Topique 2014/4 n° 129

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Article de revue

Ceux qui ne parlent plus ont des choses à nous dire. Le chant du dément, un son qui fait sens ?

Pages 121 à 133

Notes

  • [1]
    M.-F. Castarède, « Les notes d’or de sa voix tendre », in Revue française de psychanalyse, n°65, 2001, p. 1657-1673.
  • [2]
    La perte de la voix comme pur objet sonore se réalise concomitamment à la perte de la capacité du jeune enfant à prononcer l’universalité des sons langagiers. Entrer dans le langage, c’est donc renoncer à la jouissance de tout dire, mais avec un gain en terme de sens.
  • [3]
    J.-M. Vives, « La mélo-manie ou la voix objet de passions », in Topique, n°120, 2012, p. 10.
  • [4]
    X. Dakovanou, « Quand l’âme chante. La voix mélodique et son pouvoir affectif », in Topique, n°120, 2012, p. 33.
  • [5]
    D’autres effusions vocales (cris, onomatopées, paroles répétitives) sont placées dans la même catégorie. Or, tous ne relèvent pas des mêmes enjeux, les uns faisant intervenir la modalité langagière alors que d’autres restent des sons inarticulés. Dans l’échelle d’agitation de Cohen-Mansfield, l’émanation vocale perd carrément tout lien avec la voix pour se réduire à un simple bruit, bizarre de surcroît, ajoutant encore à l’étrangeté de ces comportements son qualificatif d’inquiétant.
  • [6]
    S. Freud, « Esquisse d’une psychologie scientifique », (1895), in Naissance de la psychanalyse, PUF, 2005, p. 307-396.
  • [7]
    S. Freud, « Le refoulement », (1915), in Métapsychologie, Gallimard, 1997, p. 45-63.
  • [8]
    I. Catao, « Du réel du bruit au réel de la voix : la musique de l’inconscient et ses impasses », in Insistance, n°5, 2011, p. 22.
  • [9]
    G. Pommier, « Du langage d’organe à l’amour du Nom : le point nœud du transfert dans les psychoses », in La clinique lacanienne, n°15, 2009, p. 115-134.
  • [10]
    R. Chemama, La jouissance, enjeux et paradoxes, (2000), érès, 2007.
  • [11]
    La maladie d’Alzheimer et les démences qui lui sont apparentées.
  • [12]
    L’aphasie observée chez le dément apparaît malgré une parfaite conservation des capacités phonologiques et de leurs substrats organiques.
  • [13]
    A. Quaderi, « La psychanalyse au risque de la démence. Le pari pascalien dans la clinique du dément », in Cliniques méditerranéennes, n°67, 2003, p. 33-52.
  • [14]
    S. Payan, A. M. Safouane, « Transfert et vécu du temps avec les patients Alzheimer », in Topique, n°112, 2010, p. 121.
  • [15]
    A. Quaderi, « La psychanalyse au risque de la démence. Le pari pascalien dans la clinique du dément », op. cit.
  • [16]
    J.-M. Vives, La voix sur le divan, Aubier, 2012, p. 101.
  • [17]
    Dans la littérature géronto-psychiatrique, ces comportements sont regroupés dans les « signes psychologiques et comportementaux des démences » (SPCD), à l’instar d’autres comportements tels que la déambulation, les attitudes répétitives, l’agitation, l’apathie, etc. On leur destitue bien souvent leur dimension économique, obturant la dimension du sens et de la fonction, au profit d’une considération d’origine purement neurologique.
  • [18]
    C. Trevarthen, M. Gratier, « Voix et musicalité : nature, émotion, relations et culture », in M.- F. Castarède, G. Konopczynski (dir.), Au commencement était la voix, érès, 2005, p. 105-116.
  • [19]
    K. Herlant-Hémar, R. Caron, « Le rythme comme générateur de continuité chez le sujet en proie à la démence avancée », in Cliniques méditerranéennes, n°86, 2012, p. 234.
  • [20]
    P. Aulagnier, Les destins du plaisir, (1981), PUF, 2009.
  • [21]
    C. Montani, La maladie d’Alzheimer : quand la psyché s’égare, (1994), L’Harmattan, 2000.
  • [22]
    J.-M. Vives, La voix sur le divan, op. cit., p. 23.
  • [23]
    M. Bonaparte, « Des autoérotismes agressifs par la griffe et par la dent », (1933), in Psychanalyse et anthropologie, PUF, 1952, p. 133-154.
  • [24]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, (1964), éditions de l’Association Freudienne Internationale, hors commerce.
  • [25]
    J.-M. Vives, La voix sur le divan, op. cit., p. 35-36.
  • [26]
    X. Dakovanou, « Quand l’âme chante. La voix mélodique et son pouvoir affectif », op. cit., p. 33.
  • [27]
    Ibid., p. 34.
  • [28]
    S. Freud, « Esquisse d’une psychologie scientifique », (1895), op. cit.
  • [29]
    D. Winnicott, Jeu et réalité, (1971), Gallimard, 2002.
  • [30]
    S. Payan, A. M. Safouane, « Transfert et vécu du temps avec les patients Alzheimer », op. cit., p. 128.
  • [31]
    P. Aulagnier, La violence de l’interprétation, (1975), PUF, 1995.
  • [32]
    S. Freud, « L’inquiétante étrangeté », (1919), in L’inquiétante étrangeté et autres essais, Gallimard, 1985, p. 209-263.
« Autrefois la musique jouait
la musique chantait
gaiement et désespérément
simplement
Il n’y avait pas encore
de notes de solfège
ni de lettres d’alphabet. »
Jacques Prévert, Autrefois.

