Topique 2005/3 no 92

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Article de revue

Le Mal à l'insu du bien

Pages 141 à 155

1 – L’ŒDIPE APRÈS LE COMPLEXE D’ŒDIPE

1Ces dernières années, nous assistons à un vieillissement de la population. Il est si dramatiquement important que, d’ici quinze ans, il y aura deux fois plus de retraités que d’actifs. Cette situation familiale et sociale est inédite dans les annales de l’Occident. Jamais, jusqu’à présent, la question de la prise en charge des aînés n’avait été aussi prégnante. Les adultes d’aujourd’hui sont, non seulement mis à contribution dans l’éducation et les soins à leurs enfants, mais il arrive, de plus en plus souvent, qu’ils doivent également prendre en charge leurs parents et parfois même leurs grands-parents. Ces prises en charge sont coûteuses, très coûteuses. Elles demandent des investissements budgétaires et psychiques massifs au point de menacer la stabilité du sujet, du couple, l’avenir des petits-enfants et les biens durement gagnés par la famille au cours de toute une vie de travail. Pères et mères, fils et filles, se retrouvent devant des choix dramatiques; prendre soin de leur passé au risque de revivre des situations de liens qu’ils pensaient révolues, ou ne plus regarder en arrière afin de protéger la génération des enfants. Pour ces sujets, la question de l’alliance se pose avec acuité. Doivent-ils accepter la charge de leurs parents et s’en occuper comme s’ils étaient leurs enfants, ou les abandonner en accomplissant le destin auquel leurs parents les avaient promis, en choisissant d’élever leurs propres enfants ? Entre deux promesses, deux engagements symboliques, deux types de liens amoureux, le circuit de la haine trouve à se nourrir. Il s’insinue dans toutes les fissures et les failles symboliques. Le sujet ne sait plus vraiment à quoi il doit être fidèle ou comment concilier deux prises en charge qui, tout en l’appelant du côté de la fonction parentale, le replonge, dans le même mouvement, dans les miasmes d’une enfance réduite à l’état de relique. A cette occasion, des affects nés dans l’antiquité de la subjectivité se réactivent. Ils sont puissants et sans compromission, comme l’enfance.

2Les affects qui font retour chez l’adulte le questionnent dans son identité de sujet et dans ses choix libidinaux. En apparence, ces affects appartiendraient aux expressions de l’Eros, de la pulsion de vie. Après tout, ne s’orientent-ils en direction d’autrui dans un but bienveillant ? Participeraient-ils, ce faisant, à une explosion d’amour et de joie retrouvée dans l’alliance inaltérable entre parents et enfants ? Ce serait sans compter sur la question du complexe d’Œdipe et des remises en question fondamentales qu’il exige de la part du sujet. Où en est la résolution du complexe d’Œdipe chez ces adultes que la société oblige, en toute légalité, à prendre soins de leurs parents, quitte à remettre en question leurs engagements symboliques fondamentaux ? Comment concilier l’éthique du sujet et la morale sociale ? Du côté de l’éthique du sujet, la réponse est difficile. Il est symboliquement exigé de lui qu’il prenne soin de ses enfants d’abord et de ses parents, ensuite, dans le respect et la distance nécessaire à une reconnaissance des places de chacun. Pourtant le social, par la voix du juridique, l’oblige à privilégier les seconds, parfois au détriment des premiers. La loi séculaire bataille avec la loi symbolique. Ce combat entre ces deux registres de la loi s’exprime pour le sujet par le biais d’une injonction paradoxale, d’une double contrainte. Il est tiraillé. Il désire aimer, être aimé, mais également être responsable comme le suppose sa place d’adulte, sans rien abandonner; car abandonner ce serait faillir à sa fonction, échouer devant l’icône de l’Idéal du Moi et fantasmatiquement désobéir aux injonctions du Surmoi, au risque de revenir à une situation préœdipienne éminemment mortifère. Mais quand on n’abandonne rien, lorsque tous les objets d’amour filiaux prennent soudain une même valeur essentielle, le sujet ne peut plus se sentir regardé par les figures tutélaires de son passé. Il n’est plus porté. Sa place d’enfant entre deux générations est mise à mal. Il devient, il incarne alors le parent d’avant les parents et les grands-parents, une figure mythique. Les limites de son identité subjective, de son Moi, vacillent. Les figures de ses investissements libidinaux archaïques prennent la même valeur que les représentants de la génération suivante. La métonymie désirante se distend. Elle peine à se renouveler tellement les obligations se font entendre dans la conscience. Les objets d’amour sont mis à mal au point, parfois, de mourir, de s’évanouir symboliquement, de se faire insensés ? Quelle serait donc la nature d’un objet mort dans le désir; un objet de la haine ou l’objet d’une jouissance sans limite, comme lui ?

