur une part de la réalité, sa vérité doit pouvoir être reconnue ou énoncée objectivement, sans qu’il soit besoin, au moins en principe, d’y adhérer. Personne n’a la liberté d’accepter ou de refuser que 2 + 2 = 4 ou qu’il existe une île qu’on appelle la Corse. On peut tolérer le droit à l’erreur, on peut accepter la possibilité d’autres systèmes de références, mais dans le cadre d’un même système de références, la vérité d’une proposition n’est pas affaire de libre option. Si l’on fait de cette exigence d’objectivité, caractéristique de la vérité dans les sciences, le critère qui mesure la vérité de tous les discours, alors toute parole dans laquelle le locuteur s’engage dans un mouvement de liberté semblera d’un degré de vérité inférieur, celui de l’opinion, c’est-à-dire d’une affirmation prématurée, qu’on n’a pas eu ou pas pris les moyens de soumettre à un examen suffisant pour atteindre à la certitude, de sorte que chacun la formule en fonction de ses préférences.
11Or, la foi comme acte libre prétend ne rien avoir de commun avec l’opinion conçue comme conviction incertaine d’un degré inférieur au savoir. Parce que Dieu est un mystère à accueillir et non pas un objet à analyser, la foi est ce qu’il y a de mieux pour le connaître. Le terme de mystère est cependant ambigu et il faut le clarifier. D’une manière regrettable, ce mot est utilisé aujourd’hui pour désigner un ensemble de connaissances inaccessibles, sauf à des initiés dotés d’informations secrètes ou d’une sorte de double vue. Or, dire que Dieu est un mystère, c’est le désigner non pas comme un secret à percer ou une énigme obscure à démêler, mais comme une réalité dont on ne peut pas parler sans s’engager dans ce que l’on dit, une réalité que nul ne peut connaître sans se trouver transformé de fond en comble par la connaissance dans laquelle il entre. C’est dans le même sens qu’on parlera du mystère qu’est toute personne humaine, ou encore du mystère de l’amour : nul ne sait ce que c’est qu’aimer, s’il ne se laisse embarquer et affecter par l’expérience historique d’un amour.
12En fait, il y a, dans la foi, une connexion interne essentielle entre l’élément doctrinal, l’élément pratique et l’élément existentiel : je ne sais pas ce que je dis, si je confesse la foi trinitaire à distance, sans me laisser concerner ni révéler à moi-même par elle. De même, ma conviction sur l’importance de l’amour en reste à un sentimentalisme vague, si elle n’est pas continuellement formée, travaillée par la méditation et la célébration du mystère pascal où se manifeste au plus haut point le caractère paradoxal de la communion des personnes divines. Mais, l’expérience de cette connexion essentielle va de pair avec l’expérience inévitable de sa dislocation. Le chrétien le plus fervent éprouve inévitablement à un moment donné un décalage entre, d’un côté, la promesse de vie que constitue l’Évangile et, de l’autre, l’effectuation concrète réalisée dans son existence personnelle ou dans la vie de sa communauté. Vient forcément un moment, où les affirmations et les pratiques de la foi semblent ne plus faire sens face aux enjeux de l’existence des humains. La théologie, comme foi en quête d’intelligence et intelligence en quête de foi, part d’un tel décalage.
La théologie part du caractère problématique du croire
13C’est la reconnaissance du caractère problématique du croire qui conduit la théologie à toujours commencer par cette interrogation : « comment est-il possible de croire en tout ça ? ». La question peut se poser de façons diverses. Elle peut notamment prendre une tournure scientifique ou épistémologique, en mettant en doute la véracité des grandes affirmations de la foi : comment croire en l’existence de Dieu qu’on ne voit pas et dans les récits bibliques avec toutes leurs invraisemblances ? Comment croire en la virginité de Marie, en la résurrection de Jésus ou encore dans les miracles qu’on lui attribue, alors que ce sont des récits impossibles, selon les critères actuels de la connaissance historique ?
14C’est ce genre de questions qui a mobilisé les théologiens tout au long du xxe siècle quand ils se sont affrontés aux défis lancés par la tradition rationaliste issue des Lumières. Face au déterminisme des sciences de la nature, à la critique historique de la Bible, à l’irruption des sciences humaines, il fallait attester de la rationalité du croire comme source singulière d’accès à la réalité en débat avec des systèmes philosophiques dont les visions unitaires du monde étaient portées par la conviction que toutes les énigmes de l’existence pouvaient devenir objets de savoir. Mais le défi le plus difficile fut l’exigence de mener un examen historico-critique rigoureux des archives chrétiennes pour résister à l’interprétation réductrice qui en était donnée par les courants inspirés par les Lumières : l’étude de la Bible comparée aux mythes et croyances des autres religions du Proche-Orient et du Bassin méditerranéen semblait la réduire à un recueil de données mythiques dépourvues de crédibilité ; l’étude historique des dogmes et des textes liturgiques et canoniques semblait ruiner l’affirmation de l’immutabilité des grands articles de foi confessés partout et par tous, ainsi que des pratiques ecclésiales les plus essentielles. Si la foi pouvait se prévaloir d’une continuité, celle-ci semblait se réduire à quelques principes éthiques généraux qui trouvaient au mieux dans la figure de Jésus leur illustration héroïque.