CHANTER : LOGOS VERSUS PHONÈ

1 La voix est cette émanation de corps qui émerge à la fois dans l’intimité de l’être, et dans sa tension vers l’extérieur. Elle est un véritable vecteur de subjectivation pour le jeune enfant qui va progressivement en découvrir toutes les potentialités communicatives. Dans les premiers échanges entre la mère et son bébé, les interactions sonores ont, jusqu’à l’apparition du langage, une importance particulière (Castarède, 2001) [1]. Par ailleurs, le son produit par l’enfant lui procure des sensations corporelles agréables à même de faire concorder en lui les sons qui sortent de sa bouche, et ceux qui retournent dans son oreille, creusant l’espace privé de son être dans l’étendue infinie du monde extérieur. Plus tard, il faudra bien renoncer à ce plaisir vocal, et le langage formera un mélange équitable entre le son mélodieux de la voyelle, et le rythme cassant de la consonne, construisant une coupure entre le sens des paroles et la sonorité de la voix [2]. La voix s’effacera derrière la signification du discours auquel elle a elle-même donné naissance. De l’un à l’autre, la pulsion tangue entre la jouissance vocale et son constant enfouissement dans le logos.

2 Comme le souligne J.-M. Vives, « la voix est à la fois ce qui appelle le sujet à advenir, ce qui est perdu dès que celui-ci accepte d’entrer dans le langage, et l’objet que le sujet tentera d’approcher – sinon de retrouver – par l’intermédiaire des dispositifs qui la convoquent [3]. » Parmi ces dispositifs, le chant serait le support d’un entre-deux de la voix et du verbe, ce point d’accordage entre le texte et sa musique. J.-J. Rousseau disait de l’être humain qu’il aurait cette inclination à chanter bien avant de pouvoir parler. Le langage des origines est fait de musique, et dans certaines situations de la vie, il peut arriver que la recherche de l’expression « chantante » de la voyelle, ait une valeur de doux retour à l’expérience chaleureuse des premiers instants. Le chant devient alors une pratique incantatoire dont le pouvoir magique convoque la sérénité et l’apaisement. Rien d’étonnant si l’on en croit X. Dakovanou, pour qui le chant constitue depuis toujours, par l’intermédiaire de sa mélodie, la voie royale de l’expression affective : « la voix qui est utilisée dans le chant pour former la mélodie, celle qui nous renvoie à l’affect, est une voix avec des caractéristiques de la communication préverbale : musicale, mélodieuse, chargée de messages affectifs [4]. » Le chant est donc une interaction privilégiée puisqu’il vient signifier, voire transmettre, une certaine disposition d’esprit.

3 De nombreux patients déments chantonnent dans les établissements gériatriques : certains joyeusement, d’autres plus frénétiquement. Tous animent les services d’un singulier mouvement que l’on pourrait qualifier de pesante légèreté.

LE CHANT EN INSTITUTION GÉRIATRIQUE : ATMOSPHÈRE JOYEUSE OU INSUPPORTABLE DISSONANCE ?

4 Dans la littérature gérontologique, le chant fait partie des « troubles du comportement vocal » ou des « comportements vocaux perturbateurs [5] » qui concerneraient 10 à 40 % des patients institutionnalisés. Alors qu’il a une fonction primordiale, comme nous le verrons, dans l’économie psychique du sujet dément, le chant est souvent mal vécu par l’entourage, surtout lorsqu’il frôle le cri. Loin d’être pacifiant, il devient profondément envahissant lorsqu’il se répète inlassablement. Passant du sublime à l’horreur, il risquerait d’enfermer l’auditeur dans la répétition mortifère.

5 Cette forme tautologique d’expression s’associe à la faculté déroutante qu’ont les déments de se souvenir des paroles de chansons avec une précision inégalée, alors qu’ils se trouvent démunis devant la production de mots ou la remémoration de bribes de leur vécu passé ou même présent. Le chant est souvent contagieux, se répandant comme une traînée de poudre parmi les autres patients, sinon les soignants, qui à leur insu se voient chantonner en boucle ce qu’ils entendent quotidiennement. Faisant fuir plutôt que de rassembler, cette drôle de musique finit par isoler le patient et creuse le sillon qui l’éloigne toujours plus du groupe social. Ce type de comportement peut même donner lieu à des passages à l’acte très violents de la part des autres patients.

