Couverture de TH_772

Article de revue

Le partage d'émotions et de connaissances sur la pratique : dynamiques des échanges dans les communautés de pratique virtuelles de professionnels

Pages 177 à 202

Notes

  • [1]
    Télécom ParisTech, 46 rue Barrault, 75013 Paris. Département Sciences Economiques et Sociales (SES). E-mail : magaliprost@gmail.com
  • [2]
    Télécom ParisTech, 46 rue Barrault, 75013 Paris. Département Sciences Economiques et Sociales (SES). E-mail : beatrice.cahour@telecom-paristech.fr
  • [3]
    Télécom ParisTech, 46 rue Barrault, 75013 Paris. Département Sciences Economiques et Sociales (SES). E-mail : françoise.detienne@telecom-paristech.fr
  • [4]
    Nous ferons référence au soutien psychologique en tant qu’effet possible des comportements de soutien correspondant à l’atténuation du vécu émotionnel négatif de la personne en détresse.
  • [5]
    L’étude présentée dans cet article fait partie d’une étude plus large sur les fonctions des forums entre professionnels dans laquelle une partie des participants aux discussions étudiées a été interviewée.
  • [6]
    Les forums étudiés sont dédiés à des professionnels de l’éducation (professeurs des écoles et éducateurs spécialisés) dont tout un pan de la pratique professionnelle a trait à des compétences relationnelles. Les participants peuvent ainsi faire part d’une situation émotionnelle difficile en lien avec un problème relationnel et acquérir, grâce aux échanges, des connaissances sur le positionnement à adopter. Les échanges sont dans ce cas autant tournés vers les émotions que vers l’acquisition de connaissances.
  • [7]
    Étant donné la faible proportion d’interactions socio-émotionnelles négatives et des interactions épistémiques basées sur une expérience émotionnelle positive, nous avons fait le choix de ne plus les représenter dans la suite des résultats.
  • [8]
    Des auteurs tels que Pfeil & Zaphris (2007) distinguent les manifestations de soutien émotionnel selon qu’elles soient stéréotypées ou profondes (personnalisation).

I – Introduction

1Les technologies de communication liées à l’Internet favorise l’essor d’espaces virtuels qui peuvent compléter, voire suppléer les échanges qui ont lieu dans la vie réelle. Bien que la notion de communauté virtuelle fasse encore débat, elle renvoie généralement à un regroupement de personnes ayant des échanges réguliers autour d’un intérêt commun par l’intermédiaire d’un réseau informatique (Maloney-Krichmar & Preece, 2005). Les communautés prennent différentes appellations et adoptent des modes d’interaction qui conviennent à leur réalité (Develotte & Mangenot, 2004). On trouve des communautés de soutien virtuelles au sein desquelles des personnes recherchent de l’entraide (par ex., patients atteints d’un cancer) ; des communautés de pratique virtuelles (COPv) dont les membres cherchent à mutualiser une expertise (par ex., professionnels) ; et des communautés épistémiques au sein desquelles les participants ont un objectif de production de connaissances (par ex., wikipédia). Les études qui se sont intéressées aux échanges sur les forums ont tantôt axé leur analyse sur le partage d’émotions (Malik & Couslon, 2008 ; Pfeil & Zaphiris, 2007), tantôt sur l’acquisition de connaissances (Babinski, Jones, & DeWert, 2001 ; Chanier & Cartier, 2006 ; Hara & Hew, 2007). Cet article a pour objectif d’analyser la nature des échanges sur les forums entre professionnels afin de déterminer dans quelle mesure le besoin de partager ses émotions existe dans ces communautés dédiées aux échanges entre praticiens. Nous examinerons sous quelle forme et à quelle fréquence le partage d’émotions et de connaissances apparaissent dans ces communautés ; s’il existe des patterns de séquences d’interaction entre initiateurs et réactants dans les discussions, et selon quelle(s) dynamique(s) interactionnelle(s) le partage d’émotions et de connaissances évoluent au fil des échanges. La littérature s’est essentiellement focalisée sur les communautés de soutien virtuelles dans le champ de la santé, alors que le partage d’émotions pourrait aussi avoir lieu via les forums dédiés aux professionnels. Ces espaces virtuels présentent l’avantage de préserver l’anonymat pour échanger avec des collègues ayant les mêmes difficultés professionnelles. L’étude présentée dans cet article s’intéresse ainsi aux moyens mobilisés par les individus pour gérer des situations professionnelles difficiles hors de leur lieu de travail. Aller sur un forum de discussion afin de discuter et résoudre ses difficultés professionnelles peut être considéré comme une stratégie de recherche de soutien social. La recherche de soutien est une initiative de la personne pour trouver de l’aide (informations, conseils, réconfort) auprès d’autrui (Ponnelle & Lancry, 2002 ; Vitaliano, Maiuro, Russo, Katon, DeWolfe, & Hall, 1990). Nous considérons le soutien social comme une dynamique interactionnelle (Tichon & Shapiro, 2003) composée (a minima) du partage social d’émotions négatives, des comportements de soutien de l’auditeur et de l’appréciation subjective du soutien apporté.

2Après avoir rappelé les principaux travaux sur les communautés de pratique virtuelles et ceux sur les communautés de soutien virtuelles, nous exposerons les objectifs de l’étude et la méthodologie mise en place. Les résultats seront ensuite présentés et discutés au regard de la littérature sur les communautés virtuelles.

I.1 – Les communautés de pratique virtuelles : études centrées sur l’acquisition de connaissances et de compétences

3Le concept de « communauté de pratique » (COP), introduit en 1991 par Lave & Wenger, est défini par Wenger (1998) comme un groupe d’individus qui partagent une préoccupation et s’organisent pour développer leurs connaissances, améliorer leurs savoirs et leurs savoir-faire à travers des interactions régulières et soutenues. Les COP ont deux caractéristiques principales dont la première est la pratique partagée par tous les membres. La pratique relève du « faire » qui inclut à la fois le registre de l’explicite (le langage, les outils, les documents, etc.) et le registre du tacite (relations implicites, conventions, etc.) (Chanal, 2000). Les participants développent, par la pratique, un répertoire partagé (connaissances empiriques, théoriques, procédurales, etc.) et une variété d’activités tels que la résolution de problèmes, le partage d’expérience, la réflexion sur la pratique plus globale (Wenger, 1998). Chaque membre alimente ainsi la communauté de pratique grâce à son expérience et s’appuie en retour sur les connaissances des autres. La seconde caractéristique des communautés de pratique est l’acquisition de connaissances qui repose sur le processus de négociation de sens composé de la participation (expérience des acteurs engagés dans les projets de la communauté) et de la réification (fixation de l’expérience par des outils tels que des concepts, méthodes, histoires, etc.) (Ibid.). La production de sens est favorisée par les échanges au sein de la communauté de pratique. Cette perspective constructiviste est couramment retrouvée en ergonomie pour laquelle l’apprentissage à partir de l’action est tout autant nécessaire que l’apprentissage par l’action (Weill-Fassina & Pastré, 2004). L’activité d’analyse (ou travail réflexif) permet de donner du sens à nos expériences et construire des connaissances sur la manière de traiter un problème ainsi que sur sa capacité à évaluer ses ressources pour les adapter à la situation (Ibid.).

