Topique 2014/2 n° 127

Couverture de TOP_127

Article de revue

Le déni omnipotent

Pages 53 à 62

Notes

  • [1]
    Freud.
  • [2]
    Freud, 1915.
  • [3]
    Klein, 1940.
  • [4]
    Klein, 1946.
  • [5]
    Klein.
  • [6]
    Freud.
  • [7]
    Klein.
  • [8]
    Meltzer, 1992.
  • [9]
    Freud, 1911.
  • [10]
    Bion.
  • [11]
    Rosenfeld, 1965.
  • [12]
    Segal.
  • [13]
    Segal, in Quinodoz, op. cit.
  • [14]
    Chemama : « Si le terme de contre-transfert n’est pas pertinent, c’est que l’analyste, dans le dispositif de la cure, n’est pas un sujet », etc.
  • [15]
    Dostoiesvski, Crime et Châtiment, Première partie, I et VII, p. 119-125. Troisième partie, , V, p. 320. Cf également : Sixième partie, V., p. 553 : « Napoléon l’avait violemment attiré, ou plus précisément l’idée que les hommes de génie ne craignent pas de commettre un crime initial et en prennent la décision sans y penser ». (ce qui permettrait d’avancer que la théorie professée par Raskolnikov préfigure certaines affirmations nietzscheéennes). Cf. finalement la prise de conscience de sa mégalomanie. Troisième partie, VI, p. 328 : « Je n’ai pas tué un être humain, mais un principe »… et finalement le constat d’échec de Raskolnikov : Quatrième partie, IV, p. 479 : « C’est moi que j’ai tué, et non elle… »
  • [16]
    Sodré 1, op. cit.
  • [17]
    Baudelaire, op. cit, Au lecteur, p. 5-6.

1Un haut responsable européen déclarait récemment que la gouvernance publique repose bien souvent sur un déni de la réalité. L’histoire abonde en exemples militaires illustrant les effets catastrophiques d’un aveuglement du haut commandement. Aveuglement des peuples également : quelques semaines avant l’effondrement du IIIe Reich, une rumeur persistante affirmait que la situation de l’armée allemande se rétablirait le 20 avril 1945, jour anniversaire de la naissance du Führer. Plus récemment, le nuage de Tchernobyl fut censé ne pas traverser les frontières hexagonales. De Xerxès vaincu faisant fouetter la mer, à l’Amérique « oubliant » Hiroshima, réapparaît constamment l’« hubris » considérée par les Grecs comme le fléau majeur de l’humanité. Cette « hubris » qui, comme le remarque Mélanie Klein, amène Agamemnon, au moment de son retour triomphal, à accepter la proposition de Clytemnestre qui l’incite à fouler aux pieds l’étoffe rouge réservée aux dieux, signant ainsi sa perte. Quand les dieux veulent perdre un mortel, ils l’aveuglent. Ajax égorge des moutons en croyant se battre contre des hommes. Héraklès tue ses propres enfants. Agapé rejoignant les Bacchantes met en pièces son propre fils en se présentant fièrement comme une chasseuse émérite, égale aux hommes ! Aveuglé par la prophétie ambiguë des sorcières, Macbeth s’enfonce dans les meurtres jusqu’au cou en croyant à sa bonne étoile. Dans un film récent (qui a valu à son réalisateur un contrat lancé par la Camorra dont il dénonce les pratiques) deux jeunes blancs-becs de dix-sept ans paient de leur vie la folie d’avoir voulu s’installer à leur compte en bravant un parrain de la mafia. Un thème publicitaire usé jusqu’à la corde est celui du quidam anonyme que sa qualité d’usager d’un opérateur téléphonique, de client d’une marque automobile ou autre, transforme en un dieu à qui toutes les portes s’ouvrent comme par enchantement.

2En tant que psychanalyste (et non historien ou sociologue) j’essaierai ici de reprendre la distinction établie entre la simple défense maniaque, initialement décrite par Mélanie Klein, et le déni omnipotent auquel le concept d’envie, qu’elle a développé ensuite, ouvre la voie chez ses continuateurs.