6 La vocalise, plus ou moins articulée selon celui qui l’entonne, se réduit parfois à un pur « lalala », illustrant la palilalie, cette répétition syllabique communément observée comme particularité langagière du dément. Car la pathologie démentielle cible notamment le langage, d’abord atteint sporadiquement puis plus radicalement, et dont la perte a pour conséquence un dévoilement de la voix. Le chant aurait cette spécificité de maintenir encore un peu le dément dans la loi du signifiant, lorsque le réel de la voix menace de l’engloutir dans une jouissance sans bords.

CORPS LANGAGIER ET CORPS PULSIONNEL : DE LA GENÈSE D’UN CLIVAGE JUSQU’À SA DÉCONSTRUCTION

7 Déflagration dans le silence originaire, le cri primal proféré par l’infans (étymologiquement « celui qui ne parle pas »), exprime à la fois l’effort de vivre et toute la détresse qui lui est inhérente. Petites métonymies de l’existence, les vociférations ultérieures réitèreront l’expérience de ce désastre, lorsqu’un corps frustré par toutes ses zones érogènes laissera l’être dans un total dénuement, en ce temps originaire où la parole est inapte à émettre une demande. Dans les limbes de la subjectivité, ces manifestations corporelles encore hors langage, formeront toutefois l’ébauche d’une communication symbolique avec l’Autre, la personne secourable (Nebenmensch) freudienne [6], qui interprétera les cris comme un appel visant une demande (d’amour ou de reconnaissance). Cette relation ne trouvera toutefois son aboutissement qu’à la condition d’un rejet primordial hors du champ de la conscience de la signification phallique qui lui est attachée, expulsion qui s’accomplit au moment mythique du refoulement originaire et qui est à l’origine, pour Freud, de la constitution de l’inconscient lui-même [7]. Cette opération ouvre une voie vers la maîtrise du langage articulé, qui régule les opérations ultérieures du refoulement proprement dit, sous la force d’attraction de ce refoulement princeps.

8 Mais le sujet espèrera toujours retrouver cette satisfaction primitive qui l’a comblé sur le mode de la jouissance, sans qu’il l’ait demandé ni même attendu. I. Catao décrit avec Freud la pulsion comme cette « force constante qui depuis toujours pousse l’être à devenir parlant [8]. » La condition de parlêtre implique donc que la relation à l’objet ne soit pas immédiate, mais se fasse par signifiants interposés. Le sujet est introduit dans une nouvelle logique temporelle ayant pour principe de différer la satisfaction. Le désir inconscient s’empêtre dans les filets d’une mécanique symbolique, et se soutient du rapport que l’être entretient avec les mots. Dès lors, le défilé des signifiants n’a pour seule vocation que de tamponner le jouir. Parce que le parlêtre choisit de parler, il choisit de médiatiser son rapport à la jouissance : celle-ci passera alors par les mots et sera interdite. La coupure sera maintenue par le refoulement à partir du moment où l’être parle. La voix sera finalement ce qui du corps doit être perdu pour qu’advienne une parole.

9 G. Pommier [9] imagine ce clivage du sens et de la jouissance comme un système de vases communicants entre les mots et le corps pulsionnel. En se séparant de son corps de jouissance, le sujet se rapproche du corps des phrases. Lorsque la division fonde le sujet, la voix comme morceau somatique est voilée par le sens, et renoncer au plaisir d’organe équivaut à accepter de ne jouir que des mots. La voix devient cette chair de la parole, ce reste de signifiant qui se tient à l’écart de toute signification. Le langage constitue de surcroît une barrière protectrice contre la jouissance en excès qui cherche à anéantir le sujet par la voie de la pulsion. Mais lors d’une faille subjective révélée par un contexte régressif ou par une fragilité de la langue, il se peut que la jouissance éprouve le corps plus directement, à travers des satisfactions primordialement corporelles qui mettent entre parenthèses le langage (Chemama, 2007) [10]. Alors que dans le langage parlé, la parole et la voix s’entrelacent jusqu’à devenir consubstantielles, elles se désunissent quand le langage est spécifiquement atteint. Faute d’un signifiant susceptible de conduire le sujet vers un autre signifiant, quel sera le destin du sens ? Se perd-il inexorablement ou persiste-t-il à se dire par des voies détournées ? C’est ce que nous voudrions approcher dans l’étude des états avancés de la démence.

LA PERTE DU LANGAGE DANS LA DÉMENCE

10 Les démences [11] sont des affections neuro-dégénératives qui atteignent notamment les fonctions langagières. Les troubles du langage, nommés aphasie, sont fréquemment observés dans la pathologie, réduisant à terme les énoncés du sujet à des morceaux désarticulés, où la voix persiste lorsque l’habillage textuel choit [12]. Reprenant les travaux de L. Irigaray, A. Quaderi [13] cite les trois déficits liés à la fonction du langage dans la démence : (i) la pauvreté du discours, initiée par ce qu’on nomme fréquemment le manque du mot, (ii) l’incohérence des énoncés qui résulte d’une inadéquation des réponses du sujet aux questions de l’observateur ou du contenu des énoncés démentiels avec la situation en cause, et (iii) les phénomènes de persévération qui entraînent une stéréotypie du discours parlé ou écrit. Cette persévération conduit le dément à répondre à son interlocuteur de manière automatique et répétitive, dans un message vide de tout contenu (palilalies). Les conclusions de la plupart des travaux sur la question amènent à nier toute possibilité de communication avec le dément, ou pire, la négation même de toute possibilité d’échange linguistique. Dans un même mouvement, ces recherches destituent le sujet dément de sa position de parlêtre.