3Mettre du sens dans ses actions, reposer du sens dans ses vocables afin de les orienter pour mémoire est le travail ardu de la pulsion de vie dans l’économie du sujet. A l’opposé, obéir à une force obscure, agir par nécessité, parce qu’il faut le faire, le dire, le penser, parfois, aussi, sans y penser, participe de la pulsion de mort et potentialise ses dégâts collatéraux et transgénérationnels. Qu’est-ce qui fait limite entre la question œdipienne et le déchaînement des désirs incestueux : l’interdit ou la jouissance ? Dans la pensée judéo-chrétienne, l’abnégation et le don de soi au service d’autrui relève de la beauté. Cependant, comme l’écrivait Rainer Maria Rilke : « Le beau n’est rien d’autre que le commencement du terrible. »

4En voici une expression possible .

2 – LE NAUFRAGE

5Il était une fois une mère et ses deux filles. Rosa, la maman, est une charmante petite dame. Elle fut admise dans notre service suite à un A.V.C. aux séquelles importantes. Depuis, la patiente a perdu l’usage de la partie gauche de son anatomie. Elle parle peu, un mot, deux, parfois une phrase, mais jamais de longs discours. Elle est très désorientée dans le temps et dans l’espace. Son humeur est changeante. Rosa a, néanmoins, le contact assez facile. Lorsqu’elle est calme, elle accueille l’autre avec joie et gentillesse, comme une grand-mère ses petits-enfants. Elle peut rester ainsi sereine pendant des heures, répondant avec amabilité aux sollicitations des soignants et des visiteurs. Puis soudain, catastrophe, tout s’effondre. Monte alors en elle une terrible angoisse.

6Pendant ces moments de crise, Rosa devient l’ombre d’elle-même. Elle se propulse avec sa chaise roulante dans les couloirs du pavillon à la recherche d’un lieu de refuge, hors de vue, hors d’elle et des autres. Son visage se gonfle alors de sang et ses yeux fuient le contact. Elle devient fébrile et perd le contact avec la réalité environnante. Elle ne reconnaît plus personne et ne sait plus du tout où elle se trouve. Elle cherche à rentrer chez elle, même si elle ne sait plus où se trouve ce « chez elle ».

7Quant au reste du temps, Rosa le partage avec sa compagne de chambre. Lucie est plus autonome que Rosa, mais vit souvent dans un autre monde. Relativement détériorée, Lucie existe dans un univers de sensations et de souvenirs reconstruits. Elle est d’une nature aimable et douce. Cependant, il peut lui arriver de réagir avec véhémence lorsque la situation ou son environnement immédiat lui devient insoutenable.

8Lucie et Rosa s’entendent relativement bien. Aucune d’entre elles ne s’imaginerait aujourd’hui vivre sans l’autre. Ce qui ne les empêche nullement de se disputer de temps à autre. Elles ont fini par s’habituer l’une à l’autre. Tant et si bien qu’il arrive aujourd’hui que Lucie promène Rosa dans les couloirs. Elles s’accompagnent chacune dans leur monde, mais ensemble dans le pavillon.

3 – CET OBSCUR OBJET DU DÉSIR

9Tout aurait pu aller pour le mieux pour Rosa, si, dès son admission, ses deux filles n’avaient décidé de s’occuper d’elle. Toutes deux mariées et mères de famille, elles ont, d’un commun accord, décidé d’accompagner l’institutionnalisation de leur maman dans le service. Physiquement, les deux sœurs se ressemblent beaucoup. Elles sont grandes et élancées. Elles ont le teint clair, une chevelure blonde abondante et de grands yeux. Leur rouge à lèvre carmin souligne une bouche étirée qui fend, à l’horizontale, la blancheur de leur visage. Elles viennent, alternativement, passer quelques heures au chevet de leur mère tous les après-midi de la semaine. Rosa a ainsi l’occasion d’avoir ses filles chéries à ses côtés, qu’elle se sente bien ou mal, dans la sérénité ou l’angoisse. Pour l’équipe soignante, la venue des enfants de Rosa n’est pas synonyme de soulagement.

10En effet, il ne se passe pratiquement pas un jour sans que les sœurs ne se sentent le droit d’exprimer aux membres de l’équipe combien leurs soins laissent à désirer ainsi que leur incapacité, malgré tous leurs efforts, à comprendre les «vrais » besoins de leur mère. Dans leurs discours, il n’y a qu’elles, les filles, qui savent ce qui est bon pour leur maman.

11C’est ainsi que pendant les premiers mois de l’hospitalisation de Rosa, elles n’hésitaient pas à lui dire : « Tu rentreras bientôt à la maison, juste le temps que tu reprennes la marche. »

12Si les filles savaient très bien que leur mère ne remarcherait jamais, la mère, pour sa part, l’ignorait et s’accrochait à la possibilité de rentrer prochainement à son domicile.

