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Article de revue

Référence, qualification et distribution de l’information : approche contrastive français / anglais

Pages 45 à 76

Notes

  • [1]
    La comparabilité des corpus est toujours discutable. Nombre de facteurs devraient être mieux contrôlés dans une étude quantitative de plus grande ampleur : en particulier, il faudrait sans doute vérifier l’impact de la nature des supports de presse (en ligne ou avec diffusion papier), la popularité variable des personnalités politiques selon qu’elles appartiennent à la scène nationale ou étrangère, ou encore l’inter-variabilité du style des journalistes.
  • [2]
    La taille modeste des données exploitées pour cet article fait qu’il y a très peu d’occurrences pour certaines valeurs, ce qui réduit considérablement l’intérêt d’une analyse statistique. De plus, le nombre de mots n’étant pas équivalent pour les deux langues, il est trompeur d’afficher le nombre d’occurrences. Nous l’avons indiqué dans certains cas pour donner un ordre de grandeur de la fréquence observée, mais seules les fréquences relatives pour chaque langue donnent une idée des proportions des phénomènes observés. Des études complémentaires, sur de plus grandes quantités de données, permettraient d’affiner et de consolider les tendances mises au jour par des mesures de significativité des différents paramètres.
  • [3]
  • [4]
    Nous parlons du contraste entre informations détachées vs. prédiquées tout en ayant conscience que les constructions détachées correspondent à des prédications secondes. Nous opposons donc sous ce contraste prédication seconde en position détachée et prédication principale (cf. 4.1).
  • [5]
    Les groupes nominaux incluent les définis, les indéfinis et les démonstratifs, mais pas les possessifs, dont la tête réfère à une autre entité qu’au possesseur (ses enfants). En anglais, les génitifs n’ont pas non plus été comptabilisés (Fillon’s wife ‘l’épouse de Fillon’).
  • [6]
    Nous rappelons que compte tenu du fait que le corpus des textes anglais est plus petit que celui des textes français, le nombre d’occurrences en français et en anglais ne peut être directement comparé. C’est pourquoi nous indiquons en pourcentage les valeurs relatives pour chacun des corpus en français et en anglais. Ces valeurs reflètent ici la proportion des trois formes utilisées pour référer au personnage principal dans chacune des deux langues.
  • [7]
    Dans cet exemple [12], la répétition du nom propre Macron vient rétablir la continuité référentielle avec la première mention, continuité qui avait été interrompue par l’introduction du référent his critics ‘ses critiques’.
  • [8]
    On note dans cet exemple [13] le processus classique de redénomination d’un référent évolutif. Le genre de la biographie s’y prête parfaitement, permettant de requalifier le référent au fil des étapes temporelles de son parcours qui lui apportent de nouvelles qualités, compétences ou de nouveaux titres.
  • [9]
    CD = Construction Détachée.
  • [10]
    Soit 84 occurrences sur 393 mentions en français et 42 occurrences sur 282 mentions en anglais.
  • [11]
    Nous remercions un de nos relecteurs pour avoir souligné ce fait.
  • [12]
    D=détachement ; S=Sujet ; V=Verbe ; O=Objet.
  • [13]
    Pour plus de clarté, nous n’avons retenu ici que les constructions représentant au moins 10 % des usages.
  • [14]
    Traduction libre des auteurs.

1 – Introduction

1 S’il est vrai que l’anaphore, sous toutes ses formes, possède une certaine valeur translinguistique, il existe cependant entre le français et l’anglais des différences dans le choix et l’emploi de stratégies anaphoriques. Traditionnellement, on dit que le français répugne à la répétition (Corblin, 1995 ; Lundquist, 2005), alors que l’anglais semble en faire au contraire un usage important (Poncharal, 2010). Une conséquence directe de ces préférences est qu’en français, une tendance accrue à la redénomination et à l’emploi d’anaphores lexicales a été observée (Baumer, 2012).

2 Notre étude explore plus avant les contrastes des choix de stratégies anaphoriques entre le français et l’anglais. Notre hypothèse est que ces contrastes sont liés à différents choix de textualisation dans les deux langues qui reflètent différentes façons de construire la cohérence textuelle. La distribution de l’information n’est pas la même, et cela a un impact sur la référence. L’objectif de notre étude est double : nous comparons d’une part la manière dont les groupes nominaux référentiels donnent lieu à des reprises anaphoriques en français et en anglais ; nous identifions d’autre part la spécificité des stratégies permettant d’apporter des informations qualitatives sur les référents introduits.

3 Cette étude se concentre sur un genre spécifique, les portraits politiques dans les articles de presse de qualité dans les deux langues. Il s’agit d’un corpus comparable qui nous a permis d’approfondir et de contraster la manière dont les journalistes se servent des expressions référentielles et apportent des informations sur les référents. Nous nous intéressons au positionnement des journalistes et à la manière dont les stratégies anaphoriques mises en œuvre leur permettent de rester neutres vis-à-vis de l’information transmise ou, au contraire, d’introduire leur point de vue.

4 Le plan de l’article est le suivant. La partie 2 présente le corpus et la méthodologie. La partie 3 expose les résultats concernant les différentes catégories des expressions référentielles utilisées dans les deux langues. La partie 4 aborde la qualification des référents via des structures détachées ou prédiquées. La partie 5 porte plus spécifiquement sur les stratégies des journalistes, sur la manière dont les prises de position peuvent se manifester dans les deux langues, en matière de choix référentiel et en matière de qualification. Enfin, la partie 6 entend apporter quelques conclusions sur le plan textuel.

2 – Méthodologie

5 Cette étude contrastive des expressions référentielles et de leurs qualifications est menée à partir de l’analyse d’un corpus d’articles de presse consacrés à des personnalités politiques. Il s’agit d’un corpus exploratoire, constitué de 10 articles en français et 10 articles en anglais. Ces articles proviennent de journaux dits de qualité ou de sites que l’on a estimés comparables du point de vue du style et de la visée informative : Le Monde, Les Echos, Libération pour le français, The Guardian, The Telegraph et le site web de la BBC pour l’anglais [1].

6 Le Tableau 1 ci-dessous indique le nombre de mots par texte, en français et en anglais. La taille du corpus est modeste (29 101 mots) [2], cependant, nous ne prétendons pas ici proposer une étude strictement quantitative. Notre intention est plutôt de faire émerger des tendances et d’illustrer des faits.

Tableau 1

Nombre de mots / texte

ENFR
Texte 12 0211 693
Texte 21 1361 571
Texte 31 0793 361
Texte 46581 574
Texte 58771 799
Texte 6742824
Texte 72 1291 399
Texte 81 0691 471
Texte 91 2132 029
Texte 101 620836
Total12 54416 557

Nombre de mots / texte

7 Le corpus a été annoté avec le logiciel SACR [3] (Oberlé, 2018). Ce logiciel permet de repérer les expressions référentielles et les liens de coréférence qu’elles entretiennent pour former ce qu’il est convenu d’appeler une chaîne de coréférence. Nous n’avons pas annoté toutes les expressions référentielles des textes mais seulement celles référant aux personnages politiques mis en vedette dans chaque article et aux autres individus humains. Pour chaque expression référentielle repérée, nous avons annoté sa catégorie (nom propre, pronom, nom sans déterminant, groupe nominal (défini, indéfini, démonstratif, possessif), déterminant possessif), et sa fonction (sujet, complément (du verbe, du nom, d’agent), attribut, autre).

8 Parallèlement à la description des expressions référentielles et des chaînes de coréférence, la visée spécifique de cette étude est de saisir, de façon contrastive, comment l’information sur un référent (i.e. un personnage) est apportée dans un texte. L’anaphore infidèle dite « prédicative » est un premier moyen très prisé en français pour qualifier un référent (Trump > ce fan de catch). Un autre moyen est d’enrichir la description d’un référent par des constituants détachés (Guéri, il a épousé une infirmière…) ou prédiqués (She remains an enigma) [4].

9 Nous avons donc fait un repérage des éléments véhiculant une qualité ou une propriété portant sur les référents dénotés par les expressions référentielles. Nous avons nommé ces éléments par le terme général de « qualification » (Q), qui recouvre à la fois les éléments détachés et les éléments prédiqués. Nous distinguons deux lieux d’encodage des qualifications des référents : (i) à l’intérieur même du syntagme nominal via des adjectifs, des compléments du nom ou des relatives déterminatives (1), ou (ii) à son entour, via des constructions détachées [2-3], ou des prédications (i.e. prédications principales) [4-5]. Lorsque la qualification est exprimée dans le syntagme nominal lui-même, nous parlons de qualification interne du référent ; lorsqu’elle est exprimée à son entour, nous parlons de qualification externe.

[1]
le jeune président ; l’homme qui a été nommé premier ministre ; The outgoing president (‘le président sortant’) ; the conservative candidate’s Welsh-born wife (‘la femme d’origine galloise du candidat conservateur’), the former leader of Ukip (‘l’ancien leader de Ukip’), the 46-year-old… (‘la personne de 46 ans’)
[2]
Fillon, 62, has insisted his wife’s work had been real and legal and hit out at an “abject accusation”. Penelope Fillon, 60, originally from Llanover, has made no public statement.
‘M. Fillon, 62 ans, a insisté sur le fait que le travail de sa femme était réel et légal et a dénoncé une « accusation abjecte ». Penelope Fillon, 60 ans, originaire de Llanover, n’a fait aucune déclaration publique.’
[3]
Né à Rouen le 28 novembre 1970, Édouard Philippe évolue au cours de sa jeunesse dans un milieu de gauche. Petit-fils de docker du Havre, arrière-petit-fils du premier encarté communiste de la ville, il a à l’adolescence trois objectifs : ne pas devenir professeur […]
[4]
Il [Trump] est arrogant, charismatique, abrupt, parfois drôle.
[5]
Mr Philippe is also known to be a keen amateur boxer and is a published author of two political fiction novels. He has been married to his wife Edith Chabre for 12 years and the couple have three children.
‘M. Philippe est également connu pour être un boxeur amateur passionné et est l’auteur de deux romans de politique fiction. Il est marié à son épouse Edith Chabre depuis 12 ans et le couple a trois enfants.’

