« Ô mon amie hâte-toi Crains qu’un jour un train ne t’émeuve Plus. »
1Dans L’homme Moïse (35) (p. 229), Freud rappelle que E.T.A. Hoffmann avait coutume de dire que son inspiration littéraire prenait sa source aux images et aux impressions recueillies au cours d’un voyage en chaise de poste, alors qu’il n’était encore qu’un nourrisson à la mamelle. La psychanalyse, elle, fait ses premiers pas à travers les paysages d’un monde bouleversé par une invention technologique majeure, le chemin de fer, qui, avant d’être un événement historique, est un véritable traumatisme affectant les catégories de l’espace et du temps : « Le chemin de fer tue l’espace, si bien qu’il ne nous reste plus que le temps » écrivait H. Heine (38), « le Temps se met en train, le Train se fait modèle du Temps » écrira Valéry (51).
2On peut se demander ce que Freud, homme du XIXe siècle, aurait pensé des nouvelles technologies de la communication. L’écriture épistolaire et la correspondance postale occupent une place prépondérante dans l’histoire de la psychanalyse à travers la correspondance avec Fliess, bien sûr, mais aussi bien au travers de correspondances spectrales, comme avec Nietzsche, où Freud disait trouver les mots pour dire ce qui, en lui, restait muet (6). À travers la correspondance avec Fliess, on assiste à l’événement d’une pensée qui n’arrive à son auteur qu’après son adresse à son destinataire, selon la logique du transfert. Les nouvelles technologies de la communication, en modifiant les coordonnées spatio-temporelles de ce détour, ne peuvent que modifier celui-ci. Avec les modèles de l’écriture et de la photographie, qui orientent la théorisation freudienne de l’appareil psychique, il y a inscription d’une trace sur un support; trace qui s’efface comme condition même de son inscription, selon le modèle du « bloc magique » (27). C’est un deuil originaire qui oriente toute la pensée de Freud : le deuil d’une présence qui n’est donnée qu’à partir de son absence, de son effacement, et qui inscrit l’objet perdu, dès l’origine, comme condition nécessaire à l’épreuve de réalité (Realitätsprüfung). Les nouvelles technologies de la communication succombent à l’illusion d’effacer la distinction entre la trace d’une inscription et l’inscription elle-même. Elles rêvent de saisir l’événement sans délai, en « temps réel », d’abolir les distances et le temps et, ainsi, de faire l’économie du deuil et de la traduction. La vitesse de transmission de l’information donne le sentiment d’un collapsus du temps où disparaîtraient la temporisation et l’après-coup. L’instantané et l’immédiat prendraient le pas sur l’historique. Le présent occuperait la place de l’événement comme à-venir, occultant le travail du temps et conduisant à une fétichisation de l’événement comme dans la névrose traumatique, alors que Freud nous a indiqué comment l’attente angoissée (die ängstliche Erwartung) était la préparation nécessaire pour accueillir (aufnehmen) l’événement (28). Pour Freud, dès l’Esquisse d’une psychologie scientifique (6), la réflexion est une activité du moi qui exige du temps; elle n’est pas possible lorsque de trop grandes quantités d’excitation échappent à la liaison pour se précipiter dans les mécanismes de décharge (Enlastung) du processus primaire. La psychanalyse demande du temps, mais elle est aussi don de temps et le délai, la suspension (Aufhalten), l’attente (Aufschub), l’après-coup... sont les pas de ce rythme-temporisation, de ce rythme-hésitation (Zauderrythmus) dont parle Freud dans l’Au-delà du principe de plaisir (24) (p. 312).
3Freud connaissait bien l’expérience de l’attente. Il arrivait toujours très en avance à la gare, car la crainte de rater le train était un des composants de sa phobie ferroviaire (Reisefieber). Si, pour Proust, l’indicateur des chemins de fer est « le plus enivrant des romans d’amour » (48), les horaires des trains sont, pour Freud, un vrai casse-tête et la source d’une confusion dans laquelle il se perd. C’est pourquoi, il préfère confier à d’autres l’organisation de ses déplacements, sans pour autant être assuré du bon chemin (5) (p. 24). La recherche d’une place dans un compartiment est une véritable conquête, comme en rend compte le « rêve de Hollthurn » (11) (p. 388), et les préparatifs du voyage, qu’il compare à la première phase de l’analyse, sont toujours une épreuve difficile et compliquée. Mais alors, on n’a pas encore commencé, on n’a pas avancé d’un seul kilomètre; il reste à faire le voyage, comparable à la seconde phase de l’analyse (25) (p. 241).
4Nouveau moyen de transport, le train se prête à tous les transports et Freud
utilise, à plusieurs reprises, la métaphore ferroviaire pour parler du temps de
la cure : en 1920 (25) (p. 241), son déroulement en deux phases, et sa durée
en 1926 (30) (p. 49). Mais, c’est en 1913 que la métaphore ferroviaire déploie
toute sa puissance d’évocation pour exposer le dispositif analytique :
« Donc, dites tout ce qui vous passe par l’esprit. Comportez-vous à la
manière d’un voyageur qui, assis près de la fenêtre de son compartiment,
décrirait le paysage tel qu’il se déroule à une personne placée derrière lui. » (16)
(p. 94)
5C’est ainsi que Freud, grand voyageur se déplaçant avec ses malles de rêves et ses valises de peurs, énonce en 1913 la règle fondamentale de la libre association et qu’il pose le cadre du processus analytique. Déjà, dans le rêve de « la dissection de son bassin » (11) (p. 385), le guide conduisait Freud à travers des paysages changeants avant de poser deux planches, sur l’accoudoir de la fenêtre, pour jeter un pont sur l’abîme. Ici, la métaphore ferroviaire renouvelle la métaphore romantique du voyage intérieur. L’intériorité psychique est celle d’un compartiment, et son accès se fait par le détour, le transfert, à travers la découpe d’une fenêtre, d’un paysage de l’âme ou d’une « province animique », selon l’expression qu’utilisera Freud pour décrire les instances psychiques dans la Nouvelle suite des leçons d’introduction à la psychanalyse (32) (p. 155).
6Le motif du paysage est dessiné par le tracé d’une voie de chemin de fer; le frayage est aussi celui d’une voie ferrée. Le paysage se déroule, de lui-même, sous l’impulsion du mouvement du train et de l’énergie d’une machine échappant au contrôle du voyageur. Le cheval de fer renouvelle la métaphore du cavalier et de sa monture que Freud utilise pour décrire les rapports du moi et du ça où, si le cavalier cherche à brider la fougue de son cheval, il ne peut bien souvent que le conduire où celui-ci veut lui-même aller (26) (p. 270). Le cheval est une des métaphores qui traverse toute la littérature du train de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Le cheval de fer qui « bande ses muscles d’acier » et qui s’emballe en une « cavale indomptée », en « un galop furieux » (52), illustre la force aveugle et sauvage de la pulsion. Il y a une excitation (Reiz) du voyage (Reise) et une angoisse du voyage qui se rapporte à cette force irrésistible échappant au contrôle du voyageur.
