Topique 2015/3 n° 132

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Article de revue

L’ordre dans la fragmentation psychique de la schizophrénie

Pages 65 à 78

Notes

  • [1]
    p. 39.
  • [2]
    p. 47. À cet égard, l’auteur déclare qu’il est vrai que la psychanalyse, autant qu’elle ait pu progresser dans la connaissance et la cure des psychotiques, est encore loin de percer leurs mystères. « Quel ami me disait-il un jour, s’interroge Racamier, qu’il faut une heure pour croire que l’on comprend la schizophrénie, et vingt ans pour savoir qu’on y comprend peu de chose ? » (p. 47-48).
  • [3]
    p. 252.
  • [4]
    Bion (1967), p. 57. C’est moi qui souligne.
  • [5]
    Bleuler, toujours en 1911, explique que même un changement important de thème pourrait alors se produire de façon totalement « asymptomatique ».
  • [6]
    Dans le texte original : « le front levé » (N. du T.).
  • [7]
    Au sein de cet épisode de la Grotte de Montesinos, précise Crespo, commencerait le passage « de la tranquillisante car familière psychopathologie de la psychose » vers « les sables mouvants de la psychopathologie de la folie où nous nous sentons moins sûrs », consistant, dit l’auteur, en l’utilisation habile et « avec adresse » des mécanismes mentaux n’étant plus indispensables au sujet, c’est-à-dire dont celui-ci n’a plus besoin.
  • [8]
    p. 48. Cooper (1967) soulève le fait que dans l’imagerie populaire, le schizophrène serait le prototype du fou : « Il est l’auteur d’actes insensés, parfaitement gratuits et toujours empreints de violence à l’égard d’autrui. Il se moque des gens normaux […] mais en même temps il leur fournit les éléments de sa propre invalidation. Il est l’homme illogique, celui dont la logique est « malade ». Ou du moins le dit-on. Mais peut-être pourrions-nous découvrir un noyau de sens au cœur de ce non-sens apparent. » (p. 39).
  • [9]
    Thèse de doctorat soutenue le 01 juillet 2014 « Transferts et contre-transfert dans la psychose de type schizophrénique de l’enfant » (p. 104).
  • [10]
    Les chances d’amélioration de l’enfant « ASR » semblent dépendre du degré de fragmentation auquel il est arrivé, de la gravité de sa confusion, du type d’aide dont disposent les parents pour arriver à se « désenchevêtrer » de leur enfant, de sa force constitutionnelle, de son potentiel intellectuel et de la perspicacité (insight) du thérapeute face aux processus autistiques dont fait preuve l’enfant (Tustin, 1972).
  • [11]
    Tustin (1972), p. 103-104.
  • [12]
    Crespo (2003), p. 156-157.
  • [13]
    Racamier (1980), p. 82.
  • [14]
    C’est moi qui souligne afin d’ériger le sens acquis par ce mot au sein de la pensée de Biran.
  • [15]
    p. 83.
  • [16]
    Maine de Biran (1802) fait la distinction entre impressions passives et actives, et, par conséquent, entre une activité sensitive et une activité motrice, cette dernière correspondant à une action volontaire, ou mouvement d’effort. Pour l’auteur, ces deux types de phénomènes, appartenant à deux forces distinctes, se réuniraient dans toutes nos impressions internes et externes, mais d’une manière accidentelle dans certains cas, et essentielle dans d’autres : « Tellement, dit-il, que s’il n’y avait que des impressions sensitives, la volonté ne saurait naître et il n’y aurait pas de moi, tandis que la volonté une fois formée par les impressions actives s’unit aux sensations et y joint le sentiment ou le jugement de personnalité. » (Biran, 1802, Note de bas de page, p. 14). Biran (1807) parle également des faits primitifs de « l’aperception interne immédiate ».
  • [17]
    Thèse de doctorat soutenue en 2014.
  • [18]
    p. 201.
  • [19]
    Les malades « d’une manière ou d’une autre, tombent malades du fait du refusement » (Freud, 1917, p. 310). L’acte de refusement déterminerait, dit-il, tant le refoulement que la résistance. « Quand le moi […] a, par angoisse, procédé à un refoulement, cette angoisse subsiste encore et se manifeste maintenant en tant que résistance quand le moi doit s’approcher du refoulé. » (Freud, 1926, p. 49). Pour Freud (1924b), l’étiologie commune pour que fasse éruption une psychonévrose ou psychose resterait toujours le refusement, le non-accomplissement d’un de ces souhaits d’enfance éternellement incoercibles (« Or, précise-t-il, l’effet pathogène dépend de ce que le moi, dans une telle tension conflictuelle, ou bien reste fidèle à sa dépendance à l’égard du monde extérieur et tente de bâillonner le ça, ou bien se laisse terrasser par le ça et par là arracher à la réalité », p. 6).
  • [20]
    D’après Freud (1924b), à propos de la création autocratique d’un nouveau monde (extérieur et intérieur) menée par le moi dans la psychose, il n’y aurait aucun doute sur deux faits : que ce nouveau monde est édifié dans le sens des motions de souhait du ça, et qu’un refusement du souhait de la part de la réalité, « refusement grave paraissant insupportable », est le motif de cette rupture avec le monde extérieur.
  • [21]
    L’auteur soutient que la force pulsionnelle constitutionnelle et « la modification défavorable du moi acquise dans le combat défensif », au sens d’une dislocation et d’une restriction, seraient des facteurs défavorables à l’action de l’analyse, pouvant prolonger sa durée jusqu’à une impossible conclusion. On serait tenté, ajoute-t-il, de rendre le premier facteur également responsable de la formation du second, à savoir, la modification du moi, mais il semble que cette dernière ait sa propre étiologie, et il faut à vrai dire avouer, dit-il encore, que ces choses-là ne sont pas encore suffisamment connues (Freud, 1937).
  • [22]
    p. 379.
  • [23]
    p. 436. En effet, comme le rappelle Viderman (1970), pour Freud (1914), le refoulement est la pierre angulaire sur laquelle repose d’emblée tout l’édifice théorique de la psychanalyse.
  • [24]
    « On pourrait […] s’attendre à ce que la représentation de mot, en tant que part préconsciente, ait à supporter le premier choc du refoulement, et qu’elle devienne absolument ininvestissable après que le refoulement s’est poursuivi jusqu’aux représentations de chose inconscientes » (Freud, 1915b, p. 242).
  • [25]
    p. 187.
  • [26]
    (Groddeck, 1923, p. 155) « Vous pouvez à votre guise prolonger indéfiniment ces associations ; et ne vous y trompez pas : il n’est pas rare que l’inconscient, avec l’aide des associations, pousse son travail de refoulement à l’infini » (p. 155).
  • [27]
    « Mais un si beau temps ne peut pas toujours durer. Un jour, le ciel se couvre. Des difficultés s’installent dans le traitement ; le patient affirme qu’il ne lui vient plus rien à l’idée […] il est visiblement pris par quelque chose, mais quelque chose qu’il veut garder pour lui. C’est là une situation dangereuse pour le traitement. On se trouve indéniablement devant une violente résistance » (Freud, 1917, p. 456-457).
  • [28]
    Bion (1967) à son tour décrit la croyance, de la part du patient, que l’analyste lui a enlevé sa capacité de penser, ce qui pourrait le conduire à redouter d’employer sa propre capacité verbale du fait de la crainte qu’elle ne suscite la haine de l’analyste et ne l’oblige à répéter son attaque.
  • [29]
    1981.
  • [30]
    p. 106.
  • [31]
    p. 153.
  • [32]
    « Il faut tenir compte de la grande difficulté que l’on rencontre à exprimer les sentiments et les fantasmes d’un jeune enfant dans un langage d’adulte. Toute description des fantasmes précoces de la première enfance – et par conséquent des fantasmes inconscients en général – ne peut donc donner d’indications que sur le contenu de ces fantasmes, et non sur leur forme » (Klein, 1945, Note de bas de page, p. 412).
  • [33]
    Freud (1933), p. 137. C’est moi qui souligne.

