Notes
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[1]
Ainsi, Thessalonique : 1Th 1,1 ; 2Th 1,1 ; Philippes : Ph 1,1 ; Corinthe : 1Co 1,2 ; 2Co 1.2.3 ; Rome : Rm 1,7.15 ; Colosses : Col 1,2 ; Éphèse : 1,1 (selon les manuscrits). D’autres villes sont mentionnées au cours des lettres, pour situer des incidents, des difficultés, comme Antioche (Ga 2,11), Damas (2Co 11,32 ; Ga 1,17), Éphèse (1Co 15,32 ; 1Co 16,8), ou encore formuler des projets (Jérusalem : Rm 15,25.26.31 ; 1Co 16,3).
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[2]
W. R. Ramsay, The Cities of Saint Paul. Their Influence on his Life and Thought, New York, Amstrong and Son 1908. Depuis lors, plusieurs études sur la ville dans le monde gréco-romain ont vu le jour ; cf., entre autres, A. H. M. Jones, The Cities of the Eastern Roman Provinces, Oxford ; Clarendon Press, 1971 ; F. Papazoglou, « Les villes de Macédoine à l’époque romaine », Bulletin de Correspondance Hellénique, Supplément 16, Athènes-Paris, 1988 ; E.J. Owens, The City in the Greek and Roman World, London, Routledge, 1991 ; J. Rich et A. Wallace-Hadrill (dir.), City and Country in the Ancient World, London, Routledge, 1991. Sur la façon dont les écrits bibliques voient la ville, J.W. Rogerson, The City in Biblical Perspective, Biblical Challenges in the Contemporary World, London, Equinox, 2009.
-
[3]
Selon les archéologues, la plupart des villes avaient environ 10 000 habitants.
-
[4]
J. Scheid, « Politique et religion dans la Rome antique. Quelle place pour la liberté de culte dans une religion d’État ? », www.laviedesidees.fr (essais et débats), 2011, p. 1.
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[5]
On ne discutera pas ici la question de la relation, au i er siècle de notre ère, entre les provinces (chacune ayant son gouverneur ou son procurateur) et les cités (pérégrines ou romaines).
-
[6]
Le vocabulaire afférent à la ville en Actes est le suivant : le mot ville lui-même (πόλις 42×), citoyen (πολίτηςAc 21,39), autorités de la ville (πολιτάρχαι Ac 17,6.8), citoyenneté (πολιτεία Ac 22,28), se conduire (πολιτεύομαι Ac 23,1), région (χώρα Ac 8,1 ; 10,39 ; 12,20 ; 13,49 ; 16,6 ; 18,23 ; 26,20 ; 27,27), colonie (κολωνία Ac 16,12 ; hapax AT/NT ; dit de la ville de Philippes). Le substantif ἀποικία n’est pas utilisé dans le NT.
-
[7]
Sur le séjour de Paul en Grèce durant le deuxième voyage, on consultera F. Lestang, Annonce et accueil de l’Évangile. Les figures individuelles de croyants dans le deuxième voyage missionnaire de Paul (Ac 16,6-18,18), Pendé, Gabalda (coll. « Études Bibliques », NS 63), 2012.
-
[8]
La colonie de Philippes est sans doute la mieux connue des historiens. Elle fut installée sur la Via Egnatia (qui existait déjà), en Macédoine orientale, près de la frontière avec la Thrace. En 42, au lendemain de la victoire de Marc-Antoine et Octavien sur Brutus et Cassius, les assassins de César, la ville devint une colonie romaine.
-
[9]
Cf. Ac 13,6-12 à Paphos ; Ac 13,14-51 à Antioche de Pisidie ; Ac 14,8-20 à Lystre ; Ac 15 à Jérusalem ; Ac 16,11-40 à Philippes ; Ac 17,16-34 à Athènes ; Ac 18,1-17 à Corinthe ; Ac 19 à Éphèse.
-
[10]
P. Veyne, L’empire gréco-romain, Paris, Seuil, p. 272.
-
[11]
Sur la renommée de Tarse pour la philosophie, voir Strabon, Géographie, 14,5,13.1-5.
-
[12]
H.-I. Marrou, Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, Paris, Seuil, 1948.
-
[13]
Je l’ai montré en plusieurs contributions sur le sujet : J.-N. Aletti, « Paul et la rhétorique. État de la question et propositions », dans J. Schlosser, (dir.), Paul de Tarse. Congrès de l’ACFEB (Strasbourg, 1995), Paris, Cerf (coll. « Lectio divina », 165), 1996, p. 27-50 ; Id., « La rhétorique paulinienne », dans A. Dettwiler, J.D. Kaestli et D. Marguerat (dir.), Paul, une théologie en construction, Genève, Labor et Fides, 2004, p. 47-66 ; Id., « Rhetoric in the Letters of Paul », dans S. Westerholm (dir.), The Blackwell Companion to Paul, Wiley-Blackwell, 2011, p. 232-247.
-
[14]
Par ex. l’éloge (ἐγκώμιον) de Ph 2,6-11 ; les périautologies (ou éloges de soi) de 2Co 11-13 et Ph 3,4-14 ; l’exemplum de 1Co 9 ; la peroratio de Rm 8,31-39.
-
[15]
Un certain nombre de spécialistes du judaïsme du Second Temple préfèrent l’appellation judéens à celle communément utilisée, juifs. Discuter ici cette question étant exclu, les deux appellatifs seront chaque fois accolés.
-
[16]
Cf. Ac 13,5.14 ; 14,1 ; 15,21 ; 17,10.17 ; 18,4.19.26 ; 19,8.
-
[17]
Les commentaires exégétiques du discours de Paul à Athènes notent que bon nombre de thèmes y sont formulés de manière à être recevables par des platoniciens ou des stoïciens. F. Lestang, Annonce et accueil de l’Évangile, op. cit., p. 142, p. 144-145 et p. 151-153, rappelle très justement qu’en ce passage le Nr décrit Paul sur le modèle de Socrate.
-
[18]
Ibid., p. 160, signale qu’une des raisons pour lesquelles le Nr a choisi l’aréopage d’Athènes comme lieu du discours est le lien entre la situation de Paul annonçant la résurrection de Jésus et le procès d’Oreste pour meurtre de sa mère, tel que les Euménides d’Eschyle le rapportent (vers 647-648 : « Lorsque la poussière a bu le sang d’un homme, s’il est mort, il n’est plus pour lui de résurrection [ἀνάστασις] »).
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[19]
Sur les associations volontaires d’alors, on pourra consulter I. Malkin, C. Constantakopoulou et K. Panagopoulou (dir.), Greek and Roman Networks in the Mediterranea, London- New York, Routledge, 2009. Pour l’accès aux documents, J. S. Kloppenborg et R. S. Ascough, Graeco-Roman Associations. Texts, Translations, and Commentary, vol. I. Attica, Central Greece, Macedonia, Thrace, Berlin- NewYork, de Gruyter (coll. « Beihefte zur Zeitschrift der neutestamentliche Wissenschaft », 181), 2011 ; R. S. Ascough, P. A. Harland, et J. S. Kloppenborg, Associations in the Graeco-Roman World. A Sourcebook, Waco (TX), Baylor University Press, 2012.
-
[20]
Sur les corporations d’artisans, voir C. Feyel, Les artisans dans les sanctuaires grecs aux époques classique et hellénistique, Athènes, École française, 2006.
-
[21]
L’appellatif χριστιανοί donné à la communauté d’Antioche (Ac 11,27 et 26,28) montre par ailleurs que le groupe chrétien fut considéré comme une association. Un certain nombre d’associations se définissaient en effet en relation à leur fondateur.
-
[22]
Jérusalem était toujours la capitale pour ses coreligionnaires, mais pas pour l’administration impériale, qui avait fait de la Césarée Maritime la capitale politique de la province.
