Topique 2012/3 n° 120

Couverture de TOP_120

Article de revue

Shahriar/Shéhérazade avec Sade

Pages 81 à 100

Notes

  • [1]
    Le titre rappelle l’article écrit par Lacan : « Kant avec Sade » où il va faire un développement sur la question de l’objet dans la culture.
  • [2]
    BENCHEIKH, Jamal Eddine, MIQUEL, André, (trad.) Les Mille et une nuits, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2006.
  • [3]
    SADE, D. A.F de, (1740-1814), Les infortunes de la vertu, (1791), préf. par Michel Delon ; présentation, transcription et notes par Jean-Christophe Abramovici, Paris, CNRS éd., Bibliothèque nationale de France, Cadeilhan : Zulma, 1995.
  • [4]
    LABORDE, Alice M, Sade Authentique, Éd. Slatkine, Genève, 1999.
  • [5]
    GUILBERT, Cécile, LEROY, Pierre, 50 Lettres du Marquis de Sade à sa femme, Éd Flammarion, 2009.
  • [6]
    BENCHEIKH, Jamal Eddine, MIQUEL, André, (trad.) Les Mille et une nuits, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2006.
  • [7]
    SADE, D. A.F. de, La Nouvelle Justine, ou les Malheurs de la vertu, suivie de l’Histoire de Juliette, sa sœur. Ouvrage orné d’un frontispice et de cent sujets gravés avec soin... Tome premier [dixième] En Hollande. 1797 10 vols.
  • [8]
    SADE, D. A.F. de Les 120 journées de Sodome, ou l’École du libertinage... [1785]Sceaux, Jean-Jacques Pauwert (impr. de A. Beurq), 1953, 3 tomes en 3 vols.
  • [9]
    Aline et Valcour ou le Roman philosophique / écrit à la Bastille un an avant la Révolution de la France ; préf. de Gilbert Lely Paris, Union générale d’éditions, 1971, 2 vol.
  • [10]
    SADE, D. A.F. de La Philosophie dans le boudoir, préface de Matthieu Galey, Hachette, 1976.
  • [11]
    SADE, D. A.F de, Dissertation du Pape Pie VI sur le meurtre, Introduction d’Éric Marty, p.11, Éd Manucius, 2011.
  • [12]
    SADE, D. A.F de, Les Crimes de l’amour : nouvelles héroïques et tragiques ; (précédées d’une) Idée sur les romans / DAF de Sade, texte établi et présenté par Michel Delon, Paris, Gallimard, 1987.
  • [13]
    LACAN, J, « Kant avec Sade », Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 782.
  • [14]
    À l’immortalité. Français ! encore un effort si vous voulez être républicains et libres de vos opinions… Paris Rouanet, 1848,16 p., 1993, BN Paris.
  • [15]
    Français, encore un effort encore un effort si vous voulez être républicains et libres de vos opinions, précédé de L’Inconvenance majeure, par Maurice Blanchot, Éd. Jean Jacques Pauvert, 1965.
  • [16]
    MARDRUS, Jean-Charles, Les Mille et une nuits, Laffont , 1986
  • [17]
    BENCHEIKH, Jamal Eddine, MIQUEL, André, (trad.) Les Mille et une nuits, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2006.
  • [18]
    BENCHEIKH, Jamal Eddine, BREMOND, Claude, MIQUEL, André, Mille et un contes de la nuit, Paris, Gallimard, 1991.
  • [19]
    HUSSEIN TAHA, Shéhérazade et la clé des songes, Paris, Dialogues éditions, 1997.
  • [20]
    LACAN, J, « Kant avec Sade », Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 782.
  • [21]
    MIJOLLA-MELLOR, Sophie de, Le Choix de la sublimation, Paris, PUF, 2009.
  • [22]
    SADE, D. A.F. de, Les Crimes de l’amour : nouvelles héroïques et tragiques ; (précédées d’une) Idée sur les romans, texte établi et présenté par Michel Delon, Paris, Gallimard, 1987.
  • [23]
    Une histoire de couple : Aline et Valcour, Édition établie par Béatrice Didier, Le livre de poche, Librairie générale française , 1976.
  • [24]
    MARDRUS, Jean-Charles, Les Mille et une nuits, Laffont , 1986.
  • [25]
    RIMSKY KORSAKOV, Nikolaï, Suite symphonique d’après « Les Mille et une nuits », opus 35, (1888).
  • [26]
    SADE, D. A.F. de, (1740-1814), Ceci est mon testament, Calligrammes , 1987.
  • [27]
    SOURDEL, D., L’état impérial des califes abbassides, VIIIe-Xe siècles, PUF, 1999.

1 La psychanalyse a souvent travaillé les écrits littéraires dans la relation de l’auteur à son texte, les modalités d’écriture, ou la fonction de l’œuvre.

2 Dans ce qui suit, nous allons comparer deux situations inédites ne se situant pas à la même époque, avec une qualité d’écriture, des modalités de production d’auteurs différents.

3 Une position médiane, transitionnelle, va nous permettre de naviguer entre l’une et l’autre des œuvres, pour en garder à la fois l’authentique de la substance, vu la valeur littéraire spécifique, et tirer les fils là où des thématiques paraissent pertinentes à saisir pour la psychanalyse.

4 Ces deux situations issues de deux œuvres fondamentales sont celle du couple Shéhérazade-Shahriar, dans les Mille et une nuits, et l’œuvre du marquis de Sade.

5 L’une été écrite entre le VIIIe et le XIIe siècle à Bagdad, du temps du Roi Haroun Al Rachid. L’auteur est anonyme, et l’histoire dit que toutes les nations auraient laissé leur empreinte : Grèce, Inde, Perse antique, Égypte, Chine. [2]

6 La seconde fait partie du XVIIIe et du XIXe siècle, contemporaine de la Révolution française.

7 Deux époques différentes, sur deux lieux différents, mais marquées toutes deux par l’effervescence populaire et politique.

8 D’autre part la qualité littéraire de l’œuvre même diffère : les œuvressadiennes sont reconnues pour avoir valeur littéraire au plan académique, et les commentateurs en sont nombreux, au-delà du monde des lettres. Sade produira une œuvre gigantesque : une quinzaine de pièces de théâtres, quatre romans, un récit de voyage, des dizaines de contes et nouvelles, des centaines de lettres.

9 Le texte des Mille et une nuits est davantage la transcription écrite d’une transmission orale. Cependant la valeur symbolique du texte l’intègre au patrimoine de la littérature universelle, qui en reconnaît un chef d’œuvre, d’une valeur littéraire inestimable. Il s’agit de contes, d’histoires qui s’enchevêtrent, d’amour, de magie durant mille et une nuits où la narratrice développe un écheveau de laine où il s’agit cependant pour elle de sauver sa vie, en faisant sortir Shahriar de la Nuit. Le Roi Shahriar, époux de Shéhérazade, qui pratiquait des meurtres en série sur les jeunes filles vierges, va sortir d’une forme de malédiction de destin par les récits de la conteuse, récits qui la délivrent également.