UN ORDRE À L’INTÉRIEUR DE LA SCHIZOPHRÉNIE ?

1 Peut-on penser à une dimension d’« ordre » concernant la schizophrénie alors que cette pathologie vise, précisément, à la fragmentation de la vie psychique ? La notion d’ordre peut-elle être inscrite à l’intérieur du concept de la psychose de type schizophrénique ?

2 Ce sont ces questions mettant en rapport la notion d’ordre et le concept de schizophrénie, qui ouvrent la réflexion développée dans cet article. Depuis un premier regard, on serait tenté d’affirmer, de manière assez rapide et presque sans hésiter, que le « trouble des associations de pensée » – sceau de la pathologie schizophrénique – déclenche un scénario de chaos qui n’autoriserait aucun dialogue avec une quelconque dimension d’ordre.

3 Autrement, comment pourrait-on envisager la question de l’ordre vis-à-vis, par exemple, des principaux phénomènes décrits par Eugen Bleuler en relation à la schizophrénie, tels que les « séries de locutions usuelles » (comme celle de « père, fils et Saint-Esprit »), les associations indirectes et « fortuites », les barrages, et la tendance « à ne pas penser jusqu’au bout » ? En avançant un pas de plus, en faveur d’une supposée incompatibilité entre « ordre » et « schizophrénie », la prédominance de la forme se trouvant au cœur des verbalisations exprimées par les sujets schizophrènes (où ce qui est répliqué à une question n’a que la forme d’une réponse, le contenu n’ayant strictement rien à voir avec ce qui était demandé), rajouterait davantage du désordre à la maladie dans la mesure où ces formes grammaticales (telles que « mais », « sinon », « parce que ») viendraient « simuler » une cohérence.

4 Nous voilà face à un sujet qui d’emblée nous fait basculer, au moins du point de vue de la compréhension psychopathologique, à cause du degré d’intelligence (ou plutôt de lucidité) inhérent à un artifice qui paraît avoir comme objectif de combler cette sorte de « lacunes » par lesquelles le sujet malade se sent très menacé et souvent hanté. Puisque, à l’inverse, le désordre manifesté directement et sans détournements serait plus clair, pour ainsi dire moins désordonné, que celui qui s’amuse à se dérober derrière une fausse façade d’ordre.

5 Toutefois, le postulat selon lequel le sceau du fonctionnement psychique schizophrénique résiderait dans un « désordre » quasiment total, permettrait de trouver un fil rendant en fin de compte très proche « schizophrénie » (ou fragmentation de la vie psychique) et « ordre », et cela précisément par l’opposition totale à un ordre que la maladie veut imposer au sujet. Autrement dit, l’expérience de désordre menée à l’extrême se trouverait intimement et paradoxalement liée à la notion d’ordre, dans un mouvement qui dépasserait les 360°.

6 Si, comme je souhaite le démontrer dans cet article, l’extrême désordre propre à la schizophrénie décèle un ordre très précis, à l’inverse, la primauté d’ordre qui inspire à la psychiatrie contemporaine (elle s’appuie surtout dans des mesures quantitatives et des symptômes numérotés) contiendrait à la base un désordre dans la mesure où elle méconnaît tant le sens des maladies qu’aux sujets les souffrant. Pour Viktor Tausk (1919), la psychiatrie ne s’occuperait que de la description de tableaux complexes, n’attachant pas de valeur à la signification des symptômes isolés pour élaborer une vue d’ensemble du mécanisme psychique. Cet auteur considère que l’uniformité des cas cliniques typiques « peut agir comme un mur qui arrêterait notre regard, alors qu’une forme clinique atypique peut faire fonction d’une fenêtre, qui permettrait d’apercevoir les rouages » [1]. À propos de cette supposée dichotomie entre « typique » et « atypique », Bleuler (1911) signale que, dans la nature, « rien n’est typique et rien n’est atypique ». Se référant à une compréhension plus profonde et plus complète de la schizophrénie, Bleuler soutient que, malgré tous les éclaircissements apportés par la psychanalyse, il serait encore « trop risqué » de vouloir expliquer l’ensemble de la symptomatologie à partir d’un seul point de vue homogène.

