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Article de revue

Pour une approche simplifiée de la corrélation circonstancielle : réexamen du métalangage grammatical à l’ aune des faits linguistiques

Pages 85 à 105

Notes

  • [1]
    Ce travail s’encadre dans le projet de recherche FFI2017-85141-P soutenu par FEDER / Ministerio de Ciencia, Innovación y Universidades / AEI. Nous adressons nos remerciements aux deux relecteurs qui ont contribué à son amélioration.
  • [2]
    Voir à ce sujet le référentiel du discours grammatical pour enseignants de Van Raemdonck, Detaille et Meinertzhagen (2015) qui met en place, au dire des auteurs, une terminologie éclairante et, autant que possible, économique.
  • [3]
    Les exemples, limités à deux sous-phrases, sont les nôtres ; ils ont été construits à des fins didactiques sur le modèle d’exemples attestés dans la littérature. Nous circonscrivons le champ de recherche à la relation combinatoire entre sous-phrases sans entrer dans le détail de leur structure syntaxique interne. À cet égard, un relecteur nous fait remarquer à juste titre que la question terminologique concernant la distinction entre circonstants et subordonnées circonstancielles n’est pas abordée. Ce genre d’étude serait effectivement intéressante parce qu’elle permettrait d’étayer notre analyse et d’élargir nos conclusions à l’ensemble des compléments circonstanciels dépendants du verbe. Ce relecteur précise également que les termes de complément et d’ajout conviendraient aux deux domaines. Sans vouloir entrer dans le détail, ils pourraient en tout cas faire partie d’une typologie de termes envisageables qui resterait à évaluer sur la base d’une analyse plus englobante des corrélations et des compléments circonstanciels établis dans les grammaires de référence. Pour l’heure, notre étude portera exclusivement sur l’analyse de la corrélation dans la subordination circonstancielle telle que décrite dans les grammaires d’usage (comparatives, consécutives, conditionnelles) en laissant de côté d’autres types de parataxe (complétive, relative, incise…), qui pourraient faire l’objet d’une autre recherche.
  • [4]
    Cf. Avanzi et al. (2007) pour un bref historique de la place de ces concepts, dont la polysémie complique l’apprentissage des phénomènes linguistiques qui les concernent.
  • [5]
    Pour autant, les linguistes ne s’accordent pas sur ce point. Si les uns parlent d’ellipse de la construction copulative, les autres sont moins explicites et n’y voient qu’une absence de liaison formelle entre propositions.
  • [6]
    Dénommé parataxe asyndétique (Kiesler, 2013), sous-phrases sans connecteur (Le Goffic, 1993) ou encore parataxes propositionnelles (Dargnat, 2008 : 2468).
  • [7]
    Avanzi et al. (2007) abordent le problème de la multiplicité et la contradiction des définitions qu’ils présentent de façon schématique et simplifiée. La confusion entre un système terminologique à deux termes hérité du grec (parataxe et hypotaxe) et un système à trois termes du latin (coordination, juxtaposition et subordination) est au centre de la controverse.
  • [8]
    Ce constat n’est pas nouveau. Corminboeuf (2013) consacre un article aux enjeux théoriques posés par la corrélation sous l’angle de ce parallélisme. D’autres auteurs y font aussi référence dans leurs études (Deulofeu, 1986 ; Le Goffic, 1993 ; Allaire, 1996 ; Muller, 2002 ; Debaisieux, 2005 ; Hadermann et al., 2010).
  • [9]
    Il n’existe pas, à notre avis, de définition consensuelle qui puisse rendre compte des différents types de propositions corrélées. Partant du postulat que leur regroupement pose problème, notre objectif est de proposer aux apprenants une vision unifiante de la corrélation circonstancielle du français par le biais d’un système typologique renouvelé, comme nous le montrerons plus loin.
  • [10]
    Notre but n’est pas de passer en revue tous ces positionnements théoriques mais de rappeler l’état d’une problématique. Pour un inventaire de la notion, le lecteur est prié de se référer au numéro 28 de Faits de langues (2006), aux numéros 174/2 (2009) et 200/4 (2015) de la revue Langages, ainsi qu’à l’étude approfondie de Roig (2015).
  • [11]
    Son cadre théorique présente deux types d’agencement syntaxique correspondant à deux niveaux d’analyse différents : micro-syntaxe et macro-syntaxe. Le niveau micro-syntaxique est constitué d’unités de rang inférieur ou égal à la proposition (ou sous-phrase) dont les relations sont motivées par des contraintes de type distributionnel : relations de concaténation, c’est-à-dire enchaînement linéaire des segments, et de rection, implication entre deux unités segmentales (dépendance catégorielle, sélection, liage, accord). Le niveau macro-syntaxique analyse les unités de discours : relations de type sémantique et pragmatique (présupposition et production) qui forment des ensembles dénommés périodes. Pour plus de détails, voir les travaux de l’école de Fribourg (Berrendonner, 1990, 2002).
  • [12]
    D’autres études similaires ont été faites par les partisans de ce modèle théorique. Pour n’en citer que quelques-unes : Deulofeu (2003) et Debaisieux (2007).
  • [13]
    Ainsi la définition suivante : « la proposition subordonnée circonstancielle exprime l’une des ‘circonstances’ du procès décrit dans la principale : le temps, la cause, la conséquence, le but, la concession, la condition et la comparaison » (Garagnon et Calas, 2002 : 71).
  • [14]
    Pour Roig et Van Raemdonck (2015), cette construction relève d’une hypotaxe syntagmatique (subordination) et, comme telle, implique une dépendance. Pour plus de précisions sur la notion et l’ensemble des relations syntaxiques décrites, nous recommandons de se reporter au tableau synoptique (p. 39), qui apporte à notre sens une vision éclairante de la question.
  • [15]
    Convenons néanmoins qu’il s’agit d’une construction correcte au plan strictement syntaxique mais impropre du point de vue du sens, vu que la cause et la conséquence sont inversées par rapport à la phrase originale : c’est parce que plus tu te distancies que plus je me sens libre et non l’inverse : c’est parce que plus je me sens libre que plus tu te distancies. C’est ce que Cornulier (cité par Hadermann et al., 2010) dénomme « rapport d’implication avec relation orientée » puisque A implique B, alors que B n’implique pas nécessairement A.
  • [16]
    Un relecteur suggère que les tests ne peuvent avoir qu’une valeur heuristique et pas définitoire. En effet, une analyse plus approfondie de chaque type corrélatif – en langue et en discours – permettrait de préciser nos résultats. Ceci n’est pas notre propos, qui se réduit délibérément ici à la description partielle du phénomène (corrélatives circonstancielles) et à quelques exemples représentatifs du schème corrélatif tel qu’attesté dans les ouvrages de grammaire. Et ceci dans une tentative de rendre plus opérationnel l’enseignement / apprentissage des corrélatives circonstancielles en français.
  • [17]
    Comme l’affirme Tomassone (2002 : 172) : « Si du point de vue de la sémantique, les subordonnées corrélatives peuvent indiquer une ‘circonstance’ (au sens large du terme), sur le plan formel, elles ne peuvent pas être confondues avec les autres subordonnées circonstancielles, et elles ont un fonctionnement spécifique ».
  • [18]
    Les auteurs suggèrent d’employer des termes généraux et d’éviter, dans la mesure du possible, ceux qui ne sont pas indispensables en raison du fait qu’il en existe déjà d’autres entièrement satisfaisants.
  • [19]
    L’expression juxtaposition formelle étant elle-même plus transparente que le seul terme de juxtaposition pour référer à l’absence de marqueur explicite entre sous-phrases. C’est donc dans le sens de cette définition formelle – non relationnelle – qu’il nous semble pertinent d’envisager la notion afin d’en éclairer la polysémie. Nous la retenons donc, faute de mieux, en lieu et place du mot asyndète, d’usage moins fréquent.
  • [20]
    La taille de notre échantillon nous empêche de généraliser les résultats à d’autres types de corrélatives, et partant nos remarques ne sont valables, à titre provisoire, que dans ce contexte d’analyse. Comme le fait remarquer un relecteur, les tests n’ont pas valeur de vérité absolue et ne pas en passer un pourrait ne pas obligatoirement signifier ne pas avoir la propriété. Certes, une étude plus exhaustive et plus diversifiée de ces constructions serait indispensable pour obtenir des résultats plus complets. Ceci dit, notre recherche se veut une tentative de transformer la typologie établie pour la rendre plus appropriée à l’enseignement, et dans les limites des observations réalisées, on espère qu’elle pourra fournir des pistes de réflexion sur la pertinence d’une réorganisation conceptuelle de la subordination circonstancielle, et en particulier, de la corrélation à des fins pédagogiques.
  • [21]
    Voir Rodríguez Pedreira (2008) pour des considérations plus générales sur ce point.