3Les phases précoces du développement psychique reposent sur des fantasmes omnipotents qui sont des défenses contre l’expérience de séparation et de dépendance.

4Fidèle à la conception du narcissisme primaire, Winnicott décrit le sentiment d’omnipotence comme une aire protégée depuis le début et qui doit résister à l’empiètement.

5Les auteurs kleiniens, au contraire, suivant en cela H. Rosenfeld, rattachent cette omnipotence aux aspects négatifs du narcissisme en termes de mauvaises parties omnipotentes du soi, s’opposant aux parties bonnes.

6Mais reprenons la genèse du concept de défense maniaque. Comme celle de la plupart des psychanalystes, la pensée de Melanie Klein suit un double mouvement. Le premier est lié à l’élargissement du champ d’observation clinique que la technique d’observation du jeu des enfants va lui apporter, à partir du moment où elle perçoit l’urgence de l’interprétation du transfert négatif ramenant les affects qui l’accompagnent à la situation et aux objets auxquels ils étaient liés à l’origine. C’est ici que les notions de sadisme oral, anal et urétral développées par Abraham vont prendre force et cohérence à partir du matériel infantile observé in vivo, et non par des préconstructions anamnestiques comme celles de l’Homme aux Loups.

7Le deuxième mouvement est une référence constante à la pensée freudienne. En ce qui concerne le déni maniaque deux ensembles de textes prédominent. Ceux qui décrivent le clivage du moi d’une part [1] et ceux qui se réfèrent à l’introjection de l’objet perdu d’autre part [2]. Mais si Klein reprend largement la conception freudienne de l’impossibilité de détachement de la libido quant à l’objet, elle se différencie de l’affirmation de Freud selon laquelle, au décours du deuil ne s’instaurerait pas une phase de triomphe [3].

8Insistant sur le fait que, dans l’état maniaque, la « toute première négation est celle de la réalité psychique », elle ouvre la voie à sa théorie de l’introjection du bon objet qui l’amènera à l’énoncé du concept de position dépressive, ouvrant lui-même la voie à celui de position schizo-paranoïde [4].

9. Comme le remarque Hannah Segal, le concept de déni maniaque se caractérise par une triade : contrôle omnipotent de l’objet, triomphe, mépris. Segal insiste clairement sur la différence entre déni maniaque et déni schizo-paranoïdeen ce que dans le déni maniaque, les défenses sont spécifiquement dirigées contre les sentiments d’angoisse dépressive et de culpabilité, correspondant ainsi à un état de meilleure intégration.

10Elle rappelle que Klein insiste sur le fait que celles-ci ne sont pas forcément pathologiques. C’est bien en cela que le déni maniaque – en tant que défense organisée – va s’opposer au déni omnipotent en tant que phénomène psychopathologique lié à la destructivité et à la pulsion de mort.

11Il ne s’agit pas là d’une simple différence quantitative au sens où le déni omnipotent ne serait qu’une forme concentrée du déni maniaque. Pour cela, la notion de l’envie kleinienne et celle d’attaques contre les liens développée par Bion sont indispensables pour en cerner la différence.

12« Le fait de détériorer et de détruire la source initiale de ce qui est “bon“a tôt fait d’aboutir à une attaque et à la destruction des enfants contenus dans le ventre maternel et entraîne la transformation du bon objet en un objet hostile, critique et envieux » [5]. C’est ainsi qu’un an après le jeu du « Fort/da », l’enfant décrit par Freud disait à un jouet contre lequel il s’était emporté : « Va-t’en à la guerre… – confondant dans une même invective le père-rival et la mère objet d’envie [6].

13La dépréciation est partie intégrante de la défense maniaque. « Ce n’est sûrement pas très grave, raisonne le moi, si cet objet particulier se trouve détruit » [7]. Par ailleurs, et paradoxalement, cet objet dénigré est l’objet d’un contrôle incessant, quasi-obsessionnel.

14La différence entre déni maniaque et déni omnipotent semble relative à la nature même de l’objet dénié : le bon objet externe dans le premier cas, le sein en tant que bon objet intériorisé, source de vérité et de connaissance dans le deuxième – le contenant et la fonction alpha maternels.