13Il faut dire à ce propos que les premières semaines d’hospitalisation dans un Service de Soins de Longue Durée sont cruciales pour un patient. Elles constituent un temps d’adaptation et de deuil nécessaire. Pendant cette période, le résidant apprend, généralement doucement, à s’habituer à son nouvel environnement et à accepter le fait de vivre hors de son domicile. Dans ses moments d’angoisse, Rosa exprimait violemment son désir de rentrer enfin « à la maison ». Comme si cela relevait d’une évidence ? En retour, les soignants – qui alors ignoraient tout du dialogue mère-filles – la recadraient en lui rappelant où et quand elle était. A chaque fois Rosa s’irritait et réaffirmait son désir. Contrairement à ce qui se passait avec la plupart des autres patients du Long Séjour, Rosa n’abandonna pas l’idée d’un retour prochain à son domicile. Elle répétait, à qui voulait l’entendre, qu’elle ne resterait pas plus longtemps à l’hôpital parce que, bientôt, elle irait mieux.

14Que faire lorsque la parole des enfants s’oppose aux faits ainsi qu’à leurs conséquences sur la personnalité ? L’équipe de soins, le médecin et le psycho-logue firent tout ce qui était en leur pouvoir pour exposer ces difficultés aux deux filles. Pour toute réponse, ces dernières réaffirmèrent la nécessité de leurs actions. Elles semblaient sourdes à la moindre remise en question. Tout se passait comme si, pour elles, il était intolérable d’entendre la maladie et le handicap de leur mère. Pour l’équipe de soin, la prise en charge devint ainsi, non plus une prise en charge individuelle, mais collective. On s’occupait non seulement de Rosa, mais également de ses proches. Il fallait, d’abord et avant tout, désamorcer les effets « bienveillants » de la prise en charge des filles, temporiser, relativiser, distancier, détacher la glu qui collait ces enfants à leur mère.

15Dès le départ, ces deux femmes exposèrent leurs regrets et leur culpabilité face à l’institutionnalisation de leur maman. Elles auraient tellement désiré prendre soin d’elle à leur domicile, « dans la paix et l’amour ». Mais ce n’était pas possible. Elles avaient elles-mêmes charge de famille. A ce propos, elles contaient aux soignants ainsi qu’aux autres familles de résidants combien elles étaient attachées à leurs proches; maris et enfants. Ce qui ne les empêchait nullement de passer des heures, chaque jour, à l’hôpital. Parfois, elles rentraient chez elles en pleurs ou à bout de nerfs parce que la journée en compagnie de maman avait été par trop insupportable. Il s’en fallut d’ailleurs de peu pour que l’une d’entre elles ne mette son couple en péril.

16« Déjà qu’elle passe ses journées avec ma belle-mère, nous dit le mari de l’une d’elles. Mais, en plus, quand elle rentre, ma femme ne parle que d’elle ! Je n’ai pas eu d’autre conversation avec elle depuis des semaines ! On ne peut même plus régler nos affaires de famille tellement elle se sent mal… Vous trouvez que c’est drôle pour moi de rentrer à la maison et de voir ma femme dans tous ses états ?!»

17Au quotidien, la détérioration physique et psychique dont elle était l’objet ne permettait plus à Rosa d’argumenter clairement ses désirs ou ses besoins. Bien sûr, elle était contente de voir ses filles, même si parfois elle confondait l’une ou l’autre avec sa propre mère. Maman les aimait. C’était une certitude ! Pourtant, pour la patiente, ce n’était peut-être pas si clair. Qui accueillait-elle vraiment; ses filles ou deux personnes qui, par leur présence et les marques d’affection qu’elles lui portaient, lui rappelaient son importance en tant qu’objet d’amour ?

18Quoi qu’il en soit, pour ses filles, la brèche était là, béante, ouverte au déversement du savoir et de la bonne volonté filiale. Car les filles savent. Elles savent tout ce dont leur mère a besoin, parfois même contre toute évidence. Leur savoir est bienveillant, totalitaire et infini. Il est si complet que, de loin, on pourrait croire qu’elles seraient tout à fait indiquées pour prendre en charge leur maman. Seulement, et c’est là que le bas blesse, elles ne peuvent la prendre à la maison. Ce savoir sur la mère, n’est pas une connaissance proprement dite. Il s’agirait plutôt d’une articulation désirante qui se masquerait derrière les oripeaux du savoir. Cliniquement, on reconnaît cette articulation au fait que l’expression du savoir est totalitaire et indiscutable, comme si aucun élément de réalité ne pouvait le remettre en cause ou en question. Le désir savoir n’est pas un désirer savoir, mais bien un désir sans savoir, ignorant de ses origines. Déguisé sous la forme du discours que Lacan appelait « le discours du maître », l’expression de ce désir n’est en réalité pas autre chose qu’un semblant de savoir, un mirage, une illusion alimentée par une pulsion d’emprise. Sophie de Mijolla-Mellor évoque ce surgissement pulsionnel à travers une expression qu’elle nomme la « cruauté banale ». « La cruauté, écrit-elle , resurgit pourtant quand le sujet se prend à vouloir imposer comme une nécessité en s’en faisant l’agent. Il risque alors de s’en désolidariser de la souffrance de celui qui la subit et, raide comme la justice, de s’infatuer d’un rôle qu’il pense supérieur. »

19Le sujet est cruel non pas par lui-même, mais parce qu’il est devenu l’objet d’une pensée Autre, en l’occurrence l’incarnation d’une figure surmoïque incomplète relevant de processus préœdipiens. La cruauté est déchaînement d’un désir en souffrance de subjectivité. Le sujet agent, se signifie dans une cruauté qu’il s’imagine être sienne parce qu’il se sent protégé par une figure parentale toute puissante dans les enjeux qu’il met en place. Ce faisant, il se dédouane de l’obscénité de ces gestes et banalise les maux dont il se fait, non pas l’origine, mais l’agent bienveillant. Le sujet cruel est ordres de l’Autre et de ses signifiants. Il ne parle pas dans ses actes. Il se laisse parler. Il est trans-parent !