4Les technologies de communication permettent l’émergence de communautés de pratique virtuelles (Benghozi, Bitouzer, Soulier, & Zaclklad, 2001). Hormis l’étude d’Akrich (2010) sur une communauté de patients, les travaux sur les COPv s’intéressent à des personnes en formation (par ex., enseignants, soignants). Le recours au forum est considéré comme une stratégie pédagogique qui favorise la pratique réflexive et l’apprentissage (Chanier & Cartier, 2006 ; Daele & Charlier, 2006). Le forum peut ainsi servir de levier pour faciliter les apprentissages collaboratifs (Charlier & Henri, 2004) en permettant de construire et partager l’historique d’une co-élaboration. Les échanges sur les forums peuvent aussi être consultés après-coup par des « lorgneurs » (/lurkers/), leur permettant ainsi d’alimenter leur propre réflexion sur leurs pratiques professionnelles. La fonction essentielle des COPv est orientée vers le partage d’expériences et de connaissances sur la pratique. Hormis de rares travaux sur des jeunes enseignants en difficulté (Babinski et al., 2001 ; Merseth, 1992), peu d’études se sont intéressées au partage des émotions dans les communautés virtuelles dédiées aux professionnels.

5Dans la section suivante, nous apporterons des éléments théoriques sur les communautés de soutien virtuelles qui amènent leurs membres à partager leurs émotions et leur offre ainsi un espace de soutien psychologique [4].

I.2 – Les communautés de soutien virtuelles centrées sur le partage d’emotions et la proximité relationnelle

6Les travaux sur les communautés de soutien virtuelles (« online self-help groups ») se sont essentiellement focalisés sur le partage des émotions entre pairs dans le champ de la santé, notamment sur des communautés de personnes malades (par ex., McCormack & Coulson, 2009) et de personnes âgées (par ex., Pfeil, Zaphiris, & Wilson, 2009). Selon certains auteurs, la participation aux communautés de soutien virtuelles aurait une influence sur l’amélioration du bien-être psychologique des participants comme la diminution du stress, de la dépression (Braithwaite, Waldron, & Finn, 1999 ; Merseth, 1992 ; Pfeil et al., 2009 ; Rains & Young, 2009 ; Wright, 2000 ; Wright & Bell, 2003).

7La communication empathique (Preece & Ghozati, 2001) et le dévoilement de soi (Barak & Gluck-Ofri, 2007) ont été mis en évidence comme étant deux caractéristiques de ce type de communautés. La communication empathique se manifeste, dans les échanges à travers la compréhension, le partage d’expérience émotionnel, le témoignage d’un vécu similaire et l’intérêt porté au bien-être des autres participants (Pfeil & Zaphiris, 2007). La seconde caractéristique des communautés de soutien est le dévoilement de soi (« self-disclosure »), procédé discursif le plus étudié de la communication des émotions dans les communautés de soutien en ligne. Cette notion est communément définie comme le fait de révéler à d’autres personnes des informations intimes (Barak & Gluck-Ofri, 2007). La distance physique et l’anonymat (caractéristiques des forums de discussion) semblent aider les personnes à dévoiler leurs sentiments et pensées (Pfeil et al., 2009 ; Wright, 2000). Le dévoilement de soi peut couvrir plusieurs fonctions dans les échanges en ligne (Tichon & Shapiro, 2003) : (a) dévoiler ses émotions négatives tend à favoriser une réponse empathique. Plusieurs auteurs confirment que cette stratégie est plus fréquemment observée que la demande de soutien émotionnel explicite (Pfeil & Zaphiris, 2007 ; Preece, 1999 ; Prost, Cahour, & Détienne, 2013) ; (b) le réactant peut faire part d’une de ses expériences plutôt que de donner des conseils directs et explicites (Pfeil et al., 2009 ; Wright, 2000) ; (c) les interlocuteurs peuvent se dévoiler pour partager des moments de complicité. Partager des expériences émotionnelles avec d’autres favorise la création de relations fortes (Parks & Floyd, 1996 ; Pfeil & Zaphiris, 2007, 2009 ; Preece, 1999 ; Preece & Ghozati, 2001). Le dévoilement de soi peut également couvrir d’autres fonctions comme permettre aux participants de procéder à une comparaison sociale qui peut être (a) source de réassurance (Walther & Boyd, 2002) ; (b) normaliser une expérience, réduire l’isolement émotionnel et créer un sentiment d’appartenance (Helgeson & Gottlied, 2000) ; (c) aider à prendre des décisions ou encore enrichir leur référentiel de situations connues (Malik & Coulson, 2008).

8Certains auteurs ont cherché à mettre en évidence des patterns de séquences d’interaction dans les échanges entre les participants. Les travaux de Barak & Gluck-Ofri (2007) et Rollman & Parente (2001) ont mis à jour le phénomène de réciprocité du dévoilement de soi émotionnel dans les communautés de soutien virtuelles. Partager ses émotions négatives serait un bon déclencheur d’empathie (Pfeil & Zaphiris, 2007) et la séquence « dévoilement de soi-empathie-dévoilement de soi » serait à la base de la viabilité de la communauté de soutien en ligne.

9Après avoir rappelé les principales caractéristiques des COPv et des communautés de soutien virtuelles, nous allons présenter les questions de recherche de l’étude.

I.3 – Problématique

10Notre étude est organisée autour des trois questions de recherche suivantes :

  1. Dans quelle mesure les contributions des participants des COPv relèvent-elles non seulement du partage de connaissances, expériences et pratiques, mais également du partage des émotions avec des pairs ? La répartition globale de ces types de contribution sera analysée dans différents fils de discussion. Leur organisation temporelle (séquences d’interaction et dynamique temporelle globale) fait l’objet des questions de recherche (b) et (c).
  2. Y a-t-il des patterns de séquences d’interaction entre initiateurs et réactants dans les discussions ? Plus précisément, les réactants pourraient avoir tendance à manifester des comportements de soutien spécifique lorsqu’un initiateur dévoile une expérience émotionnelle négative. Selon les travaux qui ont mis en exergue des patterns de séquences d’interaction qui traduisent l’empathie dans les communautés de soutien virtuelles (Pfeil & Zaphiris, 2007 ; Barak & Gluck-Ofri, 2007 ; Rollman & Parente, 2001), ce soutien pourrait se manifester par du soutien émotionnel explicite et/ou par le témoignage d’un vécu émotionnel similaire.
  3. Y a-t-il des dynamiques particulières de co-évolution temporelle du partage d’émotions et du partage de connaissances ? Alors que certaines discussions pourraient évoluer du partage de connaissances vers du partage d’émotions, le partage d’émotions et de connaissances pourraient fonctionner en parallèle dans d’autres discussions.