15Ceci amène Meltzer à décrire un état pathologique mafieux de « suradaptation au réel » qu’il ramène à la « vie à l’intérieur du rectum maternel », étant caractérisé par une « dégradation, non seulement bien sûr du comportement mais aussi plus radicalement – car moins équivoque – des fondements de l’action que sont les concepts et la capacité à penser » [8].

16Mais comment s’effectue le passage entre la défense maniaque et le déni omnipotent ? « Certains des patients auxquels j’ai eu affaire présentaient des troubles évidents de la pensée… Il y avait là des signes de confusion que j’avais appris à associer à l’identification projective ».

17« À la lumière des théories du transfert et de l’identification projective, le matériel déversé pouvait être compris comme un lien unissant patient et analysteet interprété dans la perspective que j’ai décrite dans Attacks on Linking(Attaques contre la capacité de liaison) ». C’est ainsi qu’aux liens A (amour), H (haine), C (connaissance), Bion oppose algébriquement les « anti-liens » A, B, C… éclairant au passage la remarque désabusée de Meltzer quant à ces « recrues » fortunées et prisonnières du « grand pénis fécal » dont il est regrettable qu’elles viennent en analyse, poussées par leur désespoir, leur insomnie ou leur épuisement (et non) pour lutter contre leur emprisonnement fondamental.

18Rappelons l’importance qu’accorde Bion au conflit entre Œdipe et Tirésias. Ce dernier représente la capacité d’investigation et de recherche de vérité qui caractérise le processus analytique. Toute cette réflexion repose en dernier ressort, sur l’opposition freudienne entre principe de plaisir et principe de réalité [9].

19« J’ai proposé une version corrigée de la théorie freudienne, où le principe de réalité opérait de concert avec le principe de plaisir. On trouvera une illustration de cette tentative visant à faire du fantasme omnipotent une réalité chez le patient qui éprouve le besoin d’imposer aux autres le sentiment qu’il serait capable de tuer ses parents sexuels si cela devait l’aider à vivre une relation sexuelle et amoureuse délivrée de la peur de se tuer et de tuer sa partenaire, comme il serait contraint de le faire s’il venait à observer chez lui et sa partenaire, les signes d’une passion sexuelle réciproque » [10].

20Et Bion ajoute : « J’ai suggéré que, sous une forme extrême, cela peut même conduire au meurtre. »

21Bien entendu, comme le souligne H. Rosenfeld, l’omnipotence peut se caractériser tout autant par un retrait que par un passage à l’acte [11].

22Hanna Segal rappelle dans quelle mesure cette omnipotence, à l’œuvre chez le patient schizophrène, a sa source dans le développement œdipien normal. Le fait que le bébé prend conscience de sa mère comme d’une personne séparée et menant une vie propre, expose évidemment celui-ci à l’expérience de sa jalousie sexuelle. Mais « le fait que son monde soit encore coloré par ses projections omnipotentes augmente sa jalousie, car lorsqu’il appréhende le lien émotionnel entre ses parents, il les fantasme comme se donnant précisément l’un à l’autre ces satisfactions qu’il désire pour lui-même » [12].

23S’intéressant au lien (H) qui régit le monde militaire, opposé au lien (A) qui régit en partie le monde œdipien, H. Segal ajoute, à propos des armes nucléaires : « L’omnipotence devient réalité, mais il s’agit uniquement de l’omnipotence de la destructivité » [13].

24Après ces considérations théoriques, je décrirai deux exemples cliniques (un cas d’enfant, un cas d’adulte) et un exemple littéraire qui éclairent, chacun à sa manière, le concept de déni omnipotent.

25Le premier exemple est celui d’une analysante qui rêve qu’elle accède à un magasin réservé à la « Nomenklatura ». L’un des vendeurs ressemble à son ancien compagnon, un homme assez violent et très hostile à la psychanalyse. Mais une autre association amène à la conclusion que la psychanalyse elle-même représente aussi pour elle un monde de « nomenklatura » fait de passe-droits et de violences sexuelles, monde auquel le seul accès possible est précisément celui qui passe par une soumission à l’omnipotence de l’analyste. Cette projection sur l’analyse du déni omnipotent reste ici symbolisée dans le domaine du rêve.

