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Article de revue

Hommes et femmes en Église

Pages 85 à 111

Notes

  • [1]
    Cette étude est le fruit d’un séminaire de travail organisé à mon initiative les 11 juillet et 23 août 2012 à l’abbaye de Brialmont (Tilff - Liège) en vue de préparer mon intervention aux Semaines Sociales de France en novembre 2012. Il y aurait eu quelque chose d’incongru à ne pas donner la parole à des femmes au moment de traiter de leurs contributions dans l’institution ecclésiale. Un cordial merci pour le temps et l’énergie consacrés à cette démarche préparatoire à Mesdames Catherine Chevalier, Annie Cornet, Thérèse Crespin, Marie Demaret, Anne-Françoise Foccroulle, Anne-Marie Fortemps, Marie Lhoest, Anne Locht, Marta Löw, Elisabeth Neuforge, Dominique Olivier, Chantal Pirard, Laurence Plumier, Caroline Werbrouck et enfin Mère Marie-Pascale Dran, ocso, abbesse de Brialmont. Mon exposé aux SSF, y compris le débat avec l’autre intervenante, a été récemment publié : Alphonse Borras et Maria Voce, « Hommes et femmes en Église », dans Semaines Sociales de France, Hommes et femmes, la nouvelle donne. Actes de la 87e session des SSF, Paris, Bayard (coll. « En mouvement »), 2013, p. 143-171.
  • [2]
    Richard Puza, « Frau », dans Axel von Campenhausen, Ilona Riedel-Spangen-Berger, Rainhold Sebott (éd.), Lexikon für Kirchen- und Staatskirchenrecht, tome 1, Paderborn-Munich-Vienne-Zurich, F. Schöningh, 2001, p. 714-716. Le Code de 1983 ne parle plus de patria potestas mais de pouvoir des parents ou des tuteurs (c. 98 § 1 ; cf. CIC 1917 c. 89) ; pour une cause juste autre que la séparation légale, l’épouse peut avoir un domicile propre (c. 104 ; cf. CIC 1917 c. 93 § 1) ; l’époux peut passer au rite de l’épouse (c. 112 § 2, 2° ; cf. CIC 1917 c. 98 § 4).
  • [3]
    On comparera avec le Code de 1917 : dans l’église, il est souhaitable qu’elles soient séparées des hommes (c. 1262 § 1) ; elles doivent avoir la tête couverte et s’habiller modestement, surtout quand elles vont communier (c. 1262 § 2) ; elles ne peuvent s’inscrire dans une confrérie (c’est-à-dire une association [lat. sodalitium] pour la promotion du culte, c. 707 § 2), pour bénéficier des indulgences et des grâces spirituelles réservées aux membres (c. 709 § 2) ; elles ne peuvent être entendues en confession en dehors d’un confessionnal (c. 910) ; elles ne peuvent servir la messe, sauf à défaut d’homme et pour une juste cause à condition de répondre de loin et de ne pas s’approcher de l’autel (c. 813) ; dans les causes de saints elles ne peuvent agir que par leur procureur (c. 2004) ; à cela s’ajoutaient d’autres discriminations dans le droit des religieux où souvent s’exerçait une tutelle des religieux sur les religieuses (p. ex. cc. 544 § 7, 601 § 1, 604, 607).
  • [4]
    Cf. Hervé Legrand, « Femme. B. Dans l’Église », dans Jean-Yves Lacoste (dir.), Dictionnaire critique de théologie, Paris, Quadrige-PUF, 2002, p. 460-463. Dans les sociétés qui ont vu naître le christianisme et dans celles qu’il a traversées jusqu’à nos jours, cette anthropologie n’a pas pour autant aboli la subordination et la sujétion des femmes. Elle a cependant largement contribué à améliorer leur condition et à honorer leur dignité.
  • [5]
    Cf. Bernard Dupuy, « Du masculin et du féminin dans l’Église », Istina 38, 1993, p. 149-155, ici p. 150-151.
  • [6]
    Cf. Patrick Valdrini (dir.), Droit canonique, Paris, Dalloz (coll. « Précis »), 1999, 2e éd., n° 182 et 202.
  • [7]
    Le canon 215 du Code de Droit canonique s’exprime en ces termes : « Les fidèles ont la liberté de fonder et de diriger librement des associations ayant pour but la charité ou la piété, ou encore destinées à promouvoir la vocation chrétienne dans le monde, ainsi que de se réunir afin de poursuivre ensemble ces mêmes fins ».
  • [8]
    Cette liberté associative des fidèles comprend le droit de fonder des associations, le droit de participer à celles qui existent, la liberté statutaire et de direction, etc. Mais, comme les autres droits reconnus aux fidèles, la liberté d’association doit tenir compte « du bien commun de l’Église, ainsi que des droits des autres et des devoirs qu’ils ont envers eux » (c. 223 § 1). Dans les canons concernant les droits fondamentaux des fidèles laïcs (cc. 224-231), leur est reconnu le droit d’exercer l’apostolat inhérent à leur condition de baptisés, « individuellement ou groupés en association » (c. 225 § 1). Le législateur souligne que « cette obligation est encore plus pressante lorsque ce n’est que par eux que les hommes peuvent entendre l’Évangile et connaître le Christ » (ibid.).
  • [9]
    Prenons l’exemple de la paroisse (ou de l’unité pastorale). À l’instar de l’évêque diocésain en son Conseil épiscopal (cf. c. 473 § 4), le curé n’y exerce pas tout seul la charge pastorale, ni à plus forte raison de manière isolée. Il est entouré dans bien des cas d’une instance le plus souvent qualifiée d’« équipe (d’animation) pastorale » avec des personnes ayant les qualités requises qui participent étroitement à l’exercice de la charge pastorale. C’est une instance de gouvernement. En vis-à-vis, pourrait-on dire, il y a le Conseil pastoral (diocésain ou paroissial, cf. c. 511 et c. 536) : il s’agit d’une instance de concertation où les fidèles tiennent conseil pour vérifier le tonus évangélique de leur communauté (cf. c. 511 et c. 536). Cette double instance – direction et concertation – se retrouve mutatis mutandis dans toutes les communautés hiérarchiques où se croisent le principe de céphalité du ministère apostolique (de l’évêque ou des prêtres) et le principe de synodalité de l’ensemble de la communauté concernée et des fidèles qui la composent (pasteurs et autres ministres y compris).
  • [10]
    Cf. Alphonse Borras, « Délibérer en Église : communion ecclésiale et fidélité évangélique », dans Alphonse Borras (dir.), Délibérer en Église. Hommage à Monsieur l’abbé Raphaël Collinet, official du diocèse de Liège, Bruxelles, Lessius (coll. « La Part-Dieu »), 2010, p. 135-156.
  • [11]
    Je renvoie volontiers à l’article du Prof. Anna Riva, médecin, professeur émérite de psychologie et jadis enseignante en faculté de Théologie à Rome, sur le mouvement féministe et les revendications d’égalité dans les droits civils et politiques (suffrage universel, instruction, etc.) ainsi que le féminisme de la fin du XXe siècle et sa crise : Anna Riva, « Féminisme », dans Stefano De Fiores & Tullo Coffi (dir.), Dictionnaire de la vie spirituelle, adaptation française de François Vial, Paris, Cerf, 1983, p. 423-432. L’auteur y aborde également la signification humaine de la protestation féminine et offre une belle réflexion sur « le féminisme à la lumière de l’Évangile » (p. 430-431).
  • [12]
    « La mère n’est sans doute pas exactement un pater familias au sens traditionnel, mais on peut dire qu’elle en a pris plus de traits que le mari n’en a gardé » (Pierre Vallin, « Le ministère des femmes dans l’Église », Études 346, 1977, p. 685-693, ici p. 687).
  • [13]
    Congrégation pour la doctrine de la foi, « Déclaration sur la question de l’admission des femmes au sacerdoce ministériel Inter insigniores » du 15 octobre 1976, DC 74, 1977, p. 158-164 où les fondements théologiques fournis sont le fait de la Tradition (chap. 1), l’attitude du Christ (chap. 2), la pratique des Apôtres (chap. 3), la valeur permanente de l’attitude des apôtres (chap. 4), l’argument in persona Christi (chap. 5), le sacrement de l’ordre et choix de Dieu (chap. 6) ; Id., « Commentaire au sujet de la déclaration de la Congrégation pour la doctrine de la foi sur la question de l’admission des femmes au sacerdoce ministériel », DC 74, 1977, p. 165-173. Les arguments présentés sont principalement 1) la diversité homme/femme n’entame pas leur égalité foncière ; 2) le sacerdoce ministériel relève du service et non de l’affirmation personnelle ; 3) le Christ n’a appelé que des hommes et les apôtres ont fait de même ; 4) le poids de la tradition pérenne ; 5) l’Église tout en étant attentive à la société ne tire pas de celle-ci les principes de sa constitution. On lira les commentaires de Pierre Vallin, op. cit., p. 685-693, ainsi que ceux de Hervé Legrand, « L’ordination des femmes au ministère presbytéral. Réflexions théologiques du point de vue catholique », Documents-Episcopat n° 7, avril 1976, 16 p. Hervé Legrand, « Traditio perpetuo servata ? La non-ordination des femmes : tradition ou simple fait historique ? », dans Paul de Clerck et Eric Palazzo (dir.), Rituels, Mélanges offerts au Père Gy, op, Paris, Cerf, 1990, p. 392-416. Le Père Legrand y reprend en substance son étude initialement parue en allemand : Hervé Legrand, « Die Frage der Frauenordination aus der Sicht katholischen Theologie. Inter insigniores nach zehn Jahren », dans Elisabeth Gössmann et Dietmar Bader (éd.), Warum keine Ordination der Frau ? Fribourg-en-Brisgau, Katholischen Akademie, 1987, p. 89-111. Plus récemment, Joseph Famérée, « Anthropologies traditionnelles et statut ecclésial de la femme », dans Joseph Famérée (e.a.), Le christianisme est-il misogyne ? Place et rôle de la femme dans les Églises, Bruxelles, Lumen Vitae (coll. « Trajectoires », n° 22), 2010, p. 81-120.
  • [14]
    On peut prendre connaissance de ces documents sur le site du Vatican. Récemment, Joseph Moingt qui avait déjà exprimé ses sentiments et son opinion en 1995 (voir plus loin note 22), revient sur la question dans un article où il considère plus largement la place des femmes et leur contribution pour l’avenir de l’Église : Joseph Moingt, « Les femmes et l’avenir de l’Église », Études 414, 2011, p. 67-76.
  • [15]
    Hervé Legrand, « Les ministères dans l’Église locale », dans Bernard Lauret & François Refoulé (dir.), Initiation à la pratique de la théologie, t. 3, Paris, Cerf, 1983, p. 260-264.
  • [16]
    Cf. Hervé Legrand, « Traditio perpetuo servata ? », cité ci-dessus note 13.
  • [17]
    Cf. Alphonse Borras, « La Tradition vivante, un pléonasme mal assumé ? », Le Supplément 217, 2001/1, p. 13-36.
  • [18]
    André Wenin, « Humain et nature, femme et homme : différences fondatrices ou initiales ? Réflexions à partir des récits de création en Genèse 1-3 », Recherches de Science religieuse 101/3, 2013, p. 401-420, ici p. 418.
  • [19]
    Comme le remarquait Pierre Vallin en 1977, ce transfert « ne doit être pratiqué qu’avec retenue » (Pierre Vallin, « Le ministère des femmes dans l’Église », op. cit., p. 691).
  • [20]
    Cf. Pierre Vallin, ibid.
  • [21]
    Cf. Bernard Dupuy, « Du masculin et du féminin dans l’Église », op. cit., p. 155.
  • [22]
    Cf. Pierre Vallin, op. cit., p. 690.
  • [23]