7 Une telle hypothèse, qui se situe au-delà des symptômes les plus évidents et typiques (dans le cas de la schizophrénie, hallucinations et délires), accomplirait une fonction d’« ordre » puisqu’elle rendrait compte de deux éléments soulignés par Tausk, à savoir : l’origine et le but du symptôme. Une fois qu’on a reconnu, identifié, la nature essentielle du « désordre » propre à la maladie de la schizophrénie, l’ébauche d’un certain ordre commencerait à jaillir et se dessiner. Qui plus est, je dirai que c’est dans le mouvement même du plongement dans le désordre que l’on pourrait accéder à l’ordre propre de la maladie. Un peu à la manière comme s’exprime Paul-Claude Racamier (1980), lorsqu’il déclare à propos des schizophrènes : « Qui les comprend ne comprend rien, mais qui ne comprend plus commence à les comprendre. » [2] Michel Foucault, sur un plan non pas (directement) clinique mais épistémologique, se demande : « Qu’y avait-il, dans l’expérience de la folie, qui fût de nature à l’empêcher de se répartir dans la cohérence d’un plan nosographique ? Quelle profondeur, ou quelle fluidité ? Quelle structure particulière la rendait irréductible à ce projet qui fut pourtant essentiel à la pensée médicale du XVIIIe siècle ? [3] »

8 En effet, ce phénomène s’étant déployé tout au long du XIXe, persisterait jusqu’à aujourd’hui, et perdurera probablement, par la nature même de la maladie, indéfiniment. Volkmar et al. (1988), après avoir mené leur étude portant sur 228 enfants diagnostiqués comme schizophrènes à partir des critères du DSM-III, considèrent que ce serait d’une manière tout à fait paradoxale (c’est-à-dire, malgré toutes les recherches et données déjà acquises) que nos connaissances sur la schizophrénie infantile s’avéreraient, encore, assez restreintes.

LE CLIVAGE

9 Les sujets schizophrènes – tout en faisant écho à ce qui se passe sur le plan scientifique – souvent ne peuvent pas mener leur pensée à leur terme. Cet obstacle à la fonction du penser (plutôt qu’à la pensée en elle-même car des pensées le sujet en possède et parfois même, d’après leur expérience, beaucoup trop), connue en psychiatrie par le terme de « relâchement des associations », Wilfred-Ruprecht Bion le décrivait comme étant des attaques aux liens (« attacks on linking »). « Si nous considérons que l’un des objectifs du patient […] est de se débarrasser de la conscience de la réalité, il est clair qu’il pourrait parvenir à une rupture d’avec la réalité en faisant une plus grande économie d’efforts s’il pouvait déclencher ces attaques destructrices contre le lien, quel qu’il soit, qui met en relation les impressions sensorielles et la conscience. » (Bion, 1967 [4]). Quel « lien » serait-il plus essentiel à la réception des impressions sensorielles si ce n’est pas le sujet lui-même, celui qui a le pouvoir d’activer une dite conscience. Et puis, qui-a-t-il de plus étrange pour le sujet que le fait de devenir, comme conséquence, étrange à lui-même ?

10 Les malades schizophrènes manifesteraient, dans le domaine affectif, une tendance à la para-thymie et à la para-mimie. Le premier phénomène se réfère à l’existence des affects et des idées n’opérant pas à l’unisson ; « les affects sont souvent littéralement à la traîne derrière les idées » affirme Bleuler (cette discontinuité entre affects et idées expliquerait le fait que quand on entend un schizophrène parler une langue inconnue, on manque de tout point de repère pour déterminer de quoi il parle [5]). La para-mimie, à son tour, désigne le manque d’unité dans la mimique du sujet : « Les sourcils levés [6] expriment quelque chose comme de l’étonnement, les yeux peuvent donner l’impression du sourire avec des pattes d’oie, et en même temps, les commissures labiales peuvent être tristement abaissées. » (Bleuler, 1911).

11 On pourrait, donc, établir que l’ordre opéré dans la schizophrénie est celui du clivage. Il s’agirait d’un clivage pathologique (ayant été décrit notamment par Frances Tustin, Melanie Klein et Bion) qui ferait coexister, voire agir, simultanément des opposés. Ce mécanisme du clivage conçu par la psychanalyse – qui, selon mes hypothèses, correspondrait au « trouble des associations » décrit par la psychiatrie – posséderait une importance fondamentale à l’égard du diagnostic de la schizophrénie, les symptômes rendant la maladie beaucoup plus grave lorsque ceux-ci sont manifestés par un malade lucide et conscient.

12 Puisque le « fou » n’est pas simplement celui qui hallucine ou qui vit plongé dans le délire. Comme l’explique Luis-Fernando Crespo dans L’identification projective dans les psychoses (2003), ce serait surtout dans la seconde partie que Don Quijote est « fou », mais non pas psychotique ; il ne prend pas les auberges pour des châteaux, ni les moulins pour des géants, ni les troupeaux pour des armées. Cependant, lorsque Sancho, assez surpris, lui demande comment a-t-il pu reconnaître Dulcinée malgré l’ensorcellement, Don Quichotte lui donne une réponse tout à fait « folle » [7] : « Je l’ai reconnue car elle avait les mêmes vêtements qu’elle avait quand tu me l’avais montrée. Je lui ai parlé mais elle ne m’a pas répondu, elle m’a tourné le dos et s’est enfuie aussi vite que si un javelot devait l’atteindre… Mais ce qui m’a le plus peiné a été l’arrivée inopinée d’une des accompagnatrices de l’incomparable Dulcinée, les yeux pleins de larmes, la voix troublée et basse, elle m’a dit : Ma dame Dulcinée du Toboso baise les mains de votre Seigneurie et vous supplie de lui faire savoir comment vous vous trouvez ; et que, étant dans un grand besoin, elle supplie également votre Seigneurie, aussi fort qu’elle le peut, de lui rendre le service de lui prêter sur ce jupon, qui est en cotonnade nouvelle, une demi-douzaine de réaux ou ce que votre Seigneurie aurait, qu’elle donne sa parole de vous rendre très rapidement. Cette requête m’a ébahi et causé de l’admiration, et me retournant vers Messire Montesinos, je lui ai demandé : Est-il possible, Messire Montesinos, que les ensorcelés principaux aient des besoins ? – il a donc répondu : Croyez-moi Votre Seigneurie, Messire Don Quichotte de la Mancha, que ce qu’on appelle le besoin s’utilise partout, et s’étend partout, et atteint tout le monde, et n’épargne même pas les ensorcelés ; et si la dame Dulcinée du Toboso envoie demander ces six réaux, et le gage est bon à ce qu’il me semble, il n’y a qu’[à] les lui donner, car elle doit sans doute être dans un grand besoin… Je ne prendrai pas de gage, lui ai-je répondu, et encore moins lui donnerai-je ce qu’elle demande, car je n’ai que quatre réaux. »