II – Méthode

II.1 – Contexte de l’étude, matériel et dispositif

11L’étude a été menée sur deux forums dédiés à des professionnels dont le choix a été conditionné par plusieurs critères : la fréquentation et l’activité du forum ; l’accord des webmasteurs ; la possibilité de contacter les participants pour un entretien [5] (pour plus de détails, voir Prost, 2012). Deux forums ont été retenus pour l’analyse : lesocial.fr et enseignants-du-primaire.com. Lesocial.fr est un site internet créé en 1996 qui regroupe dix-neuf forums correspondant chacun à un métier du secteur social et médico-social. Il est présenté comme le premier site du secteur social et médico-social en France en terme de fréquentation et d’activité sur les différents forums (27059 visites / jour en octobre 2011). Ce site a pour objectif de « favoriser l’échange et la diffusion d’informations entre les différents acteurs du secteur sanitaire et social ». La modération sur ces forums est faite a priori (avant publication des messages). En accord avec l’administrateur du site, l’étude a porté sur le forum « éducateurs spécialisés ». Enseignants-du-primaire.com (EDP), créé en 1998 par un jeune enseignant, est le plus important site Internet dédié aux professeurs des écoles (119 367 membres inscrits et 98 138 visites uniques en octobre 2011). Les fils de discussion sont organisés par thèmes (par ex., « l’école primaire », « le français »). La charte du site définit le forum comme « un espace de discussion, d’échanges et d’entraide pour les enseignants du primaire, les étudiants, les parents d’élèves et tous ceux qui s’intéressent au monde de l’école primaire ». Une équipe de modérateurs vérifient les messages a posteriori (après que les messages sont publiés sur le forum).

12Treize fils de discussion issus de ces forums ont été retenus pour l’analyse. Ces discussions ont été choisies d’une part, en raison de leur thématique car nous voulions avoir un panel représentatif des thèmes abordés dans les forums ; d’autre part parce qu’elles correspondent à celles initiées par les forumeurs ayant accepté un entretien (pour plus de détails voir, Prost et al, 2013). Le tableau 1 présente une synthèse des principales caractéristiques des fils de discussion retenus pour l’analyse (forum de référence, thème de la discussion, durée, nombre de messages, nombre de participants et nombre de mots de la discussion).

Tableau 1
Tableau 1
Abréviation Forum et catégorie du forum Thème Durée en jours Nb messages Nb participants Nb mots D1 le social Educateur spécialisé Positionnement de l’éducateur spécialisé vis-à-vis d’adolescentes 12 14 8 1939 D2 le social Educateur spécialisé Ne supporte pas son travail 3 8 4 768 D3 le social Educateur spécialisé Dysfonctionnements institutionnels 6 9 4 1573 D4 EDP L’école primaire Elève qui n’aime pas l’école 1,5 6 4 854 D5 EDP Français Choix d’une méthode de lecture 3 34 13 6151 D6 EDP Organiser, préparer et gérer une classe en maternelle Pleurs quotidiens d’un élève 4 11 8 820 D7 EDP L’école primaire Agression physique par un élève 11 66 24 7907 D8 EDP Organiser, préparer et gérer une classe en élémentaire Gestion d’une classe difficile 1 6 6 936 D9 EDP Organiser, préparer et gérer une classe en élémentaire Choix programme scolaire 2 17 11 2161
Tableau 1
D10 EDP L’école primaire Lassitude de son métier 4 23 15 3359 D11 EDP L’école primaire Problèmes relationnels avec ses collègues et la hiérarchie à cause de ses absences 2 48 23 5994 D12 EDP L’école primaire Brigade, ZIL et remplaçants Gestion d’une classe difficile 4 9 7 1428 D13 EDP Organiser, préparer et gérer une classe en élémentaire Livret scolaire à améliorer 15 34 13 2651 Total 285 140 36541
Caractéristiques des discussions.
Discussions features.

13Les thèmes traités dans les fils de discussion sont représentatifs des thèmes que l’on retrouve sur ces forums (pour une analyse approfondie des thèmes, voir Prost, 2012). Ils peuvent concerner des aspects pratiques du métier (par ex., méthode de lecture, livret scolaire), des aspects relationnels avec le public (par ex., agression physique par un élève, positionnement vis-à-vis d’adolescents, gestion d’une classe difficile), des aspects relationnels avec les collègues ou la hiérarchie (problèmes liés à des absences répétées) ou encore des aspects identitaires (par ex., remise en cause de son travail, ne supporte pas son métier).

14Les fils de discussion sont plus ou moins longs, les discussions les plus courtes contiennent six messages et la plus longue comporte soixante-six messages. Leur durée dans le temps s’étale de un à quinze jours.

15Afin d’explorer le contenu des interactions et les dynamiques des discussions, les treize fils de discussion ont fait l’objet d’une analyse en profondeur.

II.2 – Analyse des données

16Les treize fils de discussion ont été finement analysés en vue d’identifier les traces d’activité qui attestent du partage social des émotions (échanges socio-relationnels) et de connaissances (épistémiques) ; puis des analyses descriptives ont été réalisées afin de mettre en évidence la répartition de ces types d’interactions, les patterns de séquences d’interaction (message de l’initiateur suivi du message du réactant) et les dynamiques typiques des échanges (point de vue plus global sur l’ensemble de la discussion).

II.2.1 – Analyse de contenu des interactions

17Parmi les différentes unités d’analyse utilisées en analyse de contenu (De Wever, Valcke, Schellens, & Van Keer, 2006) nous avons choisi l’unité thématique qui consiste à segmenter les messages en différents thèmes (ou unités de signification) utilisés comme unités d’analyse (par ex., Michinov & Michinov, 2008). Le découpage des messages en unités de signification a été mené en référence à la procédure détaillée par Strijbos, Martens, Prins, & Jochems (2006). Ces auteurs proposent une méthode de segmentation indépendante du schème de codage utilisé. Après une phase d’entrainement à la segmentation par analyse thématique, un test de validité inter-codeurs réalisé sur un fil de discussion composé de quatorze messages (discussion 1, tableau 1), a révélé que le degré d’accord pour les cinquante segments identifiés était de 81 %, attestant de la validité de la segmentation.

18Chaque segment a ensuite été codé à partir d’un schème de codage qui devait permettre de mettre en évidence les interactions centrées sur le partage de connaissances sur les pratiques et celles centrées sur le partage des émotions. Le schème de codage utilisé dans cette étude a été réalisé sur la base de la grille de codage proposée par Bales (1950) qui distingue les interactions « instrumentales » et « socio-émotionnelles ». Compte-tenu des spécificités de notre terrain [6], nous avons distingué les interactions épistémiques selon qu’elles contiennent ou non une expérience émotionnelle. Cela permet, par exemple, de savoir si le participant propose une évaluation sur la base de sa propre expérience d’une situation émotionnelle négative. Les interactions épistémiques ont été catégorisées comme « émotionnelles » dès lors que le locuteur se désigne explicitement comme le sujet des émotions ressenties. Les émotions, à valence positive ou négative, doivent être clairement exprimées afin de ne pas laisser d’ambiguïté sur le ressenti du locuteur (les smileys sont considérés comme une expression émotionnelle explicite) : « En fait, [smiley colère] je déchante pas mal depuis que je suis diplômée sur les associations, les institutions… et leurs valeurs au point parfois de vouloir changer de travail !!!! ».

19Le schème de codage utilisé contient ainsi quatre catégories principales (tableau 2).

