Topique 2014/2 n° 127

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Article de revue

L'indulgence, une forme cachée de carence parentale

Pages 39 à 51

1 À partir de certains aspects de l’analyse d’un jeune garçon de sept ans, j’essaierai de montrer en quoi une indulgence parentale excessive donne lieu chez l’enfant au développement d’objets internes pathologiques. Dans cette situation l’on observe une carence et un appauvrissement du moi avec constitution d’un narcissisme omnipotent. Tout ceci peut amener à la constitution d’une structure psychopathique ou addictive visant à évacuer à n’importe quel prix la culpabilité.

2 La carence parentale a été l’objet de très nombreux travaux de la littérature psychanalytique de l’enfant. Bien peu cependant ont étudié les effets carentiels d’une indulgence parentale excessive. Abraham (1924) est l’un des tout premiers à aborder ce thème. Il avance qu’un enfant exagérément dorloté développera une demande d’amour inextinguible. Freud (1924) montre en quoi une telle indulgence parentale peut donner lieu chez l’enfant à une omnipotence narcissique. Il examine le lien entre le narcissisme primaire chez l’enfant et la surévaluation dont celui-ci est l’objet de la part de ses parents, ceux-ci reproduisant par là leur propre narcissisme infantile. Winnicott estime qu’une mère trop adaptée au désir de son bébé n’est pas « suffisamment bonne » (1958). Il examine les changements subtils se produisant dans la relation entre le moment où le bébé a réellement besoin d’un ajustement fusionnel avec sa mère et celui où celle-ci doit reconnaître ses capacités à exprimer ses besoins par différents signaux. « L’on pourrait dire que si, dès lors, la mère continue à trop bien deviner les besoins de l’enfant, c’est de la magie et cela n’offre pas les conditions d’une vraie relation d’objet » (1965). Ce faisant, une telle mère, fallacieusement bonne, fait pire que castrer l’enfant. Il ne lui reste que deux alternatives : une régression permanente à un état fusionnel avec la mère, ou un rejet total de celle-ci. Une telle mère d’après Winnicott, devient une dangereuse sorcière.

3 M. Harris (1978), en référence aux théorisations de Bion sur l’apprentissage par l’expérience, suggère que la constitution d’une figure parentale persuadée de deviner magiquement les besoins du bébé avant que lui-même ne s’en rende compte, encourage l’omnipotence et la croyance en un objet omniscient toujours prêt à être convoqué. Cet encouragement à l’omnipotence freine l’imagination de l’enfant et limite ses ressources internes ainsi que ses capacités d’identification introjective aux objets aimés et admirés.

4 R. Leff (1991), établit une distinction entre la mère « facilitatrice » et la mère « régulatrice », la première idéalisant son bébé, voulant lui épargner toute frustration et être pour lui la seule source de bonnes expériences.

5 Ces différents commentaires laissent peu de place au rôle du père. Comme le suggèrent J. Hopkins (1996) et moi-même, ces effets délétères d’un trop bon maternage peuvent être accentués dans le cas d’un père absent ou inadéquat.

6 Je décrirai ici le cas d’un enfant que j’ai commencé à suivre en analyse alors qu’il était âgé de sept ans. Cette analyse s’est poursuivie pendant trois ans et demi à raison de quatre séances par semaine. Damon était un enfant premier né qui semblait avoir été appelé à régner sans partage comme « prince couronné » dans sa famille. Quand je le reçus, il présentait des troubles des apprentissages et de la socialisation. Son comportement était de plus en plus insupportable à la maison. Il présentait également des tendances exhibitionnistes, une masturbation compulsive et un « parler bébé » insupportable à la moindre anxiété. Incapables à la fois de lui fixer des limites et de supporter ses cris, ses parents reconnaissaient souscrire à ses moindres désirs, ceci évitant toute confrontation. Cette situation se maintint jusqu’à la nouvelle grossesse de la mère. Il devint alors de plus en plus exigeant, incontrôlable à la maison, tyrannique et sujet à des crises violentes lors des frustrations. Tout cela s’aggrava encore à la naissance du frère puîné. Il faut noter que les parents étaient des gens aimants et chaleureux, incapables de faire face aux crises de colère destructrices de leur enfant et à ses scénarios hystériques. La mère me confia qu’ils avaient été dépassés par leur premier bébé. Elle essayait apparemment d’être une mère omniprésente et parfaite. Elle préférait un bébé avec lequel fusionner plutôt qu’un enfant plus grand difficile et irascible. Le père avait été lui-même confronté à un père rigide et sévère. Il s’efforçait lui-même d’être calme, raisonnable et compréhensif, dans une totale incapacité à réprimander son fils. Pour lui, fermeté était synonyme de cruauté. C’est ainsi que lorsqu’un jour Damon, trouvant son père absorbé par un programme de télévision, le frappa violemment dans le dos avec une canne de golf, celui-ci se contenta de dire : « Oh, Damon !... ». C’est ainsi que se surajoutaient à l’indulgence maternelle les conflits inconscients non résolus du père avec son propre père. Il semble que l’enfant était autorisé à exprimer ces conflits sans aucune retenue. Des provocations et des comportements agressifs à l’égard de son jeune frère étaient également tolérés.