-
[23]
Ac 17,22. Comme le soulignent tous les commentateurs, la connotation du substantif (δεισιδαιμoνία) et de l’adjectif (δεισιδαίμων) grecs peut être positive (piété, pieux) ou négative (idolâtrie, idolâtre). À la différence des Athéniens, le lecteur à qui l’on a notifié l’exaspération de Paul sait que la connotation est double. Sur le jugement que certains écrivains, en particulier Plutarque, avaient alors sur la δεισιδαιμoνία, voir le chapitre très suggestif de P. Veyne, « Les problèmes religieux d’un païen intelligent », dans L’empire gréco-romain, op. cit., p. 633-680.
-
[24]
Le discours de Paul a fait l’objet de très nombreuses analyses. Le lecteur francophone pourra consulter avec profit celles de F. Lestang, « À la louange du Dieu inconnu. Analyse rhétorique de Ac 17.22-31 », New Testament Studies 52, 2006, p. 394-408 ; Id., Annonce et accueil de l’Évangile, op. cit., p. 153-161.
-
[25]
Ce qui a fait dire à P. Veyne, L’empire gréco-romain, op. cit., p. 473 : « Les dieux du paganisme n’étaient pas des dieux jaloux ». Affirmation quelque peu optimiste ! Quelques pages avant cet énoncé, il avait déjà observé : « Même un Eschyle n’oserait pas imposer une religion d’État, car la religion de la cité n’en était pas une ; un Athénien n’était pas tenu d’adorer Athéna et de n’adorer qu’elle ; la cité s’en chargeait » (p. 464).
-
[26]
Sur le sujet, voir P. Veyne, « Païens et charité chrétienne devant les gladiateurs », dans L’empire gréco-romain, op. cit., ch. 9, p. 545-631.
-
[27]
En grec, citoyen romain se dit ῾Ρωμαῖος (cf. par ex. Ac 16,21.37-39 ; 22,25-27.29).
-
[28]
Cela dit, avec C. Nicolet, il faut reconnaître que « ‘Le’ citoyen romain n’existe pas, ou se réduit à une épure sans épaisseur. Il n’y a que des citoyens, qui sont aussi des propriétaires, des producteurs, des Romains de Rome ou des montagnards des Apennins, des descendants d’un consul ou de nouveaux affranchis. Il est évident que, si puissant que soit ou qu’ait voulu être le melting pot de la citoyenneté romaine, ils n’en abordaient pas l’exercice de la même manière ». C. Nicolet, Le métier de citoyen dans la Rome républicaine, Paris, Gallimard 1976, p. 18.
-
[29]
Dans l’empire romain, les pérégrins sont des hommes libres, habitant les provinces conquises par Rome, ne disposant ni de la citoyenneté romaine, ni du statut juridique des Latins. Si l’empire respecte leurs institutions antérieures, les pérégrins ont un statut juridique (civil et pénal) inférieur à celui des citoyens. L’équivalent grec du pérégrin est le métèque (μέτοικος). Sur le sujet, voir Ph. Gauthier, Symbola. Les étrangers et la justice dans les cités grecques, Nancy, Université de Nancy, 1972.
-
[30]
Droit de faire appel lorsqu’on estime mauvaise une décision de justice.
-
[31]
J. Scheid, « Politique et religion dans la Rome antique », op. cit., p. 5.
-
[32]
Rappelons que l’expression « à Éphèse », en Ep 1,1, ne se trouve pas en des manuscrits fiables. Quoi qu’il en soit, cette ville était aussi fameuse, et pas seulement pour son culte à Artémis.
-
[33]
Dans les Protopauliniennes, les substantifs πόλις et πολίτευμα, respectivement en Rm 16,23 ; 2Co 11,26.32 et Ph 3,20 ; le verbe πολιτεύομαι en Ph 1,27. Dans les Deutéropauliniennes, πολιτεία en Ep 2,12 et συμπολῖται en Ep 2,19. Dans les Pastorales, une seule occurrence, en Tt 1,5 : Tite chargé d’établir des anciens κατὰ πόλιν.
-
[34]
Les édiles et magistrats étaient tous des hommes et des notables.
-
[35]
P. Veyne, L’empire gréco-romain, op. cit., p. 80.
-
[36]
Ibid, p. 84.
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[37]
Voir, à propos du rapport des citoyens à leur cité au temps des grecs et des romains, la réflexion de P. Veyne : « La cité, assurément, a autorité sur tous les citoyens, qui lui doivent tout », ibid., p. 469 (je souligne).
-
[38]
G. Zerbe, « Citizenship and Politics according to Philippians », Direction 38, 2009, p. 193-208. Sur le sujet, on pourra aussi consulter sa monographie Citizenship. Paul on Peace and Politics, Winnipeg, CMU Press, 2012.
-
[39]
Voici les occurrences : Rm 6,4 ; 8,4 ; 13,13 ; 14,15 ; 1Co 3,3 ; 7,17 ; 2Co 4,2 ; 5,7 ; 10,2.3 ; 12,18 ; Ga 5,16 ; Ep 2,2.10 ; 4,1, 17 ; 5,2.8.15 ; Ph 3,17.18 ; Col 1,10 ; 2,6 ; 3,7 ; 4,5 ; 1Th 2,12 ; 4,1.12 ; 2Th 3,6.11.
-
[40]
J.-N. Aletti, « La soumission des chrétiens aux autorités en Rm 13,1-7. Validité des arguments pauliniens ? » Biblica 89, 2008, p. 457-476.
-
[41]
E. Mary Smallwood, The Jews Under Roman Rule. From Pompey to Diocletian, Leiden, Brill 1976, p. 225 (je souligne).
-
[42]
P. A. Harland, Dynamics of Identity in the World of Early Christians, T&T Clark, 2009, p. 42 (je souligne). Cet auteur se situe dans la ligne des travaux de C. Zuckerman, « Hellenistic Politeuma and the Jews : A Reconsideration », Scripta Classica Israelica 8/9, 1988, p. 171-185, et G. Lüderitz « What is the Politeuma », dans J. W. Van Henten et P.W. Van der Horst (dir.), Studies in Early Jewish Epigraphy, Leiden, Brill, 1994, p. 183-225. Concernant Ph 3,20, je me permets de renvoyer à mon commentaire sur la lettre aux Philippiens, J.-N. Aletti, Saint Paul. Lettre aux Philippiens, Paris, Gabalda (coll. « Études Bibliques », NS 55), 2005, p. 272-279.
-
[43]
Il s’agit évidemment des associations volontaires et privées. Sur les associations et corporations de l’époque, les études sont légion. Le lecteur moins informé sur le sujet peut lire P.A. Harland, Associations, Synagogues, and Congregations. Claiming a Place in Ancient Mediterranean Society, Minneapolis, Fortress, 2003, et R. S. Ascough, P. A. Harland, J. S. Kloppenborg, Associations in the Graeco-Roman World : A Sourcebook, op. cit. Et sur les communautés de Macédoine : R.S. Ascough, « The Thessalonian Christian Community as a Professional Voluntary Association » Journal of Biblical Literature 19, 2000, p. 311-328 ; Id., « Voluntary Associations and the Formation of Pauline Churches : Addressing the Objections », dans A. Gutsfeld et D.-A. Koch (dir.), Vereine, Synagogen und Gemeinden im kaiserzeitlichen Kleinasien, Tübingen, Mohr Siebeck (coll. « Studien und Texte zu Antike und Christentum », 25), 2006, p. 149-183. Pour Harland et d’autres, πολίτευμα équivaut à organic body expression plutôt pléonastique.
-
[44]
Les outsiders d’Antioche de Syrie ont eu la même impression, lorsqu’ils ont nommé la communauté locale christianoi (Ac 11,26), qui est une désignation associative. Voir aussi la réaction d’Agrippa en Ac 26,26.
-
[45]
Le Paul des Deutéropauliniennes procède semblablement en reprenant le même vocabulaire.
1 Pour savoir quel fut le rôle joué par la ville – en grec, πόλις – dans la mission de Paul, il vaut mieux consulter le livre des Actes, où de très nombreuses villes sont mentionnées, alors que les lettres attribuées à l’apôtre en parlent peu – principalement dans le salut initial [1]. Il faudra également voir si les villes où les Actes disent que Paul est passé et a demeuré, ont favorisé ou, au contraire, contrarié l’annonce et la croissance de l’Évangile, et pour quelles raisons.
