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Article de revue

Comparaison de phénomènes complexes en italien et en français chez des adolescents bilingues et monolingues : focus sur le texte narratif

Pages 73 à 96

Notes

  • [*]
    Università degli Studi di Napoli Federico II
  • [1]
    Depuis quatre ans l’État français a imposé un nombre plus limité d’heures en italien.
  • [2]
    Il n’a pas été possible d’interviewer plus de dix sujets bilingues car au moment de l’enquête l’École française de Naples n’avait que ce nombre d’élèves en dernière année de collège. Il faut aussi remarquer que, du moins à Naples, l’École française n’a pas de lycée.
  • [3]
    Nous avons utilisé le système de transcription CHAT (MacWhinney, 2000).
  • [4]
    Tous les auteurs ne sont cependant pas d’accord sur l’idée que la récursivité soit un phénomène nécessaire et évolutif du langage humain comme le veulent des auteurs tels que Chomsky (cf. par exemple, le chapitre de Bickerton dans Givón, 2009).
  • [5]
    Pour les passages proposés nous avons adopté les conventions de transcription qui suivent : + pour la pause brève ; ** pour un mot dans une langue différente de celle que l’informateur est en train d’utiliser ; / pour les auto-reformulations ; ^ pour l’absence d’un constituant nécessaire ; [] pour les suggestions du transcripteur.
  • [6]
    À propos de la relation entre finitude et complexité formelle et textuelle, cf. Givón (1995).
  • [7]
    Voici la traduction des prépositions et mots causaux et finaux italiens : perché = parce que ; poiché = puisque, car ; visto che = vu que ; quindi / dunque / così = donc ; infatti = en effet ; allora = alors ; per questo = pour cela ; in modo che = de façon à ce que ; per = pour ; a = à ; di = de. En outre, le point d’interrogation réfère à des remarques dont la fonction est ambigüe.
  • [8]
    Plusieurs travaux ont démontré que la maîtrise de la référence aux entités se développe progressivement au long de l’enfance en révélant une bonne mise en place chez les 9-10 ans (cf. Hendriks, 1999, 2000 ; Hendriks, Watorek & Giuliano, 2004 ; Hickmann, 1995, 1996, 2004). Giuliano (2006 et sous presse), démontre, cependant, que ce résultat n’est pas forcément vrai pour les enfants vivant dans un milieu culturellement défavorisé.
  • [9]
    Pour des défaillances interactionnelles et de cohérence chez des adolescents italophones, cf. les études de Giuliano (2006 et sous presse) sur des adolescents culturellement défavorisés dans la région de Naples.

1 – Introduction

1L’étude traite de la gestion de certains phénomènes complexes par des sujets bilingues (italien/français) lors de la production d’une tâche narrative orale. Le bilinguisme de nos informateurs est précoce (avant cinq ans) et non pas primaire car ils n’ont pas été exposés aux deux langues dès la naissance. Les interviewés proviennent de familles italophones qui vivent en Italie, mais à partir de trois ans à peu près, ils ont commencé à apprendre le français à l’École Française de Naples. Ils ont alors fréquenté pendant deux/trois ans l’école maternelle, puis l’école primaire et le collège. Au moment de notre enquête, les sujets fréquentaient la dernière année du collège. À l’école française toutes les disciplines sont enseignées en français mais, à l’époque de l’enquête, à partir de la deuxième année de l’école primaire, on introduisait huit heures d’italien (pour la grammaire, l’histoire, la géographie) par semaine, qui baissaient à 6 lors des deux premières années du collège pour monter ensuite à dix la troisième année [1] (en incluant les mathématiques en plus des matières citées plus haut).

2Le bilinguisme de nos interviewés correspond à un bilinguisme naturel car les sujets ont appris le français sans aucune instruction formelle et avant l’intervention des paramètres (latéralisation et miélinisation cérébrale, fonctionnement différent de la mémoire procédurale ou implicite par rapport à la mémoire explicite ou déclarative) que la neurolinguistique contemporaine est en train de décrire de façon de plus en plus détaillée comme responsables de la faillite relative de l’adulte dans l’acquisition d’une langue étrangère (cf. Paradis, 1994 ; Kovelman, Baker & Petitto, 2008 ; Ullman, 2001).

2 – Les informateurs et le recueil des données

3Nos informateurs sont divisés en trois groupes : un groupe de 10 sujets bilingues (italien/français) [2], interviewés à l’École française de Naples, et deux groupes monolingues de contrôle, c’est-à-dire de référence pour l’évaluation des productions linguistiques des bilingues, l’un formé par 10 sujets francophones, l’autre par 10 sujets italophones. Le groupe francophone a été interviewé en France, au Collège Saint-Michel d’Avignon ; le groupe italophone est formé d’élèves de l’Institut Tito Livio de Naples. Tous les sujets appartiennent à la classe moyenne-supérieure et viennent de familles cultivées, car les parents ont une formation universitaire et souvent une profession valorisée ; leurs résultats scolaires sont bons ou très bons. Lors de l’enquête, les italophones fréquentaient la dernière classe du collège italien (terza media) et avaient entre 12 et 14 ans, une variation due au fait que le système scolaire italien permet l’entrée en école primaire d’enfants ayant de cinq ans à six ans et demi ; les sujets bilingues et francophones avaient entre 13 et 14 ans et fréquentaient tous la troisième année du collège français (classe de quatrième).

4Quant à la tâche narrative proposée, elle correspond à un court-métrage tiré du film Les Temps Modernes de Charlie Chaplin, situé aux États-Unis dans la récession des années trente, et déjà utilisé dans des projets de recherche internationaux (cf. Perdue, 1993). Ce support est divisé en deux parties (cf. infra) et a été géré de la manière suivante :

  1. l’interviewé a visionné la première partie en présence de son interlocuteur et de l’intervieweur ;
  2. l’interviewé a regardé la deuxième partie après la sortie de l’interlocuteur de la salle de projection du film ;
  3. l’interlocuteur est rentré dans la salle et a demandé à l’interviewé ce qui s’était passé dans le film après son départ en rappelant qu’il ne pouvait pas le savoir car il n’avait jamais vu le film auparavant (connaissances non partagées) ;
  4. la narration a été enregistrée et transcrite en tenant compte du caractère oral de la production [3].
Dans la première partie du court-métrage, Chaplin est impliqué, sans s’en rendre compte, dans une grève d’ouvriers et il est pour cela arrêté et amené en prison. À l’histoire de Chaplin se superpose celle d’une fille très pauvre qui vole pour nourrir ses frères et son père, très malade ; celui-ci, peu de temps après, sera tué lors d’une grève. Pour ne pas aller dans un orphelinat comme ses frères, la fille échappe aux assistants sociaux et commence à vivre dans la rue.

