Couverture de TRANS_110

Article de revue

Foi et raison : Union, Contemplation, Critique

Pages 53 à 74

Notes

  • [1]
    Parmi plusieurs excellentes études sur le rapport entre foi et raison chez Grégoire, celles qui suivent m’ont été particulièrement utiles : Mariette Canévet, Grégoire de Nysse et l’herméneutique biblique – Étude des rapports entre le langage et la connaissance de Dieu, Paris, Études augustiniennes, 1983 (particulièrement utile pour les aspects linguistiques) ; Bernard Pottier, Dieu et le Christ selon Grégoire de Nysse – Étude systématique du Contre Eunome, avec traduction inédite des extraits d’Eunome, Namur, Culture et vérité, 1994 (particulièrement utile pour l’interprétation de la migration d’Abraham à partir de la sructure du Contre Eunome II) ; Martin Laird, Gregory of Nyssa and the Grasp of Faith – Union, Knowledge, and Divine Presence, Oxford, 2004 (cette excellente étude a été pour moi qui ne suis pas un spécialiste de Grégoire un véritable vade mecum ; bien que je regrette que le Professeur Laird ne mette pas assez en relief le côté apophatique de Grégoire, je lui suis profondément reconnaissant pour son analyse très fine de la connaissance nouvelle découlant de la foi, en particulier dans son analyse du Commentaire du Cantique des Cantiques, p. 131-154)
  • [2]
    André-Jean Festugière, Contemplation et vie contemplative selon Platon, Paris, 1936.
  • [3]
    Bernard Lonergan, Method in Theology, New York, 1972, p. 101-125.
  • [4]
    Voir Carl Braaten and Robert W. Jenson (eds.), Union with Christ – The New Finnish Interpretation of Luther Michigan, Grand Rapids, 1998.
  • [5]
    Voir notamment l’étude herméneutique des stratégies linguistiques de Grégoire dans Mariette Canévet, op. cit.
  • [6]
    Voir les études publiées dans Lenka Karfíková, Scot Douglass and Johannes Zachhuber (ed.), Gregory of Nyssa, Contra Eunonium II : An English Version with Supporting Studies – Proceedings of the 10th International Colloquium on Gregory of Nyssa, Olomouc, September 2004, Leiden, 2007.
  • [7]
    Voir Martin Laird, op. cit., p. 86-87.
  • [8]
    Gregory of Nyssa, The Life of Moses, translation, introduction and notes by Abraham J. Malherbe and Everett Ferguson, New York, 1978.
  • [9]
    Parmi d’autres études, voir les articles de Theo Kobusch, Basil Studer, Morwenna Ludlow, et Anthony Meredith dans Gregory of Nyssa : Contra Eunomium II ; dans The Life of Moses, voir p. 91-97 et 111-20.
  • [10]
    Voir, entre autres, René Roques, L’univers dionysien – structure hiérarchique du monde selon le Pseudo-Denys, Paris, 1954 ; Andrew Louth, Denys the Areopagite, London, 1989.
  • [11]
    Pour l’exégèse du Cantique des cantiques, je suis profondément redevable à Martin LAIRD, Gregory of Nyssa and the Grasp of Faith, p. 85-99, et 131-54, et, sauf indication contraire, je reprends largement son exégèse de ce texte complexe et subtil. Mais la mise en relation herméneutique ce texte avec des sujets actuels est de ma seule responsabilité, vu que Laird ne s’intéresse qu’aux aspects historico-exégétiques.
  • [12]
    Cf. Martin Laird, op. cit., p. 91-98.
  • [13]
    Voir The Life of Saint Macrina by Gregory, Bishop of Nyssa, texte traduit et annoté par Kevin Corrigan ; voir aussi Sarah Coakley, « Introduction – Gender, Trinitarian Analogies, and the Pedagogy of the Song », dans Sarah Coakley (ed.), Rethinking Gregory of Nyssa, London, 2003, p. 1-15.
  • [14]
    Jaroslav Pelikan, « Christanity and Classical Culture : The Metamorphosis of Natural Theology », dans The Christian Encounter with Hellenism, New Haven, 1993.
  • [15]
    Pierre Hadot, Exercices spirituels et philosophie antique, Paris, Études augustiniennes, 1987.
  • [16]
    Voir l’étude à paraître d’Arnold Davidson sur Cavell, Wittgenstein et Weil.

Introduction

1Un des rôles de la théologie contemporaine, lorsqu’elle analyse la relation entre foi et raison, est de reconnaître le fait culturel que voici : la fides (la foi) est trop souvent discutée dans les seuls termes de la croyance, c’est-à-dire du désir de savoir lié à la foi. Il en résulte que la foi est alors vue comme l’assentiment intellectuel donné à des croyances. D’un autre côté, depuis la Réforme, la foi est souvent comprise comme confiance. Comme le disait Kierkegaard de manière insistante, la foi est la confiance faite dans le rationnellement Impossible – c’est-à-dire qu’elle est un saut de la subjectivité confiante par-dessus les limites trop étroites de ce que la rationalité moderne accepte de considérer comme possible. Il ne s’agit pas de mettre en question l’importance d’interpréter la foi comme croyance, assentiment, conviction, confiance. Évidemment, la foi, c’est tout cela. Mais qu’en serait-il si la foi était quelque chose de plus puissant que l’assentiment conscient donné à des croyances, ou même que la confiance faite aux promesses de Dieu, en dépit du refus de la rationalité moderne de considérer une telle confiance comme rationnelle ?

2Et si la foi était, par exemple, le début de notre union même à Dieu qui ouvre l’accès à une nouvelle connaissance (infinie plutôt qu’impossible), en libérant dans l’inconscient l’énergie divine qui se trouve dans les dimensions subconscientes ou même inconscientes du soi ? C’est une proposition que l’on peut trouver, comme nous allons le voir, dans l’œuvre de Grégoire de Nysse.

3Dans cette contribution, je m’attacherai à dégager une compréhension plus profonde, plus riche, plus complexe de la foi : celle qui se trouve déployée au mieux dans la théologie audacieuse et originale de Grégoire de Nysse.

4L’originalité de la position de Grégoire sur la foi n’est pas encore suffisamment reconnue dans la théologie et la philosophie occidentales. Grâce aux remarquables études qui ont été faites ces cinquante dernières années, une redécouverte pleinement hermeneutico-théologique de Grégoire est maintenant possible. Pour le présent essai, je suis ainsi tout particulièrement redevable à des travaux récemment publiés par des spécialistes de Grégoire [1].

Trois différences par rapport aux positions de Platon, Origène et Tertullien sur Foi et raison

5Pour comprendre à quel point la notion de foi (pistis) chez Grégoire de Nysse est unique, il faut relever la profonde différence qui la caractérise par rapport à ce que certains de ses prédécesseurs disent de la foi (pistis).

