1 En comparaison avec un dogme/doctrine politique et une idéologie spécifique, l’historique du conservatisme est assez bref : c’est une « pensée » ou « attitude » dont les origines remontent jusqu’à la naissance de l’humanité, comme si nous avions commencé notre propre histoire personnelle avec nos premières relations avec l’objet.

2 On suppose que le conservatisme est « une manière de penser »« contemporaine ». Il est moderne, car l’existence d’un monde à préserver pour le conservatisme dépend de l’existence d’une « restauration » ou « modernisation » qui menace sa survie (Kırlı, 2016).

3 En réalité, le conservatisme est précisément une démarche de restauration.

4 Authentique, il ne renonce jamais à ses propres valeurs, avec un minimum d’intervention possible pour protéger, sans être dévastateur... C’est renoncer à l’histoire et au savoir-faire de la tradition dans l’élaboration de la structure sociale. Le conservatisme est à la fois politique et moral, au point qu’il se concentre sur le bien-être de la société, des individus et de la vie politique, en considérant que le bien-être de la société dépend du bien-être des individus. Donc le conservatisme est suspicieux, pluraliste et traditionnel. Il est même associé à la conscience, c’est un concept qui trouve un sens dans le contexte de la pensée (Kekes, 2001).

5 Les nouveaux-nés ne peuvent subvenir à leurs besoins, donc ils ont besoin de soins et sont dépendants de leur environnement pour survivre et assurer leur descendance ou la continuité de l’espèce. La nécessité de l’objet commence depuis le début. C’est justement sur ce point que le conservatisme tente de souligner que l’être humain n’est pas parfait et considère que l’intelligence de ce dernier est limitée, en conséquence cela exige une vie sociale. L’individu trouve un sens dans la communauté ; ce conservatisme est une idée socialiste, mais pas individualiste (Beneton, 1991).

6 L’approche conservatrice de l’homme se révèle de deux manières, l’une religieuse et l’autre philosophique. Le point commun entre les deux, c’est que l’homme est défaillant en raison des lacunes qui touchent sa procréation. Comme l’homme ne peut atteindre la perfection en raison de ses péchés, la situation actuelle doit être préservée et les éléments qui souhaitent un changement devront être méticuleusement observés. La philosophie conservatrice suggère, à l’inverse des idéologies libérales et socialistes, que les origines des problèmes sociaux et politiques résident dans la nature de l’homme. En outre, le conservatisme prétend que si nous laissons l’esprit humain établir l’ordre social et politique, considérant que celui-ci peut faire des erreurs, alors il préfère suggérer les préjugés en remplacement de la pensée (Kök, 2004).

7 L’enfant et la mère ne sont pas encore entièrement dissociés lors de la première relation après la naissance. Le bébé tète le sein de sa mère qui vient de le mettre au monde, ainsi cela permet d’une part de couvrir ses besoins et d’autre part lorsqu’il est dans le ventre de sa mère il vit les premières perceptions de base qui lui font connaître le plaisir de la vie. L’image de l’objet permet également de façonner le désir du sujet.

8 Lorsque l’objet réel n’existe pas, on réinvestit cette image et le désir est satisfait de manière hallucinatoire. Ceci est précisément le choix qui déterminera l’objet qui permettra de procurer la satisfaction pour la période à venir ; l’intervention de la réalité est nécessaire pour remarquer l’objet. L’action d’allaiter le bébé transforme le sein de sa mère en un premier objet de pulsion sexuelle. Au début, le bébé pense que le sein lui appartient, puis il se rend compte que ce n’est pas le cas et devient jaloux de ce sein et également de sa mère. Lors de l’allaitement, le bébé est assouvi et satisfait, le désir de protéger ce cadeau unique lui permet de former les bases de la gratitude. Lorsqu’il y a allaitement avec satisfaction et assouvissement, cela devient un objet idéal pour le bébé. Lorsque le bébé est dépourvu de sein, alors celui-ci devient un objet oppressif. Selon Klein si les expériences bénéfiques sont supérieures aux mauvaises expériences oppressives en termes de quantité et de qualité, alors les objets bénéfiques et mauvais se rapprocheront et le bébé souhaitera progressivement obtenir un caractère plus unifié. Puis le bébé commence à faire la différence entre lui et l’objet. La voie dépressive se trouve alors ouverte lorsque l’objet devient un ensemble, c’est-à-dire que la mère perçue comme bénéfique et maléfique peut être internalisée comme un ensemble et une personne unique pour ouvrir la voie de l’identification de l’objet avec un sentiment d’anxiété et de culpabilité (Klein, 1945).