2 Cet essai n’est ni le seul ni le premier à aborder cette problématique. Dès le début du xx e siècle, en effet, et en une monographie qui eut un franc succès [2], W.R. Ramsay, s’était proposé de fournir des réponses. Les données archéologiques et épigraphiques ayant permis à l’exégèse de faire des progrès, au moins d’éviter des contresens, il est désormais possible de revisiter le récit des Actes et les lettres de l’apôtre pour reformuler les questions et fournir des réponses, espérons-le, plus fiables.
Préalables méthodologiques
3 On sait que l’historiographie de l’auteur des Actes, qu’avec les commentateurs nous appellerons Luc, a été l’objet d’appréciations diverses. Si au cours des deux derniers siècles elle fut discréditée, elle a depuis deux ou trois décennies retrouvé grâce aux yeux des historiens. Il est impossible de savoir si tous les faits présentés par le narrateur (désormais Nr) du livre se sont déroulés comme il le dit, on peut seulement arriver à la conclusion que, même embellis et/ou modifiés pour des raisons théologiques, ils restent plausibles, car ils correspondent à ce que l’on sait par ailleurs sur les villes et leurs édiles, sur les communautés juives, sur les corporations et réseaux professionnels de l’époque. Dans l’ensemble, nous ferons donc confiance au Nr d’Ac.
4 Sans doute est-il aussi important de bien s’entendre sur ce que représentait la πόλις pour les Grecs et les Romains. Pour les premiers, la ville n’est pas seulement un territoire où la densité humaine est plus forte [3], mais un organisme vivant, collectif, dont les membres ont une même histoire et la même divinité protectrice. L’ἀνὴρ πολιτικός (expression utilisée à partir du v e av. J.-C.) « est un homme qui a le sens de la collectivité, de la vie en cité » [4]. Quel que soit le régime politique, la πόλις a une telle influence sur ses habitants que le Grec se définit avant tout comme un citoyen. Si les Romains ont reconnu avec les Grecs l’importance de la πόλις, et si, pour eux, l’empire reste une fédération de cités [5], leur tendance, à partir d’Auguste, a été de romaniser progressivement la plupart des cités en en faisant des colonies. Si la Grèce perdit sa souveraineté en partie à cause des luttes entre πόλεις, tout l’effort de Rome fut de promouvoir la paix et la concorde. Le livre des Actes reflète cette situation : il n’y est pas fait mention de guerres ou de litiges entre les villes de l’empire où Paul passe et, en chacune, les magistrats romains semblent jouir d’une réelle autorité.
Les villes et la mission de Paul
5 Si, en prenant pour cadre les trois voyages missionnaires narrés par les Actes, on relève les lieux successifs où Paul annonça l’Évangile, le nombre des villes ne peut manquer de frapper même le lecteur inattentif [6] :
- Damas (Ac 9,10-27)
- 1er voyage (46-48 Ac 13,2 à 14,28) = départ d’Antioche de Syrie (Ac 11,26), Salamine (13,5), Paphos (sud de Chypre ; Ac 13,6-12), Pergé (Ac 13,13), Antioche de Pisidie (Ac 13,14-50 – colonie romaine en 19 av. J.-C. par Octave, le futur Auguste), Iconium (colonie sous Claude, dont elle prit le nom, Claudiconium ; Ac 13,51-14,1-5), Lystre (Ac 14,6-21), Derbé (Ac 14,6-7 ; 14,20-21), Pergé (Ac 14,25), Attalia (Ac 14,25) et de nouveau Antioche de Syrie (Ac 14,26)
- Antioche de Syrie (Ac 14,28 ; 15,1-3)
- 2e voyage (50-52 Ac 15,40 à 18,22) [7] = départ d’Antioche de Syrie (15,35), Derbé (Ac 16,1), Lystre (Ac 16,1-3), Troas (Ac 16,8-10), Samothrace et Neapolis (Ac 16,11), Philippes [8] (Ac 16,12-40 – colonie sous Auguste), Amphipolis et Apollonie (de Macédoine Ac 17,1), Thessalonique (Ac 17,1-10 – capitale de la Macédoine), Bérée (Ac 17,10-13), Athènes (Ac 17,16-34), Corinthe (Ac 18,1-18a – colonie sous César), Éphèse (Ac 18,19), Césarée (Maritime ; Ac 18,22 – centre administratif de la province de Judée-Samarie) et Antioche de Syrie (Ac 18,22)
- 3e voyage (54-58 ; Ac 18,23 à 21,17) = départ d’Antioche (Ac 18,23), Éphèse (Ac 19,1-40), la Macédoine puis la Grèce, et retour vers l’Asie, Troas (Ac 20,6-12), Assos (Ac 20,13-14), Milet (Ac 20,15-38), Tyr (Ac 21,3c-6), Ptolemais (Ac 21,7), Césarée (Maritime ; Ac 21,8-15) et Jérusalem (Ac 21,17)
- Rome (Ac 28,16-31)
6 Si le nombre des villes souligne déjà la diffusion de l’Évangile, il est plus intéressant de noter que les seuls épisodes développés se déroulent toujours dans des villes [9]. Le Nr, il est vrai, signale plusieurs fois que Paul et ses compagnons traversent des provinces romaines, mais il le dit en très peu de mots, comme s’il n’y avait aucun événement spécial à retenir :
7 Ac 13,6 « Après avoir traversé toute l’île [= Chypre] »
8 Ac 13,14 « Quittant Pergé, ils poursuivirent leur route et arrivèrent à Antioche de Pisidie »
9 Ac 15,1 « Passant par la Phénicie et la Samarie »
10 Ac 18,23 Paul « parcourut successivement la région galate et la Phrygie, affermissant tous les disciples »
11 Ac 19,1 « Paul arriva à Éphèse en passant par le haut pays »
12 Ac 19,21 « Paul décida de se rendre à Jérusalem en passant par la Macédoine et l’Achaïe »
13 Ac 20,1-3a Paul « prit la route de la Macédoine. Après avoir traversé ces régions et y avoir encouragé longuement les frères, il parvint en Grèce, où il passa trois mois »
14 Ac 20,3 « il décida de repasser par la Macédoine »
La ville comme opportunité pour l’annonce de l’Évangile
Ville et langue grecque
15 En ces régions et provinces, Paul s’est-il ou non arrêté dans les villages pour y annoncer la Bonne Nouvelle ? La réponse est probablement négative, car il devait s’adresser à ses auditeurs en grec, et le grec n’était parlé que dans les villes, là où l’hellénisation était réelle – où il y avait donc des écoles et des gymnases. Comme le signale P. Veyne, dans les espaces ruraux adjacents et dépendants des villes, « on ne savait pas le grec… Car l’hellénisation signifiait beaucoup plus pour l’habitant des villes que pour celui des campagnes » [10]. Il se peut que les habitants de Lystre aient compris le discours de Paul, leur réaction est néanmoins formulée en lycaonien (Ac 14,11). S’il en est ainsi dans une ville de moyenne importance, il doit en être a fortiori de même dans les campagnes. Le premier avantage des villes pour l’évangélisation fut qu’on y parlait le grec. N’oublions pas que si Paul a pu évangéliser Philippes, une colonie romaine, c’est parce qu’on y parlait cette langue (plus que le latin).
16 C’est d’ailleurs dans une ville connue pour ses écoles de rhétorique et de philosophie, Tarse [11], que Paul s’initia au grec et à la culture qu’il véhiculait. Parce qu’il avait été pharisien, un certain nombre d’exégètes ont pensé qu’il n’avait pu suivre le cursus des écoles grecques décrit par Marrou dans la première partie de sa monographie sur le sujet [12]. Les études de la rhétorique des lettres de l’apôtre ont montré ce qu’un tel refus avait d’apriorique. Car en ses lettres, l’apôtre fait montre d’une assez bonne connaissance des techniques et des genres rhétoriques [13]. Certains passages sont même des chefs d’œuvre [14]. Bref, les faits parlent d’eux-mêmes et ce serait manquer de culture que de les ignorer, voire de les nier.