    L’androcentrisme est un système de représentations sociales et de valeurs, qui traduisent une expérience générale selon laquelle les femmes sont, à bien des égards, beaucoup plus dépendantes des hommes que les hommes ne sont dépendants des femmes. Cette problématique a été abordée de front par Kari Elisabeth BØrresen, dans son ouvrage Subordination et équivalence. Nature de la femme d’après Augustin et Thomas d’Aquin (Oslo-Paris, 1968). L’androcentrisme n’est pas de soi une catégorie morale ; il traduit une hiérarchie, perçue par tous comme naturelle, entre l’homme et la femme ; dans cette hiérarchie asymétrique, l’homme (masculin) occupe une position supérieure tant au plan social qu’au plan symbolique (cela ne signifie pas que l’humanité des femmes soit en quelque manière déficiente ou qu’elles soient moins dignes de respect). Pour le théologien Hervé Legrand, op, deux facteurs objectifs sont à la base de l’androcentrisme : d’une part, les progrès de la médecine et le travail salarié des femmes dans les sociétés post-industrielles ; les premiers ont libéré les femmes de la sujétion millénaire à la reproduction du groupe humain (contraception, longévité) ; d’autre part, le salariat post-industriel repose sur un marché du travail ouvert aux femmes, pratiquement sans limites (d’où indépendance financière et partage des tâches ménagères et éducatives). Cf. Hervé Legrand, « Les femmes sont-elles à l’image de Dieu de la même manière que les hommes ? Sondages dans les énoncés de quelques pères grecs », Nouvelle Revue Théologique 128, 2006, p. 214-239.
  • [24]
    Cf. entre autres Joseph Moingt, « Éditorial. Sur un débat clos », Recherches de Science religieuse 82, 1994, p. 321-333 ; Pauline JACOB et Thuy-Linh Nguyen, L’ordination des femmes, Montréal-Paris, Médiaspaul, 2011. Parmi les participantes du séminaire de travail, peu se sont arrêtées sur cette question ; pour la plupart, celle-ci ne semblait pas faire l’objet d’un intérêt spécifique, ni d’une préoccupation particulière. Mais il n’empêche que cette position officielle – « définitive », et dès lors irréformable – n’a pas manqué de soulever l’une ou l’autre réaction virulente. Cette position a été jugée comme une « chance manquée de laisser souffler l’Esprit » (cf. Anne-Françoise Foccroulle, « Quelles pistes concrètes pour donner toute leur place aux femmes ? », pro manuscripto, Brialmont, 13 juillet 2012).
  • [25]
    Retenons pour notre propos, sous réserve d’approfondissements ultérieurs, que « le genre est en quelque sorte le “sexe social” ou la différence des sexes construite socialement, ensemble dynamique de pratiques et de représentations avec des activités et des rôles assignés, des attributs psychologiques, un système de croyances » (Françoise Thébaut, Écrire l’histoire des femmes, Fontenay-aux-Roses, ENS Éditions, 1998, p. 114).
  • [26]
    Cf. Sylviane Agacinsky, Femmes entre sexe et genre, Paris, Seuil (coll. « Librairie du xxie siècle »), 2012, p. 45-46.
  • [27]
    C’est le risque avec certaines théories du genre, en particulier celle du mouvement Queer et sa figure emblématique qu’est Judith Butler. À propos de genre, je déplore les amalgames auxquels on assiste entre théorie(s) et idéologie(s) du genre ; il y a en effet une variété d’études du genre. Elles ne sont pas à rejeter en bloc. Un discernement doit s’opérer.
    La différence biologique est un fait indéniable. Il est un fait tout aussi indéniable que la sexualité comporte une part socialement construite. Les féministes, d’ailleurs, se distinguent entre elles selon l’importance, voire l’exclusivité qu’elles accordent à cette part socialement construite.
  • [28]
    Cf. Robert Scholtus, « Une foi transmise par les femmes », Christus 190, 2001, p. 136-141, ici p. 138.
  • [29]
    Cf. Claire Lesegretain, « Un visage plus féminin de l’Église », Christus 170, 1996, p. 159-166.
  • [30]
    La « vitrine » peut avoir des effets pervers, mais elle n’est pas que négative, puisqu’elle peut amener à un déplacement de représentations. Ce qui est pervers, c’est quand l’Église se contente de renvoyer cette image vers l’extérieur et ne se laisse pas elle-même interpeller, interroger, voire déplacer (cf. Caroline Werbrouck, « Quelle reconnaissance des contributions féminines ? Les aumôneries hospitalières », pro manuscripto, Brialmont, 13 juillet 2012).
  • [31]
    Ce thème de la peur des femmes est étudié par l’ethnologie, l’anthropologie culturelle ; il est présent dans la littérature ; et, last but not least, est un objet de la pratique thérapeutique en psychologie et en psychiatrie.
  • [32]
    Celle-ci est déjà donnée mais pas encore pleinement réalisée ; elle est l’autre versant de l’unité dans la mesure où elle intègre la diversité dans l’unité ; et celle-ci à son tour ne peut être que « catholique », c’est-à-dire littéralement « selon le tout », intégrant, mieux encore récapitulant le tout. Cf. Yves Congar, L’Église une, sainte, catholique et apostolique, Paris, Cerf (coll. « Mysterium fidei », n° 15), 1970, p. 150-151.
  • [33]
    Hervé Legrand, « Les ministères dans l’Église locale », dans Bernard Lauret & François Refoulé (dir.), Initiation à la pratique de la théologie, t. 3, Paris, Cerf, 1983, p. 260-265.
  • [34]
    Cf. Sylviane Agacinsky, op. cit., p. 28-39. On lira l’étude du Père Hervé Legrand citée à la note 13, « Traditio perpetuo servata ? ».
  • [35]
    Cf. le témoignage de Mère Marie-Pascale Dran, ocso, « Contributions féminines dans un Ordre dont la hiérarchie est masculine », pro manuscripto, Brialmont, 13 juillet 2012.
  • [36]
    Ibid.
  • [37]
    La légitimité ne se réduit pas à la reconnaissance légale, mais renvoie à l’accueil réservé par des tiers au titulaire d’une charge ou d’une fonction. En sociologie, est légitime la qualité de ce qui est accepté et reconnu par les membres d’un groupe ou d’une société. Cf. Olivier Ihl, « Légitimité et légitimation », dans André Akoun et Pierre Ansart (dir.), Dictionnaire de sociologie, Paris, Le Robert-Seuil (coll. « Dictionnaires »), 1999, p. 305-306.
  • [38]
    La reconnaissance institutionnelle s’effectue par la concession d’une fonction rémunérée ou bénévole ; elle s’exprime certes par le titre qui est lié à cette fonction, mais tout autant par les obligations, droits et autres compétences, facultés ou prérogatives liées à cette fonction ; elle se consolide par le suivi exercé par la hiérarchie de la mission confiée, notamment par des bilans réguliers et, le cas échéant, par des évaluations professionnelles. Cf. Alphonse Borras, « Les ministères laïcs. Fondements théologiques et profils canoniques », dans Alphonse Borras (dir.), Des laïcs en responsabilité pastorale ? Accueillir de nouveaux ministères, Paris, Cerf (coll. « Droit canonique »), 1998, p. 93-119.
  • [39]
    La réflexion sociologique d’inspiration wébérienne distingue au moins trois modes de légitimité : la fonction, la compétence et l’expérience. Le premier mode de légitimité vient d’« en-haut », en vertu de la fonction assignée – l’autorité de l’institution représentée ; c’est le « charisme de fonction » qui s’appuie sur des règles impersonnelles de type bureaucratique et assure la pérennité de l’institution par-delà les individualités. Le deuxième mode, c’est la légitimité en vertu de la compétence – le professionnalisme, y compris chez les bénévoles. Quant au troisième mode, c’est la légitimité qui vient d’« en-bas » en vertu de l’expérience accumulée, d’un engagement, d’un vécu. Les enquêtes sociologiques récentes sur les « nouveaux ministères » étayent cette distinction. Cf. Céline Béraud, Prêtres, diacres, laïcs. Révolution silencieuse dans le catholicisme français, préface de Danièle Hervieu-Léger, Paris, PUF (coll. « Le lien social »), 2007, en particulier p. 155-167, citant notamment à propos de la légitimité expérientielle Franck Fregosi, « L’imam, le conférencier et le jurisconsulte : retour sur trois figures contemporaines du champ religieux islamique en France », Archives de sciences sociales des religions 125, 2004, p. 141.
  • [40]
    Cf. Joseph Moingt, « Les femmes et l’avenir de l’Église », Études 414, 2011, p. 67-76.
  • [41]
    « Champ domestique » : l’expression est d’une participante (Thérèse Crespin, pro manuscripto, Brialmont, 13 juillet 2012). On pourrait comprendre le terme « champ » au sens où, en sociologie, Pierre Bourdieu l’a théorisé. Celui-ci emprunte le terme aux sciences « dures » (sciences physiques) dans lesquelles il désigne un espace limité à l’intérieur duquel se déroulent certaines opérations et où se manifestent certains phénomènes. Il y a « champ » dans n’importe quel domaine dès lors que s’y constitue un groupe de spécialistes ayant des intérêts distincts de ceux de non-spécialistes. Cf. Pierre Bourdieu, Propos sur le champ politique, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2000, p. 304-305. Vu l’évolution actuelle liée aux mutations économiques et sociales, le « champ domestique » n’est plus géré par les femmes – les mères de famille principalement – détenant la compétence spécifique à la production et la distribution des biens « domestiques » comme gardiennes du foyer, procréatrices, éducatrices, ménagères et épouses d’un conjoint. Celui-ci était jusqu’il y a peu tenu à l’écart de ce domaine ; il en était volontairement dépossédé du fait que la société le reconnaissait comme proprement féminin.
  • [42]
    Je suis particulièrement reconnaissant à Madame Caroline Werbrouck d’avoir attiré mon attention sur cet aspect dont je n’avais pas auparavant mesuré toute la pertinence. Caroline Werbrouck est responsable du service pastoral de la clinique St-Vincent de Rocourt (Centre Hospitalier Chrétien - Liège) et assistante de recherche au Centre de Théologie pratique (Université Catholique de Louvain). Depuis septembre 2014, elle est déléguée épiscopale pour la pastorale de la santé dans le diocèse de Liège.
  • [43]
    Sur ce concept d’imaginaire social, je renvoie volontiers aux propos du sociologue canadien Charles Taylor, à l’occasion d’une de ses études sur la démocratie où il souligne que l’imaginaire ne se réduit pas à l’aspect peut-être trop conceptuel de la notion de représentation. L’imaginaire social véhiculé et nourri comme tel par une collectivité – à son tour guidée par lui et l’alimentant en retour – comprend à la fois un aspect mimétique (musiques, danses, rites, mœurs relationnelles, usages sociaux, etc.), un aspect mythico-narratif (les mythes fondateurs, les grands récits, les contes et épopées, etc.) et un aspect discursif (le discours raisonné, la philosophie, les grands idées politiques et autres, etc.). L’imaginaire social en Église comme dans la société ne peut donc pas se contenter des discours normatifs et autres sur la femme, ni même des « paroles de femmes », c’est-à-dire le cas échéant le discours produit par elles. Cf. Charles Taylor, « Démocratie et imaginaire social », dans Michel Wieviorka (dir.), Les sciences sociales en mutation, Auxerre, Éd. Sciences humaines, 2007, p. 581-602.
  • [44]
    Cf. Anne-Marie Reijnen, « Sexes, genres et genre humain : un itinéraire théologique », dans Joseph Famérée (e.a.), Le christianisme est-il misogyne ?, p. 57-80.
  • [45]
    J’entends ce terme d’après Pierre Bourdieu pour qui cette notion, notamment inspirée par Émile Dürkheim, connote plus qu’une attitude extérieure et désigne l’intériorisation inconsciente du monde social, des structures de relations qui jouent dans l’action sociale des individus (cf. Pierre Bourdieu, Le sens pratique, Paris, Éd. de Minuit, 1980, p. 88-89).
  • [46]
    Les messages du Concile, « Message du concile Vatican II aux femmes », 8 décembre 1965, DC 62, 1966, col. 55-56.