5Entre-temps, dans la prison on est en train d’organiser une révolte, mais Chaplin, à cause d’une drogue qu’il a avalée de manière fortuite, découvre la révolte et sauve ainsi les policiers et le directeur de la prison. Ce dernier, afin de récompenser Chaplin pour son action “héroïque”, le libère et lui donne une lettre de recommandation pour trouver un travail, malgré l’insistance de Chaplin pour rester en prison, où il est bien : il dort, mange et ne travaille pas !

6La deuxième partie du court-métrage est formée par six sous-épisodes qui ont fait l’objet de notre analyse :

  1. Chaplin trouve un travail auprès d’un chantier naval, mais à cause des erreurs qu’il fait on le renvoie et il se retrouve à nouveau dans la rue ;
  2. Il y a un nouveau focus sur l’histoire de la fille pauvre, qui, seule et affamée, vole du pain. Au cours de sa fuite, elle heurte Chaplin, qui s’accuse du vol mais est relâché grâce à un témoin.
  3. Puisque Chaplin veut retourner en prison, il déjeune dans un restaurant sans payer, achète plusieurs choses dans un tabac toujours sans payer et puis appelle lui-même un policier pour être arrêté.
  4. Chaplin et la protagoniste se rencontrent à nouveau dans le fourgon de la police, mais quelques minutes après, profitant d’un accident, tous deux s’échappent.
  5. Assis dans l’herbe, face à une magnifique maison bourgeoise, ils assistent à une scène de salutation entre une femme et son mari, et alors, ils rêvent d’avoir une maison, eux aussi.
  6. Dix jours plus tard, la fille va chercher Chaplin pour l’informer qu’elle a trouvé une “maison” où ils pourront vivre : il s’agit en réalité d’une baraque au bord d’un ruisseau où tout tombe en morceaux. Toutefois ils sont heureux.
Il faut observer que, pour les sujets bilingues, les narrations en français ont été recueillies à une semaine de distance par rapport à celles en italien et cela pour créer une distance psychologique entre les deux langues. Cette durée évite que la récolte des données en français et en italien dans la même journée favorise le transfert d’une langue à l’autre.

7Lors de la deuxième interview, chaque sujet a regardé le court-métrage à nouveau.

3 – Le cadre théorique et les objets de l’analyse

8Nous partons du présupposé que la gestion d’une tâche narrative correspond à une tâche complexe à plusieurs niveaux, car il s’agit de maîtriser divers sous-domaines de la cognition, de la langue en question et de l’interaction langagière en même temps. Autrement dit, le locuteur doit bâtir une macrostructure linguistique et interactionnelle où, au niveau sémantique, les liens de cohérence sont respectés pendant toute la durée de la tâche par rapport aux domaines notionnels mis en cause (temps, procès, entités, espace etc.) ; au niveau formel, les formes et les structures mobilisées doivent constamment refléter les principes de cohérence que la tâche nécessite, et dont la sélection implique une hiérarchisation qui, en principe, devrait favoriser la complexité linguistique (récursive ou condensatrice, pour ce point cf. § 4.1.) ; au niveau interactionnel, dans une tâche fondée sur des connaissances non partagées, le narrateur ne peut en aucun moment négliger les attentes de son interlocuteur quant à qui, quoi, où, quand, pourquoi. Nous appellerons la maîtrise combinée des structures complexes de type sémantique, linguistique et interactionnel d’un sujet par rapport à une production textuelle, narrative ou autre, compétence discursive.

9La compétence discursive d’un texte narratif (ou d’un autre genre) demande, en définitive, de mettre en place une structure pluridimensionnelle dont la maîtrise se développe de manière progressive tout au long de l’enfance (cf. Giuliano, 2012 ; Hendriks, 1999, 2000 ; Hickmann, 1996, 2004 ; Hendriks & Hickmann, 1995 ; Watorek, 2002, pour un cadre d’analyse fonctionnelle et interactionnelle ; cf. Fayol, 1985 ; Nezworsky, Stein & Trabasso, 1982 ; Trabasso & Sperry, 1985 ; Trabasso, van den Broek & Young Suh, 1989, pour des modèles d’analyse cognitive). Au début de l’adolescence, cette structure serait déjà en place, à condition que la famille d’origine et l’école aient joué leur rôle éducatif (cf. Shiro, 2003 ; Giuliano, 2006 et sous presse ; Martinot, dans ce numéro). Les auteurs affirment que, entre quatre et cinq ans, l’organisation des structures épisodiques est faible et correspond à un script, ou narration primaire, à savoir à des séquences banales d’actions, dépourvues de toute organisation hiérarchique et de finalités ; autour de cinq/six ans le concept de plan interviendrait, ce qui implique que l’enfant montre une tendance à introduire un but en vertu duquel il crée une faible organisation événementielle, où sont rapportés les seuls procès prototypiques (c’est-à-dire de fort impact émotionnel et perceptif) mais selon une perspective encore égocentrique. À partir de sept ans, à peu près, l’enfant se tient, de plus en plus, à un véritable schéma organisationnel et hiérarchique, ancré, en termes notionnels, autour des concepts « situation initiale-complication-tentative-résolution » ; de manière également progressive, il respecte les principes interactionnels et contextuels, avec un emploi plus approprié des formes et des structures de la langue en question et un usage croissant de la subordination.

10Mais comment se situe la compétence discursive vis-à-vis de l’acquisition bilingue du langage ? L’acquisition bilingue de nos informateurs est intervenue autour de trois/quatre ans, ce qui, en principe, devrait avoir permis une évolution parallèle, en français et en italien, des principes cités plus haut qui président à la maîtrise de la compétence discursive de type narratif. Nous placerons l’analyse de nos données au sein de cette hypothèse et des travaux fonctionnalistes et cognitivistes décrits précédemment. Cette analyse vise à éclaircir la manière dont les trois groupes d’informateurs gèrent les points qui suivent en relation aux épisodes en question :