Tableau 2
Tableau 2
Catégories principales Sous-catégories Exemples Interactions socio-émotionnelles négatives [ISEN] Tension, hostilité [T] Papillon moi je trouve que tu es grave de me trouver immonde… Et toi ??? de quel droit tu te permets de me dire immonde, sans aucune raison ? Interactions socio-émotionnelles positives [ISEP] Solidarité, soutien émotionnel explicite [S] Quand on a été agressé, on est choqué psychologiquement. Tu as besoin de t’en remettre ! C’est normal que tu sois épuisée émotionnellement. Valeur du soutien [VS] Que je suis contente de vous lire ! ! ! Cela me conforte dans ce que je fais, notamment dans les disciplines comme histoire, géo, sciences… Camaraderie, humour [H] J’ai enfin compris ce délire de moto. Elle transplane mal d’un ordi à l’autre, il faut croire, c’est pas costaud, ces machins japonais ! Interactions épistémiques avec expérience émotionnelle [IEE] Donner ou demander une direction, un conseil accompagné d’une expérience émotionnelle positive ou négative [D+ / D-] Mes premières années étaient comme toi, avec beaucoup trop de remise en question, de « culpabilité et j’ai trouvé la solution grâce à mes collègues Donner ou demander une évaluation, une opinion accompagnée d’une expérience émotionnelle positive ou négative [E+ / E-] Je suis T4 et je me pose les mêmes styles de question, je n’aime pas la « façon » dont je fais mon métier mais Je pense que c’est normal que l’on ait des passages à vide surtout en début de carrière. Donner ou demander une clarification de l’expérience émotionnelle positive ou négative [C+ /C] Je m’écarte progressivement de cap-maths, mais je patauge sur la résolution de problèmes… j’ai la sensation de me noyer dans tout ce qu’il y a à faire… Interactions épistémiques sans expérience émotionnelle [IES] Donner ou demander une direction, un conseil non accompagné d’une expérience émotionnelle [D] J’ai la certitude que si tu leur montre que tu restes, que tu n’es pas atteint par ces attaques et que tu vas continuer à faire ton travail malgré tout, elles vont cesser ces comportements. Donner ou demander une évaluation, une opinion non accompagnée d’une expérience émotionnelle [E] Ce n’est pas parce que nous travaillons dans le social que nous sommes des bénévoles. Si nous ne battons pas pour des conditions de travail convenables, ce sont les personnes dont nous nous occupons qui en pâtiront. Donner ou demander une clarification de l’expérience (non émotionnelle) [C] il y a un syndicat présent (c’est la XXX il me semble) mais la déléguée du personnel n’est pas très investie, elle n’a pas renouvelé son adhésion
Schème de codage.
Code scheme.

20Les codeurs se sont entraînés à coder et ont construit des règles de codage pour chaque catégorie et sous-catégorie. Ils ont ensuite codé séparément une même discussion représentant 14 messages composés de 50 segments (discussion 1, tableau 1). Les catégories sont exclusives, autrement dit chaque segment ne peut être codé que par un code. Le degré d’accord entre les évaluateurs a été calculé à l’aide d’un coefficient de kappa de Cohen (1960). Le résultat de ce test est de 0,81. D’après la table d’interprétation du coefficient de Kappa de Landis & Koch (1977), ce résultat montre un coefficient d’accord très satisfaisant (>0,80) entre les codeurs. Une fois la fiabilité inter-codeurs mesurée pour la segmentation et le codage, les douze autres fils de discussion ont été segmentés et codés par un seul chercheur (première auteure de l’article). Les 285 messages ont été segmentés en 824 unités de signification soit 3 unités / message en moyenne.

21Voici un extrait de la discussion 1 et du codage qui a été appliqué.

  • Initiateur : « Bonsoir, je travaille dans un institut médico éducatif et je m’adresse a vous pour une question simple : Que répondre à des enfants qui vous font savoir qu’ils souhaitent votre départ ? [IES/D] Certaines jeunes ados avec qui je travaille me demande régulièrement jusqu’à quand je suis présent [IES/C] (…) Sur le coup ça me casse toujours pas mal même si je tente de garder ma distance et que je suis convaincu de ma légitimité [IEE/C-] »
  • Réactant 1 : « Tu incarnes une autorité qui doit assurer des missions et tu n’es pas là-bas pour leur faire plaisir [IES/E] (…) Tu peux commencer par leur rappeler ton rôle dans la structure, pourquoi tu fais les choses comme cela [IES/D] (…) »
  • Réactant 2 : « je travaille dans un collège comme surveillante et je me suis arrachée les cheveux pour faire ma place [IEE/C-] j’ai remarqué qu’avec les ados les plus difficiles qui ont une rébellion totale contre l’autorité, c’est de la pure provocation pour tester les adultes [IES/E] la solution est venue quand j’ai commencé à m’intéresser à eux [IES/D] »

II.2.2 – Traitement des données

22Une fois l’analyse de contenu réalisée et pour rendre compte de la proportion de chaque type d’interaction (ce qui permettra de répondre à la question 1 : étudier la(es) forme(s) et la fréquence du partage d’émotions et de connaissances dans les échanges), nous avons quantifié les types d’interaction à partir du nombre d’unités de signification correspondant, ainsi qu’à partir du nombre de mots contenus dans chaque unité. Afin de vérifier que l’un ou l’autre de ces deux indicateurs peut indifféremment être adopté pour l’analyse des résultats, un test de corrélation (Pearson) a été réalisé entre ces deux indicateurs. Ce test a été appliqué à chacun des treize fils de discussion. Les résultats montrent un lien significatif (tous les p sont <0.001) avec des coefficients R de corrélation compris entre .80 et .97. Nous concluons que les deux indicateurs reflètent le type d’interaction de manière comparable. Nous présenterons uniquement dans cet article les résultats liés à la quantification des unités de signification afin de rester conforme aux travaux du domaine (par ex., Michinov & Michinov, 2008 ; Pfeil & Zaphiris, 2007).

23En vue d’étudier les patterns de séquences d’interaction (pour répondre à la question 2 : voir s’il existe des patterns de séquences d’interaction entre initiateur et réactants), nous nous sommes intéressées aux séquences de deux messages consécutifs dont le premier message était celui de l’initiateur (Pfeil, Zaphiris, & Wilson, 2009). Cinquante-sept paires adjacentes ont ainsi été isolées et leurs enchainements étudiés. Pour tester l’hypothèse selon laquelle un réactant va avoir tendance à manifester des comportements de soutien émotionnel et/ou témoigner d’un vécu émotionnel similaire lorsqu’un initiateur dévoile une expérience émotionnelle négative, nous nous sommes centrées sur les séquences « interactions épistémiques avec expérience émotionnelle négative – interactions socio-émotionnelles positives » et « interactions épistémiques avec expérience émotionnelle négative – interactions épistémiques avec expérience émotionnelle négative ». Nous avons réalisé un test de Khi carré afin de tester l’hypothèse d’indépendance.

24Enfin, pour observer la dynamique des interactions de chaque fil de discussion (question 3 : étudier la(es) dynamique(s) du partage d’émotions et de connaissances au fil des échanges), nous nous sommes intéressées à la prépondérance des types d’interaction au cours de la discussion. Pour cela, nous avons calculé la proportion de chaque type d’interaction (c’est-à-dire épistémiques basées sur une expérience émotionnelle négative, épistémique non basée sur une expérience émotionnelle et socio-émotionnelle positive) et avons lissé les résultats en tenant compte des deux messages avant et des deux messages après. Cette méthode permet de simplifier la lecture des graphiques et de donner une tendance de l’évolution des courbes. On peut ainsi observer, par exemple, s’il y a davantage d’interactions épistémiques au début et d’interactions socio-émotionnelles au fur et à mesure que les participants se dévoilent, si ces interactions sont intriquées les unes aux autres ou pas, si elles co-évoluent. Cela permettra de mieux comprendre les spécificités de ce type de communauté. La dynamique de chaque discussion a ensuite été comparée afin de mettre à jour d’éventuelles récurrences.