13 Bleuler affirme, par rapport aux malades schizophrènes, que souvent ils disent des vérités auxquelles quelqu’un de sain ne pense pas. Or, c’est la forme, clivée et paradoxale, sous laquelle le sujet s’exprime qui fournirait à l’ensemble du comportement un caractère bizarre. « Il parle comme un fou et il pense comme un sage ; il pense comme un sage et il parle comme un fou ; il dit avec ridicule des choses vraies et bêtement des choses judicieuses et raisonnables : il est surprenant de voir comment naît et jaillit en lui, au sein du grotesque et du bouffon, le sens commun. Ce qu’il dit et ce qu’il fait est mieux que ce qu’il sait et il en sait davantage que ce qu’il y paraît ; il y aurait en lui comme deux parties qui ne se connaissent pas ou bien qui feignent de ne pas se connaître, chacune d’entre elles avec ses propres fonctions mais dépendantes les unes des autres [8]. » On voit bien, au sein de ces exemples, à quel point le clivage est présent et peut opérer comme le mécanisme central venant articuler tous les aspects de la schizophrénie.

14 Sur ce point, je souhaiterais citer un travail réalisé en 2014 [9] : « Que les malades conversent peu avec leur entourage, même quand ils parlent beaucoup ; que, selon les circonstances, tantôt ils sachent et tantôt ils ont ‘oublié’ la même chose ; qu’ils soient incapables de résoudre une simple addition, alors qu’ils résolvent tout à coup un calcul difficile ; que, dans la “double orientation”, les deux cours de pensée se déroulent côte à côte sans se gêner mutuellement ; qu’ils puissent avoir, à côté des illusions, une observation correcte du même événement ; que les idées qu’ils expriment soient presque toutes justes, mais que le discours soit pourtant dépourvu de sens ; qu’ils puissent saisir une question en tant que telle, mais qu’ils ne soient pas capables d’élaborer la représentation adéquate ; que le même symptôme ait une signification plus grave s’il survient sur fond de lucidité de la conscience ; qu’une ‘critique’ de la maladie puisse être pathologique dans la mesure où ce n’est qu’une seule partie de l’esprit qui possède un entendement correct ; qu’ils manifestent la même indifférence à l’égard de leurs idées délirantes qui les occupent pourtant constamment ; que les voix soient en contradiction entre elles… »

15 Dans cette quête d’ordre à partir du désordre, pour laquelle on a avancé comme première hypothèse le clivage, il faudrait rester vigilant de ne pas aboutir, en paraphrasant Bion, à un « objet bizarre ». Puisque de la même manière que lors d’une cure, les possibilités d’un traitement psychothérapeutique dépendent du degré de dispersion des parties mises à l’écart [10], sur le plan épistémologique on pourrait bien aboutir à un collage dépourvu de sens. « Au cours de la psychothérapie, ils en viennent à un objet en miettes ou bizarre, des morceaux qui ne vont pas ensemble, assemblés n’importe comment [11]. » (Tustin, 1972).

16 D’une part, on ne devrait pas faire coïncider « clivage » et « schizophrénie » puisqu’il peut bel et bien exister des fragmentations psychiques (comme, par exemple, un état maniaque avec une incontournable fuite d’idées) n’étant pas forcément schizophréniques. L’hypothèse de l’opération du clivage comme étant le principal agent d’« ordre » dans la schizophrénie, devrait être capable de s’exprimer au-delà de la pure logique du désordre. Autrement dit, rendre tout en morceaux, dans le seul but de tout morceler, n’aurait rien à voir avec l’ordre, si ce n’est pas tout simplement le fait de rompre avec lui. Les premiers entretiens (menées suivant la technique du jeu analytique à visée diagnostique) avec Octave, garçon de sept ans, par la présence de morceaux, l’incessante disparition de l’objet, le mécanisme de l’identification projective et l’angoisse face au contact à l’autre, m’amènent à postuler la présence d’excessifs clivages et, par conséquent, d’un fonctionnement où prédomineraient la désintégration et la désorganisation. Mais faut-il parler de psychose, plus particulièrement de psychose de type schizophrénique ? À l’opposé de cet enfant, et ceci est un point fondamental à éclaircir à l’égard du diagnostic différentiel, Rodrigo (garçon ayant aussi sept ans et que je vois également dans le cadre d’un bilan psychologique réalisé en hôpital public) dans les moments où il montre un fonctionnement plus primitif, son comportement se rapproche d’une espèce de sauvagerie et non pas d’une configuration de type psychotique. Chez Rodrigo, je n’observe ni la bizarrerie, ni la confusion avec l’autre (chez moi, cette confusion ne survient qu’à la fin de la troisième et dernière séance), ni la « terreur à penser » propres au registre psychotique. Cet enfant est capable de mettre en place une pensée dans son jeu (ceci étant clairement reflété par les « hésitations » qu’il montre dans sa manipulation du matériel) sans craindre de se heurter à cette expérience qui s’avère extrêmement angoissante pour le sujet psychotique. De même, à la différence d’Octave, Rodrigo, parvient à se contacter, bien que subtilement et sous forme d’« émergences » (mais en éprouvant un certain plaisir) avec son sentiment de soi, une expérience que le sujet schizophrène craindrait au maximum. Enfin, même s’il s’est consacré à masser de la pâte à modeler à pieds nus (ce qu’effectivement il fait pendant la première séance), je n’ai eu jamais l’impression d’aucune bizarrerie. Or, la question de savoir si la psychose de type schizophrénique doit, impérativement et par définition, avoir un caractère bizarre et confus, est tout à fait intéressante.