6La première différence tient, évidemment, au rapport de Grégoire à Platon, le philosophe le plus déterminant pour la manière caractéristique du monde occidental de comprendre la pistis comme inférieure à la vraie connaissance, c’est-à-dire comme « croyance ». Selon le clivage que propose la République, la position de Platon est claire : la pistis résulte de ce qui est compris à travers l’expérience des sens et produit ainsi des doxai, c’est-à-dire de simples opinions qui peuvent être ou ne pas êtres justes, mais qui ne sont pas vérifiées comme justes par la réflexion. D’autre part, l’epistèmè, ou vraie connaissance, est vraie parce qu’elle est justifiée par une analyse et des arguments, c’est-à-dire un raisonnement à la fois démonstratif et dialectique. Le philosophe doit respecter ces critères quand il entend avancer des propositions et des définitions justifiées par la raison. Cependant, pour Platon, cette connaissance argumentée (epistèmè) produite par un raisonnement démonstratif et dialectique n’est pas le stade ultime. La dialectique parvient à des propositions et des définitions vraies qui, à leur tour, préparent à accueillir le stade ultime : la manifestation, au-delà du raisonnement dialectique, du Bien au-delà de l’Être. Le Bien au-delà de l’Être est aussi au-delà des formes. Il requiert un langage apophatique. Chez Platon, le Bien au-delà de l’Être induit aussi une tonalité mystique dans la façon de rendre compte de l’expérience de la réalité ultime au-delà de la dialectique, comme A. J. Festugière l’a souligné, il y a longtemps [2]. La manifestation d’un événement au-delà de la connaissance dialectique correspond à la catégorie du Beau dans le Banquet – le Beau qui apparaît soudainement (exaiphnès). Dans la République, l’événement – produit de façon non dialectique – de l’auto-manifestation du Bien nous permet de penser plus que nous ne pouvons penser. Pour Platon, il s’agit d’un événement au-delà de l’epistèmè, et, par définition, encore plus au-delà de la croyance (pistis).

7La seconde différence réside dans les relations complexes de Grégoire avec la première école d’Alexandrie du juif Philon et des théologiens Clément et Origène. Sur foi et raison, Grégoire se distingue nettement de ses prédécesseurs alexandrins qui tenaient tous que la gnosis théologique chrétienne était plus avancée que la simple foi chrétienne.

8En effet, pour les Alexandrins, la pistis est, comme chez Platon, une réalité inférieure. Au-delà de Platon cependant, la foi est, pour Clément et Origène, un don accompagnant l’autorévélation de Dieu dans l’incarnation. De ce fait, la gnosis contemplative chrétienne dépend toujours de la pistis. L’innovation philosophique et théologique la plus grande de Grégoire est de repenser la relation entre foi et raison au-delà d’Origène en insistant non seulement sur la priorité salvifique de la foi (en se référant toujours à « la justification par la foi seule » de saint Paul), mais aussi sur la priorité de la pistis sur l’epistèmè dans l’ordre de la connaissance.

9Comme le montre Bernard Lonergan [3], dans une analyse du rapport entre foi et raison qui corrige la position intellectualiste qu’il avait antérieurement défendue, il y aurait, dans la théologie moderne, même pour les thomistes, une exception à l’adage scolastique « nihil amatum nisi cognitum » : l’amour nouveau qui naît de la foi précède logiquement la connaissance, ainsi qu’Augustin en a pris conscience plus clairement que Thomas d’Aquin. Dès lors, pour le dernier Lonergan (non intellectualiste), la foi se définit comme une connaissance nouvelle. Aimer Dieu sans limite procède d’un amour analogue au monde nouveau de compréhension qui s’ouvre soudainement à quiconque tombe amoureux : pour un amoureux, le monde est plus clair, plus lumineux, nouveau ; ce ne sont pas seulement de nouveaux sentiments qui affluent en celui qui aime, mais une nouvelle compréhension. Comme Augustin le souligne : donne-moi quelqu’un qui aime et il ou elle comprendra.

10Lonergan, comme la plupart des théologiens catholiques contemporains (y compris, dans leurs styles propres, Rahner et Balthasar) met l’accent sur « l’amour » plus que sur « la foi » (comme le faisaient évidemment beaucoup de théologiens médiévaux, franciscains et cisterciens en particulier). Il n’est cependant pas sans intérêt que Grégoire de Nysse, toujours dépendant de saint Paul pour la compréhension de la foi, mette l’accent sur la justification par la foi seule. La foi agit alors par l’amour. La foi est logiquement, psychologiquement et théologiquement antérieure à l’amour. Si la nouvelle École finnoise de recherche luthérienne a raison, la position du dernier Luther sur la « foi » s’est même rapprochée de celle de Grégoire [4] : la foi ne produit pas seulement la confiance, mais aussi l’union avec le Christ par l’inhabitation de Dieu en celui qui croit et, partant, sa divinisation progressive (d’après les chercheurs finnois, Luther parle trente-sept fois de divinisation dans ses sermons).

11Il reste à évoquer une troisième et dernière différence avant de passer à l’analyse des principaux textes de Grégoire sur la pistis. Aucun Alexandrin, ni aucun Cappadocien, ni même, en l’occurrence, le latin Augustin, n’ont jamais envisagé une opposition entre foi et raison à la manière de Tertullien (« Qu’est-ce qu’Athènes a à faire avec Jérusalem? »).

12Ayant à l’esprit ces trois différences éclairantes, nous allons étudier trois textes de Grégoire : l’émigration d’Abraham dans son Contre Eunome II, 2, l’ascension de Moïse vers des ténèbres de plus en plus profondes – sur le mode de la théologie négative apophatique – dans sa Vie de Moïse, et la foi comme commencement de l’union à Dieu et de la divinisation dans son Commentaire du Cantique des Cantiques.

13La théologie de Grégoire peut être qualifiée d’à la fois phénoménologique et herméneutique. En tant que phénoménologue « avant la lettre » [en français dans le texte], Grégoire donne une description de la foi exceptionnellement approfondie et détaillée. En même temps, il est avant tout un théologien herméneute. Comme Origène, Grégoire a principalement développé sa théologie à travers l’exégèse d’une sélection de textes de l’Écriture, d’images, de symboles, de personnages (David, Abraham, Moïse, la bien-aimée du Cantique des Cantiques). En outre, son maniement du langage est caractéristique d’une pensée herméneutique [5]: il recourt aux étymologies, aux expressions paradoxales (« lumineuses ténèbres »), aux oxymores (« savoir ignoré »), à des tournures constamment apophatiques pour mettre en évidence l’incapacité de la raison à nommer Dieu. Grégoire utilise la grammaire, et pas seulement la rhétorique, pour soutenir son argumentation herméneutique, par exemple par l’emploi fréquent du datif instrumental (dia) à propos du rôle médiateur de la foi. Dans les termes de l’herméneutique moderne, on dira qu’il a aussi une façon magistrale de donner aux noms une valeur pas simplement nominative, mais également vocative, évocatrice et provocatrice (en particulier dans le Commentaire du Cantique des Cantiques).

L’émigration d’Abraham

14Dans son Contre Eunome, II, 2 (un de ses premiers textes), Grégoire met en rapport de manière allégorique l’émigration historique (au sens littéraire) d’Abraham avec l’émigration de l’âme chrétienne vers une foi purifiée et une nouvelle illumination de la raison.