26Le deuxième exemple est celui d’un enfant dont j’ai précédemment décrit la psychothérapie psychanalytique. J’aborderai ici uniquement les aspects du matériel qui ont trait à la contre-identification projective, chez l’analyste, de ce déni omnipotent à l’œuvre chez le patient.

27Cet enfant, d’origine africaine, que j’ai appelé Teddy, présentait à l’âge de 6 ans où j’ai commencé à le recevoir à l’hôpital de jour, un trouble autistique très agité, l’amenant à des mises en danger importantes et à une exaltation pseudo maniaque au cours de laquelle il pouvait se livrer à des imitations surprenantes de vérité, de Mickaël Jackson. Lors des premières séances, il me devançait en courant vers la salle de psychothérapie pour traverser celle-ci en trombe en se dirigeant vers la fenêtre, m’amenant à le retenir physiquement pour l’empêcher de passer à travers celle-ci. Après plusieurs années de travail analytique assez continu, et alors que la distinction entre les espaces psychiques interne et externe paraît en bonne voie de se constituer, Teddy profite contre toute attente d’une seconde d’inattention de ma part alors que je le raccompagne à travers le parc de l’institution, pour rejoindre son groupe soignant. Je le perds de vue à travers les fourrés et les buissons qui jouxtent une clôture insuffisamment fermée à certains endroits, clôture donnant sur une route à grande circulation ! Lorsque je rejoins atterré son groupe soignant pour chercher des renforts, je trouve Teddy tranquillement attablé. Il ne tourne même pas la tête pour me regarder.

28Aujourd’hui encore, je m’interroge sur le sentiment de déni omnipotent qui, par un phénomène de contre-identification projective, m’amena pendant une seconde à perdre de vue cet enfant sur lequel j’étais censé veiller « comme sur la prunelle de mes yeux ».

29De cela, bien entendu, il ne sera jamais question pour les auteurs de référence lacanienne qui refusent tout intérêt à l’étude du contre-transfert, en rapportant celui-ci uniquement au déni ou à la jouissance, mal analysés, de l’analyste ! [14]

30Voyons maintenant le déni omnipotent qu’illustre le personnage de Reskolnikov de Crime et Châtiment tel que nous le montre Dostoievski [15].

31C’est l’expression de mépris qu’il éprouve envers sa logeuse qui est la première pensée

32« Au fond, il se moquait de sa logeuse et de toutes les intentions qu’elle pouvait nourrir contre lui… »

33En ce moment où il entre chez elle pour une « répétition » de son acte, il l’observe avec attention. « La vieille se tenait immobile devant lui. C’était une toute petite femme desséchée, âgée d’une soixantaine d’années, au nez pointu, aux yeux pétillants de méchanceté ».

34« Tout reluisait de propreté… laquelle propreté n’existe que chez de méchantes vieilles veuves. »

35Alors qu’il vient de lui marchander sa montre, un doute le saisit en descendant l’escalier. « Oh ! Seigneur, que tout cela est répugnant ! Se peut-il que…? »

36Court intermède au cours duquel son identification quasi délirante à Napoléon, qui n’hésitait pas à sacrifier des vies humaines, et l’identité qu’il établit entre la logeuse et un pou, reste suspendue.

37Mais une lettre de sa mère, lui annonçant le mariage d’intérêt prévu entre sa sœur et un Conseiller à la Cour dont la mesquinerie, l’avarice et l’incongruité transparaissent à travers l’éloge maternel, le ramènent à son projet. « Ce mariage n’aura pas lieu tant que je vivrai. » La mégalomanie infantile a repris le dessus chez Raskolnikov… et l’idée du crime revient en lui, et « la différence était celle-ci qu’un mois auparavant et hier encore, elle n’était qu’un rêve, tandis que maintenant… »

38La distinction établie par H. Segal, au niveau de la création artistique, entre création et illusion (« fantaisies ») prend ici tout son sens. Segal considère que la fantaisie est mise à l’épreuve de la réalité à la fois par l’action et par l’imagination. « Que se passerait-il si…? » Mais en cas d’échec de la symbolisation, va prendre place une fantaisie omnipotente, compulsive et répétitive « qui requiert l’action comme seule forme valable d’expression.