1 – Introduction [1]

1Décrire les mécanismes de hiérarchisation et de combinaison de propositions constitue un enjeu difficile à cerner non seulement pour les linguistes mais aussi pour les concepteurs de grammaires du français. En effet, ces derniers ont la responsabilité de rédiger des ouvrages grammaticaux de référence censés être utiles et parfois même décisifs aux étudiants, enseignants, chercheurs et à toute personne intéressée par l’apprentissage de la grammaire française [2]. En général, les différents critères adoptés et une terminologie flottante pour dénommer les relations structurales entre phrases compliquent l’enseignement et l’apprentissage de la phrase complexe en français. Des notions comme corrélation, parataxe, hypotaxe, juxtaposition, subordination, coordination, dépendance ou hiérarchie sont communément utilisées dans l’analyse de la phrase complexe, mais les définitions sont loin d’être unanimes. De plus, les paramètres envisagés dans l’étude des rapports entre propositions dépassent le cadre syntaxique, cela étant dû à l’ambiguïté d’un certain nombre de phrases dont on peut difficilement discerner la nature et la fonction sans recourir à des critères sémantico-pragmatiques. C’est le cas pour les phrases [1] à [4], qui ne possèdent pas de marquage explicite entre les sous-phrases [3], et dont on ne sait pas si la relation explicitée relève de la coordination ou de la subordination :

[1]
Encore un but, nous remportons le match.
[2]
Tu m’aides à rédiger ce travail, je t’offrirai le livre de Weyergans Trois jours chez ma mère.
[3]
Demandez votre tour de parole, on vous écoutera.
[4]
Que je finisse de rédiger ma thèse, je pars en vacances aux Caraïbes.

2Les termes de coordination et de subordination ont fait l’objet d’un nombre important de définitions non consensuelles. La tradition grammaticale tend à décrire conjointement la coordination et la juxtaposition en avançant comme critère distinctif l’absence [5a] ou présence de connecteur entre phrases [5b] auxquels s’oppose la subordination [5c] :

[5]
  1. Pierre est content, il a été reçu au concours.
  2. Pierre est content car il a été reçu au concours.
  3. Pierre est content parce qu’il a été reçu au concours.

3D’autres termes tout aussi ambigus s’ajoutent à la nomenclature grammaticale traditionnelle. Pour illustration, le français dispose du mot parataxe « auquel s’opposent hypotaxe, juxtaposition, coordination, subordination dont il est parfois difficile de discerner quels rapports sont établis entre eux » (Pinchon, 1986 : 254). Une autre position assimile parataxe à juxtaposition et hypotaxe à coordination et subordination. Les termes de subordination inverse [6], de subordination implicite [7] ou le concept même de corrélation [8-10] s’ajoutent au flou terminologique, de sorte que les constructions qui y sont traditionnellement associées posent des problèmes d’analyse qui suscitent des controverses :

[6]
À peine étais-je / j’étais sortie que j’entendis un hurlement dans la cuisine.
[7]
Le voudrais-tu / Tu le voudrais que je ne t’accompagnerais pas.
[8]
Plus tu te distancies, plus je me sens libre.
[9]
Ainsi que ta famille se plait à Moscou, ainsi la mienne se plait à Marrakech.
[10]
Tu te crois tellement au-dessus de tout que tu en deviens aveugle.

4Avanzi, Benzitoun et Glikman (2007) se font écho de trois de ces notions complexes, comme celles de période, de parataxe et de subordination inverse[4] :

« En s’attachant à la description des propriétés syntaxiques et sémantiques de manière distincte, on s’aperçoit qu’il n’est nullement utile de recourir au terme impropre de subordination inverse. De plus, il est le résultat d’un processus qui devrait le condamner à être exclu de toutes les terminologies en usage […]. Le terme subordination inverse est donc non seulement contradictoire, mais il propose en plus une description erronée des faits (il n’y a pas inversion du lien de « subordination ») Ainsi, il est plus problématique qu’utile ».
(Avanzi, Benzitoun et Glikman, 2007 : 51)
La littérature scientifique a abondamment rendu compte des problèmes posés par la multiplicité des termes et la contradiction des définitions portant sur ces structures au statut syntaxique contesté (Pinchon, 1986 ; Boone, 2002 ; Hadermann, Pierrard et Van Raemdonck, 2006 ; Corminboeuf 2007, 2013 ; Dargnat, 2008 ; Choi-Jonin, 2009 ; Hadermann, Pierrard, Van Raemdonck et Wielemans, 2010 ; Roig et Van Raemdonck, 2014). En général, on s’accorde à les définir comme des systèmes corrélatifs se positionnant entre la coordination et la subordination (cf. § 3.).

2 – Juxtaposition et parataxe : des notions floues

5Le flot de définitions associées à la terminologie grammaticale amène non seulement des difficultés d’appréhension des faits linguistiques mais aussi des équivalences erronées fondées sur des bases également confuses. L’étymologie des termes juxtaposition (« qui est placé à côté ») et parataxe (« mettre côte à côte ») semble être à l’origine de leurs différentes acceptions et de la contradiction de leurs diverses définitions. Deux positions règnent dans la tradition linguistique : les uns associent juxtaposition à coordination – forme reliant des sous-phrases autonomes de même rang hiérarchique –, les autres n’y voient qu’un mode de construction de la phrase complexe sans marquage explicite du lien qui les unit, soit deux unités qui « […] se suivent directement sur le plan linéaire, c’est-à-dire sans mot de liaison, et cela quel que soit le rapport existant entre ces éléments » (Avanzi et al., 2007 : 53). En outre, la possibilité d’insérer un que de ligature – subordonnant par excellence – dans certaines séquences de notre échantillon, comme on le verra plus loin, complique davantage qu’elle n’éclaire la nature du lien qui les unit.