III – Résultats : types d’interaction, pattern de séquences interactionnelles et dynamiques observées

25Nous présenterons, dans un premier temps, les résultats liés aux différentes formes de partage d’émotions et de connaissances ainsi qu’à leur proportion dans les échanges. Dans un second temps, nous examinerons le pattern trouvé dans les séquences d’interaction entre initiateur et réactant. Enfin nous nous centrerons sur l’évolution des processus de partage d’émotions et de connaissances au fil des échanges et mettrons en lumière trois dynamiques typiques des échanges.

III.1 – Les différentes formes du partage d’émotions et de connaissances dans les interactions

26L’analyse de contenu des messages a permis de mettre en évidence différents types d’interaction dont les proportions sont présentées dans le tableau 3.

Tableau 3
Tableau 3
Catégories principales Sous-catégories Nb unités de signification Proportion dans l’ensemble des messages (%) Interactions socio-émotionnelles négatives Hostilité 12 T=12 1,5 T=1,5 Interactions socio-émotionnelles positives Solidarité, 149 18 Valeur du soutien 50 T=224 6 T=27 Humour 25 3 Interactions épistémiques avec expérience émotionnelle négative Direction 16 2 Evaluation 17 T=107 2 T=13 Clarification 74 9 Interactions épistémiques avec expérience émotionnelle positive Direction, évaluation et clarification 4 T=4 0,5 T=0,5 Interactions épistémiques sans expérience émotionnelle Direction 207 25 Evaluation 165 T=479 20 T=58 Clarification 107 13
Proportion de chaque type d’interaction dans l’ensemble des discussions.
Proportion of interactions in all threads.

27Les interactions épistémiques sans expérience émotionnelle sont prédominantes dans les échanges (58 % des échanges des treize fils de discussion). Les participants peuvent, à travers ce type d’interaction, proposer une direction pour l’action concrète à mettre en place « Tout d’abord ce que je te conseille c’est de te rapprocher d’un de tes collègues [IES/D] » ou sur la manière d’envisager la situation « essaies de voir les choses différemment, ce n’est pas toi qu’il visait [IES/D] ». Pour cela, ils peuvent se baser sur leur propre expérience et livrer ce qui fonctionne pour eux « Je vais aussi dans la médiathèque de ma ville pour trouver des livres pour enfants sur les sciences avec des expériences amusantes [IES/D] ».

28Ils peuvent également faire part de règles ou de procédures comme cette enseignante qui décrit la manière de présenter les sons aux enfants pour leur apprendre à lire et écrire « Les voyelles a et o : Elles s’appellent « a » et « o » et font [a] et [o], elles s’écrivent comme ci, comme ça et vous savez le faire exactement comme le modèle. Vous allez vous entraîner et écrire une ligne de chacune d’entre elles. Quand vous écrivez, vous faites bien leur « bruit » : « aaaa….aaaaa…. », etc. Vous allez voir qu’elles vont vous servir pour écrire tout seuls quelque chose sans même copier un modèle ! (…) [IES/D] ».

29Les interactants peuvent aussi, dans l’interaction épistémique sans expérience émotionnelle, évaluer la situation de la personne en demande « C’est incroyable de voir que des évènements comme ça peuvent se passer dans une classe ! Les enfants sont en danger et toi aussi ! [IES/E] » ou évaluer la solution à mettre en place « cela me semble tout à fait jouable avec ce que tu proposes mais pour les plus en difficulté je crains que la lecture pose problème [IES/E] ». Ils peuvent accompagner leurs évaluations de connaissances issues de leur propre expérience du métier « C’est comme ça, [les enfants] ne sont pas des machines et ont parfois besoin de prendre du temps [IES/E] ».

30Les participants accompagnent, dans 13 % des échanges, leurs récits d’expérience d’expressions émotionnelles négatives tout en proposant des pistes de solutions qu’eux-mêmes ont mis en application « J’apporte ma petite contribution à ce poste parce que j’ai été dans ton cas, j’ai très mal vécu le fait de ne pas réussir à faire tout le programme et au fil du temps, je me suis habitué et j’ai adapté mes séances [IES/D-] ». Ce type d’interaction peut avoir une double fonction : la première est de proposer une solution en donnant une preuve empirique de son bien-fondé, et la seconde de témoigner à son interlocuteur de sa compréhension de ce qu’il est en train de vivre et ainsi lui apporter du réconfort.

31L’analyse du contenu des échanges met en évidence que les interactions épistémiques basées sur une expérience émotionnelle positive sont très peu représentées dans les échanges (0,5 %). Les participants, lorsqu’ils font part de leur vécu émotionnel lié à leur pratique professionnelle se centrent principalement sur ce qui a été problématique pour eux. Les interactions socio-émotionnelles positives représentent un peu plus d’un quart des échanges (27 %) et sont majoritairement composées de soutien émotionnel explicite (réconfort, solidarité, compréhension). Les manifestations de ce type de soutien peuvent être des phrases stéréotypées du type « Tiens bon ! [ISEP/S] », « courage [ISEP/S] », ou être plus personnalisées dans lesquelles le participant prend en compte la situation de son interlocuteur « Tout ça pour te dire que oui, le fait d’être nouvelle dans le métier te pousse sûrement à te poser toutes ces questions et que oui, ça ira mieux dans quelques temps [smiley clin d’œil] [ISEP/S] ». Les participants peuvent également faire part aux autres membres de la valeur du soutien témoigné ce qui participe au renforcement de la communauté « Encore un grand MERCI Rikki ! [smiley cœur] C’est vraiment précieux ce genre de paroles, si seulement je les avais entendues et comprises plus tôt. On devrait avoir droit a ce genre de discours en sortant de l’iufm, vraiment. [ISEP/VS] ».

32Les interactions socio-émotionnelles négatives sont très peu représentées dans les échanges (1,5 %), ce qui montre qu’il n’y a pas, ou peu, de tension dans les discussions. Un seul fil de discussion contient quelques échanges teintés d’hostilité entre deux participants, rapidement mis à l’écart par les autres membres de la discussion (« bon ça suffit, si vous êtes là pour régler vos comptes alors allez le faire ailleurs » [ISEN/H]). Les trois types d’interaction [7] mis en évidence ne sont pas répartis de la même manière selon les fils de discussion (fig.1).

Figure 1
Figure 1
Proportion des types d’interaction par fils de discussion.
Proportion of types of interaction per thread.

33La plupart des fils de discussion sont très marquées par les interactions épistémiques sans émotion qui correspondent à plus de la moitié des échanges (D1, D4, D5, D6, D8, D9, D12 et D13). D’autres fils de discussion sont davantage teintés d’interactions socio-émotionnelles positives et d’interactions épistémiques basées sur une expérience émotionnelle positive (D2, D3, D7, D10 et D11). Certaines discussions s’orienteraient ainsi sur le processus de soutien émotionnel alors que d’autres se dirigeraient sur la construction de connaissances. L’étude des dynamiques, présentée plus loin, permettra de renseigner la manière dont ces processus s’articulent tout au long des échanges.

34Après nous être intéressées aux différentes formes de partage d’émotions et de connaissances imbriquées dans les échanges, nous nous focalisons sur les caractéristiques des messages des participants selon qu’ils sont initiateurs ou réactants.