39C’est précisément le piège dans lequel va tomber Raskolnikov passant d’une rêverie théorique sur la valeur comparative d’une vie humaine par rapport à une autre – à son coup de hache à la fois sur « la vieille » – mais aussi l’innocente Lizaveta, survenue par mégarde sur les lieux du crime.

40Alors que son acte avait été soigneusement et obsessionnellement prémédité, il perd tout contrôle sur les événements, « … il vit par exemple que telle clef n’allait pas à une serrure et s’obstina cependant à vouloir l’y introduire ». « Seigneur, est-ce que je deviendrais fou ? ».

41Mais très vite, le contrôle omnipotent reprend le dessus et va l’amener à un parcours « sans faute » qui l’amène à échapper miraculeusement à une arrestation en « flagrant délit ».

42Dans une vie entrecoupée de cauchemars et de frayeurs paranoïdes entretenus par les événements de la réalité, l’assassin qu’il est devenu n’existe plus par lui-même qu’à de plus en plus rares moments où le triomphe omnipotent reprend, chez lui, le dessus. L’un des moments les plus extraordinaires de l’œuvre est certainement ce duel verbal incroyable qui va opposer Raskolnikov, qui n’est encore qu’un inscrit parmi bien d’autres sur la liste des locataires de la victime, et le jeune procureur Porphyre, qu’il rencontre fortuitement lors d’une soirée étudiante.

43Porphyre rappelle à Raskolnikov qu’il écrivit jadis sur le droit des êtres « extraordinaires »« à commettre tous les crimes » et à « violer » toutes les lois pour cette raison qu’ils sont extraordinaires.

44« Ce n’est pas tout à fait ainsi que je me suis exprimé », commenta-t-il d’un ton simple et modeste.

45S’ensuit une longue conversation philosophique entre Porphyre et Raskolnikov.

46Mais Porphyre, subitement, lui tend un piège en lui demandant s’il a vu, lors de sa visite chez la logeuse, deux ouvriers en train de peindre.

47Il comprend instantanément que son sort va se jouer dans sa réponse :

48« Non, répond Raskolnikov, je ne les ai pas vus… Mais, voilà, au quatrième (il était sûr maintenant d’avoir éventé la mèche et triomphait), je me souviens qu’il y avait un fonctionnaire qui déménageait… »

49Mais qu’est-ce qui te prend ? cria à ce moment-là Razoumikhine à l’adresse de l’inquisiteur. Voyons, les peintres ont travaillé le jour du meurtre, et lui y a été trois jours avant. Pourquoi lui poser la question ? »

50Raskolnikov respire. Il n’a pas compris que son mouvement de triomphe, au moment où il fournit la « bonne réponse », n’a pas échappé au procureur.

51Nous laisserons là Raskolnikov à son triste sort et à sa rédemption par l’aveu auquel l’amènera sa relation avec Sonia, jeune prostituée.

52Reprenant la question de la fantaisie créatrice à partir des travaux de Segal sur certaines œuvres de J. Conrad, une auteure contemporaine [16] pose cette question : « Le Passager Secret serait-il une créature ou une illusion ? »« Conrad en savait long au sujet des effets destructeurs des fantaisies pathologiques… Son premier écrit, L’Histoire d’Almeyer, nous montre un rêveur éveillé pathologique… et une partie de cette œuvre fut écrite à Rouen, là même où Faubert écrivit Madame Bovary ! »

53À travers la question du « bovarysme » et du « Don quichottisme », c’est celle de la littérature elle-même, soit comme effet de sublimation, soit comme prétexte au déni omnipotent, qui est ainsi posée – aussi bien pour l’auteur que pour l’« hypocrite lecteur » ! [17]