6Cela étant dit, il nous paraît utile de nous interroger sur le point de vue à adopter dans l’enseignement / apprentissage des différentes combinaisons phrastiques sans tomber dans l’ambiguïté. S’agissant d’une question centrale des langues pour l’analyse grammaticale, une simplification du métalangage et un remaniement de la typologie des relations entre propositions devraient se montrer efficaces dans le cadre de la didactique des langues, et en particulier, de la grammaire du français. Certains termes seraient à nuancer alors qu’il conviendrait d’en évacuer d’autres, même s’ils ont été longuement utilisés par la tradition grammaticale. C’est le cas des termes grecs parataxe (« mettre côte à côte »), asyndète (« absence de liaison ») et du vocable latin juxtaposition (« qui est placé à côté »). Étant souvent considérée comme une ellipse de la construction coordonnante en l’absence de mot de liaison, l’asyndète[5] se confond avec la juxtaposition et la parataxe. Dans ce sens, asyndète équivaut à parataxe asyndétique. La notion, visiblement redondante, ne fait qu’augmenter la confusion régnant autour de concepts assez proches dans le sens, devenant, à nos yeux, inopérante pour l’analyse grammaticale. Quant au concept de juxtaposition, il convient de l’éclairer afin de le dépouiller de son caractère ambigu. Celui-ci réside dans la polysémie du mot en ce qu’il exprime à la fois une relation syntaxique (au même titre que la coordination et la subordination) et un mode de construction entre phrases (ou sous-phrases) en l’absence d’indice formel [6]. Par commodité didactique, nous plaiderons pour ce second sens, rejoignant ainsi les propos de Pinchon (1986) :

7

« Reste que le terme de juxtaposition a plus d’extension que les deux autres : si coordination et subordination désignent des modes de construction correspondant à deux types de rapport syntaxique différents, juxtaposition, dans son sens large, ne présuppose pas un type de rapport particulier mais […] il peut recouvrir aussi bien un rapport de coordination qu’un rapport de subordination ».
(Pinchon, 1986 : 256)

8Le fait que « la juxtaposition formelle de deux propositions correspond dans certains cas, non à un rapport d’égalité mais à un rapport de dépendance » (Pinchon, 1986 : 257) est un argument qui justifie notre prise de position (cf. § 3). En ce qui concerne le terme de parataxe, il ne fait pas mieux que son homologue latin. L’équivalence des deux vocables n’est qu’apparente puisque le sens et l’emploi de l’un et l’autre diffèrent visiblement [7]. En fait, la confusion du sens étymologique peut bien être au centre de ces différents emplois, comme l’atteste la citation suivante :

9

« Le premier élément de rupture tient dans l’interprétation qui est faite de mettre côte à côte. Selon qu’on l’entend du point de vue de la représentation abstraite de la phrase (comme par exemple dans la construction d’arbre), ou du point de vue de la réalisation linéaire de la phrase, on comprend que le terme parataxe ne sera pas utilisé de la même manière ».
(Avanzi et al., 2007 : 52)

10Ainsi, le terme de parataxe est d’abord employé dans un système à deux cases – parataxe vs hypotaxe – dans lequel parataxe s’associe à coordination/juxtaposition dans la terminologie latine et hypotaxe à la subordination (Arrivé, Gadet et Galmiche, 1986 ; Denis et Sancier-Chateau, 1994 ; Mercier-Leca, 2001, entre autres), tel que le confirme la définition ci-après :

11

« Terme de rhétorique, caractérisant ce que sur le plan grammatical on appelle juxtaposition ou la coordination, par opposition à l’hypotaxe ou subordination. La parataxe peur comporter un mot de liaison (il pleure car il a faim : c’est une coordination), ou ne pas en comporter (il pleure, il a faim : on parle alors d’asyndète), le lien logique n’en est pas moins présent. La parataxe est caractéristique de l’oral, où, soulignée et explicitée par l’intonation, elle est plus fréquente qu’à l’écrit ».
(Arrivé et al., 1986 : 469)

12À cette conception du terme s’ajoute une autre qui renvoie à l’absence de marque formelle (indépendamment du fait qu’il y ait ou non subordination). La parataxe – absence de marquage – s’oppose alors à l’hypotaxe – présence de marquage – position qui est adoptée dans les dictionnaires Le Robert, Grand Larousse de la Langue Française, Dictionnaire de linguistique, entre autres. La parataxe apparaît donc comme une notion contradictoire qui désigne simultanément une structure syntaxique et sa représentation formelle, mêlant deux composantes de l’analyse linguistique et grammaticale, comme il en découle des propos qui suivent :

13

« […] la parataxe relève de l’assemblage de prédications sans lien hiérarchique (ce qui inclut la coordination / adjonction) ; l’hypotaxe de l’assemblage de prédications avec lien hiérarchique. À cette dichotomie structurelle répond une dichotomie formelle : y a-t-il marquage (syndète) ou non (asyndète) de l’assemblage ? Considérer la parataxe comme une relation de subordination (hypotaxique) sans marque (asyndétique) relève, selon nous, du mélange des genres (structure d’un côté ; marquage, de l’autre) ».
(Hadermann, Pierrard, Van Raemdonck et Wielemans, 2010 : 220-221)

14Cette observation est étayée par d’autres linguistes qui plaident en faveur d’une dissociation entre morphologie et syntaxe afin d’éviter les erreurs d’analyse liées à la correspondance de ces deux plans [8]. Par ailleurs, tel que nous venons de le mentionner ci-dessus, la terminologie latine ajoute de la confusion et de l’opacité au sens qu’il convient d’attribuer à la parataxe. Ainsi, si le concept de corrélation renvoie au premier chef à la subordination et à la coordination, il a également été assimilé à la parataxe. De ce fait, il souffre des mêmes défauts que ceux que nous avons fait valoir pour le concept de parataxe (imprécisions, multiples interprétations…).

3 – Le concept de « corrélation » : entre parataxe et hypotaxe

15La notion de corrélation est aussi vaste que problématique [9]. Son étude a été abordée sous des perspectives diverses sans qu’à ce jour la littérature ait pu faire consensus [10]. Pourtant, elle s’accorde sur l’idée générale d’appréhender la notion comme une forme intermédiaire entre la parataxe et l’hypotaxe, soit comme une combinatoire interdépendante. C’est plus ou moins la définition recensée dans le numéro 174 de Langages (2009 : 4) : « La corrélation désigne de manière générale une relation de dépendance mutuelle entre deux choses, deux notions ou deux faits dont l’un implique l’autre et réciproquement ». Le terme d’interdépendance (qu’est-ce sinon la « dépendance mutuelle » ?) n’est pas nouveau, tant s’en faut. On en fait usage pour décrire le caractère symétrique des sous-phrases corrélées, comme dans cette définition : « La corrélation est un type de lien entre phrase, dont il est difficile de dire s’il est de l’ordre de la juxtaposition ou de la coordination. La corrélation se caractérise en effet par l’absence totale d’indépendance entre les éléments qu’elle conjoint, et par la symétrie entre deux éléments interdépendants » (Arrivé et al., 1986 : 199).