1Quelle reconnaissance accorder aux contributions féminines croissantes dans l’Église catholique ? Dans la recherche de « l’égalité dans la différence », quelles pistes concrètes dégager pour leur évolution ? Je réponds à ces deux questions à partir de mes compétences comme théologien et canoniste et de l’exercice de ma fonction de Vicaire général. Dans un premier temps, je rappellerai ce que le droit dit du statut des femmes en Église pour ensuite évoquer ce qu’elles font déjà et en quoi cela interpelle l’Église [1]. Cela conduira à prendre la mesure de la reconnaissance des contributions féminines pour enfin suggérer les trois fronts d’un engagement conjoint où nous sommes attendus, fidèles, pasteurs et autres ministres, « hommes et femmes en Église ».

Que dit le droit canonique ?

2« Entre tous les fidèles, du fait de leur régénération dans le Christ, il existe quant à la dignité et à l’activité, une véritable égalité en vertu de laquelle tous coopèrent à l’édification du Corps du Christ, selon la condition et la fonction propres de chacun ». Tel est l’énoncé du canon 208 du Code de droit canonique qui figure en tête des canons relatifs aux obligations et aux droits de tous les fidèles (cc. 208-223). Le canon 208 reprend quasiment mot pour mot une affirmation du concile Vatican II (LG 32 c, cf. LG 9b). C’est au titre de leur baptême qu’est reconnue l’égale dignité des femmes dans la vocation et la mission de l’Église dans la société (cf. c. 204 § 1). Cette égalité foncière est reconnue par le Code de droit canonique de 1983 [2].

3Le Code de droit canonique contient cependant trois discriminations : outre la différence d’âge pour contracter validement mariage, 16 ans pour l’homme et 14 ans pour la femme (c. 1083 § 1), il y a, en matière de ministères, la non-admission des laïques femmes aux ministères institués du lectorat et de l’acolytat vu l’exclusivité de ces institutions pour les laïcs hommes (c. 230 § 1), le non-accès aux ordres en vertu de l’invalidité de l’ordination des baptisées (cf. c. 1024) [3].

4On notera cependant que, même si seuls les clercs (c. 129 § 1) sont aptes à recevoir un pouvoir de juridiction en principe inhérent au pouvoir épiscopal (cf. LG 21. CIC 1983, c. 129 § 1), des laïcs, et dès lors des femmes, peuvent participer à son exercice (§ 2). C’est le cas pour les juges ecclésiastiques quant au pouvoir de juridiction en matière judiciaire (c. 1421 § 2). Sans participer pour autant au pouvoir de juridiction à proprement parler, des baptisées peuvent être nommées chancelières (cf. cc. 482 et 483) ou déléguées épiscopales selon les dispositions du droit particulier des diocèses.

5Le droit s’inscrit dans la ligne de l’anthropologie chrétienne qui reconnaît la commune humanité et l’égale dignité des hommes et des femmes du fait de leur création à l’image de Dieu (Gn 1,27), de leur salut par le Christ et de leur vocation à vivre dans l’amour mutuel [4]. Plus simplement encore – et on néglige trop souvent cette évidence – des femmes ont trouvé d’emblée leur place dans la vie des communautés chrétiennes primitives, ce qui semblait clairement se démarquer des usages juifs. Cela n’a pas évité que Paul, par exemple, tout en reconnaissant la participation légitime des femmes à la liturgie, émette des conseils, voire des recommandations sur le plan du bon ordre dans les communautés (cf. p. ex. 1 Co 11,3-16 ; 1 Tm 2,11-15) [5].

6Sur le plan de la coresponsabilité baptismale de tous, il y a donc une égalité foncière dans le partenariat ecclésial sur base de laquelle chacun et chacune va déployer la grâce de son baptême « selon sa condition » (cf. c. 208), c’est-à-dire en fonction de ses charismes, de sa vocation propre, des choix de vie, de ses engagements, de sa spiritualité et de sa sensibilité, etc. Cette diversité fait que, du point de vue juridique, le patrimoine de droits et devoirs propre à chaque baptisé – sa condition propre – soit différent : une femme mariée par exemple, a des droits et des obligations que n’a pas une religieuse en vertu de sa profession des trois conseils évangéliques. Ou encore, une femme responsable d’une association de fidèles ou d’un mouvement apostolique a des droits et des obligations que n’a pas une militante de base. La diversité des « conditions particulières » pourrait être illustrée par une infinité d’exemples.

7Tous égaux, mais différents et complémentaires. À cela s’ajoute la diversité liée à l’exercice d’une charge (lat. munus que la version française du c. 208 traduit par « fonction »), c’est-à-dire la concession d’une mission ecclésiale, l’attribution d’une responsabilité en Église, l’accomplissement des tâches inhérentes à un service ou à un ministère. Nous passons ici sur le plan de la collaboration ministérielle de quelques-uns, que l’autorité compétente appelle et envoie, pour disposer l’Église à sa mission et édifier la communauté ecclésiale.

8Sur le plan de la collaboration ministérielle de femmes qui se voient confier un service ou reçoivent un ministère – comme pour les autres laïcs appelés à exercer un ministère (cf. c. 228) –, il faut tenir compte à la fois des charismes respectifs de ces femmes appelées par l’autorité compétente et des besoins pastoraux de l’Église en ce lieu. Sans l’énumérer ici, il y a un large éventail possible de fonctions (ou offices, lat. officia, au sens technique du c. 145) et même de charges (lat. munera) qui peuvent être assumées par des baptisées, parfois même avec une participation au pouvoir de juridiction proprement dit (cf. c. 129 § 2), à l’exception bien sûr des tâches ou fonctions qui relèvent comme telles d’une habilitation liée à l’ordination sacerdotale. Ici aussi, mais en fonction des besoins de la mission et des appels de l’Église, l’égalité foncière est colorée par la diversité des services et ministères. À la suite des théologiens, le canoniste que je suis se doit de reconnaître la complémentarité des charismes et des ministères qui, dans leur diversité, contribuent effectivement à l’édification du Corps du Christ. On se souviendra à cet égard des propos des Pères conciliaires de Vatican II affirmant que « par institution divine, l’Église sainte trouve son sens et sa cohérence (lat. regitur et ordinatur) selon une merveilleuse variété » (LG 32a).

9La contribution des femmes à la vie de l’Église s’effectue à de multiples niveaux et surtout selon des modalités diverses, avec une portée différenciée selon les communautés ecclésiales concernées. Pour notre propos, il est bon de distinguer au sein de l’institution ecclésiale en général – sur le plan de l’Église locale et a fortiori sur celui de l’Église universelle – deux types majeurs de communautés : d’une part, les communautés dites hiérarchiques et, d’autre part, les communautés associatives [6]. La question des contributions féminines se pose donc de façon sensiblement différente selon que les femmes sont impliquées dans les unes ou les autres.

10Les communautés associatives reposent en principe sur l’exercice du droit fondamental en Église – et dans la société – de s’associer [7]. Par leur nature même, les communautés associatives donnent lieu à un plus grand égalitarisme puisqu’elles reposent sur l’adhésion des fidèles qui décident de s’associer entre eux pour poursuivre un but particulier, à l’intérieur de la mission globale de l’Église [8]. Cet égalitarisme se vérifie dans les statuts juridiques et canoniques de ces associations. Il se concrétise dans la gestion et le contrôle par leurs membres de la poursuite du but social, l’exercice de leurs droits et devoirs dans la vie et le rayonnement de l’association, les usages en cours, etc.

11Les communautés dites hiérarchiques ont été érigées par l’autorité compétente – sur le plan du diocèse, par l’évêque diocésain – pour assurer l’intégralité de la mission par une pleine prise en charge pastorale (lat. plena cura animarum). Le ministère sacerdotal de présidence de l’évêque ou du prêtre est de ce fait constitutif de leur fonctionnement, de leur organisation et, en définitive, de leur gouvernement. Mon propos va porter sur la présence des femmes dans les communautés hiérarchiques comme les paroisses (ou unités pastorales), les aumôneries hospitalières, carcérales ou autres, ainsi que dans les curies diocésaines et les services qui les composent.

12En principe, l’évêque ou le prêtre concerné n’exerce pas son ministère seul ni de manière isolée : il se doit de tenir compte des fidèles qui composent la paroisse, l’aumônerie ou le service en question [9]. En vertu de leur baptême et des charismes qui sont les leurs, les fidèles concernés sont amenés d’une manière ou d’une autre à prendre part aux décisions qui concernent leur paroisse, aumônerie ou service. Ils doivent selon des modalités diverses, formelles ou non, être consultés individuellement ou collectivement. S’ils n’y ont que voix consultative, cela ne signifie pas pour autant qu’ils ne puissent influer grandement dans l’élaboration des décisions (law making) qu’il revient à l’autorité pastorale compétente de prendre (law taking) [10].

Une question épineuse à la frontière du droit et de la théologie

13Ces principes de droit sommairement rappelés jusqu’ici ne font pas oublier ce qui demeure un point d’achoppement pour notre mentalité occidentale contemporaine sur base des acquis en matière d’égalité des droits et de parité de responsabilités, à savoir le non accès des femmes à l’ordination sacerdotale. C’est une question à la fois névralgique, délicate et complexe.

14Considérée du point de vue de « l’homme de la rue », la question de l’accès à l’ordination renvoie à la relation hommes-femmes et à son extraordinaire évolution depuis un siècle sous l’effet de facteurs économiques (nouvelle division du travail dans une société en voie d’industrialisation), des revendications et des luttes en matière de droit social (« à travail égal, salaire égal ») [11], des progrès de la médecine (incidence sur la régulation des naissances et sur la santé des mères et des enfants), de la place de la maternité dans la vie des femmes (qui ne couvre désormais qu’une partie limitée de leur vie active), de l’évolution du rôle de la mère dans la famille (vu son activité professionnelle, sans négliger ses responsabilités de chef de famille) [12], etc.

15Cette question a jailli dans les pays développés du Nord. On peut légitimement se demander si le fait de privilégier notre propre évolution culturelle (et la critique corrélative des cultures traditionnelles) ne joue pas le jeu d’un humanisme rationaliste dominateur qui juge les « autres » à l’aune de la culture occidentale. C’est pourquoi elle ne peut faire l’objet d’un simple débat d’idées, ni d’un traitement sociologique, ni d’une réflexion philosophique. C’est une question qui doit être abordée avec les ressources que mobilise la théologie catholique, d’autant qu’elle ne se réduit pas à une question disciplinaire relevant du droit positif de l’Église.

16En 1976, la Congrégation romaine pour la Doctrine de la foi déclarait que « l’Église, par fidélité à l’exemple de son Seigneur, ne se considère pas autorisée à admettre les femmes à l’ordination sacerdotale et elle estime opportun de l’expliquer » [13]. Dans sa Lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis du 22 mai 1994, Jean-Paul II reprenait cette position entérinée par son prédécesseur en la qualifiant de « définitive » et lui donnait de la sorte un caractère irréformable. Cette doctrine tombant du côté des enseignements connexes ou ayant un lien intrinsèque avec les données révélées, le pape s’approchait au maximum des conditions de l’infaillibilité pontificale (« Je déclare, en vertu de ma mission de confirmer mes frères ») mais n’employait pas le mot « infailliblement » [14]. Le 28 octobre 1995, une réponse de la Congrégation pour la Doctrine de la foi faisait savoir que le Magistère était engagé de manière infaillible quand il enseigne aux catholiques comme faisant partie du dépôt de la foi que « l’Église n’a pas le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale aux femmes ». Bon nombre de théologiens sont restés perplexes quant à ce glissement vers une prétendue infaillibilité.

Des arguments multiples et variés et leurs préalables herméneutiques

17Comme le souligne avec sagacité Hervé Legrand [15], ce qui est en jeu dans la considération de la question du non-accès à l’ordination sacerdotale, c’est d’abord un ensemble d’« options herméneutiques », c’est-à-dire de choix préalables pour l’interprétation. C’est ainsi qu’il faut s’interroger sur l’unanimité matérielle de la Tradition en tant que garantie d’un contenu [16]. Suffit-elle à elle seule, alors que la Tradition est de soi vivante, c’est-à-dire se déployant dans l’histoire au travers de circonstances changeantes pour que la Bonne Nouvelle de la foi soit annoncée partout dans tous les temps et sous tous les cieux [17] ? L’argumentation biblique n’est évidemment pas exempte de présupposés culturels et confessionnels que les sciences bibliques actuelles nous aident à débusquer loin de tout fondamentalisme scripturaire et d’instrumentalisation idéologique du sens. En prenant un peu de hauteur sur les approches des textes, on s’aperçoit pour le moins que l’argumentation scripturaire est fonction d’un accent prédominant soit sur la création, soit sur l’eschatologie : dans le premier cas, elle s’appuie sur la volonté du créateur, dans le second sur l’anticipation de ce qui est espéré au terme de l’histoire.