LA FOLIE ET L’ACTIVATION DE TENDANCES INCONCILIABLES CHEZ LE THÉRAPEUTE : « TENTATIVE DE FUITE/GUÉRISON »

17 Dans ce sens, il ne faudrait pas confondre le mécanisme de défense de « l’éparpillement » avec la scission ou clivage propre à la schizophrénie, ni la fragilité psychique d’un enfant non psychotique avec la désorganisation mentale d’un enfant de type schizophrénique. En effet, la scission de la personnalité constituerait l’expression qui définit la schizophrénie (Crespo, 2003). « Disons simplement que le patient psychotique se défend de ses anxiétés en projetant sur l’analyste l’aspect scindé non-voulu (psychotique) en produisant des sentiments de déplaisir, d’impuissance ou dépressifs et quelques-unes de ces vicissitudes sont agies par le patient en maniant magistralement la séduction narcissique, plus que sa toute-puissance mortifère. Presque toujours Éros et Thanatos forment un courant commun [12]. »

18 D’une autre part, toute psychose ne serait pas une schizophrénie, et personne ne pourrait non plus affirmer que la folie représente toujours un trouble schizophrénique. Ce que l’on peut bien soutenir c’est que toute schizophrénie possède beaucoup de « folie ». La folie correspondrait, selon Racamier, à une technique mentale utilisée par le sujet psychotique : « Toutes les stratégies de la folie ont pour propriété commune de brouiller l’esprit et les affects, de rendre le travail mental impossible ou futile, bref de mettre le moi en péril ou en déroute [13]. » Alors, est-il possible de formuler un certain ordre vis-à-vis une maladie qui, comme le signale Racamier, est le champ d’un combat dont les coups visent à rendre fou, et dont l’axe central est précisément le moi de l’autre ? Dans la schizophrénie le clivage, évoqué et décrit plus haut, concernerait donc de manière tout à fait spéciale le lien avec l’autre.

19 On connaît déjà, avec Searles (1959-1965), l’« effort[14] de rendre l’autre fou » qui correspondrait à « ce qui tend à activer différents secteurs de la personnalité en opposition l’un contre l’autre ». Pour rendre fou « il faut activer chez l’autre des tendances inconciliables sans qu’elles puissent ni se disjoindre ni se rencontrer » (Racamier, 1980 [15]), ce qui serait au juste, dit cet auteur, la définition clinique de paradoxe, et représenterait l’effet le plus direct des clivages opérés par le sujet psychotique. Cet « effort » (que je reprends pour ma part au sens biranien [16]) se déploierait dans le transfert, en activant chez l’analyste des tendances inconciliables sans qu’elles ne puissent s’unir ni se rencontrer (Crespo, 2003). Puisque, comme l’affirme Bion (1967), le sujet schizophrène peut comprimer, mais il est incapable d’unir ; il peut fusionner, mais il ne réussit pas à articuler.

20 Dans un travail antérieur [17], j’ai postulé que l’existence de la maladie constituerait essentiellement une tentative de « fuite de soi-même » (on verra plus loin que, tout en suivant la logique du paradoxe, il s’agit d’une « fuite/guérison »). Le patient pourrait, comme conséquence, avoir l’impression d’être fragmenté en morceaux. « Ainsi advient-il qu’un malade très intelligent ait besoin de plusieurs heures de travail psychique intense “pour trouver son propre Moi pour quelques courts moments” ; les patients “ne se suivent pas eux-mêmes”, ils “ont perdu le Soi individuel”. » (Bleuler, 1911 [18]). Dans ce même travail, je soutiens que sous-jacente à tous les symptômes de la schizophrénie se trouverait l’angoisse de se heurter à soi-même. C’est cette angoisse qui mobiliserait la tentative de fuite de soi-même que l’on appelle « schizophrénie ». Ainsi, ce qui paraîtrait s’ériger comme par hasard et de manière fortuite à l’intérieur de cette maladie, aurait un sens (une direction) très précis, voire un « ordre » si l’on considère la dimension impérative de ce signifiant. Puisque la disposition de « ne pas penser jusqu’au bout » (mentionnée au début du texte) à laquelle le malade schizophrène essaie d’obéir à tout prix, équivaudrait bien à celle plus complexe de « ne pas penser jusqu’au Moi ». Ceci est le modèle que je propose afin de définir, comme le dit le titre de cet article, l’ordre dans la fragmentation psychique de la schizophrénie.

L’ANGOISSE DE SE HEURTER À SOI-MÊME : REFUSEMENT DE SOI-MÊME, RELÂCHEMENT DES ASSOCIATIONS ET IDENTIFICATION PROJECTIVE

21 L’angoisse de se heurter à soi-même déterminerait, d’une part, le fait que dans la schizophrénie le refusement, le refoulement et la résistance, propres à la névrose, se manifestent sous la forme : d’un refusement de soi-même, des troubles des associations de pensées, et d’une identification projective, ces trois éléments ne manquant jamais dans la psychose de transfert d’un sujet souffrant d’une psychose de type schizophrénique.

22 Premièrement, si pour Freud l’entrée en maladie serait, dans tous les cas, produite par un refusement [19], à l’origine de la psychose on trouverait un « refusement grave paraissant insupportable » (Freud, 1924b[20]), une « situation insupportable » (Bleuler, 1911) face à laquelle le sujet schizophrène tenterait d’échapper. Pour le sujet psychotique de type schizophrénique (enfant ou adulte), c’est bien le lien à soi-même qui lui serait insupportable.