15On peut considérer qu’au terme d’un laborieux cheminement, marqué par des affrontements sévères, mais aussi par une coopération œcuménique intense, une nouvelle forme de consensus théologique a été atteint dans la seconde moitié du xxe siècle, à tout le moins pour ce qui concerne la doctrine de la Révélation et la christologie trinitaire. Nous avons appris à lire la Bible autrement que comme un récit historique objectif ou un traité de sciences naturelles. Pour reprendre les termes de Galilée dans une lettre à Christine de Lorraine, nous avons intégré que « l’intention du Saint-Esprit est de nous enseigner comment on va au ciel et non comment va le ciel » [10]. Nous avons retrouvé le sens de la continuité de la foi chrétienne à travers la mutabilité de ses formulations et de sa mise en œuvre dans la vie de l’Église, car elle n’est pas la continuité figée d’une lettre. C’est une grande victoire de l’intelligence de la foi. Mais, et c’est notre problème pour aujourd’hui, cette victoire a un goût amer.
16En effet, l’horizon des questions actuelles auxquelles s’affrontent les croyants – comme d’ailleurs l’ensemble de leurs contemporains – s’est transformé. À l’aube du xxe siècle, le bouleversement fondamental que subissait la théologie était de nature essentiellement épistémologique. Ses thèmes essentiels étaient d’articuler sciences et foi, d’une part, histoire et vérité, de l’autre. Le xxe siècle finissant, et encore plus celui qui commence, placent non seulement l’Église, mais l’humanité tout entière, devant une nouvelle crise, moins homogène, plus difficile à qualifier. Cette crise vient toujours de l’histoire, mais en tant qu’elle désigne cette fois-ci l’historicité de la condition humaine comme telle et non plus d’abord une discipline scientifique. Les défis nouveaux auxquels nous nous affrontons portent moins sur la théorie de la connaissance que sur les conséquences de la révolution technologique et de la globalisation concernant le mal-développement du tiers monde ; la crise du vivre-ensemble dans les sociétés démocratiques ; le futur de la planète Terre, quand l’action humaine apparaît aujourd’hui en mesure de la détruire ou de la ruiner ; le futur de l’humanité elle-même, quand elle se découvre aujourd’hui capable de se dénaturer. Dans ce contexte, jouer le jeu de l’intelligence de la foi consiste à chercher à manifester la capacité de la Révélation à discerner et proposer des chemins de vie dans un monde devenu terriblement mouvant.
17Cela explique, à mon sens, la déception rétrospective que peut inspirer un bilan de la théologie au xxe siècle [11]. Elle semble avoir apporté toutes les réponses réclamées par une confrontation rigoureuse avec les questions posées par la critique moderne. Mais à peine recueillies, les réponses se révèlent frustrantes parce qu’elles ont été élaborées dans un contexte qui n’est plus le nôtre. En fait, nous affrontons le paradoxe suivant : le renouveau théologique du dernier siècle aurait dû nous fournir de quoi affronter les problèmes d’aujourd’hui ; or, ce n’est pas le cas. Ces bonnes réponses se révèlent être insuffisamment bonnes. Quels sont les facteurs bloquants ? Par quelles procédures – c’est-à-dire au prix de quelles conversions personnelles, communautaires et donc institutionnelles – pouvons-nous les lever ? S’esquisse alors la voie d’une théologie en acte de discernement, attentive au redéploiement des médiations objectives de la foi (lecture des Écritures, liturgie, catéchèse etc.) et à l’invention de nouveaux arts de vivre en Église.
En 40 ans, l’évolution de l’enseignement de la théologie
18Quand j’étais étudiant en 1er et 2e cycles, de 1972 à 1977, nous nous précipitions sur les grandes questions épistémologiques qu’on peut considérer comme fondamentalement résolues aujourd’hui. À cette époque, la crise de la foi était encore vue comme la conséquence d’un malentendu qu’il devrait être possible de lever. Voilà pourquoi, durant ma formation, je n’ai eu pratiquement que des enseignements de théologie fondamentale. L’exposition détaillée du développement des dogmes importait moins à nos enseignants d’alors que la recherche du point de contact, de l’articulation décisive entre expérience humaine et expérience chrétienne qui constituait la grande affaire en théologie comme en pastorale [12]. De manière fondamentale, il s’agissait d’aller à l’articulation centrale à partir de laquelle la foi se révélerait à nouveau en prise avec le plus réel de l’existence, de montrer que l’humain était caractérisé par une dimension d’excès, par un profond mystère de liberté et d’amour qui résistait au réductionnisme des sciences dures et aux raccourcis des maîtres du soupçon en quête de la dernière instance (l’économique, la libido, le pouvoir, les structures fondamentales de l’esprit humain, etc.). Une fois cet excès mis en perspective (sous la forme de l’expérience transcendantale chez Karl Rahner, du courage d’être de Tillich, ou toutes autres manières de dire), il ne restait plus qu’à montrer que c’était de cela même et de rien d’autre que s’occupait la foi chrétienne. Cette orientation théologique et pastorale a, dans l’ensemble et non sans tensions, porté de beaux fruits. Ce qui la rendait possible, c’est que l’éducation de cette génération, en matière de foi mais aussi de culture et de morale en général, n’avait pas encore été affectée en profondeur par la crise anthropologique.