16À leur tour, Riegel, Pellat et Rioul (2001 : 514) l’adoptent pour définir une corrélation au sens strict du terme (type [8] de notre échantillon) dans laquelle les éléments corrélateurs (plus / moins / meilleur…) se positionnent « en miroir » (Corminboeuf, 2013 : 46) et l’une des sous-phrases implique, au moins formellement, l’autre. À côté de ce type de corrélation, les auteurs distinguent une corrélation au sens large (type [12]) où l’une des sous-phrases prend la forme d’une subordination qui syntaxiquement n’en est pas une. Denis et Sancier-Chateau (1994 : 427) présentent, elles aussi, la corrélation comme un cas-limite dans lequel les deux sous-phrases sont interdépendantes. De sa part, Mercier-Leca (2001 : 163) convient que « la relation entre les deux propositions est bien plus une relation d’interdépendance qu’une relation de dépendance unilatérale ».

17Des études récentes vont plus loin et apportent des éléments nouveaux au niveau du métalangage comme au plan des approches théoriques. Ainsi, s’appuyant sur les travaux de Berrendonner (1990) [11], Corminboeuf argumente en faveur d’une corrélation macro-syntaxique pour les constructions du type [1] à [4], micro-syntaxique pour le type [6] à [10]. Il argue que les corrélations macro-syntaxiques sont syntaxiquement autonomes et que leur interdépendance est à situer au niveau praxéologique (Corminboeuf, 2013 : 44-45). En revanche, dans les corrélations micro-syntaxiques s’instaurerait une rection bilatérale (ibidem, p. 46) de type symétrique, comme dans l’exemple [8] du corpus (plus tu te distancies, plus je me sens libre) ou de type lié, tel que le cas de figure [6] (à peine étais-je / j’étais sortie que j’entendis un hurlement dans la cuisine) ou [10] (tu te crois tellement au-dessus de tout que tu en deviens aveugle). Dans les deux types de syntaxe, comme le signale l’auteur, les constructions affichent simultanément une interdépendance syntaxique et sémantique qui est censée être marquée morphologiquement (plus…plus… ; tellement…que ; autant…que) [12]. Pour sa part, le modèle de Lehmann (1988) reconnaît des degrés de dépendance des sous-phrases situant la corrélation du type [8] entre l’adjonction (coordination) et la subordination.

18La corrélation, on le voit, balance entre la parataxe et l’hypotaxe, entre ceux qui l’envisagent comme une forme de coordination ou de subordination, et ceux qui la conçoivent comme une forme de dépendance bilatérale (ou d’interdépendance). Comme nous venons de le mentionner, les dernières théories se positionnent en faveur d’une (inter)dépendance pragmatico-discursive du phénomène pouvant ou non coïncider avec une (inter)dépendance syntaxique.

19Ces divers positionnements montrent au moins deux choses. D’une part, que les tours en question peuvent difficilement être catalogués de coordonnants ou de subordonnants au sens traditionnel des termes. D’autre part, situer la dépendance desdites constructions au plan syntaxique ne va pas de soi.

20S’ensuit le questionnement énoncé plus haut (cf. § 2) sur le point de vue à privilégier dans une approche didactique de la corrélation circonstancielle tout en restant fidèle à la réalité des faits linguistiques. Il pourrait être utile, selon nous, de simplifier le métalangage et les critères d’analyse dans l’intention de rendre plus compréhensible la corrélation grammaticale. Toute description visant l’enseignement d’une langue doit satisfaire un nombre de critères dont nous ne mentionnons, à titre d’illustration, que les plus élémentaires : simplicité, validité et économie (Damar, 2010 : 114-115). Pour qu’une théorie « soit transposable didactiquement » (Damar, 2010 : 114) – transposer étant « le fait de rendre plus compréhensible une théorie » (Damar, 2010 : 115) – il convient, selon les propos de l’auteur, que le métalangage soit réduit au bas mot et être éloquent. Ainsi donc, pour qu’une théorie soit considérée comme simple il lui faut être économique (monosémie vs polysémie conceptuelle) et valide (si possible sans exceptions) afin de la rendre plus intelligible, soit plus « facile à appréhender, à comprendre et à intégrer » (Damar, 2010 : 123). Si notre objectif est d’apprivoiser la notion de corrélation circonstancielle, il faut commencer par tenter de simplifier le métalangage à enseigner en fournissant une explication cohérente des faits linguistiques. C’est à cet aspect que nous consacrerons les lignes qui suivent.

4 – Considérations linguistiques sur la corrélation circonstancielle

21Si les concepts qui ont été passés en revue sont problématiques, ceux de subordination et de pseudo-subordination (subordination inverse et subordination implicite, entre autres) regroupent des relations hiérarchiques diverses qui ne sauraient être traitées univoquement au plan relationnel. De même, le terme circonstanciel ne fait pas mieux que le concept précité de corrélation. Comme il a été longuement démontré, la définition traditionnelle des subordonnées circonstancielles repose sur un critère sémantique – expression des circonstances du procès [13] – et un critère fonctionnel – fonction accessoire – partiellement inopérants du point de vue de la validité des faits linguistiques.

22D’une part, à la suite de Garagnon et Calas (2002 : 72), « si l’on peut admettre que le temps et le lieu constituent des circonstances, c’est-à-dire un cadre dans lequel se réalise le procès, il est plus difficile d’admettre que la manière ou la comparaison soient des circonstances ». C’est en particulier dans les comparatives et les consécutives que l’on retrouve les cas de corrélation classiques, comme dans [9] ou [10] de l’échantillon. D’autre part, comparativement aux circonstancielles canoniques du type [5c], les sous-phrases corrélées ne fonctionneraient pas comme des compléments accessoires puisque la suppression de l’une entraînerait l’incomplétude de l’autre, qui reste inachevée [8a] ou stylistiquement marquée [10a] :

[8]
  1. *Plus tu te distancies…
[10]
  1. ?Tu te crois tellement au-dessus de tout…

23On peut donc dire que l’ensemble des circonstancielles ne représente pas un tout homogène et cela d’autant moins qu’il « s’avère impossible de dresser une liste exhaustive des compléments et des subordonnées circonstanciels » (Boone, 2002 : 6). Nous partons de l’hypothèse que les corrélatives circonstancielles se combinent de manière différente par rapport au modèle canonique et que, malgré leurs différences, elles sont susceptibles d’être regroupées sous une même étiquette à des fins de clarté didactique. En guise de démonstration, nous allons les soumettre aux différents tests distributionnels classiques.

4.1 – Application des tests : des cas de non-subordination

24La subordination circonstancielle canonique répond positivement à la majorité des tests distributionnels et syntaxiques bien connus : suppression [5d], permutabilité [5e], extraction [5f], modalité [5g] et addition [5h], entre autres :

[5]
  1. Pierre est content.
  2. Parce qu’il a été reçu au concours, Pierre est content.
  3. C’est parce qu’il a été reçu au concours que Pierre est content.
  4. Est-ce que c’est parce qu’il a été reçu au concours que Pierre est content ?
  5. Pierre est content parce qu’il a été reçu au concours et qu’il a eu en plus une bonne note.