Ville et sécurité
17 Par la présence de garnisons et d’escortes accompagnant les magistrats locaux, les villes fournissaient également une sécurité absente des campagnes, souvent pillées ou dévastées par les bandits. Les communautés chrétiennes, de nature pacifique et dont la plupart n’atteignaient pas les cent membres, ne pouvaient survivre que là où les périls et les dangers mortels étaient absents. Certes, il y eut, si l’on en croit les Actes, des juifs/judéens [15] assez zélés pour harasser les églises locales et tenter de les chasser, mais, en signalant la vigueur et la croissance de ces dernières, le Nr semble vouloir souligner qu’elles purent vivre pacifiquement, trouvant d’ailleurs auprès des autorités romaines une protection contre les réactions agressives des juifs/judéens. N’oublions pas que ces mêmes autorités ont permis au Paul des Actes d’échapper plusieurs fois aux menaces et complots de ses coreligionnaires. La description positive que l’apôtre fait des autorités politiques romaines en Rm 13,1-7 reflète à n’en pas douter une situation où les chrétiens peuvent encore vivre leur foi sans être inquiétés. Nous reviendrons sur l’appellatif Χριστιανοί d’Ac 11,26. La sécurité et l’ordre qu’on rencontrait dans les villes a ainsi permis aux communautés chrétiennes de naître, de grandir, de survivre.
Villes et synagogues
18 Que les juifs/judéens cherchent à nuire à Paul en toutes les villes où il séjourne, ne l’empêche paradoxalement pas d’aller chaque fois à la synagogue locale pour annoncer l’Évangile. Pourquoi donc ? Lorsqu’il arrive dans une ville où il ne connaît personne, que fait le voyageur de l’époque ? Il se renseigne pour savoir s’il y a des gens originaires de sa contrée, de sa race, de sa religion ou de son métier. C’est ainsi que se comporte Paul en toutes les villes d’Asie Mineure et de Grèce où il arrive. Il s’enquiert de l’existence d’une communauté juive/judéenne et prend contact avec elle, collectivement, le jour du sabbat. Le scénario est chaque fois le même, comme l’indique de façon récurrente le Nr [16]. Parce qu’elles abritent des juifs/judéens, les villes ont ainsi permis à Paul de trouver en ces résidents les premiers destinataires de l’Évangile. Ces coreligionnaires connaissaient en effet les prophéties et espéraient la réalisation des promesses. Le discours que Paul fit à Antioche de Pisidie (Ac 13), reflète très certainement le schéma utilisé et amplifié en chaque ville et en chaque synagogue par l’apôtre pour situer et développer sa catéchèse en réponse à leurs attentes.
19 Parce que les villes d’Asie Mineure et de Grèce permettaient aux juifs/judéens de résider et pratiquer leur religion, Paul a pu chaque fois commencer par s’adresser à ses coreligionnaires pour annoncer l’Évangile en espérant qu’ils réagiraient positivement.
Villes et places publiques
20 En chaque ville il n’y avait pas seulement une ou des synagogues, il y avait aussi une place publique, l’agora, où avaient lieu les échanges mercantiles, les réunions politiques, et où les orateurs itinérants, philosophes et rhétoriciens, s’adressaient aux foules. Ac 17,17 montre que Paul a également utilisé ce lieu pour délivrer son message évangélique aux non juifs/judéens. En chaque ville, il contacte d’abord les juifs/judéens, mais il n’oublie pas les autres et s’adresse à eux à la manière des orateurs itinérants. Les villes fournissent donc à Paul une double opportunité, celle d’une annonce ad intra (aux juifs/judéens) et ad extra (aux païens).
21 Lieu de débat, de confrontation des idées, l’agora est ouverte à tous ; c’est de ce fait un lieu où l’Évangile se présente comme une voie vers la sagesse, un parcours dont on peut discuter et qu’on peut entreprendre [17]. Le livre des Actes narre pour la première fois en Ac 17 un discours sur l’agora, lorsque Paul se trouve à Athènes, mais cela ne signifie aucunement qu’il n’en fut pas ainsi dans toutes les villes où l’apôtre est auparavant passé. Si le Nr a choisi Athènes, c’est pour ce que représente la ville, culturellement et religieusement [18]. En allant dans les lieux publics, Paul a compris que l’Évangile devait passer la frontière du privé pour affronter les grandes idées de l’époque sur l’homme, l’univers et Dieu. En parcourant l’agora, l’apôtre montre qu’il n’a pas peur de dialoguer avec les hommes de son époque et que le christianisme n’est pas un système conceptuel et éthique parmi d’autres, mais qu’il a pour fin de purifier et convertir ce qui dans les systèmes de pensée va contre l’homme et sa dignité.
Villes et associations
22 Les deux lieux de rencontre qui viennent d’être mentionnés et n’existent que dans les villes, à savoir les communautés juives et l’agora, ne sont pas les seuls. Plusieurs passages des Actes, entre autres sa rencontre avec Aquila et Priscille (Ac 18,2-3), montrent indirectement que Paul a également pu annoncer l’Évangile en s’appuyant sur les associations professionnelles.
23 On sait qu’au i er siècle de notre ère les associations et corporations foisonnèrent – sous la surveillance des pouvoirs publics, lesquels veillaient, au besoin en les supprimant, à ce qu’elles ne troublent pas l’ordre social [19]. En moyenne, ces associations comprenaient de 20 à 100 membres, et l’on voit immédiatement que cela n’était pas possible dans les petits villages, où l’on n’aurait pu trouver autant de potiers, médecins, cuisiniers, teinturiers, cordonniers, armuriers, serruriers, forgerons, orfèvres, fabricants de tentes, etc., mais seulement là où la population était plus dense [20]. Que les Actes mentionnent des corporations, celle des orfèvres au ch. 19 le prouve amplement. Mais il est aussi probable que le groupe de femmes juives en Ac 16,13 soit une association (de prière). À partir de ce que dit Ac 18 sur la rencontre de Paul et d’Aquilas, n’est-il pas possible de retracer le parcours de l’annonce évangélique ? D’autres juifs, à l’exemple d’Aquilas et Priscille, et d’autres païens, comme Denys et Damaris (Ac 17,34), ayant adhéré à l’Évangile, ont pu à leur tour l’annoncer aux membres de leur association volontaire. Bref, les réseaux, essentiellement présents et développés dans les villes, furent un atout supplémentaire utilisé par Paul au cours de ses pérégrinations [21].
La ville de Rome et l’Évangile
24 Pour tous les habitants de l’empire au i er siècle, au moins ceux des villes, Rome, haïe ou aimée, est certes la ville de l’empereur, la détentrice du pouvoir et le moteur de l’unité, mais aussi la ville dont beaucoup veulent être les citoyens. La citoyenneté romaine était un privilège envié, signe du lustre et du renom de cette ville, qui est la première et la plus grande.
25 Parce que citoyen romain, Paul a voulu y aller pour être jugé par l’empereur, mais sans doute aussi parce qu’espérant être reconnu non coupable, il pensait prolonger sa mission parmi les nations païennes en sillonnant l’Espagne. Capitale de l’écoumène, Rome représente pour lui la dimension universelle de l’Évangile et il la voit comme un tremplin qui lui ouvrira les portes de l’Occident. On peut même dire qu’en quittant Jérusalem d’où il est chassé, en allant vers Rome, Paul relativise l’importance religieuse – en particulier le Temple – de la capitale de la Judée [22], qu’il ne voit plus comme le centre spirituel des Églises. Ce sont les membres de l’Église qui sont désormais le Temple Saint de Dieu (1Co 3), et Christ est partout où ils vont.
26 Tels sont les bénéfices les plus évidents que l’Évangile a tirés de son annonce dans les πόλεις de l’empire gréco-romain. Mais ces mêmes πόλεις ont aussi lancé de terribles défis à Paul et aux autres missionnaires.