BIBLIOGRAPHIE

  • ABRAHAM, K., 1912, Préliminaires à l’investigation et au traitement psychanalytique de la folie maniaco-dépressive et des états voisins, trad. fr. Paris, Payot, coll. Sciences de l’Homme, p. 212-226.
  • BAUDELAIRE, Ch., 1861, Les Fleurs du Mal, in Œuvres complètes, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1970.
  • BION, W. R., 1962), Aux Sources de l’Expérience, trad. fr. Paris, PUF, 1979.
  • BION, W. R., 1963, Éléments de la Psychanalyse, trad. fr. Paris, PUF, 1979.
  • CHEMAMA, R., VANDERMERSH, M., Dictionnaire de la psychanalyse, Paris, Larousse-Bordas, 1998.
  • CONRAD, J. (1910), The Secret Sharer, ed Harper’s Magazine.
  • DOSTOIESVSKI, F., 1866, Crime et Châtiment, trad. fr. Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1950.
  • DROSSART, F., « La constitution de l’espace psychique interne chez l’enfant psychotique dans la cadre de la psychothérapie », Communication EFPP, Stockholm, 1996.
  • DROSSART, F. Violence et Persuasion dans Eyes Wide Shut, de Stanley Kubrick, Topiquen°111, 2010, p. 169-176.
  • DROSSART, F., « L’écrivain martyr dans le Léviathan de Paul Auster », Topique, n° 113, Le martyre, décembre 2010, p. 149-159.
  • DROSSART, F., « Quand la violence crève l’écran », Le Coq Héron, 2012, 4, n° 211.
  • DROSSART, F. « Malraux, héros adolescent », Topique n°125.
  • ESCHYLE, Agamemnon, trad. fr. in Tragiques Grecs, Eschyle, Sophocle, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1967.
  • EURIPIDE, La folie d’Héraklès, trad. fr. Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, p. 463- 534, 1962.
  • EURIPIDE, Les Bacchantes, ibid, p. 1205-1278.
  • FREUD, S., 1911, Formulation sur les deux principes de l’advenir psychique, trad. fr. in O.C., XI, Paris, PUF, 1998, p. 11-21.
  • FREUD, S., 1915, Deuil et Mélancolie, trad. fr. in O.C., XIII, Paris PUF, 1998, p. 261-280.
  • FREUD, S., 1920, Au delà du Principe de Plaisir, trad. fr. in O.C. XV, Pris, PUF, p. 273-338.
  • HINSHELWOOD, R.D., 1989, Dictionnaire de la pensée kleinienne, trad. fr. Paris, PUF, 2000, Bibliothèque de Psychanalyse.
  • KLEIN, M., 1932, La psychanalyse des enfants, trad. fr. Paris, PUF, 1959, Coll. Bibliothèque de Psychanalyse.
  • KLEIN, M., 1934, Contribution à l’Étude de la psychogénèse des états maniaco-dépressifs, trad. fr. in Essais de Psychanalyse, Paris, Payot, 1968, p. 311-340.
  • KLEIN, M., 1940, Le Deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs, trad. fr. ibid, 1968, p. 341-369.
  • KLEIN, M., 1946, Notes sur quelques mécanismes schizoïdes, trad. fr. in Développements de la Psychanalyse, Paris, PUF, 1966, Bibliothèque de Psychanalyse.
  • KLEIN, M., 1957, Envie et Gratitude, trad. fr. in Envie et Gratitude et autres essais, Paris, Gallimard, 1968.
  • KLEIN, M., 1963, Réflexions sur l’Orestie, ibid., p. 187-219.
  • MELTZER, D., 1992, Le Claustrum, trad. fr. Larmor Plage, Éd. du Hublot, 1999.
  • MIJOLLA-MELLOR (de) S., La mort donnée. Essai de psychanalyse sur le meurtre et la guerre, Paris, PUF, 2011.
  • NIETZSCHE, F., Par delà le bien et le mal, trad. fr. Œuvres Philosophiques Complètes, Paris, Gallimard.
  • QUINODOZ, J. M., À l’écoute d’Hanna Segal, Paris, PUF, 2008.
  • ROSENFELD, H., 1965, États psychotiques, trad. fr. Paris, PUF, 1976, Coll. Le Fil Rouge.
  • ROSENFELD, H., 1987, Impasse et Interprétation : facteurs thérapeutiques et anti thérapeutiques dans le traitement psychanalytique des patients psychotiques, borderline, ou névrosés, trad. fr. Paris, PUF, 1990, Coll. Le Fil Rouge.
  • SEGAL, H., 1957, Notes sur la formation des symboles, trad. fr. in Délire et Créativité, Paris, Des Femmes, 1987.
  • SEGAL, H., 1964, Introduction à l’œuvre de Melanie Klein, trad. fr. Paris, PUF, 1969.
  • SEGAL, H., 1979, Melanie Klein, développement d’une pensée, trad. fr. Paris, PUF, 1982.
  • SEGAL, H., Rêve, art, phantasme, trad. fr. Paris, Bayard, 1993, Bibliothèque Internationale de Psychanalyse.
  • SEGAL, H., Yesterday, Today and Tomorrow, London, The New Library of Psychanalysis, 2003.
  • SODRÉ, I., CONDRAD, J., « Boy’s own Story : The secret Sharer », Communication au Colloque BPAS Centenary Hanna Segal, Memorial Conference, Londres, 17-18 mai 2013.
  • SHAKESPEARE, W., Macbeth, trad. fr. Paris, Gallimard, 2002, Bibliothèque de la Pléïade.
  • SOPHOCLE, Ajax, trad. fr Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléïade, 1967, p. 413-483.
  • STEINER, J., « Reflections on the work of Hanna Segal » (1918-2O11), Communication au Colloque BPAS Centenary Hanna Segal, Memorial Conference, Londres, 17-18 mai 2013.
  • WINNICOTT, D.W., 1935, La défense maniaque, trad. fr. in De la Pédiatrie à la Psychanalyse, Paris, Payot, 1969, Coll. Sciences de l’Homme, p. 19-36.
  • WINNICOTT, D. W., (1965), Processus de maturation chez l’enfant, trad. fr. Paris, Payot, 1980, Coll. Sciences de l’Homme.