18Je tiens à souligner que nos lectures de la Bible n’échappent pas à une herméneutique elle-même relative à l’horizon de sens, aux préoccupations et aux questions des instances qui interrogent les textes. J’aime citer à ce propos mon collègue de Louvain-la-Neuve, le Professeur André Wenin, dans un article récent qui a, entre autres, la vertu de questionner nos « évidences » pour nous laisser interpeller à nouveaux frais par le texte biblique. « Il n’est pas à exclure en effet, écrit-il, que les soi-disant évidences culturelles, traditionnelles ou confessionnelles reposent sur l’occultation des textes eux-mêmes au profit d’interprétations qui, bien qu’elles puissent revendiquer leurs lettres de noblesse et se recommander du fruit qu’elles ont porté, n’honorent, comme toute interprétation d’ailleurs, qu’une partie de l’écrit fondateur. » [18]

19Théologiquement, la réflexion sera relative à l’articulation entre christologie et pneumatologie : dans la première hypothèse, la référence au Christ détermine une ressemblance « naturelle » avec lui, dans la seconde, la référence à l’action de l’Esprit dans l’Église détermine la représentation de la communauté ecclésiale ; dans l’une, on privilégie l’action in persona Christi, dans l’autre, l’action in persona Ecclesiae. Mais on ne pourra jamais oublier ni nier, surtout dans le cadre eucharistique, que ces deux actions sont intrinsèquement liées, l’Église étant Corps du Christ, elle ne vit pas en dehors du Christ qui, lui, se rend présent dans l’eucharistie, certes, mais, en revanche, est représenté – rendu présent – dans les autres sacrements et dans la vie ecclésiale.

20Par ailleurs l’image du Christ comme époux de l’Église inscrit celle-ci dans une symbolique nuptiale. Cela peut se reporter sur les pasteurs, mais la Tradition offre peu de traces de pareil transfert qui est du reste étranger aux écrits néo-testamentaires [19]. En revanche – outre la dénomination de « père » qui, en France, a supplanté celle de « Mr l’abbé » pour les prêtres diocésains –, l’image des pasteurs exerçant une paternité auprès des fidèles pourrait renforcer leur image proprement masculine alors qu’il s’agit tout autant, sur le plan de l’engendrement à la foi et de l’édification de l’Église, d’une image « parentale », qui n’est pas sans renvoyer à la sollicitude maternelle [20]. Sur ce plan, la paternité, comme la maternité, s’inscrit dans une symbolique qui induit la relation et la différence. Pareillement quant à l’exercice de l’autorité, celle-ci n’est pas comme telle à entendre comme proprement masculine. Elle se déploie aussi au sein de la polarité homme-femme [21].

21Sur le plan de la théologie des ministères et de l’histoire de leur déploiement au ier siècle, il est difficile de cerner le « seuil » qualitatif entre ce qui serait le noyau irréductible du ministère « sacerdotal » et les formes complexes du ministère ecclésial aux périodes apostolique et postapostolique. Seule se laisse deviner dans la diversité des figures néotestamentaires la référence à une autorité « apostolique » qui déborde celle des « Douze », affirmée chez saint Paul et les épîtres pastorales, mais ne se laisse aucunement appréhender de manière uniforme. La normativité que l’Église a reconnue aux livres canoniques du « Nouveau Testament » s’avère ainsi être principe de germination de développements ultérieurs [22]. Cela ne doit pas étonner outre mesure car nous sommes dans une dynamique de Tradition « vivante ». Les besoins de la mission et les circonstances de la vie ecclésiale ont au fil du temps donné lieu à des figures qui ont traduit, à chaque période, la régulation du ministère apostolique et le déploiement organique d’une diversité de services et de ministères.

22Toujours sur le plan théologique – plus précisément, celui de l’anthropologie théologique –, c’est la conception biblique de l’être humain dans son intrinsèque différenciation sexuelle qui invite à approfondir la portée symbolique de celle-ci et à examiner son incidence sur la question de l’ordination. La dimension symbolique a un profond ancrage anthropologique dans la différenciation sexuelle quant à la génération. Le concours des deux sexes et leur indispensable complémentarité pour engendrer renvoient à ce que j’appelle le « corps habité » : la singularité de l’un et de l’autre sexe quant à la génération n’est pas sans influer quant au rapport au corps, aux biorythmes, à la durée et au temps, à l’expérience même d’éventuellement porter (ou ne pas porter) un enfant. Homme et femme sont confrontés au mystère de la vie, au don de la vie, à la vie donnée. La femme manifeste, non sans l’homme, que celle-ci est d’abord reçue, ensuite portée et toujours offerte. Leur complémentarité est ancrée dans leur altérité, certes, mais sur fond de leur commune humanité.

23La façon d’apprécier la figure de Marie n’est pas non plus sans influence. À l’encontre de l’ordination des femmes, il y a l’argument selon lequel Jésus n’a pas ordonné sa mère, la plus simple et la plus digne, et par voie de conséquence, aucune autre ne saurait l’être. À cela on peut cependant rétorquer que l’ordination n’a pas lieu d’abord pour la sanctification du ministre, mais pour celle de l’Église. Un autre aspect entre en jeu – et pas des moindres : l’ordination des seuls hommes pourrait être considérée comme un fait de même valeur que la nécessité du pain et du vin pour l’eucharistie, elle s’enracine dans les origines de la foi et appartient, pourrait-on dire, à l’historicité de l’apostolicité de la foi.

24L’éventualité de l’ordination ou simplement le débat à son propos comporte de nos jours une critique de l’androcentrisme [23] et de ses conséquences dans la vie ecclésiale. Cette évolution des rôles ne peut pas faire fi de la portée symbolique de la différenciation et de l’altérité des sexes. Il ne s’agit dès lors pas d’élaborer une « théologie de la femme » qui viendrait supplanter la théologie de l’homme reposant sur le sexe neutre, dont la femme se différencie dans une relation subordonnée qu’il faudrait dès lors renverser. On ne peut pas non plus négliger le « malaise des hommes » et les laborieux réajustements en cours, notamment quant à l’exercice de l’autorité, à ses figures et ses modalités. N’est-ce pas sur ce niveau anthropologique que doit se développer la réflexion dans un contexte de profonde et irréversible redéfinition des rôles sociaux ? Voilà de quoi ouvrir des perspectives … car comme je le dirai plus loin, c’est bien sur le terrain de l’androcentrisme qu’il y a lieu de poursuivre une réflexion et de faire évoluer les mentalités.

25En tant que catholique – et en toute loyauté – je ne peux que prendre acte de la position « définitive » du Pape, même si je reste convaincu qu’elle ne pourra pas de soi mettre un terme à la réflexion ni empêcher un débat dans l’Église [24]. Il est un fait que vu l’évolution des rôles sociaux en Occident, elle fait l’objet de critiques parfois virulentes. Pour certaines catholiques, elle exprime « une discrimination insupportable » de la part d’une « institution dépassée, d’un autre âge ». Gardons-nous cependant de minimiser la position pontificale. Elle doit, pour le moins, nous faire réfléchir, d’autant que le dossier théologique est extrêmement complexe. On ne peut situer cette question au niveau de l’opinion pas plus qu’on ne peut la situer au niveau d’une revendication d’égalité hommes-femmes, ni a fortiori la régler par de simples votes de majorité. Mais peut-on, pour autant, traiter la non-ordination des femmes comme une doctrine engageant l’infaillibilité magistérielle ?

Une présence féminine indéniable, utile et indispensable

26Sur le plan de l’engagement pastoral, la contribution des femmes dans les communautés dites hiérarchiques est un phénomène croissant de ces dernières décennies. Il est difficile de dire si les femmes étaient attendues dans l’Église, concrètement dans les communautés paroissiales ou dans les aumôneries carcérales ou hospitalières. Il faudrait voir en chaque cas d’espèce. Ce qui est évident, c’est qu’elles sont là et qu’elles se sont avérées utiles, sinon indispensables à leur fonctionnement ou organisation, à défaut de prêtres en nombre suffisant pour perpétuer ce qu’ils assumaient jusqu’à une époque récente et même à défaut d’hommes laïcs susceptibles de s’y engager.

27Comme dans la société, l’émergence des femmes s’opère en temps de crise – en tout cas, de profondes mutations. Dans l’Église, c’est la diminution du nombre de prêtres, traditionnellement garants de l’institution, qui a favorisé leur entrée en scène. À vue humaine, il y a une corrélation entre la diminution du nombre de prêtres et l’implication, multiple et variée, des femmes qui les déchargent non seulement dans leurs tâches ministérielles, mais pour des tâches ministérielles. Autrement dit, leur contribution s’avère avoir été à la fois quantitative – un certain nombre de tâches ne pouvant plus être assumées par les prêtres – et qualitatives – ces tâches devant être assurées par des fidèles laïcs, en l’occurrence des femmes qui les assument légitimement (cf. c. 228).

28Dans le concret de la vie et du fonctionnement de l’Église, les femmes constituent l’écrasante majorité des laïcs qui, au titre de leur baptême et en vertu de leurs charismes, portent au quotidien le témoignage et le rayonnement de l’Évangile. Bien plus, sur le plan des services et des ministères indispensables à la mission de l’Église en ce lieu, les femmes constituent également, à titre bénévole ou comme rémunérées, un corps important de collaboratrices pastorales. Il va sans dire que l’action des pasteurs ne pourrait atteindre tout le déploiement espéré sans la contribution des femmes. Mais c’est surtout la mission de l’Église en ce lieu qui serait hypothéquée si l’Église locale diocésaine ne pouvait compter sur elles. Sans les femmes « engagées », le rayonnement de l’Évangile serait terriblement appauvri.

29La contribution des laïcs, notamment des femmes, a ainsi mis fin au monopole de l’exercice du ministère qui a caractérisé les prêtres depuis plusieurs siècles. Cela n’a pas été sans tensions ni difficultés, voire sans conflits. L’arrivée des femmes a été une nécessité pour les communautés concernées. « Nécessité fait loi », dit l’adage. Pour se faire accepter a fortiori dans les tâches à responsabilité, elles ont souvent dû apprendre à être humbles surtout quand leur présence de femmes mariées était ressentie comme une menace pour l’identité de l’« autre », homme, prêtre et célibataire.

Un apport qui, outre les qualités « féminines », mobilise beaucoup de qualités humaines

30À y regarder de plus près – surtout si on est à l’écoute des femmes impliquées dans la vie et le fonctionnement de ces communautés hiérarchiques –, leur contribution n’est pas purement et simplement « féminine » au sens où cette qualification désignerait la nature des tâches et des responsabilités. Leur contribution est indistinctement liée à leur personnalité, leur caractère, leurs goûts et affinités, leur expérience de vie, leur histoire personnelle et pas seulement à leur sexe, celui-ci étant entendu au sens de « sexe social », les caractéristiques culturelles (stéréo)typées de la féminité [25].

31On ne peut nier aujourd’hui que la différenciation sexuelle étant affirmée quant à la génération comme différence bilatérale (et non plus unilatérale), la féminité et la masculinité sont les effets concrets de relations variables d’une culture à l’autre [26]. Tout au plus la présence de femmes dans le champ ecclésial mobilise-t-elle des qualités ou des attitudes stéréotypées comme féminines. Cette touche « féminine » éveille des possibles et favorise une humanisation de la collaboration entre hommes et femmes en Église, aux différents niveaux de la vie et du fonctionnement de celle-ci.

32Mais peut-on dire pour autant que féminité et masculinité sont purement culturelles ? S’il y a une différence foncière du point de vue biologique quant à la génération, cette différence est élaborée du point de vue culturel et social. Elle mérite d’être pensée quant à la conscience de soi de l’homme et de la femme, l’élaboration de leur identité, la compréhension de leur altérité réciproque, etc. Il y a certes des qualités stéréotypées comme féminines, mais elles ne se réduisent pas toutes à des traits réversibles et interchangeables. Il y a lieu d’éviter de tomber dans le « tout culturel », après avoir succombé au « tout naturel » [27]. C’est un immense chantier qui mérite d’être entrepris d’un point de vue philosophique et théologique et que les seules sciences humaines, comme la sociologie, ne peuvent s’approprier avec des diktats définitifs.