20Dans le fond, les filles de Rosa accomplissent leur destin cruel en étant habitées par une représentation idéalisée, non pas de leur mère, mais de celle, qu’enfants, elles avaient intériorisées de l’image de La mère, la leur. Pour elles, et elles ne le savent que trop bien, une bonne mère est une mère autoritaire, sans compromis élevant ses petits dans un silence entendu. Dans l’accomplissement des soins à l’adresse de leur maman, quelque chose de ce lien archaïque, a resurgi. A leur insu, elles se devaient de se montrer « bonnes filles ». Et, dans ce but, elles ne pouvaient qu’incarner de « bonnes mères ». Le leurre du désir n’est pas qu’il ne se découvre aucune satisfaction possible, mais bien, qu’un jour, il puisse la découvrir.

21A travers leur dévouement, les enfants de Rosa traversent chaque jour la fenêtre de leur fantasme; devenir la mère de leur mère, s’occuper de maman comme si elle était une enfant, l’ombre d’elles-mêmes peut-être ? Que leur importe les changements de place dans la filiation, les déplacements métonymiques et le vertige qu’ils provoquent dans la pensée ? L’essentiel n’est-il pas de satisfaire son…, leur désir ? De plus, afin d’éviter que la semblance soit mise au jour, il faut que tout cela se joue ailleurs que sur la scène domestique : sur la scène hospitalière !

4 – UNE MISE EN SCÈNE DE L’AUTRE

22C’est vrai que l’hôpital est accueillant pour les cœurs en souffrance ! Tout le monde le sait. Certains néanmoins, semblent penser que cette noble institution pourrait accueillir, de façon indiscriminée, toutes les souffrances; surtout celles des sujets qui dénient, pour eux-mêmes, la possibilité de se faire soigner. Les filles de Rosa sont persuadées qu’elles vont bien et que ce qu’elles mettent en place pour leur mère est irréprochable. Elles ne doutent de rien, à aucun moment. Elles sont prêtes à tout afin de poursuivre, sans encombre, la mise en scène de leur amour filial; y compris à se rendre chez le psychologue sur injonction et une menace, à peine voilée du médecin, qu’elles s’occupent dorénavant de leur mère, à domicile, puisque les soins donnés dans le cadre du service sont toujours insatisfaisants. Cependant, dans le dialogue, elles ne paraissent jamais entendre qu’elles sont l’adresse de ces paroles et de ces remises en question. Dans leur esprit, il ne s’agit jamais d’elles, mais de leur chère maman affligée, désorientée, physiquement et psychiquement détériorée par des AVC successifs, incontinente, handicapée pour les gestes de la vie quotidienne et à moitié mutique. Parfois, il arrive qu’elles changent la couche de leur mère. «Pour ne pas déranger les soignants » argumentent-elles, avant d’ajouter : « Comme ça, elles sont sûres que cela a été fait ». Loin d’elles l’intention de mettre en doute la prise en charge, mais quand même ! Alors, elles restent pour le repas du soir. Maternellement, elles nourrissent Rosa, cuillerée après cuillerée. Cela peut durer ainsi jusqu’à trois quarts d’heure. Mais c’est sans importance. « C’est pour maman !». Leur désir de contrôle est si puissant qu’elles ne peuvent s’autoriser à laisser cette responsabilité à l’équipe soignante.

23Personne, à part des enfants aimants, ne pourrait accepter de prendre du temps pour nourrir un patient. C’est que, fantasmatiquement, il est connu et redouté que les structures de soins pour personnes âgées sont habituées à affamer leurs résidants jusqu’à ce que mort s’ensuive. Car dans ce manège, c’est bien de la mort dont il s’agit; celle de maman !

24- Je veux pouvoir profiter de ma mère jusqu’au bout, nous confia un jour la sœur la plus expansive du couple gémellaire.

25- Vous voulez dire que vous aimeriez que votre mère profite de votre présence ?

26- Non ! Je veux pouvoir lui donner le maximum avant qu’elle ne nous quitte. Comme ça, on ne pourra rien me reprocher !

27- Vous vous sentez coupable ?

28- Oh ça oui ! J’aurai tant voulu la prendre à la maison ! C’était difficile de prendre la décision de la mettre chez nous. Alors maintenant, je fais tout ce que je peux pour elle.

29- Elle vous l’a demandé ?

30- Non. Mais, je sais quand même ce que j’ai à faire. Je suis sa fille !

31- A-t-elle été une maman tendre avec ses enfants ?

32- Oh non ! Elle était une femme dure. Elle ne laissait pas beaucoup de place à l’émotion. Elle dirigeait son foyer d’une main de fer. Elle ne nous montrait jamais beaucoup d’affection. Elle travaillait beaucoup, vous savez.

33- Mais alors, pourquoi ?

34- Parce que je lui dois bien ça. Elle n’a plus que nous. Et, pour nous, elle est tout…

35Que pouvions-nous à ajouter à cela ? Entre désir d’emprise, de domination, de vengeance et culpabilité, la frontière est ténue. Ce qui fait tenir cet imbroglio désirant chez ces deux femmes, filles, sœurs et mères, c’est l’expression socialement valorisée de l’amour filial. Cependant, il n’est pas certain que ce que les filles mettent dans cet amour corresponde à ce qu’en imaginent les soignants, loin de là. Est-ce que l’expression de l’amour filial pourrait s’entendre comme ce qui serait l’amour des filles pour maman? Ne serions-nous finalement pas ici en face d’une confusion, d’une condensation entre les signifiants « fille » et « filial », dans quelque chose de « filliale »?

36Du côté des soignants, cette confusion persisterait dans son équivoque. Elle créerait ainsi une ouverture dans le discours, un malentendu. C’est à partir de ce dernier qu’apparaîtrait alors un phénomène de tolérance institutionnel. Qu’est-ce qu’un malentendu sinon une compréhension singulière partagée entre, au moins, deux sujets ? Dans le malentendu, chacun entend ce qu’il peut, en fonction de sa culture et de sa propre orientation désirante. Ainsi pouvons-nous dire que le malentendu est ce qui, entre deux sujets, ouvre à la question et au dialogue. Et c’est dans le cadre du dialogue qu’apparaissent, ou non, des effets de tolérance. Parfois, ils participent du dialogue. D’autre fois, lorsque l’un des sujets en présence use et abuse de la tolérance princeps de son interlocuteur, cette dernière découvre rapidement ses limites dans l’intolérance et le déchaînement de pulsions agressives. On ne tolère jamais les autres qu’en contrôlant, pour soi et à l’égard d’autrui, ses propres pulsions agressives. Plus les sujets maîtrisent leurs passions, plus ils laissent à autrui de latitude, tant en matière de langage que de comportements. Ils connaissent, la nature, la culture de la Loi symbolique et le prix de la transgression de la dite loi. Pour eux, l’interdit permet au désir de se structurer et de négocier son orientation. La satisfaction immédiate n’est jamais un enjeu. Ce qui compte, c’est ce qui se signifie entre les silences et les mots, dans les limites du langage, au cœur même du désir.

37En pratique, qu’elle soit institutionnelle ou singulière, la tolérance constitue, en tout état de cause, une zone franche, un no man’s land, dans le tissu des interdits. Qu’est-ce que tolérer ? C’est, par définition, supporter et accepter une chose que l’on pourrait tout aussi bien interdire. La tolérance implique donc une connaissance, ou une reconnaissance implicite, de ce qui fait interdit, tant chez le sujet qui tolère, que chez celui ou celle dont les comportements sont tolérés.

5 – DU RAVAGE AU CARNAGE

38Dans l’histoire qui nous occupe, la tolérance est chose entendue pour l’équipe soignante. Elle est l’objet d’un travail quotidien. En revanche, pour les deux sœurs, il en va tout autrement. Elles ne se sentent pas du tout concernées par le moindre effort de tolérance à leur adresse. Au contraire, elles ne cessent de donner à autrui le sentiment de son animosité et de sa mauvaise volonté. Tant et si bien que l’on peut s’interroger sur le sens de leurs paroles et de leurs actes. Quel est donc l’enjeu de leur passion pour leur maman ? Sont-elles là pour elles-mêmes ou pour leur mère ?

39La passion est souffrance. Elle est attente d’une lettre, d’un signifiant ou d’un signe toujours à venir. La passion est pathos de l’amour, une espérance née de soi pour soi, mais qui passe par autrui afin de se combler. La passion tisse avec le corps des liens entre le Réel et l’Imaginaire. Et le corps de chercher et se chercher dans l’Imaginaire du sujet. Il se regarde par ses yeux et ceux d’autrui. Il se montre, se cache, se démontre et se masque. Il joue à colin-maillard. Parfois, ne sentant plus ses limites, il se perd. L’angoisse monte et, avec elle, un certain nombre d’affects archaïques tels que la peur de l’abandon ou de la perte du contrôle sphinctérien. La passion engage le corps sur une route qui parfois le mène à l’annihilation. C’est ainsi que l’évanouissement et le suicide se réalisent parfois sur la scène du devenir passionnel. Apparaître, disparaître, se perdre et se redécouvrir dans un regard, un vocable; quelle épiphanie !

