Couverture de TH_742

Article de revue

Dynamique cognitive et risques psychosociaux : isolement et sentiment d'isolement au travail

Pages 107 à 130

Notes

  • [*]
    inrs, département Homme au travail, 1, rue du Morvan, cs 60027, 54519, Vandœuvre cedex. jacques.marc@inrs.fr, vincent.grosjean@inrs.fr
  • [1]
    La notion de « partage social » est préférée à celle de « soutien social » (Cobb, 1976). Bien que le soutien social ait été considéré (encore actuellement) dans de nombreux modèles (notamment Karasek & Theorell, 1990), comme amortisseur par rapport aux « stresseurs » issus d’un environnement de travail, l’utilisation de questionnaires pour l’investiguer ne rend pas compte des contraintes de mobilisation des collectifs en situation dynamique (Cazabat, Barthe and Cascino, 2008 ; Caroly et Weill-Fassina, 2007). La notion de partage social reprend les bénéfices attribués aux différentes formes de soutien social et permet d’envisager une lecture sociocognitive qui facilite la prise en compte de la dynamique des situations. Cette notion de partage social peut aussi être rapprochée de notions tel le « référentiel opératif commun » et rendre mieux compte des difficultés (capacités ou motivations) d’un sujet à solliciter une assistance en situation (Cazabat et al., 2008 ; Caroly et al., 2007).
  • [2]
    La qualité de l’élaboration est fonction de la compétence de l’interlocuteur par rapport à l’événement.
  • [3]
    Au sens de Rimé (2005), quelqu’un est émotionnellement compétent s’il possède le bagage contextuel qui lui permet de comprendre pourquoi la personne qui raconte un événement l’a vécu avec telle émotion et d’enrichir ce vécu pour en faciliter l’assimilation. Un salarié d’une entreprise privée est peu capable d’éprouver de l’empathie pour le vécu subjectif d’un fonctionnaire, parce que la distance entre leurs contextes subjectifs respectifs est trop importante.
  • [4]
    Entendu ici dans le sens de la théorie des catastrophes : la catastrophe correspond à une rupture qualitative dans l’interaction entre l’individu et le milieu, apparaissant au-delà d’un certain seuil.
  • [5]
    Surveillance médicale des risques.

I – Introduction

1L’article est à situer dans le cadre de l’évolution actuelle des regards et des pratiques en matière de prévention des risques professionnels (Douguet et Dedessus-Le Moustier, 2010) face à la montée en puissance des questions relatives aux risques psychosociaux (rps), mais aussi du cadre réglementaire et des attentes sociales (Grosjean, 2010). Ce renouvellement tient aux spécificités des rps, mais il concerne également les modalités de prise en compte des risques traditionnels – accidents du travail et erreurs humaines – qui bénéficieront d’approches plus globales impliquant des facteurs organisationnels et tenant compte des points de vue subjectifs des acteurs (Grosjean, Kop, Nogues-Chollet et Velut, 2009).

2À une époque où le stress, l’intensification du travail, les contraintes pour le salarié sont évoqués fréquemment à propos du monde du travail, l’« isolement » et la « solitude » sont considérés comme des indices parmi d’autres soit de risque de dégradation de la santé mentale, soit de perte de l’efficacité collective imputables au travail. La question de l’isolement des salariés est en effet régulièrement citée dans les rapports sur les rps (Bressol, 2004 ; Dejours, 2005 ; Dériot, 2010) ; toutefois, l’impact de ces situations sur la santé est souvent difficile à établir.