10 Dans l’un comme dans l’autre des textes, il y a des femmes qui racontent. Si Sade dit que pour Justine ou les infortunes de la vertu[3] le texte n’est pas de lui, c’est manifestement lui qui fait parler les femmes.

11 Univers très différents mais se rejoignant sur certaines thématiques, dont nous allons tirer des fils comme hypothèses de travail : la représentation de la femme, la sexualité, l’amour et le meurtre, le désir et la loi, et enfin la sublimation.

PRÉSENTATION DES AUTEURS ET DES ŒUVRES

12 Si l’on reprend un peu brièvement la biographie, Sade naît en 1740. Durant les 20 premières années, jusqu’en 1963, ce furent les années de jeunesse où il vécut dans un château son enfance et son adolescence. Issu de la grande aristocratie, où les histoires familiales étaient riches, [4] Donatien Alphonse François fut élevé par sa mère jusqu’à ses quatre ans, puis par des abbés et des gouvernantes. Ses parents vivaient de façon très mondaine, côtoyant les grands politiques ; mais sa mère se plaisait dans la vie monacale des abbayes et s’enferme dans un couvent. Son père était libertaire, avec des maîtresses. Il connut des périodes difficiles, où ses biens furent confisqués, et fut suspecté d’être un espion.

13 À l’armée, on note que le jeune homme est brave, mais a un esprit dérangé.

14 En octobre 1763, peu après son mariage, Sade est emprisonné une première fois à Vincennes, pour débauches outrancières et blasphèmes. Il sera amoureux d’une femme mais les convenances sociales de l’époque font qu’il en épouse une autre qui lui sera dévouée.

15 En 1772, il est de nouveau accusé par des prostituées à Marseille d’empoisonnement pour des pastilles aphrodisiaques ; il fugue avec Anne Prospère en Italie, mineure et chanoinesse, et sœur de sa femme. Sa belle-mère, mère de son épouse, la présidente de Montreuil qui l’avait en aversion, s’arrangera pour transformer un arrêté simple en un emprisonnement sur plusieurs années à la prison de Vincennes, obtenant une lettre de cachet contre lui.

16 Enfermé pendant 5 ans, du Donjon de Vincennes en 1777 à La Bastille en 1785, vivant différentes persécutions il va écrire, d’abord à sa femme, [5] Renée-Pélagie, l’épouse imposée, et non aimée, près de 900 lettres d’un ton brillant, léger, musical, poétique, enflammé, mais sous le badinage duquel émergent les thèmes de cruauté qu’il développera par la suite.

17 Sade a participé à l’avènement de la république, pris part à la Révolution comme homme public, dans un engagement politique et humanitaire. Sa folie d’écrire ne s’interrompt pas, et s’il est libéré en avril 1790, il est arrêté en décembre 1793, libéré en 1794 et de nouveau arrêté en 1801. Il connaîtra ainsi les prisons de la république (1793-1803) et finira ses jours à l’hospice de Charenton, de 1803 à 1814, ayant malgré ses engagements peu d’appuis au plan social et politique, vu son positionnement et ses exactions persistantes.

18 Pour Shahriar et Shéhérazade [6], on a peu d’éléments biographiques. On sait que Shahriar est en couple avec Shéhérazade, mais que ce couple est en sursis.

19 Le prologue des Nuits montre que Shahriar est furieux d’avoir vu son épouse légitime dans une scène érotique avec des esclaves hommes et femmes, même scène qui s’est répétée pour son frère, et qu’il a résolu d’épouser une vierge par soir et de la décapiter le lendemain matin de ses noces. Quant le royaume est mis à mal et que toutes les familles craignent pour la survie de leurs filles et des générations, c’est Shéhérazade, fille de son vizir qui propose à son père de la mener au Roi. Shéhérazade signifie fille de la ville.

20 De Shéhérazade aussi on sait peu de choses. Son père est vizir à la cour du Roi et on ne connaît pas sa mère. Elle a une sœur, Doniazade, qu’elle souhaite saluer la première nuit et qui lui demandera de raconter des contes jusqu’à ce que le Roi la relance. Ce à quoi nous nous attachons ici étant surtout la relation Shéhérazade-Shahriar, et les enjeux de celle-ci.

21 Shahriar est roi de l’Inde et de la Chine, et a un frère du nom de Shahzaman, Roi de Samarkand. Shahriar signifie ami du Roi, et Shahzaman, roi du temps.

22 Il est possible que Shahriar soit assimilé au Roi Haroun al Rachid, qui était connu dans l’histoire, dans ce qu’il a apporté au plan grandiose à la civilisation arabo-musulmane, mais aussi pour être un grand sanguinaire. Il n’hésitait pas,pour voir si son porte glaive savait manier le sabre, de lui demander d’exécuter face à lui qui lui plaisait.

23 Deux œuvres monumentales renvoyant à des imaginaires différents, l’un sous forme de contes dans un univers d’une autre dimension, sous couvert de sensualité et de volupté en apparence, fait rentrer de plain-pied dans une réalité populaire vivante .

24 Les écrits de Sade sont dans une réalité en apparence plus violente, plus radicalement en prises avec l’histoire de la Révolution. Mais son œuvre a de multiples aspects, dans une recherche intrinsèque à la littérature.

HISTOIRES DE FEMMES

25 Au début de l’œuvre de Sade, il y a un voile de poésie, de volupté notamment dans l’adresse à sa femme, puis il mettra en scène des femmes dans différentes intrigues. Justine ou les malheurs de la vertu (1791) et l’histoire de Juliette, sa sœur (en 1797), [7] sont des scénarios de scènes les unes plus débridées que les autres, où des femmes narratrices sont héroïnes des récits. Il se situe là en lecteur critique et non en auteur, déniant que le texte soit de lui.

26 Dans les 120 journées, écrit fin 1785 [8] qu’il pleura en larmes de sang, croyant l’avoir perdu le 14 juillet 1789, apparaissent des conteuses mais aussi des historiennes. Un ensemble de personnalités de la haute société se retrouve dans des groupes orgiaques, et il en fera périr une majorité, sauf le groupe des historiennes.

27 Les récits sont parfois dans des effets miroir les uns des autres : de la première Justine à la troisième Justine, où l’on retrouve des rebondissements parfois redondants.

28 Aline et Valcour, ou le Roman philosophique[9], premier des ouvrages de Sade à avoir été publié sous son vrai nom, proche de sa biographie, met en scène des couples, qui, à partir d’un interdit initial, connaissent mille et un périls. Le récit est fait de correspondances et de récits de voyage picaresques dans une architecture d’histoires encastrées dans d’autres, rejoignant la forme des Mille et une nuits.

29 Autant chez Sade que dans les Nuits, les histoires sont prises dans des intrigues et des scénarios exacerbant l’érotisme et le désir dans un raffinementextrême. Les histoires passionnelles font pléthore, dans l’idée d’une initiation des femmes au plaisir et à la jouissance, libérant les sages, pervertissant les libertines. Multiplication des aspects initiatiques dans l’excitation du fantasme, dans une volonté d’emprise et de contrôle, faisant monter la bouffée d’adrénaline, avec la ferveur avec laquelle Proust parle de la femme de Swann, et de ses atours, dans la Recherche du temps perdu.