40La passion partagée engage les corps; le mien, le sien, le leur dans un tourbillon spéculaire d’où l’on ne sait plus parfois à qui appartient quoi. Ainsi, lorsque les deux sœurs se rendent alternativement au chevet de leur mère, nous pouvons nous demander si elles y vont pour lui apporter des soins ou soigner, essuyer leur propre souffrance sur son dos, devenue, pour l’occasion, la page virginale sur laquelle se couche l’écriture de leur discours désirant ? D’une certaine façon, les filles de Rosa ressemblent aux bonnes sœurs dont parlait Jean Cocteau lors de l’une de ses nombreuses hospitalisations. « Etrange psychologie des bonnes sœurs. La bonté leur est interdite. Un mécanisme de bonté la remplace. Le moindre geste de l’âme leur est impossible comme à nombre de comédiens le moindre geste en dehors du rôle qu’ils jouent (ramasser un chapeau qui tombe en scène, etc. »

41Dans le fond, à travers l’expression de leur pulsion d’emprise, les enfants de Rosa ne font-elles pas tout leur possible afin de se préserver d’une culpabilité imaginaire née d’un désir de mort, inconscient certes, mais bien vivant dans le lien mère-filles ? Et les deux femmes-filles-sœurs-mères de renchérir à propos de leur amour filial et de leurs soucis face aux difficultés de leur chère maman. Au détour de la maladie de leur mère, elles ont conquis toutes les places qu’elles pouvaient occuper en tant que femmes. Souhaiteraient-elles devenir des icônes de la féminité, les représentantes absolues de La femme? Ignorent-elles qu’une telle figure de la féminité n’existe pas ? Probablement. Cependant, leur désir semble bien se nourrir de ce fantasme afin de le réaliser. C’est ainsi que l’on peut tout à fait être une femme en désir d’être La femme. Pas la femme de l’un ou de l’autre, non ! Mais, La Femme qui serait toute femme (fille, sœur, épouse, mère, amie…). Cette figure de La femme est une représentation totalitaire. Elle n’accepte aucune contradiction, aucune remise en question. Elle se gargarise de sa volonté de puissance et s’érige, tel un phallus, devant les yeux ébahis et fascinés de tous les autres sujets.

42« Les adultes, c’est-à-dire les courtisans du langage, sans qu’ils témoignent ce faisant de la moindre hypocrisie, voient toujours un fascinus déjà voilé par le langage qui fait les hommes. Car il y a aussitôt deux corps chez celui qui se met à parler et qui devient langage : un corps sublime posé « orthographiquement » sur un corps obscène. Une statue divine et un phallos difformes sont indistincts. » Il y a quelque chose d’effectivement obscène chez les deux sœurs, quelque chose qui fait effraction sur la scène des relations sociales. Cette chose est une ombre portée. Elle est invisible, impalpable. Pourtant, elle regarde tout à chacun. Elle fuit la lumière des mots et cherche l’obscurité protectrice du corps. Sur les deux filles de Rosa, elle exerce une fascination morbide. Pour les infirmières et les aides-soignantes, en revanche, elle est génératrice d’effroi, d’une menace imminente qui pourrait, éventuellement, se réaliser sur leur propre corps. La quête de jouissance des enfants s’exprime comme un écho silencieux dans la psyché des soignants. Elle appelle à leur propre tension désirante. Elle les sollicite là où, en tant que sujet, ils restent faillibles.

43La jouissance est le cri de la chair. Elle n’évoque pas les ravages possibles dans les relations mère-fille. Elle est la possibilité même du carnage, du déchaînement de l’archaïque, de la dévoration, de l’horreur et de la promesse du bonheur. « C’est seulement lorsque l’objet exerce un attrait érotique que s’éveille la cruauté, que la pulsion amoureuse est avalée par la pulsion de puissance et la pervertit pour un faire un moyen de jouissance. »

44Dans la quête du corps à corps avec leur mère, les filles de Rosa rejouent, à leur insu, la fantasmatique d’un lien ombilical. Afin de s’en rapprocher, elles sont devenues des fœtus en gestation, des objets d’amour totaux se nourrissant du fluide vital de leur maman en devenir. Et dans le même mouvement, elles ont transformé leur mère en un nourrisson divinisé soumis à leur moindre caprice.

45Cette version du lien ombilical ne leur est pas propre. Elle s’adresse à toutes les filles devenues mères, et qui vivent dans l’entre-deux des générations. Le carnage est ainsi toujours présent à défaut d’être réalisé. Dévorer, être dévoré, aimer l’autre au point de l’ingérer afin qu’il retrouve sa place au milieu de ses tripes, le manger afin de le digérer et de l’expulser comme un excrément, sont les expressions d’un désir au plus près de la pulsion. Elles se posent aux mères tout d’abord, puis à leurs enfants, garçons et filles. Le sujet n’échappe à ce destin funeste que dans une alliance avec la Loi symbolique, avec ces mots qui interdisent et séparent la chair de la pensée. A travers les vocables et les signifiants, le corps et les pulsions se pensent, elles se détachent de la carnation cannibale pour entrer dans le registre de l’incarnation.