33Il n’empêche que ces qualités (stéréotypées comme) féminines sont un fait pour le moins culturel, qui doit encourager à une véritable réflexion anthropologique à la lumière de la raison philosophique autant qu’à celle de l’Écriture et de la Tradition pour la théologie, sans que le débat et la recherche ne se focalisent exclusivement sur la question de l’ordination. Sous le bénéfice de ces remarques, les qualités dont il est fait le plus souvent état sont de l’ordre relationnel : citons principalement l’attention, la disponibilité, la gratuité, l’écoute, l’empathie, la compassion mais aussi la capacité de mettre ensemble et de faire du lien.

34La présence féminine a aussi contribué à un autre style d’exercice des responsabilités et du pouvoir. On s’accorde bien souvent à leur reconnaître un style de leadership plus dynamique parce que plus relationnel, transformationnel et émotif. Un leadership plus interactif encourageant la participation et stimulant la motivation, axé sur la tâche et les résultats moyennant la mise en relation des personnes et des objectifs. On leur reconnaît un leadership sensible à la résolution des problèmes et au dépassement des conflits. L’intuition spontanément qualifiée de féminine n’y serait pas étrangère. Il y a aussi très souvent chez les femmes une approche intégrée des différentes composantes de la personne : corps et esprit, affectivité et intellect.

35Dans la vie sociale comme dans le champ ecclésial, bon nombre de femmes considèrent ces qualités comme des atouts. Il y a cependant lieu de ne pas durcir l’attribution de ce style de leadership à des qualités qui demeurent culturellement stéréotypées comme féminines, tout comme il faut éviter l’opposition simpliste du masculin et du féminin. C’est bien plutôt la frontière entre les deux qui s’est estompée [28]. On constate en effet une féminisation des discours et des pratiques du côté des hommes – tendance que d’aucuns qualifient de dévirilisation. Dans le contexte contemporain de déséquilibre des polarités masculine et féminine, l’absence des hommes dans l’Église et la féminisation de celle-ci posent les questions de l’autorité, de la référence à la loi, des modèles d’identification et d’appartenance masculine. On assiste à la valorisation du spirituel, du convivial, de l’affectif voire du fusionnel, ainsi que des attitudes de compassion et des humbles gestes du quotidien. La prédominance féminine et l’effacement du pôle masculin ne devraient pas estomper le symbolisme constitutif de la différence sexuelle.

36La tendance à la dévirilisation participe peut-être tout autant de la postmodernité lasse de certains combats sous l’effet de la pensée faible. Peut-être plus simplement est-ce dû au manque, sinon à la perte d’une compréhension symbolique de la bipolarité masculin/féminin, vu la raison efficiente de la modernité et des impératifs de performance. Or, le propre du symbole est de dire à la fois la relation et la différence. Le symbole unit et distingue à la fois.

37Je ne plaide donc pas pour un « visage plus féminin de l’Église » [29] sur l’arrière-fond d’une éventuelle « théologie de la femme ». En revanche, cela vaut peut-être la peine de promouvoir la relation symbolique « masculin/féminin » dans la vie ecclésiale et de dégager ce que leur différence apporte en termes d’humanisation, de surplus de sens, voire d’action de grâce. Cela ne va pas sans difficultés, surtout quand des hommes, en l’occurrence des prêtres, sont sur la défensive et ne tirent pas profit de la complémentarité « masculin/féminin ». La présence des femmes a été un facteur de perturbation des institutions concernées – paroisses, aumôneries ou services – où il faut désormais compter sur leur contribution. D’où des résistances cléricales soit sur le mode de la manipulation et de la séduction pour les garder dans le rang, soit par une relative indifférence à l’égard d’aspirations légitimes de développement personnel.

Une présence prise au sérieux, parfois instrumentalisée : entre frustration et surenchère

38Il est intéressant de constater que si, dans bien des cas, les contributions féminines font l’objet de congratulations et d’encouragements de la part de la hiérarchie masculine, elles ne s’inscrivent pas toujours dans le cadre de projets suffisamment formalisés. Des femmes s’activent en Église, ça bouge ! Mais leur action n’est pas inscrite dans une dynamique de projet. Dans le pire des cas, l’action de ces femmes produit un effet de « vitrine » [30], une sorte de faire-valoir pour l’institution cléricale qui (se) justifie (par) leur engagement. Celui-ci, certes apprécié, n’est pas suffisamment repris dans une perspective novatrice. Sans doute est-ce par manque de rigueur et de professionnalisme de la hiérarchie cléricale. Mais de tels constats peuvent s’appliquer à l’apport des laïcs en général.

39La présence des femmes risque parfois d’être instrumentalisée à des fins idéologiques. On s’efforce coûte que coûte de démontrer qu’elles sont quand même prises au sérieux dans l’Église. Cela s’opère quelques fois avec des justifications exaltant le « proprement » féminin que des courants de spiritualité réfèrent à la Vierge Marie.

40Devant les difficultés ou simplement l’indifférence, il y a le risque chez des femmes de « la surenchère du don de soi » pour obtenir une reconnaissance en tant que nouveaux acteurs de la pastorale. Certes, en rigueur, cela ne tient pas à la féminité comme telle, au sexe social, à une question de genre. Mais cela n’arrange rien que, sous l’effet persistant de l’androcentrisme séculaire et d’une mentalité patriarcale, cela soit vécu par des êtres humains féminins. Cela constitue même un obstacle supplémentaire dans une dynamique qui relève en définitive du changement institutionnel et non pas d’abord de la différenciation sexuelle. C’est du changement dont on a peur ! Or, la peur est plus grande quand le changement est opéré par des femmes car l’imaginaire social se les représente, en Église comme dans la société, soumises aux hommes, ce qui peut nourrir chez eux la crainte d’une révolte, l’angoisse face à un retournement du rapport de force [31].

La diversité (ré)instaurée, un gage de catholicité

41Dans un milieu où les acteurs et leaders étaient jusqu’il y a peu principalement sinon exclusivement masculins, les femmes apportent en tous cas par le fait même de leur présence une diversité, celle qui est liée à leur sexe, leur genre, leur féminité. Cette différence est emblématique de toutes les diversités qui entrent en ligne de compte dans le peuple de Dieu selon sa « merveilleuse variété » (cf. LG 32a). La présence féminine apporte de soi une différence à son tour variable et démultipliable. À côté des clercs et des hommes laïcs, des femmes, bénévoles ou rémunérées, arrivent avec leurs parcours professionnels, leurs itinéraires existentiels et états de vie différents du clergé presbytéral, célibataire par surcroît.

42Cette attention, voire valorisation de la diversité est indéniablement l’expression d’une nouvelle sensibilité à la catholicité de l’Église que nous confessons dans le credo [32]. La catholicité de l’Église est tout autant la catholicité de sa foi, c’est-à-dire en définitive la capacité de l’Évangile d’être parlant pour tout être humain, sous tous les cieux et dans tous les temps. L’Évangile est non seulement « parlant » pour tout être humain, mais « parlé » par tout être humain, homme et … femme, qui le reçoit, en vit, l’atteste. Le déploiement d’une diversité accueillie dans l’unité favorise un climat et les conditions du dialogue. D’où l’importance de cette attention à la catholicité : elle conduit, au fond, à une prise au sérieux de l’altérité, – une ouverture aux « autres », à ce qui est autre, voire différent –, qui permet non seulement une prise de conscience de sa propre identité, mais aussi un enrichissement certain et un véritable devenir, bref, un avènement de soi. C’est vrai également pour l’Église. C’est d’ailleurs hautement souhaitable d’autant plus que la différence sexuelle est emblématique de toutes les autres différences !

43On mesure le chemin parcouru depuis quelques décennies et a fortiori sur le temps long, depuis quelques siècles où l’Église était marquée par le clivage entre clergé et laïcat, déterminant l’Ecclesia docens et l’Ecclesia discens et ses conséquences entre d’une part, des sujets actifs et responsables, et d’autre part des fidèles passifs – entre des administrateurs et des administrés. Ce contexte-là était caractérisé entre autres par des structures patriarcales et une vision androcentrique basée sur la différence unilatérale entre l’homme et la femme. La différence sexuelle y était vue comme différence de la femme, l’être humain masculin étant le premier sexe, et pas un sexe neutre. L’unanimité pratique de l’Église ancienne et médiévale est « manifestement liée à l’androcentrisme », écrit Hervé Legrand, « c’est-à-dire à cette vision partagée par les théologiens les plus classiques et les plus influents comme saint Augustin et saint Thomas d’Aquin, selon laquelle la femme est relative à l’homme sans que la réciproque ne soit jamais envisagée, parce que l’homme est vu comme le sexe exemplaire de l’humanité – anthropologie qui n’est certainement pas révélée » [33].

44Ce sexisme androcentré y établissait une hiérarchie de rapports sociaux des sexes en termes de servitude, de sujétion, de subordination dans une relation de domination dont l’autorité maritale subordinante (lat. patria potestas) en était l’indicateur social majeur au sein de la famille patriarcale, forme historique de la servitude spécifique des femmes [34].

45L’exemple de la vie monastique est révélateur de la subordination des femmes, en l’occurrence des moniales, qui « avaient elles-mêmes peu de voix dans leur communauté, et pas de voix du tout dans la vie des moines » [35]. Certes, la vie monastique reflétait ce qui se passait plus largement dans l’Église et la société en général : « les hommes pensaient et gouvernaient, les femmes écoutaient et obéissaient » [36]. On ne peut dès lors manquer de voir la prodigieuse évolution opérée dans l’Ordre cistercien de la stricte observance où, comme une révolution silencieuse, s’est produit un véritable partage du pouvoir dans une mixité des structures reposant sur la conviction implicite ou latente de « rester ensemble ». Ce partage du pouvoir dans la diversité reposait foncièrement sur une unité de tradition, de vocation, de mission autant que sur un même désir de Dieu et une commune volonté de servir l’Église en témoignant de l’urgence du Royaume de Dieu dans l’histoire.

46L’exemple cistercien exprime à sa façon l’enjeu de la diversité évoquée plus haut dans le compagnonnage ecclésial et la collaboration pastorale entre hommes et femmes en Église. Cet exemple ne doit pas cacher que la mixité appelle des changements d’habitudes, d’organisation, de mentalité, non sans résistance, voire opposition dès lors que la présence des femmes entraîne des ajustements dans les attributions des uns et des autres, clercs y compris, et dans l’exercice du pouvoir (de décision) que les clercs doivent, bon gré, mal gré, apprendre à partager.

Le partenariat en Église : reconnaissance et légitimité des contributions féminines

47La reconnaissance des contributions féminines va bien au-delà du simple constat de l’apport des femmes à la vie et au fonctionnement des communautés hiérarchiques. Certes, la présence des femmes s’est imposée par la nécessité, notamment dans le cadre de l’émergence des laïcs à la suite de la diminution du nombre de prêtres. Cette présence indéniable est utile et même indispensable.

48Mais il importe que soit poursuivi l’apprentissage de ce compagnonnage ecclésial et de cette collaboration pastorale entre femmes et hommes, en particulier prêtres. Dans les faits, malgré les résistances, voire l’indifférence de certains clercs, la tendance dominante est heureusement celle d’un partenariat en Église sur fond d’égalité de droits, de déploiement des potentialités des uns et des autres et, par conséquent, de valorisation de la diversité dans les équipes concernées ou, du moins, dans les initiatives, actions et projets menés en commun.

49Reconnaître, c’est donc d’abord prendre acte. Mais c’est aussi valoriser et légitimer. Qui dit reconnaissance dit en définitive légitimité. Or, celle-ci n’est pas seulement légale ni institutionnelle, même si cette dimension juridique s’avère indispensable. La légitimation institutionnelle ou légale – dans l’Église comme dans la société – est nécessaire mais pas suffisante [37]. De soi elle s’accompagne de la reconnaissance par la collectivité concernée, c’est-à-dire par les personnes qui, à un titre ou à un autre, sont concernées par la mission confiée à des femmes. Ces personnes sont tout d’abord les « usagers », concrètement les fidèles et plus largement les personnes qui bénéficient de l’apport de ces femmes en paroisse, en aumônerie ou au sein d’un service. C’est ensuite les responsables hiérarchiques de l’institution ecclésiale en question et, le cas échéant, de l’institution civile concernée comme la prison ou l’hôpital.