  1. les relations causales, finales et chronologiques entre les événements et la référence aux entités animées et inanimées, à savoir les facteurs qui bâtissent la complexité sémantique et textuelle d’une narration ;
  2. la complexité syntaxique, en tant qu’expression de la manière d’organiser et de hiérarchiser les contenus de la narration ;
  3. les attentes de l’interlocuteur, dont la prise en compte est étroitement liée à la gestion du point (a) plus haut et à la bonne réussite de l’interaction.
La bonne ou faible maîtrise de tous ces aspects de la part des sujets monolingues et bilingues, en français, en italien ou dans les deux langues chez un même sujet, reflétera la manière plus ou moins complexe de gérer la compétence narrative. Pour la référence à la notion de complexité syntaxique, nous nous appuierons sur les travaux de Havu & Pierrard (2010), Givón (1995, 2009) et Martinot (2010), en investiguant la complexité récursive et condensatrice (pour ces notions, cf. 4.1), et donc la façon plus ou moins complexe (au sens justement récursif ou condensateur) de hiérarchiser des contenus par les marques formelles pouvant les exprimer. Quant aux autres domaines d’investigation, nous considérerons comme complexe, vis-à-vis de l’organisation causale et finale, la capacité de bâtir une structure textuelle cohérente qui puisse satisfaire les attentes de l’interlocuteur (ignorant les faits narrés, ne l’oublions pas) quant aux liens entre les événements et les protagonistes ; la gestion de la temporalité sera également complexe si le narrateur se montre capable de fournir des précisions temporelles de différents ordres, fondées sur la chronologie tout comme sur la simultanéité, l’anticipation, les retours en arrière etc.. La complexité dans la gestion de la référence aux entités, enfin, devrait impliquer la capacité à gérer de façon adéquate le passage d’un personnage à l’autre en utilisant toujours les marques formelles appropriées pour la désambiguïsation de leur identité. Tous les domaines d’investigation considérés demandent de mettre en place différents types de complexité en même temps : sémantico-textuelle (car le but est toujours l’organisation du texte dans sa globalité), formel (puisque le locuteur doit maîtriser les moyens formels aptes à refléter des contenus bien organisés et hiérarchisés dans tous les domaines sémantiques impliqués) et interactionnel (les faits racontés doivent être saisissables sans ambiguïté par l’interlocuteur ignorant ces faits).

11En termes de compétence narrative bilingue, nous interpréterons comme l’expression d’une compétence plus ou moins simplifiée le recours éventuel à une complexité discursive mineure dans l’une ou l’autre langue.

4 – L’analyse des données

4.1 – Les structures syntaxiques

12Le tableau qui suit illustre le rapport entre les propositions principales et les propositions subordonnées (à verbe fini ou non fini) produites par nos quatre groupes d’informateurs.

Tableau 1

Propositions principales vs propositions subordonnées

Tableau 1
Informateurs Principales Subordonnées Total Italophones 287 (56 %) 228 (44 %) 515 Francophones 403 (63 %) 237 (37 %) 640 Bilingues en italien 249 (59 %) 176 (41 %) 424 Bilingues en français 242 (62 %) 146 (38 %) 388

Propositions principales vs propositions subordonnées

13Comme on le voit, les différences entre les groupes ne sont pas très importantes, cependant, en italien les subordonnées sont toujours un peu plus nombreuses, dans les narrations des monolingues aussi bien que dans celles des bilingues. Des divergences un peu plus marquées émergent si l’on analyse le degré de subordination (illustré par le tableau 2 ci-dessous), par lequel nous avons voulu analyser la récursivité syntaxique, qui comporte l’inclusion d’une proposition dans une autre proposition (par exemple, une relative dans une autre relative), et que plusieurs auteurs considèrent comme l’expression d’une complexité cognitive, ou bien d’une organisation sémantique hiérarchique des contenus à transmettre (cf. Givón, 2009) ; plusieurs études sur la compréhension de propositions relatives enchaînées sembleraient, d’ailleurs, le démontrer [4] (cf. ibid.).

Tableau 2

Niveau d’enchaînement des propositions subordonnées

Tableau 2
Infor- mateurs 1er degré 2e degré 3e degré 4e degré 5e degré 6e degré 7e degré Total subor- données Italo- phones 149 (66 %) 55 (24 %) 14 (6 %) 5 (2 %) 2 (0,88 %) 1 (0, 44) 2 (0,88 %) 226 Franco- phones 188 (79 %) 38 (16 %) 10 (4 %) 1 (0,42 %) – – – 237 Bilingues en italien 127 (73 %) 35 (20 %) 10 (6 %) 2 (1 %) 2 (1 %) 2 (1 %) – 176 Bilingues en français 114 (78 %) 27 (18 %) 4 (3 %) 1 (1 %) – – – 146

Niveau d’enchaînement des propositions subordonnées

14Les narrations en italien présentent une tendance à enchaîner de nombreuses subordonnées au sens ‘vertical’ aussi bien qu’au sens ‘horizontal’ (une subordonnée coordonnée à une autre). Dans le passage suivant, où le narrateur produit un enchaînement allant jusqu’au sixième degré [5] :

[1]
Andrea, monolingue
e quindi preferisce la vita di prigione
‘et donc il préfère la vie de prison’
addossandosi cose (gérondive ayant fonction causale, 1er degré)
‘en s’assumant des choses’
che non aveva fatto + (relative, 2e degré)
‘qu’il n’avait pas fait’
come ad esempio gli capita (comparative, 3e degré)
‘comme par exemple ça lui arrive’
di trovare per strada una ragazza povera (infinitive ayant fonction de sujet, 4e degré)
‘de trouver dans la rue une fille pauvre’
che da poco aveva perso il padre + (relative, 5e degré)
‘qui depuis peu de temps avait perdu son père’
che tenta (relative, 5e degré bis)
‘qui essaie’
di rubare un pezzo di pane (infinitive ayant fonction
d’objet indirect, 6e degré)
‘de voler un morceau de pain’

15Les francophones optent un peu moins pour des enchaînements à plusieurs niveaux, en préférant à ces derniers un degré de subordination plus simple (cf. le pourcentage de 79 % pour le premier degré), comme dans l’extrait suivant :

[2]
Amine, français monolingue
Charlie Chaplin à cause de/grâce à sa bonne conduite
sort de la prison
et le chef lui donne une lettre
avec laquelle il peut trouver un travail (relative, 1er degré)
comme premier travail il va travailler dans un bateau +
là où l’on construit des bateaux + (relative, 1er degré)
et son supérieur lui demande
de trouver du bois (infinitive ayant fonction d’objet indirect, 1er degré)
et Monsieur Charlie Chaplin va en chercher un

16En ce qui concerne les narrations des bilingues, celles qui sont en italien se rapprochent plus des narrations des monolingues italophones, puisque l’enchaînement des subordonnées peut arriver au sixième degré. Voici le passage en question :