30 Le marquis de Sade enferme les jeunes femmes, et s’il leur fait subir les tortures, le supplice n’a trait pas seulement au corps, (exacerbant le visuel fétichiste de la guêpière, au corset, de l’habit) mais aussi au cœur, dans le sombre feu d’un diamant noir. Pour lui, l’érotisme renforce le pouvoir sexuel à craindre ou pas, univers de sexualité qui en pousse les représentations dans un inextinguible plaisir certes, mais qui rapidement trouve son point de limite ou de croix par une forme outrancière.

31 L’esthétique des textes peut aussi provoquer une sorte d’effroi, voire de nausée tant il pousse à l’extrême le blasphème, les obscénités, les limites, et surtout par l’attaque des différents objets culturels, dans la limite de la bienséance et du respect des convenances morales. Les attaques subtiles renvoient aux interstices du plaisir, mais aussi à l’intime et à la pudeur, frôlant les objets intimes dans une sorte d’effraction du Moi-peau, voire effraction du corps contenant qui glisse vers la pulsion du crime. Provocations et violences qui lui vaudront d’être confronté au politique et à l’autorité de l’époque et enfermé en prison. C’est là qu’il écrira, dans un univers où la persécution est présente, qu’elle soit subie de l’intérieur de sa geôle, ou de l’extérieur, par ceux qui l’y ont enfermé.

LA VIOLENCE SADIENNE

32 Lorsque Freud a voulu préciser les deux grands instincts, l’instinct de vie-la sexualité et l’instinct de mort-la destruction, il enseigna que le sadisme, essentiellement d’orientation destructrice, est un instinct primitif, détaché du Moi naissant par la libido narcissique, qui a trouvé à s’exercer à l’intérieur du Moi et en dehors du sujet, donc sur l’objet, sur l’Autre. La conduite sado-masochiste apparaît dans une mise au dehors de ce qui ne s’est pas structuré dans une élaboration du dedans. Si le marquis de Sade cherche un certain masochisme, il est le plus souvent attribué projectivement à ses personnages, surtout féminins. Son sadisme paraît magnifié, célébré, pris dans une position sublimatoire, tel un exhaussement spirituel, intriquant Éros aux pulsions d’emprise.

33 De tous les crimes d’amour ainsi que les nomme lui-même le marquis de Sade, dans une forme de dialectique avec la passion, l’inceste a une place privilégiée. Apparaissent des héros en quête d’absolu avec un sens aigu de l’honneur, où le secret de la cruauté sadienne dans le raffinement du supplice atteint en réalité sa cible dans la profondeur du cœur épris.

34 Le rapport père/fille, notamment, est exalté ; la joie du père est dans le reflet en miroir de sa fille. Par contre, cela mène au crime sur la mère, perpétré par une autre femme, la fille, sur ordre du père. Dans la Philosophie dans le Boudoir[10], l’inceste mère/fille apparaît sous la figure d’un viol, aux antipodes de la jubilation du bonheur père/fille.

35 Le père est dans une position d’omnipotence, possesseur de la fille, et de l’amant, permettant une volonté de puissance sans bornes, pris dans une logique du Maître et de l’esclave.

36 La position de l’inceste, n’articule pas le sujet avec l’extérieur même si la douleur du meurtre de la mère par empoisonnement que le père a chargé la fille de perpétrer est perceptible. Elle interroge le refus de l’exogamie et les modalités de l’échange aux sources de la société humaine, l’interdit primordial de l’inceste et du tabou.

37 Lorsqu’il écrit à l’intérieur de sa geôle, avec un échange limité avec l’extérieur, l’époque voit venir la révolution, dans le rêve d’abolition des privilèges, les remous d’un peuple en ébullition. Est-ce en écho qu’il met en scène, dans 120 jours de Sodome, la grandeur et la décadence d’une société du XVIIIe siècle, dans la noblesse de la pureté du sang ?

38 D’une autre façon, dans Dissertation du Pape Pie VI sur le meurtre, il légitime le crime dans une violence orgiaque livrée en échange d’une femme, Juliette, qui fait perdre à la mort même sa signification. [11]

39 Pourtant Sade dit [12] :

40

« Jamais je ne peindrai le crime que sous les couleurs de l’enfer ; je veux qu’on le voye à nu, qu’on le craigne, qu’on le déteste, et je ne connais point d’autre façon pour arriver là, que de le montrer avec toute l’horreur qui le caractérise. Malheur à ceux qui l’entourent de roses ! Leurs vues ne sont pas aussi pures, et je ne les copierai jamais. Qu’on ne m’attribue donc plus, d’après ces systèmes, le roman de Justine ; jamais je n’aurai fait de tels ouvrages, et je n’en ferai sûrement jamais… »

LE DÉSIR, L’OBJET ET LA LOI

41 Lacan fait une analyse passionnante dans Kant avec Sade[13] sur le désir et de la Loi, en passant par la question de l’objet, rappelant que le désir de l’homme est le désir de l’Autre.

42 Si le principe de plaisir, c’est le whol, le bien être, Kant apporte la nuance que la recherche du Bien n’a de sens que si elle a pour visée la loi morale, souverain Bien des antiques, soustraction de poids qu’il produit dans l’effet d’amour propre (Selbstsucht).

43 Avec le paradoxe que ce soit au moment où ce sujet n’a plus en face de lui aucun objet, qu’il rencontre une loi, parfois phénomène, voix dans la conscience, maxime, proposant l’ordre d’une raison purement pratique. Maxime, qui pour qu’elle fasse loi, doit s’articuler comme universelle en droit de logique, s’imposant dans une dialectique. À l’expérience de la loi morale, nulle intuition n’éclaire un objet phénoménal, qui pourtant est noué à la nécessité d’une liberté pour les peuples sans laquelle ils seraient en deuil. Objet qui se dérobe et se devine à la trace dans ce qui s’extrait d’une érotique et d’une innocence, dont Lacan montre le bien fondé par la nature, dans sa correspondance au Beau et au juste.

44 Lacan, reprend la Philosophie dans le Boudoir, (1740-1840), avec l’appel fait par Sade au peuple français dans son pamphlet À l’immortalité, Français ! Encore un effort si vous voulez être républicains et libres de vos opinions[14]… La maxime correspond à un discours sur la liberté, à la volonté des droits inaliénables de l’homme, comme un appel au droit à la jouissance, à l’énonciation du sujet. De la dérégulation naît la contrainte qui devient principe de régulation, la violence se fait remaniement dans un intrinsèque où la douleur se juxtapose à l’intime et se noue à l’expérience morale. Lacan développe sur un troisième terme développé par Kant, faisant défaut dans l’expérience morale : l’objet pris dans l’accomplissement de la loi, renvoie à l’impensable de la chose en soi, descendu de son inaccessibilité, dans l’expérience sadienne, et dévoilé comme un « être là », Dasein, de l’agent du tourment, qui garde l’opacité du transcendant, objet étrangement séparé du sujet. Le héraut de la maxime n’a pas besoin d’être ici plus que point d’émissions. Il peut être une voix à la radio, rappelant le droit promu du supplément d’effort qu’à l’appel de Sade les Français auraient consenti, et la maxime devenue pour leur république régénérée Loi organique.