50La reconnaissance institutionnelle ou légale repose sur (la légitimité de) l’attribution d’une fonction. Concrètement, le service ou le ministère qui a été confié à une femme engage au premier chef l’institution qui demande à celle qu’elle choisit, envoie et investit pour une mission d’être au service de la collectivité. Pour le dire en termes simples, alors qu’en vertu de la coresponsabilité baptismale de tous les fidèles, les baptisés agissent « au nom de leur foi », ceux et celles qui œuvrent sur le plan de la collaboration ministérielle de quelques-uns agissent « au nom de l’Église » [38].

51La reconnaissance par les usagers sera aussi fonction des qualités et autres compétences mobilisées par ces femmes en paroisse, en aumônerie ou au sein de services d’Église. Cela nous renvoie à ce que, dans la foulée de Max Weber, des sociologues ont dégagé comme sources de légitimité. On peut les résumer à trois, voire à quatre [39]. La première, c’est la légitimité liée à un charisme de fonction ou plus simplement à la fonction assignée par l’institution. Cela rejoint le titre de la fonction, certes, mais aussi la résonance de celle-ci dans la collectivité concernée. Une femme pourra légitimer son engagement en Église par le fait qu’elle a été nommée animatrice pastorale en milieu hospitalier, directrice diocésaine de la catéchèse, assistante paroissiale ou encore responsable du Service de presse diocésain.

52Dans une institution religieuse entrent en ligne de compte d’autres éléments de légitimation par rapport aux « biens du salut » pour parler comme les sociologues, concrètement les biens sacramentaux prodigués par les clercs. Du fait même de l’ordination conférée, notamment en vue de l’administration des sacrements, les clercs acquièrent une légitimité institutionnelle accrue par rapport aux laïcs et donc aux femmes. Autant dire que la légitimité institutionnelle pour des femmes en Église n’a pas le même poids ni la même incidence que le charisme de fonction des clercs en vertu de leur ordination. On rejoint donc ici, au-delà de la différence hommes-femmes, le clivage entre clercs et laïcs. Du point de vue de cette première source de légitimité, les laïcs – hommes ou femmes – sont désavantagés ; ils ne bénéficient pas d’une véritable égalité des chances.

53Deux autres sources de légitimité suscitent la reconnaissance : ce sont respectivement d’une part l’expérience ou l’expertise, bref le savoir-faire, et d’autre part les connaissances ou les savoirs mobilisés pour les tâches exercées dans la mission confiée. Les femmes en Église se situent le plus souvent sur le registre de la légitimité d’expertise. Par exemple, une catéchiste chevronnée finira par assumer la coordination de la catéchèse sur le plan d’un doyenné, pour ensuite se voir confier la responsabilité du Service diocésain de catéchèse. Ici, on reconnaît son expertise catéchétique qu’elle aura peut-être enrichie de modules de formation, voire d’un certificat en catéchèse mais sans arguer d’un titre académique en théologie. Aujourd’hui, malgré les évolutions positives en la matière par l’accroissement des diplômées en théologie, les femmes sont encore proportionnellement très peu nombreuses à faire état d’un parcours universitaire en théologie.

54La quatrième et dernière source de légitimité est liée au charisme personnel au sens wébérien, c’est-à-dire aux qualités de la personnalité. C’est sur ce plan que sont très souvent évoquées les qualités (stéréotypées comme) féminines. Celles-ci ressortent d’autant plus comme telles qu’elles se déploient dans un milieu traditionnellement masculin, clérical et célibataire. La légitimité par charisme personnel joue dans les choix opérés par les responsables hiérarchiques. Elle joue dans l’exercice de la mission telle qu’elle est perçue, par eux, mais aussi par les usagers et des tiers. Elle joue par conséquent dans la collaboration en équipe ou le travail commun, la diversité étant dans la meilleure des hypothèses appréciée comme une source d’enrichissement et de performance.

Heureuses et bénéfiques contributions féminines …

55Dans nos contrées d’Europe occidentale du Nord, la contribution des femmes fait donc l’objet d’une reconnaissance effective, à quelque degré que ce soit. Mais non sans peine. C’est un fait indéniable : les femmes parviennent à bénéficier d’une légitimité dans leur engagement ecclésial, même si celle-ci mériterait encore, dans certains cas, d’être étayée, voire tout simplement confirmée.

56L’émergence de nouveaux acteurs sociaux, en l’occurrence des femmes dans les communautés hiérarchiques, gagne à être comprise dans une perspective systémique. Un système est un ensemble d’éléments où les variations sur chacun d’eux – et a fortiori sur plusieurs d’entre eux – entraînent des changements non seulement sur les autres éléments, mais sur l’ensemble. L’émergence relativement récente de femmes nombreuses à s’engager en Église ne pourra que continuer à influer sur les autres acteurs concernés, les clercs en particulier et les autres fidèles, mais aussi sur la conscience même que les femmes elles-mêmes ont et développent de leur action en Église. D’où l’intérêt que ce phénomène puisse être porté à la parole, examiné, analysé et réfléchi sociologiquement et théologiquement pour opérer les ajustements qui s’imposent, notamment en termes d’égalité des chances et de salaire.

57L’autorité pastorale ne peut pas ne pas se laisser interpeller par les femmes engagées en Église. Leur contribution variée et multiple favorise et garantit l’inculturation de la foi : celle-ci n’est pas uniquement assurée par les clercs ni même uniquement par les hommes, mais par tous, femmes y compris. L’enjeu est capital pour l’évangélisation. La crédibilité de l’Évangile passe par le crédit que l’Église accorde(ra) aux femmes. En Occident, le statut des femmes est un point extrêmement sensible. Tout ne va-t-il pas se jouer dans la façon dont l’Église va non seulement honorer leur dignité, mais reconnaître leur inégalable participation à la mission [40] ? J’ose l’espérer. Concrètement, à quelque niveau que ce soit – et je pense surtout au niveau des diocèses – l’Église peut déjà récolter quelques fruits des contributions féminines. J’en retiens principalement quatre.

58Il y a tout d’abord l’humanisation de l’institution par la présence des femmes, et plus spécialement par l’enrichissement humain que procurent les qualités (stéréotypées comme) féminines, dont nous avons dit qu’elles sont avant tout – et en définitive – humaines.

59Il y a ensuite une meilleure prise en compte du quotidien – de l’« épaisseur du quotidien » – que leur présence reflète. Elle est, à ce titre, un gage d’inculturation de la foi dans ce qui fait la vie commune des gens. Prenant désormais largement leur place dans l’espace public, les femmes ont l’avantage de parler du « champ domestique » [41] ; celui-ci ne se réduit pas purement et simplement à la vie privée, en famille ou dans les choix personnels. Elles contribuent ainsi à l’expression du sens de la vie des gens, dans leurs joies, leurs projets, leurs peines, voire leurs tragédies : par l’éclairage de l’Évangile, elles permettent d’y découvrir les traces d’un Dieu venu sauver l’humain, tout l’humain. Femmes qui aiment, qui luttent, qui souffrent … Elles ne le font pas sans les hommes, mais elles les aident à découvrir qu’au-delà de l’efficacité des programmes et l’argumentaire des idéologies, l’ouverture à l’avenir autant que le don de la vie – reçue, portée et offerte – les constituent dans leur commune dignité et leur imprescriptible complémentarité d’hommes et de femmes, créés à l’image et à la ressemblance de Dieu.

60Sur le plan des tâches qu’elles assument ou des services ou ministères qu’elles exercent, les femmes apportent leur professionnalisme, du fait qu’elles viennent pour la plupart d’une expérience professionnelle extra-ecclésiale dont elles font bénéficier la paroisse, l’aumônerie ou le service. À bien des égards, la présence des femmes contribue à la dynamisation de l’institution, à ses initiatives, ses actions, ses projets, mais aussi à l’évolution de sa culture interne.

61Il y a enfin une créativité dans l’accompagnement pastoral en dehors ou au-delà de l’offre sacramentelle (créativité extra/supra-sacramentelle) [42]. Là où elles jouissent de la confiance de l’autorité pastorale, elles cherchent volontiers des voies et des modalités pour accompagner les personnes à défaut de (pouvoir) recourir aux sacrements qu’elles ne peuvent célébrer. Bien souvent, cette créativité pastorale conduit les personnes qui en bénéficient à découvrir des trésors insoupçonnés de la foi de l’Église. Là où la simple satisfaction d’une demande sacramentelle aurait consolidé la religiosité, l’accompagnement extra- ou supra- voire para-sacramentel aura prodigué du temps, de l’énergie et surtout un désir plus grand d’accueillir une Parole qui fait grandir en humanité, selon le dessein de Dieu. C’est ce dernier que, chemin faisant, les personnes ainsi accompagnées découvrent bien souvent, non sans émerveillement. Dans cette perspective, la créativité de bon aloi dans l’accompagnement pastoral ne peut que permettre et favoriser une (ré)appropriation de la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu qui veut la réussite de l’humanité.

En guise de conclusion : un chantier à poursuivre sur trois fronts

62Il faut donc se réjouir du chemin parcouru ces dernières décennies. Mais vu la persistance d’une mentalité patriarcale et les effets toujours présents, bien qu’atténués, de l’androcentrisme, il importe de s’engager tous ensemble – hommes et femmes, clercs et laïcs, pasteurs et communautés – conjointement dans un combat pour la parité sur trois fronts : celui de la qualité relationnelle, celui des apprentissages et celui des représentations.

63Le combat pour la parité s’engage tout d’abord sur le front de la qualité des relations entre hommes et femmes. Cela se joue au quotidien et cela relève de l’engagement de tous et de chacun(e). Cette qualité relationnelle découle selon moi de quatre sources. Elle jaillit en premier lieu du respect réciproque de chacun dans ses spécificités. Elle découle ensuite de la vocation commune au sein de l’Église et au service de la mission. Elle dépend cependant tout autant d’une volonté de travailler ensemble. Elle provient enfin d’un désir d’enrichissement mutuel dans son humanité et dans l’approfondissement de son être chrétien.

64Le combat pour la parité concerne ensuite les apprentissages individuels et collectifs à poursuivre principalement dans quatre domaines : la prise de parole des « femmes » dans la vie et le fonctionnement des communautés susdites et du diocèse ; leur implication dans les instances de concertation au sein de ces communautés et du diocèse (par ex. Conseil pastoral) ; leur implication dans des organes de décision (comme par exemple un Conseil épiscopal), voire le cas échéant leur participation au pouvoir de juridiction proprement dit comme déléguée épiscopale, juge ecclésiastique et chancelière ; le statut des femmes rémunérées au service de l’Église. On notera que ces quatre domaines ne relèvent plus des relations interpersonnelles mais des fonctionnements institutionnels.

65Le front des représentations concerne non seulement un travail sur les résistances patriarcales et androcentriques à la parité, voire à l’égalité, mais aussi un examen des stéréotypes et des préjugés à l’œuvre dans la vie et le fonctionnement des communautés, et plus particulièrement dans le chef des pasteurs. C’est sur base d’une identification des résistances et des oppositions que l’on pourra travailler aux représentations mentales des catholiques, fidèles, pasteurs et autres ministres. Ce qui se joue ici, au-delà des représentations au sens conceptuel – voire kantien de Vorstellung –, c’est tout l’imaginaire ecclésial autour de « la » femme [43]. Peut-être faudra-t-il s’engager dans un travail de purification de la mémoire [44].

66C’est un vaste chantier car cet imaginaire social engage à la fois trois niveaux : celui des rites et des usages, celui des mythes et des récits, et enfin celui des discours. Concrètement, cela interroge respectivement le style des relations avec les femmes à la fois redoutées, disqualifiées et sublimées, l’interprétation critique des récits bibliques et autres pour réhabiliter leur égalité et leur complémentarité et, enfin, le discours tenu par les responsables pastoraux et le magistère, ainsi que celui qui est tenu par les fidèles sur le terrain très concret et quotidien de la vie ecclésiale.

67C’est en fonction de ce long, lent et laborieux travail sur l’imaginaire ecclésial que l’on parviendra petit à petit à dépasser l’androcentrisme patriarcal et surtout à changer les habitus[45], à savoir non seulement les attitudes, mais les structures de représentations et de pratiques, et donc les fonctionnements sociaux qui déterminent les relations entre les individus. Nous sommes sur la bonne voie.