9 En général le conservatisme actuel défend l’idée qu’il est nécessaire de se moderniser avec le maintien de l’ancien par l’intermédiaire des thèmes et symboles. Il suggère un progressisme prudent contre les idées révolutionnaires et progressistes du modernisme (Huntington, 1957).

10 Sur le plan psychanalytique le chemin qui mène vers l’identification est également aussi complexe : il y a lieu de prévoir de la place pour les objets du nouveau pendant qu’on maintient les objets de l’ancien.

11 Freud (1914) prétend que le premier état mental du bébé est un état de narcissisme primaire qui ne produit aucune différence et dont le bébé forme un ensemble avec le monde et toute l’énergie libidinale qui est en lui.

12 Il affirme que les pulsions de cette période où la personnalité ne se développe pas encore sont auto-érotiques et l’enfant commence une relation avec le monde extérieur en créant des identités narcissiques avec les objets qu’il perçoit comme une extension de lui-même. Autrement dit le narcissisme primaire se trouve dans les origines du développement et représente l’état initial de l’homme.

13 Winicott décrit cette situation comme suit : « Pour les observateurs extérieurs il peut sembler que la relation avec l’objet existe depuis le premier stade, cependant il convient de noter que l’objet initial est « un objet subjectif » (Winnicott, 1962).

14 Plus le bébé s’éloigne, se dissocie de sa mère, plus il réalise différents ponts pour conserver le lien avec l’autre. La recherche constante entre distance et proximité dans l’utérus nécessite un éloignement pour voir, penser et parler après un sentiment d’uniformité et une expérience d’imbrication. La transition vers les relations avec la réalité et les objets n’est possible qu’en s’éloignant de l’uniformité après l’illusion de l’omnipotence vécue grâce aux fonctions d’harmonie d’une mère suffisamment positive ou bénéfique. Les déceptions créent un terrain favorable à la pensée qui permet de former lentement les sources internes de la vie spirituelle.

15 Freud (1905) souligne la rencontre complexe entre l’objet et le sujet en indiquant que l’un permet de construire l’autre. Le sujet ne peut exister, prendre forme et s’achever seulement en rencontrant un objet complètement différent de lui-même. C’est pourquoi, il est plus juste de parler de la relation avec l’objet plutôt que la relation de l’objet pour le sujet. Le sujet va créer les objets avec l’inquiétude de se protéger contre l’angoisse excessive et maintenir son équilibre spirituel avec un assouvissement impulsif et recherche de plaisir ; les objets peuvent changer de place entre eux, et ils seront investis pour être ou ne pas être une chose déterminée. Selon Freud la découverte de l’objet est une retrouvaille.

16 Il est probablement possible de parler des tendances conservatrices du bébé déjà à cette période précoce. L’individu à le choix soit de maintenir une relation avec le premier objet en s’investissant dans des relations similaires qu’il entretient avec l’objet qui l’assouvit et l’entretient par l’intermédiaire du choix de l’objet analytique, soit de maintenir le narcissisme primaire en s’investissant sur l’objet qu’il considère comme faisant partie de sa personnalité, qui était comme lui dans le passé et comme il souhaitait devenir en choisissant un objet narcissique.

17 La relation de l’objet est chargée de conflit. Comme il ne peut faire face aux idéaux reflétés il porte obligatoirement des richesses en termes d’investissement libidinal mais également de haine contre l’objet qui crée la déception. Pour le conservatisme, il représente la continuité du changement impliqué ; l’important n’est pas d’augmenter le rythme du changement mais plutôt assurer la poursuite des éléments fondamentaux de la société. Dans ce cas, il n’est pas question ni d’abandonner la relation de l’objet, ni de rester exempté des conflits relatifs à ces relations, ni d’un changement radical dans la relation de l’objet. La continuité des objets et le développement des relations de l’objet peuvent être considérés dans le conservatisme comme une proportion directe de l’effort pour harmoniser le développement et la continuité (Çiğdem, 1997).