45 Toujours dans Français, encore un effort, Maurice Blanchot fait une introduction sur l’inconvenance majeure, [15] où nous retrouvons l’expérience politique de Sade : « L’insurrection n’est pas un état moral, elle doit être l’état permanent d’une république ; il serait donc aussi absurde d’exiger que ceux qui doivent maintenir le perpétuel ébranlement immoral de la machine, fussent eux-mêmes des êtres très moraux parce que l’état moral d’un homme est un état de paix et de tranquillité, au lieu que son état immoral est un état de mouvement perpétuel qui le rapproche de l’insurrection nécessaire dans laquelle il faut que le républicain tienne toujours le gouvernement dont il est membre. »

46 Remarquons enfin que Sade appelle régime révolutionnaire le temps pur où l’histoire suspendue fait époque, ce temps de l’entre-temps où entre les anciennes lois et les lois nouvelles règne le silence de l’absence de lois. (p. 39)

SHÉHÉRAZADE ET SHAHRIAR

47 Dans les Mille et une nuits, la narratrice Shéhérazade va dérouler le fil des contes qui permettra au Roi Shahriar de sortir du labyrinthe. Mais d’autres femmes vont peupler l’imaginaire des Nuits : sa sœur Doniazade, qui écoute les contes dans la chambre du roi ; la princesse Abriza, maîtresse d’une horde féminine ; les épouses adultérines du Roi et son frère, Mère des calamités déguisée en ascète qui participe aux ruses de guerre ; Aziza, morte d’avoir tant aimé Aziz, ou encore la déesse souterraine Bellouqqi qui connaît le chemin qui mène au Roi Salomon. [16]

48 Dans le texte des Mille et une nuits, sensualité et séduction sont présentes. C’est le côté populeux qui en devient obscène et a attiré la vindicte et censures des autorités religieuses. Mais la forme outrancière du texte n’est pas du côté d’une intrusion de l’intime, mais davantage sur le versant d’une bouffonnerie dans la naïveté, d’un trop de sexuel.

49 Il n’y a pas plus de 200 histoires dans ces Mille et une nuits[17], qui s’enchevêtrent les unes aux autres, convoquant la réalité populaire la plus anodine, avec tous les personnages en jeu : du juge père de famille, aux couples qui s’aiment d’amour fou et refusent le mariage, au jeu des puissances occultes incarnées par des esprits invisibles qui font le jeu du monde, aux déesses souterraines, garantes de cultes secrets, qui constituent des piliers d’équilibre.

50 Le Roi dort et écoute, vaque aux fonctions de gouvernance de son peuple lematin, et revient le soir écouter Shéhérazade, puis commence à poser des questions : « Raconte-moi des histoires sur les femmes qui tourmentent les hommes de la chair non satisfaite. »

51 Si ce n’est le subterfuge de la narratrice, il n’y a aucun raffinement esthétique, le roi est dans l’attente et la proie, il écoute comme un enfant. Quand elle s’autorise à quelques remarques, il réagit vivement, lui rappelant le décret initial de la tuer comme toutes celles qui l’ont précédée. Point de départ de sa fureur sanguinaire, est la scène inaugurale des Nuits, scène primitive insupportable de voir pour Shahriar ainsi que son frère sa femme avec d’autres hommes et femmes. Vision redoublée par le premier conte des Nuits où les deux frères rencontrent une jeune femme prisonnière d’un Génie, enfermée dans un vase, qui leur montre les alliances des hommes qu’elle a possédés, là où est aussi la subtilité de la narratrice dans un jeu d’identifications avec les femmes qu’elle met en scène pour le Roi.

52 C’est subrepticement dans la trame des histoires que l’on retrouve le raffinement et l’intelligence de la conteuse lui permettant de sortir du décret du crime posé par le roi.

53 Scènes conjugales, homosexualité féminine, masculine, scènes érotiques mêlent davantage ruses et manipulations qu’une forme sadomasochiste d’emprise, se déroulent dans les histoires des Mille et une nuits, bien que l’on s’interrogera sur le masochisme de Shéhérazade, et le versant sacrificiel.

54 S’il y a de l’incestueux en jeu, notamment dans les contes des cousins frère et sœur dans le caveau où les a menés leurs coupables amours, ou encore dans un autre conte où le père récupère l’enfant né de l’inceste, le véritable enjeu est dans le couple Shéhérazade-Shahriar, où il s’agit de sortir de l’implacable du meurtre sur les jeunes femmes.

55 Le Conte d’Ala’Ddin Grain de beauté raconte l’histoire d’un vieillard qui a mis beaucoup de temps avant d’avoir des enfants. Ala’Ddin signifie Haut dans la Foi. C’est Sésame le vilain courtier (mangeur de Hashish) qui lui fit la mixture qui épaissit les œufs de l’Homme et le rend apte à féconder la femme. Grain de Beauté grandit caché dans un souterrain pour éviter le mauvais œil, et son père lorsqu’il le sortit, fut l’objet de railleries, à le voir se promener avec un jeune adolescent, jusqu’à ce que Sésame le courtier, envers lequel il régla sa dette, dit à tous qu’il lui avait fabriqué cette mixture. Mahmoud le Bilatéral (surnommé ainsi par ses tendances bisexuelles) fut subjugué par la beauté de Grain de Beauté, et usa de plusieurs subterfuges pour le faire voyager ; il vit de multiples péripéties, fut prisonnier, faillit être sacrifié, et rencontre aussi sa femme. Grain de Beauté s’exila à Iskandaria loin de Bagdad, où il ouvrit boutique. Un jour un capitaine vint lui demander une gemme rouge talismanique, avec des noms en caractères inconnus, étant prêt à lui donner une somme importante ce qui intrigua Grain de Beauté, qui le suivit pour recevoir son argent. Il se retrouva enpleine mer et arriva à la ville de Genoa, se retrouva dans une église où une jeune femme du nom de Hosni Mariam dit qu’elle l’attendait depuis longtemps. Le roi Shahriar est ravi, demande plus de poèmes, et dit qu’il veut des histoires de sagesse, ce qui fait sourire Shéhérazade.

56 Shéhérazade use de multiples métaphores, de la mixture de Sésame avec sa recette pour réchauffer les œufs froids, qui renvoie à la formule magique de Sésame, ouvrant les portes des trésors, à la symbolique de Bilatéral. Le thème du sacrifice est aussi évoqué par le remplacement de l’homme par un autre prisonnier, où le gardien de prison fait une comparaison avec « jadis la bête sacrifiée par le patriarche à la place du fils ». L’initiatrice est là, davantage Shéhérazade, qui, d’histoire en histoire, va véhiculer tout un ensemble de significations qui prennent un sens singulier dans l’après coup pour le roi, vont lui permettre de s’arrimer à une loi et à un cadre lui permettant de sortir de la pulsion criminelle envers les jeunes vierges.