3Historiquement (Krawsky, Liévin et Vautrin, 1985), la prévention des risques liés à l’isolement au travail ne concernait que les accidents de travailleurs isolés physiquement. Ces travaux ont posé les bases du questionnement sur l’isolement relationnel, recouvrant alors les difficultés à entrer en contact avec une personne pouvant porter « assistance » face à des risques traditionnels. Eu égard aux conceptions actuelles, ces premiers travaux n’intégraient pas les situations dans lesquelles un salarié en vient à réduire, quantitativement et qualitativement, ses relations avec ses collègues, pourtant physiquement présents. Les démarches « objectivantes » de nos prédécesseurs excluaient de l’analyse les processus qui conduisent un salarié à renoncer à solliciter une aide lorsqu’il se sent incapable de faire face seul à la situation. Pour prendre en compte ce point de vue, il semble préférable de ne plus considérer que l’isolement se réduit à un état, mais de l’envisager comme un processus qui « fragilise » la relation au travail du salarié (Dejours et Bègues, 2009). Cette fragilisation se caractérise par l’accroissement progressif des difficultés à bénéficier d’une assistance provenant de l’organisation du travail (informationnelle, technique…), du collectif (collègue, hiérarchie…) alors même que ce serait nécessaire soit pour l’efficacité (risques d’erreur ou d’accident), soit pour la préservation de la santé (charge mentale excessive ou burn-out). En résumé, une conception plus moderne de l’isolement ainsi développée s’écarte de celle de Krawsky et al. (1985) sur trois points : l’isolement n’est pas lié à l’absence d’autrui mais à l’impossibilité d’avoir accès à un soutien en cas de nécessité ; il est à considérer comme un processus, et non un état ; enfin il fragilise l’interaction et peut déboucher sur plusieurs formes de dérives non spécifiques.

II – Cadre théorique

II.1 – Performances, émotions et rps

4Les rps ne peuvent se définir simplement ni par leurs causes (de l’organisation aux facteurs individuels) ni par leurs conséquences (de la décompensation psychique aux conduites addictives en passant par une plus grande susceptibilité aux infections ou à d’autres pathologies). Ils peuvent en outre être à l’origine d’accidents traditionnels (par exemple un accident de la route lui-même lié à une perte de vigilance provoquée par une détérioration du sommeil causée par une perturbation psychosociale). Le facteur clé retenu pour définir ces risques tient au fait que ces risques ne s’appuient pas sur une probabilité de rencontre avec un danger externe préjudiciable à la santé, mais sur l’estimation que se font les individus de la situation et de leur capacité à la gérer (Lancry, Grosjean et Parmentier, 2008).

5Cette activité d’attribution de sens, irrépressible et non délibérée, s’accompagne de réactions émotionnelles qui déboucheront éventuellement sur des atteintes physiques ou psychiques plus ou moins manifestes, en fonction de leur intensité et de leur répétition au fil du temps. S’il est relativement peu efficace à court terme de faire appel à la raison pour contrer les émotions, il est toutefois possible pour le salarié de privilégier de manière autonome (et dans la mesure où il en a la possibilité) certaines catégories de réponses, pour réduire certains effets et conserver un niveau de maîtrise de la situation (Lazarus, 1999). Il peut par exemple privilégier le traitement de la situation à la réponse émotionnelle ou à l’évitement du problème (Gross and Thompson, 2007).

6Une seconde propriété des risques psychosociaux tient à la multiplicité des mécanismes en œuvre et à la variabilité de leurs dynamiques qui rendent leur évolution non linéaire et parfois peu prévisible. Ainsi, les réponses d’un acteur vont avoir des répercussions sur l’évolution de la situation et la manière dont il la vit, mais aussi influencer le vécu de la situation et les comportements des autres acteurs. Cette complexité peut rendre des évolutions de situations et des décompensations peu anticipables, du fait qu’il est difficile de dire quand un point de rupture sera atteint. Au plan conceptuel, les modèles interactionnistes puis transactionnels du stress (Lazarus, 1999) mettent en avant le jeu complexe des interactions entre facteurs situationnels et facteurs liés aux modalités de réaction ou d’action des individus concernés. Dans ces modèles, le salarié a fondamentalement besoin de ressentir des tensions et d’identifier leurs causes pour demeurer efficace (Lazarus, 1999). Ces tensions contribuent à l’élaboration de représentations sur le sens perçu de la situation, sur lesquelles les sujets s’appuient pour prendre des décisions et orienter leurs actions. À ce niveau, les émotions ont un rôle adaptatif, donc positif, y compris les émotions négatives « Emotion are good for us, a kind of psychological workout » (Fogel, 2008) : leur émergence permet au sujet de percevoir le sens que la situation revêt pour lui et le presse à y réagir en fonction de ses priorités vitales, existentielles, voire identitaires (Grosjean et Ribert-Van de Weerdt, 2010). L’émotion ressentie et les mobilisations somatiques qui l’accompagnent deviennent dès lors des indicateurs renseignant le sujet sur son environnement dans ses aspects problématiques ou satisfaisants pour lui, sur sa capacité à y faire face et contribuent à une présélection de réactions à mettre en œuvre en fonction des ressources et des solutions disponibles et des priorités qu’il se donne à court, moyen ou long terme. Cette représentation du fonctionnement sain exprimé en terme d’autorégulation est également présente dans certaines conceptions systémiques (Favaro, 2004 ; Parmentier, 2009, Althaus, Brangier et Grosjean, 2011).