25Dans d’autres cas, notamment dans une phrase du type Préviens-moi quand tu auras changé d’avis (exemple [11]), une modification modale est attendue selon l’exigence du contexte, comme dans [11a] et [11b] :

[11]
  1. C’est quand tu auras changé d’avis que tu devras me prévenir.
  2. Est-ce que c’est quand tu auras changé d’avis que tu devras me prévenir ?

26Lorsque la phrase est construite sur le mode de la parataxe, au moins trois des tests sont inopérants. Ainsi, les exemples suivants répondent négativement au test de permutabilité [1a] et [4a], à l’extraction (comme [1b] et [4b]) et à la modalité interrogative ([1c] et [4c]) :

[1]
  1. *Nous remportons le match, encore un but.
  2. *C’est encore un but que nous remportons le match.
  3. *Est-ce que c’est encore un but que nous remportons le match ?
[4]
  1. *Je pars en vacances aux Caraïbes, que je finisse de rédiger ma thèse.
  2. *C’est que je finisse de rédiger ma thèse que je pars en vacances aux Caraïbes.
  3. *Est-ce que c’est que je finisse de rédiger ma thèse que je pars en vacances aux Caraïbes ?

27On pourrait présupposer qu’ils admettent le test de la suppression si ce n’est par l’incomplétude sémantique contenue dans [1d] et [4d] ci-dessous. En effet, en supprimant une partie de la phrase (Encore un but), on en modifie la modalité et aussi le dictum (« victoire possible » face à « victoire certaine »). Le conditionnel (« victoire possible ») se transforme alors en une modalité assertive (« victoire certaine »), et même, dans ce cas, le temps verbal laisserait attendre une suite : nous remportons le match chaque fois que…/ si nous marquons un but. En revanche, on constate que ces exemples répondent positivement à l’addition, comme dans [1e] et [4e] :

[1]
  1. ?Nous remportons le match.
  2. Encore un but et la chance de notre côté, nous remportons le match.
[4]
  1. ?Je pars en vacances aux Caraïbes.
  2. Que je finisse de rédiger ma thèse et de la déposer, je pars en vacances aux Caraïbes.

28Si on compare les exemples du type précédent à ceux du type [6] [14] à [10] de notre échantillon, construits sur le modèle du schème corrélatif classique, on constate qu’ils ne répondent à aucun des critères mentionnés, sauf à l’addition, comme le montre [6a] :

[6]
  1. À peine étais-je sortie et avais-je marché sur la pelouse que j’entendis un hurlement dans la cuisine.

29D’autres cas de figure se comportent de façon équivalente. Reprenons l’exemple [8] pour l’illustrer :

[8]
  1. *Plus tu te distancies/*Plus je me sens libre.
  2. ?Plus je me sens libre, plus tu te distancies.
  3. C’est plus tu te distancies que plus je me sens libre.
  4. Est-ce que c’est plus tu te distancies que plus je me sens libre ?
  5. Plus tu te distancies et plus tu voyages loin, plus je me sens libre.

30Dans [8c] on peut concevoir que le type de relation logique qui relie les termes du diptyque est celle de cause à effet, dans laquelle A (cause) implique B (effet), ce qui expliquerait la possibilité de focalisation de la corrélative [15]. Ce qui n’est pas le cas de la comparative :

[9]
  1. *Ainsi que ta famille se plait à Moscou.
  2. *Ainsi la mienne se plait à Marrakech, ainsi que ta famille se plait à Moscou.
  3. *C’est ainsi que ta famille se plait à Moscou qu’ainsi la mienne se plait à Marrakech.
  4. *Est-ce que c’est ainsi que ta famille se plait à Moscou… ?
  5. Ainsi que ta famille se plait à Moscou et qu’elle est contente, ainsi la mienne se plait à Marrakech.

31On observe donc des différences saillantes entre les subordonnées canoniques où la subordination est conçue comme une relation hiérarchique de dépendance asymétrique, comme dans les exemples [5c] et [11], et les subordonnées de type corrélatif ci-dessus. Dans le premier cas, l’effacement de la subordonnée n’interagit ni sur le dictum de l’énoncé, qui porte sur « la joie de Pierre » (ex. [5d]), ni sur la modalité injonctive (modus) puisqu’aucune modification ne se produit au niveau du sens : Préviens-moi. Sans l’information accessoire – subordonnée causale et temporelle respectivement – il reste toujours un dictum, même si l’indication temporelle ajoute une nuance de sens : Préviens-moi (quand tu auras changé d’avis), et non avant. Dans le second cas, ce sont la structure et le sens des phrases qui sont transformés, de sorte que la suppression de l’une des sous-phrases entraine des séquences agrammaticales (ex. [8a] et [9a]). Ces mêmes contraintes sont transposables aux exemples [7] et [10] de l’échantillon, qui ne sauraient être dépossédés d’une partie de la phrase sans modifier le sens global de la phrase entière, sauf en cas d’effet stylistique particulier (Tu te crois tellement au-dessus de tout !). Les contraintes décrites montrent que les cas de figure ci-dessus ne relèvent pas de l’ordre de la subordination pas plus qu’ils n’appartiennent à la coordination, tel que nous allons le voir dans ce qui suit.

4.2 – Application des tests : des cas de non-coordination

32Comparons à la suite les exemples [12a] vs [13a] à [15a] :

[12]
  1. Il neige et il fait souvent froid.
  2. Il fait souvent froid et il neige et il neige et il fait souvent froid.

33Une coordination classique comme [12a] réagit positivement au test de la « double coordination inversée » (Hadermann et al., 2010) comme en [12b], ce qui prouve que les sous-phrases sont non seulement entièrement autonomes mais qu’en plus elles ne répondent pas à un ordre préétabli, ce que Melis (1994 : 110) désigne comme un « effet iconique de l’ordre linéaire ». En revanche, si on analyse les constructions [13a] et [14a] ci-dessous, variantes formelles des exemples [6] et [7] respectivement, on s’aperçoit qu’elles n’acceptent pas la double coordination inversée (ex. [13b] et [14b]), pas plus que l’énoncé *Plus André crie (et) plus Fatima aussi ne se prête à une réduction dans une des sous-phrases vs André crie beaucoup et Fatima aussi :

[13]
  1. À peine étais-je / j’étais sortie, j’entendis un hurlement dans la cuisine.
  2. * À peine étais-je / j’étais sortie et j’entendis un hurlement dans la cuisine et j’entendis un hurlement dans la cuisine et à peine étais-je / j’étais sortie.
[14]
  1. Le voudrais-tu / Tu le voudrais, je ne t’accompagnerais pas.
  2. *Le voudrais-tu / Tu le voudrais, je ne t’accompagnerais pas et je ne t’accompagnerais pas et le voudrais-tu / Tu le voudrais.