7 Les scénarios en jeu dans cette situation clinique sont assez complexes. Je centrerai ma réflexion sur la question d’un objet indulgent intériorisé chez l’enfant, et la façon dont il utilisait cet objet pour essayer de soutenir un moi déjà affaibli. Je ferai l’hypothèse chez cet enfant d’une addiction à un type de relation où toute demande devait être instantanément satisfaite, toute limite donnant lieu à un accès de rage impossible à contenir.

8 Cette demande d’indulgence de la part de l’enfant apparut très tôt dans l’analyse. Derrière un semblant de coopération, il oscillait entre une attitude de petit bébé gémissant et un mépris omnipotent de l’analyste et du cadre analytique. Les premières semaines furent consacrées à une évaluation du rapport des forces en présence. Dès que l’enfant comprit que je n’étais ni malléable ni indulgente, son regard et son attitude changèrent du tout au tout. Au début, malgré une certaine condescendance, il paraissait amical et même en demande. Mais ceci uniquement si j’allais dans son sens. Devant toute fermeté de ma part, il se transformait en un personnage grotesque, grimaçant, agité de contorsions, roulant les yeux, exprimant corporellement la haine qui l’animait. Mais il y avait aussi dans tout cela l’expression d’un désespoir. Ce désespoir allait de pair avec un sentiment croissant d’inutilité. Il m’accusait de ne pas penser à lui et se plaignait de ne pas savoir quoi faire. Ce désespoir semblait refléter une terreur liée à son incapacité à penser. Mais il était également lié à un sentiment de rage.

9 Ainsi, lors de la dernière séance de sa première semaine d’analyse, il se mit en colère car il ne pouvait pas emmener à la maison un avion en papier qu’il avait fabriqué. Il pleurait, hurlait, frappait la porte, criant qu’il détestait venir ici. Puis il s’adressa à moi en vociférant : « Ah, si j’étais un roi, vous seriez bien obligée de m’obéir ! ». Puis il prit un ton suppliant : « S’il vous plaît ! S’il vous plaît !... Je le ramènerai lundi ! ». Il n’écoutait rien de ce que je lui disais et restait obnubilé par mon refus. Il me cria soudain avec haine : « Vous êtes encore plus horrible que ma grand-mère, et dieu sait qu’elle est horrible… » Je suppose qu’elle était quelqu’un qui essayait de lui faire face.

10 Ceci ne fut que le début d’une longue suite de crises de colère liées à mes refus d’accéder à ses demandes. Mais j’en arrivais à reconnaître qu’il ne s’agissait pas uniquement chez lui d’intolérance à la frustration ; il était également sous l’effet d’un sentiment de terreur et de panique.

11 Le cadre continua à être l’objet de sa part d’attaques implacables. Les fournitures, les murs, les rideaux, les toilettes, tout ce qui m’appartenait ou appartenait au cadre était la cible. Il savait que je l’autorisais à utiliser certains objets, l’eau, la pièce elle-même, comme moyens de communication, moyennant certaines limites. Mais ces limites avaient constamment à être renégociées. Damon alternait entre des moments de quêtes suppliantes et séductrices pour demander ceci ou cela, et des moments de triomphe à mon égard du fait que j’avais été assez stupide pour croire qu’il n’allait pas encore une fois utiliser ce que je lui accordais pour une nouvelle attaque. Mais quand je résistais et lui rappelais ce que nous savions tous les deux qu’il allait arriver, il devenait vicieux et sadique, transformant la salle et les objets en un champ de bataille. Rester analyste consistait pour moi à me protéger physiquement durant la plus grande partie de la séance, pendant qu’il hurlait, m’embrassait, crachait, grattait et me mordait utilisant tous les moyens possibles pour essayer de me détruire. J’étais supposée être totalement terrorisée par lui et être en proie au renoncement. Si je me laissais aller à penser que nous étions des alliés, il se moquait de moi et m’imitait triomphalement de façon caricaturale ; son mépris était toujours prêt à resurgir.