7Cette lecture du rôle de l’émotion dans la régulation de l’activité peut être rapprochée des travaux sur la « sécurité écologique » d’Amalberti (1996) où il s’intéresse aux mécanismes spontanés mis en jeux par l’opérateur pour assurer la maîtrise de la situation et obtenir une performance satisfaisante. Selon lui, l’opérateur évalue sa capacité à faire face aux risques liés à une situation notamment sur base des erreurs qu’il commet. De cette évaluation ressort un « sentiment de maîtrise » de la situation qui correspond à la confiance du sujet en sa capacité à la contrôler tout en maintenant ses objectifs. L’opérateur s’appuie sur ce sentiment pour opérer différents ajustements, notamment sur les objectifs qu’il poursuit. Dans le cadre conceptuel de cet auteur, les erreurs et leur corrélat affectif que constitue le sentiment de maîtrise jouent un rôle de feedbacks similaire à celui des affects dans le modèle présenté plus haut.

8Les remontées d’erreurs et le sentiment de maîtrise mettent en évidence les aspects de la situation pour lesquels il risque de perdre le contrôle de la situation (Hoc et Amalberti, 2007). Ainsi, d’une manière paradoxale, l’absence d’erreur ou leur masquage – quelles qu’en soient les sources – ne peuvent qu’être préjudiciables à l’activité de l’opérateur et du collectif, car cela les prive de renseignements sur les dérives vers les limites de fonctionnement sûr (Rasmussen, 1997), les ressources à accroître pour conserver la maîtrise de la situation.

9On constate que ces conceptions théoriques sur les émotions d’une part et sur l’erreur d’autre part insistent l’une et l’autre sur la boucle de rétroaction, constituée d’un côté par les écarts aux attentes que le sujet perçoit, et de l’autre par le feed-back émotionnel (qui fait parfois aussi suite à un écart aux attentes). Les deux cadres conceptuels, celui de la gestion des erreurs dans les environnements dynamiques d’Amalberti et celui des émotions, développent des approches systémiques qui questionnent le rapport subjectif à une réalité externe.

10En cohérence avec le modèle d’Amalberti et l’hypothèse des marqueurs somatiques de Damasio (1994), les émotions sont des informations utiles pour l’ajustement et donc pour le maintien d’un niveau de performance qui tient compte à la fois des difficultés intrinsèques à la situation et de leur commensurabilité avec les ressources personnelles de l’individu. La suppression de la capacité à « lire » les émotions – et donc l’altération de la lecture de l’impact corporel d’une situation – peut réduire la capacité à prendre une décision compatible avec la santé des personnes qu’elle engage (Damasio, 1999, 1994 ; Loewenstein et Lerner, 2003). On voit donc qu’on peut considérer comme problématique de se couper de ses feedbacks émotionnels comme de ceux liés aux erreurs.

11Par transposition du raisonnement sur les erreurs, on considérera qu’un environnement sans stress, sans émotion n’est pas un idéal à rechercher, puisque les tensions psychiques qui en sont la marque sont, jusqu’à une certaine intensité, des indicateurs pour le sujet de la nécessité de réviser son ajustement à l’environnement. C’est seulement lorsqu’elles dépassent un certain seuil qu’elles signent l’approche des limites du fonctionnement sûr (Rasmussen, 1997) et imposent une remise en cause plus profonde soit des objectifs, soit des moyens qui y sont consacrés.

12Ainsi, en situation, les experts ne cherchent à éviter (ou à récupérer) que les erreurs qui remettent en cause le bon déroulement de la situation, les autres erreurs sont gérées ou négligées au fil de la situation selon les conséquences anticipées et le coût de la récupération en ressources cognitives ou matérielles (Marc et Amalberti, 2002 ; Marc et Rogalski, 2009 a).