[3]
Ginevra, bilingue
E quindi la polizia lo prende e lo vuole mettere in prigione
‘et donc la police le prend et veut le mettre en prison’
dove incontra una ragazza (relative, 1er degré)
où il rencontre une fille’
che aveva rubato il pane (relative, 2e degré)
‘qui avait volé du pain’
perché aveva fame e non sapeva come sfamarsi
(causales coordonnées, 3e degré)
‘car elle avait faim et ne savait pas comment se nourrir’
perché non aveva soldi (causale, 4e degré)
‘car elle n’avait pas d’argent’
per mangiare (finale, 5e degré)
‘pour manger’
perché il padre era disoccupato e vedovo (causale, 5e degré bis)
‘car son père était au chômage et veuf’

17Les productions en français des bilingues sont riches en enchaînements de premier et deuxième niveaux et en tant que telles, elles sont plus proches de celles des francophones, un résultat qui, théoriquement, pourrait se justifier par l’adoption d’une perspective justement francophone et non pas forcément par un phénomène de simplification. Il est évident, cependant, que plus de données sont nécessaires pour que cette hypothèse puisse être confirmée.

18Un deuxième aspect que nous avons exploré, par rapport à l’enchaînement syntaxique, est le caractère non fini (soit gérondif, soit infinitif ou participial) de certaines propositions impliquées, car il peut éclairer les opérations cognitives et linguistiques de nos groupes d’informateurs, notamment des bilingues. Dans ce cas, aux éventuelles opérations cognitives de hiérarchisation s’ajoutent des opérations formelles de synthétisation (absence de finitude, notamment), qui, en termes cognitifs, ne sont pas forcément plus complexes que des opérations récursives, mais qui demandent certes un entraînement formel [6]. Voici le tableau résumant les propositions non finies investiguées :

Tableau 3

Propositions non finies

Tableau 3
Informateurs Participiales causales, relatives et temporelles Gérondives causales et temporelles Infinitives temporelles Total subor- données Italophones 7 (2 %) 8 (3,5 %) 3 (1 %) 226 Francophones – 3 (1 %) – 237 Bilingues en italien – 6 (3 %) 1 (1 %) 176 Bilingues en français – – – 146

Propositions non finies

19Comme on le voit, les occurrences ne sont nombreuses dans aucun groupe d’informateurs, ce qui témoigne d’une certaine rareté de ce type de propositions en italien et en français parlés et donc leur caractère « marqué » (cf. Givón, 1995). Les italophones monolingues exploitent, cependant, plus souvent ces formes propositionnelles (6,50 % sur le total des subordonnées) : les gérondives, pour marquer la causalité et la temporalité ; les participiales, pour marquer le but, plus rarement, la temporalité ou comme équivalentes à des relatives ; les infinitives, comme marques temporelles (p. ex. dopo aver chiamato ‘après avoir appelé’). Dans ce qui suit, nous fournissons des extraits avec des participiales ou un adjectif, toutes correspondant à des cas de complexité (au sens structurel) « condensatrice », car impliquant un affaiblissement par réduction de la structure prédicationnelle prototypique et l’intégration de cette structure dans la proposition principale (cf. la notion de prédication seconde telle que proposée par Havu & Pierrard, 2010) :

[4]
Brenda, monolingue
Vede una ragazza rincorsa dai carabinieri
‘Il voit une fille poursuivie par les gendarmes’
[5]
Anita, monolingue
Fallita la prima prova per ritornare in prigione si reca in un ristorante
‘failli le premier essai de retourner en prison il va dans un restaurant = le premier essai de retourner en prison ayant failli…’
[6]
Fabio, monolingue
Con un incidente vengono catapultati fuori dal pullman + il protagonista insieme ad un poliziotto + che stordito non capisce che la ragazza fugge
‘À cause d’un accident ils sont renversés en dehors du bus + le protagoniste et un policier + qui étourdi ne réalise pas que la fille s’enfuit’

20Chez les francophones monolingues, nous n’avons retrouvé que trois formes gérondives (1 % par rapport au total des subordonnées) : trois occurrences, avec une fonction causale ou temporelle. Des différences d’habitude formelle entre les deux langues au niveau de l’oralité pourraient expliquer ces résultats. Mais que se passe-t-il chez nos bilingues ? En italien, ces derniers emploient des formes gérondives (avec fonction modale ou temporelle), et infinitives (dont la fonction est temporelle), avec un pourcentage de 4 % par rapport à la totalité des subordonnées ; en français, ils n’y ont jamais recours. Or, car il s’agit de formes verbales qui comportent plus rarement des niveaux hiérarchiques, leur complexité pourrait dépendre de l’emploi plus ou moins fréquent qu’une certaine communauté de locuteurs en fait, et donc d’un entraînement formel : les francophones monolingues ne les utilisant pas beaucoup, nous pouvons supposer que les bilingues font de même en français ; pour l’italien des bilingues, ils les emploient, mais moins souvent que les italophones monolingues, notamment ils évitent les participiales, à savoir des structures dont la complexité est due à leur caractère particulièrement « condensé ». Des données supplémentaires à recueillir pourraient donner plus de validité à ce résultat provisoire.

4.2 – L’enchaînement causal et final

21Une deuxième dimension que nous avons testée, en termes de complexité, par rapport à nos données, concerne l’enchaînement causal et final, dont l’expression reflète la bonne organisation faite par le locuteur d’un texte narratif au niveau de la cohérence sémantique. Nous reprenons l’idée que la représentation mentale d’un texte (narratif ou autre) possède une structure séquentielle et hiérarchique où la cohérence est assurée par la connectivité entre les nœuds qui forment une telle structure (cf. Givón, 1995, mais aussi le schéma de Nezworsky, Stein & Trabasso, 1982 ; Trabasso & Sperry, 1985 ; Trabasso, van den Broek & Young Suh, 1989, tout comme la théorie de la Quaestio de Klein & von Stutterheim, 1989, 1991) : or, par rapport à une narration : l’enchaînement causal et final incarne – de concert avec l’enchaînement temporel – la façon la plus structurante de bâtir un texte narratif bien fondé. La chronologie est certainement importante au sein d’une narration : elle en représente l’organisation « naturelle », mais elle ne suffit pas du tout à la compréhension des liens causaux et finaux qui caractérisent l’histoire de la séquence visionnée.

22Il s’agit donc dans ce paragraphe d’étudier les narrations de nos locuteurs dans la perspective de l’enchaînement causal et final à partir de toutes les marques formelles attestées, qui nous permettront d’explorer le caractère plus ou moins explicite, et donc plus ou moins transparent de ces enchaînements en termes interactionnels. Le tableau qui suit illustre les propositions causales et finales aussi bien que les énoncés introduits par donc, comme ça, en effet, alors et leurs équivalents italiens (dunque/quindi, così, infatti, allora) lorsqu’ils ont une fonction hiérarchisante entre le résultat et la cause.