34Si les tournures qui regroupent des hypothétiques « non marquées » (Corminboeuf, 2009) (type [1] à [4]) admettent la présence du connecteur et, cela n’implique pas pour autant que ce dernier soit considéré comme un coordonnant au sens strict. D’une part, les exemples précités n’acceptent pas la double coordination inversée, comme il a été constaté ; d’autre part, même si on était tenté d’admettre, à la suite de Corminboeuf (2013), que les deux sous-phrases sont syntaxiquement autonomes, leur réponse négative à la permutation pourrait témoigner du fait que le jonctif est le reflet d’une marque d’insistance. Il servirait à renforcer la séquentialité temporelle des évènements décrits dans l’univers hypothétique représenté par la protase (énoncé 1) et l’apodose (énoncé 2). Ainsi, comparativement aux formes non marquées telles que [2] et [4], [2a] et [4a] représenteraient des hypothétiques renforcées :

[2]
  1. Tu m’aides à rédiger ce travail et je t’offrirai le livre de Weyergans Trois jours chez ma mère.
[4]
  1. Que je finisse de rédiger ma thèse et je pars en vacances aux Caraïbes.

35En somme, l’application des tests aux corrélatives de notre échantillon montre, à titre provisoire, que les exemples en jeu ne relèveraient ni de la coordination ni de la subordination [16]. Il semble bien que l’on doive y voir une relation de dépendance plus étroite entre les sous-phrases, à situer au plan syntaxique comme au plan sémantico-pragmatique. Cela étant dit, il faut nous questionner sur la place que ces propositions corrélées occupent dans la grammaire (ou sont susceptibles d’occuper) afin de trouver des solutions censées faciliter et simplifier leur apprentissage.

5 – Les circonstancielles corrélées : un cas de dépendance bilatérale

36Le résultat des divers tests mis en œuvre prouve la singularité syntaxique et sémantico-pragmatique des corrélées examinées par rapport à [5c] et [11], qui illustrent des cas de subordination canonique, et par rapport à [12a], qui représente le type même de coordination classique. Pour rappel, la subordination met en avant un rapport de dépendance hiérarchique entre A et B, où A se positionne syntaxiquement comme élément intégrant et B comme intégré, soit A – la principale – intègre B – la subordonnée –, comme [5c] et [11]. Dans un rapport de coordination, les énoncés se situent sur le même plan syntaxique, de sorte que A est égal à B et qu’aucun des deux éléments de la phrase ne dépend de l’autre. Leur autonomie sémantique et syntaxique fonde leur définition, ce qu’illustre [12a]. Dans une relation de dépendance bilatérale, le cas des constructions qui nous occupent, les deux sous-phrases dépendent l’une de l’autre du point de vue syntaxique et sémantico-pragmatique et se complètent réciproquement pour former un tout (la phrase en grammaire ou l’énoncé en discours). Cette dépendance bilatérale est largement connue sous le terme d’interdépendance, d’après laquelle A et B s’exigent mutuellement. S’inspirant de la notion de solidarité de Hjemslev (cité par Corminboeuf, 2013), les linguistes fribourgeois parlent, à ce propos, de rection bilatérale tout en définissant la rection comme : « […] une séquence linguistique A est dite régie si elle implique la cooccurrence d’une séquence B (la séquence B régit la séquence A si on n’a pas A sans B) » (Corminboeuf, 2013 : 43). On note que, dans une relation d’interdépendance, aucun des membres n’est autonome et que la dépendance s’affiche à tous les niveaux, formel, syntaxique et sémantico-pragmatique. On a pu constater qu’il en est ainsi des exemples dont nous traitons.

37Ainsi, un certain nombre de critères rapproche les circonstancielles corrélées précédemment décrites malgré leurs différences formelles et sémantiques. On peut facilement distinguer les hypothétiques non marquées du type [1] à [4] et les corrélatives du type [6] à [10]. Les premières se présentent respectivement sous forme d’un SN (encore un but), d’une assertion (tu m’aides à rédiger ce travail), d’un impératif (demandez votre tour de parole) et d’un subjonctif (que je finisse de rédiger ma thèse). Ces divers modus opèrent comme corrélateurs d’une deuxième énonciation attendue, dont le modèle fribourgeois rend compte sous le nom d’attente pragmatique (Corminboeuf, 2013 : 45). Si la condition est remplie, la conséquence se réalise inévitablement ; par ailleurs, la probabilité que ladite condition ait lieu est plus élevée que pour les conditionnelles canoniques (Adler, 2014). La structure prosodique (protase et apodose) semble ainsi corroborer « le caractère unitaire et phrastique » (Hadermann et al., 2010 : 228) de ces tournures.

38À ce titre, non seulement il y a une interdépendance sur le plan sémantico-pragmatique (le niveau praxéologique de la macro-syntaxe fribourgeoise), mais encore on pourrait admettre qu’elle se situe au plan morpho-syntaxique si l’on considère le mode et les temps verbaux comme marqueurs de corrélation.

39Les corrélatives du type [6] à [10] partagent grosso modo les traits des hypothétiques non marquées. Elles ont en commun le fait d’afficher une (inter)dépendance syntaxique et sémantico-pragmatique de même nature, ne se distinguant de ces dernières qu’au point de vue formel [17]. C’est le cas de la cooccurrence d’éléments corrélateurs qui forment un groupe discontinu (à peine…que / tellement…que / ainsi que…ainsi / plus…plus). En général, il s’agit d’adverbes (tant, tellement, autant, plus, moins…) qui induisent la présence d’un second corrélateur dans l’autre sous-phrase, vu qu’ils ne peuvent pas fonctionner seuls, ce qui pose, à la suite de Corminboeuf (2013), la nature bilatérale de la relation. Par ailleurs, le que de ligature pourrait bien être une « simple cheville […] destinée à combler un vide syntaxique » (Denis et Sancier-Chateau, 1994 : 498), d’où il ressort que les étiquettes de subordination inverse et de subordination implicite, que l’on attribue d’ordinaire aux exemples [6] et [7] respectivement, sont loin d’être considérées comme étant justes par rapport aux observations faites. Au lieu de subordination implicite « mieux vaudrait sans doute parler de système hypothétique […], constitué en fait de deux phrases interdépendantes » (Tomassone, 2002 : 176). Les propos de Maingueneau vont également dans ce sens :

40

« Les deux énoncés sont indissociables, comme le montre la relation qui s’établit entre les temps des verbes : si on remplaçait serait par un autre temps verbal on obtiendrait un énoncé agrammatical ou sans valeur hypothétique. En revanche, dans une circonstancielle ordinaire on ne trouve pas ce type de contrainte sur la flexion des verbes de la principale et de la subordonnée ».
(Maingueneau, 1996 : 116)

41Au terme de cette étude, il nous reste à voir comment cette (inter)dépendance bilatérale pourrait s’articuler dans l’enseignement de la grammaire à des fins d’optimisation du classement traditionnel des subordonnées circonstancielles.

6 – Pour une simplification du métalangage grammatical à l’aune des faits linguistiques

42Nous nous interrogions précédemment sur la possibilité de simplifier le métalangage de la corrélation circonstancielle afin de le rendre plus transposable didactiquement. Deux des critères majeurs de cette simplification étaient la monosémie conceptuelle et la validité des faits langagiers décrits.