19Le climat a commencé à changer avec l’arrivée de plus en plus massive d’étudiants qui n’étaient pas profondément enracinés dans la tradition, parce que leur initiation chrétienne avait eu lieu non pas au temps où la crise ne faisait encore que s’annoncer, mais alors qu’elle battait son plein ! Pour eux, la tradition ne se présentait pas comme un corset qu’il fallait relâcher pour pouvoir respirer mais, pour reprendre l’image de A. MacIntyre au début de After Virtue [13], en fragments. S’ils étaient là, bien sûr, c’est que l’un de ces fragments s’était imposé à eux comme un point d’incandescence. Pour les uns, c’était la découverte du thomisme ou des Pères, pour d’autres une lecture enthousiasmante des Écritures dans des groupes bibliques quasi fondamentalistes, ou encore l’expérience de la liturgie et de la prière dans une communauté monastique ou dans un groupe charismatique chaud. Mais quelle qu’ait été pour eux l’expérience fondatrice, ils ne pouvaient que s’y accrocher de toutes leurs forces, au risque de la confondre avec le tout de la tradition. S’ils étouffaient, ce n’était pas d’être oppressés par une tradition trop lourde, mais parce que l’oxygène s’était raréfié.
20Il fallait réagir ! Ce qui fut fait, sous la conduite de Georges Kowalski et de Joseph Doré, alors Doyen de la Faculté, dont le rôle essentiel dans la formation de ma génération d’enseignants n’a pas besoin d’être rappelé. Nous avons entrepris de re-scolariser les cursus. Le mot d’ordre était alors le suivant : « on ne réfléchit personnellement qu’à partir de ce que l’on a appris et compris ». Si les contenus fondamentaux sont en place, comme c’était encore le cas pour la génération antérieure, la réflexion critique a une matière sur laquelle s’exercer. Dans le cas contraire, elle tourne à vide. Cette entreprise menée avec détermination était nécessaire. Elle a été utile. Pourtant, elle ne résolvait que partiellement le problème dans la mesure où elle était encore portée par l’idée qu’être formé, avoir atteint la maturité, consistait à disposer d’un stock d’informations suffisant pour aller y puiser des réponses toutes faites aux questions que l’on affronte comme on va chercher des bouteilles dans une cave bien achalandée ou comme on enfonce de profondes racines dans un riche terreau. Or, cette image de la tradition comme stock ou comme sol est illusoire, comme l’avait expressément formulé Hans Urs von Balthasar :
La Révélation de Dieu ne se laisse jamais, non, jamais, mettre en bouteille et conserver en cave. Les réponses qu’on va prendre en magasin, ajoutait-il, ne sont nullement appropriées aux questions très précises d’aujourd’hui […] L’histoire du monde continue à avancer inexorablement malgré la tradition ecclésiastique et le magistère infaillible. C’est pourquoi, concluait-il, toute la tradition doit toujours être fondue dans le moment historique et formée à nouveau pour y correspondre [14].
22S’il faut devenir familier des grands maîtres du passé et de leurs œuvres, ce n’est pas parce qu’ils auraient, en réserve, les réponses à nos questions. Ils n’ont pas ces réponses, parce qu’ils ne se posaient pas nos questions les plus fondamentales et les plus urgentes ! Ne demandons pas à Augustin ou Thomas d’Aquin des éclaircissements sur les problèmes que posent la déchristianisation dans un monde sécularisé, les rapports entre sciences et foi, l’exigence de faire une théologie de la libération ou la place à donner aux nouveaux agents pastoraux ! Ces questions sont les nôtres, fonction de notre contexte historique, sans rapport direct avec celles qu’affrontait l’Église de leur temps. La prise de conscience de l’historicité de la culture et de la pensée nous prive de l’illusion d’une contemporanéité immédiate avec nos prédécesseurs. S’il faut les lire, les comprendre et les méditer, ce n’est pas pour nous approprier le contenu des réponses qu’ils ont apportées à leurs problèmes, mais pour déchiffrer le geste qu’ils ont posé en vue de faire face aux questions inédites qu’ils affrontaient. Après cela il reste à prendre à notre tour la responsabilité des problèmes inédits qui se posent à nous aujourd’hui.
À la recherche du geste des prédécesseurs, en ne craignant pas d’effectuer une reprise
23On sait bien que, dans l’avancée d’une recherche, l’identification du problème est le premier pas décisif. Mais ce premier pas, d’ailleurs toujours à refaire, est difficile à négocier. Les générations actuelles vont davantage aux questions pratiques qui portent en première ligne sur les moyens dont l’Église dispose pour accomplir sa mission. J’en donne quelques exemples que je tire de mes récents accompagnements d’étudiants en master et doctorat.
24En Extrême-Orient (Chine et Corée) : la vie chrétienne est menacée par la modernité et son individualisme libertaire qui met à mal la dimension d’obéissance qui appartient à la foi.