La ville et les défis qu’y rencontra Paul
Ville et idolâtrie
27 Le lecteur non compétent se demandera certainement pourquoi Paul s’est aperçu si tard, à Athènes, de la multiplicité des dieux vénérés par les grecs, alors qu’il a déjà traversé tant de villes. En réalité, il n’a certainement pas attendu Athènes pour être exaspéré par le polythéisme des villes où il exerça son ministère. C’est parce que le Nr a fait du discours d’Athènes le parangon des précédents et des suivants qu’il signale cette réaction seulement à ce moment-là. C’était à Athènes et pas ailleurs qu’il fallait décrire la manière dont l’apôtre des païens dialoguait – comme il le faisait en chaque ville – avec la religiosité et les théogonies des grecs.
28 On aura noté que le discours ne laisse rien voir de l’exaspération de l’apôtre. Dans une introduction qui lui sert de captatio benevolentiae, il félicite au contraire ses auditeurs pour leur religiosité [23] et poursuit en dissertant sur la providence divine, telle que la voyaient principalement les stoïciens [24]. Il n’oppose pas le polythéisme des masses à la philosophie des élites, plus proche du monothéisme juif/judéen, il ne vilipende pas ses auditeurs en les accusant d’erreur grossière. Bien au contraire, son discours entre en dialogue avec leur culture et leur religiosité. C’est une nouvelle manière de faire qui nous est ici décrite, et l’on peut déjà percevoir le défi auquel l’apôtre veut répondre, celui de dialoguer avec une culture qui avait une très haute opinion d’elle-même et n’était pas du tout prête à entendre parler de messie, de résurrection, ni surtout d’un Dieu qui, à la différence des dieux grecs et romains, refuse qu’on puisse en adorer d’autres [25].
29 En donnant la priorité à la ville, la mission chrétienne a ainsi choisi de dialoguer avec le polythéisme ambiant et le genre de vie qu’il véhiculait. Vaste et durable confrontation !
Ville et gladiature
30 C’est aussi dans les grandes villes que se tenaient les jeux du cirque, d’une cruauté atroce, mais dont les contemporains de Paul raffolaient. Si certains protestaient contre le supplice des innocents, la mort des gladiateurs était plutôt perçue comme le signe d’un grand courage. Au demeurant, les empereurs chrétiens ne supprimèrent pas le massacre des prisonniers de guerre barbares… Il est en tout cas étonnant de voir que Paul ne parle aucunement de cet engouement déjà très partagé de son temps. Que pensait-il des jeux et de leur violence ? Un seul verset, 1Co 15,32, pourrait les évoquer ; que le propos de l’apôtre soit ou non figuré, l’allusion aux arènes est manifeste, mais elle est brève et unique [26].
Ville et recherche des honneurs
31 Les spécialistes de l’histoire ancienne insistent de plus en plus sur le fait que l’hégémonie romaine ne repose pas sur une démocratie restrictive, mais sur l’honneur et le respect qu’inspire le titre de citoyen. La citoyenneté n’est d’ailleurs pas le seul honneur alors recherché. L’évergétisme, le clientélisme, le patronage, la course aux magistratures… tout est moyen et occasion pour recevoir honneur et considération. Les cités regorgent des dons reçus de leurs bienfaiteurs, lesquels ont droit à des statues, des stèles, des inscriptions, etc. où sont consignés remerciements et louanges. On peut ainsi deviner combien il fut difficile à Paul et aux hérauts de l’Évangile de demander à leurs auditeurs de se conformer à l’attitude du Christ (Ph 2,6-11), de se faire le dernier et le serviteur de tous… Sans doute ce défi fut le plus grand lancé par les cités d’alors à l’annonce évangélique.
Cité et citoyenneté romaine
32 Le prestige qui faisait rêver bien des habitants des villes de l’empire était celui conféré par la citoyenneté romaine [27], car il garantissait la libertas et la pleine capacité juridique, en particulier judiciaire [28]. Qu’il habite ou non la capitale, le ῾Ρωμαῖος est inscrit dans l’une des trente-cinq tribus romaines.
33 Les Actes montrent combien il était souvent utile d’être citoyen romain. En Ac 16, les magistrats de Philippes qui ont fait battre Paul sont plus qu’ennuyés, effrayés, lorsqu’ils apprennent qu’il est citoyen romain et non pérégrin [29]. De même, alors qu’il est arrêté à Jérusalem et que le centurion veut le faire fouetter, Paul argue de sa citoyenneté romaine pour ne pas l’être (Ac 22,24-28). C’est en vertu du jus provocationis [30] réservé aux citoyens romains qu’il en appelle à César et va pouvoir être jugé à Rome. Ce qui fait dire à un spécialiste de l’histoire ancienne : « Le fait est là : les dieux doivent respecter le pacte social de la cité – personne ne peut y châtier ou maltraiter un citoyen sans jugement. Un citoyen romain ne pouvait être humilié par quiconque, fût-il Jupiter » [31].
34 Si le livre des Actes insiste sur sa dignité de ῾Ρωμαῖος, à aucun moment Paul n’en dit mot dans ses lettres. Pour cette raison et pour d’autres – le fait qu’il avoue avoir subi des châtiments corporels (2Co 11,23-25) de la part des autorité juives, alors qu’il leur était défendu d’administrer de tels châtiments à un citoyen romain –, on a pensé que le récit d’Actes se trompait. Les historiens sont aujourd’hui moins pessimistes sur l’historiographie lucanienne. Mais, qu’il ait ou non été ῾Ρωμαῖος, l’important est de voir la place qu’il donne à la cité et à la citoyenneté en ses lettres. Car, si la πόλις, en particulier Rome, a un tel pouvoir d’attraction sur ses contemporains, cela transparaît-il en ses réflexions et exhortations ?
La ville dans les lettres de Saint Paul
35 Commençons par noter que les chrétiens auxquels Paul s’adresse habitent pour la plupart en de grandes villes. Thessalonique est la capitale de la Macédoine, Corinthe de l’Achaïe, Rome de tout l’écoumène, et si Philippes n’en est pas une, elle est une colonie romaine de renom [32]. Cela ne devrait pas nous étonner. Où, en effet, trouver des croyants capables de lire et de comprendre le grec, la rhétorique, les argumentations subtiles de l’apôtre, sinon dans les villes ?
36 Cela dit, en ces lettres, le vocabulaire afférent à la ville est très rare [33]. Lorsqu’une ville est mentionnée au cours d’un développement, comme Antioche en Ga 1,17 ou Damas en 2Co 11,32, c’est que Paul y est passé et relate un événement concernant son ministère. Bref, si l’on excepte deux occurrences en Philippiens et deux en Éphésiens, le vocabulaire afférent à la ville est quasiment inexistant. Pour Paul, la relation des croyants à leur ville ne compte-t-elle donc pas ?
Ville et question identitaire
37 Commençons par voir si, pour l’apôtre, l’organisation et/ou la stratification de la πόλις peut servir de modèle ecclésial.
38 Dans les cités du i er siècle vivaient trois catégories de personnes – libres [34], affranchis et esclaves. Même si les esclaves étaient chargés du travail manuel, essentiel pour la survie de la ville, ils n’étaient pas comptés comme citoyens, car ces derniers, pérégrins ou romains, étaient libres. Si l’on en croit un spécialiste du monde gréco-romain, « une démocratie antique commençait par se demander qui elle allait prendre ou refuser pour bâtir une cité ; elle ne prenait évidemment pas les esclaves et seule Athènes allait jusqu’à prendre aussi les pauvres pour en faire des citoyens » [35].
39 C’est donc à la population libre de défendre sa ville, de veiller à son unité, d’œuvrer à son expansion et à sa renommée. « Une cité antique n’est pas composée d’une population, avec ses dirigeants, d’une société civile qui serait gouvernée comme étant distincte de l’État : elle est formée par sa population même, avec sa vie économique et sociale, mais seulement dans la mesure où tout ou partie de cette population libre est requise de militer dans une institution qui s’élève parmi elle et qui est la cité. Gouvernés et pouvoirs publics se distinguent mal : tout le monde prend part à la manœuvre » [36].