68Cette révolution est imparable : les acquis socio-culturels, politiques et ecclésiaux sont irréversibles. Il s’agit néanmoins de (continuer à) faire les apprentissages indispensables pour dépasser la sujétion féminine – même, et surtout sublimée –, accepter sans concession l’égalité des chrétiennes et développer une véritable complémentarité hommes-femmes. « L’heure vient, l’heure est venue où la vocation de la femme s’accomplit en plénitude, l’heure où la femme acquiert dans la cité une influence, un rayonnement, un pouvoir jamais atteints jusqu’ici ». Quand viendra-t-elle « dans l’Église », cette heure que les Pères du concile Vatican II voyaient déjà arrivée « dans la cité » [46] ?

Notes

  • [1]
    Cette étude est le fruit d’un séminaire de travail organisé à mon initiative les 11 juillet et 23 août 2012 à l’abbaye de Brialmont (Tilff - Liège) en vue de préparer mon intervention aux Semaines Sociales de France en novembre 2012. Il y aurait eu quelque chose d’incongru à ne pas donner la parole à des femmes au moment de traiter de leurs contributions dans l’institution ecclésiale. Un cordial merci pour le temps et l’énergie consacrés à cette démarche préparatoire à Mesdames Catherine Chevalier, Annie Cornet, Thérèse Crespin, Marie Demaret, Anne-Françoise Foccroulle, Anne-Marie Fortemps, Marie Lhoest, Anne Locht, Marta Löw, Elisabeth Neuforge, Dominique Olivier, Chantal Pirard, Laurence Plumier, Caroline Werbrouck et enfin Mère Marie-Pascale Dran, ocso, abbesse de Brialmont. Mon exposé aux SSF, y compris le débat avec l’autre intervenante, a été récemment publié : Alphonse Borras et Maria Voce, « Hommes et femmes en Église », dans Semaines Sociales de France, Hommes et femmes, la nouvelle donne. Actes de la 87e session des SSF, Paris, Bayard (coll. « En mouvement »), 2013, p. 143-171.
  • [2]
    Richard Puza, « Frau », dans Axel von Campenhausen, Ilona Riedel-Spangen-Berger, Rainhold Sebott (éd.), Lexikon für Kirchen- und Staatskirchenrecht, tome 1, Paderborn-Munich-Vienne-Zurich, F. Schöningh, 2001, p. 714-716. Le Code de 1983 ne parle plus de patria potestas mais de pouvoir des parents ou des tuteurs (c. 98 § 1 ; cf. CIC 1917 c. 89) ; pour une cause juste autre que la séparation légale, l’épouse peut avoir un domicile propre (c. 104 ; cf. CIC 1917 c. 93 § 1) ; l’époux peut passer au rite de l’épouse (c. 112 § 2, 2° ; cf. CIC 1917 c. 98 § 4).
  • [3]
    On comparera avec le Code de 1917 : dans l’église, il est souhaitable qu’elles soient séparées des hommes (c. 1262 § 1) ; elles doivent avoir la tête couverte et s’habiller modestement, surtout quand elles vont communier (c. 1262 § 2) ; elles ne peuvent s’inscrire dans une confrérie (c’est-à-dire une association [lat. sodalitium] pour la promotion du culte, c. 707 § 2), pour bénéficier des indulgences et des grâces spirituelles réservées aux membres (c. 709 § 2) ; elles ne peuvent être entendues en confession en dehors d’un confessionnal (c. 910) ; elles ne peuvent servir la messe, sauf à défaut d’homme et pour une juste cause à condition de répondre de loin et de ne pas s’approcher de l’autel (c. 813) ; dans les causes de saints elles ne peuvent agir que par leur procureur (c. 2004) ; à cela s’ajoutaient d’autres discriminations dans le droit des religieux où souvent s’exerçait une tutelle des religieux sur les religieuses (p. ex. cc. 544 § 7, 601 § 1, 604, 607).
  • [4]
    Cf. Hervé Legrand, « Femme. B. Dans l’Église », dans Jean-Yves Lacoste (dir.), Dictionnaire critique de théologie, Paris, Quadrige-PUF, 2002, p. 460-463. Dans les sociétés qui ont vu naître le christianisme et dans celles qu’il a traversées jusqu’à nos jours, cette anthropologie n’a pas pour autant aboli la subordination et la sujétion des femmes. Elle a cependant largement contribué à améliorer leur condition et à honorer leur dignité.
  • [5]
    Cf. Bernard Dupuy, « Du masculin et du féminin dans l’Église », Istina 38, 1993, p. 149-155, ici p. 150-151.
  • [6]
    Cf. Patrick Valdrini (dir.), Droit canonique, Paris, Dalloz (coll. « Précis »), 1999, 2e éd., n° 182 et 202.
  • [7]
    Le canon 215 du Code de Droit canonique s’exprime en ces termes : « Les fidèles ont la liberté de fonder et de diriger librement des associations ayant pour but la charité ou la piété, ou encore destinées à promouvoir la vocation chrétienne dans le monde, ainsi que de se réunir afin de poursuivre ensemble ces mêmes fins ».
  • [8]
    Cette liberté associative des fidèles comprend le droit de fonder des associations, le droit de participer à celles qui existent, la liberté statutaire et de direction, etc. Mais, comme les autres droits reconnus aux fidèles, la liberté d’association doit tenir compte « du bien commun de l’Église, ainsi que des droits des autres et des devoirs qu’ils ont envers eux » (c. 223 § 1). Dans les canons concernant les droits fondamentaux des fidèles laïcs (cc. 224-231), leur est reconnu le droit d’exercer l’apostolat inhérent à leur condition de baptisés, « individuellement ou groupés en association » (c. 225 § 1). Le législateur souligne que « cette obligation est encore plus pressante lorsque ce n’est que par eux que les hommes peuvent entendre l’Évangile et connaître le Christ » (ibid.).
  • [9]
    Prenons l’exemple de la paroisse (ou de l’unité pastorale). À l’instar de l’évêque diocésain en son Conseil épiscopal (cf. c. 473 § 4), le curé n’y exerce pas tout seul la charge pastorale, ni à plus forte raison de manière isolée. Il est entouré dans bien des cas d’une instance le plus souvent qualifiée d’« équipe (d’animation) pastorale » avec des personnes ayant les qualités requises qui participent étroitement à l’exercice de la charge pastorale. C’est une instance de gouvernement. En vis-à-vis, pourrait-on dire, il y a le Conseil pastoral (diocésain ou paroissial, cf. c. 511 et c. 536) : il s’agit d’une instance de concertation où les fidèles tiennent conseil pour vérifier le tonus évangélique de leur communauté (cf. c. 511 et c. 536). Cette double instance – direction et concertation – se retrouve mutatis mutandis dans toutes les communautés hiérarchiques où se croisent le principe de céphalité du ministère apostolique (de l’évêque ou des prêtres) et le principe de synodalité de l’ensemble de la communauté concernée et des fidèles qui la composent (pasteurs et autres ministres y compris).
  • [10]
    Cf. Alphonse Borras, « Délibérer en Église : communion ecclésiale et fidélité évangélique », dans Alphonse Borras (dir.), Délibérer en Église. Hommage à Monsieur l’abbé Raphaël Collinet, official du diocèse de Liège, Bruxelles, Lessius (coll. « La Part-Dieu »), 2010, p. 135-156.
  • [11]
    Je renvoie volontiers à l’article du Prof. Anna Riva, médecin, professeur émérite de psychologie et jadis enseignante en faculté de Théologie à Rome, sur le mouvement féministe et les revendications d’égalité dans les droits civils et politiques (suffrage universel, instruction, etc.) ainsi que le féminisme de la fin du XXe siècle et sa crise : Anna Riva, « Féminisme », dans Stefano De Fiores & Tullo Coffi (dir.), Dictionnaire de la vie spirituelle, adaptation française de François Vial, Paris, Cerf, 1983, p. 423-432. L’auteur y aborde également la signification humaine de la protestation féminine et offre une belle réflexion sur « le féminisme à la lumière de l’Évangile » (p. 430-431).
  • [12]
    « La mère n’est sans doute pas exactement un pater familias au sens traditionnel, mais on peut dire qu’elle en a pris plus de traits que le mari n’en a gardé » (Pierre Vallin, « Le ministère des femmes dans l’Église », Études 346, 1977, p. 685-693, ici p. 687).
  • [13]
    Congrégation pour la doctrine de la foi, « Déclaration sur la question de l’admission des femmes au sacerdoce ministériel Inter insigniores » du 15 octobre 1976, DC 74, 1977, p. 158-164 où les fondements théologiques fournis sont le fait de la Tradition (chap. 1), l’attitude du Christ (chap. 2), la pratique des Apôtres (chap. 3), la valeur permanente de l’attitude des apôtres (chap. 4), l’argument in persona Christi (chap. 5), le sacrement de l’ordre et choix de Dieu (chap. 6) ; Id., « Commentaire au sujet de la déclaration de la Congrégation pour la doctrine de la foi sur la question de l’admission des femmes au sacerdoce ministériel », DC 74, 1977, p. 165-173. Les arguments présentés sont principalement 1) la diversité homme/femme n’entame pas leur égalité foncière ; 2) le sacerdoce ministériel relève du service et non de l’affirmation personnelle ; 3) le Christ n’a appelé que des hommes et les apôtres ont fait de même ; 4) le poids de la tradition pérenne ; 5) l’Église tout en étant attentive à la société ne tire pas de celle-ci les principes de sa constitution. On lira les commentaires de Pierre Vallin, op. cit., p. 685-693, ainsi que ceux de Hervé Legrand, « L’ordination des femmes au ministère presbytéral. Réflexions théologiques du point de vue catholique », Documents-Episcopat n° 7, avril 1976, 16 p. Hervé Legrand, « Traditio perpetuo servata ? La non-ordination des femmes : tradition ou simple fait historique ? », dans Paul de Clerck et Eric Palazzo (dir.), Rituels, Mélanges offerts au Père Gy, op, Paris, Cerf, 1990, p. 392-416. Le Père Legrand y reprend en substance son étude initialement parue en allemand : Hervé Legrand, « Die Frage der Frauenordination aus der Sicht katholischen Theologie. Inter insigniores nach zehn Jahren », dans Elisabeth Gössmann et Dietmar Bader (éd.), Warum keine Ordination der Frau ? Fribourg-en-Brisgau, Katholischen Akademie, 1987, p. 89-111. Plus récemment, Joseph Famérée, « Anthropologies traditionnelles et statut ecclésial de la femme », dans Joseph Famérée (e.a.), Le christianisme est-il misogyne ? Place et rôle de la femme dans les Églises, Bruxelles, Lumen Vitae (coll. « Trajectoires », n° 22), 2010, p. 81-120.
  • [14]
    On peut prendre connaissance de ces documents sur le site du Vatican. Récemment, Joseph Moingt qui avait déjà exprimé ses sentiments et son opinion en 1995 (voir plus loin note 22), revient sur la question dans un article où il considère plus largement la place des femmes et leur contribution pour l’avenir de l’Église : Joseph Moingt, « Les femmes et l’avenir de l’Église », Études 414, 2011, p. 67-76.
  • [15]
    Hervé Legrand, « Les ministères dans l’Église locale », dans Bernard Lauret & François Refoulé (dir.), Initiation à la pratique de la théologie, t. 3, Paris, Cerf, 1983, p. 260-264.
  • [16]
    Cf. Hervé Legrand, « Traditio perpetuo servata ? », cité ci-dessus note 13.
  • [17]
    Cf. Alphonse Borras, « La Tradition vivante, un pléonasme mal assumé ? », Le Supplément 217, 2001/1, p. 13-36.
  • [18]
    André Wenin, « Humain et nature, femme et homme : différences fondatrices ou initiales ? Réflexions à partir des récits de création en Genèse 1-3 », Recherches de Science religieuse 101/3, 2013, p. 401-420, ici p. 418.
  • [19]
    Comme le remarquait Pierre Vallin en 1977, ce transfert « ne doit être pratiqué qu’avec retenue » (Pierre Vallin, « Le ministère des femmes dans l’Église », op. cit., p. 691).
  • [20]
    Cf. Pierre Vallin, ibid.
  • [21]
    Cf. Bernard Dupuy, « Du masculin et du féminin dans l’Église », op. cit., p. 155.
  • [22]
    Cf. Pierre Vallin, op. cit., p. 690.
  • [23]