11 C’est justement sur cette dernière question que s’arrêtent S. Payan et A. M. Safouane [14], qui se demandent ce qu’advient le parlêtre qui aurait perdu la parole. Si l’on poursuit la perspective dichotomique du discours et de la voix, cette dernière se désarrimerait spécifiquement du discours démentiel qui serait privé de signification. Or, selon A. Quaderi [15], présenter des troubles dans l’énonciation de mots ne recouvre pas le statut de sujet du langage dans lequel chacun est assujetti en tant qu’autre de quelqu’un. Le dément au travers du discours de l’autre peut produire un discours même s’il n’en est pas originaire. Tout en ne produisant pas formellement des énoncés, le malade peut exister dans l’intentionnalité communicative que l’autre lui suppose. Le chant, même désarticulé ou palilalique, constitue selon nous une telle intention. Et si la réponse, l’acte de l’autre engage son désir, s’ouvre alors pour le sujet dément une possibilité d’y inscrire le sien. Apparaît alors pour le clinicien la nécessité d’une prise en compte de la dimension fondamentale du transfert, dans laquelle l’agir vocal pourrait être interprétable comme une demande de symbolisation adressée à l’Autre, ici trésor des signifiants au sens lacanien.

ÉCHEC DU REFOULEMENT : DU DÉSIR ACTUEL À L’ARCHAÏQUE JOUISSANCE

12 Si le clivage du corps et de la parole fonde l’existence et la maintient, c’est aussi lui qui anéantit l’être lorsque cette scansion n’est justement plus opérante. Malgré le combat perpétuel du dément pour se maintenir dans l’univers de la grammaire, la perte du mot rompt la barrière protectrice du langage. Le moi qui ne peut plus se soutenir de la fonction nouante de la langue perd progressivement son pouvoir de refoulement, et se déforme sous les coups de la pulsion. Ceci dévoile les enjeux archaïques d’un corps pulsionnel dont le sujet avait tant lutté pour se séparer. Dans ce dénouage existentiel, le désir se désexualise et finit par se confondre avec la jouissance. La pulsionnalité informe se fraye un passage et inonde le corps dont le débordement se matérialise dans la jaculation sonore. Le problème est que la jouissance menace l’être d’extinction et le mène aux confins du néant. Lorsque le trop-plein somatique encombre un monde appauvri d’Autre, le corps en errance croise le signifiant sans jamais le rejoindre. Et selon J.-M. Vives, « lorsque la voix rompt les amarres de la signification, [...] elle ouvre l’espace de la jouissance où le sujet risque de s’abolir [16]. » Le corps s’arrache alors au signifiant pour devenir corps de jouissance.

13 Pour survivre face à la brutalité de cette dynamique pulsionnelle, le sujet dément a fréquemment recours à l’agir comportemental comme un réaménagement obligatoire devant la menace d’anéantissement et l’état de détresse qu’il induit. Parmi les multiples facettes de l’agir, nous allons voir que le chant pourrait être un recours subjectif efficace, au moins provisoirement. Ce comportement que l’on dit « troublé » serait pour le malade une manœuvre palliative qui aurait la capacité de dégager un objet-voix susceptible de structurer les pulsions sinon sauvages. Concentrer l’excitation sur une zone définie permettrait effectivement de traiter une réalité pulsionnelle chaotique. Il s’agirait également de manifester son être-au-monde lorsque le mot ne constitue plus une interface privilégiée [17]. La voix chantée, véritable souffle de vie, serait vue comme ultime rempart à l’asphyxie de l’être. Quelle valeur prend dès lors le chant, en terme d’économie psychique, pour un sujet menacé de destruction ?