40 Si chaque ville a une divinité protectrice qu’il faut vénérer, on peut se demander si le chrétien, qui ne peut participer au culte idolâtre, est néanmoins considéré comme un bon citoyen ? Certes, civisme et piété vont en général ensemble à cette époque, mais il y a des exceptions – les communautés juives sont dispensées d’offrir aux dieux, et le mouvement chrétien est encore considéré comme rattaché au judaïsme. Une deuxième caractéristique de la ville semble malgré tout plus dirimante : si pour en être le citoyen il faut être un homme libre, on voit mal comment Paul pourrait faire de la πόλις un modèle ecclésial, car les chrétiens δοῦλοι ne peuvent être citoyens. Or, en Ga 3,28 et Col 3,11, il souligne que pour celles et ceux qui sont en Christ, les différences religieuses, sociales et sexuelles ne sont pas des absolus, que l’identité chrétienne est première, absolue même, trans-ethnique, et couvre toutes les autres, parce qu’elle leur est supérieure. En Christ, l’esclave a la même identité et donc la même dignité que l’homme libre ! On voit dès lors mal comment la cité serait tout pour le chrétien et comment Paul pourrait en faire un référent absolu [37]. Enfin, si le citoyen doit militer pour sa ville et se mettre à son service, pour Paul, c’est au service du corps ecclésial que doit œuvrer le chrétien, esclave et homme libre, homme et femme, d’origine juive ou non (1Co 12).
Les chrétiens, malgré tout bon citoyens ?
41 Que la ville ne soit pas un absolu n’empêche cependant pas le chrétien de se comporter comme s’il avait le rang d’un citoyen, de s’intéresser au sort de la cité dont il est l’hôte, bref à vivre comme un citoyen sans en avoir l’identité ni les mœurs. C’est ainsi qu’on a interprété Ph 1,27 : « Practice your citizenship in a manner worthy of the good tidings of the Messiah » [38]. Si Paul a utilisé ce verbe, c’est parce que Philippes était une colonie romaine et que les membres de la communauté chrétienne locale étaient tous des citoyens, qui plus est romains (et pas seulement pérégrins), ἐλεύθεροι de statut. Jamais il n’emploie ailleurs πολιτεύεσθαι dans les exhortations, mais un verbe ayant le même sens et ne connotant aucun statut socio-politique, περιπατεῖν [39]. Rappelons en passant aux historiens tentés en Ph 1,27 de préférer le sens spécifique (« vivre en citoyen ») au sens générique (« se conduire »), que le contexte ne donne aucun indice allant dans ce sens : Paul ne demande pas aux croyants de Philippes de vivre en bons citoyens, de défendre leur citoyenneté, mais de se comporter en chrétiens et de lutter pour faire honneur à cette identité.
42 Cela dit, il faut admettre que, sans utiliser un vocabulaire de la citoyenneté, en Rm 13,1-7, Paul exhorte les chrétiens de Rome à se soumettre en conscience aux autorités politiques de la ville et de l’empire. Ayant déjà longuement analysé ce passage difficile, nous n’en ferons ici qu’un bref commentaire [40]. En cette argumentation, Paul invite les chrétiens à montrer respect et honneur aux autorités, bref, à faire que leur agir ne soit pas seulement extérieurement conforme aux décrets impériaux, mais vienne d’une soumission en conscience. Non qu’il demande d’avaler et de bénir toutes les décisions des autorités, mais de montrer que le groupe chrétien, loin d’œuvrer à la dissolution sociale, veut faire advenir la concorde et la paix. La soumission aux autorités politiques (Rm 13,1-7) fonctionne comme une application exemplaire du vivre-en-paix. Ne mentionnant pas Rome, pas davantage l’empire romain et le voyage missionnaire de Paul en Espagne, l’argumentation ne répond pas d’abord et seulement aux situations des chrétiens de Rome et de Paul. Les propos du passage visent l’universalité dans l’espace et le temps.
43 La visée de Rm 13,1-7 n’est ni d’élaborer une doctrine politique, ni de fonder la légitimité du pouvoir politique, ni de théoriser le rapport des croyants à l’État, ou encore de proposer aux chrétiens de prendre part activement à la vie politique. Elle est plus modeste mais non moins exigeante : donner à entendre que si les chrétiens sont effectivement dans le monde et l’histoire, la motivation de leur agir est en définitive l’agapè et que cette dernière doit leur faire dépasser la peur, même et surtout devant des autorités politiques ayant pouvoir de vie et de mort. Paul ne demande pas aux chrétiens d’être de bons citoyens mais d’être ce qu’ils sont, des chrétiens animés par l’agapè et porteurs de paix. Bref, c’est l’identité chrétienne qui doit animer le comportement des croyants et leur donner d’avoir des relations justes avec tous, ad intra et ad extra.
Les données de Ph 3,20 et leur interprétation
44 Comme tous les hapax legomena pauliniens, le substantif πολίτευμα a donné du fil à retordre aux historiens et aux commentateurs de la lettre aux Philippiens. Bien des traductions – du moins les françaises – ont rendu le vocable comme s’il équivalait à πόλις, mais les études récentes ont avec raison montré que cette lecture était erronée et que πολίτευμα désigne un groupe. Mais de quelle nature ? Deux interprétations divergentes sont aujourd’hui les plus en vogue. Une première, principalement diffusée par E.M. Smallwood, voit le πολίτευμα comme « a recognized, formally constituted corporation of aliens enjoying the right of domicile in a foreign city and forming a separate, semiautonomous civic body, a city within the city… It had to be officially authorized by the local ruler or civic body, presumably by a written charter » [41]. Et une deuxième, qui semble prévaloir, pour laquelle, le terme est « a synonym for “synod” and related terms for an association, not a “public” institution… So smaller gatherings of Judean groups in the diaspora could be viewed as synods, societies, and synagogues, and their members could communicate their own internal identifications drawing on the model of the association. It is not surprising, therefore, to find a similar situation in the case of Jesus-followers, who, at least in some cases, could be viewed by outsiders as obscure groups with Judean cultural connections. » [42] Bref, le choix est entre civic body et association [43]. On pourrait objecter que, si Paul avait voulu dire que la communauté chrétienne est une association, il aurait choisi des termes désignant plus fréquemment ces groupements – θίασος, ἑταιρεία, etc. Mais les historiens ont montré qu’il n’y avait pas de vocable fixe et unique pour désigner les groupes associatifs, qu’il y en avait bien plutôt de très nombreux – πολίτευμα en faisait d’ailleurs partie. Quant aux exégètes de Ph 3,20, ils sont dans l’ensemble aujourd’hui plus favorables à cette lecture associative, car Paul y décrit la communauté en relation au Christ, à la manière des associations qui se définissaient en référence à leur fondateur ou à leur divinité protectrice. À ce propos, le verset et le passage sont en conformité avec l’usage des autres lettres de Paul, où la métaphore ecclésiologique principale, celle de corps, a pour référent le Christ [44].