    L’androcentrisme est un système de représentations sociales et de valeurs, qui traduisent une expérience générale selon laquelle les femmes sont, à bien des égards, beaucoup plus dépendantes des hommes que les hommes ne sont dépendants des femmes. Cette problématique a été abordée de front par Kari Elisabeth BØrresen, dans son ouvrage Subordination et équivalence. Nature de la femme d’après Augustin et Thomas d’Aquin (Oslo-Paris, 1968). L’androcentrisme n’est pas de soi une catégorie morale ; il traduit une hiérarchie, perçue par tous comme naturelle, entre l’homme et la femme ; dans cette hiérarchie asymétrique, l’homme (masculin) occupe une position supérieure tant au plan social qu’au plan symbolique (cela ne signifie pas que l’humanité des femmes soit en quelque manière déficiente ou qu’elles soient moins dignes de respect). Pour le théologien Hervé Legrand, op, deux facteurs objectifs sont à la base de l’androcentrisme : d’une part, les progrès de la médecine et le travail salarié des femmes dans les sociétés post-industrielles ; les premiers ont libéré les femmes de la sujétion millénaire à la reproduction du groupe humain (contraception, longévité) ; d’autre part, le salariat post-industriel repose sur un marché du travail ouvert aux femmes, pratiquement sans limites (d’où indépendance financière et partage des tâches ménagères et éducatives). Cf. Hervé Legrand, « Les femmes sont-elles à l’image de Dieu de la même manière que les hommes ? Sondages dans les énoncés de quelques pères grecs », Nouvelle Revue Théologique 128, 2006, p. 214-239.
  • [24]
    Cf. entre autres Joseph Moingt, « Éditorial. Sur un débat clos », Recherches de Science religieuse 82, 1994, p. 321-333 ; Pauline JACOB et Thuy-Linh Nguyen, L’ordination des femmes, Montréal-Paris, Médiaspaul, 2011. Parmi les participantes du séminaire de travail, peu se sont arrêtées sur cette question ; pour la plupart, celle-ci ne semblait pas faire l’objet d’un intérêt spécifique, ni d’une préoccupation particulière. Mais il n’empêche que cette position officielle – « définitive », et dès lors irréformable – n’a pas manqué de soulever l’une ou l’autre réaction virulente. Cette position a été jugée comme une « chance manquée de laisser souffler l’Esprit » (cf. Anne-Françoise Foccroulle, « Quelles pistes concrètes pour donner toute leur place aux femmes ? », pro manuscripto, Brialmont, 13 juillet 2012).
  • [25]
    Retenons pour notre propos, sous réserve d’approfondissements ultérieurs, que « le genre est en quelque sorte le “sexe social” ou la différence des sexes construite socialement, ensemble dynamique de pratiques et de représentations avec des activités et des rôles assignés, des attributs psychologiques, un système de croyances » (Françoise Thébaut, Écrire l’histoire des femmes, Fontenay-aux-Roses, ENS Éditions, 1998, p. 114).
  • [26]
    Cf. Sylviane Agacinsky, Femmes entre sexe et genre, Paris, Seuil (coll. « Librairie du xxie siècle »), 2012, p. 45-46.
  • [27]
    C’est le risque avec certaines théories du genre, en particulier celle du mouvement Queer et sa figure emblématique qu’est Judith Butler. À propos de genre, je déplore les amalgames auxquels on assiste entre théorie(s) et idéologie(s) du genre ; il y a en effet une variété d’études du genre. Elles ne sont pas à rejeter en bloc. Un discernement doit s’opérer.
    La différence biologique est un fait indéniable. Il est un fait tout aussi indéniable que la sexualité comporte une part socialement construite. Les féministes, d’ailleurs, se distinguent entre elles selon l’importance, voire l’exclusivité qu’elles accordent à cette part socialement construite.
  • [28]
    Cf. Robert Scholtus, « Une foi transmise par les femmes », Christus 190, 2001, p. 136-141, ici p. 138.
  • [29]
    Cf. Claire Lesegretain, « Un visage plus féminin de l’Église », Christus 170, 1996, p. 159-166.
  • [30]
    La « vitrine » peut avoir des effets pervers, mais elle n’est pas que négative, puisqu’elle peut amener à un déplacement de représentations. Ce qui est pervers, c’est quand l’Église se contente de renvoyer cette image vers l’extérieur et ne se laisse pas elle-même interpeller, interroger, voire déplacer (cf. Caroline Werbrouck, « Quelle reconnaissance des contributions féminines ? Les aumôneries hospitalières », pro manuscripto, Brialmont, 13 juillet 2012).
  • [31]
    Ce thème de la peur des femmes est étudié par l’ethnologie, l’anthropologie culturelle ; il est présent dans la littérature ; et, last but not least, est un objet de la pratique thérapeutique en psychologie et en psychiatrie.
  • [32]
    Celle-ci est déjà donnée mais pas encore pleinement réalisée ; elle est l’autre versant de l’unité dans la mesure où elle intègre la diversité dans l’unité ; et celle-ci à son tour ne peut être que « catholique », c’est-à-dire littéralement « selon le tout », intégrant, mieux encore récapitulant le tout. Cf. Yves Congar, L’Église une, sainte, catholique et apostolique, Paris, Cerf (coll. « Mysterium fidei », n° 15), 1970, p. 150-151.
  • [33]
    Hervé Legrand, « Les ministères dans l’Église locale », dans Bernard Lauret & François Refoulé (dir.), Initiation à la pratique de la théologie, t. 3, Paris, Cerf, 1983, p. 260-265.
  • [34]
    Cf. Sylviane Agacinsky, op. cit., p. 28-39. On lira l’étude du Père Hervé Legrand citée à la note 13, « Traditio perpetuo servata ? ».
  • [35]
    Cf. le témoignage de Mère Marie-Pascale Dran, ocso, « Contributions féminines dans un Ordre dont la hiérarchie est masculine », pro manuscripto, Brialmont, 13 juillet 2012.
  • [36]
    Ibid.
  • [37]
    La légitimité ne se réduit pas à la reconnaissance légale, mais renvoie à l’accueil réservé par des tiers au titulaire d’une charge ou d’une fonction. En sociologie, est légitime la qualité de ce qui est accepté et reconnu par les membres d’un groupe ou d’une société. Cf. Olivier Ihl, « Légitimité et légitimation », dans André Akoun et Pierre Ansart (dir.), Dictionnaire de sociologie, Paris, Le Robert-Seuil (coll. « Dictionnaires »), 1999, p. 305-306.
  • [38]
    La reconnaissance institutionnelle s’effectue par la concession d’une fonction rémunérée ou bénévole ; elle s’exprime certes par le titre qui est lié à cette fonction, mais tout autant par les obligations, droits et autres compétences, facultés ou prérogatives liées à cette fonction ; elle se consolide par le suivi exercé par la hiérarchie de la mission confiée, notamment par des bilans réguliers et, le cas échéant, par des évaluations professionnelles. Cf. Alphonse Borras, « Les ministères laïcs. Fondements théologiques et profils canoniques », dans Alphonse Borras (dir.), Des laïcs en responsabilité pastorale ? Accueillir de nouveaux ministères, Paris, Cerf (coll. « Droit canonique »), 1998, p. 93-119.
  • [39]
    La réflexion sociologique d’inspiration wébérienne distingue au moins trois modes de légitimité : la fonction, la compétence et l’expérience. Le premier mode de légitimité vient d’« en-haut », en vertu de la fonction assignée – l’autorité de l’institution représentée ; c’est le « charisme de fonction » qui s’appuie sur des règles impersonnelles de type bureaucratique et assure la pérennité de l’institution par-delà les individualités. Le deuxième mode, c’est la légitimité en vertu de la compétence – le professionnalisme, y compris chez les bénévoles. Quant au troisième mode, c’est la légitimité qui vient d’« en-bas » en vertu de l’expérience accumulée, d’un engagement, d’un vécu. Les enquêtes sociologiques récentes sur les « nouveaux ministères » étayent cette distinction. Cf. Céline Béraud, Prêtres, diacres, laïcs. Révolution silencieuse dans le catholicisme français, préface de Danièle Hervieu-Léger, Paris, PUF (coll. « Le lien social »), 2007, en particulier p. 155-167, citant notamment à propos de la légitimité expérientielle Franck Fregosi, « L’imam, le conférencier et le jurisconsulte : retour sur trois figures contemporaines du champ religieux islamique en France », Archives de sciences sociales des religions 125, 2004, p. 141.
  • [40]
    Cf. Joseph Moingt, « Les femmes et l’avenir de l’Église », Études 414, 2011, p. 67-76.
  • [41]
    « Champ domestique » : l’expression est d’une participante (Thérèse Crespin, pro manuscripto, Brialmont, 13 juillet 2012). On pourrait comprendre le terme « champ » au sens où, en sociologie, Pierre Bourdieu l’a théorisé. Celui-ci emprunte le terme aux sciences « dures » (sciences physiques) dans lesquelles il désigne un espace limité à l’intérieur duquel se déroulent certaines opérations et où se manifestent certains phénomènes. Il y a « champ » dans n’importe quel domaine dès lors que s’y constitue un groupe de spécialistes ayant des intérêts distincts de ceux de non-spécialistes. Cf. Pierre Bourdieu, Propos sur le champ politique, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2000, p. 304-305. Vu l’évolution actuelle liée aux mutations économiques et sociales, le « champ domestique » n’est plus géré par les femmes – les mères de famille principalement – détenant la compétence spécifique à la production et la distribution des biens « domestiques » comme gardiennes du foyer, procréatrices, éducatrices, ménagères et épouses d’un conjoint. Celui-ci était jusqu’il y a peu tenu à l’écart de ce domaine ; il en était volontairement dépossédé du fait que la société le reconnaissait comme proprement féminin.
  • [42]
    Je suis particulièrement reconnaissant à Madame Caroline Werbrouck d’avoir attiré mon attention sur cet aspect dont je n’avais pas auparavant mesuré toute la pertinence. Caroline Werbrouck est responsable du service pastoral de la clinique St-Vincent de Rocourt (Centre Hospitalier Chrétien - Liège) et assistante de recherche au Centre de Théologie pratique (Université Catholique de Louvain). Depuis septembre 2014, elle est déléguée épiscopale pour la pastorale de la santé dans le diocèse de Liège.
  • [43]
    Sur ce concept d’imaginaire social, je renvoie volontiers aux propos du sociologue canadien Charles Taylor, à l’occasion d’une de ses études sur la démocratie où il souligne que l’imaginaire ne se réduit pas à l’aspect peut-être trop conceptuel de la notion de représentation. L’imaginaire social véhiculé et nourri comme tel par une collectivité – à son tour guidée par lui et l’alimentant en retour – comprend à la fois un aspect mimétique (musiques, danses, rites, mœurs relationnelles, usages sociaux, etc.), un aspect mythico-narratif (les mythes fondateurs, les grands récits, les contes et épopées, etc.) et un aspect discursif (le discours raisonné, la philosophie, les grands idées politiques et autres, etc.). L’imaginaire social en Église comme dans la société ne peut donc pas se contenter des discours normatifs et autres sur la femme, ni même des « paroles de femmes », c’est-à-dire le cas échéant le discours produit par elles. Cf. Charles Taylor, « Démocratie et imaginaire social », dans Michel Wieviorka (dir.), Les sciences sociales en mutation, Auxerre, Éd. Sciences humaines, 2007, p. 581-602.
  • [44]
    Cf. Anne-Marie Reijnen, « Sexes, genres et genre humain : un itinéraire théologique », dans Joseph Famérée (e.a.), Le christianisme est-il misogyne ?, p. 57-80.
  • [45]
    J’entends ce terme d’après Pierre Bourdieu pour qui cette notion, notamment inspirée par Émile Dürkheim, connote plus qu’une attitude extérieure et désigne l’intériorisation inconsciente du monde social, des structures de relations qui jouent dans l’action sociale des individus (cf. Pierre Bourdieu, Le sens pratique, Paris, Éd. de Minuit, 1980, p. 88-89).
  • [46]
    Les messages du Concile, « Message du concile Vatican II aux femmes », 8 décembre 1965, DC 62, 1966, col. 55-56.
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