6 – DANS LE SILENCE DE LA CHAIR

46Le sujet qui s’incarne ne cesse de refaire connaissance avec sa chair. L’exercice de la pensée permet de transformer, de métaphoriser les pulsions archaïques en horizons désirants, de les rendre intelligibles et d’ouvrir le sujet à une intelligence de la relation et des autres. Aussi, exercer son intelligence est-ce d’abord et avant tout créer des liens symboliques. Cet usage de la pensée, dans la réflexion et le questionnement, dissout la glu charnelle et ouvre à la possibilité de l’amour. La haine, pour sa part, renvoie à l’absence de limites entre les corps et à leur indifférenciation. Dans la haine, tous les corps sont identiques, la chair appelle la chair, et l’humain disparaît au milieu des autres aliments carnés. Dans ce cadre, le meurtre est élimination, éjection d’autrui du corps du monde, devenu pour l’occasion corps maternel et maternant. Tuer l’autre consiste à le repousser vers un extérieur absolu, hors du Tout. Dans les relations humaines, les désirs de meurtre sont nombreux, mais comme ils sont médiatisés, symbolisés, ils ne se réalisent que rarement. Cependant, comme tout désir, ils se transforment, mutent, et changent d’objet. Ils deviennent alors souvent méconnaissables. L’humain a beau se civiliser, il porte toujours au fond de lui, des traces de l’archaïque, de ce qui, en lui, ne cesse jamais de pulser et que l’on retrouve parfois dans des expressions que l’on qualifie, désormais, de « pathologiques ».

47Les filles de Rosa sont aujourd’hui les otages d’un désir originel qu’aucun lien symbolique ne parait plus médiatiser, humaniser. Dans leur dynamique gémellaire, les figures de l’altérité sont interprétées comme dangereuses. Elles sont une menace. Un peu plus, si on les laissait faire, si on les laissait dire, les autres pourraient les arracher à leur imaginaire arachnéen, les détacher de la toile de l’arrêt nié. Alors, elles continuent. Elles poursuivent leur tâche sans faillir et tissent, avec le sourire et autour de leur mère, le cocon de leur amour carnassier. Dans la nature, les veuves noires sont connues pour dévorer leurs maris après le coït. On sait moins qu’elles sont des mères nourricières très efficaces. Les filles de Rosa expriment quelque chose de très proche. Elles ont certes des yeux partout, mais elles sont sourdes. Elles ne paraissent plus rien entendre à l’essentiel de ce qui fait la vie symbolique et interprètent toutes les relations intersubjectives sur un mode archaïque.

48A ce propos, un jour, l’une d’entre elles, Evelyne, s’étonna devant nous de la violence de Lucie à son adresse.

49- Elle m’a bousculée, nous dit-elle.

50- Que lui aviez-vous fait ?

51- Mais rien ! Je lui avais simplement demandé de sortir. C’est quand même la chambre de ma mère !

52- C’est également la sienne.

53- Oui, mais je ne faisais rien de mal. Il faut bien que je protège ma mère !

54- Contre quoi ?

55- Mais contre elle, voyons. Vous savez, en regardant au fond de sa table de nuit, j’ai découvert un couteau. On ne sait jamais ce qu’elle pourrait en faire. C’est quand même un comble ! Je peux quand même m’asseoir sur son lit lorsqu’elle n’y est pas.

56- Elle est chez elle.

57- Oui, mais moi, je m’occupe de ma mère. Elle, elle n’a personne. Et puis, il faut bien que je m’asseye quelque part ! Qu’est-ce que vous allez faire avec ce couteau !

58- Pourquoi ?

59- Elle pourrait tout à fait s’en servir contre maman !

60- Madame, Lucie est une femme affable. Si elle s’énerve, ce n’est jamais sans raison.

61- Vous ne pouvez pas comprendre !

62L’entrevue s’arrêta net. Evelyne était venue témoigner de son trouble et de ses craintes. Elle n’attendait rien de plus; être entendue comme sujet… du désir de l’Autre, de son inconscient. Curieux, à la suite de l’entretien, je m’enquérais de cette histoire de couteau auprès du personnel soignant. Les aides-soignantes me dirent alors leur surprise.

63- Nous nettoyons la table de nuit toutes les semaines. Nous n’avons jamais vu la lame du plus petit couteau dans le tiroir de Lucie. Et puis, est-ce que la fille de Rosa vous a expliqué pourquoi elle fouillait dans les affaires de la voisine de chambre ?

64Dans son expression empruntée à la colère du juste, Evelyne avait, en effet, oublié de justifier de son intrusion dans les affaires des autres. Il faut dire que tout ce qui appartient à la chambre de sa mère la concerne, elle et sa sœur. Rien n’est jamais assez bon pour assurer à sa mère le confort et surtout la sécurité devant l’évidente maladie de sa voisine de chambre qui « sans le savoir pourrait très bien se transformer en une meurtrière ». Pour les soignants comme pour nous-mêmes, l’évocation seule de cette possibilité ouvrait des abîmes d’incompréhension.

65Lucie a des problèmes de mémoire. Elle ne sait plus très bien quand nous sommes. Mais elle n’est certainement pas dangereuse pour qui que ce soit. De plus, elle s’est prise d’une réelle amitié pour sa voisine de chambre. Elles se sont si bien habituées l’une à l’autre qu’elles ne s’imaginent plus vraiment vivre ailleurs, y compris dans une chambre seule comme l’avait suggéré les filles de Rosa afin de protéger les intérêts de leur mère. S’il y avait de la haine et du meurtre dans l’air, ce n’était certainement pas entre ces deux résidantes. Au fil des semaines, elles avaient appris à se connaître et parfois à s’entraider.

66Dans les lieux de soins au long cours, il peut arriver que la folie des uns se projette sur la maladie des autres. C’est tellement plus facile de leur faire porter de chapeau ! Ces familles qui souvent payent pour leur parent hospitalisé ne peuvent jamais être soupçonnées. Puisqu’elles ne sont pas elles-mêmes sous le coup d’un traitement ou hospitalisées, elles ne sont, par conséquent, ni folles ni malades. Dans l’esprit des enfants de Rosa, c’est l’hôpital qui fait le malade !

67Quoi qu’il arrive, elles se placent du côté du Savoir et du Bien. Elles ne sont donc plus, subjectivement, en position de mettre en doute leurs « propres » agissements. Rien, personne, aucune instance psychique ne semble leur barrer la route. De plus, comme elles sont toutes les deux d’accord tant sur le fond que sur la forme, elles se renforcent l’une l’autre en se déculpabilisant mutuellement. Leur discours fait loi. Mais au lieu de borner leur désir, il le dévoile et le laisse se déchaîner à l’envi. Ce discours ne se manifeste pas véritablement comme un délire. En revanche, et de façon latente, tout concourrait à l’affirmer. Leur pensée gémellaire « s’autorenforce » dans la parole et l’action. Et elle prend encore plus de puissance dans l’opposition avec l’équipe soignante, diabolisée dans leur discours et leur pensée, du côté de la malveillance et de la maltraitance. Heureusement que ce sont les autres qui sont méchants et intolérants ! Cela soulage souvent le sujet de faire un effort de réflexion sur les tenants et les aboutissants de ses comportements. Il vaut toujours mieux se servir des autres pour y projeter la toile de son désir que d’être soumis à ses impossibles exigences. Depuis Jean-Paul Sartre, « l’enfer c’est les autres ». Les deux sœurs l’ont bien compris et s’en servent jusqu’à plus soif. Elles sont victimes de la vindicte silencieuse des soignants, de l’incompréhension du médecin, du cadre de santé et du psychologue. A l’hôpital, personne ne les comprend vraiment. Mais dehors, la situation n’est guère plus reluisante. Leur entourage se tait. Nul ne se risque plus à leur exprimer la moindre demande. Et dans le discours des filles, tout le monde est d’accord et les soutient, même si aucun d’entre eux, maris ou enfants, ne se rend à l’hôpital afin de rendre visite à la « pauvre » belle-mère ou à la grand-mère. Pour Rosa, doublement enfermée dans l’enceinte du service et dans sa chair qui ne lui obéit plus, l’enfer ce n’est pas les autres. C’est le bonheur, chaque jour renouvelé, de vivre avec ses filles dans un lieu hospitalier qui les accueille toutes les trois, avec tolérance…

7 – BONHEUR IDÉALISÉ N’EST PAS BONHEUR RÉALISÉ

68Les expressions de la pulsion de mort sont multiples. Elles sont dans l’ombre de la pulsion de vie. Elles en accompagnent toutes les expressions pour le meilleur et pour le pire. De nos jours, les pires sont ces pulsions et ces désirs qui s’expriment derrière le rideau de la bienveillance et de la bienfaisance. Certains de nos contemporains semblent avoir oublié quelque chose de fondamental dans leur évolution : que le plus grand acte d’amour n’est pas de rester collé, englué, à son objet, mais de s’autoriser à le laisser partir, au loin, afin qu’il nous revienne autre et nous transforme encore et encore.

69

« L’inconscient n’est pas subliminal, faible clarté. Il est la lumière qui ne laisse pas sa place à l’ombre, ni s’insinuer le contour. Il représente ma représentation là où elle manque, où je ne suis qu’un manque du sujet. »
Jacques Lacan, La méprise du sujet supposé savoir, in Autres Ecrits, p. 334.

Bibliographie

BIBLIOGRAPHIE

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  • FREUD S. Trois essais sur la théorie de la sexualité, Idées, Gallimard, Paris, 1962,189 p.
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Mots-clés éditeurs : Œdipe, Jouissance, Hospitalisation, Relations fille-mère, Désir, Pulsion de vie, Psychanalyse, Pulsion de mort

https://doi.org/10.3917/top.092.0141

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