10 En résumé, la structure en [6] illustrée ci-dessous indique les lieux d’insertion des éléments porteurs des qualités (Q) attribuées à un référent, via le détachement ou la prédication principale. L’élément prédiqué peut lui-même avoir des expansions du type détaché.

[6]
(Q) [SN0 (Q)] (Q) V/Copule (Q) [Q] (Q)

11 Q représente une expression nominale [7], adjectivale ou prépositionnelle [8], verbale [9] véhiculant une qualité ou une propriété ; SN0 dénote le référent support auquel s’applique cette qualité ou cette propriété.

[7]
[…] Philip Hammond, ancien ministre des affaires étrangères, est le nouveau chancelier de l’Échiquier (ministre des finances), succédant à ce poste au conservateur George Osborne.
[8]
In a way, he reminds some of the 1997 version of Tony Blair – enthusiastic, seemingly fearless and without too much complexity.
‘D’une certaine manière, il rappelle à certains le Tony Blair de 1997 – enthousiaste, apparemment sans peur et sans grande complexité.’
[9]
He later attended École nationale d’administration – also attended by Mr Macron – cementing his place among the upper echelons of France’s political elite.
‘Il a ensuite fréquenté l’École nationale d’administration, également fréquentée par M. Macron, ce qui lui a permis de consolider sa place dans les hautes sphères de l’élite politique française.’

12 La structure [6] est représentative d’un schéma de phrase prototypique où l’expression référentielle source (ou support) apparait en position de sujet. Il va de soi néanmoins qu’il existe une plus grande variabilité : les éléments détachés (ou apport) peuvent qualifier des expressions référentielles occupant toutes les fonctions syntaxiques possibles, comme par exemple la fonction objet en [10] ou [11] :

[10]
It [The Canard Enchainé] also accused Fillon, the presidential frontrunner, of paying two of his five children an additional €84,000 of public money as “parliamentary assistants”.
‘Il [Le Canard Enchainé] a également accusé M. Fillon, le favori de la présidentielle, de verser à deux de ses cinq enfants 84 000 euros supplémentaires d’argent public en tant qu’“assistants parlementaires”.’
[11]
Le Canard Enchainé claimed Fillon had paid his daughter Marie, 23 at the time and not yet fully sworn in as a lawyer, a total of €57,084 over 15 months.
‘Le Canard Enchainé a affirmé que M. Fillon avait versé à sa fille Marie, qui avait 23 ans à l’époque et n’avait pas encore prêté serment en tant qu’avocate, un total de 57 084 € sur 15 mois.’

13 Enfin, les expressions référentielles et les éléments de qualification ont été annotés selon le trait factuel / non factuel. Nous avons par exemple considéré qu’une dénomination telle que le président était factuelle (ou neutre) si elle dénote un individu dont la fonction est bien d’être le président, alors que les expressions du type ce trublion d’extrême droite, référant à Farage, ou le petit marquis poudré référant à Macron, sont aisément perçues comme non factuelles (non neutres). Cette distinction tente de rendre compte de la manière dont le point de vue du journaliste s’immisce dans le texte, en marge de l’information brute ou « objective » (voir section 5).

3 – Catégories des expressions référentielles

14 Les catégories des expressions référentielles correspondent majoritairement à des pronoms personnels, des noms propres, ou des groupes nominaux. Les pronoms sont les formes par excellence de la reprise anaphorique. Ils permettent d’établir un lien avec un antécédent déjà saillant, mais sont sémantiquement vides hormis les indications de genre, de nombre et de fonction. Les noms propres, en revanche, supposent une faible accessibilité de leur référent, caractéristique qui a été exploitée pour soutenir différentes théories (voir Schnedecker, 2003) sur leur contrainte d’apparition, et en particulier sur le rôle des contraintes textuelles (Hinds, 1979). La réitération du nom propre serait fortement corrélée à des unités discursives, par exemple temporelles et typographiques (Fox, 1987 ; Ariel, 1990). Les groupes nominaux supposent également une moindre accessibilité de leur référent, mais offrent par ailleurs une grande liberté expressive pour le qualifier, cette intention de qualification pouvant justifier certains usages avec des antécédents saillants. Le potentiel expressif des anaphores lexicales augmente lorsqu’on a affaire à un changement de tête lexicale (anaphore infidèle). Ce type d’anaphore permet d’éviter la répétition en offrant la possibilité de véhiculer en surcroit des informations plus ou moins connotées sur le référent, à valeur descriptive, évaluative ou argumentative. D’un point de vue contrastif, il existe des préférences dans chaque langue qui président aux choix de ces différentes formes. Nous exposons les résultats de nos observations sur corpus ci-dessous.

3.1 – Catégories préférées en français et en anglais

15 Nous avons observé les catégories des expressions référentielles employées pour référer au personnage principal de chaque article. Nous n’avons retenu pour cette étude que les trois catégories les plus fréquentes (pronoms personnels, noms propres, groupes nominaux [5]), laissant les autres formes (anaphore zéro, pronoms relatifs) pour des études ultérieures. Il apparaît qu’en français comme en anglais, le pronom personnel est la forme la plus employée, devant le nom propre et le groupe nominal (i.e. l’anaphore lexicale). Cependant, alors que les pronoms et les noms propres sont un peu plus employés en anglais qu’en français, les groupes nominaux sont plus fréquents en français qu’en anglais, comme le montre le Tableau 2 [6] :

Tableau 2

Fréquences des catégories les plus usitées pour référer aux personnages principaux en %

FrançaisAnglais
Pronom personnel46,56 % (183)50,35 % (142)
Nom propre24,68 % (97)30,49 % (86)
Groupe nominal28,75 % (113)19,14 % (54)

Fréquences des catégories les plus usitées pour référer aux personnages principaux en %

16 Les exemples ci-dessous, extraits d’articles consacrés à Emmanuel Macron, illustrent des reprises typiques de l’anglais par la répétition du nom propre [12] [7], et du français par des anaphores lexicales en [13] [8].

[12]
Macron has used his luck smartly. His critics keep repeating that centre mainstream policies never win elections. Macron strongly disagrees, even if he still sees himself as on the left, though […].
‘Macron a utilisé sa chance intelligemment. Ses détracteurs ne cessent de répéter que les politiques du centre ne gagnent jamais les élections. Macron n’est pas du tout d’accord, même s’il se considère toujours comme étant de gauche, bien que […].’
[13]
Animé par le goût de l’action publique et le souci d’être en prise avec les décisions politico-administratives, l’apprenti-philosophe quitte alors l’université pour entrer à l’ENA. On connaît la suite de l’histoire : le cursus de l’ENA terminé en 2004, le jeune énarque rejoint l’Inspection des finances et les hautes administrations […].

17 Nous sommes face à deux tendances générales, celle de l’anglais, qui privilégie la reprise pronominale et la répétition des noms propres, et celle du français, qui fait un plus grand usage de l’anaphore lexicale. Ces tendances ont déjà été relevées et décrites dans plusieurs travaux contrastifs (Baumer, 2012 ; Lundquist, 2005 ; Ranger, 2002 ; Poncharel, 2010 ; Celle et Baumer, 2013), ou sur le français (Corblin, 1995 ; Schnedecker, 2017). Nos observations vont donc dans le même sens. Nous détaillons dans la suite les corrélations entre les anaphores lexicales et les fonctions qu’elles occupent.

3.2 – Corrélations entre catégorie et fonction

18 Nous venons de voir que les anaphores lexicales exprimées par des groupes nominaux sont plus fréquentes en français (28,75 %) qu’en anglais (19,14 %). Le tableau 3 ci-dessous montre qu’elles apparaissent de façon privilégiée en fonction sujet dans les deux langues. On observe toutefois que cette préférence est plus marquée dans le corpus français. De plus, les anaphores lexicales sont distribuées sur un plus grand nombre de fonctions dans le corpus français (non seulement sujet ou objet mais aussi complément du nom et attribut, qui occupent une place non négligeable). Dans le corpus anglais, sont privilégiées la fonction sujet, et en second lieu celle d’objet.