Tableau 4

Relations causales et finales[7]

Tableau 4
Italien des mono- lingues % Italien des bilingues % Français des mono- lingues % Français des bilingues % Proposi- tions Cau- sales Perché 9 + 1?, visto che 1, poiché 2, per 1 ; géron- dives 3 3 % perché 21, poiché 2, géron- dives 1 6 % parce que 17, vu que 1, comme 3, pour 2 3,50 % parce que 16, car 4, puisque 1 5 % Proposi- tions Finales per 13, a 3, di 2 3,50 % per 20, in modo che 1 5 % pour 24, pour que 5 4,50 % pour 9 2 % Autres marques causales quindi 5, infatti 1, così 1 ?, allora 9 3 % quindi 8, dunque 2, così 1, allora 20 7 % donc 42, comme ça 1, en effet 1, alors 3 7 % donc 20, alors 3, comme ça 1 6 % Combi- naison de marques – – quindi per questo (causaux) 1 0,23 % donc pour (finaux) 1, donc comme ça 1 (causaux) 0,31 – – Totaux et % (sur total proposi- tions) 49 + 2? 10 % 77 18 % 100 16% 54 14%

Relations causales et finales[7]

23Le tableau 4 montre une différence entre les narrations en italien et en français des monolingues concernant les « autres marques causales », plus nombreuses en français, notamment donc (cf. Carroll & Lambert, 2005, 2006). Ce résultat est en accord avec ce que ces deux auteurs ont observé chez les francophones adultes (tout en utilisant un test différent du nôtre pour le recueil de leurs données), et confirmerait la « perspective causale » que les locuteurs francophones ont tendance à sélectionner lorsqu’ils produisent des structures narratives. Quant aux italophones, leurs narrations révèlent un équilibre net entre la complexité des liens causaux et celle des liens temporaux (pour une analyse temporelle de nos textes, cf. § 4.3). Pour ce qui est des bilingues, leurs textes sont certainement complexes en termes de hiérarchisation causale et ne présentent aucune ambiguïté à cet égard, ce qui prouve la très bonne compétence discursive de ces locuteurs par rapport au texte narratif oral en français et en italien ; notamment, le pourcentage de marques causales est un peu inférieur à celui des francophones (cf. textes des bilingues en français) mais nettement supérieur à celui des italophones (cf. leurs textes en italien), ce qui veut dire que les bilingues ont tendance à introduire une « perspective causale » dans les deux langues.

24Quelques observations s’imposent pour le niveau formel. Tout d’abord, les francophones monolingues exploitent plus fréquemment des marques de causalité moins explicites, notamment le donc causal, ce qui n’est pas le cas chez les italophones monolingues, chez qui il y a un net équilibre entre les marques spécifiquement causales (perché, poiché, etc.) et les polyfonctionnels quindi, infatti, allora et così. Voici deux passages, respectivement en français et italien, de monolingues :

[7]
François, monolingue
Alors Charlie Chaplin reçoit une lettre de recommandation pour sortir de la prison et il va travailler dans un chantier naval où il doit ramener du bois + et en effet il prend une cale mais elle est déjà utilisée donc il l’enlève et il fait partir le bateau dans la mer + donc il se retrouve sans travail en plus il est tout seul dans la rue il a faim + et donc il décide de retourner en prison + de voler + et donc il est dans la rue… et il décide encore une fois de voler + donc il va dans un restaurant il prend à manger et il part sans payer… après la fille dit « viens » et donc ils se retrouvent tous les deux à côté d’une maison où ils voient un couple + et ils pensent qu’ils doivent être heureux d’avoir une maison comme ça + donc ils décident d’avoir une maison et dix jours plus tard la fille dit qu’elle avait trouvé une maison et donc elle dit « viens viens » + et donc ils rentrent et déjà il n’y a pas mal de choses qui se cassent… ils n’aimaient pas être là-dedans et donc à la fin ils partent ensemble
[8]
Marco, monolingue
Dopo la morte del padre di lei il tizio dà a Charlie Chaplin una lettera + che dovrebbe essere una lettera di raccomandazione per trovare lavoro + e va a lavorare in un cantiere navale + e poiché il suo datore di lavoro gli chiede di trovare la legna lui toglie un pezzo di legno da sotto alla barca e la fa scivolare in mare + comunque nello stesso momento la ragazza va a rubare un pezzo di pane e sta per essere arrestata quando Charlie Chaplin si prende la responsabilità poiché crede che in prigione ha vitto e alloggio garantito… poi eh allora vuole andare in prigione ma poiché c’è una testimone che incolpa la ragazza allora arrestano la ragazza + lui Charlot cerca in tutti i modi di essere arrestato + alla fine ci riesceva nel pullman della polizia e incontra la ragazza + il mezzo subisce un incidente e sbalzano fuori loro due e il poliziotto stordito + allora Charlot indica alla ragazza di scappare ma lei gli dice che lo deve seguire + dopo un po’ loro due vanno a vivere in una catapecchia che però anche se è brutta loro due cioè ci vivono come se è una reggia + il film finisce vedendo loro due che si incamminano su una lunga strada
‘Après la mort du père à elle le type donne à Charlie Chaplin une lettre + qui devrait être une lettre de recommandation pour trouver du travail + et il va travailler dans un chantier naval + et puisque son employeur lui demande de trouver du bois il enlève un morceau de bois d’en dessous un bateau et le fait glisser vers la mer + de toute façon en même temps la fille va voler un morceau de pain et est en train d’être arrêtée lorsque Charlie Chaplin prend sur lui la responsabilité puisqu’ il croit qu’en prison il a nourriture et logement garantis… puis eh alors il veut aller en prison mais puisqu’il y a un témoin qui accuse la fille alors ils arrêtent la fille + lui Charlot essaie de toutes les manières d’être arrêté + finalement il y arrive il monte sur le camion de la police et rencontre la fille + la voiture fait un accident et ils sont éjectés dehors + les deux et le policier étourdi + alors Charlot fait signe à la fille de s’enfuir mais elle lui dit qu’il doit le suivre + après quelque temps les deux vont vivre dans une baraque qui toutefois + même si elle est moche + les deux y vivent comme si c’était un palais royal + le film se termine avec les deux qui se mettent en route sur une longue rue’

25Comme on le voit dans l’exemple 7, en français monolingue les narrations peuvent, en termes causaux, être structurées par le seul emploi de donc, ce qui en italien n’arrive jamais avec ses équivalents, quindi et dunque, qui sont toujours remplacés par d’autres moyens causaux plus spécifiques (cf. ex. 8) ; d’ailleurs, les narrations des italophones monolingues ne présentent jamais un nombre élevé de marques causales (cf. ibid.)