III.2 – Pattern de séquences d’interaction initiateur / réactant : similarité

35Nous avons exploré le contenu des interactions selon que le participant est en position d’initiateur ou de réactant. La figure 2 présente la fréquence d’apparition des types d’interaction dans les messages selon le statut du participant sur l’ensemble des fils de discussion.

Figure 2
Figure 2
Présence des différents types d’interaction dans les messages selon le statut du participant (en pourcentage).
Presence of kind of interaction in the messages according to the participant status (percentage).

36Pour les initiateurs, les trois types d’interaction sont plus équilibrées que pour les réactants. Dans les deux cas, les interactions épistémiques sans expérience émotionnelle sont le type d’interaction le plus présent dans les messages (54 % pour les initiateurs et 78 % pour les réactants). Les initiateurs associent dans 48 % des messages un vécu émotionnel négatif à leurs messages à caractère épistémique, contre 17 % pour les réactants. Ces derniers ont recours, dans 67 % de leurs messages à des interactions socio-émotionnelles positives (35 % pour les initiateurs) par lesquelles les réactants apportent soutien et solidarité.

37Au sein même des messages, les participants ont davantage tendance à avoir recours à plusieurs formes d’interactions qu’à une seule. On trouve comme type unique d’interactions dans un même message, des interactions épistémiques sans expérience émotionnelle dans 28 % des messages (25 % des messages des initiateurs et 29 % des messages des réactants) ; des interactions socio-émotionnelles dans 15 % des messages (10 % des messages des initiateurs et 17 % des messages des réactants) ; 3 % des messages des initiateurs pour les interactions épistémiques avec expression émotionnelle négative (aucun pour les réactants). Tous les autres messages (54 %) sont constitués d’un mixte des différents types d’interaction.

38Partant de l’hypothèse que les réactants ont tendance à apporter du soutien émotionnel explicite ou de la similarité dès lors qu’un initiateur dévoile une expérience émotionnelle négative, nous avons vérifié l’hypothèse d’indépendance pour deux séquences à l’aide d’un test de Khi carré : a) « interactions épistémiques avec expression émotionnelle négative » suivies de « interactions socio-émotionnelles positives » et b) « interactions épistémiques avec expression émotionnelle négative » suivies de « interactions épistémiques avec expression émotionnelle négative ». Le résultat de la première séquence ne rejette pas l’hypothèse d’indépendance alors que le résultat de la seconde la rejette : Khi2 (ddl=1) = 3,98, p<0,05. Ainsi, il semble y avoir une similarité de vécu émotionnel négatif en lien avec un aspect pratique du métier qui s’échange comme en miroir entre l’initiateur et le premier réactant, du type « je comprends, je suis passé par là », plutôt que des seules marques de soutien émotionnel. Nous avions vu par ailleurs (Prost et al., 2013) que les initiateurs apprécient largement le partage d’expérience.

39L’extrait suivant illustre une de ces séquences :

  • Initiatrice : « J’ai fait ma formation d’éducatrice en Bretagne et je suis arrivée depuis le mois de mars 20XX en région parisienne, dans un foyer d’hébergement et foyer de vie qui accueillent des personnes déficientes intellectuelles. Et c’est la désillusion ! [IES/C] (…) J’ai plusieurs idées mais je ne sais pas bien, j’ai peur de m’embarquer dans quelque chose qui va me dépasser et puis je ne sens pas une solidarité d’équipe, je me sens très seule. [IEE/C-] J’aimerais écrire et informer le siège de l’association de nos conditions de travail, ou la Ddass [IES/D] ».
  • Réactant : « Si aucun soutien existe dans ta boite, va voir un syndicat [IES/D] (…) Si nous ne battons pas pour des conditions de travail convenables, ce sont les personnes dont nous nous occupons qui en pâtiront [IES/E]. Je sais, je me suis retrouvé hospitalisé en urgence en cardiologie lors d’une réunion pour avoir trop encaissé et je peux te dire qu’auprès des syndicats, j’y ai trouvé toute l’aide nécessaire [IEE/D-] (…) ».

III.3 – Trois dynamiques interactionnelles typiques

40L’étude de l’évolution des différents types d’interaction sur un décours temporel (selon l’ordre chronologique des messages) met en évidence que les trois types d’interaction (épistémiques basées sur une expérience émotionnelle négative, épistémiques non basées sur une expérience émotionnelle et socio-émotionnelles) s’articulent de manière différente selon les fils de discussion.

41D’un point de vue général, on trouve bien sûr que les interactions épistémiques non basées sur une expérience émotionnelle dominent dans les échanges (cf fig.1). Toutefois, des variations s’observent dans la co-évolution des trois types d’interaction. La comparaison de l’évolution des interactions a permis de mettre en évidence trois profils de dynamiques interactionnelles.

III.3.1 – Dominance des interactions épistémiques sans émotion tout au long des échanges

42Le premier profil de dynamique correspond aux fils de discussion dans lesquels les interactions épistémiques sans expérience émotionnelle prennent le pas sur les deux autres types d’interaction tout au long des échanges (3 cas). Bien que peu représentées, les interactions socio-émotionnelles et épistémiques avec expression émotionnelle négative sont néanmoins constamment présentes. La figure 3 illustre ce profil de dynamique que l’on retrouve dans trois fils de discussion (D4, D6 et D12) qui ont pour thèmes la gestion d’un élève qui n’aime pas l’école, les pleurs quotidiens d’un élève et la gestion d’une classe difficile.

Figure 3
Figure 3
Profil de dynamique interactionnelle où les processus évoluent de manière constante (discussion 12).
Interactional dynamic profile with constantly evolving interactions (thread 12).

43Le thème du fil de discussion 12, dont la dynamique interactionnelle est représentée dans la figure 3, est la gestion d’une classe primaire difficile.

44Dans son premier message, l’initiatrice décrit le comportement des élèves « Je n’ai jamais rencontré une classe aussi désagréable : une insolence remarquable (envers moi et envers les autres enfants), des filles (CE2) qui sifflent les hommes pendant la récréation (la cour donne sur la rue), impossible d’obtenir un vrai rang lorsqu’on descend dans la cour, ils se tapent dessus, s’insultent.. [IES/C] » et exprime son ressenti vis-à-vis de cette situation « J’espère vraiment que ce que je vis est rare car cela fait passer des journées de torture, on va travailler à reculons, espérant ne pas craquer devant les élèves… [IEE/C-]. ». Les réactants vont, dans la suite des échanges, faire part de situations vécues similaires et proposer à l’initiatrice les solutions qu’eux-mêmes mettent en place « J’ai eu mon 1er poste dans une ville de banlieue très chaude et j’ai peiné à les maitriser (…) Ce que j’ai fait… des groupes de niveaux avec un capitaine que je responsabilise [IES/D-] ». Les réactants ajoutent dans leur message, des marques d’encouragement « Allez va courage ! [ISEP/S] ».

III.3.2 – Dominance des interactions épistémiques sans émotion puis entrelacement des différents types d’interaction

45Le second profil est celui dans lequel les interactions épistémiques dominent une partie de la discussion puis laissent place à un entremêlement des différents types d’interaction (cinq cas). L’enchevêtrement peut se produire au milieu du fil de discussion (D8 et D13) ou progressivement en fin de discussion (D1, D5 et D9). Les thèmes des fils de discussion ayant ce type de dynamique interactionnelle sont le positionnement de l’éducateur spécialisé vis-à-vis d’adolescentes difficiles, le choix d’une méthode de lecture, la gestion d’une classe difficile, le choix du programme scolaire à enseigner et la refonte d’un livret scolaire.