Tableau 3

Fonctions des groupe nominaux dénotant les personnages principaux en FR et en EN en %

SujetCompl. du verbeAttributCompl. du nomAutres
FR44,24 %
(50)
10,61 %
(12)
15,04 %
(17)
15,9 %
(18)
14,15 %
(16)
EN48,14 %
(26)
35,18 %
(19)
1,85 %
(1)
11,11 %
(6)
3,70 %
(2)

Fonctions des groupe nominaux dénotant les personnages principaux en FR et en EN en %

19 Les exemples [14-17] illustrent les deux fonctions sujet et objet, dans les deux langues, français et anglais :

[14]
Le maire de Bordeaux publie « De vous à moi », un livre numérique pour casser son image d’homme froid.
[15]
But if there is a pattern in Mr Khan’s career, it’s one of coming from behind. The new mayor did not have a privileged start in life.
‘Mais s’il y a une constante dans la carrière de M. Khan, c’est qu’il déjoue les pronostics. Le nouveau maire n’a pas eu un départ privilégié dans la vie.’
[16]
Cette fracassante démission, qui souligne cruellement que plus personne n’épargne le chef de l’Etat sortant [Hollande], ni ses adversaires socialistes, ni même ses plus proches, est pourtant tout sauf une surprise.
[17]
David Cameron sees himself as a close ally of Merkel. But the feeling might not be reciprocated. Cameron wouldn’t be the first male politician to misread the chancellor – a dangerous mistake.
‘David Cameron se considère comme un proche allié de Merkel. Mais ce sentiment pourrait ne pas être réciproque. Cameron ne serait pas le premier homme politique à mal interpréter la chancelière – une erreur dangereuse.’

20 Après avoir souligné une plus grande variété en français qu’en anglais des fonctions occupées par les anaphores lexicales, nous nous concentrons sur les anaphores lexicales remplissant la fonction sujet. Le Tableau 4 ci-dessous montre (en %) l’analyse du contexte précédant l’occurrence d’une anaphore lexicale sujet en français et en anglais.

Tableau 4

Contexte d’apparition des anaphores lexicales sujet en %

ENFR
Initiale46,66 %36,53 %
Détachement20,00 %36,53 %
Connecteur6,66 %5,76 %
Verbe6,66 %15,38 %
Pronom relatif20 %5,76 %

Contexte d’apparition des anaphores lexicales sujet en %

21 Il y a trois positions privilégiées en français : (i) l’anaphore lexicale apparait en début de phrase [18], (ii) elle est précédée par un élément détaché en position initiale [19-21], (iii) elle apparait après un verbe de citation (discours rapporté) [22] :

[18]
Le leader du UKIP, qui n’a jamais affiché la prétention de mener les discussions avec Bruxelles, assure que la mission de sa vie politique est accomplie : sortir son pays de l’Union européenne [UE].
[19]
En 1992, cet ultralibéral d’inspiration thatchérienne claque la porte du Parti conservateur pour protester contre la signature du traité de Maastricht.
[20]
Tout à sa stratégie de prise de hauteur et de distinction présidentielle face à la récente inflation de candidatures dans son camp, le chef de l’Etat entendait profiter de l’ouverture de la Semaine des ambassadeurs, mardi 30 août au matin à l’Elysée, pour vanter sa « responsabilité dans le règlement des crises » internationales.
[21]
En attendant le mois d’octobre, le chef du gouvernement [Cameron] a expliqué qu’il resterait à la barre pour assurer la stabilité du pays.
[22]
« Il peut exalter dans le même souffle Jeanne d’Arc et Victor Hugo, nationalistes et mondialistes, laïcs et religieux », affirme l’essayiste.

22 En anglais, les anaphores lexicales sujets se trouvent principalement à l’initiale de la phrase [23], ou après un adverbe [24] ou une proposition [25]. On remarque cependant que les anaphores lexicales sujet ne sont pas précédées d’une apposition en anglais.

[23]
The leader of Les Républicains [Fillon] is seen as much too conservative for a lot of socialists and his recent scandals, which do not seem to be dying down, make him even less attractive.
‘Le leader des Républicains [Fillon] est considéré comme beaucoup trop conservateur pour de nombreux socialistes et ses récents scandales, qui ne semblent pas vouloir se tarir, le rendent encore moins attrayant.’
[24]
Last year the long-time socialist [Hollande] reached an all time low when approval polls gave him just 4 per cent, down from 60 per cent at the start of his term.
‘L’année dernière, le socialiste de longue date [Hollande] a atteint son plus bas niveau historique lorsque les sondages ne lui ont accordé que 4 % d’opinions favorables, contre 60 % au début de son mandat.’
[25]
Not only was her grandfather of Polish origin, the chancellor almost was born Angela Kazmierczak.
‘Non seulement son grand-père était d’origine polonaise, mais la chancelière est presque née Angela Kazmierczak.’

23 Ce panorama de la distribution des formes de reprise et de leur fonction met en évidence des différences entre notre corpus français et notre corpus anglais. Une étude de corpus de plus grande envergure permettrait d’appréhender si les différences observées ici reflètent de véritables préférences des deux langues. Nous avons également observé que l’anaphore lexicale en anglais apparait très majoritairement en position initiale, laissant la position pré-sujet inexploitée, alors qu’en français l’anaphore lexicale est souvent précédée d’un élément détaché. Nous allons dans la prochaine section explorer les stratégies d’expression de la qualification des référents et voir comment cette position initiale est largement exploitée en français.

4 – L’apport d’information : constituants détachés ou prédiqués

24 Comme nous l’avons indiqué en introduction, le but de cette étude est aussi de décrire, de façon contrastive, comment l’information sur un référent (i.e. un personnage) est apportée dans un texte. Cet apport d’information peut se faire, nous l’avons vu, directement par l’expression référentielle, via l’anaphore infidèle [26] (voir sections 3 et 5), ou par des constituants soit détachés [27], soit prédiqués [28], que nous examinons ci-dessous :

[26]
Surtout, il n’omet jamais de rappeler sa dette intellectuelle envers […] le philosophe français Paul Ricœur […]. C’est à ce premier mentor qu’il doit cette idée […].
[27]
Les services de Mme May ont annoncé, dans la foulée, de premières nominations au sein du gouvernement. Boris Johnson, ancien maire de Londres et figure de proue du camp du « Leave » lors du référendum du 23 juin, a été nommé ministre des affaires étrangères.
[28]
Mr Philippe is the mayor of the Normandy port of Le Havre.
‘M. Philippe est maire du Havre, ville portuaire de Normandie.’

25 Nous comparons les constituants détachés [27] et les constituants prédiqués [28]. Cette comparaison peut se justifier du fait que le groupe détaché se caractérise par le fait qu’il décrit une prédication seconde comparable avec une prédication complète (de [27] on peut déduire que Boris Johnson est l’ancien maire de Londres). D’autre part, nos observations du corpus font émerger une tendance au détachement, en particulier en position initiale, en français, détachement qui est à l’inverse moins fréquent en anglais. Ce qui est plus fréquent en anglais, c’est de recourir à une prédication complète classique pour apporter des informations sur le référent exprimé par le sujet (comme en [28]). Dans le cas du détachement, la prédication seconde crée un décrochage dans la linéarisation de l’information, processus que l’on peut considérer comme marqué par rapport à la prédication standard. Nous allons explorer quel est l’effet produit. Nous présentons nos données en décrivant précisément les préférences observées, en français et en anglais.

4.1 – Les éléments détachés : définition et inventaire

26 La définition des constructions détachées est une question notoirement difficile du fait de la diversité des structures qu’elles recouvrent. Combettes (1998) signale d’une part leur liberté de position et propose d’autre part deux critères permettant de les identifier : (i) la présence d’une prédication seconde, (ii) la présence d’un référent sous-jacent :

« C’est l’addition de ces deux critères […] qui autorise à rassembler groupes adjectivaux et constructions absolues sous la même étiquette. Le détachement du reste de l’énoncé va de pair avec la prédication seconde ; la nature non référentielle de l’adjectif et du participe, la structure particulière de la construction absolue, qui sous-entend un sujet, justifient le deuxième critère ».
(Combettes, 1998 : 15)
Ainsi, il sera toujours possible d’établir pour une construction détachée donnée, [29] ou [30], une relation sous-jacente sujet / prédicat comme en [29’] ou [30’] :

[29]
Jamais avare de provocations, il s’est refusé à dire qu’il reconnaîtrait le résultat de l’élection présidentielle.
[29’]
Il n’est jamais avare de provocations.
[30]
Philip Hammond, ancien ministre des affaires étrangères, est le nouveau chancelier de l’Échiquier (ministre des finances), succédant à ce poste au conservateur George Osborne.
[30’]
Philip Hammond est l’ancien ministre des affaires étrangères.

27 Le référent sous-jacent, sujet de la prédication seconde, est co-référent avec un référent exprimé par une expression située dans l’énoncé, très souvent le sujet de l’énoncé.