7Freud, qui comparait l’écriture de L’interprétation des rêves à la description d’un paysage lors d’une promenade imaginaire (11) (p. 257), et qui cherchait à dessiner la carte du terrain où se déroule le processus du rêve (6) (p. 218), considère les paysages comme des représentations symboliques de l’appareil génital féminin (11) (22), réalisant une sorte de « géographie sexuelle symbolique » (13) (p. 74). Le paysage renvoie à la topographie du corps, du corps maternel et du corps érogène. Les fenêtres ouvrent sur les orifices et les cavités du corps (22), et l’on comprend l’intérêt de savoir si elles sont ouvertes ou fermées alors que, dans la phobie, les limites entre le dedans et le dehors sont menacées et menaçantes.
8Freud ne dit pas si le voyageur est assis dans le sens de la marche ou en sens inverse. Dans un cas, il voit le paysage fuir, dans l’autre, le paysage vient à sa rencontre avant de fuir. L’importance qu’accorde Freud à trouver une place assise, près de la fenêtre, dans le sens de la marche, comme en atteste son commentaire du rêve de Hollthurn, plaide plutôt pour cette hypothèse. Ainsi, le paysage vient à la rencontre du voyageur, lui saute aux yeux. Les idées qui se présentent à son esprit lui sautent au visage (Gesicht) dans un mouvement en miroir de l’acte interprétatif tel que le conçoit Freud en 1895 : « Il s’agit surtout pour moi de deviner le secret du patient et de le lui lancer au visage. » (8) (p. 227). Les métaphores du compartiment et du paysage cherchent à approcher l’étranger interne, le corps étranger (Fremdkörper), selon le modèle traumatique de l’irruption (Auftauchen), de l’effraction (Einbruch). L’idée subite est un étranger, un hôte non invité surgissant à l’improviste dans le compartiment, tout comme la théorie dans la maison :
« je tiens à ce qu’on ne fabrique pas des théories, elles doivent vous tomber dessus dans la maison comme des invités inattendus, alors qu’on est occupé à des recherches de détail. » (21) (p. 86)
10Si le paysage n’est pas seulement visuel mais aussi sonore, tels « ces amas de choses braillantes au-delà des vitres » (44), si le rythme et la kinesthésie trouvent leur place dans l’économie pulsionnelle à travers le mouvement et les cahots du train, c’est la dimension visuelle qui est au premier plan. Le regard et le visuel sont placés au cœur du dispositif alors que Freud non seulement se soustrait au regard de ses patients, mais se comporte comme un aveugle à qui l’on décrit le paysage. « L’œil écoute » disait Claudel en écho aux paroles d’Œdipe à Colone : « Mes yeux voient, comme on dit, ce qu’entend mon oreille ». Mais, contrairement aux poètes doués de vision pénétrante, c’est en tâtonnant, tel un aveugle, que Freud se fraye un chemin dans l’incertitude. C’est en aveugle, tel Homère à qui Ulysse raconterait son Odyssée, tel Œdipe qui s’en remet aux yeux d’Antigone, qu’il écoute ce que le patient lui raconte voir du corps de la mère, du paysage transformé par la libido, du fantasme où ses représentations pulsionnelles sont mises en scène. C’est avec les yeux de Marie Bonaparte que Freud, qui se définit en 1938 comme « le paralysé du voyage » (den Reise-gelähmten), espère voir Jérusalem (50) (p. 605). Fermer les yeux pour être toute oreille, c’est s’abstraire d’une certaine forme du sensible qui est, ici, confiée à l’analysant. L’interdiction biblique de la représentation vise l’idole, c’est-à-dire la représentation comme présence pleine, fétichisée, achevée et sans reste où l’image, qui commémore plus qu’elle ne représente, ne laisse pas de place à l’absence, à l’ouverture sur l’événement. Le paysage vu du train, lui, se retire et s’absente dans le même mouvement où il se présente, ouvrant sur l’inconnu :
« Le paysage fuit et sans qu’il m’en souvienne
ô train joyeux quel bruit tu mènes. » (2) (p. 93)
12« On est prié de fermer les yeux », rêve Freud la veille de l’enterrement de son père, sous la forme d’une affiche comme celles que l’on trouve dans les salles d’attente des gares (11) (p. 273). On est prié de fermer les yeux ou un œil et Freud croise à diverses reprises la figure du borgne, à travers sa rencontre traumatique avec le médecin de Freiberg, ou à travers son identification à Hannibal qui perd un œil dans les marais d’Étrurie. On est prié de fermer un œil, en gardant ouvert « l’œil intérieur » des Études sur l’hystérie (8) (p. 226), l’œil grâce auquel on peut voir au plus profond de l’inconscient : « Par la brèche de la rétine, on pourrait voir profondément dans l’inconscient » écrit-il à Arnold Zweig (36) (p. 48).
13Il y a dans le dispositif analytique un équivalent du bouclier de Persée qui
vient conjurer l’accent porté sur l’investissement du perceptif qui, s’il renvoie
à l’hystérie et au modèle du rêve, révèle comment le dispositif est travaillé par
le modèle traumatique où le surinvestissement de l’image, érigée tel un fétiche,
est au premier plan. Socrate, que Nietzsche surnommait « œil de Cyclope »,
explique dans le Phédon (45) que le risque de l’aveuglement nécessite un dispositif pour regarder un astre éblouissant de façon indirecte, par exemple en se
tournant vers son reflet dans l’eau. Celui qui épie, derrière sa fenêtre, la beauté
dénudée de Lady Godiva dans les rues de Coventry, sera puni de cécité (15),
et Freud qui parle, à Lou Andreas-Salomé, de sa « transformation en taupe » (1)
(p. 339) se réfugie comme Socrate du côté des idées :
« Je craignis d’être complètement aveuglé de l’âme, en regardant dans la
direction des choses avec mes yeux ou en essayant de rentrer en contact avec
elles par chacun de mes sens. J’eus dès lors l’idée que je devais chercher un
refuge du côté des notions et envisager en elles la vérité des choses. » (45)
(p. 828)
14C’est le même mouvement qui, à la vue du sexe féminin, déplace la curiosité sexuelle du petit garçon du registre visuel au registre intellectuel du savoir. Mais Freud, qui a toujours voulu « maîtriser par une présentation visuelle les particularités de la vie animique » (31) (p. 428), cherche à visualiser (anschaulich machen) la plasticité (Plastizität) du psychique (17) (p. 141). Si la forme plastique et visuelle est celle de la traduction des traces mnésiques de l’enfance, le visuel en question, en perpétuelle composition-décomposition, n’est pas celui d’une image statique, d’une photographie; il s’apparente davantage au cinéma avec ses images à la fois cadrées et en mouvement (rege), perméables à la rêverie. La vision ne doit pas être ecmnnésique, elle doit être rêveuse.