18 L’objet prend la fonction d’un substitut à l’idéal inaccessible de la personnalité dans beaucoup de formes de sélection d’objet. La raison de l’amour de l’objet, c’est la perfection qu’on souhaite atteindre pour obtenir la personnalité et assouvir le narcissisme par des routes sinueuses.

19 L’enfant qui voit sa propre image dans un miroir commence à faire ses premiers pas pour comprendre et créer son intégrité physique ; il pensera que la forme de l’image correspond à une intégrité de sa personne et commence son identification. Pendant le processus d’assimilation d’un ego par un autre ego, il choisit tout d’abord les parents comme objet avec le développement de la personnalité, puis toutes les identités commencent d’une part à consolider cette personnalité et d’autre part permettent le développement du surmoi. Le développement de la personnalité prévoit une séparation du narcissisme primaire. Cette séparation se produit par le déplacement de la libido vers l’idéal imposé par l’extérieur et l’autosatisfaction est obtenue par la réalisation de cet idéal. Ce qui se reflète dans l’idéal de la personnalité, c’est le substitut du narcissisme qu’on perd dans l’enfance.

20 L’identification peut se produire par la perception nouvelle d’une caractéristique commune partagée avec les autres qui ne sont pas l’objet d’une pulsion sexuelle. Plus cette caractéristique commune est importante et plus l’identification partielle connaîtra du succès, ainsi cela permettra de créer un nouveau lien. Une telle identification permet d’expliquer la raison pour laquelle les individus qui constituent un groupe s’attachent à une autre personne à cause du sentiment partagé résultant de la liaison qui relie chaque personne au leader (Taymur & Boratav, 2013).

21 La préservation des modes de vie traditionnelle, leur maintien et leur degré de résistance aux changements du monde moderne est un discours politique propre au conservatisme. C’est une réponse à l’émergence du modernisme pour préserver le passé comme une idéologie politique et assurer sa continuité (Yücebaş, 2012).

22 La société, tradition, religion, famille et autorité sont des valeurs défendues par le conservatisme qui ne peut en aucun cas les sacrifier au profit du changement et de la modernisation.

23 La politique conservatrice indique que l’affaiblissement des valeurs morales est la principale cause des problèmes politiques. Il met en premier plan le pluralisme culturel, la compréhension de la justice et art de l’appliquer. Par l’angoisse de sortir de l’ordinaire et devenir étranger en protégeant le statut que nécessite un soutien prudent et graduel des réformes (Duman, 2012).

24 Selon cette idéologie politique chaque société détient ses propres valeurs.

25 Si l’enfant souhaite préserver son lien narcissique avec sa famille et la société, alors l’enfant doit remplir ses obligations afin d’obtenir la protection du groupe et devenir partie intégrante du système. Selon les étrangers, le point commun ce sont les différences mineures, celles-ci définissent la personnalité idéale du groupe. Cette personnalité idéale représente l’héritier de la fonction vitale et maternelle. Si ces différences sont rejetées, cela signifie qu’il est au seuil d’un risque narcissique sérieux (Doğan, 2015).

26 Plus les différences sont faibles entre les individus, groupes ou communautés et plus ils se sentiront menacés sur le plan de l’identité narcissique. Plus la similitude augmente, plus il existe un risque de perte d’identité. Tout le monde connaît la proximité du lien archaïque avec la mère, d’où l’occupation qui est une menace qui concerne l’identité. C’est pourquoi tous les voisinages nécessitent des limites imaginaires ou réelles et l’habitation est installée dans ce contexte. En réalité les sociétés sont également installées dans leur propre frontière (de Mijolla-Mellor, 2014).

27 L’enfant naît dans un monde où les données existent déjà avant lui et qui l’imprègnent. Toutes ces informations lui seront imprégnées à partir de la naissance avec des sons et odeurs familiers, la saveur des aliments en cuisson, des vêtements et la langue qui est la plus utilisée. L’enfant apprend à les accepter avec le temps, car celle-ci font partie intégrante de l’histoire et culture de la famille, mais également de la société, région et pays.