23 Deuxièmement, Freud (1937) déclare que l’on pourrait bien considérer l’action des défenses dans le moi comme étant une « modification du moi » (tout en admettant sa méconnaissance à propos de l’étiologie d’un tel phénomène [21]). « Dans les cas intenses, l’ensemble de son esprit peut même être barré en permanence. » (Bleuler, 1911 [22]). Le refoulement est défini par Freud (1917) comme un acte psychique par lequel le sujet va retourner à un stade antérieur et plus profond du développement, et dans ce sens, il représenterait une des expressions de la régression. En effet, le refoulement, phénomène fondamentalement topique, serait censé opérer dans divers registres psychopathologiques, et le faire différemment selon les systèmes psychiques de l’appareil animique impliqués. « S’il entrait dans notre projet de nous occuper plus en détail de la dementia praecox, je vous montrerais que ce procès qui détache la libido d’avec les objets et lui barre le chemin de retour vers eux est proche du procès de refoulement et doit être conçu comme un pendant de celui-ci. » (Freud, 1917 [23]). Le refoulement revêtirait donc des degrés topiquement déterminés, affectant soit les représentations (de mot et de chose), soit les complexes psychiques, soit l’unité psychique du sujet lui-même [24]. Parallèlement, dans le sens inverse, Bleuler va observer que dans les états pathologiques graves, les idées délirantes ont également tendance à se généraliser : « Un patient est empoisonné ; puis l’eau du lac au bord duquel il habite est empoisonnée aussi [25]. »

24 Puisqu’il ne faut pas oublier, avec Georg Groddeck (1923), que l’inconscient peut exercer un puissant, voire infini, travail d’association. L’auteur illustre ce phénomène par l’expérience de deux enfants, un garçon et une fille, qui se lancent à l’exploration de la différence des sexes. Quand l’adulte responsable de ces enfants entre dans la pièce, explique Groddeck, en les voyant tout près du sucrier, croit qu’ils y ont plongé la main. « Mais il pourrait se faire aussi que ce travail soit poussé jusqu’à l’absurde. Prenez le mot ‘sucre’ : il fait partie du complexe, il doit donc être évité le plus possible. S’il est par ailleurs chargé d’un sentiment de culpabilité, peut-être à la suite de quelque autre menu larcin, le désir de refoulement en devient de plus en plus grand. Mais, à partir de cet instant, il entraîne avec lui d’autres notions : ‘sucré’ ou ‘doux’, éventuellement ‘blanc’ ou ‘carré’ ; cela peut ensuite s’étendre à d’autres formes du sucre, le pain de sucre, par exemple ; de là, au pain tout court ou à la couleur bleue du papier qui l’enveloppe [26] ».

25 Enfin, troisièmement, l’identification projective représenterait plus précisément le moyen auquel le sujet aurait recours pour appliquer une résistance, la différence entre ces deux opérations psychiques consistant en ce que, dans la résistance proprement névrotique, il s’agirait de quelque chose que le patient « veut garder pour lui [27] », alors que dans l’identification projective le thérapeute sera directement et essentiellement impliqué. Au sein de l’angoisse de se heurter à soi-même et étroitement attaché aux processus de clivage, le principal fantasme vécu par le malade serait celui « de ne pas savoir où se trouvent les parties de soi dispersées » (Klein, 1946-1963). Ce fantasme inconscient représenterait le « désordre » se trouvant au cœur de la psychose de type schizophrénique. Il s’agit d’un phénomène qui s’inscrirait également dans la situation analytique, pouvant alors donner lieu à ce que le patient ressente que c’est bien le thérapeute qui porte ces « morceaux » disparus (le vivant alors comme un « sujet supposé avoir [28] »), mais ceci, toujours selon la formule paradoxale « tentative de fuite/tentative de guérison ». Le sujet schizophrène (enfant ou adulte) s’exprimerait à travers une « tentative de fuite/guérison » adressée on ne sait pas trop si au malade lui-même ou bien à l’autre ; puisque la nature essentiellement confuse de cette maladie (« Tustin [29] parle des enfants confusionnels ») produit que ce geste soit tout à fait paradoxal, donc, destiné tant au patient dans la mesure où il est en contact avec l’autre, et à l’autre dans la mesure où le patient a déposé des parties de lui-même dans son intérieur. « Il n’arrive rien au sujet qui n’arrive à l’objet, et vice versa » soutient Racamier (1980) en se référant aux vicissitudes de l’identification projective [30]. Ce fonctionnement, dit-il, se traduirait par un vécu d’intrusion, un vécu d’intrusion réciproque.

26 L’œuvre de H. Melville Bartleby, L’employé de bureau (Une histoire de Wall Street) offrirait un passage qui, comme le remarque Crespo, illustrerait bien le phénomène de l’identification projective pathologique, à travers l’échange entre l’employé et son employeur, l’avocat. Voici quelques fragments du monologue de cet avocat : « Ce que j’ai vu ce matin-là m’a persuadé que l’employé était victime d’un trouble inné et incurable. J’aurais pu faire l’aumône à son corps, mais ce n’est pas son corps qui lui faisait mal ; c’était son âme qui souffrait, et je ne pouvais pas arriver jusqu’à elle… Et j’ai frissonné en pensant que mon contact avec l’employé avait déjà atteint, et sérieusement, ma capacité mentale. Et, quelles autres aberrations plus profondes ne pouvait-il pas encore provoquer chez moi ?... Pour la première fois de ma vie un sentiment saisissant et dolent de mélancolie s’est emparé de moi. Auparavant, jamais je n’avais expérimenté rien qui ne fût qu’une simple tristesse pas trop désagréable [31]… »

LE CHOIX « IMPOSSIBLE » : ENTRE CONFUSION ET DÉSINTÉGRATION

27 Pour terminer, je dirai qu’un élément central dans la compréhension de la schizophrénie réside dans le choix « impossible » vécu par le sujet schizophrène chez qui l’augmentation des processus de clivage est liée à l’angoisse d’une confusion psychique tandis que leur diminution à l’expérience d’une désintégration. En d’autres termes, en même temps que le malade éjecte les « parties » indésirables à l’intérieur du thérapeute, il tente de les récupérer (d’où la formule « fuite/guérison ») : « Je veux être moi-même » déclare Fabien, on l’a vu, dans le roman Si j’étais vous (If I were you) de Julien Green. C’est sous cette optique que j’interprète l’hypothèse d’Herbert A. Rosenfeld (1965), selon laquelle, chez les patients atteints de schizophrénie aiguë, des angoisses graves s’expriment dans la situation transférentielle. C’est également à partir de ce modèle que je comprends l’activation de tendances inconciliables chez le thérapeute qui travaille avec des sujets schizophrènes (ainsi que le vécu contre-transférentiel, très particulier, sur lequel je n’approfondis pas directement dans cet article). Puis, il faudrait rappeler, avec Klein, l’impossibilité de rendre compte de la forme des fantasmes inconscients ; on n’en connaîtrait que le contenu[32].