26Quant aux bilingues, ils montrent, de manière similaire aux francophones, une préférence pour des marques sémantiquement et discursivement moins explicites, à savoir donc, en français, et allora, en italien. La sélection de allora, notamment, semble répondre à la « nécessité » d’un marqueur causal simple qui ne peut pas être dunque ou quindi, car les bilingues ont quelque part conscience de la fréquence plus rare de ces items en italien par rapport au français donc. Voici un passage d’un bilingue en italien :

[9]
Francesco, bilingue
Per sbaglio toglie un pezzo di legno che doveva tenere la nave in modo che non cadesse in mare allora lui lo toglie e la nave cade in mare + allora perde di nuovo il lavoro + allora lui decide di ritornare in prigione + allora si prende il merito dei furti però non lo mandano in prigione + allora va in un ristorante e inizia a mangiare tantissimo ‘Par erreur il enlève un morceau de bois qui devait maintenir le bateau de manière à ce qu’il ne tombe pas dans la mer et le bateau tombe dans la mer + alors il perd le boulot à nouveau + alors il décide de retourner en prison + alors il se prend le mérite des vols mais on ne l’envoie pas en prison + alors il va dans un restaurant et commence à manger beaucoup’

27Toujours chez les bilingues, il faut remarquer que, dans leurs narrations en français, ils ne sélectionnent jamais de marques telles que pour que et comme, mais ils en emploient d’autres que les francophones ne préfèrent pas, à savoir puisque et car. Le décalage dans le rapport entre français écrit et français oral dans leur expérience quotidienne (tous parlent italien une fois sortis de l’école mais utilisent le français pour leur devoirs) peut probablement expliquer ces choix.

4.3 – L’enchaînement temporel

28Dans ce paragraphe nous commenterons les moyens d’expression temporelle externes au verbe que nos quatre groupes d’informateurs ont employés dans leurs narrations (cf. Bronckart, 1984 ; Demagny & Paprocka- Piotrowska, 2004 ; Fayol, 1984). Le tableau 5 illustre le type de connecteurs temporels que les groupes utilisent pour les relations chronologiques (succession, simultanéité, antériorité, soudaineté, durativité), en mettant en évidence le pourcentage des items temporels sur le total des mots produits par chaque groupe. Les tableaux 6 et 7, en revanche, fournissent, respectivement, des informations sur la fonction chronologique des propositions de type temporel et sur les connecteurs les introduisant.

Tableau 5

Marques temporelles externes au verbe

Tableau 5
Types de marques Italien des monolingues Italien des bilingues Types de marques Français des monolingues Français des bilingues Poi (‘puis’) 19 20 après (ça) 44 14 après + SV/Adv/SN temporel, SN après 4 5 poi + SV/Adv temporel 2 2 ensuite 3 4 puis 3 6 da poco (‘depuis peu’) 1 puis + SN, puis après 2 dopo (‘après’) 2 puis + SV temporel 1 dopo poco, dopo + SN/SN + dopo etc. 25 10 un jour 1 finalmente, alla fine (‘finalement, à la fin’) 4 9 à la fin 6 5 infine (‘enfin’) 1 enfin 1 1 alla fine/nell’ultima parte del film (‘à la fin/dans la dernière partie du film’) 4 finalement 3 ad un certo punto (‘à un certain moment’) 2 3 à un moment 2 un (altro) giorno, il giorno seguente etc. (‘un (autre) jour, le jour suivant’) 4 à ce moment là 6 2 à un certain moment 1 à cet instant 1 nel frattempo (‘dans l’entre-temps’) 1 1 tout à coup, du coup 3 a lungo nel tempo (‘longuement dans le temps’) 1 le lendemain 1 subito (‘immédiatement’) 1 en même temps 1 1 nello stesso momento (‘en même temps’) 1 d’abord 1 une seconde après 1 tutto a un tratto (‘d’un coup’) 1 pendant un moment 1 mots temporels sur total mots 63/2957 (2 %) 83/2235 (4 %) mots temporels sur total mots 52/3628 (1 %) 40/2446 (2 %)

Marques temporelles externes au verbe

Tableau 6

Propositions temporelles

Tableau 6
Informa- teurs Propositions temporelles Succession Simultanéité Durativité Antériorité Total finies non finies finies non finies finies non finies finies non finies finies non finies italien d’italo- phones 1 8 4 2 1 – 1 1 7 11 italien de bilingues 1 2 5 2 – – – 2 6 6 français de franco- phones 3 – 7 – – – – 1 10 1 français de bilingues 1 – 6 – – – – – 7 –

Propositions temporelles

Tableau 7

Marques introduisant les propositions temporelles

Tableau 7
Connecteurs propositionnels Italien des monolingues Italien des bilingues Types de marques Français des monolingues Français des bilingues dopo + infinitive ‘après’ 6 2 après + SV fini 1 1 dopo + SV fini ‘après’ 1 nel frattempo (‘entre-temps’) 1 avant + infinitive 1 mentre (‘pendant’) 3 4 quand 6 (simultanéité) + 1 (succession) 4 (simultanéité) quando (‘quand’) 1 1 succession au moment où 1 una volta (+ participiale) ‘une fois’ 2 pendant 2 fin quando (‘jusqu’à quand’) 1 prima + infinitive (‘avant’) 1 3

Marques introduisant les propositions temporelles

29Les italophones monolingues emploient un pourcentage de marques temporelles externes (cf. tableau 5) plus élevé que les francophones monolingues, bien que la différence ne soit pas énorme. L’intérêt majeur repose, toutefois, dans le fait que les bilingues produisent plus de marques temporelles que les monolingues, en italien aussi bien qu’en français. Cette considération, en accord avec ce que nous avons observé pour la perspective causale dans le paragraphe précédent, nous conduit à affirmer que les bilingues accentuent certaines caractéristiques des langues qu’ils ont apprises, en transférant de l’une vers l’autre des traits de la perspective narrative spécifique à chaque langue : les liens temporels, par exemple, sont plus fréquents dans les narrations en français des bilingues que chez les francophones monolingues ; les liens causaux, à leur tour, sont également plus employés en italien par les bilingues que par les italophones monolingues (cf. § 4.2.).