12 Je vais maintenant décrire une séance au cours de laquelle je mis en acte le fait de constituer pour lui un objet indulgent (probablement parce que j’en avais assez de toujours dire non d’une manière ou d’une autre). Nous verrons les conséquences d’une telle action. Les séances que je vais présenter eurent lieu après un certain nombre d’annulations à cause des vacances. L’enfant avait été tout particulièrement destructeur et haineux.

13 Lors de la séance du lundi, Damon se présenta comme manipulateur et quelque peu réticent à entrer dans la salle. Il essaya d’adopter une attitude taquine. Je ressentis cela comme une manière de sa part de cacher son angoisse paranoïde quant à une vengeance de ma part en réponse aux séances annulées de la semaine précédente.

14 Je lui interprétai qu’il me semblait ne pas vouloir venir car il était effrayé par moi et par l’état dans lequel il avait laissé la pièce la fois dernière. Il jeta un coup d’œil rapide sur la pièce tout autour puis vérifia que tout était en place et se dirigea immédiatement vers la fenêtre en commençant à actionner les rideaux, ce qu’il faisait depuis très peu de temps. Ceci me fit penser à un enfant qui s’accroche aux jupes de sa mère avec colère. Il me sembla qu’il voulait à la fois faire disparaître à nouveau l’ordre que j’avais rétabli dans la pièce pendant son absence du week-end et s’attaquer à ma tentative de rétablir le lien avec lui par sa manière irritante de m’aborder.

15 Je commentai cet effet en reliant son comportement à l’interruption du week-end ainsi qu’aux séances annulées la semaine précédente. Il me regarda soudainement et me dit : « Ce ne sont pas vos jupes, ce sont vos rideaux ! » et commença à nouveau à secouer la fenêtre. Je lui interprétai sa rage d’avoir été à l’extérieur durant tout le week-end et non à l’intérieur à me contrôler. Il commença à grimper sur le bureau, à sauter à travers la pièce tel un athlète de saut en longueur, comme s’il voulait ainsi se réapproprier l’ensemble du territoire. Ce faisant il atteignit un abat-jour qui était suspendu au plafond et cela lui donna une nouvelle idée. Il commença à mettre une chaise sur une autre pour pouvoir grimper et atteindre la lampe. C’était bien entendu dangereux. Il renversa la disposition des chaises et commença à grimper avec une grande excitation, comme s’il pouvait de là toucher tout ce qu’il y avait dans la pièce. Il toucha la lampe et commença à la dévisser. J’avais l’habitude de ce genre de dilemme dans lequel je ne savais pas s’il fallait le stopper physiquement ou essayer de parlementer pour arriver au même but. À ce moment, la situation ne me paraissait pas particulièrement dangereuse. Je lui dis qu’il me paraissait excité d’être le maître des lieux et de pouvoir toucher tout ce qu’il y avait dans la pièce, ceci en opposition au sentiment qu’il avait ressenti peu de temps auparavant d’être exclu et dans l’incapacité de me contrôler. Il ne fit aucun cas de mon interprétation. Il commença à s’exciter de plus en plus avec les reflets de lumière qu’il pouvait envoyer sur le mur en tournant la lampe. Il la tourna de plus en plus vite en disant : « Regarde comme c’est beau ! » Tandis que j’essayais de garder contact avec lui à travers ses défenses maniaques, il continuait ses expériences avec ravissement avec le sentiment de créer un monde merveilleux de son propre chef, en contraste avec sa rage de s’être senti exclu et tout petit. Bien entendu tout ceci était totalement inefficace car c’est moi qui représentais à ce moment-là sa propre partie exclue et impuissante. Tout à coup il y eut un éclair et la lampe tomba entre ses mains. Il sauta dans un mouvement de terreur et se réfugia dans un coin et se cacha en pleurant avec un geste d’auto défense.

16 Nous étions choqués tous les deux.

17 Je lui dis que ce qui venait de se passer était pour lui un choc effrayant et qu’il s’imaginait peut être que c’était également le cas pour moi. J’ajoutais que c’était particulièrement effrayant car il avait semblé être si excité et avait l’impression maintenant d’avoir été l’auteur d’une catastrophe.