28 Le fait de véhiculer un référent sous-jacent, qui doit être lié à une expression référentielle pour être interprété, suggère que la construction détachée n’est pas, en elle-même, une expression référentielle :

29

« […] la construction détachée n’est pas en elle-même une expression référentielle : elle intervient dans les prédications secondes de type qualifiant, que l’on peut opposer à des prédications de type identifiant ; ces dernières ne donnent pas lieu à des constructions détachées ».
(Combettes, 1998 : 14)

30 Neveu (entre autres 2000, 2007) désigne ces constructions, ou du moins certaines constructions appositives, comme des expansions caractérisantes d’une fonction actancielle, et souligne également qu’elles ne connaissent aucun mode de fonctionnement référentiel :

31

« Le terme descripteur forme avec son contrôleur une cellule référentielle et informationnelle qui enrichit la désignation, la complexifie en lui conférant des capacités présuppositionnelles, mais il n’a, de lui-même, aucune aptitude à exercer la désignation ».
(Neveu, 2007 : 167)

32 La question de la position de ces constructions détachées est centrale pour comprendre le rôle qu’elles jouent sur le plan informationnel. Combettes note que la construction détachée apporte une information sur un référent d’une manière particulière, comme parenthétique :

33

« La CD [9]introduit dans l’énoncé une nouvelle structure prédicative, réduite certes, qui ne pourrait fonctionner seule, mais qui établit avec un sujet une relation identique à celle d’une prédication complète. Cette caractéristique, qui oppose nettement les CD aux constructions liées, est fondamentale : elle explique que la CD apparaît souvent comme une parenthèse, une sorte d’incise explicative, qui n’est pas utilisée pour déterminer un groupe nominal, mais pour apporter sur lui une nouvelle information comme le ferait une structure de phrase indépendante bâtie sur une articulation prédicative ».
(Combettes, 1998 : 12)

34 Neveu (2007) tend à associer la position frontale de l’élément détaché à une forte accessibilité référentielle de son support. Nous empruntons son exemple reproduit en [31]. Il attribue au contraire la postposition de l’élément détaché à une présomption de faible accessibilité du support, comme cela se présente typiquement dans les nécrologies. Là encore, nous empruntons son exemple reproduit en [32] :

[31]
Julien BERTHEAU [photo]
Nationalité : Française
Né en : 1910
Notes biographiques :
Avant tout acteur de théâtre, il fait ses études au Conservatoire puis entre à la Comédie Française où il en sera des piliers, durant de nombreuses années. […]
(C. Dureau, Dictionnaire mondial des comédiens, apud Neveu, 2007 : 169)
[32]
MONIQUE FAUX, disparue samedi 6 septembre, a joué au sein du ministère de la culture, pendant vingt ans et plus, un rôle-clé dans l’élaboration et la réalisation de projets urbains associant des artistes plasticiens aux architectes et aux urbanistes.
(Le Monde, 11/9/97, apud Neveu, 2007 : 167)

35 Nous explorons, à partir de notre corpus, cette hypothèse d’une corrélation entre le statut informationnel du support et la position des éléments détachés. Nous cherchons à mettre en évidence certaines préférences spécifiques du français et de l’anglais en ce qui concerne les implications informationnelles du choix préférentiel d’une des stratégies.

4.2 – Les éléments détachés : données

36 Dans notre corpus, nous avons relevé les formes détachées apportant une qualification au référent du personnage principal de chaque texte. Les deux langues n’utilisent pas ces formes détachées de la même façon. Nous avons calculé le nombre de mentions supports d’une qualification par rapport au nombre total des mentions des personnages principaux en français et en anglais. Les référents « qualifiés » constituent 21,37 % des mentions en français et 14,89 % des mentions en anglais [10].

37 Le Tableau 5 présente la variation des formes détachées, observée en français et en anglais. Les pourcentages sont calculés par rapport au nombre d’occurrences de détachements dans chaque langue.

Tableau 5

Formes des éléments détachés en FR et en EN en %

Forme des éléments détachésENFR
apposition nominale sans déterminant6,52 %23,08 %
adjectif, participe, syntagme prépositionnel32,61 %50,55 %
apposition nominale définie13,04 %6,59 %
apposition nominale indéfinie21,74 %4,40 %
nom propre4,35 %4,40 %
participe-présent0,00 %4,40 %
absolue0,00 %2,20 %
infinitif prépositionnel0,00 %2,20 %
participiale0,00 %2,20 %
en tant que2,17 %0,00 %
construction en -ing19,57 %0,00 %

Formes des éléments détachés en FR et en EN en %

38 Dans notre corpus de français, les formes les plus fréquentes sont les adjectifs, participes et syntagmes prépositionnels d’une part, et les appositions nominales sans déterminant d’autre part. Si en anglais, les adjectifs, participes et syntagmes prépositionnels sont proportionnellement les formes les plus fréquentes, elles sont moins fréquentes qu’en français. Les appositions nominales indéfinies occupent la deuxième place, les formes en -ing viennent en troisième position et sont suivies des appositions nominales définies. L’anglais se distingue du français par l’usage d’expressions nominales indéfinies [33], là où le français utilise des constructions sans déterminant [34]. De façon générale, le SN indéfini en anglais correspond souvent au nom nu en français dans toutes les positions prédicatives (He is a soldier / Il est soldat). Ce serait donc une différence structurale plus globale :

[33]
Mr Philippe is the mayor of the Normandy port of Le Havre. A relatively unknown politician, he is also a member of the mainstream-right LR party, […] [11].
‘M. Philippe est maire du Havre, ville portuaire de Normandie. Homme politique relativement peu connu, il est également membre du LR, le parti de la droite traditionnelle, […]’
[34]
Personnalité influente de la CDU, redoutée et détestée dans la nouvelle Allemagne, elle dirige la Treuhandanstalt, […].

39 Dans ces deux exemples, le référent support est exprimé par des pronoms personnels, témoignant de leur statut cognitif actif dans le discours. L’expression détachée apporte une information sur un référent déjà identifié.

40 Les appositions nominales définies ont un statut à part dans la mesure où elles sont référentielles, elles ne sont pas à proprement parler des constructions détachées au sens où les définit Combettes. Combettes (1998 : 26) parle à leur propos de co-référence non anaphorique. Leur position est libre mais entraîne des changements de fonction. C’est systématiquement le premier élément, celui placé à gauche, qui remplira la fonction de support (souligné dans les exemples), quelle que soit sa fonction (sujet [35], complément du nom [36], objet [37]). Les éléments détachés sont marqués en italiques :

[35]
Merkel, the greatest benefactor of the 89-revolution, got a taste of his intimidatory tactics very early.
‘Merkel, la plus grande bénéficiaire de la révolution de 89, a très tôt goûté à ses tactiques d’intimidation.’
[36]
Le « meilleur d’entre nous » revient aussi longuement sur sa relation avec Jacques Chirac, l’homme qui l’a recruté en 1976 à Matignon.
[37]
Ses derniers propos de campagne lundi dénonçaient l’establishment, « l’élite politique qui a saigné à blanc notre pays ».

41 Cette règle semble valoir en anglais autant qu’en français, comme le montre la manipulation des exemples [35] et [36] en [35’] et [36’], où le support est souligné et l’élément détaché est en italique :

[35’]
The greatest benefactor of the 89-revolution, Merkel, got a taste of his intimidatory tactics very early.
‘La plus grande bénéficiaire de la révolution de 89, Merkel, a très tôt goûté à ses tactiques d’intimidation.’
[36’]
Le « meilleur d’entre nous » revient aussi longuement sur sa relation avec l’homme qui l’a recruté en 1976 à Matignon, Jacques Chirac.

42 Nous en venons à présent à l’observation des positions dans lesquelles ces expressions détachées apparaissent. De façon très schématique, nous avons distingué, avec force simplifications, sept patrons de phrase que l’on a regroupés en trois groupes : le premier groupe a une expression détachée pré-sujet, le deuxième une expression détachée post-sujet et le troisième groupe une expression détachée post-verbale.

Tableau 6

Principales positions des expressions détachées[12]

Initial pré-sujetPost-sujetPost-verbal
Initial pré-sujetDSVO
Post-sujetDSDVOSDVO
Post-verbalDSVODSDVODSVOD / SVDO

Principales positions des expressions détachées[12]

43 Le Tableau 7 ci-dessous indique la répartition de nos exemples de détachements (mentions aux personnages principaux dotés d’une qualification) dans ces patrons de phrases :

Tableau 7

Position des expressions détachées en FR et en EN en %

ENFR
DSDVO0 %5 %
DSVO23 %36 %
DSVOD6 %10 %
SDVO28 %16 %
SDVOD0 %3 %
SVDO0 %1 %
SVOD43 %27 %

Position des expressions détachées en FR et en EN en %

44 D’un point de vue contrastif, il apparaît dans le Tableau 7 que ce qui est privilégié en français, c’est la position initiale pré-sujet (36 % contre 23 % en anglais). En anglais en revanche, ce sont les positions finales (43 % contre 27 % en français) et post-sujet (28 % contre 16 % en français) qui dominent. Ces trois cas de figure sont illustrés en [38-40] :

[38]
Assistant éditorial de Paul Ricœur pendant ses années universitaires à Nanterre (1998-2000), Emmanuel Macron a été profondément influencé par la pensée du philosophe.
[39]
If Angela Merkel is re-elected on 22 September, she stands to become Europe’s longest serving elected female head of government, eclipsing Margaret Thatcher along the way.
‘Si Angela Merkel est réélue le 22 septembre, elle risque de devenir la femme européenne, cheffe de gouvernement élue, ayant servi le plus longtemps en Europe, éclipsant au passage Margaret Thatcher.’
[40]
His father, a bus driver for 25 years, “was in a union and got decent pay and conditions” whereas his mum, a stay-at-home seamstress, “wasn’t, and didn’t”.
‘Son père, chauffeur de bus pendant 25 ans, “était syndiqué et bénéficiait d’un salaire et de conditions décentes”, alors que sa mère, couturière au foyer, “ne l’était pas et n’en bénéficiait pas”.’

45 Au terme de cet inventaire, on retiendra que la position initiale des éléments détachés, bien que tout à fait grammaticale dans les deux langues, est, à l’échelle de ce petit corpus, moins exploitée en anglais qu’en français. Nous avons souligné le rôle informationnel d’un détachement dans cette position, qui véhicule comme le note Neveu (2000) une présomption d’accessibilité du référent source. On s’attendrait alors à ce que le référent source soit réalisé sous la forme d’un pronom. Or, le pronom, s’il est bien représenté, est toutefois loin d’être prépondérant, il est en concurrence avec les noms propres (50 % en anglais vs. 29 % en français), et les groupes nominaux (10 % en anglais vs. 18 % en français).