43En ce qui concerne ce dernier point, il a été démontré que les constructions corrélatives, objet de l’analyse, ne sont ni coordonnées, ni subordonnées au plan des relations hiérarchiques entre sous-phrases. En revanche, on a pu constater que les diptyques en jeu entretiennent une relation de dépendance bilatérale, soit un lien d’interdépendance, de réciprocité qui se situe au plan syntaxique comme au plan sémantico-pragmatique. Il peut se manifester sous une forme marquée (termes corrélateurs) du type [6] à [10] ou sous une forme plus flexible mais qui engage la modalité de la phrase (temps verbaux, ordre des mots…) (type [1] à [4]). Dès lors que ces éléments grammaticaux servent à marquer morpho-syntaxiquement le modus, il est possible de les assimiler à des corrélateurs qui laissent attendre une suite concomitante. Ainsi « une assertion simple peut aussi véhiculer une modalité implicite, qu’on peut mettre en évidence par la possibilité d’équivalence avec un énoncé contenant un marqueur explicite de modalisation » (Le Querler, 2004 : 646). C’est le cas de la modalisation implicative (conditionnel) du cas de figure [7], marquée par le présent de l’indicatif, qui correspond à si tu m’aides à rédiger ce travail, je t’offre le livre de Weyergans Trois jours chez ma mère. Les autres exemples véhiculent le même type de modalité mais sous une autre forme, comme l’impératif en [3] ou le subjonctif dans [4].

44Cela étant dit, le deuxième critère à prendre en compte est le principe d’économie. Il est conseillé d’éviter les termes polysémiques et contradictoires « en vue de se comprendre sans se méprendre » (Avanzi et al., 2007 : 56) [18]. Il vaut donc mieux contourner les mots qui s’accompagnent fréquemment d’une opacité sémantique et les remplacer par d’autres plus transparents qui susciteraient une interprétation univoque. Partant d’une juxtaposition formelle [19], le concept de coordination serait le seul retenu afin d’éviter la polysémie du mot parataxe ; de même que le terme de subordination serait lui-même conservé en lieu et place de son équivalent grec, l’hypotaxe, bien que ce dernier soit moins problématique que son opposé, la parataxe. De la même manière, on pourrait se servir de la notion d’interdépendance, qui existe déjà, pour faire référence à une dépendance réciproque des sous-phrases ou intertaxe, qui serait en quelque sorte le pendant du binôme parataxe / hypotaxe. Ce remaniement terminologique aurait, à nos yeux, une incidence positive sur la partition de la typologie en usage pour mieux l’adapter à la réalité des faits linguistiques observés. Nous proposons un système typologique à trois cases selon le schéma de la Figure 1 :

Figure 1

Système typologique а trois cases

Figure 1

Système typologique а trois cases

45Il s’ensuit que la CO implique une indépendance syntaxique et sémantique, la SB une dépendance unilatérale relationnelle et l’ID suppose une dépendance bilatérale. Ces trois types de relations peuvent être représentés par les conventions suivantes, facilitatrices de l’apprentissage par association (Figure 2) :

Figure 2

Représentation conventionnelle de la typologie

COSBID
Ajout (+)Hiérarchie (→)Réciprocité (↔)

Représentation conventionnelle de la typologie

46Quant au terme corrélation, il paraît difficile de prime abord de l’évacuer des ouvrages grammaticaux tant il « recouvre des organisations syntaxiques très différentes les unes des autres » (Corminboeuf, 2013 : 43). Or dans notre dessein d’évitement des concepts polysémiques, nous recommandons de faire usage de celui d’interdépendance et de parler de sous-phrases interdépendantes plutôt que de sous-phrases corrélées. Cette réorganisation des relations syntaxiques, qui intègre les corrélatives circonstancielles dans un nouveau tiroir, se veut une tentative de didactisation de ces constructions polémiques, afin de faire mieux comprendre leur nature et leur fonctionnement grammatical [20].

7 – Conclusion

47Dans une étude portant sur la problématique de la corrélation, nous exprimions déjà la possibilité d’un remaniement typologique des subordonnées circonstancielles [21]. On a pu constater que les critères retenus et les contraintes de combinaison décrites nous ont permis de proposer une unification des corrélatives examinées, les comparant aux coordonnées et aux subordonnées classiques. Vu l’effort que les apprenants ont à accomplir pour saisir une nomenclature grammaticale qui s’achemine de plus en plus vers le flou, nous avons voulu simplifier le métalangage comme outil d’aide à une correcte appropriation des systèmes corrélatifs de la langue française.

48Dans ce but, nous nous sommes arrêtée sur les notions relationnelles de coordination, de subordination et d’interdépendance, qui ont été retenues après avoir signalé au mieux leurs différences fonctionnelles. La notion de juxtaposition a été évacuée de son acception relationnelle et est devenue plus transparente, puisqu’elle ne désigne métalinguistiquement parlant qu’une construction formelle. De plus, le schéma ternaire intertaxe / parataxe / hypotaxe – bien que l’écho au niveau des signifiants puisse faire penser à un outil stratégique de facilitation de l’apprentissage – a été laissé à l’écart et remplacé par un système typologique à trois alternatives (cf. Figure 1). Ce dernier aurait l’avantage d’être à nos yeux plus simple, plus transparent et plus subtil, ce qui permettrait de rendre plus accessible les faits de langue et, en particulier, plus abordable cette partie de la syntaxe du français.

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Mots-clés éditeurs : subordonnées circonstancielles, hypotaxe, corrélation (circonstancielle), juxtaposition, parataxe, métalangage grammatical, didactique de la grammaire