18 Il se mit à gémir et à me demander si j’allais en parler à sa mère et lui demander de payer la réparation. Puis il ajouta : « Peut-être que mon papa peut venir et la réparer ; il travaille dans un magasin de luminaires vous savez. Je peux lui demander, si vous êtes d’accord. » (Bien entendu son père n’avait aucune activité de ce genre).

19 Je lui interprétai qu’il semblait effrayé non seulement par l’accident lui-même mais par l’idée que sa mère et moi pourrions le réprimander et le punir. Peut être se sentait-t-il non seulement effrayé mais aussi un peu coupable et voulait réparer rapidement le dommage, d’où l’idée de demander l’aide de son père. Il retourna vers sa boîte à jouets et commença à faire du bruit avec un élastique contre une chaise en prétendant que c’était en fait la lampe qui faisait ce bruit en essayant de se moquer de moi. Il me sembla qu’il essayait de minimiser l’impact de sa peur devant le bruit de l’explosion et essayait à nouveau de contrôler son angoisse. Je lui dis qu’il essayait maintenant de faire un bruit moins effrayant pour se signifier à lui-même que tout allait bien. Et qu’il essayait de prétendre que ce bruit venait de quelqu’un d’autre, que ce n’était pas lui qui avait cassé la lampe et l’avait fait exploser.

20 « Je sais que c’est moi » dit-il dans un soudain mouvement d’honnêteté. Mais il ajouta aussitôt d’un ton irrité : « Je ne voulais pas faire ça ! », comme si son sentiment de culpabilité persécutive reprenait le dessus.

21 Il prit alors les ciseaux et commença à érafler la chaise pour en changer la couleur me dit-il. Je lui dis qu’il voulait changer les apparences de ce qui venait d’arriver comme s’il ne s’était rien passé du tout de préoccupant. Il voulait éliminer tout cela pour se débarrasser de tout sentiment de frayeur et de culpabilité. Je lui dis également qu’il savait bien qu’il n’avait pas le droit d’endommager le matériel. Il répondit vivement : « Sauf quand il s’agit de ma propre boîte. Dans ce cas je peux, n’est ce pas ? » Il dit cela en me défiant. Il recommença à érafler sa boîte en plastique qui jusque là m’avait semblée robuste. Il semblait vouloir à la fois s’attaquer à sa forme et à sa solidité ce qui m’évoquait fortement ses attaques vis-à-vis du cadre analytique et davantage encore de ma capacité à penser et à contenir tout ce qui se passait dans la pièce sans en être totalement détruite.

22 Je lui interprétai qu’il était effrayé à l’idée de pouvoir me détruire de telle manière que je devienne incapable d’éviter des accidents dangereux. Dans ce cas il pouvait aussi bien tout détruire sans aucun sentiment de peur ni de culpabilité.

23 « Oui, répondit-il, à la maison je casse tout. Quand je suis énervé je casse des trucs. J’ai plein de trucs cassés à la maison. » Puis il posa des questions au sujet de la lampe : « Est-ce qu’elle était chaude ? et pourquoi brûlait-elle ? Il demanda à nouveau s’il aurait à payer pour tout ce qui était cassé ici et si j’en parlerai à sa mère.

24 Les sentiments persécutifs réapparaissaient. Mais ils étaient aussi associés à quelque chose d’assez malhonnête, une sorte de manipulation perverse qui me paraissait en lien à nouveau avec son refus de la culpabilité et sa recherche d’une relation de séduction et de complicité.

25 Je lui dis qu’il me semblait qu’il essayait de me faire croire qu’il était désolé parce qu’il avait peur d’une explosion de colère de ma part. Mais le pire pour lui était le sentiment que personne ne pourrait l’aider même s’il avait dans l’idée qu’il pouvait exister un père qui pourrait tout remettre en état. Il ne répondit rien et continua à érafler la chaise jusqu’à la fin de la séance, moment où il se rua vers l’extérieur une fois qu’il eut vérifié que sa mère était là.