CONCLUSION

28 Les postulats avancés dans cet article rendent possible d’établir un ordre pour le désordre caractérisant la fragmentation mentale de la schizo-phrénie. Un tel ordre, né à partir d’un plongement dans le désordre, permettrait d’éclaircir nos connaissances sur la maladie, dans la mesure où la communauté scientifique ne fonctionne pas comme un mouvement mécanique qui demeure indifférent à son objet d’étude. Il ne faut pas oublier que, Freud, en se référant au moment où le thème du transfert de pensée (télépathie) était entré pour la première fois dans son horizon, déclare : « J’ai ressenti, moi aussi, l’angoisse d’une menace à l’encontre de notre vision du monde scientifique qui, au cas où des parts de l’occultisme se montreraient vraies, aurait à céder la place au spiritisme ou à la mystique [33]. »

Bibliographie

Bibliographie

  • BIRAN, M. de, (1802), L’influence de l’habitude sur la faculté de penser, 2e édition, Paris, PUF, 1953.
  • BLEULER, E., (1911), Dementia praecox ou groupe des schizophrénies, trad. franç. A. Viallard, Paris, E.P.E.L./G.R.E.C., 1993.
  • CRESPO, L.-F., (1999), L’identification projective dans les psychoses, trad. franç. P. Crespo, Paris, L’Harmattan, 2003.
  • FOUCAULT, M., (1972), Histoire de la folie à l’âge classique, Paris, Gallimard.
  • (1914), Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique, in Œuvres Complètes Sigmund Freud XII, p. 247-315.
  • FREUD, S., (1917), Leçons d’introduction à la psychanalyse in Œuvres Complètes Sigmund Freud XIV, p. 249-480.
  • FREUD, S., (1924), Névrose et psychose in Œuvres Complètes Sigmund Freud XVII, p. 1-7.
  • FREUD, S., (1926), La question de l’analyse profane. Entretiens avec un homme impartial in Œuvres Complètes Sigmund Freud XVIII, p. 1-92.
  • FREUD, S., (1933), XXXe Leçon : Rêve et occultisme, Nouvelle suite des leçons d’introduction à la psychanalyse in Œuvres Complètes Sigmund Freud XIX, p. 112-139.
  • FREUD, S., (1937), L’analyse finie et l’analyse infinie in Œuvres Complètes Sigmund Freud XX, p. 13-55.
  • GRODDECK G., (1923), Le livre du ça, trad. franç. L. Jumel, Paris, Gallimard, 1973.
  • KLEIN M., (1946-1963), Le transfert et autres écrits, 3e édition, trad. franç. (de douze textes extraits d’« Envy and Gratitude and Other Works ») C. Vincent, Paris, PUF, 2001.
  • KLEIN M., (1945), « Le complexe d’Œdipe éclairé par les angoisses précoces », in Klein M. (1921-1945), Essais de psychanalyse (p. 370-424), Payot, 1968.
  • RACAMIER P.-C., (1980), Les schizophrènes, Paris, Petite bibliothèque Payot/Éditions Payot & Rivages, 2001.
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  •  SPENCER C., (2014), Thèse de doctorat en psychanalyse et psychopathologie : «Transferts et  contre-transfert dans la psychose de type schizophrénique de l’enfant».
  •   TAUSK, V., (1919), L’»appareil à influencer » des schizophrènes, 3e édition, trad. franç. J.Laplanche et Smirnoff, V.-N., Paris, Petite bibliothèque Payot/Éditions Payot & Rivages, 1975.
  • TUSTIN F., (1972), Autisme et psychose de l’enfant, trad. franç. M. Davidovici, Paris, Éditions du Seuil, 1977.
  • TUSTIN F., (1981), Les états autistiques chez l’enfant, 2e édition, trad. franç. Ch. Cler et M. Davidovici, Paris, Couleur Psy-seuil, 2003.
  • VIDERMAN, S., (1970), La construction de l’espace analytique, Paris, Gallimard, 1982.
  • VOLKMAR, F.-R., COHEN, D.-J., HOSHINO Y., RENDE, R.-D., PAUL, R., (1988), « Phenomenology and classification of the childhood psychoses », Psychological Medicine, 18, (1), 191-201.

Mots-clés éditeurs : Ordre, Angoisse, Fuite/guérison, Identification projective, Schizophrénie