Mise en ligne 20/04/2021

https://doi.org/10.3917/tl.080.0085

Notes

  • [1]
    Ce travail s’encadre dans le projet de recherche FFI2017-85141-P soutenu par FEDER / Ministerio de Ciencia, Innovación y Universidades / AEI. Nous adressons nos remerciements aux deux relecteurs qui ont contribué à son amélioration.
  • [2]
    Voir à ce sujet le référentiel du discours grammatical pour enseignants de Van Raemdonck, Detaille et Meinertzhagen (2015) qui met en place, au dire des auteurs, une terminologie éclairante et, autant que possible, économique.
  • [3]
    Les exemples, limités à deux sous-phrases, sont les nôtres ; ils ont été construits à des fins didactiques sur le modèle d’exemples attestés dans la littérature. Nous circonscrivons le champ de recherche à la relation combinatoire entre sous-phrases sans entrer dans le détail de leur structure syntaxique interne. À cet égard, un relecteur nous fait remarquer à juste titre que la question terminologique concernant la distinction entre circonstants et subordonnées circonstancielles n’est pas abordée. Ce genre d’étude serait effectivement intéressante parce qu’elle permettrait d’étayer notre analyse et d’élargir nos conclusions à l’ensemble des compléments circonstanciels dépendants du verbe. Ce relecteur précise également que les termes de complément et d’ajout conviendraient aux deux domaines. Sans vouloir entrer dans le détail, ils pourraient en tout cas faire partie d’une typologie de termes envisageables qui resterait à évaluer sur la base d’une analyse plus englobante des corrélations et des compléments circonstanciels établis dans les grammaires de référence. Pour l’heure, notre étude portera exclusivement sur l’analyse de la corrélation dans la subordination circonstancielle telle que décrite dans les grammaires d’usage (comparatives, consécutives, conditionnelles) en laissant de côté d’autres types de parataxe (complétive, relative, incise…), qui pourraient faire l’objet d’une autre recherche.
  • [4]
    Cf. Avanzi et al. (2007) pour un bref historique de la place de ces concepts, dont la polysémie complique l’apprentissage des phénomènes linguistiques qui les concernent.
  • [5]
    Pour autant, les linguistes ne s’accordent pas sur ce point. Si les uns parlent d’ellipse de la construction copulative, les autres sont moins explicites et n’y voient qu’une absence de liaison formelle entre propositions.
  • [6]
    Dénommé parataxe asyndétique (Kiesler, 2013), sous-phrases sans connecteur (Le Goffic, 1993) ou encore parataxes propositionnelles (Dargnat, 2008 : 2468).
  • [7]
    Avanzi et al. (2007) abordent le problème de la multiplicité et la contradiction des définitions qu’ils présentent de façon schématique et simplifiée. La confusion entre un système terminologique à deux termes hérité du grec (parataxe et hypotaxe) et un système à trois termes du latin (coordination, juxtaposition et subordination) est au centre de la controverse.
  • [8]
    Ce constat n’est pas nouveau. Corminboeuf (2013) consacre un article aux enjeux théoriques posés par la corrélation sous l’angle de ce parallélisme. D’autres auteurs y font aussi référence dans leurs études (Deulofeu, 1986 ; Le Goffic, 1993 ; Allaire, 1996 ; Muller, 2002 ; Debaisieux, 2005 ; Hadermann et al., 2010).
  • [9]
    Il n’existe pas, à notre avis, de définition consensuelle qui puisse rendre compte des différents types de propositions corrélées. Partant du postulat que leur regroupement pose problème, notre objectif est de proposer aux apprenants une vision unifiante de la corrélation circonstancielle du français par le biais d’un système typologique renouvelé, comme nous le montrerons plus loin.
  • [10]
    Notre but n’est pas de passer en revue tous ces positionnements théoriques mais de rappeler l’état d’une problématique. Pour un inventaire de la notion, le lecteur est prié de se référer au numéro 28 de Faits de langues (2006), aux numéros 174/2 (2009) et 200/4 (2015) de la revue Langages, ainsi qu’à l’étude approfondie de Roig (2015).
  • [11]
    Son cadre théorique présente deux types d’agencement syntaxique correspondant à deux niveaux d’analyse différents : micro-syntaxe et macro-syntaxe. Le niveau micro-syntaxique est constitué d’unités de rang inférieur ou égal à la proposition (ou sous-phrase) dont les relations sont motivées par des contraintes de type distributionnel : relations de concaténation, c’est-à-dire enchaînement linéaire des segments, et de rection, implication entre deux unités segmentales (dépendance catégorielle, sélection, liage, accord). Le niveau macro-syntaxique analyse les unités de discours : relations de type sémantique et pragmatique (présupposition et production) qui forment des ensembles dénommés périodes. Pour plus de détails, voir les travaux de l’école de Fribourg (Berrendonner, 1990, 2002).
  • [12]
    D’autres études similaires ont été faites par les partisans de ce modèle théorique. Pour n’en citer que quelques-unes : Deulofeu (2003) et Debaisieux (2007).
  • [13]
    Ainsi la définition suivante : « la proposition subordonnée circonstancielle exprime l’une des ‘circonstances’ du procès décrit dans la principale : le temps, la cause, la conséquence, le but, la concession, la condition et la comparaison » (Garagnon et Calas, 2002 : 71).
  • [14]
    Pour Roig et Van Raemdonck (2015), cette construction relève d’une hypotaxe syntagmatique (subordination) et, comme telle, implique une dépendance. Pour plus de précisions sur la notion et l’ensemble des relations syntaxiques décrites, nous recommandons de se reporter au tableau synoptique (p. 39), qui apporte à notre sens une vision éclairante de la question.
  • [15]
    Convenons néanmoins qu’il s’agit d’une construction correcte au plan strictement syntaxique mais impropre du point de vue du sens, vu que la cause et la conséquence sont inversées par rapport à la phrase originale : c’est parce que plus tu te distancies que plus je me sens libre et non l’inverse : c’est parce que plus je me sens libre que plus tu te distancies. C’est ce que Cornulier (cité par Hadermann et al., 2010) dénomme « rapport d’implication avec relation orientée » puisque A implique B, alors que B n’implique pas nécessairement A.
  • [16]
    Un relecteur suggère que les tests ne peuvent avoir qu’une valeur heuristique et pas définitoire. En effet, une analyse plus approfondie de chaque type corrélatif – en langue et en discours – permettrait de préciser nos résultats. Ceci n’est pas notre propos, qui se réduit délibérément ici à la description partielle du phénomène (corrélatives circonstancielles) et à quelques exemples représentatifs du schème corrélatif tel qu’attesté dans les ouvrages de grammaire. Et ceci dans une tentative de rendre plus opérationnel l’enseignement / apprentissage des corrélatives circonstancielles en français.
  • [17]
    Comme l’affirme Tomassone (2002 : 172) : « Si du point de vue de la sémantique, les subordonnées corrélatives peuvent indiquer une ‘circonstance’ (au sens large du terme), sur le plan formel, elles ne peuvent pas être confondues avec les autres subordonnées circonstancielles, et elles ont un fonctionnement spécifique ».
  • [18]
    Les auteurs suggèrent d’employer des termes généraux et d’éviter, dans la mesure du possible, ceux qui ne sont pas indispensables en raison du fait qu’il en existe déjà d’autres entièrement satisfaisants.
  • [19]
    L’expression juxtaposition formelle étant elle-même plus transparente que le seul terme de juxtaposition pour référer à l’absence de marqueur explicite entre sous-phrases. C’est donc dans le sens de cette définition formelle – non relationnelle – qu’il nous semble pertinent d’envisager la notion afin d’en éclairer la polysémie. Nous la retenons donc, faute de mieux, en lieu et place du mot asyndète, d’usage moins fréquent.
  • [20]
    La taille de notre échantillon nous empêche de généraliser les résultats à d’autres types de corrélatives, et partant nos remarques ne sont valables, à titre provisoire, que dans ce contexte d’analyse. Comme le fait remarquer un relecteur, les tests n’ont pas valeur de vérité absolue et ne pas en passer un pourrait ne pas obligatoirement signifier ne pas avoir la propriété. Certes, une étude plus exhaustive et plus diversifiée de ces constructions serait indispensable pour obtenir des résultats plus complets. Ceci dit, notre recherche se veut une tentative de transformer la typologie établie pour la rendre plus appropriée à l’enseignement, et dans les limites des observations réalisées, on espère qu’elle pourra fournir des pistes de réflexion sur la pertinence d’une réorganisation conceptuelle de la subordination circonstancielle, et en particulier, de la corrélation à des fins pédagogiques.
  • [21]
    Voir Rodríguez Pedreira (2008) pour des considérations plus générales sur ce point.
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