26 Lors de la séance du lendemain il arriva en croquant une pomme. Il fut surpris et soulagé de constater que la lampe était à sa place et que la lumière fonctionnait. Il demanda qui l’avait réparée. Il commença alors à devenir maniaque et agité, retirant tous les jouets de sa boîte et les éparpillant intentionnellement dans toute la pièce. Comme si, quoiqu’il fît, il n’avait pas de soucis à se faire : tout s’arrangerait (ce que je lui commentai). Il finit presque entièrement de croquer sa pomme en essayant de m’en envoyer des morceaux à la figure en hurlant, en se moquant de moi et me manifestant son mépris. Je lui dis qu’il semblait soulagé de voir la lampe réparée mais semblait avoir peur que j’aborde cela avec lui ce jour. Il me haïssait à l’idée que je pourrais lui adresser des reproches à ce sujet. Il préférait plutôt se persuader qu’il pouvait faire tout ce qu’il voulait sans aucune conséquence, sans avoir à s’en occuper ni à le regretter. Seul mon visage lui rappelait ce qu’il avait fait et dont j’étais pour lui un témoin. Il commença alors à chanter un chant juif. L’atmosphère se modifia. Je restais sur mes gardes. Il m’invita à chanter cette chanson avec lui ou sinon à en chanter une autre que je devais certainement connaître si j’étais juive. Il semblait persuadé que je connaissais les mêmes chansons que lui. Il les avait apprises à la synagogue, me dit-il. C’était comme s’il voulait établir un lien entre nous en échappant ainsi au cycle d’attaques vicieuses et destructrices dans lequel il semblait que nous étions enfermés sans fin. S’il se trouvait que nous étions proches, peut être comme deux juifs survivants, ce serait tellement plus rassurant que ces crises omnipotentes violentes et maniaques qui étaient devenues si dangereuses.

27 Je lui dis qu’il voulait nous réunir au moyen de ces chansons juives de manière à nous protéger tous deux de ces accidents terrifiants qui se produisent lorsque tout échappe au contrôle. Alors il pensait que je fermerais les yeux et ne me souviendrais de rien d’autre. C’était la fin de la séance.

28 En revoyant rétrospectivement le matériel de ces séances, il illustre le risque pour un parent ou un analyste du refus de poser des limites bien définies, de dire non. Une telle attitude ne tient pas compte du besoin qu’a l’enfant d’être protégé de ses propres impulsions, renforce son sentiment d’omnipotence et l’invite à la politique de l’autruche. Ceci encourage une indifférence psychopathique mais peut aussi engendrer des angoisses persécutives.

29 Les séances annulées avaient suscité chez mon patient une recrudescence haineuse liée à l’échec de son omnipotence. Il ne voulait pas bondir dans ma pièce pour être mon champion olympique sur un modèle œdipien mais voulait se rendre maître de la pièce dans la toute puissance. Le contact accidentel avec la lampe avait donné lieu à des scintillements sur le mur qui l’excitèrent et lui firent souhaiter de les reproduire. Sur le moment j’eus l’impression que ce serait très douloureux pour lui si je le stoppais immédiatement. J’étais également consciente de la façon maniaque dont il menait ce jeu. Mais j’échouais à garder le contact avec lui.

30 Quoiqu’il en soit quand la lampe explosa il fut effrayé et redescendit sur terre en pleurnichant. Il oscilla alors entre un sentiment de faute irréparable et de persécution, et une tentative de supprimer totalement toute prise de conscience de sa culpabilité et /ou de son désespoir de ne pas pouvoir réparer le dommage – c’est-à-dire de ne pas pouvoir faire face aux conséquences de ses actes. En me disant que son père travaillait dans un magasin de luminaires et qu’il pourrait réparer la lampe, il m’amena de façon illusoire à imaginer qu’il traversait un mouvement dépressif. Ceci l’amenant au désir d’avoir un père attentionné qui pourrait réparer le dommage. Lorsque je discutai de ce travail avec Hanna Segal, elle suggéra que la recherche d’une telle figure parentale secourable pouvait indiquer une préoccupation sincère vis-à-vis de ces attaques haineuses à mon égard durant tous ces mois. La culpabilité prenant la place de sa cruauté, des ses ruses implacables, de ses moqueries et de son déni maniaque triomphant qui était invariablement froid et vicieux. Mais elle pensa que j’étais invitée à être un parent passif, et non pas un témoin qui ferait face avec lui à ce qui se passait entre nous. Ainsi le père qui travaille dans le magasin de luminaires se révèle finalement être un imposteur et une figure omnipotente. « Comme ce que nous attendons des Présidents des pays puissants », ajouta-t-elle… Ce père pouvait tout rétablir de façon instantanée et surtout sans aucune pensée ou prise en compte douloureuse de ce qui s’était passé. Ainsi, en m’invitant à chanter avec lui, il m’invite par là même a annuler ma perception de la réalité. Ce qui est secrètement à l’œuvre est la destructivité et le manque de culpabilité. Le moment où je faiblis et où je n’interviens pas de façon appropriée est un moment où je deviens complice de sa malhonnêteté. J’en suis donc aussi responsable que lui. Ces idées sont rassemblées dans un article important de Segal : « Silence is the real crime. » Nous pouvons y trouver une application tout à fait pertinente quant aux issues de la parentalité.