15L’Abraham de Grégoire n’essaye pas de revenir chez lui à la manière d’Ulysse. En fait, comme l’Abraham de Lévinas, celui de Grégoire est implicitement une anti-figure d’Ulysse. Il refuse le retour platonicien ou plotinien au terme qui est en fait l’origine. Au prix d’un dangereux voyage, Ulysse revient chez lui. Comme Lévinas le montre, la geste d’Ulysse est un élément caractéristique de la pensée occidentale – avec Plotin, Porphyre, Jamblique, et les penseurs postérieurs. Le voyage comme voyage est aussi, comme l’a montré Mircea Eliade, au cœur de tous les mythes religieux de l’éternel retour : le point d’arrivée est le point de départ (le terme est l’origine). Il n’en va pas de même pour Abraham. Il suit dans la foi le commandement de Dieu. Il ne sait absolument pas où il va et il n’envisage absolument jamais de retourner chez lui. Le voyage d’Abraham, comme Grégoire le voit clairement, n’est pas un voyage de retour chez soi. C’est un voyage commencé dans la foi en un commandement et se terminant dans un nouveau pays, avec une foi nouvelle et désormais purifiée.

16Le contexte du Contre Eunome est la controverse néo-arienne développée dialectiquement par Eunome, que beaucoup de commentateurs considèrent comme le meilleur dialecticien du quatrième siècle [6]. Après la mort de son frère aîné Basile, Grégoire continue le débat entre ce dernier et Eunome. En réalité, ce n’était pas une tâche que Grégoire souhaitait, mais cela s’est avéré une sorte de felix culpa. Grégoire a clairement vu que le cœur du débat était beaucoup moins dans les multiples arguments logiques et dialectiques avancés par Eunome que dans une question sous-jacente fondamentale : l’essence de Dieu peut-elle être connue par la dialectique ?

17Pour Eunome, Dieu est essentiellement inengendré. Il en découle logiquement que seul le Père est vraiment Dieu. J’ai montré dans une autre étude que cette controverse avait conduit Grégoire à sa compréhension philosophico-théologique de Dieu la plus originale. Il a montré que Dieu ne pouvait jamais être connu dans son essence divine, puisque Dieu est Infini et positivement (pas simplement négativement) Incompréhensible. Avec cette percée intellectuelle que représentait cette idée d’incompréhensibilité positive de Dieu, Grégoire mettait en cause la façon traditionnelle de penser (aussi bien celle d’Aristote que celle de Platon et Origène). Jusque-là, toutes les traditions (exception faite des épicuriens) soulignaient qu’en tant que principe d’intelligibilité, la forme devait logiquement être aussi principe de perfection. Par des arguments dialectiques et exégétiques – certains étant rigoureux, d’autres non –, Grégoire établit que Dieu est infini (cette qualité étant comprise comme perfection et non comme imperfection), et donc Incompréhensible, positivement, et non pas négativement.

18À cette conception de l’infinité et de l’incompréhensibilité de Dieu (du même genre que l’interprétation positive de l’incompréhensibilité divine dans le dernier Rahner) se rattache l’interprétation également originale par Grégoire du rapport entre foi et raison. Le Contre Eunome I démontre en effet que les limites de la raison la rendent toujours incapable de saisir l’essence de Dieu, bien qu’elle soit capable de parvenir à concevoir son existence. Ainsi que l’a remarquablement mis en relief le dernier Thomas d’Aquin, nous pouvons, par la raison, savoir que Dieu est, mais non ce qu’il est. Comme a même voulu le souligner le dernier Kant, l’un des plus grands accomplissements de la raison et de reconnaître ses propres limites, par un usage critique d’elle-même. Dans le Contre Eunome II, Grégoire poursuit sa quête d’une connaissance du Dieu Infini, Incompréhensible, commencée dans le Contre Eunome I, mais, désormais, avec une nouvelle connaissance de foi.

19Eu égard à l’objet de mon propos, je retiendrai de l’apport herméneutique de l’émigration d’Abraham les points suivants :

  1. Pour Grégoire, He 11 est la clé de lecture de l’émigration d’Abraham en Genèse 12 (il suppose bien sûr que la lettre aux Hébreux est un texte paulinien) [7].
  2. Grégoire s’appuie su sa propre interprétation de la lecture alexandrine allégorique et spirituelle de l’Exode.
  3. L’émigration d’Abraham devient, dans les canons de l’interprétation allégorique, l’émigration de l’âme.
Comme Abraham, chaque âme chrétienne doit sortir de chez elle (anabasis), quitter ses modes actuels de vie et de connaissance, et, dans sa marche vers l’inconnu, abandonner (aphairésis) tout savoir antérieur fondé sur les sens et, à la limite, toutes les manières de penser et de nommer Dieu précédemment acquises par la dialectique. L’âme chrétienne, comme Abraham, doit apprendre à marcher dans la foi (Paul insiste en ce sens dans 2 Co 5, 7). Ici, la foi est fondamentalement la confiance dans le commandement de Dieu et ses promesses, et non pas un assentiment raisonné donné à des croyances vraies par une connaissance discursive (Eunome). Avec cette confiance, Abraham quitte sa maison et parvient finalement à une foi renouvelée et purifiée dans laquelle son langage devient le silence. Pareillement, pour l’Abraham de Grégoire, de même que le silence est la forme ultime du discours, de même la foi est la forme ultime de la connaissance. Au terme de l’émigration d’Abraham, sa foi a été purifiée à travers les purifications intellectuelles (aphairésis) et morales (askèsis) de son parcours long, difficile et semé d’embûches à travers les déserts et les montagnes. Abraham parvient à cette connaissance nouvelle et inouïe que donne la foi.

20Dans l’ordre de la connaissance, la foi – et la foi seule – est au-delà de la raison. En outre, la foi d’Abraham a subi une transformation par rapport à la confiance fondamentale qu’elle était au début de son parcours. Au terme de sa migration, sa foi maintenant purifiée est devenue pour Abraham un nouveau savoir ignorant [unknowing knowing] dont le langage est fondamentalement le silence. Ce langage abrahamique du silence appelle et provoque, de l’intérieur même du silence, de nouveaux concepts et de nouveaux noms pour Dieu. Contre Eunome, nous ne pourrons jamais appréhender ou connaître l’essence de Dieu. Mais, par la foi, nous pouvons percevoir la présence de Dieu dans le silence apophatique.

21En somme, l’interprétation par Grégoire de l’émigration d’Abraham contient, in nuce, bon nombre des éléments caractéristique de sa conception du rapport entre foi et raison. Pour voir à quel point Grégoire a enrichi et approfondi (d’ailleurs à l’excès) son analyse de la « foi purifiée » et de ses effets sur la raison, il nous faut maintenant considérer sa Vie de Moïse et son Commentaire du Cantique des Cantiques.

La vie de Moïse : foi et ténèbre

22Dans ce texte, devenu un classique de spiritualité chrétienne [8], Grégoire propose d’abord une analyse assez philonienne (notamment, dans ses références aux rites initiatiques des religions à mystères) du passage de l’esprit de la lumière à la ténèbre. Pour cela, il prend appui sur sa lecture allégorique de l’entrée du grand-prêtre dans le Saint des Saints. Cependant, la véritable originalité de Grégoire se manifeste plus loin, dans son analyse de la montée apophatique de Moïse sur la Montagne.