Mise en ligne 30/11/2015

https://doi.org/10.3917/top.132.0065

Notes

  • [1]
    p. 39.
  • [2]
    p. 47. À cet égard, l’auteur déclare qu’il est vrai que la psychanalyse, autant qu’elle ait pu progresser dans la connaissance et la cure des psychotiques, est encore loin de percer leurs mystères. « Quel ami me disait-il un jour, s’interroge Racamier, qu’il faut une heure pour croire que l’on comprend la schizophrénie, et vingt ans pour savoir qu’on y comprend peu de chose ? » (p. 47-48).
  • [3]
    p. 252.
  • [4]
    Bion (1967), p. 57. C’est moi qui souligne.
  • [5]
    Bleuler, toujours en 1911, explique que même un changement important de thème pourrait alors se produire de façon totalement « asymptomatique ».
  • [6]
    Dans le texte original : « le front levé » (N. du T.).
  • [7]
    Au sein de cet épisode de la Grotte de Montesinos, précise Crespo, commencerait le passage « de la tranquillisante car familière psychopathologie de la psychose » vers « les sables mouvants de la psychopathologie de la folie où nous nous sentons moins sûrs », consistant, dit l’auteur, en l’utilisation habile et « avec adresse » des mécanismes mentaux n’étant plus indispensables au sujet, c’est-à-dire dont celui-ci n’a plus besoin.
  • [8]
    p. 48. Cooper (1967) soulève le fait que dans l’imagerie populaire, le schizophrène serait le prototype du fou : « Il est l’auteur d’actes insensés, parfaitement gratuits et toujours empreints de violence à l’égard d’autrui. Il se moque des gens normaux […] mais en même temps il leur fournit les éléments de sa propre invalidation. Il est l’homme illogique, celui dont la logique est « malade ». Ou du moins le dit-on. Mais peut-être pourrions-nous découvrir un noyau de sens au cœur de ce non-sens apparent. » (p. 39).
  • [9]
    Thèse de doctorat soutenue le 01 juillet 2014 « Transferts et contre-transfert dans la psychose de type schizophrénique de l’enfant » (p. 104).
  • [10]
    Les chances d’amélioration de l’enfant « ASR » semblent dépendre du degré de fragmentation auquel il est arrivé, de la gravité de sa confusion, du type d’aide dont disposent les parents pour arriver à se « désenchevêtrer » de leur enfant, de sa force constitutionnelle, de son potentiel intellectuel et de la perspicacité (insight) du thérapeute face aux processus autistiques dont fait preuve l’enfant (Tustin, 1972).
  • [11]
    Tustin (1972), p. 103-104.
  • [12]
    Crespo (2003), p. 156-157.
  • [13]
    Racamier (1980), p. 82.
  • [14]
    C’est moi qui souligne afin d’ériger le sens acquis par ce mot au sein de la pensée de Biran.
  • [15]
    p. 83.
  • [16]
    Maine de Biran (1802) fait la distinction entre impressions passives et actives, et, par conséquent, entre une activité sensitive et une activité motrice, cette dernière correspondant à une action volontaire, ou mouvement d’effort. Pour l’auteur, ces deux types de phénomènes, appartenant à deux forces distinctes, se réuniraient dans toutes nos impressions internes et externes, mais d’une manière accidentelle dans certains cas, et essentielle dans d’autres : « Tellement, dit-il, que s’il n’y avait que des impressions sensitives, la volonté ne saurait naître et il n’y aurait pas de moi, tandis que la volonté une fois formée par les impressions actives s’unit aux sensations et y joint le sentiment ou le jugement de personnalité. » (Biran, 1802, Note de bas de page, p. 14). Biran (1807) parle également des faits primitifs de « l’aperception interne immédiate ».
  • [17]
    Thèse de doctorat soutenue en 2014.
  • [18]
    p. 201.
  • [19]
    Les malades « d’une manière ou d’une autre, tombent malades du fait du refusement » (Freud, 1917, p. 310). L’acte de refusement déterminerait, dit-il, tant le refoulement que la résistance. « Quand le moi […] a, par angoisse, procédé à un refoulement, cette angoisse subsiste encore et se manifeste maintenant en tant que résistance quand le moi doit s’approcher du refoulé. » (Freud, 1926, p. 49). Pour Freud (1924b), l’étiologie commune pour que fasse éruption une psychonévrose ou psychose resterait toujours le refusement, le non-accomplissement d’un de ces souhaits d’enfance éternellement incoercibles (« Or, précise-t-il, l’effet pathogène dépend de ce que le moi, dans une telle tension conflictuelle, ou bien reste fidèle à sa dépendance à l’égard du monde extérieur et tente de bâillonner le ça, ou bien se laisse terrasser par le ça et par là arracher à la réalité », p. 6).
  • [20]
    D’après Freud (1924b), à propos de la création autocratique d’un nouveau monde (extérieur et intérieur) menée par le moi dans la psychose, il n’y aurait aucun doute sur deux faits : que ce nouveau monde est édifié dans le sens des motions de souhait du ça, et qu’un refusement du souhait de la part de la réalité, « refusement grave paraissant insupportable », est le motif de cette rupture avec le monde extérieur.
  • [21]
    L’auteur soutient que la force pulsionnelle constitutionnelle et « la modification défavorable du moi acquise dans le combat défensif », au sens d’une dislocation et d’une restriction, seraient des facteurs défavorables à l’action de l’analyse, pouvant prolonger sa durée jusqu’à une impossible conclusion. On serait tenté, ajoute-t-il, de rendre le premier facteur également responsable de la formation du second, à savoir, la modification du moi, mais il semble que cette dernière ait sa propre étiologie, et il faut à vrai dire avouer, dit-il encore, que ces choses-là ne sont pas encore suffisamment connues (Freud, 1937).
  • [22]
    p. 379.
  • [23]
    p. 436. En effet, comme le rappelle Viderman (1970), pour Freud (1914), le refoulement est la pierre angulaire sur laquelle repose d’emblée tout l’édifice théorique de la psychanalyse.
  • [24]
    « On pourrait […] s’attendre à ce que la représentation de mot, en tant que part préconsciente, ait à supporter le premier choc du refoulement, et qu’elle devienne absolument ininvestissable après que le refoulement s’est poursuivi jusqu’aux représentations de chose inconscientes » (Freud, 1915b, p. 242).
  • [25]
    p. 187.
  • [26]
    (Groddeck, 1923, p. 155) « Vous pouvez à votre guise prolonger indéfiniment ces associations ; et ne vous y trompez pas : il n’est pas rare que l’inconscient, avec l’aide des associations, pousse son travail de refoulement à l’infini » (p. 155).
  • [27]
    « Mais un si beau temps ne peut pas toujours durer. Un jour, le ciel se couvre. Des difficultés s’installent dans le traitement ; le patient affirme qu’il ne lui vient plus rien à l’idée […] il est visiblement pris par quelque chose, mais quelque chose qu’il veut garder pour lui. C’est là une situation dangereuse pour le traitement. On se trouve indéniablement devant une violente résistance » (Freud, 1917, p. 456-457).
  • [28]
    Bion (1967) à son tour décrit la croyance, de la part du patient, que l’analyste lui a enlevé sa capacité de penser, ce qui pourrait le conduire à redouter d’employer sa propre capacité verbale du fait de la crainte qu’elle ne suscite la haine de l’analyste et ne l’oblige à répéter son attaque.
  • [29]
    1981.
  • [30]
    p. 106.
  • [31]
    p. 153.
  • [32]
    « Il faut tenir compte de la grande difficulté que l’on rencontre à exprimer les sentiments et les fantasmes d’un jeune enfant dans un langage d’adulte. Toute description des fantasmes précoces de la première enfance – et par conséquent des fantasmes inconscients en général – ne peut donc donner d’indications que sur le contenu de ces fantasmes, et non sur leur forme » (Klein, 1945, Note de bas de page, p. 412).
  • [33]
    Freud (1933), p. 137. C’est moi qui souligne.
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