31 Je souhaiterais maintenant illustrer certains aspects de la rage irrépressible susceptible de se produire lorsque l’enfant est confronté à une blessure narcissique. Nous examinerons les phénomènes d’introjection perverse que je commençai à mieux comprendre.

32 J’avais été sans relâche pendant de nombreux mois blessée, ignorée, ridiculisée et abusée de toutes les manières possibles que l’on peut rencontrer lors d’une analyse, et pourtant il me semblait, parallèlement à cela, voir apparaître quelques sentiments plus constructifs ayant tendance à se renforcer. Cependant de tels moments restaient très fragiles et je restais vigilante, sachant à quel point le contact entre nous pouvait être saboté.

33 La séance que je vais décrire maintenant a lieu après deux ans et demi d’analyse. L’enfant commença la séance en s’asseyant d’emblée et réalisa deux dessins. Le premier représentait un arbre dans un jardin avec des fleurs avec à l’arrière plan la lune, des routes et un arc en ciel (je crains que ce dessin n’ait été détruit). Le second représentait un paysage d’hiver avec un bonhomme de neige, pas d’arbre, (il me dit que l’arbre avait été abattu). Mais il y avait des arbustes et d’autres fleurs et un coucou qui faisait un trou dans un autre arbre. Le bonhomme de neige avait une écharpe rabattue un peu comme des bras et son sourire avait quelque chose de suspect – un peu comme celui que Damon avait souvent lui-même. Au premier abord il semblait si amical et désarmant. Il me demanda si je connaissais les couleurs de l’arc en ciel. Alors qu’il dessinait j’étais confrontée à un dilemme. C’était si inhabituel de sa part d’être ainsi absorbé par ses dessins qui étaient pleins de détails que j’hésitais à l’interrompre. Mais mon expérience de cet enfant me disait que si j’attendais la suite pour explorer le contenu des dessins, le sens de l’arc en ciel ou de la maison, il me demanderait de le laisser tranquille. C’était lui qui amenait le dessin dans l’analyse, pas moi. L’atmosphère était précaire et j’étais attentive à ce moment-là au plaisir qu’il prenait à créer ses dessins. Cela semblait important pour lui. Je lui dis qu’il semblait prendre plaisir à dessiner ainsi, qu’il y avait là plein de choses intéressantes auxquelles nous pourrions réfléchir ensemble et que peut être aussi voulait-t-il que je sache qu’il connaissait les couleurs de l’arc en ciel et que c’était important pour lui.

34 Instantanément, toute communication constructive disparut et je me retrouvai en face d’une partie différente de lui qui prenait le rôle d’un supérieur, d’un professeur. Il s’adressa à moi comme si j’étais un petit enfant qui avait beaucoup de choses à apprendre. « Répète après moi ! » disait-t-il avec insistance et l’on en vint aux couleurs de l’arc en ciel. J’entrai dans le jeu tout en interprétant que lorsqu’il était si savant il devenait de plus en plus grand et voulait m’abattre comme l’arbre de son dessin de telle façon que je sois la petite qui ne savait rien. Il voulait qu’il en soit ainsi.