46La figure 4 représente la dynamique interactionnelle du fil de discussion 9 dont le choix du thème est celui d’un programme scolaire.

Figure 4
Figure 4
Profil de dynamique interactionnelle avec entremêlement en milieu ou fin de discussion (discussion 9).
Interactional dynamic profile with interlacing in the middle or end of exchanges (thread 9).

47La discussion 9 a trait au choix d’un programme scolaire pour une classe à multiple niveaux (CE1-CE2 et CM1). L’initiatrice explique sa situation « La 1ère année par exemple, j’avais bossé à fond la science et l’histoire/géo, mais du coup, en anglais, c’était très très largement perfectible [IES/C] », exprime son ressenti de la situation « j’ai la sensation de me noyer dans tout ce qu’il y a à faire.. [IEE/C-]. » et demande de l’aide sur des aspects concrets de sa pratique « En géographie, par exemple, il faut qu’ils sachent tirer des infos d’une carte, mais est-ce que vous exigez des savoirs encyclopédiques genre l’altitude de l’Everest, ou citer les sommets, situer les climats ou la végétation du monde ??? [IES/D] ».

48Les réactants vont dans un premier temps lui apporter l’aide concrète qu’elle demande en lui donnant des conseils « Tu as tes élèves trois années de suite, donc tu peux fonctionner un peu comme tu veux : - soit tu mets le paquet pendant une année sur certains (…) - soit tu te construis une programmation très découpée pour toucher à tout chaque année et avoir tout abordé au bout de trois ans. [IES/D] » et y associent une marque de soutien émotionnel « fais ce que tu peux, ne te stress pas [smiley cœur] [ISEP/S] ». Puis, à mesure des échanges, les messages sont davantage orientés vers la réévaluation de la situation basée sur un vécu émotionnel similaire et sur des marques de réassurance « si ça peut te rassurer, j’ai un simple niveau… Et pourtant j’ai la même impression que toi. Plein de trucs sacrifiés sur l’autel français-maths… Tant pis. C’est comme ça, ils ne sont pas des machines et ont parfois besoin de prendre du temps (…) [IEE/E-] », « t’inquiète pas, ils s’en sortiront bien même si tu ne fais pas tout ton programme [ISEN/S] ».

III.3.3 – Entrelacement des différents types d’interaction tout au long des échanges

49Le dernier profil de dynamique, qui s’observe dans quatre fils de discussion (D2, D7, D10 et D11), est celui dans lequel les trois types d’interaction sont entremêlés tout au long des échanges avec des phases courtes de prédominance de l’une ou l’autre forme d’interaction. Les thèmes couverts par les fils de discussion ayant cette dynamique interactionnelle sont liés à des dysfonctionnements institutionnels, à la difficulté de supporter son travail, à la lassitude de son métier et à des problèmes relationnels avec les collègues et la hiérarchie.

Figure 5
Figure 5
Profil de dynamique interactionnelle avec entrelacement des types d’interaction tout au long des échanges (discussion 7).
Interactional dynamic profile with interlacing of interaction types throughout the thread (thread 7).

50La discussion 7, dont la dynamique est représentée sur la figure 5, concerne l’agression physique qu’a subie une enseignante par un de ses élèves. Elle expose sa situation de manière factuelle dans son premier message « Je travaille dans un établissement spécialisé où j’ai en charge une classe fixe d’élèves (…) il y a quelques jours les choses ont mal tourné, un élève frustré d’être puni pour un mauvais comportement a tenté de s’enfuir et lorsque je l’ai rattrapé il n’a trouvé d’autre solution que de me blesser physiquement pour pouvoir s’enfuir à nouveau [IES/C] » puis elle fait part de son vécu émotionnel « Aujourd’hui je suis l’ombre de moi-même, je suis dopée aux dérivés de morphine pour les douleurs un peu partout et anxiolytiques pour éviter de pleurer toute la journée et essayer de me reposer [IEE/C-] ». Elle demande l’avis et des conseils à ses pairs sur la marche à suivre sur le plan institutionnel et juridique.

51Les réactants vont, tout au long des échanges, lui témoigner du soutien émotionnel profond [8] « Je ne m’inquiète pas pour toi de ce côté-là, tu parais très lucide quand à ton état de santé. Pour le moment cela ne t’est pas possible, mais quand le choc sera passé, tu pourras vraiment récupérer un état de santé plus serein, retourner à l’école et y continuer tes projets [ISEP/S] », qu’ils associent à des conseils sur les actions à mener « je pense qu’il faudrait marquer le coup sur l’établissement [IES/D] » et sur la manière d’évaluer la situation « cet enfant ne te visait certainement pas directement, c’est un refus de l’autorité [IES/E] ». Certains participants font également part d’un vécu émotionnel similaire à l’initiatrice et proposent des conseils sur cette base « Il y a environ dix ans je me suis pris un coup de barre en métal par un élève sur le tibia (…) ALORS NE FAIS PAS COMME MOI, défends-toi (…) et puis porte plainte (…) [IEE/D-] ».

52On observe que la discussion alterne entre réconfort et tentatives de gestion de la situation problématique.

IV – Discussion

53L’étude a cherché à savoir dans quelle mesure les échanges dans les communautés de pratique virtuelles dédiées aux professionnels favorisaient non seulement le partage de connaissances mais aussi le partage d’émotions. Pour cela, nous avons analysé en profondeur le contenu de treize fils de discussion en nous basant sur l’analyse des interactions de groupe proposée par Bales (1950). Nous avons mis en exergue la présence de trois types d’interactions : les interactions épistémiques avec et sans expériences émotionnelles et les interactions socio-émotionnels positives. Une étude de séquences d’interaction entre initiateur et réactant a révélé un pattern axé sur la similarité des expériences professionnelles ayant entraînées un vécu émotionnel négatif. Il semble ainsi y avoir un phénomène de miroir entre l’initiateur et le premier réactant. Enfin, l’analyse des dynamiques interactionnelles des fils de discussion a mis en évidence des récurrences et trois profils peuvent être dégagés : (a) une évolution constante des activités de partage de connaissances et d’émotions avec une dominance de partage de connaissances sans émotion (trois fils de discussion) ; (b) le partage d’émotions s’entremêle au partage de connaissances au milieu ou à la fin du fil de discussion (cinq fils de discussion) ; (c) les trois types d’interactions sont entrelacées tout au long du fil de la discussion (quatre fils de discussion).

54Les apports de cette étude seront discutés en deux points organisateurs : le premier concerne l’empathie dans les communautés en ligne et le second le partage de situations émotionnelles difficiles dans les COPv de professionnels.