30En termes de complexité, si l’on considère que les bilingues emploient tout type de relation temporelle (succession, antériorité etc.), il est possible d’affirmer que leurs narrations ne sont pas plus simples que celles des monolingues. Cependant, une observation s’impose pour les propositions temporelles non finies : les bilingues, en italien tout comme en français, n’utilisent jamais de participiales (cf. le concept de complexité condensatrice en § 3.1.), ce qui arrive en revanche dans l’italien des monolingues ; voici un passage :

[10]
Andrea, monolingue
Una volta uscito di prigione. si reca in un cantière navale ‘une fois sorti de prison… il se porte dans un chantier naval’

31En termes formels, dans le français des bilingues, nous avons identifié des tournures syntaxiques qui sont propres à ces derniers, à savoir des propositions temporelles introduites par après queimparfait [11], l’usage de quand duratif [12] et la combinaison contrastante de quand avec la locution à un certain moment, qui marque un événement imprévu [13].

[11]
Francesco, bilingue
Elle rencontre Charlie Chaplin après qu’elle devait être renvoyée à l’*orfanotrofio* [= orphelinat]
[12]
Alessandra, bilingue
Quand ils sont dans la voiture pour aller en prison eh ils se rencontrent lui et la fille
[13]
Noemi, bilingue
Et quand à un certain moment il prend un morceau de bois il laisse partir un bateau

32Toujours pour le niveau formel, notamment pour les connecteurs temporels, les différences entre monolingues et bilingues sont faibles, se limitant, pour ces derniers, à une variété un peu plus réduite des moyens employés (absence, dans leurs narrations en français, de tout à coup, du coup, pendant un moment, etc. et, en italien, de subito, nello stesso momento, etc.).

4.4 – La référence aux entités

33Dans ce paragraphe nous explorerons la façon dont les sujets bilingues interviewés maîtrisent le système de la référence aux protagonistes. Nous partons de l’hypothèse que le « mouvement référentiel » (cf. Klein & von Stutterheim, 1989, 1991) étant un phénomène textuel complexe à gérer, en termes sémantiques aussi bien que formels, les informateurs bilingues pourraient montrer des défaillances quant à sa gestion [8] à cause des différences entre l’italien et le français. En effet, tout en étant très proches en termes génétiques, les deux langues se différencient de manière remarquable quant à la gestion formelle de la référence aux entités (animées ou inanimées) pour les raisons qui suivent :

  1. l’italien est une langue pro-drop avec annulation du sujet en topique tandis que le français est une langue à sujet obligatoire ;
  2. l’italien est une langue phonétiquement transparente où les accords référés au genre féminin et masculin sont (presque) toujours saillants, ce qui n’est pas toujours le cas pour le français oral.
Or, la confrontation de nos quatre groupes de sujets ne montre qu’un nombre très faible de références ambiguës, ce qui prouve que le système de la référence aux entités est bien maîtrisé au niveau cognitif et interactionnel, chez les monolingues tout comme chez les bilingues. L’épisode, notamment, qui, chez tous nos groupes d’informateurs, présente souvent des ambiguïtés est celui de l’accident routier où le camion de police ramenant Chaplin et la jeune fille en prison se heurte à des voitures. Dans cet épisode tous les groupes montrent une tendance à introduire un policier qui tombe par terre avec Chaplin et la fille, à la suite de l’accident, comme une entité déjà connue par l’interlocuteur, ce qui n’est pas le cas. Cela pourrait cependant s’expliquer par le fait que l’arrestation des personnages par la police laisse présupposer un moyen de transport les ramenant en prison et des policiers les accompagnant. Voici quelques passages illustrant l’épisode en question :

[14]
Marco, monolingue
Alla fine va nel pullman della polizia… il mezzo subisce un incidente e sbalzano fuori loro due e il poliziotto
‘à la fin il [= Chaplin] va dans le camion de la police… le moyen a un accident et eux deux et le policier ils sont éjectés dehors’

34Dans les narrations des bilingues un problème spécifique se pose au plan formel : des transferts de l’italien vers le français et vice-versa ont lieu dans la gestion des formes pronominales ; en voici des exemples :

[15]
Noemi, bilingue
La donna comincia a piangere e Charlie Chaplin le dà un fazzolettino per asciugarsi le lacrime + poi essa va davanti al poliziotto et… dopo aver corso essi si siedono sotto a un albero ‘la femme commence à pleurer et Charlie Chaplin lui donne un mouchoir pour s’essuyer les larmes + puis elle va chez le policier et… après avoir couru ils s’assoient sous un arbre’
[16]
Alessandra, bilingue
Alors Charlie Chaplin reçoit une lettre + pratiquement il sort de prison et devient libre et cette lettre peut *lui* aider à trouver un travail…
[17]
Carlotta, bilingue
Et *lui* va dans ce quartier où ils ont construit des bateaux… la police *leur* cherchait
[18]
Eugenio, bilingue
Alors ils *lui* font sortir
[19]
Fabiola, bilingue
Et alors il va voir la maison mais ^était une maison horrible… et à la fin ils s’échappent et *on* s’en vont ensemble
[20]
Victoria, bilingue
Il y a une histoire d’une autre femme *que* son père meurt… elle dit *à le* propriétaire des choses… e *lui* dit pour sauver *elle* que c’est lui qui a volé le pain

35Comme on le voit dans les extraits ci-dessus, le problème majeur en français pour les bilingues ne provient pas, comme on aurait pu s’y attendre, de l’expression d’un sujet en topique (le sujet, notamment ce, n’est annulé que dans un seul contexte [19], mais du choix des formes pronominales et, plus rarement, de leur positionnement après plutôt qu’avant le verbe [20]. De plus, la sélection des formes pronominales peut résulter des interférences avec l’italien, à cause de l’emploi de lui comme sujet syntaxique ([17], [20]), qui s’inspire de l’italien lui, la seule forme que les italophones emploient comme sujet syntaxique dans la langue parlée (cf. aussi lei pour le féminin et loro pour le pluriel), là où il apparaît nécessaire de l’exprimer. Le placement de elle après le verbe tout comme la préposition non amalgamée à le devant un mot commençant par une consonne [20] peuvent également s’expliquer par le transfert de l’italien. Une interférence inverse, du français vers l’italien, est constatée dans la narration de Noemi [15], qui, de façon tout à fait inattendue, a recours aux formes essa et essi (plutôt qu’à lei et loro) – qui n’existent que dans l’italien écrit ou, beaucoup plus rarement, dans des discours publics extrêmement formels – probablement par transfert des formes françaises elle et ils, auxquelles essa et essi correspondent en termes sémantiques aussi bien que syntaxiques. Les autres erreurs exemplifiées par les passages ci-dessus ([16], [18], [19]) sont, en revanche, similaires à ce que l’on constate chez les apprenants adultes de L2. L’emploi du pronom relatif que à la place de dont, dans l’exemple [20], finalement, peut s’expliquer par un phénomène de simplification interlinguistique mais aussi par un transfert de l’italien, où la réduction à che (= fr. que/qui) de tout pronom relatif correspond à une simplification courante dans la langue parlée (surtout dans les variétés d’italien de bas niveau culturel).