15Avec le développement du chemin de fer, la vitesse va transformer l’univers de la perception. Le paysage aperçu par la fenêtre du train se volatilise en des impressions évanescentes, éphémères, fugitives. Il se fragmente, se dissémine, devient trace. Toujours en mouvement, étiré par la vitesse, il court, se transforme en bandes de couleur qui s’assemblent, se séparent, se superposent aux images précédentes qui persistent sur la rétine. Le développement du chemin de fer est contemporain de la naissance d’un art cinétique où le tableau se donne pour la synthèse de ce mouvement où perception et souvenirs se condensent. La représentation de ce nouveau paysage en mouvement conduit à une nouvelle vision du monde qui se déploiera dans le cinéma et engendre toute une littérature moderne. Le texte freudien porte la trace de cette révolution technique et esthétique. Ainsi, les frontières entre les instances psychiques ne sont pas tranchées, leurs contours n’ont pas le tracé linéaire d’un dessin ou d’une peinture primitive, mais ressemblent d’avantage aux « champs de couleurs qui se fondent comme chez les peintres modernes », écrit Freud (32) (p. 162). C’est par le modèle de la surimpression photographique qu’il illustre la condensation (22), et il évoque l’image composite de Galton (11) (p. 421) pour illustrer les cas où, dans le rêve, deux fantasmes se recouvrent, l’un étant l’interprétation de l’autre. Alors que dans l’analyse de son souvenir-écran (deckerinnerungen) la projection de deux fantasmes l’un sur l’autre compose « pour ainsi dire comme une fiction poétique » (10) (p. 269), « La possibilité de former des images composites est au premier plan des faits qui donnent au rêve un cachet fantastique » (11) (p. 279).
16En 1836, au cours de son voyage en Belgique en compagnie de son ami Fritz, qui n’est autre que Gérard de Nerval, le paysage vu du train est pour Théophile Gautier l’occasion d’une forme nouvelle de représentation. Le mouvement étire les formes, confond les lignes, mélange les couleurs en une dimension de « mirage » :
« Les champs étoilés de fleurs d’or du colza commencèrent à s’enfuir avec une étrange vélocité, et à se hacher de raies jaunes où l’on ne distinguait plus la forme d’aucune fleur; le chemin brun, piqué de petits cailloux blancs crayeux, avait l’apparence d’une immense queue de pintade que l’on aurait tirée violemment sous nous; les lignes perpendiculaires devenaient horizontales, et, si la figure du pays eût été mieux dessinée et plus accidentée, cela eût produit un mirage singulier. » (37) (p. 66)
18Victor Hugo, lui aussi, est saisi, lors de son premier voyage en train d’Anvers à Bruxelles, par les paysages que dessine la vitesse encore toute relative; il écrit à Adèle, le 22 août 1837 :
« C’est un mouvement magnifique et qu’il faut avoir senti pour s’en rendre compte. La rapidité est inouïe. Les fleurs du bord du chemin ne sont plus des fleurs, ce sont des taches ou plutôt des raies rouges ou blanches; plus de point, tout devient raies; les blés sont de grandes chevelures jaunes, les luzernes sont de longues tresses vertes; les villes, les clochers et les arbres dansent et se mêlent follement à l’horizon ». (39) (p. 611)
20Le mouvement du train, en brouillant les lignes et les contours du paysage, déplace l’accent du contenu de l’image vers le processus de figuration selon le modèle du travail du rêve. Le paysage, comme la figurabilité (darstellbarkeit), est le lieu de projection et de transfert de l’excitation. C’est la plasticité de la forme, sa disposition à associer et à dissocier ses éléments, qui se prêtent à tous les transports, condensations et déplacements. « La forme du rêve ou la forme dans laquelle il est rêvé est employée avec une fréquence étonnante pour représenter son contenu caché », écrit Freud (11) (p. 286) qui ne pouvait qu’être sensible à ces transformations du paysage vu du train où dominent le vert et le jaune des prairies et des fleurs de son pays natal dont son souvenir-écran souligne la nostalgie. Du paysage qui défile à la fenêtre du compartiment du train qui l’emporte loin de Freiberg, à l’âge de trois ans et demi, Freud dit ne garder aucun souvenir (10) (p. 263), mais, lorsqu’à seize ans il refait le même trajet, il traverse la vitre qui l’en sépare, passe sa tête par la fenêtre et plonge dans ce paysage de chevelure jaune jusqu’à en perdre la notion du temps : « Je me tenais à la fenêtre et guettais le moment où la blonde tête aux grands yeux interrogateurs se montrerait. Je l’aperçus bientôt, et même dans le plus grand bruit, ne l’ai jamais quitté des yeux. Le courant d’air fourrageait dans ses épais cheveux blonds, courts et bouclés. Deux heures s’envolèrent comme une minute. Mais ensuite la tête se retira, et je ne la vis plus que lorsqu’une station apparaissait du côté où nous étions assis tous les deux à la fenêtre. » (4) (p. 229)
21Le jaune des fleurs du souvenir-écran tranche singulièrement, de manière outrée, de l’ensemble de la scène et est doté des qualités sensorielles de l’hallucination comme dans ces tableaux d’une exposition burlesque où les éléments les plus inconvenants des tournures des dames « étaient rapportés plastiquement au lieu d’êtres peints » (10) (p. 265). C’est per via di levare, en quelque sorte, que la scène est ciselée, remodelée, par la rencontre des points de contact entre le fantasme et les traces mnésiques. C’est encore à l’effet saisissant d’une image, qui s’érige dans sa netteté particulière, que Freud est soumis, en septembre 1898, au cours de son voyage en train de Raguse au Bocca di Cattaro, le long de la côte dalmate : l’image des fresques d’Orvieto et de l’autoportrait du peintre dont il cherche le nom. C’est en vain que, face à son compagnon de voyage, précurseur de l’analyste à qui l’on décrit le paysage, il fait défiler dans son souvenir la journée passée à Orvieto lors de son voyage de l’année précédente (9).