45 Nous pouvons ainsi conclure. Si en Philippiens Paul utilise deux vocables étymologiquement rattachés à πόλις, ce n’est ni parce qu’il découvrirait enfin l’importance de la ville pour les chrétiens de Macédoine et d’ailleurs, ni parce qu’il proposerait la πόλις comme modèle ecclésiologique, mais parce que ce vocabulaire, connu des chrétiens colons de Philippes, peut trouver une application dans leur vie et leur manière de se comprendre. Si dans la lettre aux Philippiens la πόλις n’est pas un modèle ecclésiologique, elle fournit néanmoins, comme la réalité quotidienne dans les paraboles de Jésus, des images susceptibles d’éveiller les chrétiens au mystère de leur condition [45]…
Conclusion
46 Le rapide tour d’horizon que nous avons fait dans le livre des Actes et dans les lettres pauliniennes a montré l’importance de la ville dans la stratégie missionnaire de l’apôtre. La ville fut pour lui à la fois un kairos et un défi. Il suffit de comparer les lettres de l’apôtre avec les évangiles pour voir que la Bonne Nouvelle d’abord annoncée à des paysans le fut ensuite à des citadins. La ville n’a toutefois pas décisivement influencé la structuration de la théologie paulinienne. Nous avons essayé de montrer pourquoi le lecteur ne doit pas s’en étonner…
Mots-clés éditeurs : agora, juifs, langue grecque, citoyenneté romaine, honneurs, associations
Mise en ligne 30/07/2015
https://doi.org/10.3917/trans.134.0049Notes
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[1]
Ainsi, Thessalonique : 1Th 1,1 ; 2Th 1,1 ; Philippes : Ph 1,1 ; Corinthe : 1Co 1,2 ; 2Co 1.2.3 ; Rome : Rm 1,7.15 ; Colosses : Col 1,2 ; Éphèse : 1,1 (selon les manuscrits). D’autres villes sont mentionnées au cours des lettres, pour situer des incidents, des difficultés, comme Antioche (Ga 2,11), Damas (2Co 11,32 ; Ga 1,17), Éphèse (1Co 15,32 ; 1Co 16,8), ou encore formuler des projets (Jérusalem : Rm 15,25.26.31 ; 1Co 16,3).
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[2]
W. R. Ramsay, The Cities of Saint Paul. Their Influence on his Life and Thought, New York, Amstrong and Son 1908. Depuis lors, plusieurs études sur la ville dans le monde gréco-romain ont vu le jour ; cf., entre autres, A. H. M. Jones, The Cities of the Eastern Roman Provinces, Oxford ; Clarendon Press, 1971 ; F. Papazoglou, « Les villes de Macédoine à l’époque romaine », Bulletin de Correspondance Hellénique, Supplément 16, Athènes-Paris, 1988 ; E.J. Owens, The City in the Greek and Roman World, London, Routledge, 1991 ; J. Rich et A. Wallace-Hadrill (dir.), City and Country in the Ancient World, London, Routledge, 1991. Sur la façon dont les écrits bibliques voient la ville, J.W. Rogerson, The City in Biblical Perspective, Biblical Challenges in the Contemporary World, London, Equinox, 2009.
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[3]
Selon les archéologues, la plupart des villes avaient environ 10 000 habitants.
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[4]
J. Scheid, « Politique et religion dans la Rome antique. Quelle place pour la liberté de culte dans une religion d’État ? », www.laviedesidees.fr (essais et débats), 2011, p. 1.
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[5]
On ne discutera pas ici la question de la relation, au i er siècle de notre ère, entre les provinces (chacune ayant son gouverneur ou son procurateur) et les cités (pérégrines ou romaines).
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[6]
Le vocabulaire afférent à la ville en Actes est le suivant : le mot ville lui-même (πόλις 42×), citoyen (πολίτηςAc 21,39), autorités de la ville (πολιτάρχαι Ac 17,6.8), citoyenneté (πολιτεία Ac 22,28), se conduire (πολιτεύομαι Ac 23,1), région (χώρα Ac 8,1 ; 10,39 ; 12,20 ; 13,49 ; 16,6 ; 18,23 ; 26,20 ; 27,27), colonie (κολωνία Ac 16,12 ; hapax AT/NT ; dit de la ville de Philippes). Le substantif ἀποικία n’est pas utilisé dans le NT.
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[7]
Sur le séjour de Paul en Grèce durant le deuxième voyage, on consultera F. Lestang, Annonce et accueil de l’Évangile. Les figures individuelles de croyants dans le deuxième voyage missionnaire de Paul (Ac 16,6-18,18), Pendé, Gabalda (coll. « Études Bibliques », NS 63), 2012.
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[8]
La colonie de Philippes est sans doute la mieux connue des historiens. Elle fut installée sur la Via Egnatia (qui existait déjà), en Macédoine orientale, près de la frontière avec la Thrace. En 42, au lendemain de la victoire de Marc-Antoine et Octavien sur Brutus et Cassius, les assassins de César, la ville devint une colonie romaine.
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[9]
Cf. Ac 13,6-12 à Paphos ; Ac 13,14-51 à Antioche de Pisidie ; Ac 14,8-20 à Lystre ; Ac 15 à Jérusalem ; Ac 16,11-40 à Philippes ; Ac 17,16-34 à Athènes ; Ac 18,1-17 à Corinthe ; Ac 19 à Éphèse.
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[10]
P. Veyne, L’empire gréco-romain, Paris, Seuil, p. 272.
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[11]
Sur la renommée de Tarse pour la philosophie, voir Strabon, Géographie, 14,5,13.1-5.
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[12]
H.-I. Marrou, Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, Paris, Seuil, 1948.
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[13]
Je l’ai montré en plusieurs contributions sur le sujet : J.-N. Aletti, « Paul et la rhétorique. État de la question et propositions », dans J. Schlosser, (dir.), Paul de Tarse. Congrès de l’ACFEB (Strasbourg, 1995), Paris, Cerf (coll. « Lectio divina », 165), 1996, p. 27-50 ; Id., « La rhétorique paulinienne », dans A. Dettwiler, J.D. Kaestli et D. Marguerat (dir.), Paul, une théologie en construction, Genève, Labor et Fides, 2004, p. 47-66 ; Id., « Rhetoric in the Letters of Paul », dans S. Westerholm (dir.), The Blackwell Companion to Paul, Wiley-Blackwell, 2011, p. 232-247.
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[14]
Par ex. l’éloge (ἐγκώμιον) de Ph 2,6-11 ; les périautologies (ou éloges de soi) de 2Co 11-13 et Ph 3,4-14 ; l’exemplum de 1Co 9 ; la peroratio de Rm 8,31-39.
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[15]
Un certain nombre de spécialistes du judaïsme du Second Temple préfèrent l’appellation judéens à celle communément utilisée, juifs. Discuter ici cette question étant exclu, les deux appellatifs seront chaque fois accolés.
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[16]
Cf. Ac 13,5.14 ; 14,1 ; 15,21 ; 17,10.17 ; 18,4.19.26 ; 19,8.
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[17]
Les commentaires exégétiques du discours de Paul à Athènes notent que bon nombre de thèmes y sont formulés de manière à être recevables par des platoniciens ou des stoïciens. F. Lestang, Annonce et accueil de l’Évangile, op. cit., p. 142, p. 144-145 et p. 151-153, rappelle très justement qu’en ce passage le Nr décrit Paul sur le modèle de Socrate.
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[18]
Ibid., p. 160, signale qu’une des raisons pour lesquelles le Nr a choisi l’aréopage d’Athènes comme lieu du discours est le lien entre la situation de Paul annonçant la résurrection de Jésus et le procès d’Oreste pour meurtre de sa mère, tel que les Euménides d’Eschyle le rapportent (vers 647-648 : « Lorsque la poussière a bu le sang d’un homme, s’il est mort, il n’est plus pour lui de résurrection [ἀνάστασις] »).
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[19]
Sur les associations volontaires d’alors, on pourra consulter I. Malkin, C. Constantakopoulou et K. Panagopoulou (dir.), Greek and Roman Networks in the Mediterranea, London- New York, Routledge, 2009. Pour l’accès aux documents, J. S. Kloppenborg et R. S. Ascough, Graeco-Roman Associations. Texts, Translations, and Commentary, vol. I. Attica, Central Greece, Macedonia, Thrace, Berlin- NewYork, de Gruyter (coll. « Beihefte zur Zeitschrift der neutestamentliche Wissenschaft », 181), 2011 ; R. S. Ascough, P. A. Harland, et J. S. Kloppenborg, Associations in the Graeco-Roman World. A Sourcebook, Waco (TX), Baylor University Press, 2012.
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[20]
Sur les corporations d’artisans, voir C. Feyel, Les artisans dans les sanctuaires grecs aux époques classique et hellénistique, Athènes, École française, 2006.
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[21]
L’appellatif χριστιανοί donné à la communauté d’Antioche (Ac 11,27 et 26,28) montre par ailleurs que le groupe chrétien fut considéré comme une association. Un certain nombre d’associations se définissaient en effet en relation à leur fondateur.