28 Selon le conservatisme qui défend profondément la hiérarchie sociale, la société formée par la fusion des institutions est une structure organique et vivante qui provient du passé pour s’étendre au futur et qui ne nécessite aucune forme d’intervention sur elle-même. La société est différenciée à la fois sur le plan réel et fonctionnel comme un organisme parfait. Son développement ressemble à celui d’un organisme. Elle transite à travers différentes étapes et chaque étape lui permet de gagner quelque chose de nouveau. En un sens, lorsqu’il est question de société la notion de changement est inévitable (Çaha, 2004).

29 Cependant les valeurs et institutions à déplacer du passé vers le futur par la société ne devront subir aucune rupture. La continuité est une force qui permet d’éviter la dépression sociale et politique, mais également les crises et le chaos. En outre, la stabilité de la continuité est un concept clé de l’enrichissement social, culturel, économique et même politique (Akkaş, 2001).

30 L’idéologie conservatrice prétend que les traditions et coutumes constituent les valeurs fondatrices d’une société. La tradition représente l’ensemble des valeurs, règles et pratiques transférées entre les générations et qui résistent face au temps. Il est important de respecter l’héritage du passé. Les traditions sont transmissibles à la fois par la conscience et par l’inconscience. Le sentiment de lien entre le passé et le futur est également facilité dans les relations de l’objet. Car le point principal, c’est l’expérience (Bauman, 2000).

31 La famille est l’institution la plus importante de la société, elle permet de combler les lacunes de l’individu pour l’amener à maturité. La famille représente d’une part une institution qui enseigne les individus conformément aux valeurs sociales, d’autre part c’est comme une institution qui constitue les fondements de la diversité sociale et de l’intimité. L’institution qui s’occupe de transmettre aux individus les croyances, traditions, opinions, habitudes, et qui permet d’assurer la communication entre les générations, ainsi que l’enrichissement sociale, c’est la famille.

32 L’enfant a besoin d’objet pour créer une famille. Former un duo avec sa mère est une condition existante depuis le début. La réalité symbolisée depuis le début par la mère, le concept de père et la notion de maternité et paternité de la mère sont également importants pour le développement des relations tripartites. L’expansion de la zone de relation et de création interne de la conception du père avec le symbole de la conception du père et la notion de paternité, offre la possibilité d’une zone obligatoire. Il permet de rappeler la loi en intervenant entre le père, mère et l’enfant. Les relations d’objet au sein de la famille sont fondées sur l’amour et l’héritage. Les parents transmettent avec amour à leurs enfants ou descendants, l’histoire transmise de génération en génération par leurs propres parents. Il y a lieu de rappeler qu’il n’est pas possible de devenir une famille parfaite en étant simplement de bons parents. Il est nécessaire de rappeler l’affirmation de Freud : « Faites ce que vous voulez, ce sera toujours insuffisant. » Néanmoins selon le conservatisme, le risque le plus grand est l’affaiblissement des liens familiaux qui aura pour conséquence l’affaiblissement des liens sociaux qui permet la solidarité sociale (Fonagy, 2003).

33 Enfin, je souhaite conclure en abordant un sujet important. Le conservatisme ne peut pas subsister sans l’ordre et l’autorité. La société est possible seulement avec l’ordre et l’autorité. Le conservatisme est un outil important pour le pouvoir, c’est ce qui le rend efficace. Une telle confiance permet à l’idéologie conservatrice d’apparaître dans le domaine culturel, ainsi elle commence à accumuler des expériences sur son image et mode de vie (Efekan, 2011).

34 L’idéologie du conservatisme est assimilée comme une manière de penser plutôt qu’une attitude. Cela explique son articulation facile avec toutes les pensées. Comme on peut le constater, le lien permanent établit avec le passé une liaison indispensable pour le conservatisme. Tout comme pour le champ d’application de la psychanalyse… le conservatisme à besoin de protéger certaines choses, et ces choses à protéger ont également besoin du conservatisme. Tout comme les psychanalystes… Peut-être que chaque homme tente de préserver ou de cacher le premier objet depuis le début.