57 Cela dit, la mixture de Sésame avec sa recette pour réchauffer les œufs froids ne renvoie-t-elle pas à la profonde colère de Shahriar ? Il paraît cependant davantage intéressé dans le texte par l’excitation du désir, tant rien de ce qui fait transgression ne paraît le gêner comme si cela venait vivifier la nature des fantasmes. Sorte d’excitation phénoménale, qui fait bouger les objets culturels comme des vases communicants d’énergie au sens de l’énergétique chimique de la sublimation, l’instruction de ce désir venant réactiver encore davantage sa colère.

58 Shéhérazade, souveraine dans les Mille et une nuits[18], paraît manier l’usage du verbe avec le tranchant de la lame et de l’épée, pour se sortir du piège où elle est elle-même enferrée, dans l’enjeu de couple avec le roi où il s’agit de sortir de l’implacable du meurtre sur les jeunes femmes.

59 Shahriar est dans une transgression fondamentale : s’il épouse une vierge un soir et la tue le lendemain matin, avant qu’elle ne devienne femme, et mère, c’est la fonction de transmission qui est mise à mal, par-delà sa fonction de gouvernance, puisqu’il gouverne une cité avec des hommes et des femmes, dans le renouvellement des générations.

60 Shahriar tue les jeunes filles, avant même qu’elles ne deviennent des femmes, et mères, et porteuses d’une fécondité féconde et de transmission.

61 La scène inaugurale des Nuits, équivalent d’une scène primitive articulée à la filiation au frère a-t-elle été traumatique au point d’avoir vu l’effondrement des idéaux devant le surplus de puissance d’un trop de séduction du côté de la femme et de la mère ?

62 Shahriar est dans une position de jouissance absolue sans arrimage à la Loi. Il n’y a ni bien, ni loi morale puisqu’il va multiplier les vierges, c’est-à-dire des femmes qui n’ont, en théorie, pas de demande propre qui est supposée ne leurvenir que de l’expérience sexuelle.

63 D’emblée il occupe la position du patriarche, et Shéhérazade se moque des patriarches libidineux dans des scénarios multiples où apparaît leur violence incestueuse, les méfaits de leurs positions d’abus d’autorité, leur rivalité vis-à-vis du fils ; et ce qui les fait tomber dans les mêmes pièges dus à l’omnipotence d’un règne patriarcal, mais qui interroge sur un sacrifice côté maternel.

64 Il renvoie au père de la horde primitive avant son meurtre, au père à qui appartenaient toutes les femmes ; ainsi qu’au Totem, à la loi primordiale, à l’événement instituant l’interdit de l’inceste et du meurtre.

65 Pour Sade et Shahriar, on peut évoquer la fonction de l’écriture pour l’un (où il fait intervenir des conteuses) et la fonction du conte entendu pour le Roi.

66 On peut aussi avancer l’hypothèse que pour l’un comme pour l’autre, on est devant l’angoisse de castration productrice de rage pour l’enfant voulant satisfaire une mère omnipotente, ou une femme qui a besoin de toujours plus d’hommes pour la satisfaire.

67 Shahriar est Roi de l’Inde et de la Chine, ce qui lui confère un rôle et un statut politique. Cela dit, la gouvernance interroge sur la fonction symbolique du père. C’est dans le contrôle, la volonté de puissance et de maîtrise envers la femme que Shahriar écoute Shéhérazade, dans le cadre de son omnipotence virile, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il la reconnaît. Omnipotence qui lui donne une sorte de candeur naturelle enfantine, qui fait peut-être qu’il a pu toucher Shéhérazade, qui parlant de lui, lui a donné des signifiants à penser la loi.

68 Le Roi va tous les matins vaquer aux affaires du royaume, dont il remplit les obligations que lui impose sa fonction. S’il est dans une position patriarcale d’omnipotence, il n’est pas non plus dans une fonction de symbolisation qui fait opérer résolument la question du père.

69 Quelle signification symbolique apporte Shéhérazade ? Femme réelle, qui maintient une position qui permet au roi de penser la loi ? Par la place qu’elle occupe, le déroulement du fil des histoires qui lui donnent l’impression que c’est de lui dont il s’agit, aurait-il réussi à faire que s’établisse et se maintienne une image symbolique de la femme, dans l’envers de son propre symbolique désincarné ?

70 La position de Shéhérazade, si elle le sort de la pulsion au crime, est à double tranchant :

71

  • D’une part son tourment ne s’arrête pas ; dans la Mille et troisième nuit,Taha Hussein fait parler Shahriar, qui la regarde dans son sommeil, quêtant une parole car il la trouve énigmatique. [19] Des différentes versions continuant l’œuvre des Mille et une nuits, on a une Shéhérazade qui se venge ; une Shéhérazade quiraconte au Roi la culpabilité qu’elle sait de ses cauchemars à avoir tué d’autres femmes.
  • D’autre part elle interroge la Loi au travers de la vertu, le Roi d’Inde et de Chine invite à une conception quasi confucéenne de la question. Est-ce Saint Just ou Sade qui aurait écrit ? « Rien ne ressemble à la vertu qu’un grand crime ? »

72 On peut suivre la ligne de la pensée kantienne de la « chose en soi », du noumène phénoménal, ou de l’objet dans sa fonction transcendante. [20]

73 En effet, l’objet pour Shahriar s’articulerait-il de la même façon que pour Sade, dans une position de jouissance transcendante mais qui n’est pas articulée de façon signifiante à un réseau de significations ? L’Autre, en l’occurrence la femme, a une forme abstraite, non identifiée, si ce n’est en objet idéal, idéel, et absolu. La psychanalyse nous apprend qu’à côté d’une mère idéale, idéelle, sacro-sainte, existe la position de celle qui est déchue, envers de la prostituée qui a chuté de son piédestal. Comment symboliser alors la femme dans son lien au maternel ?

74 Shéhérazade va invoquer le spirituel, mettant la femme dans la lumière, là où sa place est mise à mal. Rapport à la Loi qui va s’arrimer à ce qu’amène Shéhérazade de la filiation des différents prophètes, Loi autre qu’il pense transcendante et sacrée, et l’arrime à un ordre de la Loi.

75 Comment a-t-elle fait pour qu’il saisisse le sens de la loi symbolique alors qu’il n’y a jamais été introduit autrement que par ce qu’il signifie d’une lumière éblouissante et divine mais aveuglante là où le divin ou l’idéal où il tenait sa femme a été mis à mal ? Lumière éblouissante qui est le point sensible, lumineux, où s’accroche le désir à la loi. Là comme objet transcendant séparé, mais ce n’est qu’en se raccrochant à une réalité de chair, autre expérience de transcendance que la chose en soi est nommée : parole de femme, s’il en est une qui le soit, parole de l’un transcendant, maxime, nom, mais parole tout de même.

76 On a vu que Sade essaie de faire tenir une position d’omnipotence paternelle au prix de l’inceste et du crime envers la mère, qu’il sera reconnaissant à sa femme de lui être restée dévouée, mais qu’il finira sa vie néanmoins dans un asile. Son œuvre est ce qu’il aura laissé à la postérité. Il aurait eu le vœu de faire disparaître son corps, comme s’il cherchait, dans cette néantisation, une autre empreinte signifiante de lui-même. La postérité fera de son œuvre littéraire cette empreinte.

77 De par la position de Shéhérazade, Shahriar aurait-il ou non réussi à faire que les images ne soient pas clivées, lui permettant d’introjecter la femme ? Que la position de l’image féminine ait une place et fonction symbolique, là où les idéaux en lien à la femme ont été mis à mal.

78 Shahriar sort en tous les cas du crime par le plaisir qu’il prend à écouter laconteuse et à retrouver ses obsessions transformées en objets esthétiques, bref en objets de culture.

79 Shahriar s’en sort car il pense que Shéhérazade parle de lui.

DE QUEL ORDRE AMOUREUX SHAHRIAR EST AVEC SHÉHÉRAZADE ?

80 Par la séduction féminine, Shéhérazade défend en réalité le maternel que Shahriar attaque en tuant toutes les femmes qu’il a fait passer au statut de femmes et donc de mères potentielles.

81 Mais on peut être interrogatif de sa position masochique voire sacrificielle, même s’il y a une tentative de sortir du sacrifice par l’engagement dans la parole que permettent les Contes. C’est Shéhérazade qui va produire de l’esthétique par les Contes qu’elle raconte et enrobe de sens et significations

82 Une interrogation demeure sur ce féminin qui n’est là que comme une manipulation séductrice pour rétablir la transmission de la vie. Shéhérazade peut-elle aimer le roi qu’elle séduit de nuit en nuit ? Si elle se moque de l’homme libidineux dans ses récits, quelle image donne t’elle d’une femme amoureuse si elle est teintée de sacrifices ?

83 Schéhérazade demeurera t’elle la petite fille d’avant l’Œdipe, le minoemycenien, petite fille amoureuse de la mère dans les identifications maternelles, dans l’élaboration d’une fonction maternelle symbolique ? Va t’elle jusqu’au sacrifice d’elle-même pour que la fonction maternelle puisse continuer à se perpétrer ?

84 La Loi inviterait à ce qu’elle puisse réhabiliter une fonction maternelle. Shéhérazade invoque le sacré pour sortir du crime. Prise dans cette nasse dans laquelle elle s’est enferrée, Shéhérazade déploie un trésor d’imagination et d’intelligence, et la sublimation peut opérer à ce moment-là.

85 Le maternel ne se situe pas dans la séduction mais dans une position métaphorique sur un autre registre. Or, la position Maternelle est dans la métaphore, et nécessite de sortir de la séduction pour être dans une position métaphorique. Pour que le maternel soit dans une position métaphorique, il importe qu’il soit aussi dans une logique de parole et que l’agencement avec le symbolique dans sa fonction ait lieu. Or c’est la symbolisation de l’événement qui rend compte de la Loi, symbolisation qui permet la signification dans un effet d’après coup donnant sens à l’événement traumatique dans l’engagement d’une parole dans l’amour. Le maternel est alors symbolisé dans la loi symbolique, dans l’interpellation de la responsabilité paternelle mais aussi de la réponse donnée. Si l’on parle de métaphore de nom du père pour l’Homme et le père, faisant que l’homme se reconnaît en son nom signifiant, on parle de métaphore maternelle pour la femme et la mère en lien à son statut. Elle réhabilite dans le même temps une position paternelle/maternelle qui le lie à une filiation, qui luisignifie le temps, le castre de sa toute-puissance ; il entre dans le langage des hommes, et sort de l’animalité (Comme elle se moque d’ailleurs de lui dans les premiers contes des Nuits où différents hommes transformés en animaux).

86 Quelle fonction phallique et symbolique chez Shahriar ? Elle va avec l’amour, le cadre et le statut de la métaphore. Shéhérazade remet le cadre en place, et la joie qui va avec…

87 Il y a une articulation signifiante entre le nom du père (sa vérité) et la place de la femme et de la mère dans l’articulation désirante signifiante.

88 Elle pose des limites à l’homme qui reconnaît ses propres objets. Elle le cadre, et ils sont dans la parole l’un envers l’autre. Elle le désigne en son nom dans un ultimatum de la Loi et il entre dans la temporalité.

LA SUBLIMATION ET L’AMOUR…

89 La sublimation, invite à penser Sophie de Mijolla-Mellor, a différentes fonctions, notamment une dérivation pulsionnelle vers d’autres objets que la décharge immédiate, qu’elle soit sexuelle, ou autre. [21] Le sujet va détourner l’énergétique des objets vers d’autres buts, plus élevés, en lien aux idéaux du sujet. C’est souvent d’une expérience pré-œdipienne que vient l’énergie sublimatoire. Sublimer, c’est ne pas détruire.

90 Peut-on penser Sade pris dans une expérience sublimatoire par l’écriture ? Libéré en 1794, il ne résiste pas comme Socrate à la folie d’écrire. Sade écrit avec des circonvolutions, mais à certains moments sa narration ne s’arrête pas. Et c’est enfermé dans une geôle qu’il est en mesure d’écrire, à sa femme d’abord mais ensuite à tout un chacun, même si à certains moments on lui enlève ses papiers. Le fait d’être enfermé amène une certaine forme de contenance, même s’il a le sentiment de subir par le harcèlement une persécution qui lui vaut son enfermement. Ses manuscrits répondent aux persécutions qu’il subit à la Bastille. Il transmet par l’écrit à une infinité de lecteurs sa propre pulsion au crime sexuel, lesquels ne vont pas pour autant le mettre en acte.

91 Chez Sade, il y a un aller-retour de l’acte au fantasme, dans une intrication constante entre le fantasme, l’acte et la production de l’écriture. De Justine ou les infortunes de la vertu, (1791), il dira que ce n’est pas selon le plus ou le moins de vertu ou de vice que les êtres sont heureux ou malheureux, mais selon l’énergie dont ils font preuve, car le bonheur tient à l’énergie des principes.

92 Il y a une sublimation par le plaisir littéraire, qui a donné une portée à son œuvre. Sade s’est beaucoup intéressé à l’art du roman, d’où il retient à la base de tous les romans, chez l’homme, deux principes : la prière, et l’amour, la connaissance la plus essentielle qu’exige l’art du roman, est bien certainement celle ducœur de l’homme. Paradoxalement c’est dans les crimes de l’amour, qu’il définit le roman comme l’ouvrage fabuleux composé d’après les plus singulières aventures de la vie des hommes, fait des investigations dans toutes les nations et remarque que le style et les faits sont calquées sur les mœurs et les opinions reçues par les nations. [22] Il reprend Aristide de Milet, un des plus anciens romanciers de l’antiquité, Antoine Diogène, contemporain d’Alexandre ; met l’accent sur les satires des Romains davantage portés à la critique et la méchanceté qu’à l’amour et la prière, le procédé de versification chez les bardes du temps des Gaulois, préludes des romans de la table ronde, avec les Tristan, Lancelot du Lac immortalisant les héros. Mais il revient aussi sur Marivaux, Voltaire avec Candide et Zadig, et place la philosophie au centre, notamment avec l’âme de feu de Rousseau. Pour Sade, la philosophie éclaire, élève un Autel à la plus chère divinité de son cœur, la Raison remplace Marie dans les temples.

93 Si on a pu reprocher au romancier cette « monotonie des grands génies », pour reprendre l’expression proustienne, son roman Aline et Valcour, [23] où il pratique l’entrecroisement de plusieurs correspondances ne l’est pas. En en faisant à la fois un roman philosophique et un voyage philosophique, il met en scène pour la première fois des récits de voyages. Dates et lieux en début de lettres, silences dans l’art de la correspondance, lettres dites supprimées, donnent l’illusion d’une réalité. La moitié du roman est constituée d’un autre roman, l’histoire de Sanville et Léonore, qui s’interrompt à son tour quand Léonore demande à la compagnie la permission de raconter l’histoire d’un gentilhomme espagnol, retrouvant des intrigues sur le crime. Dans la nouvelle espagnole, Sainville est à la recherche de Léonore qui lui a été ravie. Le lecteur est dans le dédale africain, mais tient ce fil d’Ariane. Thème d’un mariage forcé, effets comiques où l’on retrouve Léonore jouant le père de famille ; héros en quête d’une réintégration dans la société qui veulent faire reconnaître la légitimité de leur mariage. On navigue beaucoup, ce qui est assez exceptionnel dans l’univers sadien où la montagne tient une place plus importante que la mer.

94 Pour Shéhérazade, la valeur sublimatoire qui l’amène à sortir du meurtre est davantage dans ce couple qu’elle forme avec lui et de ce qui le nomme et l’identifie, lui donnant l’impression que c’est de lui dont on parle, de son histoire personnelle au travers de l’histoire des peuples ; de ce qui vient résonner pour lui. Il y aurait un effet de la parole de l’autre sur lui, mais prise dans un effet d’écoute de cette parole par lui. Dans le déroulé des contes, Shéhérazade parlera du sacrifice, de la dette et du rachat, dans un appel à l’objet symbolique pour lui.Elle parlera des déesses souterraines, équivalentes des déesses mères, qui entretiennent la flamme souveraine, et savent où se trouvent le corps et le tombeau de Salomon, un des secrets de l’humanité. [24]

95 Dans un équivalent de rituel initiatique, elle forme cadre pour lui de la loi et du symbolique et de ce qui fait sens dans la culture. Le resituant dans l’ordre de son histoire et de ce qui fait sens et nom signifiant pour lui, lui indiquant le sens de sa responsabilité, nommant le père et la Loi. Shahriar va s’en sortir, parce qu’une femme a parlé pour lui, s’instituant comme idéal, comme si elle avait extrait un trésor du vide, comme invite à l’entendre la symphonie de Korsakov. [25]

96 Sade mourut le 2 décembre 1814, à l’hospice de Charenton. Il avait commencé son testament dès 1806. Il lèguera à une dame surnommée sensible, pour sa délicatesse et désintéressement, et l’enfant de celle-ci, des biens matériels, différents papiers sauf des papiers de son père qui reviennent à ses enfants. Dans son testament, était écrit : « La fosse une fois recouverte, il sera semé dessus des glands, afin que par la suite le terrain de ladite fosse se trouve regarni, et le taillis se retrouvant fourré comme il l’était auparavant, les traces de ma tombe disparaissent de dessus la surface de la terre comme je me flatte que ma mémoire s’effacera de l’esprit des hommes, excepté néanmoins du petit nombre de ceux qui ont voulu m’aimer. » [26]

97 Les livres sont dans les bibliothèques, mais il apparaît un peu désuet. Peut-être reste-t-il cette flamme, cette intrigue qui dérange quand on le lit, étincelle qui s’anime qui est sa contribution au fait d’aimer. Sublimation ou pas, pour lui-même reste une question ; il a laissé néanmoins une œuvre de crimes et de souffrances associée à un temps révolutionnaire.

98 La sublimation se fait dans un processus opérateur dans le couple Shéhérazade-Shahriar, plus que chez Sade qui a laissé son œuvre à la postérité.

99 Shéhérazade fait que s’opère ce processus sublimatoire, opération de pensée pour Shahrair : mécanisme sublimatoire qui fait sortir d’une forme de forclusion, ramène le signifiant comme capteur, ordonnateur de l’ordre symbolique et de la Loi. Opération d’aufhebung, avec remise en route de significations symboliques, dans l’amour le plus profond. Remarquons que la première syllabe pour l’un comme pour l’autre, est Shah signifiant Roi, ce qui fait que le couple signifierait, Ami du Roi-De la ville.

100 L’œuvre des Mille et une nuits est-elle elle-même une sublimation d’un crime commis ? Toute grande œuvre finit par appartenir au lecteur, dans la forcesymbolique de sa transmission. La psychanalyse s’intéressant au sujet individuel pris dans la génération, ne peut qu’y être intéressée. Il y avait bien eu un massacre dans l’histoire au temps de Haroun Al Rachid, qui avait précédé l’assaut Mongol [27] ; et si l’œuvre des Nuits est la sublimation d’un crime au plan civilisationnel, cela vient interroger sur l’auteur(e) s) de la reconstitution, qui aurait vu là un enjeu pour les peuples…

CONCLUSIONS

101 Et si l’intérêt de comparer le couple Shahriar/Shéhérazade avec Sade, c’était aussi pour voir cette fonction du couple chez Sade, en tant qu’elle invite à penser la relation au féminin, et donc à la femme et à la mère ? Sade écrivait à sa femme, ses amis, s’est adressé à une postérité qui répond en miroir dans la société actuelle par ses propres fantasmes. Il a inspiré les romanciers modernes du XXesiècle, a libéré une forme d’écriture romanesque. Sade avait-il eu un intérêt pour la question du couple ? Il avait mis en scène des conteuses, qui, elles, narraient l’histoire. Il poussa la limite paroxystique de l’exacerbation d’une parole sur le sexuel d’où pouvait aussi s’originer une parole sur le sens. Ses personnages ont été figurés, dans leurs formes les plus extrêmes et caricaturales de la jouissance. Étaient-ils pour autant de chair et de sang, même si le sang de la révolution a coulé ? Cherchant à représenter la femme dans sa chair jusqu’à ses limites, a-t-il réglé pour autant la question ?

102 La violence sadienne peut en révéler ces bords, ces difficultés de contours, cette scène mise en scène de façon constante, et de cette répétition, qu’attendait-il ? Crise d’adolescence et vécu interminable de la jouissance de la transgression ? Jouissance par l’attaque faite à l’autre de son intimité et ses fondements ? Toujours est-il qu’il paraissait avoir un savoir sur les failles de l’autre comme s’il s’incurvait dans une forme de savoir initiatique pour en faire son objet et sa proie de façon carnassière.

103 La narration ou la séduction par l’oral est une épreuve cathartique, qui réinstaure la dimension du signe et de la transmission… Shahriar n’est pas du registre du sadisme dans l’idée de contrôle du désir, et de la violence qu’il fait subir au féminin et au maternel face à une mère omnipotente dans la toute-puissance, il finit par s’en sortir par le plaisir qu’il a à l’entendre raconter les contes.

104 Même s’il y a des conteuses, à l’inverse des Nuits, on ne raconte pas les récits sadiens ; ils ne font pas partie des récits initiatiques de transmission. Ils sont l’objet d’étude en littérature ou philosophie, et sont récupérés par l’industrie cinématographique.

105 Mais les conteuses ont-elles rempli leur rôle ? Ou sont-elles restées des sirènes lointaines, dont le chant reste hypnotique et envahissant ? Ou des Calypso, qui l’ont kidnappé sur ordre du père d’un cyclope géant, à l’œil lunaire, ou il n’y avait plus que l’œil qui jouissait de l’homme ?

106 Nous avons là deux œuvres magistrales, qui peuvent se faire miroir l’une l’autre :

107

  • L’une parle de la révolution des peuples, dans un mouvement insurrectionnel envers le pouvoir et ses privilèges, pris dans le mouvement anarchique de la violence.
  • La seconde est la transmission des histoires des peuples et civilisations du monde qui y ont laissé leur empreinte, qui peut prendre la forme de contes d’enfants, où une réponse est donnée à la question du crime.

108 Qu’est-ce qu’une œuvre peut apporter à l’autre ?

109 Les deux champs conceptuels que sont la psychanalyse et la littérature sont tout autant concernés par la question de la lettre, dans un apport réciproque des concepts, vases communicants. Que ce soit la lettre écrite, transcrite, ou la transmission orale qui se fait écriture et prégnance pour le sujet. Nous avons vu tout au long de cet article là où l’une des deux œuvres se rejoignent, comment l’une peut éclairer l’autre sur des points singuliers, et même si les époques de production sont éloignées dans le temps, toutes les deux aussi cependant aussi effervescentes, ne peuvent-elles pas faire réfléchir sur des réponses à apporter aujourd’hui ?

BIBLIOGRAPHIE

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  • - Dissertation du Pape Pie VI sur le meurtre, Introduction d’Eric Marty, p.11,
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  • - Français, encore un effort encore un effort si vous voulez être républicains et libres de vos opinions, précédé de L’Inconvenance majeure, par Maurice Blanchot, Éd. Jean Jacques Pauvert, 1965.
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  • SOURDEL, D., L’état impérial des califes abbassides, VIIIe-Xe siècles, PUF, 1999.

Mots-clés éditeurs : Lumière, Historiennes, Symbole, Femme, Amour, Marquis de Sade, Signification, Sublimation, Idéal, Érotisme, Roman, Couple, Plaisir, Shahriar, Shahrazade, Révolution, Peuple, Sexualité

Date de mise en ligne : 08/11/2012

https://doi.org/10.3917/top.120.0081

Notes

  • [1]
    Le titre rappelle l’article écrit par Lacan : « Kant avec Sade » où il va faire un développement sur la question de l’objet dans la culture.
  • [2]
    BENCHEIKH, Jamal Eddine, MIQUEL, André, (trad.) Les Mille et une nuits, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2006.
  • [3]
    SADE, D. A.F de, (1740-1814), Les infortunes de la vertu, (1791), préf. par Michel Delon ; présentation, transcription et notes par Jean-Christophe Abramovici, Paris, CNRS éd., Bibliothèque nationale de France, Cadeilhan : Zulma, 1995.
  • [4]
    LABORDE, Alice M, Sade Authentique, Éd. Slatkine, Genève, 1999.
  • [5]
    GUILBERT, Cécile, LEROY, Pierre, 50 Lettres du Marquis de Sade à sa femme, Éd Flammarion, 2009.
  • [6]
    BENCHEIKH, Jamal Eddine, MIQUEL, André, (trad.) Les Mille et une nuits, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2006.
  • [7]
    SADE, D. A.F. de, La Nouvelle Justine, ou les Malheurs de la vertu, suivie de l’Histoire de Juliette, sa sœur. Ouvrage orné d’un frontispice et de cent sujets gravés avec soin... Tome premier [dixième] En Hollande. 1797 10 vols.
  • [8]
    SADE, D. A.F. de Les 120 journées de Sodome, ou l’École du libertinage... [1785]Sceaux, Jean-Jacques Pauwert (impr. de A. Beurq), 1953, 3 tomes en 3 vols.
  • [9]
    Aline et Valcour ou le Roman philosophique / écrit à la Bastille un an avant la Révolution de la France ; préf. de Gilbert Lely Paris, Union générale d’éditions, 1971, 2 vol.
  • [10]
    SADE, D. A.F. de La Philosophie dans le boudoir, préface de Matthieu Galey, Hachette, 1976.
  • [11]
    SADE, D. A.F de, Dissertation du Pape Pie VI sur le meurtre, Introduction d’Éric Marty, p.11, Éd Manucius, 2011.
  • [12]
    SADE, D. A.F de, Les Crimes de l’amour : nouvelles héroïques et tragiques ; (précédées d’une) Idée sur les romans / DAF de Sade, texte établi et présenté par Michel Delon, Paris, Gallimard, 1987.
  • [13]
    LACAN, J, « Kant avec Sade », Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 782.
  • [14]
    À l’immortalité. Français ! encore un effort si vous voulez être républicains et libres de vos opinions… Paris Rouanet, 1848,16 p., 1993, BN Paris.
  • [15]
    Français, encore un effort encore un effort si vous voulez être républicains et libres de vos opinions, précédé de L’Inconvenance majeure, par Maurice Blanchot, Éd. Jean Jacques Pauvert, 1965.
  • [16]
    MARDRUS, Jean-Charles, Les Mille et une nuits, Laffont , 1986
  • [17]
    BENCHEIKH, Jamal Eddine, MIQUEL, André, (trad.) Les Mille et une nuits, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2006.
  • [18]
    BENCHEIKH, Jamal Eddine, BREMOND, Claude, MIQUEL, André, Mille et un contes de la nuit, Paris, Gallimard, 1991.
  • [19]
    HUSSEIN TAHA, Shéhérazade et la clé des songes, Paris, Dialogues éditions, 1997.
  • [20]
    LACAN, J, « Kant avec Sade », Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 782.
  • [21]
    MIJOLLA-MELLOR, Sophie de, Le Choix de la sublimation, Paris, PUF, 2009.
  • [22]
    SADE, D. A.F. de, Les Crimes de l’amour : nouvelles héroïques et tragiques ; (précédées d’une) Idée sur les romans, texte établi et présenté par Michel Delon, Paris, Gallimard, 1987.
  • [23]
    Une histoire de couple : Aline et Valcour, Édition établie par Béatrice Didier, Le livre de poche, Librairie générale française , 1976.
  • [24]
    MARDRUS, Jean-Charles, Les Mille et une nuits, Laffont , 1986.
  • [25]
    RIMSKY KORSAKOV, Nikolaï, Suite symphonique d’après « Les Mille et une nuits », opus 35, (1888).
  • [26]
    SADE, D. A.F. de, (1740-1814), Ceci est mon testament, Calligrammes , 1987.
  • [27]
    SOURDEL, D., L’état impérial des califes abbassides, VIIIe-Xe siècles, PUF, 1999.

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