Tableau 8

Catégorie du référent support du détachement en tête en %

ENFR
DSVODSVO
Npr50 %29 %
Pro40 %47 %
GN10 %18 %
Zéro0 %6 %

Catégorie du référent support du détachement en tête en %

[41]
Entré dans le comité de rédaction de la revue dès 2000, il y a fait paraître une dizaine d’articles, […].
[42]
With shocking callousness, Boris Johnson caused outrage last month by declaring that the Libyan city of Sirte could become “the next Dubai” once they “clear the dead bodies away”.
‘Avec une insouciance choquante, Boris Johnson a provoqué l’indignation le mois dernier en déclarant que la ville libyenne de Syrte pourrait devenir “le prochain Dubaï” une fois qu’on aura “enlevé les cadavres”.’
[43]
Inconnu du grand public il y a encore trois ans, le nouveau président français intrigue.

46 La corrélation présupposée entre la présence d’un détachement en tête et un référent ayant une forme qui traduit un haut degré d’accessibilité ne va pas de soi. Des formes autres que le pronom peuvent être sollicitées pour des raisons multiples, au-delà de la stricte cohésion référentielle, à l’échelle de la cohérence globale du texte.

4.3 – Les éléments prédiqués

47 Nous avons tenté de mettre en parallèle les informations qualitatives apportées soit par un élément détaché soit par une prédication. Pour ce qui est des prédications, nous avons considéré seulement des énoncés copulatifs [44], plus faciles à repérer et, par conséquent, plus faciles à comparer d’une langue à l’autre :

[44]
Farage was a founding member of Ukip in 1993 and has unsuccessfully stood for election to the House of Commons seven times – in five general elections and two byelections.
‘M. Farage a été l’un des membres fondateurs de l’Ukip en 1993 et s’est présenté sans succès à l’élection de la Chambre des communes à sept reprises – lors de cinq élections générales et de deux élections partielles.’

48 Nous avons repéré les phrases copulatives dont le sujet réfère au personnage principal. Nous avons calculé la fréquence des informations prédiquées par rapport au nombre de mentions référant aux personnages principaux (comme nous l’avons fait pour calculer la fréquence du détachement). La proportion des informations qualitatives prédiquées est de 58, 86 % en anglais contre 53,68 % en français. Ces données laissent supposer une propension à utiliser ces structures un peu plus importante en anglais qu’en français. L’exemple [44] et la manipulation associée [45], montrent que syntaxiquement, et au niveau local, rien n’empêcherait de placer l’information prédiquée en position détachée. Nous supposons que les raisons de ce choix de stratégie sont à chercher à un niveau plus textuel (cf. 6. ci-dessous).

[45]
A founding member of Ukip in 1993, Farage has unsuccessfully stood for election to the House of Commons seven times.
‘Membre fondateur de l’Ukip en 1993, M. Farage s’est présenté à sept reprises aux élections de la Chambre des communes, sans succès.’

49 Toutefois, dans bien des cas, une manipulation du type [46] n’est pas possible. À partir de l’exemple [46], le détachement du groupe adjectival (conscious of…) [46’] efface son statut de discours rapporté. En [46’’], le maintien du verbe de parole introduisant le discours rapporté dans la forme détachée s’articule mal, sans doute à cause de sa longueur, avec le groupe adverbial temporel :

[46]
In a televised confession last August, Mr Hollande declared he was conscious of the “risks” ahead if he decided to try for a second term. “Today I am aware of the risks that going down a route that would not gather sufficient support would entail, so I have decided not to be a candidate in the presidential election”, he said.
‘Dans une confession télévisée en août dernier, M. Hollande a déclaré être conscient des « risques » qui l’attendaient s’il décidait de briguer un second mandat. « Je suis aujourd’hui conscient des risques que comporterait le fait de m’engager dans une voie qui ne recueillerait pas un soutien suffisant, et j’ai donc décidé de ne pas être candidat à l’élection présidentielle », a-t-il déclaré.’
[46’]
# Conscious of the “risks” ahead if he decided to try for a second term, Mr Hollande said in a televised confession last August (‘Conscient des “risques” qui se présenteraient à lui s’il décidait de briguer un second mandat, M. Hollande a déclaré lors d’une confession télévisée en août dernier’) : “Today I am aware of the risks that going down a route that would not gather sufficient support would entail, so I have decided not to be a candidate in the presidential election”.
[46’’]
? Declaring he was conscious of the “risks” ahead if he decided to try for a second term in a televised confession last August, Mr Hollande […].
‘Se déclarant conscient des “risques” qui se présenteraient à lui s’il décidait de briguer un second mandat lors d’une confession télévisée en août dernier, M. Hollande […].’

50 Du point de vue informationnel, il est certain que l’information prédiquée est présentée comme nouvelle, non présupposée. Outre cette fonction informationnelle, le choix de prédiquer l’information plutôt que de la détacher dans une prédication seconde peut être motivé par la nécessité d’ancrer l’assertion dans une temporalité spécifique [46]. Il peut être contraint aussi par la volonté de marquer un mode spécifique [47], de marquer une négation [48] ou une modalité [49]. On trouve en effet dans les énoncés copulatifs un usage important du futur, du conditionnel, plusieurs exemples sont négatifs, d’autres sont modalisés :

[47]
Cameron wouldn’t be the first male politician to misread the chancellor – a dangerous mistake.
‘Cameron ne serait pas le premier homme politique à mal interpréter la chancelière – une erreur dangereuse.’
[48]
This woman is not for benchmarking.
‘Cette femme n’est pas favorable à la méthode de benchmarking.’
[49]
It is probably true that Macron has been incredibly lucky since the launch of his bid.
‘Il est probablement vrai que Macron a eu une chance incroyable depuis le lancement de sa candidature.’

5 – Le point de vue des journalistes : entre neutralité et parti pris

51 Dans cette section, nous cherchons à comprendre comment les choix des formes référentielles et des qualités qui leur sont associées sont exploités par les journalistes, afin de transmettre des informations brutes ou teintées de toute sorte de connotations et de jugements.

5.1 – Les moyens d’exprimer un fait, une opinion, un jugement

52 Dans la section 3, nous avons vu que les pronoms et les noms propres sont plus fréquents dans le corpus anglais et que les anaphores lexicales sont plus fréquentes dans le corpus français (pour rappel, 28,75 % en français contre 19,14 % en anglais). Ces observations suggèrent qu’il existe différentes façons de prendre position. En employant une anaphore lexicale, les possibilités d’introduire dans le texte un point de vue ou une connotation sont nombreuses, par rapport à l’emploi de noms propres et de pronoms seuls. On pourrait envisager une échelle de potentiel expressif du type suivant :

Figure 1

Potentiel de qualification d’éléments référentiels selon le type de reprise

Figure 1

Potentiel de qualification d’éléments référentiels selon le type de reprise

53 Dans la lignée de nombreux travaux (Kleiber, 1994 ; Schnedecker, 1997 ; Baumer, 2015), nous considérons l’emploi des pronoms comme des marqueurs de reprise neutres ou non-marqués. Les pronoms, pour être interprétés, sont totalement dépendants du référent avec lequel ils entretiennent une relation d’identification stricte. En revanche en employant un nom propre ou une anaphore lexicale, le journaliste dispose de différentes possibilités pour a) transmettre un supplément d’information sur les personnages concernés et/ou b) communiquer un point de vue envers ces personnes ou les informations les concernant.

54 En effet, même pour les noms propres, des choix de dénomination existent. Le fait même d’employer la forme complète d’un nom propre, nom et prénom, ou seulement une des deux formes, ou l’ensemble précédé d’un titre Madame X ou Monsieur X, affiche sans y paraître un certain nombre de sous-entendus concernant le respect ou la proximité que le journaliste veut signifier vis-à-vis de l’individu dont il parle. Dans l’extrait [50] par exemple, le journaliste raconte les premiers pas en politique d’Angela Merkel, et l’emploi du prénom seul suggère une certaine proximité qui peut être interprétée de diverses manières :

[50]
Angela Merkel et Joachim Sauer, qui finiront par se marier en 1998, habitent à Berlin un appartement situé près de l’ancien Mur, face à ce qui sera le Mémorial de l’Holocauste, près de la porte de Brandebourg et du Reichstag. La ville est en pleine mutation et se réorganise autour des ruines du Mur. […] Angela se lie d’amitié avec sa voisine de palier.

55 C’est surtout à travers les anaphores lexicales que les possibilités de qualification ou de commentaires sont potentiellement les plus nombreuses. Baumer (2015 : 59), dans la lignée de Corblin (1983), propose de classer les différentes têtes lexicales selon le type de propriétés qu’elles expriment sur le référent. Il distingue les propriétés stables ou « permanentes », comme celles qui ont trait aux relations professionnelles, ou géographiques (le chef, le Parisien), et les propriétés « provisoires », liées à un contexte ou à un point de vue particulier (le passager, le cycliste).