22Le voyageur décrit le paysage à une personne assise derrière lui. Freud ne dit pas à un autre voyageur car, si l’analyste est bien dans le même compartiment, sa destination n’est pas la même et c’est tout l’enjeu du transfert. La description du paysage peut correspondre à l’élaboration secondaire (sekundäre Bearbeitung), à la liaison dans un discours de signification des traces mnésiques et des représentations primaires. Mais la description (die Beschreibung), terme apparenté par le sens à la figurabilité (Darstellbarkeit), n’est pas superposable à la secondarisation du discours, elle est aussi une expression de l’élaboration par le processus primaire : le registre de la parole, dans la cure, est co-extensif à celui de la figurabilité. Le devenir conscient « n’est pas un pur et simple acte de perception » (19) (p. 232), c’est « un acte psychique » qui correspond à une modification de la mobilité des investissements. Pour devenir conscient, c’est-à-dire pré-conscient, ce qui vient de l’intérieur « doit tenter de se transposer en perceptions externes » (26) (p. 265) par l’investissement des traces mnésiques et par un surinvestissement (Ueberbesetzung) du penser, du fait de la liaison des représentations de choses avec des représentations de mots (26) (p. 267). Le paysage qui défile à la fenêtre n’est pas le fruit d’un acte de perception, mais d’un travail de traduction (Uebersetzung) et la vitre est un lieu d’affectation, de revivification des traces mnésiques, où s’opèrent les mouvements d’investissement et de surinvestissement qui conduisent à ordonner temporellement des processus psychiques jusqu’alors indifférents à l’écoulement du temps.
23Dans les Études sur l’hystérie, Freud insiste sur la valeur traumatolytique de la verbalisation qui est définie comme un équivalent de l’acte. L’image y est décrite comme une hantise, manifestation d’un « fantôme », d’une perte sans sépulture condamnée à revenir sans cesse (8) (p. 226). Le récit entame l’image visuelle qui hante l’hystérique, il fragmente l’image traumatique totalisante qui s’effrite, s’émiette. L’entame de l’image par les mots est un processus de deuil et de « déblaiement » (Abtragung). Décrire l’image photographique, c’est parler d’un objet qui se donne comme présent, parce que passé; décrire le paysage vu du train, c’est faire le récit de ce qui a disparu, de ce qui s’est présenté dans le mouvement même de sa disparition. Comme la fenêtre que Masaccio trace sur un mur, la fenêtre du compartiment n’est pas ouverte; elle est fermée par la vitre de la représentation qui installe la distance spéculaire à l’objet perdu. Le récit est la trace d’une perte, il dessine, comme Dibutade la main guidée par Cupidon, l’objet d’amour à partir de son ombre.
24« Il semble qu’une main invisible vous présente l’un après l’autre les vergers, les jardins et les champs cultivés, les retirant ensuite en hâte et les enfonçant pêle-mêle au fond du paysage comme des étoffes dédaignées par l’acheteur » (39) (p. 212).
25Avec le défilé du paysage où chaque plan découpé par la fenêtre en chasse un autre, la métaphore ferroviaire articule le temps, l’espace et la mémoire. Le paysage vu du train se donne et se retire, comme l’inscription sur le « bloc magique », selon le travail rythmique des investissements dans le système perception-conscience que Freud considère « à la base de l’apparition de la représentation du temps » (27) (p. 143). Il se donne et se retire comme l’ajournement de l’acte par la pensée, « action d’essai », qui procède par tâtonnement (29) (p. 170), à l’aveugle; comme l’inconscient qui s’ouvre et se referme aussitôt, retirant ses antennes du monde extérieur après en avoir dégusté les excitations (27) (p. 170). Les paysages qui défilent à la fenêtre déroulent le temps perdu de l’enfance, alors que le train roule vers l’événement d’un avenir inconnu. Le paysage fuit et appelle la nostalgie. Pour R. Rolland, dont on sait l’importance qu’ont eu, pour Freud, leur rencontre et leur correspondance, tous les voyages et paysages ne sont que les reflets éteints du regard de l’enfant guettant par la fenêtre le visage de sa mère :
« Et dès le seuil souriait le cher visage de maman (...) Les voyages qu’on fait plus tard, les grandes villes, les mers mouvantes, les paysages de rêve, les figures aimées, ne se gravent pas dans l’âme avec la justesse infaillible de ces promenades d’enfance, ou du simple coin de jardin tous les jours entrevu par la fenêtre, à travers la buée de vapeur que fait sur la vitre la petite bouche collée de l’enfant désœuvré... » (49) (p. 25)
27Le voyage (en train), à travers la rupture spatiale et temporelle, est toujours une expérience de séparation et de transformation interne. L’analyse du rêve du « Lion jaune », associé à celui de « l’expédition de Nansen » où il est question de voyage, conduit Freud à un souvenir d’enfance (11) (p. 169) : à trois ou quatre ans, l’âge du départ de Freiberg, après avoir entendu parler les grandes personnes de « voyage », il demande à son père si cette maladie est dangereuse, confondant « voyages » (Reisen) avec « douleurs » (Reissen). Dans son souvenirécran, la dimension masturbatoire apparaît à Freud qui rattache le geste d’arracher des fleurs (entreissen die Blumen) à l’expression vulgaire pour la masturbation : s’en arracher un (sich einen ausreissen) (10) (p. 273). Ainsi, l’image acoustique (Reissen), produite à partir de l’homophonie avec le signifiant « voyages » (Reisen), articule la phobie des voyages, à la curiosité sexuelle, à l’onanisme et au fantasme de défloration, mais aussi à la douleur de l’arrachement, de la séparation.
28L’été précédant la déclaration de la première guerre mondiale, Freud fait, en compagnie de Rainer Maria Rilke et de Lou Andréas Salomé, « une promenade à travers un paysage d’été en fleurs » (20) (p. 321). La beauté du paysage, comme toute création humaine, est dévalorisée aux yeux du poète. Pour Freud, cette dévalorisation est le signe d’un refus de la perte, d’une révolte contre le deuil. La fragmentation du paysage vu du train, sa fugitivité, sa passagèreté (Vergänglichkeit), le fait qu’il se retire, sont des caractéristiques qui s’opposent à l’image traumatique, à l’image commémorative, et qui témoignent d’un travail de déblaiement, d’un travail de deuil. La mobilité du paysage est le signe d’une mobilité libidinale, d’une libido libre d’investir de nouveaux objets, là où l’immobilité du paysage est fixation narcissique à l’objet. « L’amour est le mal du pays (Heimweh) », écrit Freud (23) (p. 180) pour qui l’expérience originelle du chemin de fer, lorsqu’il quitte enfant son pays natal (Heimat), est bien celle de l’exil et de la séparation. Le voyage est douleur et deuil, et Flaubert, évoquant le moment de son départ, véritable arrachement à sa mère et à sa terre, écrivait : « Entre le moi de ce soir et le moi de ce soir-là, il y a la différence du cadavre au chirurgien qui l’autopsie ».