25Face à cette situation, on peut renforcer l’aspect par lequel la vie chrétienne est soumission à l’autorité de la Parole de Dieu et, par voie de conséquence, à la hiérarchie à qui il revient de l’interpréter. Mais jusqu’où peut-on aller dans ce sens ? Est-ce qu’il n’y a pas aussi dans l’Évangile un appel à la liberté personnelle qui résonne comme un appel à la critique de la tradition des Pères ? On peut penser aux antithèses du Sermon sur la montagne (« on vous a dit… moi je vous dis ») ; à la critique par Jésus du commandement du sabbat et des rituels de pureté si essentiels au judaïsme ; à la critique du légalisme par Paul ; etc. Pouvons-nous ignorer cela et ne considérer dans la vie de la foi que l’élément d’un appel à l’obéissance qui doit finalement plus à la tradition confucéenne qu’à la foi chrétienne ? Ma suggestion fut de donner à lire à l’étudiant quelques grands textes théologiques et de considérer comment ils traitent la dimension qu’on peut qualifier de libertaire de l’Évangile afin, dans un deuxième temps, de comprendre que cette dimension ne correspond pourtant pas à l’idéologie libertaire de l’époque actuelle. En d’autres mots, elle n’abolit pas l’exigence de l’obéissance, mais oblige à passer d’une obéissance selon la lettre à une obéissance de l’esprit dont ce que l’on appelle le Concile de Jérusalem nous donne la norme. Je conseillais donc à l’étudiant de regarder comment des auteurs comme Henri de Lubac et Jean-Yves Lacoste soutiennent et développent une compréhension non autoritariste de la vie chrétienne.
26En RCA : l’Église catholique subit durement la concurrence des mouvements évangéliques radicaux dont l’affirmation de la puissance de Dieu répond mieux aux attentes des populations.
27D’où la question : n’aurions pas, sous l’influence de la théologie occidentale, abandonné notre foi en la puissance de Dieu ? Ma suggestion fut de faire découvrir qu’une affirmation authentiquement chrétienne de la puissance de Dieu est d’une autre nature. Il ne s’agit pas d’attribuer à Jésus notre compréhension humaine (trop humaine) de la toute-puissance comme capacité pharaonique à faire plier le réel. Il s’agit, au contraire, d’apprendre de Lui ce qu’est la véritable puissance. Il faut donc redécouvrir le caractère paradoxal de l’affirmation chrétienne d’un Dieu dont la toute-puissance et l’autorité ne correspondent pas à celle qu’exercent les grands de ce monde. Je conseillais donc à l’étudiant, préoccupé par ces questions, de lire François Varillon sur la faiblesse de Dieu.
28Au Togo : la lutte contre la corruption semble impossible, et révèle le conflit entre l’emprise considérable du milieu familial et du clan et le caractère fondamentalement individualiste du fonctionnement des sociétés modernes et de leur système économique.
29La doctrine sociale de l’Église s’est élaborée dans le contexte de la constitution de l’État moderne dans le monde occidental où il était du devoir de l’Église de soutenir l’autonomie de la famille contre les tendances totalitaires de cet État moderne. Mais, dans des sociétés où l’État est fragile et peu développé, la doctrine sociale de l’Église risque de jouer un rôle pervers. D’où la nécessité de revenir sur la manière dont la tradition de la foi ne joue pas seulement en faveur du pouvoir du clan, mais le limite tout aussi bien. Or, « celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi » (Mt 10,37). De même, l’Église ancienne en créant l’ordre des veuves et celui des vierges a permis à des femmes seules ou célibataires de s’émanciper de leur soumission au chef du clan.
30Au Vatican : urgence de réinterpréter le concept de « Loi naturelle » :
31Ce concept fait aujourd’hui difficulté car il tend à se confondre avec celui de lois de la nature, ce qui devient irrecevable dans une époque qui a acquis une conscience historique. Du coup, la CTI entreprend de relire la tradition pour y redécouvrir le caractère fondamentalement historique de sa définition de l’humain.
32Dans le monde occidental, particulièrement dans les pays anglo-saxons, monte la question féministe :
33Pourquoi le sacrement de l’ordre est-il réservé aux humains mâles et inaccessibles à leurs compagnes en humanité, comme si ces dernières manquaient de certaines qualités qui n’appartiendraient qu’à leurs compagnons ? Cela ne contredit-il pas la conviction chrétienne fondamentale que « Dieu ne fait pas de différence entre les hommes » (cf. Ac 10,34 ; Rm 2,11), et qu’à ses yeux « il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus » (Ga 3,28, trad. TOB) ? L’étudiante se décide à lire Édith Stein et Hans Urs von Balthasar pour vérifier dans quelle mesure leur conception de la différence sexuelle échappe au soupçon de machisme.
34Il faut d’ailleurs constater que, dans ces exemples, c’est moins la question de la véracité des articles de foi que la question de savoir si l’Église vit et témoigne de l’Évangile d’une manière authentiquement chrétienne, ce qui aggrave considérablement le décalage évoqué plus haut. En effet, l’urgence de l’acte théologique redouble quand le théologien découvre qu’il ne bute pas seulement sur une contradiction entre la foi et la raison, mais que ce sont les formules et les pratiques que nous a léguées la tradition qui, à un moment donné, se mettent à sonner faux. Bien sûr, cela ne date pas d’aujourd’hui. C’est ce qui s’est produit, par exemple, lors du renversement épistémologique que constitua l’arrivée de la pensée aristotélicienne en Occident qui imposa en philosophie et en sciences, pour autant qu’on distinguait l’une de l’autre, de nouveaux modes de pensée réalistes pour lesquels la notion philosophique de substance devenait absolument essentielle. La théologie adopta les catégories de la métaphysique aristotélicienne. Le résultat en est que le langage symbolique des Pères ne pouvait plus être reçu dans les nouvelles conditions d’intelligibilité qui s’imposaient progressivement. Du coup, ce langage symbolique, jusqu’alors reçu et faisant loi, apparut, de manière surprenante, comme « non réaliste » [15]. Il arrive donc que les formules reçues se mettent à sonner faux, en sorte qu’il faut les réinterpréter !