56 L’interprétation du caractère permanent ou contingent, inaliénable ou aliénable d’une propriété peut être soumise à variation en contexte. Par exemple, il n’est pas évident, hors contexte, de savoir si la désignation le cycliste dénote une personne à vélo dans une situation donnée, ou une personne qui pratique le vélo professionnellement. Pour contourner cette difficulté, nous nous plaçons dans une perspective un peu différente non pas centrée sur les qualités du référent, mais sur une adéquation entre la description et la réalité extralinguistique. Ce qui nous semble être en jeu dans le texte journalistique, c’est la séparation entre la présentation d’un fait et le commentaire d’un fait. Or, certaines ressources linguistiques comme l’anaphore lexicale ou les constructions détachées favorisent l’amalgame de ces deux types d’information et aboutissent à une présentation d’un fait biaisé par un point de vue qui ne s’affiche pas explicitement. Dans l’exemple [49], repris en [51] ci-dessous, le journaliste explicite le degré de vérité qu’il établit entre la propriété « incroyablement chanceux » et l’individu dénoté par Macron. On peut penser que la différence culturelle entre la presse anglaise et la presse française tient dans cette honnêteté. La tournure typique que l’on trouverait en français serait probablement le détachement (Incroyablement chanceux depuis le lancement de sa candidature, Macron […]), qui efface la trace de la prise en charge de l’assertion :

[51]
It is probably true that Macron has been incredibly lucky since the launch of his bid.
‘Il est probablement vrai que Macron a eu une chance incroyable depuis le lancement de sa candidature.’

57 Pour capter ces phénomènes, nous avons utilisé la distinction entre ce qui est factuel et non factuel. De ce point de vue, est considéré comme non factuel tout ce qui ajoute un point de vue sur un fait.

58 Notre classification des expressions référentielles et des qualifications est fondée sur une étude complète du contexte. Nous avons considéré comme factuel les types de reprises lexicales qui correspondent à une caractérisation « objective », comme la fonction (the prime minister ‘le premier ministre’, l’ancien locataire de Matignon, le maire de Bordeaux), l’origine géographique ou l’âge (a Berlin woman ‘une Berlinoise’, the 46 year-old ‘la personne âgée de 46 ans’). Et nous avons considéré comme non factuel tous les jugements appréciatifs, véhiculant une opinion sur les personnages. Dans ce deuxième cas, le substantif est le plus souvent qualifié par d’autres compléments subjectifs : ce trublion d’extrême droite, omniprésent et charismatique (Nigel Farage) ; Le Rastignac sympa (Édouard Philippe).

59 Cependant, il arrive que la distinction entre factuel et non factuel ne soit pas facile à établir. Par exemple, l’âge est en général un critère factuel et objectif. Mais il est possible de faire allusion à l’âge non par un chiffre (qui serait objectif) mais par un adjectif. Dans le portrait d’Emmanuel Macron, l’adjectif jeune est mentionné quatre fois : le jeune étudiant de philosophie, le jeune Amiénois, le jeune énarque, le jeune président. La jeunesse de Macron peut certes être présentée comme un fait objectif correspondant à la réalité. On ne peut toutefois pas considérer que jeune traduise toujours un fait objectif, la langue permettant un usage relatif de l’adjectif comme par exemple dans une jeune grand-mère. Le choix de mentionner la jeunesse de Macron peut dans certains contextes n’être pas neutre du tout. Il peut par exemple servir à signifier bien au-delà de l’âge, qui est un fait, que le personnage pourrait être, à cause de sa jeunesse, incompétent, irrespectueux de la hiérarchie, intrépide, sans scrupule pour ce qui est des connotations négatives ; ou, au contraire, dynamique, attrayant, populaire etc., pour ce qui serait des connotations positives. De la même façon dans le portrait de David Cameron, si le journaliste choisit de se référer à l’homme politique en évoquant sa généalogie et d’employer le terme illégitime, on peut penser que son intention n’est pas purement objective, une fois le mot ‘lâché’, il peut résonner dans d’autres sphères, et mettre en cause par exemple la légitimité politique de Cameron :

[52]
Ce descendant illégitime du roi William IV et cousin au 5ème degré de la Reine Elizabeth II est de ces hommes nés pour gouverner.

60 Le Tableau 9 montre la répartition des anaphores lexicales factuelles et non factuelles (référant aux personnages principaux) dans les deux corpus.

Tableau 9

Type factuel vs. non factuel des anaphores lexicales en %

FactuelleNon factuelle
EN (54 occ.)94 %6 %
FR (113 occ.)68 %32 %

Type factuel vs. non factuel des anaphores lexicales en %

61 Il ressort que dans le corpus anglophone, le petit nombre d’anaphores lexicales est presque exclusivement du type factuel (94 %), alors qu’en français le recours aux anaphores lexicales non factuelles est plus important (32 %). Cette part non négligeable d’anaphores lexicales non factuelles en français illustre une tendance générale que nous discutons en 5.2. ci-dessous.

5.2 – La coloration des mentions : Trump > le président des États Unis > ce fan de catch

62 Dans le corpus anglais, les anaphores lexicales sont en grande majorité factuelles. Elles véhiculent des propriétés qui concernent, pour la plupart, les fonctions ou les positions politiques tenues par les protagonistes :

[53]
Johnson has not learned how to be diplomatic. The foreign secretary should have the decency to say clearly and unequivocally that he was wrong […].
‘Johnson n’a pas appris à être diplomate. Le ministre des Affaires étrangères devrait avoir la décence de dire clairement et sans équivoque qu’il a eu tort […].’
[54]
Theresa May has faced down her backbench critics […]. Beginning her three-day trade visit, the prime minister repeated she was “not a quitter”.
‘Theresa May a fait face à ses critiques de la base […]. Au début de sa visite commerciale de trois jours, la première ministre a répété qu’elle n’était “pas une lâcheuse”.’

63 Le seul exemple d’anaphore lexicale non factuelle est le suivant, à propos d’Angela Merkel :

[55]
There are the occasional pictures of the most powerful woman in Europe queuing at the cashier at her neighborhood grocer.
‘Il y a parfois des photos de la femme la plus puissante d’Europe faisant la queue à la caisse de son épicerie de quartier.’

64 Dans ce portrait, la dénomination de Merkel comme ‘la femme la plus puissante en Europe’ comporte une appréciation de la part du journaliste et permet également de faire ressortir le contraste avec l’image de la femme simple qui fait ses courses chez l’épicier.

65 Dans le corpus de français, le profil des anaphores lexicales est plus diversifié. On trouve d’une part 68 % des descriptions factuelles ou « neutres ». Ces exemples apportent des informations sur les fonctions politiques des protagonistes, certaines dénominations sont courtes (le chef de l’État, le président ; le maire du Havre), étant très proches de celles du corpus anglais. On trouve aussi des anaphores lexicales factuelles, mais qui pour autant, sont longues et complexes :

[56]
l’homme qui gouverne la Grande-Bretagne depuis 2010 a annoncé sa démission
[57]
Le candidat à l’investiture de la droite pour la prochaine présidentielle tient un meeting en début de soirée à l’Hôtel Métropole […].

66 Toutefois, la différence la plus importante avec le corpus anglais se trouve dans la présence d’un nombre non négligeable (32 %) d’anaphores lexicales non factuelles qui véhiculent une coloration subjective.

67 Dans un portrait sur Nigel Farage, le journaliste n’hésite pas à afficher son opinion, très tranchée, à travers le choix de substantifs et de leurs expansions qualificatives :

[58]
[…] Pour cet europhobe de toujours, c’est l’aboutissement d’une carrière consacrée à dénigrer les institutions de l’Union européenne.
[59]
En 2006, ce trublion d’extrême droite, omniprésent et charismatique, se hisse à la tête du UKIP.
[60]
En 1992, cet ultralibéral d’inspiration thatchérienne claque la porte du Parti conservateur pour protester contre la signature du traité de Maastricht. L’année suivante, il participe à la fondation du UKIP.

68 De même, dans les exemples [61-64], les différentes personnalités politiques sont désignées par des expressions chargées du point de vue de leur auteur ou d’un autre locuteur :

[61]
Le Rastignac sympa, comme le décrivait un camarade de l’ENA, exerce alors comme avocat puis rejoint […]
[62]
Et pour gérer ce portefeuille, elle a choisi David Davis. Cet eurosceptique, […]
[63]
Ce fan de catch était aussi jusqu’en 2015 co-propriétaire des concours Miss Univers […]
[64]
Certains se demandaient en effet depuis des mois […] si ce technocrate froid, selon les sarkozystes, allait pouvoir « fendre l’armure », comme le disent les communicants.

69 Il est surprenant de ne trouver presque aucune anaphore lexicale non factuelle en anglais. Une explication possible, évoquée par Ranger (2002), résiderait dans la difficulté de combiner anaphore et apport lexical en anglais. C’est d’une certaine manière, l’idée sous-jacente au principe de séparation de la référence et du rôle (Principle of reference and role – PRSS) identifié par Lambrecht (1994 : 184) : « The grammatical principle whereby the lexical representation of a topic referent takes place separately from the designation of the referent’s role as an argument in a proposition ». Ce principe entraîne une maxime pragmatique qui stipule : “Do not introduce a referent and talk about it in the same clause”. La violation de cette maxime expliquerait pourquoi, lorsqu’on essaie de combiner anaphore et apport lexical en anglais, l’ensemble n’est souvent pas immédiatement analysé comme anaphorique.