35 Il devint encore plus dictatorial me demandant de répéter encore et encore les différentes couleurs.

36 Il me criait : « Souviens-toi et donne la bonne réponse ! » Je répétais les couleurs tout en essayant de lui montrer que j’avais à être l’enfant, peut être de la manière qui lui paraissait la plus horrible, c’est-à-dire au pouvoir d’un surmoi tyrannique et méprisant. Un tel enfant ne donnait jamais la bonne réponse et avait des difficultés à se souvenir, comme lui-même avait peut être des difficultés à l’école. « Je n’ai aucune difficulté et je donne toujours la bonne réponse ! » répondit-il. Il continua de plus en plus fort en se moquant de ma stupidité. Il me demanda alors de répéter 2+2=4, 4+4=8, etc. Mais à un moment il se trompa et il dut me demander la réponse. À ce moment là, de petit dictateur qu’il était, il devint Hitler. De manière totalement folle il s’empara de la poubelle et m’attaqua en hurlant. Il était dans une rage narcissique de nature psychotique. Il se mit à envisager toutes les tortures imaginables auxquelles il pourrait me soumettre. J’essayais pendant ce temps de lui montrer que je comprenais la torture que cela pouvait être d’être un enfant qui ne savait rien et qui devait répondre. En d’autres termes, quand son omnipotence était prise en défaut, il ressentait cela comme une torture.

37 Dans cette séance nous voyons avec quelle rapidité le contact positif qu’il avait avec moi se perdit au moment où il venait de terminer ses dessins, peut être au moment où je l’amenais à prendre en compte ma propre contribution à son travail. Cette contribution peut avoir été vécue par lui comme une demande formelle, faussement amicale ou narcissique de ma part de l’amener à s’intéresser à moi. Les dessins de l’enfant étaient particulièrement vivants et reflétaient une atmosphère plus amicale unissant différents courants : l’été et l’hiver, le soleil et la neige, l’amour et la haine, aussi bien que l’arc-en-ciel, symbole d’espoir et de retrouvailles. Cependant le bonhomme de neige avec son sourire suspect et la façon malveillante dont il croisait le bras comme un personnage cruel et prêt à tout gâcher, correspondait à ce qui se passa précisément ensuite dans la séance.

38 Je pense que Damon est dans une identification introjective avec un tel objet (le bonhomme de neige) qui en n’assurant ni contrôle ni frontière, donne l’impression d’attendre passivement et de permettre que tout soit sali. L’enfant ne peut donc croire qu’il y ait quelqu’un susceptible de s’opposer à ses attaques omnipotentes. Ceci accroît non seulement son excitation mais aussi sa terreur. Un monstre a pris la place du surmoi. Les yeux du bonhomme de neige reflètent ses expériences réfrigérantes de survivre dans un tel univers, reflétant aussi l’internalisation d’une philosophie parentale consistant à dire : « Je te laisse faire tout ce que tu veux. » Il ne s’agit pas seulement de la question de fermer l’œil sur ce qui se passe (Steiner, 1985), mais d’une collusion avec un œil d’une indulgence perverse. Un tel parent dénie la vérité de l’expérience de l’enfant, et il est introjecté comme un être quiescent, omniscient et supérieur (O’Shaughnessy 1990). Un tel parent indulgent internalisé met en place un idéal du moi présenté comme tolérant et compréhensif mais qui est en fait fondamentalement cruel. L’enfant idéalise cette figure et s’identifie à elle. Ceci va de pair avec le fait que de tels parents ne peuvent supporter d’être vus comme de mauvais parents carençants. Et l’on pourrait se demander si à leur manière ils ne sont pas terrifiants pour l’enfant. Une interprétation de la petite maison en haut de l’arbre pourrait être qu’elle représente cette figure mise au sommet représentant la partie indulgente du self. L’analyse montra de manière continue que si je n’entretenais pas une telle attitude il jetterait la maison au sol comme nous le vîmes dans cette séance. De tels patients demandent à l’analyste d’encourager cette croyance illusoire. Dans le cas contraire le retour sur terre est une chute catastrophique.

39 L’apparition d’un transfert psychotique nous amène à examiner ce genre d’issue à l’analyse, au fond il s’agit là après tout d’une manière pour le patient de communiquer un sentiment insupportable. Il n’y a pas d’issue. Si je pactise avec son narcissisme en tant qu’analyste-parent indulgent, je suis inconsciemment perçue comme un bonhomme de neige monstrueux, froid, cruel et complice. Si je ne pactise pas je suis alors perçue comme une figure d’une puissance insupportable, cruelle et torturante. Il y a en outre un problème contre-transférentiel dans cette mise en acte. L’enfant apparaît à certains moments si insupportable, attaquant de manière si invasive, moi-même et ma capacité de le supporter, que non seulement je peux devenir effrayée et terrorisée mais je risque de ressentir une haine en retour vis-à-vis de lui et de vouloir réellement le jeter par terre. Il réalise ainsi une structure qui le prive d’un objet parental porteur, capable de transformer et de contenir ces expériences. Plus personne désormais ne peut rien connaître de la partie de lui qui est exposée à un Hitler tyrannique. Il me fallait découvrir et essayer différentes manières de supporter ses provocations et de prévenir ses accès de colère. L’image du coucou, bien qu’illustrant une activité vivante, présente un aspect plus insidieux. Je ressentis et il m’apparut clairement à quel point il transperçait de façon répétée ses objets internes de telle manière qu’il ne pouvait jamais constituer un tel objet à l’intérieur de lui. Il perpétuait ainsi un état de déprivation permanent. Il était victime de ses manœuvres omnipotentes. Le risque du bonhomme de neige est toujours de fondre : il est après tout sans vertex. La honte, le désespoir et un futur de désolation restent derrière lui.