35Un autre bon exemple nous est donné par le travail du théologien moraliste Xavier Thévenot. De par sa familiarité avec la psychanalyse, il s’est montré très sensible au fait que certaines valeurs, certaines attitudes promues par l’Église, par exemple dans la vie religieuse ou sacerdotale, risquaient d’entraîner ce qu’il appelait des dérives pathologiques. Ainsi, le discours sur le don de soi ou sur l’humilité pouvait servir à dissimuler une volonté de puissance d’autant plus ruineuse qu’elle était inconsciente : il veut se donner pour se gagner, il veut s’effacer dans l’espoir de paraître bon ! Son don de soi-même est, en fait, la forme masquée d’une extrême quête de soi. Sa disponibilité au sacrifice s’approche dangereusement du masochisme, etc. Certains ont dénoncé cette critique, inspirée par la psychanalyse, comme une hétéro-interprétation, qui ferait de la psychanalyse le critère ultime de l’interprétation de l’Évangile. C’était un vrai risque dans lequel X. Thévenot serait tombé, s’il s’était arrêté là. Mais, sa démarche comportait un deuxième moment de réappropriation de l’attitude critique. Relisant la tradition chrétienne et l’interrogeant à partir du soupçon porté de l’extérieur par la psychanalyse, il en vint à découvrir que les dérives en question, même si elles sont bien réelles, ne correspondent pas à ce qu’il y a de plus authentique dans les exigences de la tradition. Au contraire, la tradition a développé les antidotes nécessaires aux dérives pathologiques que peuvent toujours nourrir son discours et ses pratiques.
36La recherche théologique procède ainsi, en accomplissant un pas en arrière prospectif : elle se retourne vers un moment antérieur de la tradition pour découvrir que cette dernière est plus large que nous ne l’imaginons et offre des ressources oubliées pour surmonter le décalage. Cette opération réclame de choisir dans la tradition un ou plusieurs corpus significatifs et de les aborder avec un regard large, non-simplificateur, appuyé sur une vraie rigueur méthodologique. De ce point de vue, la théologie constitue une discipline complexe, engageant une dialectique impossible à immobiliser dans une synthèse définitive car, en théologie, il n’y a pas d’âge d’or ! Chaque époque nous instruit des contradictions qu’elle a eues à affronter, des risques qu’elle a courus et de l’attitude ou du geste qu’elle a dû prendre pour arriver à les surmonter. Mais, les époques suivantes ne peuvent se contenter de répéter cette attitude ou ces gestes d’une manière passive. Il revient à chaque génération de les réinventer, en fonction des dangers de son époque. En ce sens, la théologie a une histoire, mais cela ne veut pas dire qu’elle serait définie par un constant progrès. En faisant face aux problèmes qui sont aujourd’hui les nôtres, nous ne compléterons pas la contribution des générations précédentes en leur apportant ce qui leur manquait et que nous aurions enfin découvert. Nous accomplissons la tâche qui nous revient en fonction des défis qui s’imposent à nous pour tenir en fidélité à la tradition de l’Évangile. Cela conduit à une réinterprétation et à une reformulation des énoncés reçus, comme le répétait inlassablement Claude Geffré [16].
37Le terme de réinterprétation est cependant ambigu, dans la mesure où il peut évoquer une sorte de relativisme accommodatiste et réducteur qui aménage la Révélation au goût de l’époque. Pour jouer sur les mots, je dirai que le mot interprétation ne doit pas s’entendre simplement au sens qu’il a dans la pratique des linguistes et des traducteurs, mais aussi dans la pratique des musiciens. Il faut veiller à la juste interprétation de la tradition, comme on veille à la juste interprétation d’une pièce de musique. Parler d’une théologie clinique, c’est reconnaître à la théologie le rôle de veiller à la correcte interprétation par l’Église de la partition de la foi et de vérifier qu’elle répond chrétiennement de la vérité de la foi chrétienne. Vue sous cet angle, la théologie apparaît comme une science pauvre, ce qui a, bien sûr, quelque chose de frustrant.
La théologie, une science pauvre (subalternée)
38Quand on travaille dans le domaine de la recherche scientifique en physique, biochimie, médecine, etc., on peut rêver de changer le monde en découvrant des dispositifs qui transformeront profondément les conditions de vie des hommes, ce qui peut encore être le cas pour la recherche dans le domaine des sciences de l’interprétation (sciences économiques, sociologie, psychologie, droit, etc.). En revanche, en théologie, il ne s’agit que de servir la fidélité maintenue de l’Église à l’Évangile, sa fidélité à une vérité qui la précède.
39La responsabilité de la théologie apparaît donc moins comme une responsabilité de fondation que de rectification. En effet, la théologie n’invente pas ce qui la fonde et elle n’a pas à le faire. Elle trouve ce qui la fonde là où cela lui est donné : dans la tradition chrétienne comme tradition de vie communautaire au sein de laquelle le croyant se rapporte dans l’action de grâce à son Créateur selon l’incarnation et le mystère pascal. En revanche, il revient aux théologiens de rectifier sans cesse la manière dont les croyants se rapportent à cette fondation. C’est à cela que correspond la définition par Thomas d’Aquin de la théologie comme une science subalternée qui sert la vérité qui la fonde, en se sachant sous cette vérité (la Révélation) dont elle reçoit ses propres principes [17].
40Mais de la vérité de la vie chrétienne qu’il a ainsi à défendre et à protéger, le théologien ne sait en principe rien de plus que le simple croyant, car, la parole de Jésus le concerne au plus haut point : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Mt 11,25). En somme, dans le team de la foi, le théologien occupe plus souvent la place du mécano qui a le nez dans le moteur et les mains dans le cambouis que celle du pilote virtuose qui fait des étincelles sur la piste. Si l’acte théologique est bien aussi un acte critique, cette dimension se déploie selon une visée clairement clinique qui, par principe, entend « faire fond sur la part saine du sujet », ou encore « poser un acte de confiance fondamental dans ses ressources de vie » comme le disait Xavier Thévenot [18].
Faire de la théologie à l’ère du vide
41Pour conclure, il me faut maintenant considérer comment la responsabilité clinique qui appartient à la théologie peut s’exercer à l’ère du vide, dans une époque souvent qualifiée de postmoderne. Pour cela je m’explique tout d’abord sur ce qualificatif [19] que je vais rapidement définir à partir de la fameuse triade tradition – modernité – postmodernité aujourd’hui largement reçue dans le monde anglo-saxon, même si elle rencontre quelques résistances dans la tradition intellectuelle française.
42- Tradition : c’est le temps où l’existence humaine se présente comme un arbre qui plonge dans le sol de puissantes racines et peut s’élever haut vers le ciel ! L’axe symbolique est celui de la verticale dans une époque de stabilité où l’on se déplace lentement, quand on se déplace. Le véhicule typique est le char à bœufs avec sa sage lenteur.
43- Modernité : c’est le temps où l’esprit critique met tout en question, tout en mouvement, et dote les humains d’outils puissants, lourds et rapides. L’axe symbolique est celui de la flèche temporelle orientée vers le futur. Le véhicule typique est le train ou l’avion : ils sont lourds, vont très vite et droit au but.
44- Postmodernité : c’est le moment (variable car, selon les circonstances, on peut être moderne sur certains plans et postmoderne sur d’autres) où la victoire du principe critique moderne est totale. C’est l’époque du manque de point de repère où personne ne peut dire avec une autorité indiscutable « c’est comme ça et ce n’est pas autrement ! ». C’est l’ère de la précarité où ce qui compte, vaille que vaille, c’est de maintenir les équilibres. Les véhicules typiques de l’époque postmoderne sont ceux des sports de glisse : skate, snowboard, deltaplane, kitesurf, etc. Entre deux prises d’appuis rapides, peuvent être exécutées des figures époustouflantes, pourvu que l’on contrôle les équilibres, sinon on s’écrase. La postmodernité est la fin de l’enracinement et de la stabilité ! C’est l’ère du réseau, du flux, de la mobilité nomade et sans orient.
45En théologie, l’effet principal de cette situation est la disqualification des grandes synthèses qui prétendent à l’éternité, des vérités définitives qui devraient s’imposer à tous, des autorités qui prétendent se faire obéir au simple titre de leur statut institutionnel en se dispensant de l’épreuve de l’argumentation. Face à cela, deux attitudes sont possibles : ou bien, rêver d’un retour nostalgique à l’époque de l’enracinement dans « la terre qui ne ment pas ». Mais c’est une illusion car nul ne renoncera à l’esprit critique et à tout ce qu’il nous a apporté. Chacun peut bien rêver d’y faire renoncer les autres dans l’espoir de mieux les contrôler. Mais pour son propre compte, nul n’y renoncera jamais ! Ou bien, faire jouer les harmoniques entre la condition de l’homme postmoderne, d’une part, et la tradition biblique et théologique, de l’autre, afin de manifester les ressources que prodigue la foi vécue pour permettre de garder les équilibres dans ce monde devenu mouvant [20].
46Certes, tous nous souhaiterions, malgré la crise culturelle contemporaine, retrouver notre stabilité et avoir du dur sous les pieds. Or, la tradition biblique décrit les choses autrement. Elle pose que nous n’avons d’autres points d’appui que l’Esprit et la Parole. C’est, en effet, par sa Parole que Dieu créa le ciel et la terre et tout ce qu’ils contiennent. C’est sur Parole qu’Abraham quitta son pays et la maison de son père. C’est sur Parole (« Va libérer mon peuple, va je t’envoie », cf. Ex 3,10) que Moïse fit quitter la terre d’Égypte aux Hébreux et ainsi de suite pendant des générations, avec un sommet lors de l’exil à Babylone, quand la triple perte de la ville sainte, du Temple et du Roi ne laisse plus rien à Israël que la Parole.
47À l’individu postmoderne (et nous sommes tous des individus postmodernes !) qui s’inquiète de n’avoir pas de patrie, il faut montrer l’intelligence de la description biblique du croyant comme un exilé, ce qui peut se dire en paraphrasant Paul (cf. 1 Co 7,29-31) ou en reprenant les termes de la Lettre à Diognète que j’adapte en ces termes : « Vous voulez vivre ? Alors vivez dans une patrie comme si vous n’en aviez pas ». À l’individu postmoderne qui s’inquiète de n’avoir pas de sol ferme sous les pieds, il faut raconter comment Pierre s’élança sur la masse fluide des flots en réponse à l’invitation de son maître. Sans oublier le mot de la fin : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » (Mt 14,31), soit en d’autres mots, il faut y croire pour vivre et la foi chrétienne est donnée pour cela. À l’individu postmoderne saisi par l’angoisse de manquer et d’être voué à la précarité, il faut découvrir l’intelligence des Béatitudes qui annoncent qu’on peut vivre dans la précarité : « Heureux les pauvres » (Mt 5), mais tout autant « Regardez les lys des champs […] » (Mt 6,28s) ou encore « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses […] » (Lc 10,41). Car ce qui tue, au contraire, c’est de refuser la précarité avec entêtement en se lançant à la recherche désespérée du point fixe qui rendrait invulnérable [21]. Autrement dit, être sans racine n’est plus une malédiction pour qui découvre que « son rocher, c’est le Seigneur » (par ex. Dt 32,4) et que « le Seigneur est Esprit » (2 Co 3,17). Si l’on se place dans cette perspective, enseigner la théologie, ce n’est pas défendre la tradition comme un répertoire de vérités à tenir envers et contre tout, mais c’est la penser comme la tradition d’un savoir vivre mystique à l’épreuve du vide.
48Dans les débats qui occupent l’Église et ses théologiens aujourd’hui, la question de l’évangélisation est souvent posée comme celle de parvenir à intéresser les gens à Dieu et aux questions ultimes en plus de tout ce qui les préoccupe légitimement déjà : réussir l’éducation des enfants, s’épanouir dans son couple et dans ses engagements professionnels, « comment voter dimanche prochain ? » et, bien sûr, « qu’est-ce qu’il y a à la télé ce soir ? ». La question est, en fait, mal posée et c’est pour cette raison qu’elle obtient rarement une réponse satisfaisante. Elle me semble l’être mieux si l’on envisage l’existence chrétienne dans ses événements les plus fondamentaux – écoute de la Parole et liturgie – comme une école de vie, c’est-à-dire, 1) comme la révélation de la vérité de la Vie telle que l’exposent le Sermon sur la montagne et l’entière existence de Jésus dans la suite des prophètes d’Israël et 2) comme l’appel à y consentir en surmontant les refus que nous lui opposons sans cesse.
49Cela peut se dire en parabole. Il en va de l’entrée dans le Royaume comme de la dégustation d’un bon vin ou de l’enchantement que suscite une grande pièce de musique ou un tableau de maître : nul n’en goûtera jamais les qualités, s’il n’apprend les postures et les gestes qui disposent à leur accueil, les mots qui permettent de les décrire et de les apprécier et s’il ne prend le temps de se laisser submerger par elles. Ou encore, il en va du Royaume des cieux comme de l’oiseau : qu’il replie ses ailes, il tombe comme une pierre ; qu’il les ouvre, il vole en trouvant son appui sur l’air qu’il ne voyait pas. Le vide qui l’aspirait le porte. De même, quand, à l’écoute de la Parole, le disciple postmoderne fasciné par l’ère du vide s’exerce à ouvrir ses bras, à la manière de Jésus sur la croix, il se découvre porté par l’Esprit. C’est de cela que le merveilleux film Des Hommes et des Dieux constitue l’illustration exemplaire. Sans être des catholiques convaincus, son scénariste et son réalisateur ont compris et donné à voir la trajectoire selon laquelle la Parole chantée pendant l’office divin, scrutée avec attention dans la bibliothèque, méditée personnellement durant l’oraison, et mangée à la communion finissait par communiquer sa forme pascale à l’existence de lecteurs récalcitrants. À mon sens, c’est une des meilleures catéchèses contemporaines pour donner à comprendre comment « l’Écriture s’accomplit » quand, travaillant la chair de ses auditeurs, elle vient à bout de leurs résistances et de leurs fermetures et conforme leur histoire à celle de leur Seigneur, Lui, le grain de blé tombé en terre qui porte beaucoup de fruits.
50Sur cette ligne, la première visée, fondamentale, d’une théologie à l’ère du vide, celle qui m’a mobilisé durant ces trente années selon une perspective sans doute encore trop générale (trop apologétique ?) peut s’énoncer en ces termes : il s’agissait de redécouvrir l’Écriture, la liturgie et les autres médiations objectives de la foi comme des ressources pour vivre. S’il en va bien ainsi, une nouvelle étape, délibérément pratique mais non moins fondamentale, se profile ainsi : il faut désormais s’enfoncer dans l’analyse des procédures rigoureuses que réclame l’accomplissement du « travail de la foi » [22]. En effet, lire la Bible, prier, célébrer, aimer avec douceur et d’un cœur miséricordieux « la maison commune » qui nous est confiée et les frères et les sœurs qui l’habitent, se laisser pardonner et pardonner à son tour, « même ceux qui vous haïssent » (par ex. Lc 6,27), c’est tout un art, délicat, vulnérable à la perversion et réclamant, par conséquent, un discernement formé. Il faut donc s’y exercer en s’y laissant initier sous la conduite de la Parole. Voilà pourquoi reconstruire le geste évangélique de l’initiation est sans doute aujourd’hui la tâche prioritaire d’une théologie au service du travail de la foi.
Notes
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[1]
Cet article reprend les propos développés lors de deux conférences données en septembre 2015 à l’Institut catholique de Paris à l’occasion de mon départ en retraite. Avec mes remerciements à Brigitte Cholvy pour la relecture attentive qu’elle en a faite.
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[2]
Groupe de Recherche en Anthropologie Chrétienne (ci-après GRAC), « Trouble dans la définition de l’humain. Prendre la mesure d’une crise anthropologique », Transversalités, supplément n° 1, 2014.