23Moïse a un intense désir de Dieu. Son esprit est comme tendu et dilaté (épéktasis) par sa curiosité intellectuelle. Cette dilatation de l’esprit (principalement en tant que raison discursive – dianoia) conduit Grégoire à une réflexion inhabituelle : dans un contexte profondément apophatique, l’esprit se tend et se dilate au plus haut point pour pénétrer, sans pourtant jamais la saisir, dans la Ténèbre Insondable. Le langage de la purification, précédemment analysé dans l’émigration d’Abraham, se fait maintenant plus appuyé et systématique. Moïse abandonne (aphairésis) tous les anciens concepts, noms, images et symboles désignant Dieu. Il découvre des rappels apophatiques de la nécessité du langage apophatique même pour la nomination cataphatique de Dieu. Un langage paradoxal doit être forgé pour nommer la limite de la logique, car le principe de non-contradiction n’est plus d’aucun secours quand il s’agit d’éclairer la réalité de Dieu rendue présente mais non compréhensible. Vient alors le langage oxymorique : « l’obscurité divine » de la Bible devient « le savoir ignorant » de Grégoire, ou « la ténèbre lumineuse ».

24Grégoire ne méprise jamais la raison [9]. Il lui accorde toujours un rôle majeur dans l’ascension vers Dieu. La raison se tend elle-même dans sa curiosité positive, son désir naturel infini de connaître toute la réalité culminant dans le désir de connaître le Dieu Infini, Incompréhensible.

25Grégoire fait typiquement partie des anciens par sa conception de la richesse du « cours » de la raison. Ce que les théologiens occidentaux entendront par la « fides quaerens intellectum » faisant suite à l’« intellectus quaerens fidem » est, sans les mots, pleinement à l’œuvre chez Grégoire. Chez lui cependant, la raison partage les conséquences de la chute. Elle est devenue « lourde », « éparpillée », « errante », et, pardessus tout, « avide », poussée par le désir de « saisir ». La purification morale et intellectuelle rendue possible par la grâce de Dieu réoriente la raison pour qu’elle s’élève vers la ténèbre et la foi. Sans cet objectif précis, la raison, tel un cours d’eau sans direction, se disperse et s’enfonce inutilement dans le sol. Mais, avec cet objectif, la raison retrouve son juste rôle pour stimuler l’attention, la vigilance et l’entendement.

26L’accent mis sur les limites de la raison, et donc sur la nécessité du langage apophatique, est plus marqué chez Grégoire que, par exemple, chez Origène ou Plotin. Néanmoins, Grégoire partage leur relatif optimisme sur la raison, plus précisément la raison purifiée par l’ascèse intellectuelle et morale. Comme chez la plupart des anciens, sa conception de la raison (à la fois discursive et intuitive) est plus large que celle de la « rationalité » au sens moderne. Il s’ensuit que l’originalité de son apport n’a pas trait à la raison mais à la foi. Pour Grégoire, la foi, et la foi seule (Paul), procure une ouverture nouvelle et radicale au Dieu Infini, Incompréhensible, qui conduit tout éros et logos. Par cette « foi », nous pouvons accéder à une connaissance et à une morale théologiquement transformées (la liberté et les vertus sont aussi centrales pour Grégoire que pour Kant).

27Kant, comme beaucoup de modernes, rejetait clairement toute prétention à une connaissance mystique. Ce rejet kantien se retrouve dans beaucoup de conceptions modernes de la raison et de la foi. Par exemple, Cassirer et Jaspers, tous deux néo-kantiens, estimaient avec une condescendance involontaire que la docta ignorantia de Nicolas de Cuse était proche des positions de Kant. Mais malheureusement à leurs yeux, il lui manquait les analyses critiques de Kant sur les capacités et les limites de la raison. Connaissance morale : oui ; connaissance mystique : non.

28Cela est devenu un élément habituel dans la pensée moderne : même Lévinas, à la différence de Rosenzweig, est affecté par ce préjugé antimystique moderne. À cela, la lecture de Grégoire de Nysse constitue, à mon sens, un bon antidote : il ouvre tout un champ à la raison et à la vertu, grâce à une compréhension plus pleine de la foi comme union à Dieu qui se découvre dans la riche obscurité du mode de penser apophatique. En plaçant la ténèbre au-dessus de la lumière, Grégoire voulait peut-être subvertir la métaphore la plus célèbre de la raison dans la pensée occidentale : la caverne de Platon. En outre, comme nous le verrons dans son Commentaire du Cantique des Cantiques, un surcroît de lumière viendra à l’âme transformée par l’union avec Dieu, par quoi elle sera rendue capable d’une connaissance nouvelle, mais seulement après un parcours à travers une obscurité d’abord effrayante (comme le vertige éprouvé au bord d’une falaise), mais finalement enrichissante et libératrice. C’est ce fameux chemin de ténèbres qu’offre au lecteur attentif, qu’il soit ancien ou moderne, l’usage du langage apophatique, oxymorique et paradoxal, dans l’interprétation audacieuse de La vie de Moïse.

29À la lumière de l’analyse par Grégoire de la fonction médiatrice de la foi pour communiquer à l’esprit la présence divinisante de Dieu dans la ténèbre, cette présence apparaît tout à fait réelle, même si, par lui-même, l’esprit peut seulement sentir la présence divine, mais jamais la saisir. Pour Grégoire, la foi médiatise la présence de Dieu perçue par Moïse dans l’obscurité. À mon sens, sa compréhension de la médiatisation par la foi d’une perception de la présence divine est ici analogue à l’attirance des artistes modernistes pour la connaissance épiphanique à laquelle l’art donne accès, en rendant compte de certains moments de l’existence ressentis comme des instants hors du temps, ou des visions dépassant toute connaissance habituelle. L’art peut assurément manifester une connaissance plus qu’ordinaire – les « réminiscences involontaires » de Marcel Proust, les « moments lumineux » de Virginia Woolf, les épiphanies de James Joyce. Le Moïse de Grégoire fait parfois penser à un moderniste en quête d’épiphanies éphémères obscurément lumineuses.

30L’une des caractéristiques les plus frappantes de Grégoire consiste en ce que, tout en plaçant la foi clairement et délibérément au-delà de la raison, il tient néanmoins fermement que – même au plus haut degré de l’apophatisme artistique ou mystique – la raison, aidée par la grâce, a toujours, par son désir amoureux de connaître, la capacité d’entrer dans la ténèbre divine. Par là, la raison devient réceptive à la « connaissance nouvelle » qui naît de la foi. Mais seule la foi est pour Grégoire la médiation d’une puissante connaissance nouvelle, ouverte seulement par une nouvelle capacité, pour l’âme, d’expérimenter par la foi sa propre énergie de connaître et d’aimer comme énergie divine. Dans la foi, l’âme trouve ce dont elle a besoin : une nouvelle philosophie et théologie chrétiennes, et, en même temps, une nouvelle compréhension de la façon chrétienne de vivre (l’épéktasis infinie). La théorie de la foi de Grégoire trouve une connaissance nouvelle à travers la médiation de la foi en la présence réelle de Dieu, jusqu’à ce que se produise l’union avec le Dieu qui habite dans l’âme transformée du croyant. Pour Grégoire, le pouvoir médiateur de la foi trouve évidemment son fondement dans l’incarnation. Involontairement, il conforte le commentaire classique de Virgile sur le désir de savoir : solvitur ambulando. Abraham marche à travers les déserts. Moïse marche et lutte pour escalader le Mont Sinaï. Marcher, c’est devenir conscient dans la ténèbre de plus en plus profonde. Pour Grégoire, en marchant avec foi, Abraham et Moïse ont surmonté le fatalisme anxieux de leur temps. Ils ne sont pas atteints d’insomnie en découvrant que seulement il y a [en français dans le texte]. Ils ne se satisfont pas d’un voyage plotinien de retour au es gibt. Abraham et Moïse ne sont pas des somnambules. Ils sont tout à fait conscients. Au terme de leur marche, la foi les ouvre aux forces préconscientes et parfois inconscientes à l’œuvre en eux-mêmes comme dans le cosmos. Comme le Bouddha (celui-qui-est-l’Éveillé), Moïse et Abraham sont éveillés. Marcher c’est s’éveiller.

31Grâce aux études modernes [10], il est désormais acquis qu’une interprétation de Denys l’Aréopagite ignorant le contexte liturgique de son exégèse serait déficiente pour comprendre sa manière théologique de nommer correctement Dieu. Les spécialistes de Denys ont également montré que contrairement à beaucoup d’interprétations théologiques et philosophiques, le voyage de Denys ne s’achève pas avec les dénominations apophatiques et négatives de Dieu dans son ouvrage Sur les noms divins, pas plus que son précédent voyage ne s’achevait avec la nomination cataphatique la plus haute de Dieu – le Bien, plutôt que l’Un ou l’Être. Au-delà des noms apophatiques, Denys s’achemine vers l’expérience mystique de Dieu.

32Deux siècles avant Denys, Grégoire avait, à mon sens, fait un voyage analogue. Son cheminement est moins liturgiquement connoté, mais il est à la fois plus complexe que celui de Denys, plus subtil et plus plausible dans son appréciation aussi bien de la puissance de la raison que de ses limites (ce qui n’est pas un sujet majeur pour Denys comme ce l’est pour Grégoire), mieux fondé exégétiquement dans l’interprétation des figures de l’Ancien Testament, et finalement, comme nous le verrons dans sa lecture du Cantiques des cantiques, plus apte à exprimer théologiquement la nature de cette nouvelle connaissance de Dieu, analogue à la « théologie mystique » de Denys, qui advient au-delà des philosophies et théologies cataphatiques et apophatiques. Pour Grégoire, la foi ouvre à la puissance ultime, la puissance de l’Amour divin. Comme amour, la puissance divine n’est pas de coercition mais d’attraction.

Le Commentaire du Cantique des cantiques[11]

33Dans le Commentaire du Cantique des cantiques de Grégoire, les passages les plus révélateurs ne le sont pas par le langage mais par les images. Deux images – l’arc de la foi et le flot de la vie divine – sont particulièrement brillantes. Pour ce qui est de l’archer, Grégoire conduit son lecteur à travers des considérations allégoriques assez habituelles (Philon, Origène), mais, avec la flèche, il atteint et frappe le lecteur. Il ne s’agit plus simplement d’une flèche quelconque, mais de la pointe même de la flèche. La pointe seule est la foi : « la foi seule » (Paul) qui pénètre et blesse le cœur.

34Quand le cœur a été touché, son désir s’intensifie et se dilate, désir infini du Dieu Infini, Incompréhensible, dont on ne peut jamais épuiser le mystère. C’est clairement une critique de la position d’Origène pour qui l’âme avant la chute, dans sa relation au Dieu nécessairement fini, pouvait faire l’expérience de la satiété, du koros, de l’ennui. Chez Origène, l’âme est rassasiée. Chez Grégoire, le cœur est saturé d’un débordement sans fin de désir, à la fois éros et gnôsis.

35En prolongeant la splendide allégorie de Grégoire, la flèche touche la bien-aimée dans l’obscurité. Ici, l’obscurité de la chambre nuptiale, à la différence de l’obscurité de La vie de Moïse, ne devient pas une ténèbre lumineuse mais, pour faire appel à un autre sens spirituel, une sensation pleine du parfum pénétrant de la présence du Bien-aimé. L’obscurité de la chambre devient comme « la nuit favorable, profonde et enchanteresse » (arranging, deepenig, enchantig night) de Wallace Stevens. Dans son Commentaire, Grégoire semble soudain submergé par une affluence excessive d’images presque fin de siècle [en français dans le texte] : la Bien-aimée, blessée par la flèche de la foi qui libère son éros et son logos infinis, devient elle-même une flèche qui, à son tour, blesse le Bien-aimé (encore inconnu mais fortement ressenti comme présent à travers le parfum qu’il diffuse dans la chambre de sa Bien-aimée).

36Dans un autre débordement d’images, Grégoire conclut que la puissante pointe de la flèche de la foi est imprégnée de l’eau de l’Esprit Saint qui purifie le cœur. Ainsi, la flèche érotiquement imprégnée libère un désir érotique sans limite et dispose l’esprit à recevoir une lumière éblouissante inattendue – la connaissance nouvelle qui naît de l’amour. Cet amour est lui-même né de la foi (« la foi agissant par l’amour », de Paul).

37Dans l’Homélie 12, quand la Bien-aimée est à nouveau frappée par la pointe de la flèche (la foi) [12], son cœur en reçoit à la fois une grande joie et une grande paix, tandis qu’elle-même éprouve en même temps un désir accru. Le désir de la Bien-aimée ne se repose dans sa joie présente que le temps de libérer à nouveau un désir effectivement infini. Ainsi le désir qu’a l’âme d’aimer et de connaître n’est jamais comblé ; il ne se pose jamais longtemps, mais court dans tous les sens en cette vie et après cette vie, dans une sorte d’épéktasis grégorienne. La béatitude vient, à la fois, d’accomplissements limités de l’amour et de la connaissance, et d’un désir sans limite et sans fin de plus d’amour et de plus de connaissance. Pour Grégoire, cette expérience de l’Amour Infini divin est, autant que pour Dante, l’expérience de l’énergie fondamentale de la réalité elle-même : « L’amor che muove il sole et tutte le altre stelle. »

38Bien que Dieu soit évidemment l’archer dans cette parabole, Grégoire change à nouveau d’image et évoque l’écoulement de l’eau. Dieu comme amour s’épanche à travers toute réalité et habite d’une façon particulière dans le cœur humain. Le cœur, comme imago Dei restaurée, devient paradoxalement « un récipient qui contient ce qui ne peut pas être contenu ». Le flot divin n’est pas une émanation sans but, mais une volonté d’aimer, l’épanchement kénotique sans fin d’un amour personnel venant du Dieu de la Bible, et non pas la générosité du es gibt de l’Être impersonnel (Heidegger) ou de l’Un impersonnel (Plotin).

39Atteinte par la foi qui libère un amour infini, la Bien-aimée est de plus en plus prise dans le flot de l’amour divin. Elle devient toujours plus désirante, et toujours plus consciente et attentive intellectuellement. Elle est divinisée. Maintenant remplie du flot de l’amour divin, elle est devenue, pour le Bien-aimé, à la fois (ce sont deux nouvelles images) un puits d’eau tranquille (le repos), et une fontaine débordante comme la source de l’amour (le désir infini), dans un débordement d’images par lesquelles Grégoire cherche à exprimer ce qui est arrivé à la Bien-aimée. Celle-ci ne cherche pas à « saisir » la connaissance, à la manière d’Hegel cherchant à saisir (greiffen) le bon concept (Begriff). C’est plus d’images qu’il n’en faut ! S’écoulant avec le flot divin, l’affluence des images mobilisées par Grégoire pour évoquer l’éros, l’agapè et l’épistèmè présente, comme tout le Cantique des cantiques, une coloration nettement sensuelle et sexuelle. Symbolique de l’eau et symbolique sensuelle se rejoignent.

40La Bien-aimée et le Bien-aimé cessent de saisir et apprennent à caresser. Désormais transfigurés, tous deux réalisent ce dont Platon et Aristote ont souligné la nécessité dans toute relation à Dieu : « seul le semblable peut connaître le semblable ». Cette similitude est maintenant à l’œuvre dans le cœur humain à travers la foi qui lui est donnée comme pur don.

41Il est en outre à remarquer que, pour Grégoire, c’est une femme, et non un homme, qui manifeste le plus haut degré de foi et de connaissance. Toute connaissance, tout amour, toute foi, est toujours engendré. Peut-être inconsciemment – ou peut-être consciemment, du fait de la grande influence de sa sœur Macrine, théologienne remarquable –, celle qui en sait le plus est une femme [13]. Pour une fois, dans la pensée antique, une femme, et non un homme, représente le plus haut degré de la connaissance, aussi bien que de l’amour.

42Grégoire concentre l’attention sur la Bien-aimée comme modèle chrétien de l’amour et de la connaissance. Dans un de ses derniers travaux, Jaroslav Pelikan [14] donne à penser qu’on ne devrait pas parler de trois, mais de quatre cappadociens – Basile, les deux Grégoire (de Naziance et de Nysse), et Macrine. On trouve chez Grégoire une réinteprétation faisant place à la question du genre, non seulement de la figure de la Bien-aimée, dans son Commentaire du Cantique des cantiques, mais directement de Macrine dans sa Vie de Sainte Macrine et dans son étonnant petit dialogue Sur l’âme et la résurrection. Nous y voyons Macrine (que Grégoire appelle toujours « ma maîtresse ») sur son lit de mort, expliquant de façon poignante et profonde à son frère qui l’écoute attentivement, le sens de la résurrection de l’âme et du corps.

43La remarquable gamme d’images utilisée par Grégoire dans le commentaire du Cantique confirme aussi mes propres hypothèses herméneutiques relatives à son langage. Dans ses dernières œuvres, en particulier dans ses commentaires sur Moïse et sur le Cantique, Grégoire passe de l’énoncé de propositions à l’imagerie poétique. Dans l’ensemble, Grégoire abandonne le langage dialectique de la polémique pure (comme dans le Contre Eunome I) pour le langage du désir, de la poésie, de la louange et de la prière. Dans le vocabulaire herméneutique et phénoménologique moderne, on dira que Grégoire, sans doute plus que n’importe quel autre des premiers penseurs chrétiens, passe facilement de la prédication à la louange, de la louange à la prière, et vice versa, de la raison discursive (dianoia) à la raison intuitive (nous), de la raison philosophique cherchant la foi dans l’obscurité apophatique au langage théologique de la raison transformée par la foi en amour et connaissance infinis, d’un langage d’exposition à un langage paradoxal, nouveau langage cataphatique sur Dieu, mais seulement dans le contexte du langage apophatique sur la nomination du Dieu incompréhensible. Grégoire était manifestement porté par une formation rhétorique classique et par un sens poétique naturel (en particulier à l’égard de la beauté de la nature et du cosmos). Un sens poétique imprègne ses images et sa prosodie, tout aussi clairement que le génie de la rhétorique imprègne les œuvres de Grégoire de Naziance. La différence entre les langages des deux Grégoire est notable (la rhétorique brillante de Grégoire de Naziance et l’imagerie et la prosodie poétiques de Grégoire de Nysse). Ces différences peuvent peut-être s’expliquer, non seulement à partir de la distinction classique à leur époque entre rhétorique et poésie, mais aussi à partir de la fameuse proposition de William Butler Yeats : « La rhétorique est le langage de l’argumentation avec les autres ; la poésie, celui de l’argumentation avec nous-mêmes. »

44J’ai proposé dans cet essai plusieurs voies pour rapporter la pensée de Grégoire, avec toutes ses différences et ses ressemblances, à plusieurs axes importants de la pensée moderne sur foi et raison. La contribution majeure de Grégoire se trouve dans sa manière de repenser la foi chrétienne (pistis), non comme un simple savoir, mais comme plus qu’un savoir, à travers l’expérience singulière du Dieu infini et incompréhensible. En tant que commencement de l’union à Dieu, la foi ouvre l’âme tout autant à l’expérience de la joie finie qu’à celle du désir infini. La foi donne à l’esprit la liberté de penser plus qu’il n’est capable de penser. Par sa compréhension profondément originale de la foi, Grégoire se révèle un fin phénoménologue de l’Impossible, en même temps qu’un fin herméneute de l’Infini. Avec toutes ses allégorisations parfois presque surréalistes, son œuvre herméneutique et théologique est l’exemple d’une réinvention du rapport entre foi et raison.

Conclusion : Foi et raison aujourd’hui

45Pour un théologien contemporain, il peut paraître étrange de s’intéresser à la notion de foi (pistis) chez un ancien théologien grec, pour en recueillir un apport herméneutique pouvant éclairer aujourd’hui une question complexe, spécialement depuis l’encyclique remarquée de Jean-Paul II Fides et ratio.

46Ma tentative de retrouver, en m’appuyant sur des travaux de spécialistes, certaines intuitions de Grégoire de Nysse sur foi et raison, avait des raisons tirées de l’herméneutique contemporaine. Comme le soulignait Hans-Georg Gadamer, « comprendre complètement, c’est comprendre différemment. » À la différence des romantiques allemands, l’idée de retrouver des fragments d’une herméneutique oubliée ne reflète aucune nostalgie à l’égard d’une époque ancienne, supposée plus holiste et plus sainte, de la vie et de la pratique chrétiennes. C’était peut-être le cas de la Cappadoce du quatrième siècle, mais cela n’a plus d’importance. Nous vivons dans un monde chrétien intellectuellement très différent, dans lequel, après des réalisations extraordinaires dans les sciences et les techniques modernes, la raison a trop souvent été confondue avec le scientisme (c’est-à-dire la croyance que seule la raison scientifique peut parvenir à la vérité en tout domaine). Le scientisme est devenu pour beaucoup (en particulier dans les cultures anglo-américaines) une idéologie contemporaine. Cette idéologie a cours maintenant depuis un siècle et demi, soit sous la forme ancienne, maintenant intellectuellement dévaluée, du positivisme, ou sous la forme encore plus ancienne de l’empirisme naïf, soit, plus récemment, dans un scientisme culturel complaisant. Aujourd’hui, beaucoup d’intellectuels soutiennent des opinions positivistes. Trop souvent cependant, à la différence des anciens positivistes, ils présupposent leurs opinions plus qu’ils ne les argumentent.

47D’un autre côté, plusieurs sortes de philosophes et de théologiens ont développé des arguments convaincants contre les erreurs réductionnistes des scientistes. On pourrait penser que ces erreurs ont été suffisamment mises en lumière depuis trop longtemps pour qu’il se trouve encore des intellectuels sérieux pour les reprendre. Il est heureux que, dans la philosophie et la théologie actuelles (y compris dans la plus grande part de la philosophie analytique contemporaine s’intéressant à la foi et à la raison), la position scientiste ne soit manifestement pas tenue par la plupart des philosophes, à l’exception des positivistes et des empiristes de stricte obédience. Le scientisme n’a jamais été soutenu par Einstein, Bohr ou Eisenberg, pas plus que par beaucoup de scientifiques contemporains. Parmi eux, certains refusent le scientisme, moins sur la base d’une argumentation philosophique, qu’en raison d’un sens inné de la dimension religieuse du monde. Dans le cas particulièrement intéressant d’Einstein par exemple, qui avait clairement une sensibilité religieuse, l’idée d’un Dieu impersonnel était associée à une religiosité cosmique et à une philosophie spinoziste.

48Comme les historiens des idées l’ont montré, les philosophies et les théologies de l’Antiquité ont encore beaucoup à apprendre à tous ceux qui, aujourd’hui, veulent bien leur prêter attention. Par exemple, le travail pionnier de Pierre Hadot [15] a montré que, dans l’Antiquité, la philosophie, comme la théologie, n’était jamais seulement une théorie (encore moins un système), mais une théorie jointe à un genre de vie. Tout occidental qui a discuté sérieusement avec un taoïste ou un bouddhiste (par exemple, à l’École de Tokyo) remarque immédiatement (et, d’après ma propre expérience, avec une certaine envie) que les penseurs bouddhistes contemporains, dont la plupart sont des intellectuels très versés dans la théorie métaphysique, insistent sur le lien entre leur métaphysique et leur manière de vivre. Leurs théories induisent clairement des pratiques spirituelles quotidiennes et sont profondément influencées par celles-ci (par exemple, la méditation, la contemplation, et différentes méthodes ascétiques de purification morale et intellectuelle). En Occident aussi, comme nous le savons grâce aux travaux de Hadot et d’autres, tout philosophe antique, à la différence de la plupart des modernes, pratiquait des exercices spirituels. Par exemple, pour les anciens, les mathématiques n’étaient pas seulement un exercice intellectuel (comme elles le sont encore aujourd’hui), mais un exercice spirituel. Pratiquées avec attention, les mathématiques rappellent à celui qui s’y adonne que la réalité du monde ne se limite pas seulement aux mondes sensibles ou imaginaires découverts par les sens ou par l’imagination, mais qu’elle comprend aussi un monde de pure intelligibilité accessible par les mathématiques. Dans la philosophie occidentale moderne, il est encore assez rare de mettre en rapport les grandes réalisations de la raison (dans les domaines des mathématiques, des sciences, des humanités, des arts, de l’éthique et de la politique, de la philosophie et de la théologie) avec la manière de vivre. Heureusement cependant, le nombre des philosophes et des théologiens qui cherchent à relier leurs théories à une manière de vivre est en augmentation [16] : c’est le cas, par exemple, des derniers travaux de Michel Foucault et de presque tous ceux de Ludwig Wittgenstein et de Simone Weil.

49Parfois, le lien entre théorie et mode de vie requiert une herméneutique du soupçon face à des biais inconscients (sexisme, racisme, impérialisme, préjugés de classe, antisémitisme, homophobie, etc.) qui nécessitent d’être repérés et corrigés, aussi bien dans la culture contemporaine que dans la tradition.

50J’ai consacré un minimum de temps à clarifier la riche compréhension de la raison par Grégoire. Évidemment, Grégoire défend la raison – à la fois dianoia et nous –, aussi bien en amont qu’en aval de la foi. Dans la culture grecque, la raison n’avait guère besoin d’être défendue parmi les gens instruits. Mais, compte tenu du rôle joué par le destin et le hasard dans la culture du temps de Grégoire, ce dernier trouvait nécessaire, comme l’ont fait la plupart des penseurs chrétiens orientaux de son époque, de défendre vigoureusement la liberté. La théologie philosophique de Grégoire était donc soucieuse de combattre le fatalisme répandu dans la culture grecque de l’Antiquité tardive, au point que, du début à la fin, sa théologie est une défense de la liberté de l’homme raisonnable et de la volonté sauvée. Sur la liberté de la volonté, Grégoire ne partageait pas le pessimisme de son contemporain latin un peu plus jeune, Augustin, aux yeux duquel – particulièrement dans ses dernières œuvres – la liberté de la volonté semble encore réelle, mais peut-être irrémédiablement atteinte. Quoi qu’il en soit de leurs différences sur la volonté, Grégoire et Augustin avaient en commun le concept riche et complexe de la raison que partageaient les anciens : raison discursive aussi bien que raison intuitive, avec un passage s’effectuant naturellement du raisonnement discursif et dialectique au mode de penser intuitif et contemplatif. Grégoire aurait été pleinement d’accord avec la façon dont Augustin corrigeait le jeune chrétien converti qui ne voulait plus s’en tenir qu’à la foi et méprisait la raison. Pas du tout, insistait Augustin : Ama valde intellectum. Pour tout penseur de l’Antiquité, un tel va-et-vient entre argumentation dialectique et exercices spirituels de purification intellectuelle et morale apparaissait d’une nécessité évidente pour l’acte de penser lui-même.

51Un interprète moderne voit bien que, suivant l’analyse classique qu’en a faite Jean Daniélou, l’épéktasis est tout à fait semblable à la notion d’exercice spirituel chez Pierre Hadot. Originellement, les deux métaphores renvoient à l’athlète. La tension du corps dans la pratique du sport offre un moyen de comprendre ce qu’est, pour Grégoire, l’exercice spirituel de l’épéktasis : le déploiement infini de la raison, l’acte d’intelligence avant, avec et après la foi, ouvrent l’âme à sa propre dimension divine et la libèrent pour s’élancer à nouveau.

52En effet, Grégoire est à la fois subtil et très positif sur la raison. Cependant, comme je l’ai montré plus haut, sa plus grande contribution à la réflexion contemporaine est sa conception stupéfiante de la foi comme ouvrant la raison consciente à sa source préconsciente et inconsciente, et comme ouvrant ainsi le désir préconscient et inconscient (à la fois éros et agapè) au désir infini.

53Pour Grégoire, l’énergie inconsciente de la vie elle-même – ressentie, mais non connue, par la dianoia et le nous – est libérée par l’expérience mystique fascinante et terrifiante de l’union à Dieu, et par l’union à l’amour comme énergie primordiale de la vie elle-même. « La foi agit par l’amour », rappelle Grégoire avec insistance, à la suite de Paul. Je suggère de prolonger ce mantra paulinien de Grégoire par la pensée suivante : « la foi agit aussi par la connaissance nouvelle que communique l’énergie préconsciente et consciente libérée par la foi. »

54Grégoire, comme Augustin, pensait qu’ultimement, c’est l’amour qui conduit la raison. Eros et agapè sont synonymes dans la langue de Grégoire, qui n’a jamais développé le concept augustinien de caritas. Mais, plus clairement qu’Augustin, Grégoire montre – dans son herméneutique des personnages de David, Abraham, Moïse et de la Bien-aimée du Cantique des cantiques – comment c’est la foi, et la foi seule, qui libère dans la raison consciente l’énergie puissante et débordante de l’amour-éros-et-agapè. Ici, c’est seulement à titre secondaire que la foi a une dimension cognitive consciente de croyance. En définitive, comme commencement de l’union à Dieu et ouverture de la conscience à sa source préconsciente et inconsciente, la foi est vraiment confiance en la promesse de Dieu, mais elle est en même temps plus que ce simple acte de confiance (même chez Luther, peut-être, comme le soutiennent les commentateurs finnois), dans la mesure où elle réalise un commencement d’union à Dieu.