36Dans l’ensemble les erreurs formelles des bilingues quant au système de la référence aux protagonistes ne sont pas nombreuses (14) et n’apparaissent qu’en français, car, pour l’italien, essa et essi, bien que « trop » formels, restent acceptables.

5 – Réflexions conclusives

37Dans cette étude, nous nous sommes intéressée à certains phénomènes complexes mis en place par un groupe de locuteurs bilingues (italien / français) lors de la production de textes narratifs oraux adressés à des interlocuteurs ignorant les faits narrés. Les phénomènes investigués ont été supposés complexes au niveau cognitif et interactionnel aussi bien que formel (structures syntaxiques, relations causales et temporelles, maintien de la référence aux protagonistes), car ils se situent au sein d’une tâche linguistique cognitivement complexe, qui demande la mise en place de moyens aptes à hiérarchiser des contenus en termes causaux, finaux et temporels, contenus que plusieurs protagonistes contribuent à créer.

38Les questions théoriques que nous avons soulevées sont les suivantes :

  1. est-il possible que, au cours d’une narration orale, des sujets bilingues (acquisition précoce, à savoir avant cinq ans) aient recours aux mêmes types de phénomènes complexes que des sujets monolingues ?
  2. la présence éventuelle de difficultés ou simplifications est-elle liée à la dimension complexe de la langue ou à d’autres facteurs (cohérence sémantique, interaction…)?
Or, les narrations de nos adolescents bilingues montrent quelques phénomènes de simplification mais pas de défaillances importantes dans aucune des langues qu’ils connaissent et emploient de façon quotidienne. Les différences par rapport aux monolingues se situent au niveau de la langue et non pas au niveau cognitif ou interactionnel, car elles reposent sur : (a) le caractère plus réduit des narrations ; (b) les choix lexicaux et syntaxiques influencés par le transfert d’une langue vers l’autre ; (c) le manque relatif de complexité syntaxique, notamment avec l’évitement de structures « condensées » de type participial et le nombre d’enchaînements propositionnels (relativement) moins grand par rapport à l’italien des monolingues ; (d) le mélange de perspective par rapport aux principes organisationnels de la narration, à savoir le recours aux principes temporels et causaux plus accentué par rapport aux choix des monolingues. Or, aucun des points que l’on vient de citer ne peut être rapporté au niveau de la cohérence sémantique, et donc de la cognition, ou des défaillances interactionnelles [9]. Il s’agit plutôt de différences qui se justifient, d’un côté, par la fonction un peu plus dominante de l’italien dans la vie quotidienne de nos sujets, de l’autre côté, par l’impossibilité évidente pour le cerveau humain, et donc pour tout bilingue, d’opérer une séparation nette entre les systèmes linguistiques appris et quotidiennement mis en œuvre. En effet, bien que la neurolinguistique contemporaine penche, dès les années quatre-vingt-dix, pour une séparation au niveau cognitif entre les deux systèmes langagiers du sujet bilingue, cela n’empêche pas qu’il y ait des processus d’interaction entre les deux systèmes qui peuvent toucher à tout niveau (morphologie, syntaxe etc.) de la langue (cf., par exemple, Fabbro, 2002 ; Kovelman, Baker & Petitto, 2008), ce que nos résultats semblent confirmer.

39Malgré l’intérêt de ces conclusions, rappelons que nous n’avons pu observer que trente locuteurs. Dès lors, nous devrons élargir dans le futur la base de données pour une compréhension plus exhaustive des phénomènes analysés.

Bibliographie

Références

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Date de mise en ligne : 06/12/2013.

https://doi.org/10.3917/tl.066.0073

Notes

  • [*]
    Università degli Studi di Napoli Federico II
  • [1]
    Depuis quatre ans l’État français a imposé un nombre plus limité d’heures en italien.
  • [2]
    Il n’a pas été possible d’interviewer plus de dix sujets bilingues car au moment de l’enquête l’École française de Naples n’avait que ce nombre d’élèves en dernière année de collège. Il faut aussi remarquer que, du moins à Naples, l’École française n’a pas de lycée.
  • [3]
    Nous avons utilisé le système de transcription CHAT (MacWhinney, 2000).
  • [4]
    Tous les auteurs ne sont cependant pas d’accord sur l’idée que la récursivité soit un phénomène nécessaire et évolutif du langage humain comme le veulent des auteurs tels que Chomsky (cf. par exemple, le chapitre de Bickerton dans Givón, 2009).
  • [5]
    Pour les passages proposés nous avons adopté les conventions de transcription qui suivent : + pour la pause brève ; ** pour un mot dans une langue différente de celle que l’informateur est en train d’utiliser ; / pour les auto-reformulations ; ^ pour l’absence d’un constituant nécessaire ; [] pour les suggestions du transcripteur.
  • [6]
    À propos de la relation entre finitude et complexité formelle et textuelle, cf. Givón (1995).
  • [7]
    Voici la traduction des prépositions et mots causaux et finaux italiens : perché = parce que ; poiché = puisque, car ; visto che = vu que ; quindi / dunque / così = donc ; infatti = en effet ; allora = alors ; per questo = pour cela ; in modo che = de façon à ce que ; per = pour ; a = à ; di = de. En outre, le point d’interrogation réfère à des remarques dont la fonction est ambigüe.
  • [8]
    Plusieurs travaux ont démontré que la maîtrise de la référence aux entités se développe progressivement au long de l’enfance en révélant une bonne mise en place chez les 9-10 ans (cf. Hendriks, 1999, 2000 ; Hendriks, Watorek & Giuliano, 2004 ; Hickmann, 1995, 1996, 2004). Giuliano (2006 et sous presse), démontre, cependant, que ce résultat n’est pas forcément vrai pour les enfants vivant dans un milieu culturellement défavorisé.
  • [9]
    Pour des défaillances interactionnelles et de cohérence chez des adolescents italophones, cf. les études de Giuliano (2006 et sous presse) sur des adolescents culturellement défavorisés dans la région de Naples.
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