ENTRE JOUISSANCE VOCALIQUE ET PULSION INVOCANTE

14 La voix chantée trouve une résonnance dans le corps, et cette mise en acte du corps ne s’envisage pas sans l’articulation à une jouissance spécifique. De toutes les expressions corporelles, celles qui sont produites par la vibration des cordes vocales sont le plus intimement liées à la régulation interne des états de vitalité et de bien-être (Trevarthen et Gratier, 2005) [18]. Le chant convoquerait, de surcroît, une dimension harmonique et mélodieuse qui évoque celle des premiers instants. Plongé dans l’angoisse du non-être, le sujet dément s’emploierait à travers cette mélodie à colmater le vide de sa pensée et à recréer les contours d’une existence, comme les premiers sons émis et entendus l’ont extrait du néant. Grâce à la matérialité du son, la jouissance vocalique, dans ses fonctions contenante, auto-calmante, ou au contraire auto-stimulante, serait une manière de vivre une continuité d’être, rappelant les pratiques auto-érotiques dans lesquelles la sollicitation du corps offrait à la pulsion ses premières possibilités de satisfaction. Par le mouvement inhérent à ces pratiques incantatoires, nous pourrions les lire, en suivant l’idée de K. Herlant-Hémar et R. Caron, comme des « activités rythmiques dont le but est d’offrir un rythme sécurisant, au sein d’un corps qui semble ne plus puiser son existence qu’à travers la sensation [19]. » En cela, les auteures convoquent la notion de « plaisir minimal » développée par P. Aulagnier [20], ainsi que l’idée de C. Montani [21] d’un « équivalent de l’autoérotisme d’organe. »

15 À travers le chant, le sujet pourrait donc expérimenter sa réalité propre dans le monde environnant. En s’entendant littéralement exister, le dément trouve ainsi un moyen de se sauver de l’effondrement. Mais la voix comme objet de jouissance et source de plaisir est en continuité avec son envers destructeur, lorsqu’elle tente d’atteindre un au-delà du principe de plaisir. Car comme le dit J.-M. Vives : « Loin d’être seulement pacifiante, la voix est également le terrain de violents enjeux de jouissance [22]. » C’est le cas lorsque le patient entonne de manière continue des ritournelles qui n’ont ni début ni fin. La voix sublime a alors besoin d’aller happer un Autre afin de trouver un espace d’archivage et ne pas se perdre dans l’infini. Le chantonnement s’adresse alors, désirant atteindre et toucher l’Autre, quitte à l’excéder. Bien que cela paraisse paradoxal, M. Bonaparte [23] rappelle qu’il existe des autoérotismes de sollicitation, et à travers le chant répétitif la voix réinvestit sa fonction invocante.

16 Invoquer dérive du latin invocare qui renvoie à la dimension de l’appel. J. Lacan [24] en fait un type particulier de pulsion faisant intervenir la voix, cet objet dont le sujet a d’abord dû taire la dimension organique pour se construire. La pulsion invocante est ce qui a délimité dès l’origine de l’être l’entour de son existence. Selon J.-M. Vives, « le sujet invocant est celui qui est capable de soutenir l’hypothèse qu’il existe un Autre non sourd susceptible de pouvoir l’entendre [25] », ce qui conditionne l’altérité. Dès la rencontre première, la voix dans un premier temps non encore adressée, se fraye néanmoins une voie vers l’Autre dans l’immensité jusqu’à atteindre celui-ci enfin, pour qu’il l’entende et lui donne corps. Depuis le cri premier qui laisse entendre l’urgence d’un ailleurs du corps, la voix se disperse dans l’espace, sort d’un corps pour rejoindre un autre corps. Ce cri est voué à être reçu par l’Autre et interprété comme une authentique demande. Cette interprétation signe la chute de la voix comme telle et la sépare de toute valeur signifiante. Le désir de l’Autre rendra le sujet « invocant » en l’appelant à être et à devenir. À partir de là, la pulsion invocante circule du sujet à l’Autre et créé les conditions d’une intersubjectivité. L’Autre qui parle et écoute permet aussi au sujet d’exister.

17 C’est ainsi que certains patients chantent lorsqu’ils se retrouvent seuls, et cessent cette activité dès que quelqu’un arrive à leur portée. Comme l’atteste la mythologie des sirènes, le chant attire à lui, mais cette promesse de jouissance se réalise également au risque d’une annihilation. C’est bien pour cela que les patients chanteurs sont aussi les plus fuis par leur entourage.

LA COULEUR DE LA VOIX DONNE SENS À LA MUSIQUE

18 Par une chaude journée d’août, l’arrivée d’Évelyne à l’Unité de Soins de Longue Durée emplit l’atmosphère d’un sentiment d’étrange gaieté, ou plus exactement, d’une « tension joyeuse ». Cet oxymore colle à la peau de cette patiente fortement caractérisée par l’ambiguïté de la joie et la détresse. Lorsqu’elle semble rire, l’on s’aperçoit qu’elle pleure, à moins que cela ne soit les deux en même temps. Son chapeau de paille lui donne des airs de petite fille, de même que ses gestes, ses attitudes, le ton de sa voix, son besoin inassouvi d’étayage. Nous remarquons en effet très rapidement qu’Évelyne ressent une angoisse cataclysmique dès lors qu’elle ne bénéficie pas d’une présence humaine à ses côtés (soignants ou patients). Les moments de vacuité qui surviennent généralement après les repas sont donc particulièrement problématiques pour cette patiente, qui vient colmater par ses cris toutes les brèches ouvertes par l’absence d’êtres à cette période de la journée.

19 Dans ces moments, Évelyne hurle : « Je vais crever ! », mots qui renferment en eux-mêmes toute leur équivoque, à savoir l’éclatement dans l’espace et la dissémination d’un corps qui équivaudrait à sa disparition dans la mort. Si on ne s’occupe pas d’elle, elle profère dans toute son inquiétude : « Et moi et moi ? » Mais lorsqu’on lui propose une activité, elle se heurte à sa propre béance et crie de plus belle des mots qui sonnent comme une quête de sens : « Je ne sais pas ce que je dois faire et je ne sais pas le faire... ça me fait chier ! »

20 Progressivement, Évelyne se met à combler cet espace-temps vide par le chant. Bien souvent, elle trouve une voie d’apaisement à son angoisse par l’intermédiaire de la comptine « Au clair de la lune », qu’elle entonne en boucle, en insistant sur cette phrase : « Ma chandelle est morte, je n’ai plus de feu, ouvre moi ta porte, pour l’amour de Dieu… » Lorsqu’Évelyne prononce ces paroles, son faciès laisse entrevoir le plaisir en même temps que l’immense souffrance qui s’en dégage, comme s’il fallait chanter à tout prix pour ne pas disparaître. Conformément à ce que nous avons avancé plus haut, cette musique sonne à la fois comme un appel désespéré à l’Autre face à la vacuité, et comme un bercement maternel à visée auto-calmante : entonné à l’infini, il dit la nécessité vitale face à la catastrophe existentielle. Elle aura recours à ce comportement dès lors qu’elle se trouvera seule. Mais l’appel n’est pas si désespéré, car très souvent l’air est transmis à d’autres patients qui s’en emparent, comblant tout silence, ou attire à lui certains soignants lassés qui finissent alors par s’occuper d’Évelyne pour qu’elle cesse de chanter.

21 Lors de toute impasse, c’est bien souvent cette ritournelle qu’elle invitera, soutenue par nous lorsque nous lui rendons visite. Nous cherchons probablement dans le transfert une issue à son angoisse et une manière de supporter ce vide afin de ne pas nous y engouffrer nous-mêmes. Pendant une période, Évelyne entonne une variante de la chanson dans un calme sibyllin : « Au clair de la lune Pierrot répondit – Je n’ai pas de lume pour mes amis. » Mais ce chant qui habituellement apaise, cette berceuse qui fait taire la pulsion peut révéler sa structure biface et engendrer l’angoisse qu’elle cherchait à camoufler. Calme avant la tempête, car Pierrot répond alors pour la toute dernière fois : « Je n’ai pas de lume. » Nous découvrons après-coup que le remplacement de « plume » par « lume » fait référence à la version non officielle de la chanson, où « lume » (lumière) remplace « plume ». Ce qu’Évelyne chantonne, probablement sans le savoir, résonne contre-transférentiellement en nous : l’Autre se retire doucement du monde d’Évelyne et emporte avec lui sa lumière. Le clair de lune devient faible lueur, avant de s’éteindre dans le noir complet de la nuit de l’être. Ne reste de sa réponse qu’une douce mélopée.

22 S’ensuit une période de stase de la patiente dans une certaine position régressive : « Je ne sais pas ce que je dois faire je suis une petite fille. » Ce retour à l’état d’enfant, ou plus précisément d’infans, forme les prémices d’une détresse plus immense encore, lorsque ce petit enfant tombe sous les coups de l’Hilflosigkeit. Évelyne se retire alors peu à peu du champ de la parole, et les mots ne contiennent plus.

23 Dans ce déclin progressif, le chant articulé fait place à une rengaine abandonnée par les paroles, qui se réduit à un « lalala » continu, tantôt monocorde, tantôt structurant les restes de la mélodie d’« Au clair de la lune ». Le « lalala » peut parfois se substituer en « ohlala, ohlala », principalement lors des moments de détresse. Cette persévération vocale commence toutefois à agacer fortement le monde environnant, et aura un effet contradictoire : positive dans sa fonction de réassurance, mais négative car elle exclut Évelyne du groupe humain.

24 Nous remarquons que seule la voix humaine (la sienne ou celle d’autrui) détient cette propriété maternelle et enveloppante, Évelyne restant totalement indifférente à la musique instrumentale diffusée (classique ou variétés anciennes). Cette prévalence de la voix humaine est également constatée par X. Dakovanou [26] à partir de données issues du champ des sciences cognitives. L’auteure pose la question du pouvoir du chant en le décomposant en trois éléments : le texte, la voix et la mélodie, dont l’articulation offre au chant un pouvoir d’expression unique. Parmi les trois constituants du chant, la mélodie serait la plus apte à transporter l’affect. Qu’en est-il chez Évelyne ? Quand nous nous trouvons avec elle, la variation de la prosodie du chant « lalala » (rythme, intensité, courbes mélodiques, intonation...) reflète l’intensité de l’angoisse : tantôt entonné doucement comme un apaisement mélodieux, tantôt proféré comme le paroxysme d’une douleur qui rejoint le cri dans une complainte intense, profonde, presque irréelle. Un mélange imprécis de voix et de langage, de consonne et de voyelle, de douceur et de violence, d’apaisement et de terreur... Cette fluctuation prosodique n’est pas entendue lorsque la patiente se trouve seule. La variation du chant adressé dans le transfert aurait donc une valeur discursive. L’ondulation et la modulation vocales seraient le reste de cette chanson à laquelle on aurait subtilisé les phrases. Les vocalises se feraient alors équivalents symboliques de ce qui manque dans la parole et maintiendraient la boucle communicative dans le transfert, soutenues par les mimiques et le faciès. Lorsqu’Évelyne chante elle nous parle, et ce même sans mots. Ce plaisir auditif et corporel représenterait, d’après X. Dakovanou, « une façon de régresser agréablement à ce stade de communication préverbale où l’on n’a pas besoin de recourir à la parole pour se sentir compris [27]. » En d’autres termes, ce comportement archaïque ouvre la voie à ce que Freud nommait une « compréhension mutuelle [28] », sur le prototype de la relation primordiale à la mère.