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[3]
GRAC, « Destinée de l’humanisme et révolution anthropologique contemporaine. Trouble dans la définition de l’humain (II) », Transversalités, supplément n° 3, 2015.
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[4]
Cf. Henri-Jérôme Gagey, « La tâche clinique de la théologie », dans François Bousquet, Henri-Jérôme Gagey, Geneviève Médevielle et Jean-Louis Souletie (éd.), La responsabilité des théologiens. Mélanges offerts à Joseph Doré, Paris, Desclée, 2002, p. 705-721.
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[5]
Joseph Ratzinger, « Jubilé des catéchistes », conférence sur le thème de la nouvelle évangélisation, dimanche 10 décembre 2000, consulté le 25 août 2013 sur http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_2000_1210_jubilcatechists-ratzinger_fr.html
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[6]
Joseph Ratzinger, Foi chrétienne hier et aujourd’hui, Paris, Mame, 1969, p. 31-32.
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[7]
Pierre Rousselot, « Les yeux de la foi », Recherches de Science Religieuse, 1910, p. 241-259, p. 444-475.
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[8]
Saint Thomas d’Aquin, In Joh., c. 6, 1.4, n. 7 ; c. 15, 1.5, n. 5.
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[9]
Voir Walter Kasper, Dogme et Évangile, Paris, Casterman, 1967 (éd. allemande : 1965), p. 42.
-
[10]
François Russo, « Lettre de Galilée à Christine de Lorraine, Grande-Duchesse de Toscane » (1615), Revue d’histoire des sciences et de leurs applications, t. 17, n° 4, 1964, p. 331-338.
-
[11]
Cf. Robert Vander Gucht et Herbert Vorgrimler (éd.), Bilan de la théologie du xxe siècle, Paris, Casterman, 1971.
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[12]
J’ai présenté plus largement cet aspect des choses dans un article d’hommage à Antoine Delzant : « Quel professeur il fut pour moi ? », dans Antoine Delzant ou le risque de croire, Les cahiers d’ALETHE, janvier 2015, p. 35-43.
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[13]
Alasdair MacIntyre, Après la vertu, Paris, PUF, 1997 (éd. américaine : 1981).
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[14]
Hans Urs von Balthasar, Qui est chrétien ?, Mulhouse, Salvator, 1968 (éd. allemande : 1967), p. 43.
-
[15]
Un exemple de ce décalage est la crise bérengerienne au xie s. Bérenger de Tours, né vers l’an mille et directeur de l’école cathédrale de cette ville, avait été l’élève de Fulbert de Chartres qui souvent mettait ses étudiants en garde contre le « réalisme » eucharistique, comme le faisait aussi Augustin avec ses néophytes. À Tours, Bérenger enseigne dans le même sens. Selon lui, l’Eucharistie est « essentiellement un symbole, un signe », ce qui ne veut pas dire qu’elle le soit « simplement » car « une vertu (virtus) lui est attachée ». Il rejette catégoriquement l’idée d’un changement de substance et combat l’identité du corps sacramentel et du corps historique de Jésus-Christ. Or, dans les nouvelles conditions d’intelligibilité qui se sont imposées, ce discours, qui correspond à ce que les Pères avaient tenu, est entendu comme négateur de la foi eucharistique reçue. Bérenger parle comme les Pères, mais semble avoir perdu la foi dans la présence réelle. Il fut appelé à s’expliquer devant un synode romain qui lui imposa de signer un serment qui contenait des propos d’un réalisme jusque-là inédit sur la présence physique du Christ dans l’eucharistie au risque de tomber dans un « sensualisme » qui défie la raison, comme le reconnaissent sans trop de peine bien des théologiens contemporains. Ce fut la tâche de la théologie scolastique d’exprimer le mystère de l’eucharistie dans les termes de la nouvelle rationalité, mais en évitant ces excès.
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[16]
Cf. Claude Geffré, Le christianisme au risque de l’interprétation, Paris, Cerf, coll. Cogitatio Fidei, n° 120, 1997.
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[17]
Marie-Dominique Chenu, La théologie comme science au xiiie siècle, Paris, Vrin, 1943 ; Id., La théologie est-elle une science ?, Paris, Fayard, 1957 ; Yves-Marie Congar, article « Théologie », dans Dictionnaire de Théologie Catholique, vol. XV.
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[18]
Henri-Jérôme Gagey, « Xavier Thévenot et la question de la différence chrétienne », dans Geneviève Médevielle et Joseph Doré (éd.), Une Parole pour la Vie. Hommage à Xavier Thévenot, Paris, Cerf, 1998, p. 257-276.
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[19]
Pour plus de développements, voir Henri-Jérôme Gagey, « Une crise sans précédent », Transversalités, supplément n° 1, op. cit., 2014, p. 13-30 ; Id., Les ressources de la foi, Paris, Salvator, coll. Forum, 2015, p. 9-31.
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[20]
J’ai développé ce point plus largement dans Les Ressources de la foi, op. cit., p. 191-256.
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[21]
Cf. Gn 3,3a et 3,5b : « Mais, pour le fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin […] le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal ».
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[22]
Allusion au titre de François Moog et Joël Molinario (éd.), Mélanges offerts à Henri-Jérôme Gagey. La théologie et le travail de la foi, Paris, Salvator, 2015.