40 Je décrirai maintenant la fin de cette analyse. La nécessité pour les parents de regagner leur pays d’origine amena cette analyse à une fin prématurée. Bien que les parents aient eu l’impression que leur enfant s’était amélioré sur le plan du comportement, je restais pessimiste. Pendant les quelques dernières semaines de l’analyse il passa beaucoup de séances à se pelotonner, à dormir ou à faire semblant de dormir. Lorsque j’ouvrais la porte au début de la séance, il se ruait dans la pièce en évitant mon regard et se réfugiait sous la couverture du divan avec de consistantes provisions qu’il amenait avec lui (jus de fruits, chips, biscuits, bonbons…). Non seulement il m’ignorait du regard mais il restait sourd à toute tentative de ma part d’interpréter son comportement en lien avec l’issue prochaine de l’analyse. Je me sentais impuissante, désespérée et provoquée et ressentais parfois une haine froide. Il pensait clairement qu’il était dans une position plus enviable que la mienne. J’étais dans la position de l’enfant abandonné comme il l’avait été lui-même quand sa mère était enceinte et préoccupée par son frère puîné. Il mit au point un scénario sous la couverture qui ressemblait en fait vraiment à un ventre gravide. Il se vivait comme une unité mère enceinte-bébé fixé dans une satisfaction mutuelle complète, n’ayant besoin de rien ni de personne. Ce fantasme était élaboré. Il commença à faire des choses sous la couverture, faisant assez de bruit ou me lançant des regards à la dérobade afin de provoquer ma curiosité sans la satisfaire. Il frustrait cruellement mes tentatives d’entrer en contact avec lui. Il faisait les bruits les plus dégoutants, me donnant l’impression d’être dans une orgie au sein de laquelle il représentait la mère enceinte narcissique. J’en vins à reconnaître qu’il projetait son désespoir d’être prisonnier d’un cercle vicieux ; l’unité bébé-mère enceinte ressentie comme supérieure, dégoutante et comme un vrai cocon, et détestée par l’enfant laissé pour compte, moi-même dans le transfert, détesté, et redouté. En retour cet enfant est méprisé. Alors l’enfant est l’objet d’une indulgence qui n’est qu’un moyen de nier le caractère insupportable de la situation. Tout est recouvert d’une culpabilité persécutoire qui est paradoxalement déniée. La mère est ressentie comme tellement impliquée narcissiquement dans sa nouvelle grossesse qu’elle ne peut offrir à l’enfant aîné la possibilité de se développer comme un membre de la famille. Nous pouvons avancer que lors de sa première enfance Damon a sans doute été dépourvu de parents suffisamment forts pour affronter sa haine sa rage et ses sentiments envieux, des parents susceptibles de conforter son développement psychique. Il lui manquait en particulier l’expérience d’un père fort capable de lui fixer des limites et d’alléger ses sentiments persécutoires liés à ses attaques fantasmatiques et destructrices. Des parents œdipiens et réparateurs étaient absents de son univers. Ses tendances tyranniques furent supportées avec indulgence et l’évasion narcissique prit la place d’un renforcement du moi. Les sentiments qu’il ne put actualiser dans sa petite enfance détruisirent le cœur de sa santé psychique et de son humanité. Quand je pus travailler à partir de ces éléments et lier de tels sentiments avec la fin de l’analyse il put en partie en émerger et commencer à jouer comme un garçon d’une dizaine d’années. Il m’apporta des photos de lui-même depuis sa naissance jusqu’à maintenant et emporta des portraits de moi comme souvenir.

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Mots-clés éditeurs : Carence parentale, Narcissisme, Psychopathie

Mise en ligne 15/09/2014

https://doi.org/10.3917/top.127.0039
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