55Cependant, un aspect de la foi fait malheureusement défaut chez Grégoire. Cet aspect transparaît dans son analyse de la façon dont la foi ouvre l’âme à sa source préconsciente et inconsciente. Évidemment, la compréhension de l’inconscient peut aujourd’hui être mise en rapport avec la force de jouissance de l’amour, à la fois éros et agapè. En même temps, l’inconscient est aujourd’hui décrit, comme chez Freud et Lacan, en termes tragiques. À mon avis, il manquait à Augustin la compréhension de l’infinité de Dieu comme clé d’accès à une conception positive de l’incompréhensibilité divine. Néanmoins, dans son voyage intérieur, Augustin a découvert un soi qui, assurément, était hautement capable de comprendre et d’aimer, mais qui, à la différence du soi de Grégoire, était aussi un soi tragique, déformé par le péché originel et le péché personnel.

56Ici, le contraste avec Grégoire est étonnant. Grégoire lutte tellement contre le fatalisme de son milieu culturel grec qu’il défend à tout prix la liberté humaine. Il admet pleinement que nous sommes blessés par le péché originel et le péché personnel. Le péché est capable de rendre notre esprit « lourd », « dispersé » et, par-dessus tout, « avide » et « égotiste ». Mais Grégoire ne parle jamais, comme le dernier Augustin, de notre volonté déformée, pervertie, refermée sur elle-même. Pour lui, une telle vision de la volonté compromettrait sa liberté. Une comparaison entre Augustin et Grégoire reste une nécessité majeure pour la réflexion contemporaine sur la foi et la raison.

57Grégoire apporte au théologien d’aujourd’hui son herméneutique de la redécouverte de la foi, et de la foi seule, comme ouverture à une nouvelle connaissance. En termes modernes, il apporte une phénoménologie brillante de la foi comme un don d’un genre unique (l’ouverture de la conscience à ses ressources préconscientes et inconscientes). Il apporte une herméneutique tout aussi brillante de certains textes, images, et personnages de l’Écriture. Dans le christianisme des premiers siècles, Grégoire de Nysse et Augustin d’Hippone offrent les ressources théologiques les plus sûres pour réélaborer aujourd’hui une anthropologie pleinement théologique de la foi et de la raison.

58À une époque où, comme l’observait Nietzsche, notre problème est que nos âmes sont trop petites, c’est sans doute prendre une direction avisée que de s’intéresser à un ancien penseur chrétien dont la vision de l’âme est exceptionnellement riche, complexe et convaincante. Cet essai centré sur la foi et la raison chez Grégoire de Nysse sera peut-être un petit pas en direction d’une phénoménologie de la foi et d’une herméneutique de l’Écriture adaptées à l’époque moderne. Comme Grégoire le montre, il se peut que la foi soit un phénomène beaucoup plus riche et complexe que beaucoup de débats contemporains sur la foi … Comme de raison, ama valde intellectum.


Mots-clés éditeurs : raison, Grégoire de Nysse, critique, Foi et raison, mystique, foi

Mise en ligne 23/01/2013

https://doi.org/10.3917/trans.110.0053

Notes

  • [1]
    Parmi plusieurs excellentes études sur le rapport entre foi et raison chez Grégoire, celles qui suivent m’ont été particulièrement utiles : Mariette Canévet, Grégoire de Nysse et l’herméneutique biblique – Étude des rapports entre le langage et la connaissance de Dieu, Paris, Études augustiniennes, 1983 (particulièrement utile pour les aspects linguistiques) ; Bernard Pottier, Dieu et le Christ selon Grégoire de Nysse – Étude systématique du Contre Eunome, avec traduction inédite des extraits d’Eunome, Namur, Culture et vérité, 1994 (particulièrement utile pour l’interprétation de la migration d’Abraham à partir de la sructure du Contre Eunome II) ; Martin Laird, Gregory of Nyssa and the Grasp of Faith – Union, Knowledge, and Divine Presence, Oxford, 2004 (cette excellente étude a été pour moi qui ne suis pas un spécialiste de Grégoire un véritable vade mecum ; bien que je regrette que le Professeur Laird ne mette pas assez en relief le côté apophatique de Grégoire, je lui suis profondément reconnaissant pour son analyse très fine de la connaissance nouvelle découlant de la foi, en particulier dans son analyse du Commentaire du Cantique des Cantiques, p. 131-154)
  • [2]
    André-Jean Festugière, Contemplation et vie contemplative selon Platon, Paris, 1936.
  • [3]
    Bernard Lonergan, Method in Theology, New York, 1972, p. 101-125.
  • [4]
    Voir Carl Braaten and Robert W. Jenson (eds.), Union with Christ – The New Finnish Interpretation of Luther Michigan, Grand Rapids, 1998.
  • [5]
    Voir notamment l’étude herméneutique des stratégies linguistiques de Grégoire dans Mariette Canévet, op. cit.
  • [6]
    Voir les études publiées dans Lenka Karfíková, Scot Douglass and Johannes Zachhuber (ed.), Gregory of Nyssa, Contra Eunonium II : An English Version with Supporting Studies – Proceedings of the 10th International Colloquium on Gregory of Nyssa, Olomouc, September 2004, Leiden, 2007.
  • [7]
    Voir Martin Laird, op. cit., p. 86-87.
  • [8]
    Gregory of Nyssa, The Life of Moses, translation, introduction and notes by Abraham J. Malherbe and Everett Ferguson, New York, 1978.
  • [9]
    Parmi d’autres études, voir les articles de Theo Kobusch, Basil Studer, Morwenna Ludlow, et Anthony Meredith dans Gregory of Nyssa : Contra Eunomium II ; dans The Life of Moses, voir p. 91-97 et 111-20.
  • [10]
    Voir, entre autres, René Roques, L’univers dionysien – structure hiérarchique du monde selon le Pseudo-Denys, Paris, 1954 ; Andrew Louth, Denys the Areopagite, London, 1989.
  • [11]
    Pour l’exégèse du Cantique des cantiques, je suis profondément redevable à Martin LAIRD, Gregory of Nyssa and the Grasp of Faith, p. 85-99, et 131-54, et, sauf indication contraire, je reprends largement son exégèse de ce texte complexe et subtil. Mais la mise en relation herméneutique ce texte avec des sujets actuels est de ma seule responsabilité, vu que Laird ne s’intéresse qu’aux aspects historico-exégétiques.
  • [12]
    Cf. Martin Laird, op. cit., p. 91-98.
  • [13]
    Voir The Life of Saint Macrina by Gregory, Bishop of Nyssa, texte traduit et annoté par Kevin Corrigan ; voir aussi Sarah Coakley, « Introduction – Gender, Trinitarian Analogies, and the Pedagogy of the Song », dans Sarah Coakley (ed.), Rethinking Gregory of Nyssa, London, 2003, p. 1-15.
  • [14]
    Jaroslav Pelikan, « Christanity and Classical Culture : The Metamorphosis of Natural Theology », dans The Christian Encounter with Hellenism, New Haven, 1993.
  • [15]
    Pierre Hadot, Exercices spirituels et philosophie antique, Paris, Études augustiniennes, 1987.
  • [16]
    Voir l’étude à paraître d’Arnold Davidson sur Cavell, Wittgenstein et Weil.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.85

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions