1 Le sublime wagnérien tient dans cette capacité de porter la certitude sensible de la jouissance au niveau d’un vécu métaphysique. Cette excitation artistique qui confine au mystique est dans certaines œuvres récupérée dans le religieux, comme le déplorera Nietzsche, au lieu de demeurer dans le trouble de la tension musicale.
2 Faut-il pour autant suivre le philosophe lorsqu’il voit en Wagner un hypnotiseur dont l’effet qu’il produit sur l’âme se rapproche de la sueur contrariante du sirocco et lui reproche de séduire par les grands stimulants des décadents épuisés : la brutalité, l’artificiel et l’innocence ? Dirons-nous que Wagner donne l’exemple d’une musique décadente qui abhorre toute pensée et fait appel au chaos des états d’âme qui la précèdent ?
3 L’opéra de Wagner constitue de fait un paradigme de la capacité de la musique de provoquer la violence des sentiments de l’auditeur, aussi est-il est sans doute l’un des rares compositeurs qui divise de façon aussi tranchée les mélomanes. On a pu parler de wagnerolâtres mais également de wagnerophobes... et au sujet de la participation au festival de Bayreuth, où sont représentés chaque année les opéras de Wagner, de « pèlerinage ». Ces termes, que l’on verrait difficilement appliqués à un autre compositeur, indiquent bien l’effet passionnel déclenché par la musique du créateur de Tristan et Isolde.
4 S’agit-il d’émouvoir en nous une sensibilité féminine ou adolescente qui a besoin du sublime, du profond et de l’écrasant ? Mais, plus généralement, qu’entend donc le mélomane pour être aussi violemment sollicité ou au contraire si brutalement dérangé lorsqu’il se met à l’écoute de la musique de Wagner ?
5 Ce numéro de Topique, préparé avec le concours de Jean-Michel Vives, a réuni des psychanalystes et des musicologues qui témoignent de cette étrange rencontre.