5.3 – La coloration des qualités

70 L’analyse des modes d’apport de qualités sur un référent via le détachement ou la prédication a fait émerger dans la section 4 quelques tendances que nous résumons ici : plus de détachements en français qu’en anglais ; préférence en français pour le détachement initial pré-sujet ; préférence en anglais pour le détachement final et post-sujet ; plus de structures copulatives en anglais qu’en français. La question, à présent, est d’analyser la nature factuelle ou non factuelle de ces apports qualitatifs selon leur type (détachement ou prédication) et leur position (cf. Tableau 7). Le Tableau 10 ci-dessous présente la répartition des éléments détachés, le Tableau 11 celle des éléments prédiqués, selon le trait factuel / non factuel .

Tableau 10

Nature factuelle ou non factuelle des éléments détachés (en %)

FactuelNon Factuel
EN (42 occ)68,00 %32,00 %
FR (84 occ)48,03 %51,96 %

Nature factuelle ou non factuelle des éléments détachés (en %)

Tableau 11

Nature factuelle ou non factuelle des qualités prédiquées (en %)

FactuelNon Factuel
EN (166 occ)59 %41 %
FR (211 occ)61 %39 %

Nature factuelle ou non factuelle des qualités prédiquées (en %)

71 On observe qu’en anglais les éléments détachés comme les éléments prédiqués sont plus fréquemment factuels que non factuels. Toutefois, la part des éléments non factuels n’est pas négligeable, alors qu’elle était quasi nulle pour les anaphores lexicales (cf. 5.2). Il apparait donc que l’expression de qualités non factuelles se fait en anglais non pas directement sur le référent mais indirectement via la qualification de celui-ci, ce qui illustre une version assouplie du principe de la séparation de la référence et du rôle évoqué plus haut. De plus, nous avons vu que la position initiale n’est que très peu exploitée. De fait, la part la plus importante des informations non factuelles est introduite non par le détachement mais dans les constructions copulatives, ce qui permet aisément d’expliciter le positionnement du scripteur. Bien souvent, les qualifications véhiculant un point de vue sont identifiables comme telles. En [65], le journaliste fait une hypothèse (if that is the case ‘si tel est le cas’) pour émettre, au futur, une qualification résultant de sa propre analyse de la situation. En [66], l’assertion n’est pas prise en charge par le journaliste mais est rapportée à un locuteur source désigné par l’expression To his critics (‘pour ses détracteurs’). La trace du locuteur source est explicitée puisque ce n’est pas le journaliste qui dit que Corbyn est une caricature de l’archétype du gauchiste barbu, ce sont ses critiques, ses opposants.

[65]
If that is the case, Mr Corbyn will be a highly influential figure during one of the most important political periods of the past 50 years […].
‘Si tel est le cas, M. Corbyn sera une figure très influente au cours de l’une des périodes politiques les plus importantes de ces 50 dernières années […].’
[66]
To his critics, he is almost a caricature of the archetypal “bearded leftie”, an unelectable throwback to the dark days of the 1980s, when Labour valued ideological purity more than winning power. But to his army of supporters he is the only honest man left in politics, someone who can inspire a new generation of activists […].
‘Pour ses détracteurs, il est presque une caricature de l’archétype du « gauchiste barbu », un personnage sans aucune chance d’être élu synonyme d’un retour aux sombres jours des années 1980, lorsque le Labour accordait plus d’importance à la pureté idéologique qu’à la conquête du pouvoir. Mais pour son armée de partisans, il est le seul homme honnête en politique, quelqu’un qui peut inspirer une nouvelle génération d’activistes.’

72 En français, les expressions détachées sont distribuées de façon quasi égale entre factuelles et non factuelles (48 % / 52 %), alors que les expressions prédiquées sont plus factuelles (61 %) que non factuelles (39 %). On se souvient par ailleurs que les anaphores lexicales étaient non factuelles dans 32 % des cas (cf. Tableau 9). Il apparait donc que la forme la plus exploitée pour exprimer une information non factuelle en français est la construction détachée. Le Tableau 12 montre le type factuel ou non factuel des expressions détachées selon leur position [13] :

Tableau 12

Type factuel ou non factuel des expressions détachées selon leur position en français (en %)

FactuelNon factuel
DSVO (34 occ.)65 %35 %
SVOD (25 occ.)48 %52 %
SDVO (14 occ.)43 %57 %
DSVOD (9 occ.)22 %78 %

Type factuel ou non factuel des expressions détachées selon leur position en français (en %)

73 La position pré-sujet, la plus fréquente, est la seule qui accueille plus d’expressions factuelles [67] (on y trouve typiquement, l’âge et les fonctions des personnages) que non factuelles [68-69]. La deuxième position en termes de fréquence est la position finale, qui accueille un nombre à peu près équivalent d’expressions factuelles ou non factuelles (48 % et 52 %), illustrée en [70]. Dans la position post-sujet, il y a un peu plus d’expressions non factuelles que factuelles, mais le faible nombre d’occurrence impose toutes les réserves. D’autant qu’en y regardant de près, on a constaté que les quelques exemples entrant dans cette classe sont en fait des cas particuliers comme des titres (Angela Merkel, l’impitoyable « Mädchen ») ou des exemples comme [71] où, à proprement parler, le détachement ne qualifie pas le groupe sujet mais le complément du nom du groupe sujet (Ricœur). Les mêmes réserves valent pour la structure plus complexe avec des détachements pré- et post-sujet dont le nombre d’occurrences est très réduit [72] :

[67]
Né à Rouen le 28 novembre 1970, Édouard Philippe évolue au cours de sa jeunesse dans un milieu de gauche.
[68]
Trop sulfureux, trop clivant, parfois taxé de raciste, il a tenté en vain, à sept reprises, de […].
[69]
Armé de son sourire de jeune premier et d’une intelligence politique hors du commun, Emmanuel Macron s’est construit seul, sans s’appuyer sur un grand parti politique.
[70]
Personne ne comprend trop ce qu’il trouve à sa jeune ministre, peu causante, habillée comme l’as de pique.
[71]
Paradoxalement, la fréquentation de Ricœur, monument de la philosophie contemporaine, n’a pas réussi à entraîner l’étudiant Macron vers la vocation philosophique.
[72]
Avec son énergie inépuisable et son égo surdimensionné, Donald Trump, milliardaire républicain de 70 ans, a déjoué tous les pronostics lors d’une élection aux allures de séisme politique.

74 Si dans les exemples qui précèdent, la nature subjective des commentaires est évidente, l’implication du journaliste peut rester dans d’autres instances plus discrète, introduisant des ambiguïtés sur la prise en charge des assertions :

[73]
Theresa May, fille de pasteur, hérite d’un pays que le référendum du 23 juin a laissé sens dessus dessous.
[74]
Femme, de l’Est, protestante, elle [Angela Merkel] est divorcée, sans enfants, et surtout sans les codes vestimentaires ni l’aisance sociale de ses collègues.

75 En [73], les informations supplémentaires communiquées sur les origines protestantes de Theresa May peuvent apparaitre à première vue assez objective. Toutefois dans le contexte des critiques d’intransigeance qui lui sont souvent adressées, ces commentaires sur ses origines protestantes exploitent certains préjugés pour véhiculer une image particulière de sa personne. De la même façon dans l’exemple [74], les trois éléments détachés (femme, de l’Est, protestante) ont été considérés comme non factuels, de même que les trois éléments prédiqués (divorcée, sans enfants, sans les codes…). En termes de condition de vérité, c’est un fait qu’Angela Merkel est une femme de l’Est protestante, divorcée sans enfant etc. En revanche, le choix de mentionner ces faits, et de cette façon, par le détachement en tête de phrase, n’est pas neutre. Il est fort probable que les lecteurs aient déjà connaissance du fait que Merkel est une femme. L’effet de sens créé par ce choix du journaliste est de mettre en relief le caractère exceptionnel de réussir en politique tout en étant une femme, qui plus est, de l’Est, protestante et divorcée, ce qui est non conforme aux canons de la réussite dans l’Allemagne de l’Ouest de l’époque.

76 De manière générale, les lecteurs s’attendent à trouver des informations données ou connues en début de phrase (Halliday, 2004). Quand un élément qualitatif est communiqué en position initiale, le lecteur est moins susceptible de le mettre en question qu’un élément d’information en position postverbale présenté comme information nouvelle. Ainsi dans l’exemple [75], les deux qualités coordonnées (son sourire […] une intelligence) sont rassemblées sous le contrôle du participe armé. L’ensemble par le biais de la prédication seconde est posé comme un fait présupposé, acquis fournissant une explication à la réussite du candidat. C’est grâce à ces atouts qu’il réussit. Le lecteur n’est pas en position de remettre en doute le fait que l’intéressé possède ou pas ces qualités :

[75]
Armé de son sourire de jeune premier et d’une intelligence politique hors du commun, Emmanuel Macron s’est construit seul, sans s’appuyer sur un grand parti politique.

77 Le discours de presse tel qu’on a pu l’observer dans notre corpus, reflète l’usage de stratégies différentes en français et en anglais. On peut opposer, de façon très schématique, « la manière française » qui consiste à user des expressions détachées en tête pour apporter (de façon parfois insidieuse) des informations nouvelles dans une position réservée en principe aux informations présupposées. À l’inverse, « la manière anglaise » introduit, conformément aux règles informationnelles, l’information nouvelle sur un référent en position postverbale (focus), sans discordance pragmatique et avec plus de transparence sur la source énonciative. Ces choix de positionnement, exploitant la zone initiale ou la zone postverbale / finale, ne sont pas anodins et peuvent se révéler d’une grande importance sur le plan textuel (Sarda et Carter-Thomas, 2009 ; Carter-Thomas, 2014).