29Du paysage qui défile derrière la fenêtre, l’oreille écoute les éléments discrets qui le composent, leur assemblage aussi bien que leur dispersion, comme un « Fort-da » dont l’enjeu est la symbolisation de l’absence. Car, si le paysage vu du train est dévisagé comme une mémoire endeuillée, si l’image s’effrite dans sa description, le voyage est aussi un moyen de se rejoindre et de « rentoiler les fragments intermittents et opposites » selon l’expression proustienne (48); tout comme le rêve rassemble les « fragments d’idées étalés » en un « rapprochement dans le temps et dans l’espace, à peu près comme fait le peintre qui représente des poètes groupés sur le Parnasse... » (12) (p. 64).
30Avant de poursuivre notre voyage avec Freud, arrêtons-nous un instant en
gare de « Dames-Hommes » :
« Un train arrive en gare. Un petit garçon et une petite fille, le frère et la sœur,
dans un compartiment sont assis l’un en face de l’autre du côté où la vitre
donnant sur l’extérieur laisse se dérouler la vue des bâtiments du quai le long
duquel le train stoppe : « Tiens, dit le frère, on est à Dames ! – Imbécile ! répond
la sœur, tu ne vois pas qu’on est à Hommes » (41) (p. 500).
31Par cet apologue, Lacan illustre l’algorithme qu’il substitue au schéma de l’arbre chez Saussure. Au-dessus de la barre, représentée ici par les rails du chemin de fer, les signifiants « Homme » et « Femme », au-dessous, le dessin de deux portes (les portes des toilettes) à la place du signifié attendu (le dessin d’un homme et d’une femme). Pour accéder aux enfants, le signifiant doit franchir les rails et pénétrer dans le wagon non par la fenêtre, mais par la porte (le marchepied), le couloir ou les tuyaux du système de chauffage (41) (p. 501). Par la fenêtre du compartiment, le voyageur perçoit des signifiants qui distinguent et distribuent des places. À la place du signifié, le signifiant renvoie à une loi, celle de la différence des sexes. C’est parce qu’ils occupent des places différentes, opposées, que le frère puis la sœur perçoivent chacun un signifiant différent, séparé de la signification par les rails, qu’ils lisent comme un nom de lieu, un nom de gare ! Qu’il soit, pour l’un et l’autre, celui du sexe opposé, indique que ce qui est ici visé est la castration supportée par le « signifiant d’un manque dans l’autre » dont le trajet ne sera pas pour Lacan celui d’un voyage en train, mais celui, circulaire, de La lettre volée (42).
32Certes, il est difficile de comparer les recours opérés par Freud puis par Lacan à l’illustration ferroviaire, tant diffèrent leur fonction et leur objet. S’il est excessif d’en déduire une différence dans leur conception du processus analytique, on peut y lire, pour le moins, une différence dans leur conception de la transmission de la psychanalyse. Dans un cas, le train est en mouvement et emporte ensemble le paysage, l’analyste et l’analysant; dans l’autre, il est à l’arrêt et le risque, avec l’arrêt sur image, est l’idéalisation et l’aliénation à une vérité dernière. Freud, qui se comporte en aveugle, ne nous dit pas ce que voit le voyageur par la fenêtre; le paysage n’est accessible que par son défilé, sa fuite, sa trace, alors que Lacan y voit ce qui lui sert à étayer sa théorie du signifiant. Dans un cas, l’inconscient se manifeste comme un défilé de traces qui s’enchevêtrent, se superposent, se brouillent, puis se rassemblent en un récit qu’une écoute aveugle décompose puis recompose; dans l’autre, c’est le circuit de la lettre, selon une logique du signifiant, qui en articule le dévoilement de la vérité. Si l’image peut être décomposée en éléments discrets, le paysage qui défile derrière la vitre ne renvoie pas seulement au défilé des signifiants ou à la combinatoire de la chaîne signifiante. Le mouvement du paysage associé à la profondeur de l’espace, elle-même irréductible à la dimension du paradigme en linguistique, est la trace du corporel dans le langage, comme une chorégraphie qui résiste à l’articulation phonématique. Le paysage en mouvement, c’est aussi la mobilité du processus primaire, « l’attente anxieuse » ou ce « quantum d’angoisse librement flottant qui, lors de l’attente, domine le choix des représentations et à tout instant est prêt à se lier avec n’importe quel contenu de représentation qui convient » (7) (p. 34-35). La métaphore du paysage en mouvement permet d’approcher la forme et, au-delà, la force qui s’en empare, la transforme et la déforme. Freud ne tranche pas entre la parole vraie ou pleine et l’épaisseur du sensible, il les distribue dans le dispositif analytique. Par son dispositif, Freud, qui disait que ses rêves étaient peu plastiques et surtout faits de mots, fait entrer, par la fenêtre, le paysage dans la parole. Il fait entrer, par la fenêtre, « l’écriture figurative » (Bilderschrift) du rêve (11) (p. 283), « le penser visuel » (das visuelle denken) ou « le penser en image » (das denken in bildern), plus anciens ontogénétiquement et phylogénétiquement que « le penser en mots » (das denken in worten) (26) (p. 265-266). La libre association, l’attention flottante et l’interprétation analytique gardent la trace de la figure en mouvement. Alors que l’image s’émiette dans la peinture (Schilderung) que l’hystérique en fait, l’interprétation doit peindre avec les mots : « Nos paroles ne seront point aveugles », disait Œdipe à Colone.
33Ce mouvement d’intériorisation de l’extérieur vers l’intérieur du wagon, ce processus d’introjection à travers le discours qui se transfère de l’œil d’un voyageur à l’oreille d’un autre voyageur se comportant en aveugle, telle est la métaphore utilisée pour décrire le dispositif inventé pour symboliser une scène traumatique aveuglante, pour en saisir l’événement qui se montre et fuit comme le paysage vu du train : la perception du sexe féminin auquel manque le pénis, instant traumatique mythique toujours recouvert du voile des représentations imaginaires. Ce mouvement de l’extérieur vers l’intérieur répond en miroir à la projection, au déplacement du regard de l’intérieur du compartiment vers l’audelà de la fenêtre, et la vitesse du train conduit à effacer la vision du proche au profit du lointain. Il est trop dangereux de regarder Gorgo en face; il faut détourner le regard, déplacer la scène de l’autre côté de la vitre dans un espace où elle se déploie et se dissémine à l’infini dans les figures du désir : telle est la dimension apotropaïque du dispositif analytique, protégeant de la violence traumatique du pulsionnel.
34Si le paysage vu du train tient lieu de rejetons déformés du refoulé, le déplacement ne conduit, ici, ni à la dérobade phobique, ni à l’idéalisation fétichiste. Freud a souffert de phobie ferroviaire, mais par son auto-analyse, où le train tient une place prépondérante, il invente un dispositif pour ne pas fuir l’objet même de sa phobie et pour se confronter, dans l’angoisse et non plus dans l’effroi, avec les rejetons du refoulé et autres démons pulsionnels. Il faut que ce dispositif tienne lieu de « système pare-excitation » pour affronter le sexuel traumatique. La métaphore ferroviaire en propose une illustration métapsychologique en assurant la régulation de l’énergie à travers sa circulation dans différents espaces qui communiquent entre eux : intérieur et extérieur du compartiment, espace visuel et espace de la parole, profondeur du paysage et surface de la vitre qui tient lieu d’écran de projection et de membrane protectrice. Le paysage qui se présente et fuit de l’autre côté de la vitre est aussi une illustration du système pare-excitation qui a pour fonction de ne laisser passer que de petites quantités d’excitation pour que ne soient prélevés que « de petits échantillons du monde extérieur » qui pourront êtres dégustés en petites quantités (24) (p. 298).
35Le dispositif met en place une série de diffractions de la scène pour en diminuer la force traumatique, et déploie la structure abyssale du transfert qui franchit deux fois la vitre dans son trajet de l’intérieur du compartiment au paysage extérieur, puis de l’extérieur à l’intérieur du compartiment jusqu’à l’oreille du destinataire. La métaphore de l’analyste miroir ne désigne pas la position de l’analyste, mais la structure en abyme du dispositif; l’analyste, lui, est aveugle. Dans sa Lettre sur les aveugles, Diderot demande à l’aveugle-né de Puiseaux ce qu’il entend par un miroir :
« Une machine, me répondit-il, qui met les choses en relief loin d’elles-mêmes, si elles se trouvent placées convenablement par rapport à elle. C’est comme ma main, qu’il ne faut pas que je pose à côté d’un objet pour le sentir » (3) (p. 31).
37È pericoloso sporgersi ! Freud a-t-il pu lire cet avertissement au cours de ses nombreux voyages en train à travers l’Italie ? Mais, s’il est dangereux de se pencher par la fenêtre, le danger vient du dedans, de la pulsion, et « il n’y a pas de fuite qui puisse servir contre elle » (19) (p. 165). Face aux excitations venant de l’intérieur, le « pare-stimuli » ne fonctionne pas, « il en résultera un penchant à les traiter comme si elles n’agissaient pas de l’intérieur, mais au contraire de l’extérieur, pour pouvoir appliquer contre elles les moyens de défense du pare-stimuli. Telle est la provenance de la projection... » écrit-il dans l’Au-delà du principe de plaisir (24) (p. 300).
38Comme le passé, le paysage se dérobe, mais, pour le voyageur, il n’y a pas de dérobade possible. À moins de descendre du train, et Freud rêve : « Je voudrais descendre du train, mais je retarde l’exécution de ce projet » (11) (p. 388). À moins, encore, de changer de compartiment, et Freud en rêve également : « Je suis brusquement dans un autre compartiment (...) Je m’en étonne, mais il se peut que j’aie changé de compartiment tout en dormant » (11) (p. 388). À moins, enfin, d’un détour phobique par le dehors, à travers la fenêtre, car si devant un danger interne la fuite est impossible, on peut trouver son salut, devant un danger extérieur, par la fuite ou en évitant de le percevoir. Si le retrait de l’investissement et le déplacement, par le détour du regard, de l’intérieur du compartiment vers le paysage de l’autre coté de la fenêtre évoque le modèle de la défense phobique contre un danger interne, Il convoque aussi le modèle du rêve que Freud définit comme une projection, « l’extériorisation d’un processus interne » où le rêveur, comme dans la phobie, remplace une revendication interne par un événement extérieur (19) (p. 247). Ainsi la métaphore ferroviaire illustre comment le dispositif analytique est un aménagement qui permet par le détour, par le transfert, non pas de fuir mais d’affronter les « démons pulsionnels » : è pericoloso sporgersi !
39« Il prit le rapide de nuit en direction du Midi », pour Rome, car « c’est là qu’il se rendait, sans s’arrêter en chemin, en une journée et demie de train » (40) (p. 49). Pour Norbert Hanold, héros du roman de Jensen, Gradiva, ce voyage en train est d’abord une escapade vers la liberté et le soleil de Midi dont il ne tardera pas à rencontrer les démons. C’est à ce désir « qui pousse tant d’adolescents à faire des fugues » pour échapper à la famille, que Freud rapporte, dans sa lettre à Romain Rolland, « son désir ardent de voyager et de voir le monde » pendant ses années de lycée (33). Mais bien vite, c’est dans le compartiment que Norbert Hanold se trouve en cage. Lui qui ne fréquentait que des figures de pierre, le train le confronte, « sans dérobade possible » et au plus près du voir et de l’entendre, donc du rêve et du fantasme, avec des créatures féminines bien vivantes : « Chaque fois qu’il levait la tête, immanquablement ses yeux découvraient le visage d’une d’entre elles... » sur lequel « il fallait bien que son regard passe de temps en temps pour aller vagabonder de l’autre côté de la fenêtre » (40) (p. 51). La voie ferrée trace, découpe, entame une nature jusque-là étrangère et qui, soudain, sort du crépuscule, le regard se portant sur elle ayant traversé des corps vivifiés par la libido. Norbert Hanold se surprend à penser « descendre du train et marcher à pied pour se frayer un chemin vers tel ou tel endroit qui aurait l’air de receler quelque particularité, quelque mystère » (40) (p. 52), mais il ne lui est pas donné de choisir son chemin, c’est le train qui le fraye : « le diretissimo l’emportait tout droit vers Rome » (40) (p. 52). Une fois le train démarré, plus de dérobade possible jusqu’à la prochaine gare. Une fois le processus analytique engagé, il va droit son chemin jusqu’à son terme « sans que sa direction puisse être modifiée, ou son cours détourné, et l’ordre des différentes étapes reste le même. » (16) (p. 89). Et en ce qui concerne la pratique psychanalytique, Freud écrit à Jung, en 1909 : « Il faut y être poussé. Il est bon de n’avoir pas le choix » (5) (p. 300).
40Le processus va droit son chemin, jusqu’au bout, « diretissimo » comme le train, selon une logique interne inconsciente. Cette logique est celle du détour, ce qui a pour effet de désorienter le voyageur, tel Hans Castorp, le héros de La montagne magique qui, assis dans son compartiment capitonné près de la portière baissée, regarde défiler le paysage :
« Il y avait des arrêts devant de minables petites gares, des têtes de lignes que le train quittait en sens inverse, ce qui était d’un effet déroutant, car on ne savait plus dans quelle direction on allait et on ne se souvenait plus des points cardinaux. » (43) (p. 12)
42Dans le train comme dans la cure, le voyageur-patient et l’analyste perdent la maîtrise d’un espace où l’intérieur et l’extérieur tout comme le présent et le passé se confondent. Ils sont dépaysés par ce paysage qui défile de l’autre côté de la vitre, sur l’autre scène (Schauplatz).
43« C’est l’Italie qu’il me faudrait » (6) (p. 189) proclame Freud le 14 Août 1897. Comme pour Norbert Hanold, l’idée du voyage se présente comme une impulsion (Antrieb), comme un besoin psychique impérieux. Comme Hanold pour qui « l’impulsion à faire un voyage lui fût venue d’un seul coup, sans qu’il pût en préciser l’origine secrète » (40) (p. 49), Freud prend quelques jours plus tard, malgré sa peur des catastrophes de chemins de fer (Eisenbahnunglück), le train pour la Toscane et l’Ombrie, pour un voyage auquel il fait remonter le début de son auto-analyse (6) (p. 205).
44Le premier voyage de Freud en Italie date de 1876; il se rend à Trieste muni d’une bourse pour étudier les testicules d’anguilles. Il se déroulera presque vingt ans avant qu’il n’y retourne, avec sa femme, en 1894. Puis il s’y rend chaque année pendant toute la durée de son auto-analyse. La visite de Rome, longtemps impossible en raison d’une inhibition névrotique qu’il comprendra lors d’un voyage en train, a finalement lieu en 1901, et il l’interprète comme le dénouement de son analyse. Le voyage à Pompéi, après un arrêt à Rome, a lieu l’année suivante. Mais longtemps, il devra se contenter de regarder en rêve le Tibre et le pont Saint-Ange par la fenêtre d’un compartiment de chemin de fer (11) (p. 172-175). C’est au retour de son voyage en train à travers la Toscane et l’Ombrie, au cours duquel il visite Orvieto et les fresques peintes par Luca Signorelli, que Freud écrit à Fliess qu’il ne croit plus à sa « neurotica », ce qui va lui permettre de voir, comme le paysage par la fenêtre, « la vie sexuelle de l’enfant se dérouler devant lui dans toute son ampleur » (18) (p. 84). Il revient de ce voyage « dispos et de bonne humeur » (6) (p. 190), mais celle-ci « change comme le paysage vu par le voyageur assis dans son compartiment » (6) (p. 199). Dès la lettre suivante, soit moins de deux semaines après son retour d’Italie, il écrit à Fliess que l’analyse de ses rêves lui fournit « les renseignements les plus précieux » pour la compréhension de sa phobie ferroviaire : que, dans son cas, « le père n’a joué aucun rôle actif », que sa « première génératrice de névrose », la première séductrice, a été sa gouvernante de confession catholique qui lui parlait beaucoup de Dieu et de l’enfer et que, plus tard, sa libido s’est éveillée et tournée vers matrem nudam (6) (p. 193-194).
45En 1859, Freud prend pour la première fois le train. Il quitte Freiberg, sa ville natale, pour se rendre à Leipzig où sa famille va s’installer. Il a trois ans et demi lorsque, voyageant de nuit de Leipzig à Vienne avec sa mère enceinte de Rosa, il la voit nue et en ressent un profond émoi. Ses yeux se détournent-ils alors du côté de la fenêtre ? Du paysage, il ne garde aucun souvenir. La nuit, il est vrai, on distingue à peine le paysage, à moins que le train n’entre en gare et que la fenêtre n’ouvre sur un paysage éclairé par les becs de gaz comme ceux de la gare de Breslau qui lui évoquent « les âmes brûlant en enfer » dont lui parlait sa « Nannie » (6) (p. 210), ou bien sur le quai de la gare de Hollthurn avec ces femmes accroupies présentant, de manière très engageante, leurs paniers de fruits (11) (p. 388). Après matrem nudam et les flammes de l’enfer, Freud découvre, avec cette représentation des femmes accroupies aux paniers de fruits, la troisième composante de sa phobie des trains en rapport avec sa gloutonnerie infantile (6) (p. 272).
46En 1904, lors de son voyage à Athènes en compagnie de son frère Alexandre, le paysage qu’il embrasse du regard n’est pas vu du train mais de l’Acropole. Il est saisi « d’un sentiment d’étrangeté » (Entfremdungsgefühl) (33) qu’il interprète comme une défense contre quelque chose que l’on veut nier, que l’on désire expulser du moi. Cette chose est-elle un événement ? C’est la question qu’il se pose encore en 1938 devant ce qu’il cherche à communiquer dans son article Le clivage du moi dans le processus de défense (34). Dans cet article, il expose le cas d’un petit garçon de trois ou quatre ans qui pourrait bien être le petit Sigismund à l’âge de ses premiers voyages en train. La situation de « provocation d’un effroi terrible », que représente la conjugaison de la perception des organes génitaux féminins et de la menace de castration en raison de son onanisme, impose à ce petit garçon de croire à la réalité du danger de la castration qu’il avait conjuré avec une théorie sexuelle infantile, et à renoncer à l’onanisme. Mais, le petit garçon s’en tire autrement, de manière « rusée » (kniffige) : il dénie la réalité en déplaçant, en transférant « la signification du pénis à une autre partie du corps » de la femme (34) (p. 286). Face à l’horreur de la castration lors de la perception du sexe féminin, le regard peut se détourner et se poser sur un objet de substitution qui peut se constituer en fétiche; il peut aussi se tourner vers le paysage qui défile de l’autre côté de la fenêtre. Entre théorie sexuelle infantile, défense phobique, fétichisation et idéalisation, la psychanalyse est née des développements de ce travail psychique imposé au jeune Sigi par la castration et la séparation au cours d’un premier voyage en chemin de fer; premier voyage qui l’emporte loin de sa ville natale avec un sentiment de perte et de nostalgie. Ce travail est d’abord une fuite, un détour, un transfert, une esquive et Freud montre, dans l’analyse de son souvenir-écran, comment la représentation demeurée inconsciente « s’esquive dans un souvenir d’enfance » (10) (p. 270). La vérité effrayante est à l’intérieur du compartiment, mais elle ne sera accessible que par le détour de ce qui défile de l’autre côté de la fenêtre et pour lequel il n’y a plus de dérobade possible.
47La décision impulsive du voyage emporte Hanold immédiatement à la suite d’un rêve et de l’apparition, à travers une fenêtre, d’une silhouette ressemblant à Gradiva. Freud désigne ce voyage comme un effet d’après coup du rêve, tout comme la cure de l’homme aux loups est un effet d’après coup du rêve aux loups, lui-même effet d’après coup de la perception de la scène du coït a tergo. Mais, « le voyage n’a pas lieu sur l’incitation directe du rêve mais en révolte contre le rêve, une révolte qui est l’émanation d’une puissance psychique qui ne veut rien savoir du sens secret du rêve », écrit Freud (14) (p. 214). En effet, tout comme le regard qui se détourne, par-delà la fenêtre, Freud interprète le voyage de Hanold comme une résistance devant le désir inconscient : la résistance se dévoile sur le modèle du rapport phobique du sujet à son désir. Le dispositif analytique, avec la règle fondamentale de la libre association, selon le modèle du paysage découpé par la fenêtre d’un compartiment de chemin de fer, convoque d’emblée la dynamique du transfert et de la résistance comme le chemin détourné (umwege) nécessaire à la levée du refoulement. L’« Urszene », la scène primitive, se découpe, dans le rêve de l’homme aux loups, dans l’encadrement d’une fenêtre qui « s’ouvre toute seule ». La scène primitive de la psychanalyse se découpe dans l’encadrement de la fenêtre d’un compartiment de chemin de fer qui apparaît comme un point de fuite de ce qui se dévoile à l’intérieur du compartiment. Cette fenêtre est à la lisière du dedans et du dehors, de la réalité psychique et de la réalité matérielle; fermée elle est claustrophobogène et Freud qui étouffe, transpire, manque d’air à chacun de ses voyages, n’a de cesse de vouloir l’ouvrir; ouverte elle est agoraphobogène et Freud tente de la fuir, mais y revient toujours par un nouveau détour, comme le révèle son texte sur L’inquiétante étrangeté (23).
48Le compartiment de chemin de fer, ce « huis clos éphémère » – dans lequel J.B. Pontalis voit la métaphore la plus appropriée pour évoquer ce qui se déroule dans le cabinet du psychanalyste (46) – va traverser un paysage inquiété par le concept de pulsion de mort, par la clinique des troubles du narcissisme et des névroses traumatiques, et par le déchaînement de la destructivité au cours de la première guerre mondiale qui détruit la beauté des paysages et les conquêtes de la civilisation (20). Le paysage n’est pas le pays, il en est une représentation marquée par la dimension culturelle et esthétique. Le paysage, qui renvoie au tableau, est une mise en scène dont la construction est menacée par la répétition traumatique des névroses d’accident ou lorsque le paysage, qui n’est plus vivifié par la libido, n’est plus qu’un pays vide, déserté, pétrifié.
49En 1929, mesurant l’importance, pour l’économie du bonheur des hommes, des progrès de la technique, Freud s’exclame :
« N’est-ce donc pas un gain de plaisir positif, un surcroît sans équivoque de sentiment de bonheur, que de pouvoir entendre aussi souvent qu’il me plaît la voix de l’enfant qui vit loin de moi, à des centaines de kilomètres de distance, que de pouvoir apprendre dans les temps les plus brefs, après le débarquement de l’ami, qu’il s’est bien tiré de son long et pénible voyage. » (31) (p. 275)
51Pour aussitôt ajouter :
« On se procure cette jouissance en sortant une jambe nue de la couverture par une froide nuit d’hiver pour ensuite la rentrer. S’il n’y avait pas de chemin de fer pour surmonter les distances, l’enfant n’aurait jamais quitté sa ville natale, on n’aurait pas besoin de téléphone pour entendre sa voix. » (31) (p. 275)
53L’enfant quittant sa ville natale, c’est le petit Sigismund quittant Freiberg, et c’est Sophie, « l’enfant du dimanche », décédée en 1920, loin de Vienne : « Et cette distance nous sépare encore. Nous n’avons pu partir comme nous l’aurions voulu dès les premières nouvelles alarmantes, il n’y avait pas de train, même pas de train pour enfants. La brutalité manifeste de notre époque pèse lourdement sur nous. » (5) (p. 357)
54Avant d’être associé, avec les névroses d’accident puis avec la guerre, aux forces de destruction et de déliaison, le chemin de fer est d’abord ce qui fait lien, ce qui rassemble et contribue à la construction d’un monde que beaucoup espèrent un monde de paix. Freud aussi a rêvé d’un « citoyen du monde de la culture » (17) (p. 130), d’un citoyen ayant pour patrie un musée et qui, se promenant d’une salle à l’autre, verrait défiler la diversité des paysages. Mais le chemin de fer, symbole du progrès de la civilisation, est aussi manifestation du malaise dans la culture, car expression de la bête dans l’Homme (52). Et le train, qui devait réaliser l’échange des idées et l’union des nations et des races, devient au cours de la première guerre mondiale un des instruments du massacre, et avec la seconde un des instruments de l’extermination. Le train fou, à la fin du roman de Zola, la bête humaine (52), fonce « en bête aveugle et sourde qu’on aurait lâchée parmi la mort ». Le thème de la mort, sous-jacent à la monstruosité et à la peur de la machine, éclate bruyamment avec les premiers accidents de chemins de fer. On le trouve en abondance dans les rêves de trains de Freud et dans sa phobie, recouvrant fantasmes sexuels et angoisse de castration. L’érotisation de la machine est une manière de composer avec son altérité radicale et avec l’annonce des forces de destruction qui s’avancent en ce début de vingtième siècle où l’intrication d’Eros et de Thanatos est mise à mal par les accidents de chemins de fer, premières boucheries mécaniques avant la guerre qui s’annonce. Les catastrophes ferroviaires « mécanicisent » et, en un certain sens, industrialisent la mort bien avant que les trains ne la convoient vers les camps d’extermination. Le train donne la mort, symboliquement et réellement. Au milieu du XIXe siècle, le train était signe de liberté et de progrès; le corps écrasé, broyé, mutilé par la machine, automaton n’obéissant qu’à sa loi, est une obsession du début du XXe. Le huis clos du compartiment, lieu de plaisir et d’angoisse, devient le nouveau théâtre du crime. C’est dans le train, dont les feux saignent « comme des blessures ouvertes » (52), que Roubaud aidé de Séverine va saigner le président Grandmorin. Le garde-barrière qui regarde passer les trains est le témoin de ce crime vu de l’extérieur; ce qui a été projeté au-dehors revient sous ce regard. Ce qui défile sous ce regard, ce ne sont plus des paysages vus du train, mais les vitres éclairées des wagons dans un tel vertige que l’œil doute, jusqu’à l’effacement, de la scène entrevue. Travail de désinvestissement du refoulement ou, de manière plus radicale, œuvre de Thanatos ?
55Dans l’Au-delà du principe de plaisir, les rêves des névroses traumatiques, en particulier à la suite des accidents de chemins de fer, sont convoqués pour rendre compte de la contrainte de répétition qui s’exprime dans le transfert, actualisation, mise en acte (Agieren) de l’inconscient qui est une autre voie d’exploration des relations de l’acte et du temps. Mais, pour l’heure, le train entre en gare car, avec Freud, « il faut encore que l’on fasse le voyage lui-même d’une station à l’autre ». (25) (p. 241)
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