25 Le chant, cet entre-deux du langage, entre voix et parole, se fait aussi l’ultime tentative de lier ces deux vecteurs avant qu’ils ne se séparent définitivement. L’alternance binaire de la voyelle et de la consonne serait une manière de faire jouer encore un peu la dialectique de la jouissance et de sa scansion. La musicalité de la voix offre à la pulsion un lieu d’archivage et d’inscription. Pour faire vivre à Évelyne cette continuité d’être, le plaisir du legato s’accompagne parfois de quelques pas de danse, presque mécaniques, lorsque c’est l’institution qui à son tour offre un environnement sonore.

26 L’incantation monotone devient bientôt une production qui semble destinée à produire du rythme. Dans une tentative d’intervention, nous pouvons alors chantonner ou tapoter au même rythme que la patiente, pour créer avec elle quelque chose qui s’apparenterait à du vivre ensemble. D. Winnicott [29] ne considérait-il pas les vocalises de l’enfant comme une première version des phénomènes transitionnels ? En effet, si l’on suit la pensée de S. Payan et A.M. Safouane, « en respectant la régression du sujet, en écoutant et recevant les contenus archaïques si brutalement livrés, le clinicien peut se trouver en mesure de proposer au sujet dément un cadre de rencontre [30] ». Nous sommes là en présence d’un authentique « transfert originaire » tel qu’il a été postulé par P. Aulagnier [31], soit cette rencontre dans laquelle les affects bruts, faute d’être pris en charge par le système symbolique, se voient élaborés par la voie du corporel, et dans le cas qui nous occupe, de la modularité vocale. Retour à une musique d’un autre temps, une voix d’avant la parole, retrouvaille de l’expérience des premiers plaisirs auxquels il a bien fallu renoncer pour se lancer dans la longue course désirante. Dans les stades ultimes de sa maladie, le sujet dément est aspiré par l’archaïque, ce retour dangereux d’une préhistoire dévorante et maléfique à l’image de la Chose (das Ding), objet mythique et absolu qui appelle aux retrouvailles. Dans ses minutieuses recherches sur les significations du mot « heimlich » (la douceur du foyer), S. Freud [32] en arrive d’ailleurs à conclure que ce terme devient le strict synonyme de son contraire « unheimlich » (étranger familier), où le familier rendu inconnu par la magie du refoulement, menace constamment. Il est bien question de cela dans la démence, affection paradoxale dans laquelle ce qui soigne et apaise est aussi ce qui anéantit.

27 Finalement, le chant d’Évelyne, devenu faible murmure s’éteindra complètement. Le silence est-il quiétude, désespoir, impuissance ? Est-il une métonymie de la mort, un « silence de mort » ? La patiente se réfugie dans le silence comme un enfermement en soi, un retrait en compagnie de ses souvenirs et comptines, entre veille et sommeil, dans les limbes de son existence, avant de s’autoriser enfin à s’en aller...

28 Est-ce que le sujet se tue quand la voix s’est tue ? Le cas de cette patiente nous apprend que pendant très longtemps au cours du processus pathologique, le sujet continue à provoquer la rencontre, que le soignant se doit d’accueillir, de soutenir, de respecter. Rappelons-nous qu’à défaut d’être reçu, l’appel est un cri silencieux. C’est l’Autre qui confère un sens à ce qui n’est plus, ou pas encore, du langage. Ne pas se rendre sourd à la musique du dément, entendre en-deçà des mots, au-delà des paroles, et, même dans un silence profond qui paraîtrait lointain, ne se poser qu’une seule question : « Qui ne parle plus a-t-il toujours quelque chose à dire ? »

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Mots-clés éditeurs : Langage, Chant, Démence, Affect, Voix

Date de mise en ligne : 20/03/2015

https://doi.org/10.3917/top.129.0121

Notes

  • [1]
    M.-F. Castarède, « Les notes d’or de sa voix tendre », in Revue française de psychanalyse, n°65, 2001, p. 1657-1673.
  • [2]
    La perte de la voix comme pur objet sonore se réalise concomitamment à la perte de la capacité du jeune enfant à prononcer l’universalité des sons langagiers. Entrer dans le langage, c’est donc renoncer à la jouissance de tout dire, mais avec un gain en terme de sens.
  • [3]
    J.-M. Vives, « La mélo-manie ou la voix objet de passions », in Topique, n°120, 2012, p. 10.
  • [4]
    X. Dakovanou, « Quand l’âme chante. La voix mélodique et son pouvoir affectif », in Topique, n°120, 2012, p. 33.
  • [5]
    D’autres effusions vocales (cris, onomatopées, paroles répétitives) sont placées dans la même catégorie. Or, tous ne relèvent pas des mêmes enjeux, les uns faisant intervenir la modalité langagière alors que d’autres restent des sons inarticulés. Dans l’échelle d’agitation de Cohen-Mansfield, l’émanation vocale perd carrément tout lien avec la voix pour se réduire à un simple bruit, bizarre de surcroît, ajoutant encore à l’étrangeté de ces comportements son qualificatif d’inquiétant.
  • [6]
    S. Freud, « Esquisse d’une psychologie scientifique », (1895), in Naissance de la psychanalyse, PUF, 2005, p. 307-396.
  • [7]
    S. Freud, « Le refoulement », (1915), in Métapsychologie, Gallimard, 1997, p. 45-63.
  • [8]
    I. Catao, « Du réel du bruit au réel de la voix : la musique de l’inconscient et ses impasses », in Insistance, n°5, 2011, p. 22.
  • [9]
    G. Pommier, « Du langage d’organe à l’amour du Nom : le point nœud du transfert dans les psychoses », in La clinique lacanienne, n°15, 2009, p. 115-134.
  • [10]
    R. Chemama, La jouissance, enjeux et paradoxes, (2000), érès, 2007.
  • [11]
    La maladie d’Alzheimer et les démences qui lui sont apparentées.
  • [12]
    L’aphasie observée chez le dément apparaît malgré une parfaite conservation des capacités phonologiques et de leurs substrats organiques.
  • [13]
    A. Quaderi, « La psychanalyse au risque de la démence. Le pari pascalien dans la clinique du dément », in Cliniques méditerranéennes, n°67, 2003, p. 33-52.
  • [14]
    S. Payan, A. M. Safouane, « Transfert et vécu du temps avec les patients Alzheimer », in Topique, n°112, 2010, p. 121.
  • [15]
    A. Quaderi, « La psychanalyse au risque de la démence. Le pari pascalien dans la clinique du dément », op. cit.
  • [16]
    J.-M. Vives, La voix sur le divan, Aubier, 2012, p. 101.
  • [17]
    Dans la littérature géronto-psychiatrique, ces comportements sont regroupés dans les « signes psychologiques et comportementaux des démences » (SPCD), à l’instar d’autres comportements tels que la déambulation, les attitudes répétitives, l’agitation, l’apathie, etc. On leur destitue bien souvent leur dimension économique, obturant la dimension du sens et de la fonction, au profit d’une considération d’origine purement neurologique.
  • [18]
    C. Trevarthen, M. Gratier, « Voix et musicalité : nature, émotion, relations et culture », in M.- F. Castarède, G. Konopczynski (dir.), Au commencement était la voix, érès, 2005, p. 105-116.
  • [19]
    K. Herlant-Hémar, R. Caron, « Le rythme comme générateur de continuité chez le sujet en proie à la démence avancée », in Cliniques méditerranéennes, n°86, 2012, p. 234.
  • [20]
    P. Aulagnier, Les destins du plaisir, (1981), PUF, 2009.
  • [21]
    C. Montani, La maladie d’Alzheimer : quand la psyché s’égare, (1994), L’Harmattan, 2000.
  • [22]
    J.-M. Vives, La voix sur le divan, op. cit., p. 23.
  • [23]
    M. Bonaparte, « Des autoérotismes agressifs par la griffe et par la dent », (1933), in Psychanalyse et anthropologie, PUF, 1952, p. 133-154.
  • [24]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, (1964), éditions de l’Association Freudienne Internationale, hors commerce.
  • [25]
    J.-M. Vives, La voix sur le divan, op. cit., p. 35-36.
  • [26]
    X. Dakovanou, « Quand l’âme chante. La voix mélodique et son pouvoir affectif », op. cit., p. 33.
  • [27]
    Ibid., p. 34.
  • [28]
    S. Freud, « Esquisse d’une psychologie scientifique », (1895), op. cit.
  • [29]
    D. Winnicott, Jeu et réalité, (1971), Gallimard, 2002.
  • [30]
    S. Payan, A. M. Safouane, « Transfert et vécu du temps avec les patients Alzheimer », op. cit., p. 128.
  • [31]
    P. Aulagnier, La violence de l’interprétation, (1975), PUF, 1995.
  • [32]
    S. Freud, « L’inquiétante étrangeté », (1919), in L’inquiétante étrangeté et autres essais, Gallimard, 1985, p. 209-263.

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