Mots-clés éditeurs : Attaque contre les liens, Défense maniaque, Déni omnipotent

Date de mise en ligne : 15/09/2014

https://doi.org/10.3917/top.127.0053

Notes

  • [1]
    Freud.
  • [2]
    Freud, 1915.
  • [3]
    Klein, 1940.
  • [4]
    Klein, 1946.
  • [5]
    Klein.
  • [6]
    Freud.
  • [7]
    Klein.
  • [8]
    Meltzer, 1992.
  • [9]
    Freud, 1911.
  • [10]
    Bion.
  • [11]
    Rosenfeld, 1965.
  • [12]
    Segal.
  • [13]
    Segal, in Quinodoz, op. cit.
  • [14]
    Chemama : « Si le terme de contre-transfert n’est pas pertinent, c’est que l’analyste, dans le dispositif de la cure, n’est pas un sujet », etc.
  • [15]
    Dostoiesvski, Crime et Châtiment, Première partie, I et VII, p. 119-125. Troisième partie, , V, p. 320. Cf également : Sixième partie, V., p. 553 : « Napoléon l’avait violemment attiré, ou plus précisément l’idée que les hommes de génie ne craignent pas de commettre un crime initial et en prennent la décision sans y penser ». (ce qui permettrait d’avancer que la théorie professée par Raskolnikov préfigure certaines affirmations nietzscheéennes). Cf. finalement la prise de conscience de sa mégalomanie. Troisième partie, VI, p. 328 : « Je n’ai pas tué un être humain, mais un principe »… et finalement le constat d’échec de Raskolnikov : Quatrième partie, IV, p. 479 : « C’est moi que j’ai tué, et non elle… »
  • [16]
    Sodré 1, op. cit.
  • [17]
    Baudelaire, op. cit, Au lecteur, p. 5-6.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.89

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions