Notes
-
[1]
Benslama, Fethi, La psychanalyse à l’épreuve de l’Islam, Aubier, La psychanalyse prise au mot, Paris, 2002.
-
[2]
Ibid., p. 285.
-
[3]
Ibid., p. 285.
-
[4]
Ibid., p. 284.
-
[5]
Ibid., p. 284. Ce récit coranique rappellerait « le couple original imaginé par Platon dans Le Banquet, que l’on retrouverait également dans de nombreux mythes, sur toute la planète; par exemple chez les Dogons. »
-
[6]
Ibid., p. 284.
-
[7]
Ibid., p. 284.
-
[8]
Ibid., p. 289.
-
[9]
Ibid., p. 285.
-
[10]
Ibid., p. 286.
-
[11]
Assoun, P.-L., Frères et sœurs, Tome I, Le lien inconscient, Anthropos, Paris, 1998. « Il y a bien pourtant un statut inconscient du fraternel, et la psychanalyse ne saurait en méconnaître la portée. » p. 6
-
[12]
Bouthoul, Gaston, La guerre, Que Sais-je, 1969, p. 34.
-
[13]
Caillois, René, Bellone ou la pente de la guerre, Bruxelles, La Renaissance du livre, s.d., p. 195.
-
[14]
Bouthoul, G., Carrère, R., Annequin, J.-L., Le défi de la guerre 1740-1974, Puf, 1976.
-
[15]
Baudrillard, Jean, L’esprit du terrorisme, Galilée, 2002, p. 15.
-
[16]
Dictionnaire philosophique, article « guerre ».
-
[17]
Pascal, B., Pensées, GF, Flammarion, Paris 1997, p. 139
-
[18]
Ibid.. p. 139.
-
[19]
Ibid., p. 135.
-
[20]
Ibid., p. 136.
-
[21]
Dictionnaire philosophique, article « guerre ».
-
[22]
Walzer, Michael, Guerres justes et injustes, Folio, essais, no 473, Gallimard, Paris, 2006.
-
[23]
Ibid., p, 79.
-
[24]
Clausewitz, De la guerre, traduction Denise Naville, Éditions de Minuit, Paris, 1955.
-
[25]
Ibid., p. 53.
-
[26]
Walzer, Ibid., p. 87.
-
[27]
Ibid., p. 87.
-
[28]
Ibid., p. 91.
-
[29]
Freud, « Actuelles sur la guerre et la mort », Œuvres complètes, no XIII, 1914-1915, Paris, 1988, p. 146.
-
[30]
30 et 30 bis. Ibid., p. 146.
-
[31]
Ibid. p. 146.
-
[32]
Ibid., p. 148.
-
[33]
Ibid., p. 149.
-
[34]
Ibid., p. 150.
-
[35]
Ibid., p. 151.
-
[36]
Ibid., p. 152.
-
[37]
Ibid., p. 152.
-
[38]
Freud, « Pourquoi la guerre ?», Résultats, idées, problèmes II, puf, Petite bibliothèque Payot, Paris, 1985, p. 206
-
[39]
Ibid., p. 206.
-
[40]
Ibid., p. 206.
-
[41]
Ibid., p. 206.
-
[42]
Ibid., p. 207.
-
[43]
Ibid., p. 208.
-
[44]
Ibid., p. 209.
-
[45]
Ibid., p. 209.
-
[46]
« J’aimerais cependant m’attarder encore un instant sur notre pulsion de destruction […] nous sommes en effet parvenus à concevoir que cette pulsion est à l’œuvre en tout être vivant et tend donc à provoquer sa décomposition et à ramener la vie à l’état de la matière inerte. Elle méritait en toute rigueur le nom de pulsion de mort, tandis que les pulsions érotiques représentent les aspirations à la vie. La pulsion de mort devient pulsion de destruction en se tournant, au moyen d’organes spécifiques, vers l’extérieur, contre les objets. L’être vivant préserve pour ainsi dire sa propre vie en détruisant celle d’autrui. Mais une partie de la pulsion de mort reste active à l’intérieur de l’être vivant, et nous avons tenté de déduire toute une série de phénomènes normaux et pathologiques de cette intériorisation de la pulsion de destruction. » Ibid., p. 211.
-
[47]
< Ibid., p. 213.
-
[48]
Ibid., p. 213-214.
-
[49]
Ibid., p. 214.
-
[50]
Ibid., p. 215.
-
[51]
Ibid., p. 215.
-
[52]
Ibid., p. 210-211.
-
[53]
Assoun, P.-L., Le freudisme, puf, Quadrige, Paris, 2001, p. 162.
-
[54]
Ibid., p. 162.
-
[55]
Freud, « Pourquoi la guerre ?», p. 215.
« Sans doute, l’égalité des biens est juste; mais ne pouvant faire qu’il soit force d’obéir à la justice, on a fait qu’il soit juste d’obéir à la force; ne pouvant fortifier la justice on a justifié la force, afin que le juste et le fortfussent ensemble, et que la paix fût, qui est le souverain bien. »
1En conjonction avec l’intitulé de cette table ronde établissant une liaison entre droit et violence, j’ai choisi ce titre et cette pensée de Pascal dans la perspective d’un prolongement anticipé de ce que Freud théorisera à son tour dans « Actuelles sur la guerre et la mort » (1915) et « Pourquoi la guerre ?» (1933) quant au droit reposant sur la violence au lieu de l’antinomie que ces deux termes devraient évoquer au regard de l’esprit épris d’idéal. Ainsi nous trouvons-nous d’emblée plongés au cœur d’une problématique pour laquelle nous ne disposons d’aucune solution spéculative qui nous permette de surmonter le paradoxe de l’enracinement de la justice dans la violence, la vengeance et la guerre. Lorsque seule la force peut assurer le droit du plus faible, il importerait alors d’assurer la force du droit. Ce serait là le problème insurmontable du rapport entre la force et le droit qui ne connaîtrait que des solutions au coup par coup et qu’ont – malgré l’échec assuré de toute théorisation à ce sujet– tenté de systématiser les penseurs de la doctrine de la guerre juste et injuste.
2Il y a longtemps que la guerre est un fait de société dont l’origine a été conçue
de façons diverses, voire contradictoires. Depuis le début du XXe, jamais l’humanité n’aura vécu, en si peu de temps et dans autant de régions, autant
d’affrontements armés considérés comme les plus meurtriers de l’histoire. Si
la guerre est un mal, la guerre à outrance avec l’inégalité des forces en présence
auraient rendu ce mal absolu, donnant ainsi à l’action terroriste toute sa légitimité. Tant et si bien que la doctrine classique de la guerre juste serait désormais
devenue pour d’aucuns complètement obsolète. Pour autant, le pacifisme et
l’idéologie humanitaire ne sont pas parvenus à domestiquer le monde qui se
révèle de plus en plus dangereux; loin de disparaître la guerre se transforme.
En témoigne le fait qu’aucune puissance mondiale ne peut plus aujourd’hui assurer seule sa sécurité. À l’heure du terrorisme planétaire et des grandes refontes
idéologiques, la réflexion psychanalytique sur la violence et la guerre conserve-t-elle une certaine pertinence ?Si oui, qu’auraient encore à nous dire sur l’origine
de la violence humaine les deux écrits de Freud : « Actuelles sur la guerre et la
mort » (1915) et « Pourquoi la guerre ?» (1933)?
ORIGINE DE LAVIOLENCE HUMAINE DANS LA TRADITION CORANIQUE, UNE VARIANTE DE TOTEM ET TABOU
3Dans La psychanalyse à l’épreuve de l’Islam [1], Fethi Benslama, mentionne
que le Coran et la tradition islamique font du meurtre fraternel d’Abel par Caïn
le meurtre fondateur de la violence humaine. Ce qui en ferait le meurtre originel par excellence, serait que, contrairement à la tradition chrétienne qui fait
d’Abel la figure du juste et de la cause juste, le non-violent, le généreux, celui
dont l’offrande a plu à Dieu, celui qui est du côté de la loi et qui est essentiellement bon et de Caïn, la figure de l’injuste et de la cause injuste, le violent,
l’envieux, l’avare, celui dont l’offrande n’a pas été agréée par Dieu, qui agit
dans l’illégalité et est essentiellement mauvais, la tradition coranique nous propose – et ce serait là tout son intérêt– une version non-manichéenne du conflit
entre les deux frères. Au lieu de nous présenter d’un côté la haine de Caïn et de
l’autre l’innocence d’Abel, elle nous met en présence de deux haines étroitement enchevêtrées, l’une appelant l’autre et aucune n’étant plus juste ou plus
injuste que l’autre. Caïn, bien sûr, a tué Abel, mais ce dernier a délibérément
appelé sur lui ce meurtre. Une des raisons pour lesquelles ce fratricide serait
prototypique autant que fondateur de toute violence à venir c’est que de quelque côté qu’on la considère, il n’y aurait aucune issue juste à cette
confrontation : tous deux victimes, tous deux coupables. Comme dans tous les
conflits qui se construisent sur la dialectique du maître et de l’esclave tel que
l’évoquait Sophie de Mijolla-Mellor dans sa communication de Montréal, en
janvier 2006, intitulée « Pour « quoi » la guerre ?» et ainsi que l’écrivait le philosophe Alain : « Les passions ont cela de redoutable qu’elles sont toujours justifiées par les faits; si je crois que j’ai un ennemi et si l’ennemi supposé le sait,
nous voilà ennemis […] On voit que de telles guerres n’ont d’autres causes qu’el-les-mêmes. »
4« Il n’y a donc pas, écrit Benslama, d’un côté la haine de Caïn et de l’autre l’innocence d’Abel; il y a chez Abel aussi une volonté effrayante de pousser Caïn vers l’extrémité de l’acte. Elle [cette volonté] soutient le meurtre, va même au-devant de lui, afin que Caïn reçoive le châtiment suprême de l’enfer. Abel dit en quelque sorte : tu veux me tuer, alors me voici déjà mort et de ce point où je suis supposé mort, je te dis que je me laisserai tuer pour que tu ailles en enfer. [2] » Dans une telle perspective, de quel côté situer la haine ?
5Où est la responsabilité, demande Benslama ? Où est le juste et où est l’injuste, serais-je, quant à moi, tenté de demander ? Chez celui qui est prêt à tuer, ou chez celui qui s’offre sans combattre et de façon provocante à la réalisation du meurtre afin que l’autre soit éternellement damné ? Pour que l’un soit décrété meurtrier, coupable et injuste et soit justement châtié, l’autre est prêt à sacrifier, sans aucun souci de soi, sa propre vie. On rencontrerait, dans la posture d’Abel, la figure originelle du terroriste qui n’accorde à la sauvegarde de sa vie aucune valeur en regard du triomphe de ses convictions. Comme le note Benslama : « le mal n’est pas seulement du côté de celui qui refuse la loi de l’échange, mais aussi du côté de celui dont la parole, en collant à la loi, soutient le désir de Caïn de tuer […] pour faire triompher, à travers sa propre mort, cette loi. [3] » Quel meurtre doit-on alors considérer comme le plus injuste:la suppression physique d’Abel par Caïn ou « le meurtre d’âme » de Caïn par Abel ? Pour plus d’intelligence de ce récit mythique du premier meurtre fondateur de la violence humaine selon le Coran, nous ne pouvons faire l’économie des motifs et des enjeux du conflit tel que relaté par la tradition coranique.
6Dans le récit coranique, Ève accouchait invariablement de jumeaux dont l’un était un garçon et l’autre une fille. Abel et Caïn seraient les deux premiers garçons du premier couple, nés chacun avec une sœur jumelle. Adam aurait décidé « de donner en mariage à Abel la sœur de Caïn, et à Caïn la sœur d’Abel. [4] » « Il s’agit, indique Benslama, d’un principe minimal d’exogamie, d’un interdit élémentaire de l’inceste, fondé sur la séparation de l’unité androgyne. [5] »Alors que Caïn a refusé cet échange, voulant conserver sa sœur représentant sa partie féminine, Abel aurait tenu à faire respecter la loi paternelle. Quant à Adam, il ne semble pas avoir tenu au respect de sa loi car au lieu de réitérer à Caïn l’injonction de sa loi, il proposa plutôt à ses deux fils une compétition par un don fait à Dieu. Abel a présenté un agneau dont l’offrande a été acceptée et Caïn des fruits dont l’offrande a été refusée.
7Benslama nous apprend que dans le récit coranique Abel et Caïn ne sont jamais prénommés, ils sont toujours désignés anonymement. « Il [Caïn] dit : je te tuerai. Il [Abel] lui répondit : « Dieu n’accepte que les offrandes des pieux. Assurément si tu portes la main sur moi pour me tuer, je ne porterai pas la main sur toi pour te tuer; je crains Dieu le Seigneur des mondes. [6] »Puis Abel parle à Caïn comme s’il était déjà mort : « Je veux que tu confesses (que tu avoues) ton crime contre moi, que tu supportes mon péché et le tien, que tu sois parmi les hôtes du feu. [7] » Entendons par là : 1- que tu te charges également de ma faute et 2- que tu brûles en enfer. Benslama relève le désir d’Abel « de faire endosser à Caïn quelque chose qui n’appartient pas à Caïn. [8] » Je proposerais, quant à moi, que le raisonnement d’Abel est exemplaire de ce qu’on retrouve autant dans les conflits entre individus que dans les conflits collectifs. Puisque tu dois être châtié pour avoir voulu rester uni à ta sœur jumelle, « soit nier la coupure originelle de la différence des sexes et de l’altérité [9] » et pour m’avoir tué, aussi bien me laver du même coup de mes propres fautes, les prenant à ton compte, les expiant à ma place, semble-t-il lui dire. Ainsi, la visée d’Abel est qu’à travers son propre meurtre il se retrouve purifié de ses fautes. Par le recours au bouc émissaire et à l’opération de délestage sur son frère meurtrier de ses crimes, Abel s’assurait de devenir totalement pur et innocent. Benslama fait observer que l’altercation atteint à ce moment-là chez Abel un point de haine plus mortifère encore que le désir meurtrier de Caïn à l’égard de son frère. Caïn tuera donc Abel et repensant à son acte, s’en reconnaîtra coupable. Et le récit de ce meurtre fondateur s’achèvera sur ce commentaire :
8 « C’est à cause de ce crime que nous décrétâmes, pour les fils d’Israël, que quiconque tuerait une personne sans que celle-ci ait tué, c’est comme s’il avait tué les hommes en totalité… [10] » Ce qui fait dire à Benslama que dans le Coran le condition morale et éthique de l’humanité est martyrologique depuis ce premier crime.
9À la différence du mythe freudien de la horde primitive où le premier meurtre fondateur de la violence est exercé par la coalition des fils contre le père tout-puissant, dans la version coranique du mythe de Caïn et d’Abel, le meurtre du père se trouve déplacé sur le fils qui a pris la place du père défaillant ayant cédé à la revendication narcissique de Caïn (Moi Idéal). Adam, en effet, ne soutient pas la loi qu’il a érigé s’en remettant tout simplement à son propre père, en l’occurrence à Dieu, pour départager les deux fils. Il est loin d’incarner la figure du père tout-puissant de Totem et Tabou.
10Si dans le récit coranique du meurtre fondateur de la violence humaine Abel est un substitut du père défaillant, on comprend mieux dans ces conditions qu’il ait été tué à sa place. « Abel se serait sacrifié pour tenir la place d’un père qui a abandonné ses fils […] munis d’une interprétation défaillante de sa propre loi. » Dans cette perspective, avec un surmoi aussi lacunaire, faut-il s’étonner que les deux frères se retrouvent aux prises avec une problématique de l’idéalité et du narcissisme ? À Caïn qui refuse l’altérité et cherche la complétude narcissique dans la possession de l’autre spéculaire, s’oppose Abel s’identifiant au père idéal manquant jusqu’à désirer le martyr pour devenir l’Autre pur de la loi.
11Nous retrouverions alors, intact, mais déplacé sur la personne d’Abel qui soutient la loi du Père défaillant, le même schéma classique du parricide à l’origine de la civilisation et des religions monothéistes chrétienne, juive et islamique : « un jour les frères se coalisèrent, tuèrent et mangèrent le père mettant ainsi fin à la horde paternelle. » L’expérience freudienne passe, en effet, pour donner à la violence faite au père la primauté sur celle faite au frère, pour subordonner autrement dit la fraternité à la parentalité [11]. Cette hypothèse du meurtre du père que l’on retrouve avec ses différentes variantes dans le monothéisme chrétien, islamique et juif permet d’inscrire dans l’organisation sociale l’histoire de la relation consubstantielle du droit et de la violence. Ainsi, ce que viendrait nous rappeler le récit coranique du meurtre d’Abel par Caïn, serait que c’est toujours sur la violence originelle du meurtre du Père ou de son substitut que la loi et le droit se constituent, le droit apparaissant seulement dans un deuxième temps, après le premier temps de la violence.
12Pour autant, dans la tradition coranique comme dans la tradition juive, la faute originelle transmise à tous les descendants d’Adam et d’Ève n’existe pas. C’est pourquoi l’idée présente dans Totem et tabou de la culpabilité du meurtre du père transmise héréditairement au reste de l’humanité prendrait plutôt sa source dans la notion de péché originel propre au christianisme. Totem et tabou en constituerait, à cet égard, la version laïque.
LA GUERRE, UNE VIOLENCE PRESCRITE, LÉGALISÉE ET HONORÉE
13Ainsi, depuis les débuts de l’humanité, la violence est un fait de société. Elle peut revêtir plusieurs formes allant du conflit entre individus au conflit entre collectivités, du simple conflit au génocide en passant par la guerre.
14De toutes les définitions de la guerre que les dictionnaires nous proposent, celle de Furetière (1690) me semble s’accorder particulièrement au thème Droit et violence de la table ronde de cette matinée. « Différent entre des Estats ou des Princes souverains qui ne se peut terminer par la justice et qu’on ne vuide que par la force ». Au XIXe siècle, le dictionnaire Larousse en modifiera sensiblement la définition : « Lutte à main armée entre deux partis considérables de gens qui cherchent chacun à faire prévaloir leurs prétentions ou à se défendre contre les prétentions des autres. » (1872). Nettement plus expéditif, Émile Littré la définit comme : « La voie des armes employée de peuple à peuple, de prince àprince pour régler un différend » (1880). Dans cette dernière définition, l’échec de la voie de la justice, le recours à la force, les souverains et les États ont été gommés. De ces trois définitions, il ressort que l’état de guerre est caractérisé par : 1. un différend ou une querelle, 2. l’abandon du recours à la justice ou à la voie du droit, 3. le recours à la force, 4. au moyen des armes, 5. le caractère collectif de la guerre.
15Des différentes définitions philosophiques, politiques, sociologiques, etc. qui ont été données de la guerre, la plus connue, celle de Clausewitz exprime le mieux les liens unissant la guerre et la politique. « La guerre est un acte de violence dont le but est de forcer l’adversaire à exécuter notre volonté; la guerre est la poursuite de la politique par d’autres moyens. »
16On ne saurait non plus passer sous silence la définition qu’en donne Gaston Bouthoul, car elle est d’une franchise imparable, pas de guerre sans sang versé : « La guerre est une forme de violence qui a pour caractéristique d’être méthodique et organisée quant aux groupes qui la font et à la manière dont ils la mènent. […] Sa dernière caractéristique est d’être sanglante, car lorsqu’elle ne comporte pas de destructions de vie humaines, elle n’est qu’un conflit ou qu’un échange de menaces. La ‘guerre froide’n’est pas la guerre [12]. »
17Enfin, pour définir la guerre, René Caillois se situe, quant à lui, dans une vaste perspective ouverte par la philosophie, la psychanalyse et les sciences humaines :
18 « Violence avouée, violence prescrite, violence honorée, la guerre donne satisfaction aux instincts primaires de l’être humain, que la civilisation s’applique à discipliner non sans peine et d’une façon combien précaire. Destruction organisée, elle apporte pour un temps aux problèmes posés par l’excédent de productivité sociale une solution radicale et simple. Elle constitue une explosion périodique au cours de laquelle l’individu et la société ont l’impression de s’accomplir, c’est-à-dire de parvenir à la vérité et d’accéder à un paroxysme d’existence. C’est pourquoi elle remplit dans la société mécanisée la même fonction que la fête dans la société primitive… [13] »
VIOLENCE ET DROIT MORAL
19Pas de guerre sans recours à la violence avec ses conséquences : sang versé, mutilations, morts, servitude, exodes, etc. Car bien que la guerre ait pour finalité la victoire, le meurtre n’en demeure pas moins sa conséquence, sinon sa condition. Comme elle est toujours sanglante, juste ou injuste la guerre est un crime. C’est pourquoi l’utilisation de la violence réfléchie qu’est la guerre oblige celui qui l’initie à justifier son recours à la violence en rejetant sur l’ennemi la responsabilité du conflit et en prétendant, même quand il est l’attaquant, à la légitime défense. N’étant possible qu’au moyen d’institutions qui permettent à une force militaire de transformer des êtres humains en soldats entraînés et armés qui lui donnent le droit, voire l’obligent à utiliser cette force, la guerre ne peut être qu’un fait de société. C’est pourquoi elle reçoit des règles afin d’exciter la violence des soldats et la canaliser pour maintenir la discipline indispensable à la cohésion du groupe. Même si le succès de la guerre exige un certain contrôle de la violence, il n’en reste pas moins que la guerre a toujours autorisé des transgressions inadmissibles en temps de paix, du moment qu’elles sont dirigées vers l’ennemi : massacres, vols, déchaînement de la sexualité, sadismes, pillages, etc. Voilà pourquoi René Caillois la rapproche de la fête et Freud la qualifie de retour à la barbarie. Afin de rendre la cause juste, la guerre peut procéder d’obligations morales imposées aux combattants. Mais, en donnant à la guerre des motifs qui transcendent l’agressivité, la religion a pour effet paradoxal avec le droit et la morale d’apprivoiser, voire de légitimer la guerre. Le Coran dit aux guerriers :« Le paradis est devant vous, derrière vous se tiennent le diable et le feu de l’enfer [14]. » La notion de guerre sainte n’est pas propre à l’Islam et au christianisme, mais c’est là qu’elle trouve sa définition la plus complète avec la promesse de récompense dans la vie éternelle dans l’islamisme par la mort au combat et dans le christianisme après confessions et absolutions collectives avant le combat. La fin du XXe montre suffisamment que l’idéologie n’a pas supprimé la religion comme source d’affrontement.
20Enfin, devant la supériorité militaire de l’adversaire, bien que condamné au niveau moral et juridique, le terrorisme est de plus en plus utilisé soit pour rendre caduque la victoire de l’ennemi ou pour détruire le moral des populations. Dans L’esprit du terrorisme sans pour autant le justifier, Jean Baudrillard l’explique par le fait que c’est le système lui-même qui a créé les conditions objectives de cette rétorsion brutale : terreur contre terreur, écrivait-il. « Quand la situation est ainsi monopolisée par la puissance mondiale, quand on a affaire à cette formidable condensation de toutes les fonctions par la machinerie technocratique et la pensée unique, quelle autre voie y a-t-il qu’un transfert terroriste de situation ? [15] »
JUSTIFICATION ET CONDAMNATION DE LA GUERRE
21La justification et la condamnation de la guerre sont à l’origine des classifications en guerres justes et injustes. S’appuyant sur son caractère inéluctable ou sur la nécessité de survivre, la guerre a toujours eu ses défenseurs. Il revient à Machiavel d’en avoir donné les arguments les plus pragmatiques. Pour lui, une guerre est nécessairement juste dès qu’elle devient nécessaire. Convaincu que c’est toujours à l’avantage de l’ennemi qu’on la diffère, il est partisan de la guerre préventive. Admirateur de Napoléon, Hegel défend le caractère civilisateur de la violence et croit que la guerre est un mal nécessaire jusqu’à l’avènement de l’esprit Absolu. Allant plus loin encore, Joseph de Maistre estime que la guerre serait divine puisque c’est une loi du monde : « Lorsque l’âme humaine perd son ressort par la mollesse, la crédulité, les vices gangreneux qui suivent l’excès de civilisation, elle ne peut plus être retrempée dans le sang… [16] » Il y a ceux qui voient dans la guerre le dépassement de soi et l’esprit du sacrifice ou une lutte entre la force et la vertu. Selon eux, sans la guerre, le monde s’enliserait dans le matérialisme. Ainsi la paix perpétuelle serait un mauvais rêve, car dans la guerre se déploieraient les plus nobles vertus : le courage, le renoncement, la fidélité au devoir et l’abnégation qui ne recule pas devant le sacrifice de sa propre vie.
22Quant à la condamnation de la guerre, sans remonter jusqu’à l’Antiquité, on enobserve des signes dès l’engagement des mercenaires qui s’écartent des règles de chevalerie, puis avec les guerres de religion et la guerre de Trente ans. Au XVIe siècle, de nombreux humanistes dont Érasme, Montaigne et Rabelais, désacralisent la guerre. Au XVIIe siècle, Pascal [17], soutiendra que la guerre n’obéit à aucune véritable notion de justice : «309-61. – Comme la mode fait l’agrément, aussi fait-elle la justice [18],» «293-51. – Pourquoi me tuez-vous ? – Eh quoi ! Ne demeurez-vous pas de l’autre côté de l’eau ? Mon ami, si vous ne demeuriez de ce côté, je serais un assassin et cela serait injuste de vous tuer de la sorte; mais puisque vous demeurez de l’autre côté, je suis un brave, et cela est juste. [19] »« Se peut-il rien de plus plaisant, qu’un homme ait droit de me tuer […] parce que son prince a querelle contre le mien quoique je n’en aie aucune avec lui ? [20] »Au XVIIIe siècle, à l’exception de Rousseau, les philosophes vont dans le même sens. Ainsi, Voltaire décrira la guerre comme une entreprise risible et absurde : « À l’heure où je vous parle, il y a 100 000 fous de votre espèce, couverts de chapeaux qui tuent 100 000 autres animaux couverts de turbans, pour quelque tas de boue… Il ne s’agit que de savoir s’ils appartiendront à un certain homme qu’on nomme sultan ou à un autre qu’on nomme, je ne sais pourquoi César, puisqu’aucun de ces animaux n’a jamais vu l’animal pour lequel ils s’égorgent. [21] »
LA DOCTRINE DE LA GUERRE JUSTE
23Depuis Cicéron, Saint Augustin, Thomas d’Aquain, Montaigne, Grotius jusqu’à Aron, Walzer – et cette énumération est loin d’être exhaustive–, les philosophes, moralistes, juristes et politicologues s’interrogent sur la moralité de la guerre. Eu égard à la justice, il y aurait trois façons de considérer la guerre : l’approche pacifiste qui tient toutes les guerres pour injustes; l’approche réaliste qui est profondément sceptique sur l’application des principes de justice aux questions de politique étrangère, car seuls le pouvoir et la sécurité nationale motiveraient les États en temps de guerre; et l’approche de la doctrine de la guerre juste qui cherche à délimiter un usage éthique de la violence dont Michael Walzer [22] est un des représentants contemporains les plus connus. Selon cette doctrine, pour être réputée juste (jus ad bellum), une guerre doit répondre à cinq conditions : 1- servir une « cause juste », 2- répondre à une « intention juste », 3- être déclarée par une « autorité compétente », 4- offrir un « espoir raisonnable de succès » et 5- constituer « le dernier recours ». Mais cela ne suffit pas, encore faut-il qu’une fois déclarée, la guerre soit conduite moralement (jus in bello), ce qui requiert deux autres conditions : 1- la discrimination consistant à distinguer les combattants des non-combattants et l’interdiction d’attaques directes contre des objectifs civils, 2- la proportionnalité qui crée une obligation d’utiliser des moyens « proportionnés » aux fins, la destruction sans limites étant inacceptable. C’est ce principe de proportionnalité qui est souvent évoqué pour soutenir que les guerres seraient toutes injustes parce que les coûts humains autant qu’économiques sont toujours supérieurs aux profits.
24Nous ne pourrons analyser, ici, chacune des conditions de la guerre juste, ni des différences entre la doctrine classique et la doctrine libertarienne de la guerre juste, ni des critiques adressées à cette doctrine. La dénonciation faite par Walzer de la guerre d’agression et du caractère criminel de la guerre nous servira par contre d’entrée en matière pour aborder ce que la psychanalyse nous révèle sur nous-mêmes à partir de ce déchaînement de violence que la guerre constitue.
25Dans le chapitre de Guerres justes et injustes ayant pour titre : « La guerre est un crime », Walzer explique pourquoi il est si condamnable de commencer une guerre. «[…] la meilleure façon de décrire le crime de guerre, écrit-il, est peut-être simplement de dire qu’il n’y a plus de limites en cas de conflit armé : on tue avec toute la brutalité imaginable, et en outre, une masse de gens, sans distinction d’âge, de sexe ou de condition morale, est anéantie. [23] »Il fait alors référence à Clausewitz [24] qui, bien qu’on ne sache pas s’il considérait la guerre comme un crime, caractérisait la guerre comme un acte de violence ne connaissant théoriquement aucune limite tant en ce qui concerne les armes utilisées, les tactiques adoptées que les personnes attaquées. Plus la bataille serait extrême, plus la violence serait générale et intense de par et d’autre, plus on s’approcherait du concept de la guerre absolue. Car écrit Clausewitz : « La guerre tend vers un emploi extrême des forces en présence. » Ce qui appellerait une cruauté croissante parce que : « celui qui use sans pitié de cette force et ne recule devant aucune effusion de sang prendra l’avantage sur son adversaire si celui-ci n’agit pas de même ». [25]
26Ce qui autorise Walzer à dire que l’agresseur est par conséquent responsable de toutes les conséquences du combat qu’il aura initié. Mais ce qui, selon Walzer, fait considérer la guerre comme un enfer et l’engagement dans la guerre comme un acte criminel, c’est l’utilisation des êtres humains comme une multitude de pions que l’on force à mener une guerre de gladiateurs. La guerre devient alors un « cirque de massacres » « où ceux qui meurent périssent sans jamais avoir eu le chance de vivre d’une autre façon [26] », dénonce Walzer qui ajoute : « L’enfer est bien le mot juste pour les risques qu’ils n’ont jamais choisis, pour la souffrance et la mort qu’ils subissent; et les hommes qui sont responsables de cette souffrance peuvent, à bon droit, être qualifiés de criminels [27]. » Walzer observe que c’est aux victimes des combats qu’il songe en qualifiant la guerre d’enfer, mais, nuance-t-il, en principe ceux qui se retrouvent en enfer en seraient d’une certaine façon responsables tandis que l’immense majorité de ceux qui se retrouvent dans l’enfer de la guerre n’a fait aucun choix comparable. Il qualifie ensuite la guerre de tyrannie en raison de l’intérêt proprement effrayant « que portent les organisations militaires à un individu qui préférerait se retrouver ailleurs, occupé à faire autre chose [28]. » En dernier lieu, l’ultime tyrannie de la guerre résiderait dans le fait que ceux qui résistent à une agression se trouvent contraints d’imiter, entraînés dans une logique infernale, voire de surpasser la brutalité de ceux qui agressent.
27Même s’il ne remonte pas aux causes de ces déchaînements sans limites de violence que Freud attribue en 1915 à la haine et à l’ascendance de meurtriers dont nous sommes issus et en 1933 aux manifestations de la pulsion de mort, on croit parfois repérer dans le contenu et le ton des condamnations de Walzer sur la guerre certains accents des « Actuelles sur la guerre et la mort » (1915) et de « Pourquoi la guerre ?» (1933)
LES DEUX GRANDS TEXTES DE FREUD SUR LA GUERRE
28Dans « La désillusion causée par la guerre », le premier des deux textes d’« Actuelles sur la guerre et la mort », forcé de constater que les peuples de la culture se retournent l’un contre l’autre plein de haine et de répulsion se livrant une guerre encore plus sanglante que les guerres antérieures, Freud soutient que la désillusion éprouvée ne reposerait que sur l’illusion à laquelle nous nous serions laissés prendre. En réalité, ces peuples ne seraient pas tombés aussi bas pour la bonne raison qu’ils ne se seraient jamais élevés aussi haut que nous l’avions cru. La guerre ayant favorisé l’annulation des développements ultérieurs plus élevés, à la faveur de cette régression, les états primitifs auraient été réinstaurés. Il n’est pas certain, nous dit Freud, que notre moralité ne puisse être à nouveau réinstaurée une fois la guerre terminée. Pourquoi les peuples se tiennent-ils en si piètre estime, se haïssent-ils, même en temps de paix, demande alors Freud ? Sa réponse : c’est une énigme, je ne saurais le dire ! Et sans donner de plus amples explications, il conclut en expliquant ce qu’il observe par le facteur régressif de l’individu mêlé à la foule : «[…] tout se passe comme si toutes les acquisitions morales des individus s’effaçaient dès lors qu’on réunit une pluralité, voire même des millions d’individus, et qu’il ne restât plus que les attitudes animiques les plus primitives, les plus anciennes et les plus grossières. » [29] On voit donc poindre ici, six ans plus tôt la problématique que Freud développera pleinement dans Psychologie des masses et analyse du moi (1921). On constate également que la haine et la destructivité sont expliquées par la régression aux stades primitifs de l’humanité demeurés bien présents en dépit des stades ultérieurs de développement. Il faudra attendre le texte de 1933 « Pourquoi la guerre » pour que soit conféré à la pulsion de mort un rôle central dans l’explication des sources inconscientes de la violence chez les humains.
29« Notre rapport à la mort », deuxième texte d’« Actuelles sur la guerre et la mort » nous permettra, à partir de considérations sur la mort, de renouer avec le thème du droit et de la violence. Au départ, ce texte vient dénoncer une deuxième illusion que nous entretenions à notre insu : avec la guerre, la mort ne se laisse plus dénier, on est forcé de croire en elle. Pour en savoir davantage sur notre rapport à la mort, Freud se propose d’investiguer la relation de l’homme originaire à la mort et celle que nous entretenons dans notre inconscient avec elle.
30L’homme des premiers temps aurait eu à ce sujet une attitude très singulière : d’une part il a reconnu la mort et d’autre part, il l’a déniée. D’une part il pratiquait le meurtre comme allant de soi, « ainsi l’histoire originaire de l’humanité est-elle remplie par le meurtre. [30] » Mais s’agissant de lui, il se comportait à l’égard de la mort comme nous le faisons tous dans notre inconscient, il la déniait. Freud est alors conduit à expliquer le sentiment de culpabilité des individus depuis les temps originaires « et qui dans maintes religions s’est condensé en l’hypothèse d’une coulpe originaire, d’un péché héréditaire [30]bis »par l’expression d’une culpabilité « de sang dont s’est chargée l’humanité des temps originaires [31]. » Celle-ci, selon Totem et Tabou (1913) ne pouvait être autre chose que la mise à mort du père originaire de la horde primitive, transformé plus tard endivinité, ce à quoi la doctrine chrétienne nous donne accès. Puis, avec la mort d’êtres chers, le primitif qui « ne voulait pourtant pas l’admettre parce qu’il ne pouvait se représenter lui-même mort. [32] », s’engagea dans des compromis. Il consentit à ce que la mort fut aussi pour lui, mais il s’opposa en même temps à ce qu’elle fut irrémédiable. Plus tard les religions prétendirent que cette existence après la mort était la plus précieuse. Ainsi auprès du cadavre de la personne aimée seraient nés non seulement la doctrine de l’âme, la croyance à l’immortalité, la conscience de la culpabilité, « mais les premiers commandements éthiques. [33] »Le premier et le plus important : « Tu ne tueras point. » « avait été acquis, auprès du mort aimé, en réaction contre la satisfaction de haine dissimulée derrière le deuil, et il s’étendit progressivement à l’étranger non aimé et finalement aussi à l’ennemi. [34] » Mais, nous dira Freud, un interdit aussi puissant ne peut qu’être le contre-investissement du désir contraire, car nul besoin d’interdire ce que personne ne désire. C’est donc précisément l’accent mis sur le commandement qui nous prouve, constate Freud, que nous descendons bien « d’une lignée infiniment longue de meurtriers qui avaient dans le sang le plaisir au meurtre, comme peut-être nous-mêmes encore. [35] » Cette hypothèse nous démontrerait une fois de plus que le droit appartient bien à l’après-coup, qu’il se construit toujours sur le temps premier de la violence.
31Si l’on se tourne maintenant vers le rapport que notre inconscient entretient avec la mort, nous sommes amenés à devoir reconnaître que l’homme contemporain se comporterait toujours dans son inconscient comme l’homme originaire. «[…] nous reconnaissons l’existence de la mort pour les étrangers et les ennemis et nous les y condamnons avec autant d’empressement et aussi peu de scrupules que l’homme originaire. [36] »Àla différence près que notre inconscient se contente de la désirer mais ne l’exécute pas. Ainsi dans notre vie psychique inconsciente, en tout temps, nous éliminons ceux qui nous sont indésirables. « Nous sommes donc nous-mêmes […], relève Freud, comme les hommes originaires, une bande de meurtriers. [37] » Si l’on résume ce que nous continuons à partager dans notre inconscient avec l’homme primitif, nous sommes forcés de constater que nous avons en nous toutes les dispositions dont la guerre a besoin pour désirer faire la guerre (wish for war). 1- Comme notre inconscient est inaccessible à la représentation de la mort propre, nous possédons toutes les prédispositions requises pour nous lancer dans des actes d’héroïsme; 2- notre inconscient prend plaisir au meurtre des étrangers et de plus, même à l’égard des personnes aimées il est au mieux plein d’ambivalence. Comment la guerre s’y prend-elle maintenant pour nous transformer en soldats ? Elle n’a plus qu’à nous enlever les minces couches récentes de culture pour faire surgir en nous l’homme originaire, nous amenant alors à nous comporter en héros qui ne croient aucunement en leur mort propre, elle nous présente les étrangers comme des ennemis à tuer et elle nous conseille de ne pas nous soucier de la mort des personnes que nous aimons. Bref, en nous dépouillant des acquisitions de la civilisation, la guerre met à nu l’homme originaire qui est en nous. Mais, faut-il le souligner, avec la guerre, il ne s’agit plus de violence ou de meurtre se situant au niveau de la réalité psychique, comme dans les fantasmes, ils ont lieu réellement dans la réalité matérielle concrète, confondant ainsi réalité psychique et réalité matérielle. Avec un pareil tableau, Freud se demande si nous ne devrions pas plutôt nous incliner et nous adapter à la guerre en reconnaissant tout simplement que nous avons vécu au-dessus de nos moyens culturels ? Tout cela annonce déjà les réflexions de Freud dans « Pourquoi la guerre » sur le rapport entre droit et violence.
32Le deuxième texte de Freud consacré à la guerre est un échange épistolaire qui eut lieu en 1932 entre Freud et Einstein. La question d’Einstein posée à Freud « que peut-on faire pour détourner des hommes la fatalité de la guerre ?» a deux niveaux. Le premier concerne les conditions d’existence d’un pouvoir au-dessus des états qui assurerait la sécurité à un niveau international, le deuxième a trait à la recherche de moyens psychologiques qui empêcheraient de reproduire la haine et la violence. Écartant d’emblée toute proposition concrète qui irait dans ce sens, Freud choisit d’y répondre d’un point de vue psychologique et indirectement en refaisant l’histoire du droit et du pouvoir qui s’est toujours établi à partir d’une violence exercée par d’aucuns sur leurs vis-à-vis.
33Alors qu’aujourd’hui droit et pouvoir semblent antinomiques, « il est facile
de démontrer, selon Freud, que l’un s’est développé à partir de l’autre ». Au mot
pouvoir, il dit préférer le mot violence tant les conflits entre les hommes ont
toujours été tranchés par la violence. Ce qui aurait conduit de la violence au
droit n’est rien d’autre que l’union de plusieurs faiblesses contre un fort, laquelle
a permis que soit substituée à la violence d’un seul celle de la communauté.
Encore a-t-il fallu que cette réunion de plusieurs devienne stable et durable.
« Par là, dit Freud, l’essentiel est déjà posé : la victoire remportée sur la violence par le transfert du pouvoir à une plus vaste unité dont la cohésion est
maintenue par les liens affectifs entre ses membres. Tout le reste n’est que développements et répétitions. [38] » Tant que la communauté reste constituée
d’individus de force égales, les choses restent simples, mais s’introduisent tôt
ou tard des inégalités et le « droit de la communauté devient alors l’expression
des rapports de forces inégales [39] », les lois devenant celles des gouvernants qui
laissent peu de droits aux sujets. Dès lors le conflit s’installe dans la communauté : aux tentatives des maîtres de s’élever au-dessus de la communauté, « donc
pour revenir du règne du droit à celui de la violence [40] », vont répondre celles
« des opprimés pour se procurer plus de pouvoir […]et voir ces modifications
reconnues par la loi [41] ». Par où l’on voit que la communauté n’a pas pu éviter
la liquidation violente des conflits d’intérêts. Ainsi, l’histoire de l’humanité est
riche de conflits qui n’ont été tranchés que par la guerre. Freud distingue alors
les guerres qui n’ont amené que des calamités des guerres qui ont contribué à
transformer la violence en droit « en établissant d’assez vastes unités au sein
desquelles la possibilité de recourir à la violence avait cessé et où un nouvel
ordre juridique arbitrait les conflits. [42] » Freud évoque alors l’hypothèse d’une
guerre pour mettre fin à la guerre. Il fait observer que toutes les guerres de conquêtes n’ont pu réaliser que des unions partielles qui ne faisaient que provoquer la
décision par la violence et que le seul résultat de toutes ces guerres a permis à
l’humanité d’échanger des petites guerres innombrables et sans fin contre des
grandes guerres plus rares mais encore plus dévastatrices. Ne resterait pour mettre fin aux guerres que la possibilité de mettre en place un pouvoir central auquel
serait transféré « le droit de jurisprudence pour tous les conflits d’intérêts. [43] »
Ce qui nécessiterait deux conditions indispensables : qu’un tel pouvoir puisse
être créé et que les états lui confèrent le pouvoir nécessaire. Freud ne se faisait
aucune illusion à ce sujet car manquerait à ce pouvoir supra étatique une des
conditions indispensables pour assurer la cohésion d’une communauté : elle disposerait bien sûr de la contrainte de la violence, mais les liens affectifs entre
ses membres lui feraient défaut. Ainsi, toute tentative de substituer le pouvoir
des idées au pouvoir reposant sur la force, la violence et la contrainte lui semble vouée à l’échec tant c’est une grave erreur de calcul d’oublier que « le droit
n’était à l’origine que violence brute et qu’il ne peut de nos jours non plus se
passer du soutien de la violence. [44] »
Freud en vient alors, comme explication ultime de la violence qui déchire
sans cesse l’humanité – et dont on aurait tort d’oublier que c’est sur elle que le
pouvoir et le droit se sont construits – à la question de la pulsion de mort. Et
c’est en reprenant habilement une remarque d’Einstein qu’il l’introduit. « Vous
vous étonnez qu’il soit si facile de susciter chez les hommes l’enthousiasme
guerrier, et vous présumez que quelque chose agit en eux, une pulsion de haine
et d’extermination, qui répond à une telle folie prédatrice. À nouveau je ne puis
que vous donner raison sans restriction, écrit-il. [45] »Il entreprend alors d’exposer sa nouvelle théorie des pulsions à laquelle il est parvenue depuis Au-delà
du principe de plaisir (1920) après, dit-il, « maint tâtonnement et atermoiement »,
ce qui lui permet de penser autrement qu’il l’avait fait dans « Actuelles sur la
guerre et sur la mort » la violence et la guerre et de décrire les voies qui
s’offrent à l’humanité non pas tant pour les vaincre – car elles seront toujours
omniprésentes– mais pour travailler à les endiguer et à faire en sorte que
celles-ci ne triomphent. Comment faire ?Si la guerre est, partiellement, l’expression de la pulsion de destruction retournée vers l’extérieur [46], tout ce qui parviendra
à créer entre les hommes des liens affectifs permettra d’exercer sur eux un effet
contraire à la guerre. Il envisage également, ce qui peut sembler un idéal utopique qui ne pourrait appartenir qu’à peu d’individus, la dictature de la raison
sur la vie pulsionnelle. Mais l’empire – on pourrait aussi dire l’emprise – des
États et l’interdit de penser des Églises rendraient cette voie purement utopique. Reste la voie du pacifisme. « Pourquoi, lance alors Freud à Einstein, nous
révoltons-nous tant contre la guerre, vous, moi et tant d’autres, pourquoi ne l’ac-ceptons-nous pas comme telle autre des nombreuses nécessités pénibles de la
vie ? Elle semble pourtant bien conforme à la nature, biologiquement bien fondée, pratiquement inévitable. [47] » En prenant soin de ne pas condamner au même
titre toutes les guerres, il pense certainement aux guerres défensives, Freud donne
d’abord l’argument convenu pour lequel nous devons être contre la guerre : « tout
homme a un droit sur sa propre vie, que la guerre anéantit des vies humaines
prometteuses et place l’individu dans des situations qui l’avilissent, qu’elle le
contraint à en tuer d’autres, à son corps défendant, qu’elle détruit de précieuses valeurs matérielles […]» [48], etc. Mais la principale raison, selon Freud, « qui
motive notre révolte contre la guerre est que nous ne pouvons pas faire autrement. Nous sommes des pacifistes parce qu’il nous faut l’être pour des raisons
organiques. [49] »Il nous faut l’être, explique Freud, parce que la violence et la
guerre viennent apporter au processus de l’évolution de la culture qui se déploie
sur l’Humanité depuis des temps immémoriaux « un démenti des plus criants. [50] »
Voilà pourquoi « nous devons nous révolter contre elle, nous ne la tolérons tout
simplement plus, ce n’est pas, surenchérit Freud, un refus intellectuel et affectif, c’est chez nous autres pacifistes une intolérance constitutive, une
idiosyncrasie amplifiée pour ainsi dire à l’extrême. [51] »
Il importe finalement de souligner que Freud n’a jamais cru que la guerre
n’était qu’une manifestation pure et simple de la pulsion de mort. Bien souvent,
dit-il, les motifs nobles ou idéaux n’ont servi que de prétexte à la pulsion de
destruction; nous n’avons qu’à penser aux Croisades ou à la Sainte Inquisition.
À ce propos, il fait remarquer :
34
« Quand les hommes sont poussés à la guerre, toute une série de motifs peuvent en eux y répondre favorablement, nobles et triviaux […] Le plaisir pris à
l’agression –[exprimerait bien l’idée que la guerre est érotisée. À ce moment-là, la pulsion de mort n’agirait pas seule, elle se trouverait intriquée avec Éros]–
et à la destruction compte certainement parmi eux; d’innombrables cruautés de
l’histoire et de la vie quotidienne en corroborent l’existence et la force.
L’amalgame de ces tendances destructrices avec d’autres, érotiques et idéales,
facilite naturellement [nous soulignons] leur satisfaction. [52] »
Les arguments voulant que la guerre soit un phénomène de société exigeant
tout à la fois un large consensus, une vaste planification, une discipline nécessitant la répression de toute violence spontanée et non réfléchie des combattants,
etc. invalident-ils les hypothèses freudiennes voulant qu’inconsciemment
l’individu rechercherait la guerre ? Je ne le crois pas. Tous ces détours et aménagements dont on nous parle – qui constituent autant de façons de différer la
violence et de la légitimer– ne pourrait-on pas les considérer, au contraire, comme
une façon d’avaliser la pulsion de mort en lui donnant les moyens de s’exprimer et en lui fournissant la rationalité à partir de laquelle elle pourra s’exercer
impunément, comme une façon d’ouvrir la porte à la barbarie au sein même de
la civilisation, allusion ici au « pacte de la civilisation avec la barbarie » dans
L’Homme Moïse et la religion monothéiste ? Car, il ne faut pas perdre de vue
que l’homme est un être pulsionnel et qu’à ce titre, à côté de l’amour, il est porteur d’une haine qui utilise le fait d’être en groupe pour trouver des motifs lui
permettant d’exprimer ses pulsions destructrices. Dans cette perspective, s’il
n’y a de guerre proprement dite qu’entre états et non entre individus, ce serait
quand même la pulsion de mort, présente chez tout individu, qui trouverait à se
satisfaire, la « civilisation » se contentant d’apporter de nouveaux motifs qui
réveilleraient ces pulsions destructrices.
35Dans Le freudisme, Paul-Laurent Assoun souligne « qu’il est remarquable que Freud présente son pacifisme moins comme un choix philosophique que comme une attitude « organique [53] », ou dit autrement constitutionnelle. Le pacifisme de Freud se démarquerait ainsi « des formes idéalistes du pacifisme [54] », il se manifesterait comme une nécessité qui découle de l’appartenance de l’humanité au processus culturel qui la traverse. Ce n’est pas autrement qu’il faut entendre la dernière phrase de son texte : « tout ce qui promeut la développement culturel œuvre du même coup contre la guerre. [55] »Dans ce deuxième texte sur la guerre, Freud marquerait une différence notoire avec le pessimisme qui caractérisait la fin d’« Actuelles sur la guerre et la mort ».
36Freud disait qu’il y a des choses qu’il faut dire plus d’une fois avant qu’on finisse par les saisir. C’est d’une part dans cette perspective que j’ai voulu présenter à nouveau le contenu de ces deux grands textes de Freud sur la guerre, mais aussi parce qu’il m’a semblé qu’une discussion sur le droit et la violence ne pouvait faire l’économie de l’argumentation freudienne qui demeure encore, selon moi, d’une grande actualité dans la mesure où demeurent toujours actuelles les vérités que le temps non seulement n’a pas périmé, mais auxquelles il a donné encore plus de force et de pertinence.
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Mots-clés éditeurs : Doctrine de la guerre juste et injuste, Pulsion de mort, Violence, Meurtre, Droit
Date de mise en ligne : 01/11/2008
https://doi.org/10.3917/top.102.0051Notes
-
[1]
Benslama, Fethi, La psychanalyse à l’épreuve de l’Islam, Aubier, La psychanalyse prise au mot, Paris, 2002.
-
[2]
Ibid., p. 285.
-
[3]
Ibid., p. 285.
-
[4]
Ibid., p. 284.
-
[5]
Ibid., p. 284. Ce récit coranique rappellerait « le couple original imaginé par Platon dans Le Banquet, que l’on retrouverait également dans de nombreux mythes, sur toute la planète; par exemple chez les Dogons. »
-
[6]
Ibid., p. 284.
-
[7]
Ibid., p. 284.
-
[8]
Ibid., p. 289.
-
[9]
Ibid., p. 285.
-
[10]
Ibid., p. 286.
-
[11]
Assoun, P.-L., Frères et sœurs, Tome I, Le lien inconscient, Anthropos, Paris, 1998. « Il y a bien pourtant un statut inconscient du fraternel, et la psychanalyse ne saurait en méconnaître la portée. » p. 6
-
[12]
Bouthoul, Gaston, La guerre, Que Sais-je, 1969, p. 34.
-
[13]
Caillois, René, Bellone ou la pente de la guerre, Bruxelles, La Renaissance du livre, s.d., p. 195.
-
[14]
Bouthoul, G., Carrère, R., Annequin, J.-L., Le défi de la guerre 1740-1974, Puf, 1976.
-
[15]
Baudrillard, Jean, L’esprit du terrorisme, Galilée, 2002, p. 15.
-
[16]
Dictionnaire philosophique, article « guerre ».
-
[17]
Pascal, B., Pensées, GF, Flammarion, Paris 1997, p. 139
-
[18]
Ibid.. p. 139.
-
[19]
Ibid., p. 135.
-
[20]
Ibid., p. 136.
-
[21]
Dictionnaire philosophique, article « guerre ».
-
[22]
Walzer, Michael, Guerres justes et injustes, Folio, essais, no 473, Gallimard, Paris, 2006.
-
[23]
Ibid., p, 79.
-
[24]
Clausewitz, De la guerre, traduction Denise Naville, Éditions de Minuit, Paris, 1955.
-
[25]
Ibid., p. 53.
-
[26]
Walzer, Ibid., p. 87.
-
[27]
Ibid., p. 87.
-
[28]
Ibid., p. 91.
-
[29]
Freud, « Actuelles sur la guerre et la mort », Œuvres complètes, no XIII, 1914-1915, Paris, 1988, p. 146.
-
[30]
30 et 30 bis. Ibid., p. 146.
-
[31]
Ibid. p. 146.
-
[32]
Ibid., p. 148.
-
[33]
Ibid., p. 149.
-
[34]
Ibid., p. 150.
-
[35]
Ibid., p. 151.
-
[36]
Ibid., p. 152.
-
[37]
Ibid., p. 152.
-
[38]
Freud, « Pourquoi la guerre ?», Résultats, idées, problèmes II, puf, Petite bibliothèque Payot, Paris, 1985, p. 206
-
[39]
Ibid., p. 206.
-
[40]
Ibid., p. 206.
-
[41]
Ibid., p. 206.
-
[42]
Ibid., p. 207.
-
[43]
Ibid., p. 208.
-
[44]
Ibid., p. 209.
-
[45]
Ibid., p. 209.
-
[46]
« J’aimerais cependant m’attarder encore un instant sur notre pulsion de destruction […] nous sommes en effet parvenus à concevoir que cette pulsion est à l’œuvre en tout être vivant et tend donc à provoquer sa décomposition et à ramener la vie à l’état de la matière inerte. Elle méritait en toute rigueur le nom de pulsion de mort, tandis que les pulsions érotiques représentent les aspirations à la vie. La pulsion de mort devient pulsion de destruction en se tournant, au moyen d’organes spécifiques, vers l’extérieur, contre les objets. L’être vivant préserve pour ainsi dire sa propre vie en détruisant celle d’autrui. Mais une partie de la pulsion de mort reste active à l’intérieur de l’être vivant, et nous avons tenté de déduire toute une série de phénomènes normaux et pathologiques de cette intériorisation de la pulsion de destruction. » Ibid., p. 211.
-
[47]
< Ibid., p. 213.
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[48]
Ibid., p. 213-214.
-
[49]
Ibid., p. 214.
-
[50]
Ibid., p. 215.
-
[51]
Ibid., p. 215.
-
[52]
Ibid., p. 210-211.
-
[53]
Assoun, P.-L., Le freudisme, puf, Quadrige, Paris, 2001, p. 162.
-
[54]
Ibid., p. 162.
-
[55]
Freud, « Pourquoi la guerre ?», p. 215.