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[22]
Jérusalem était toujours la capitale pour ses coreligionnaires, mais pas pour l’administration impériale, qui avait fait de la Césarée Maritime la capitale politique de la province.
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[23]
Ac 17,22. Comme le soulignent tous les commentateurs, la connotation du substantif (δεισιδαιμoνία) et de l’adjectif (δεισιδαίμων) grecs peut être positive (piété, pieux) ou négative (idolâtrie, idolâtre). À la différence des Athéniens, le lecteur à qui l’on a notifié l’exaspération de Paul sait que la connotation est double. Sur le jugement que certains écrivains, en particulier Plutarque, avaient alors sur la δεισιδαιμoνία, voir le chapitre très suggestif de P. Veyne, « Les problèmes religieux d’un païen intelligent », dans L’empire gréco-romain, op. cit., p. 633-680.
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[24]
Le discours de Paul a fait l’objet de très nombreuses analyses. Le lecteur francophone pourra consulter avec profit celles de F. Lestang, « À la louange du Dieu inconnu. Analyse rhétorique de Ac 17.22-31 », New Testament Studies 52, 2006, p. 394-408 ; Id., Annonce et accueil de l’Évangile, op. cit., p. 153-161.
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[25]
Ce qui a fait dire à P. Veyne, L’empire gréco-romain, op. cit., p. 473 : « Les dieux du paganisme n’étaient pas des dieux jaloux ». Affirmation quelque peu optimiste ! Quelques pages avant cet énoncé, il avait déjà observé : « Même un Eschyle n’oserait pas imposer une religion d’État, car la religion de la cité n’en était pas une ; un Athénien n’était pas tenu d’adorer Athéna et de n’adorer qu’elle ; la cité s’en chargeait » (p. 464).
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[26]
Sur le sujet, voir P. Veyne, « Païens et charité chrétienne devant les gladiateurs », dans L’empire gréco-romain, op. cit., ch. 9, p. 545-631.
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[27]
En grec, citoyen romain se dit ῾Ρωμαῖος (cf. par ex. Ac 16,21.37-39 ; 22,25-27.29).
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[28]
Cela dit, avec C. Nicolet, il faut reconnaître que « ‘Le’ citoyen romain n’existe pas, ou se réduit à une épure sans épaisseur. Il n’y a que des citoyens, qui sont aussi des propriétaires, des producteurs, des Romains de Rome ou des montagnards des Apennins, des descendants d’un consul ou de nouveaux affranchis. Il est évident que, si puissant que soit ou qu’ait voulu être le melting pot de la citoyenneté romaine, ils n’en abordaient pas l’exercice de la même manière ». C. Nicolet, Le métier de citoyen dans la Rome républicaine, Paris, Gallimard 1976, p. 18.
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[29]
Dans l’empire romain, les pérégrins sont des hommes libres, habitant les provinces conquises par Rome, ne disposant ni de la citoyenneté romaine, ni du statut juridique des Latins. Si l’empire respecte leurs institutions antérieures, les pérégrins ont un statut juridique (civil et pénal) inférieur à celui des citoyens. L’équivalent grec du pérégrin est le métèque (μέτοικος). Sur le sujet, voir Ph. Gauthier, Symbola. Les étrangers et la justice dans les cités grecques, Nancy, Université de Nancy, 1972.
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[30]
Droit de faire appel lorsqu’on estime mauvaise une décision de justice.
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[31]
J. Scheid, « Politique et religion dans la Rome antique », op. cit., p. 5.
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[32]
Rappelons que l’expression « à Éphèse », en Ep 1,1, ne se trouve pas en des manuscrits fiables. Quoi qu’il en soit, cette ville était aussi fameuse, et pas seulement pour son culte à Artémis.
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[33]
Dans les Protopauliniennes, les substantifs πόλις et πολίτευμα, respectivement en Rm 16,23 ; 2Co 11,26.32 et Ph 3,20 ; le verbe πολιτεύομαι en Ph 1,27. Dans les Deutéropauliniennes, πολιτεία en Ep 2,12 et συμπολῖται en Ep 2,19. Dans les Pastorales, une seule occurrence, en Tt 1,5 : Tite chargé d’établir des anciens κατὰ πόλιν.
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[34]
Les édiles et magistrats étaient tous des hommes et des notables.
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[35]
P. Veyne, L’empire gréco-romain, op. cit., p. 80.
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[36]
Ibid, p. 84.
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[37]
Voir, à propos du rapport des citoyens à leur cité au temps des grecs et des romains, la réflexion de P. Veyne : « La cité, assurément, a autorité sur tous les citoyens, qui lui doivent tout », ibid., p. 469 (je souligne).
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[38]
G. Zerbe, « Citizenship and Politics according to Philippians », Direction 38, 2009, p. 193-208. Sur le sujet, on pourra aussi consulter sa monographie Citizenship. Paul on Peace and Politics, Winnipeg, CMU Press, 2012.
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[39]
Voici les occurrences : Rm 6,4 ; 8,4 ; 13,13 ; 14,15 ; 1Co 3,3 ; 7,17 ; 2Co 4,2 ; 5,7 ; 10,2.3 ; 12,18 ; Ga 5,16 ; Ep 2,2.10 ; 4,1, 17 ; 5,2.8.15 ; Ph 3,17.18 ; Col 1,10 ; 2,6 ; 3,7 ; 4,5 ; 1Th 2,12 ; 4,1.12 ; 2Th 3,6.11.
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[40]
J.-N. Aletti, « La soumission des chrétiens aux autorités en Rm 13,1-7. Validité des arguments pauliniens ? » Biblica 89, 2008, p. 457-476.
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[41]
E. Mary Smallwood, The Jews Under Roman Rule. From Pompey to Diocletian, Leiden, Brill 1976, p. 225 (je souligne).
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[42]
P. A. Harland, Dynamics of Identity in the World of Early Christians, T&T Clark, 2009, p. 42 (je souligne). Cet auteur se situe dans la ligne des travaux de C. Zuckerman, « Hellenistic Politeuma and the Jews : A Reconsideration », Scripta Classica Israelica 8/9, 1988, p. 171-185, et G. Lüderitz « What is the Politeuma », dans J. W. Van Henten et P.W. Van der Horst (dir.), Studies in Early Jewish Epigraphy, Leiden, Brill, 1994, p. 183-225. Concernant Ph 3,20, je me permets de renvoyer à mon commentaire sur la lettre aux Philippiens, J.-N. Aletti, Saint Paul. Lettre aux Philippiens, Paris, Gabalda (coll. « Études Bibliques », NS 55), 2005, p. 272-279.
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[43]
Il s’agit évidemment des associations volontaires et privées. Sur les associations et corporations de l’époque, les études sont légion. Le lecteur moins informé sur le sujet peut lire P.A. Harland, Associations, Synagogues, and Congregations. Claiming a Place in Ancient Mediterranean Society, Minneapolis, Fortress, 2003, et R. S. Ascough, P. A. Harland, J. S. Kloppenborg, Associations in the Graeco-Roman World : A Sourcebook, op. cit. Et sur les communautés de Macédoine : R.S. Ascough, « The Thessalonian Christian Community as a Professional Voluntary Association » Journal of Biblical Literature 19, 2000, p. 311-328 ; Id., « Voluntary Associations and the Formation of Pauline Churches : Addressing the Objections », dans A. Gutsfeld et D.-A. Koch (dir.), Vereine, Synagogen und Gemeinden im kaiserzeitlichen Kleinasien, Tübingen, Mohr Siebeck (coll. « Studien und Texte zu Antike und Christentum », 25), 2006, p. 149-183. Pour Harland et d’autres, πολίτευμα équivaut à organic body expression plutôt pléonastique.
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[44]
Les outsiders d’Antioche de Syrie ont eu la même impression, lorsqu’ils ont nommé la communauté locale christianoi (Ac 11,26), qui est une désignation associative. Voir aussi la réaction d’Agrippa en Ac 26,26.
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[45]
Le Paul des Deutéropauliniennes procède semblablement en reprenant le même vocabulaire.