IV.1 – Le phénomène d’empathie dans les communautés de professionnels

55L’étude présentée ici montre que les participants partagent leurs expériences professionnelles et y associent parfois leur vécu émotionnel négatif. Ce partage peut avoir une double fonction : décharger ses émotions négatives et/ou témoigner à son interlocuteur son empathie. Dans les COPv étudiées, on observe dans tous les fils de discussion et tout au long des échanges, la présence d’interactions socio-émotionnelles positives, composées en grande partie de manifestations de soutien émotionnel. Les participants manifestent leur compréhension et leurs encouragements aux personnes en difficulté. Le pattern de séquences d’interaction identifié semble aller dans le sens d’un phénomène de similarité des expériences émotionnelles négatives en lien avec la pratique professionnelle. Ces deux éléments peuvent être rapprochés des indices de l’empathie mis en évidence dans les communautés de soutien (Barak & Gluck-Ofri, 2007 ; Pfeil & Zaphiris, 2007 ; Preece, 1999), ce qui tend à montrer que ce phénomène est présent dans des COPv de professionnels, communautés dans lesquelles l’objectif des participants est avant tout de partager des connaissances. Toutefois, la spécificité de l’empathie dans les COPv de professionnels tiendrait au fait que les participants associent à leur témoignage de vécu émotionnel similaire, un retour d’expérience sur les solutions qu’ils ont mis en œuvre pour résoudre leur problème professionnel. Ceci constitue une différence entre l’empathie témoignée dans les communautés de soutien et celles que nous avons étudiées.

56Bien que les thèmes des discussions fortement teintées d’empathie semblent pour la plupart liés à des problèmes relationnels, nos résultats ne permettent pas d’établir de liens entre la thématique abordée et la proportion d’empathie dans la discussion. Sur la base des travaux de Christophe & Rimé (1997), nous pouvons nous demander si, plus encore que la thématique abordée, l’intensité de l’émotion est un facteur qui influence le processus d’empathie dans les communautés en ligne.

57Les participants aux COPv étudiées, lorsqu’ils font part de leur ressenti vis-à-vis de leur pratique professionnelle, se centrent sur leurs émotions négatives et ne font pas, ou très peu, part de leurs émotions positives. Ceci peut s’expliquer par le fait que les participants qui investissent ces COPv le font en vue de partager et résoudre une situation de travail problématique (voir Prost et al., 2013) et par le fait que le témoignage d’empathie se manifeste par la connaissance de la situation problématique. Nous pouvons penser que, comme dans les « self-help groups » (Pfeil et al., 2009 ; Wright, 2000), la situation d’anonymat et l’absence d’indices visuels aident les participants à faire part de leurs difficultés. Le dévoilement de soi émotionnel, ici lié aux expériences professionnelles, est constitutif des communautés de professionnels étudiées. Les fonctions de ce type de partage ont par ailleurs été étudiées à travers le vécu subjectif des participants (Prost et al., 2013).

IV.2 – Le partage de situations émotionnelles difficiles dans les communautés de pratique virtuelles pour professionnels

58L’étude des dynamiques interactionnelles a révélé que tous les fils de discussion, quel que soit le profil de leur dynamique, contiennent du partage d’émotions négatives et ce tout au long des échanges. Ceci renforce l’idée que les professionnels qui investissent ces COPv le font certes pour améliorer leur pratique mais aussi en vue de partager leurs émotions liées à une situation de travail problématique. Ceci pointe l’intérêt d’inclure ces deux aspects (partage de connaissances et d’émotions) dans l’analyse des interactions dans les COPv. En effet, peu d’études sur les COPv s’intéressent aux émotions à l’inverse des travaux sur les communautés de soutien virtuelles dans le domaine de la santé. Nos résultats montrent que les professionnels investissent les forums pour améliorer leur pratique et pour partager des expériences de travail difficiles, voire douloureuses, ce qui les amène à attendre également du soutien psychologique. Ces espaces virtuels d’échanges peuvent venir combler des manques sur les lieux même d’exercice, comme tend à le montrer l’étude de Prost (2012), notamment en comblant des manques d’entraide au niveau de la pratique professionnelle (par ex., construction de contenus pédagogiques) et au niveau de la gestion émotionnelle de certaines situations professionnelles (par ex., agression). Les COPv pourraient être envisagées, en plus d’un espace d’acquisition de connaissances comme le font déjà de nombreux travaux (Murillo, 2008 ; Chanier et Cartier, 2006), comme un espace de soutien psychologique où les participants peuvent partager leurs situations de travail difficiles. Les situations de stress et d’isolement qui alertent certains auteurs (par ex., Marc, Grosjean, & Marsella, 2011) pourraient être réduites.

59Toutefois, nous pouvons penser que le partage d’émotions négatives dépend des professions. Nous nous sommes ici centrées sur des professions liées à l’éducation (enseignants du primaire et éducateurs spécialisés) qui ont une forte composante relationnelle comme en témoignent les thèmes des discussions abordées (pour une analyse approfondie des thèmes, voir Prost, 2012). De même, ces professions sont largement féminisées et certains travaux montrent que les femmes auraient plus tendance que les hommes à exprimer leurs émotions négatives et à réduire les tensions (Savicki, 1996 ; Herring, 2000). Qu’en serait-il pour d’autres professions ? Des comptables ou des chirurgiens se dévoileraient-ils de la même manière ? Ceci pose la question de la généralisation de nos résultats à l’ensemble des COPv de professionnels. Les prochaines études pourraient s’attacher à explorer de nouvelles COPv de professionnels afin de voir si les mêmes types d’interaction sont retrouvés. L’analyse des dynamiques interactionnelles pourrait être approfondie par le repérage d’éventuels éléments, comme l’intensité de l’émotion relatée, à l’origine de modifications dans l’évolution des processus.

Remerciements

Les auteures remercient vivement Cyril Bossard, Nathalie Le Bigot et Laurent Gaubert pour leur précieuse aide à la rédaction dans cet article. Elles tiennent également à souligner l’important travail d’expertise qu’ont réalisé les relecteurs de la revue et qui a permis l’amélioration de ce papier.

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Notes

  • [1]
    Télécom ParisTech, 46 rue Barrault, 75013 Paris. Département Sciences Economiques et Sociales (SES). E-mail : magaliprost@gmail.com
  • [2]
    Télécom ParisTech, 46 rue Barrault, 75013 Paris. Département Sciences Economiques et Sociales (SES). E-mail : beatrice.cahour@telecom-paristech.fr
  • [3]
    Télécom ParisTech, 46 rue Barrault, 75013 Paris. Département Sciences Economiques et Sociales (SES). E-mail : françoise.detienne@telecom-paristech.fr
  • [4]
    Nous ferons référence au soutien psychologique en tant qu’effet possible des comportements de soutien correspondant à l’atténuation du vécu émotionnel négatif de la personne en détresse.
  • [5]
    L’étude présentée dans cet article fait partie d’une étude plus large sur les fonctions des forums entre professionnels dans laquelle une partie des participants aux discussions étudiées a été interviewée.
  • [6]
    Les forums étudiés sont dédiés à des professionnels de l’éducation (professeurs des écoles et éducateurs spécialisés) dont tout un pan de la pratique professionnelle a trait à des compétences relationnelles. Les participants peuvent ainsi faire part d’une situation émotionnelle difficile en lien avec un problème relationnel et acquérir, grâce aux échanges, des connaissances sur le positionnement à adopter. Les échanges sont dans ce cas autant tournés vers les émotions que vers l’acquisition de connaissances.
  • [7]
    Étant donné la faible proportion d’interactions socio-émotionnelles négatives et des interactions épistémiques basées sur une expérience émotionnelle positive, nous avons fait le choix de ne plus les représenter dans la suite des résultats.
  • [8]
    Des auteurs tels que Pfeil & Zaphris (2007) distinguent les manifestations de soutien émotionnel selon qu’elles soient stéréotypées ou profondes (personnalisation).
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