6 – Conclusion

78 Les résultats de nos analyses ont montré une divergence assez nette en ce qui concerne l’emploi d’expressions référentielles dans les deux langues, confirmant ainsi les analyses précédentes de Baumer (2015) et Ranger (2002). Alors que les journalistes anglais affichent une préférence nette pour les anaphores fidèles, les noms propres et les pronoms sans variation, leurs confrères français font un plus grand usage des anaphores infidèles, avec un noyau lexical qui varie. Les journalistes français profitent aussi de ces constructions pour apporter des informations subjectives (non factuelles) au sujet des référents.

79 De même, nous avons voulu savoir s’il existe des divergences entre les deux langues, dans l’emploi des éléments qualificatifs. Ici encore, nous avons observé une tendance, plus importante chez les journalistes français, à employer des constructions détachées. Tout comme les anaphores lexicales, les constructions détachées sont non seulement plus fréquentes, mais elles sont employées plus en position préverbale dans le corpus français que dans le corpus anglais. Les éléments qualificatifs non factuels sont aussi plus l’apanage des journalistes français que des journalistes anglais.

80 La perspective textuelle nous permet d’expliquer, ou de mieux appréhender, les différentes préférences et stratégies anaphoriques. Nous constatons surtout une plus grande exploitation de la zone initiale en français. C’est dans la zone initiale que le lecteur s’attend par défaut à trouver des informations connues ou données (Halliday, 2004 ; Virtanen, 2004). Il s’agit donc d’une zone potentiellement très importante sur le plan de la persuasion et qui peut être exploitée par les journalistes. En qualifiant Nigel Farage de sulfureux, clivant et raciste par le biais d’une construction qualitative préposée (comme en [67]), le journaliste encourage le lecteur à considérer ces informations comme présupposées et donc peu susceptibles d’être remises en cause.

81 Toutefois, on peut se demander pourquoi les journalistes anglais se servent moins de cette stratégie. Est-ce que les journalistes anglophones se privent de faire des commentaires appréciatifs ? Il nous semble en effet que la culture journalistique n’est pas la même dans la presse de qualité dans les deux pays. Comme Baumer (2015) l’a aussi remarqué, le journaliste français aurait tendance à avancer « masqué », exprimant son avis de façon indirecte, et parfois assez insidieuse, à travers son choix de stratégies anaphoriques et de qualification, tandis que les articles anglais seraient plus neutres. En ce qui concerne l’encodage des informations qualitatives, même si l’emploi de structures détachées initiales est grammatical en anglais, leur emploi en cascade – (Q) (Q) (Q) [SN0] V / Copule comme dans [67], ou sur plusieurs phrases consécutives – serait inhabituel et marqué stylistiquement. Banks (2015) a observé la même tendance sur un genre différent (plaquettes publicitaires) où les détachements à gauche, très fréquents en français, ne sont souvent pas conservés dans la traduction anglaise. L’anglais a en effet plus tendance à placer les informations en position postverbale. Dans la séquence suivante sur Angela Merkel, par exemple, nous avons une phrase attributive à copule assez courte, suivie d’une deuxième phrase comportant une illustration de sa prudence et son attention au détail. La relation causale se construit textuellement, à la lecture de l’enchainement des deux propositions :

[76]
Merkel is famous for her step-by-step tactics. She never would give a speech outlining a vision for Europe or at least a two year plan.
‘Mme Merkel est connue pour sa tactique du “pas à pas”. Elle ne prononcerait jamais un discours sans esquisser une vision pour l’Europe ou au moins un plan sur deux ans.’

82 Or, si on devait traduire cette phrase en français, on pourrait très aisément imaginer une phrase avec la qualification (subjective) en position initiale :

[76’]
Célèbre pour sa prudence et sa volonté d’avancer par étape, elle n’aurait jamais donné un discours sans esquissser une vision de l’Europe qui n’inclue pas, ou, au moins, un plan à deux ans [14].

83 La relation causale émerge en français par le rapprochement des contenus dans une même phrase. C’était aussi le cas dans l’exemple [74] où le groupe participe armé de son sourire […] prend une valeur explicative. Ainsi, la relation sujet-prédicat, construite par la prédication seconde, passe pour déjà établie (présupposée) et la qualité ainsi introduite véhicule une relation, causale, explicative, concessive, justificative etc.

84 Les préférences culturelles et linguistiques seraient ainsi étroitement imbriquées. On pourrait également se demander si une explication ne réside pas dans des différences typologiques plus globales entre les deux langues. Selon Lundquist (2005), la présence de nombreuses « anaphores infidèles » en français serait à relier avec une tendance générale des langues romanes à condenser plus d’informations sémantiques détaillées dans des structures nominales (et on pourrait rajouter dans les éléments qualitatifs portant sur ces GN), alors que les langues germaniques auraient tendance à préférer les structures verbales. Nos analyses indiquent que les journalistes anglais non seulement se servent moins d’anaphores lexicales, mais que les stratégies anaphoriques diffèrent aussi de celles des journalistes français à plusieurs autres égards. Si nous comparons le nombre de mentions au référent principal dans les deux langues, on trouve plus de mentions en anglais qu’en français et en revanche plus d’appositions et / ou plus de connecteurs pour expliciter les relations logiques du texte en français, comme en [76’] ci-dessus. Et c’est sur cette exploitation systématique par les journalistes français du segment gauche de la phrase que réside l’origine des différences avec l’anglais, où la construction du texte se concentre plutôt vers la droite.

85 Notre étude est bien évidemment qualitative et les tendances dégagées sont ainsi sujettes à caution. En gardant le critère de genre stable, nous avons pu mettre l’accent sur les différences inter-linguistiques et nous avons pu identifier un certain nombre de tendances. Il existe toutefois des différences importantes en matière de gestion des coréférences entre les genres, comme cela a été bien décrit dans les travaux de Schnedecker (2015, 2017). Il serait intéressant à l’avenir de voir si les tendances contrastives pointées dans cet article sur les portraits politiques de la presse de qualité sont confirmées dans d’autres genres textuels.

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  • Schnedecker C., 2017, « Les chaînes de référence : une configuration d’indices pour distinguer et identifier les genres textuels », Langue française, 195, p. 53-72.
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Mots-clés éditeurs : anglais, expressions référentielles, qualification, perspective textuelle, position initiale, français

Date de mise en ligne : 24/03/2022

https://doi.org/10.3917/tl.082.0045

Notes

  • [1]
    La comparabilité des corpus est toujours discutable. Nombre de facteurs devraient être mieux contrôlés dans une étude quantitative de plus grande ampleur : en particulier, il faudrait sans doute vérifier l’impact de la nature des supports de presse (en ligne ou avec diffusion papier), la popularité variable des personnalités politiques selon qu’elles appartiennent à la scène nationale ou étrangère, ou encore l’inter-variabilité du style des journalistes.
  • [2]
    La taille modeste des données exploitées pour cet article fait qu’il y a très peu d’occurrences pour certaines valeurs, ce qui réduit considérablement l’intérêt d’une analyse statistique. De plus, le nombre de mots n’étant pas équivalent pour les deux langues, il est trompeur d’afficher le nombre d’occurrences. Nous l’avons indiqué dans certains cas pour donner un ordre de grandeur de la fréquence observée, mais seules les fréquences relatives pour chaque langue donnent une idée des proportions des phénomènes observés. Des études complémentaires, sur de plus grandes quantités de données, permettraient d’affiner et de consolider les tendances mises au jour par des mesures de significativité des différents paramètres.
  • [3]
  • [4]
    Nous parlons du contraste entre informations détachées vs. prédiquées tout en ayant conscience que les constructions détachées correspondent à des prédications secondes. Nous opposons donc sous ce contraste prédication seconde en position détachée et prédication principale (cf. 4.1).
  • [5]
    Les groupes nominaux incluent les définis, les indéfinis et les démonstratifs, mais pas les possessifs, dont la tête réfère à une autre entité qu’au possesseur (ses enfants). En anglais, les génitifs n’ont pas non plus été comptabilisés (Fillon’s wife ‘l’épouse de Fillon’).
  • [6]
    Nous rappelons que compte tenu du fait que le corpus des textes anglais est plus petit que celui des textes français, le nombre d’occurrences en français et en anglais ne peut être directement comparé. C’est pourquoi nous indiquons en pourcentage les valeurs relatives pour chacun des corpus en français et en anglais. Ces valeurs reflètent ici la proportion des trois formes utilisées pour référer au personnage principal dans chacune des deux langues.
  • [7]
    Dans cet exemple [12], la répétition du nom propre Macron vient rétablir la continuité référentielle avec la première mention, continuité qui avait été interrompue par l’introduction du référent his critics ‘ses critiques’.
  • [8]
    On note dans cet exemple [13] le processus classique de redénomination d’un référent évolutif. Le genre de la biographie s’y prête parfaitement, permettant de requalifier le référent au fil des étapes temporelles de son parcours qui lui apportent de nouvelles qualités, compétences ou de nouveaux titres.
  • [9]
    CD = Construction Détachée.
  • [10]
    Soit 84 occurrences sur 393 mentions en français et 42 occurrences sur 282 mentions en anglais.
  • [11]
    Nous remercions un de nos relecteurs pour avoir souligné ce fait.
  • [12]
    D=détachement ; S=Sujet ; V=Verbe ; O=Objet.
  • [13]
    Pour plus de clarté, nous n’avons retenu ici que les constructions représentant au moins 10 % des usages.
  • [14]
    Traduction libre des auteurs.

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