13Par ailleurs, le retour d’information que procure le « sentiment de maîtrise de la situation » sur la distance perçue à la frontière de fonctionnement sûr (ou sécurisant) pour le sujet engendre des conséquences physiologiques, (tensions liées à la peur par exemple) qui affectent ses capacités d’adaptation à la situation. L’expression corporelle ou verbale des émotions peut enfin avoir un impact sur les autres protagonistes de la situation, coacteurs et clients. Ces derniers vont influer, en réaction, sur l’évolution de la situation. Par la suite, les différents acteurs de la situation pourront agir de manière « proactive » pour s’exposer (ou éviter de s’exposer) à de telles situations en fonction de leur vécu antérieur.

II.2 – Transfert aux situations collectives et cas de l’isolement au travail

II.2. A – Régulation émotionnelle au sein d’un collectif de travail

14Le rôle des émotions dans la boucle de régulation dépasse donc la sphère de l’individu. La contribution collective à la régulation émotionnelle individuelle tient d’abord au fait qu’une part importante de nos émotions est liée à la façon dont sont interprétés les jeux interpersonnels de ceux qui nous sont proches dans le contexte professionnel. Ensuite, les épisodes dépassant un certain seuil d’intensité émotionnelle conduisent naturellement l’individu au partage social de ses émotions (Rimé, 2005). Rimé désigne par ce terme la propension à évoquer avec autrui l’événement qui a provoqué la réaction émotionnelle. Ce partage social [1] intervient préférentiellement avec des individus dont on se sent proche et auxquels on attribue une certaine compétence pour comprendre l’événement marquant émotionnellement.

15S’agissant de la problématique de l’isolement et de la solitude, la question de la mise en visibilité et du partage des émotions avec le collectif a toute sa place ici. Rimé souligne les fonctions sociocognitives adaptatives de ce partage. Les émotions des proches – ici des collègues – constituent pour le sujet une source importante de son ajustement présent et futur face aux opportunités et aux menaces qui existent dans leur milieu commun. Ainsi, partant du fait que ce qui a affecté un collègue est susceptible d’affecter un jour un autre membre du groupe (Rimé, op. cit.), le collectif développe par le partage social une expertise sur les caractéristiques pertinentes de son environnement. C’est vrai des émotions négatives liées par exemple à un chef tyrannique, à l’agression par un usager – mais aussi des émotions positives comme une stratégie qui a conduit à une reconnaissance externe. Au travers de l’échange social autour des événements chargés émotionnellement, nous apprenons à nous prémunir des éléments problématiques existant dans notre environnement (Rimé, op. cit.). Le partage social des émotions joue aussi un rôle pour les deux partenaires d’une interaction en leur permettant de développer des métaconnaissances sur l’autre et sur leur relation, facilitant leur coopération ultérieure en situation de crise, le comportement du partenaire devenant plus prévisible.

16Indépendamment de la capacité individuelle d’intégration d’un événement perturbant, du côté de « l’émetteur », le partage social permet une première élaboration cognitive de l’épisode perturbant avant l’expression [2], puis il est revisité cognitivement pour adapter son expression à l’interlocuteur. Ce deuxième travail sera éventuellement répété si l’épisode est raconté successivement à plusieurs personnes, ce qui permettra l’assimilation progressive du choc émotionnel et le développement de stratégies de régulation émotionnelle (Gross et Thompson, 2007) qui pourront être réutilisées dans des situations similaires. Plus l’interlocuteur est perçu (ou vécu) comme « émotionnellement compétent » [3], plus l’intégration se fera rapidement. Cela permet également de bénéficier le cas échéant – c’est-à-dire si la situation subjectivement problématique est toujours en cours ou susceptible de se reproduire – des conseils de l’interlocuteur, qui vont permettre de construire une réponse plus adaptée. Du point de vue du « récepteur », le partage social enrichit l’expérience de situations de vie non vécues et participe au développement des métaconnaissances sur « l’émetteur » qui peuvent permettre la mise en place de stratégies « proactives » de régulation émotionnelle en évitant de s’exposer à des situations problématiques comme on le retrouve dans les stratégies de gestion d’erreur (Marc et Amalberti, 2002 ; Marc et Rogalski, 2009 a) lorsque les salariés énoncent et mettent en place des stratégies pour éviter de s’exposer à des situations qu’ils ressentent comme excessivement difficiles.

II.2.B – En creux du partage social, l’isolement

17Par ailleurs, le partage social des émotions (lorsqu’il est symétrique) participe aussi, des deux côtés, au renforcement du sentiment d’appartenance à une communauté de travail. La problématique de l’isolement au travail, nous le préciserons plus loin, gagne donc à être abordée sous ces deux angles : le manque pour l’individu qui vit l’isolement, la perte pour le collectif. Du côté de l’isolé, l’absence de partage social favoriserait le développement de tendances à la rumination, et éventuellement l’enfermement dans des solutions inefficaces. Du côté du collectif, la problématique de l’isolement traduite par un moindre partage social des défaillances et des émotions aurait pour conséquence un moindre apprentissage des expériences, et des problèmes récurrents au niveau d’un collectif ne seraient pas traités comme tels mais abordés à chaque fois comme des réalités singulières.

18À côté de ces fonctions cognitives et pragmatiques, le partage social présente un volet socioaffectif, de réassurance pour la personne confrontée à l’événement émotionnellement marquant. De nouveau le parallélisme avec la sécurité écologique d’Amalberti peut être prolongé au niveau collectif. Au même titre que les erreurs jouent le même rôle de feedback et d’ajustement au niveau individuel et au niveau des équipes (Marc et Amalberti, 2002), le partage social et l’échange autour des erreurs peuvent éviter le développement d’une culture de l’occultation, du « chacun pour soi ». La mise en visibilité des difficultés du partage social devient un enjeu pour la fiabilisation du système sociotechnique et pour les rps. À l’inverse, les organisations entravant le partage social comme la capitalisation des apprentissages liés aux erreurs sont préjudiciables tant à l’efficacité qu’au bien-être.

II.3 – Isolement au travail et santé dans un collectif de travail

19Bien que l’isolement physique ou relationnel ne soit pas synonyme de sentiment de mal-être, des travaux en sociologie (Pan Khé Shon, 1999 ; 2002, 2003 ; Friedmann, 2007 ; Linhardt, 2009) et en psychiatrie (Ernst et al., 1998 ; Heinrich et Gullone, 2006) signalent que les personnes n’ayant pas ou peu de contact physique ou relationnel avec des tiers sont plus sensibles à des sentiments dépressifs.

20Une partie de ces travaux est reprise dans la littérature touchant aux rps, où l’isolement des personnes est associé à une dégradation du bien-être au travail (Friedmann, 2007 ; Linhardt, 2009). D’autres études associent situations d’isolement et risques pour la santé physique et mentale (Karasek et Théorell, 1990 ; Deaudelin et al., 2003 ; Dussault, Thibodeau et Deaudelin, 2002 ; Thibodeau et al., 1997 ; Vézina et al. 2001).

21En ergonomie, les travaux sur les situations d’isolement sont plus rares. Les premières études se sont focalisées sur les secours à apporter au travailleur isolé accidenté (Krawsky et al, 1985 ; Liévin et Krawsky, 1990). Dans ces situations on ne peut exclure que l’accident ait parfois masqué des problèmes psychosociaux. Des travaux récents relient l’intensification du travail avec le développement de situations d’isolement entendues dans un sens différent (Bressol, 2004). L’isolement y est identifié comme une source de « stress » (pas d’aide pour résoudre un problème, pas de possibilité de mettre des solutions en débat) ou comme sa conséquence (e.g. repli sur soi ou réduction des contacts avec autrui dont une des origines tient au manque de marge de manœuvre lui-même causé par la pression temporelle). Dans d’autres cas, bien décrits par Marie Pezé (2008) ou par Christophe Dejours (1980), les sentiments d’isolement ou de solitude sont considérés comme des indicateurs de dégradation de la santé mentale. Dejours relie l’isolement au harcèlement moral qui provoque ou accentue la mise à l’écart de la victime, stigmatisée par le groupe. Soares (2002) considère que le lien isolement – harcèlement peut être mis en rapport avec la détérioration de la performance objective de la victime, détérioration liée à l’état émotionnel dans lequel la situation la plonge.

22On a donc un cercle autoentretenu intégrant plusieurs aspects fortement couplés : organisationnels (développement des responsabilités individuelles, réduction des temps de traitement, outils pas toujours adaptés…), collectifs (mis à l’écart par le groupe, impossibilité de mobiliser le collectif, partage de l’information difficile), cognitifs (urgence temporelle, manque de ressource pour traiter la situation occurrente, élaboration et entretien d’un référentiel opératif commun trop coûteux) et émotionnels. En situation, il arrive parfois que le salarié se retrouve sans recul face à ses problèmes, sans possibilité de les élaborer. Dans certains cas, les exigences de la situation peuvent l’amener à placer d’autres salariés dans des situations d’isolement (travailleurs ou hiérarchiques se focalisant sur leur tâche principale ne partageant plus les informations nécessaires à leurs collègues dans leur travail, Marc et Rogalski, 2009 a). Dans d’autres cas, face à la difficulté d’obtenir une assistance, la recherche de solutions peut prendre la forme de violences réactionnelles (exiger, de manière plus ou moins violente, des informations pour pouvoir continuer à travailler ; mettre à l’écart un salarié qui ralentit la production).

II.3.A – Isolement et solitude : choix conceptuels

23La définition retenue ici pour définir les situations d’isolement est : « situations où les salariés éprouvent des difficultés, pour quelque raison que ce soit, à obtenir une assistance en cas de nécessité ». L’usage du terme « situations » permet d’inscrire l’isolement comme un processus et non un état. Au regard de l’activité, les situations d’isolement ont pu être caractérisées à travers deux variables : d’abord l’opposition entre éléments objectifs et vécu subjectif de la situation d’isolement, ensuite de la possibilité d’agir sur cette situation.

24Dimension objective/subjective. – Les éléments objectifs s’établissent sur la base de critères mesurables comme la présence de personnes à proximité (l’isolement est alors qualifié de physique), ou le nombre de communications avec d’autres personnes (isolement relationnel). Conjointement à la quantification des communications, l’isolement relationnel renvoie aussi au côté qualitatif des communications (leurs contenus). Ainsi, des salariés en télétravail peuvent être isolés physiquement, mais être en communication et partager des informations avec d’autres (clients, collègues…) qui peuvent leur prêter assistance en cas de nécessité. À l’inverse, un conducteur de bus peut être physiquement entouré de clients et n’avoir rien à partager avec eux. On voit à travers cet exemple que des paramètres comme la confiance ou la compétence attribuées à autrui interviennent en amont de l’isolement au sens retenu ici : un salarié peut être isolé parce que les personnes qui l’entourent ne peuvent l’aider (par exemple parce qu’elles ne sont pas compétentes par rapport à ce qui lui pose problème dans sa situation).

25Conformément aux conceptions des rps présentées plus haut, nous adoptons dans cette publication un point de vue axé sur la subjectivité d’acteurs. Nous considérons que deux types d’expression subjective de l’isolement sont à distinguer : le sentiment d’isolement d’une part et le sentiment de solitude d’autre part. S’il s’agit de sentiments, pour lesquels des approches ciblées émotions du type de celles développées par ailleurs dans ce numéro spécial seraient intéressantes, ils sont le plus souvent étudiés par l’intermédiaire de questionnaires.

  • Le sentiment d’isolement correspond au constat subjectif d’une carence de possibilité d’obtenir de l’aide ou de disposer de ressources à un moment où le travailleur estime en avoir besoin. Cette notion est bien identifiée par le questionnaire de Karasek (Karasek et Théorell, 1990) qui reprend le modèle demande/latitude décisionnelle conçu par Karasek (1979) en y ajoutant une dimension de soutien social. Cette dimension identifie les salariés en situation d’iso-strain, c’est-à-dire ceux qui sont exposés à une demande psychologique importante et une faible latitude décisionnelle et qui, de surcroît, ne peuvent compter que sur un faible (ou aucun) soutien social pour y faire face. Le soutien social du questionnaire distingue deux sources de soutien, la hiérarchie et les collègues, qui peuvent intervenir soit sur un plan pragmatique (collègues aidant à la résolution d’une difficulté), soit sur un plan socioaffectif (collègues manifestant du soutien).
  • Le sentiment de solitude, que nous considérons comme plus extrême, correspond à la situation subjective où le salarié s’est résigné à ne pas rechercher d’aide, considérant par avance que c’est peine perdue (Ernst et al., op. cit., Heinrich et al., op. cit.). La question de savoir s’il en aurait besoin ou non disparaît, parfois même à ses propres yeux. Cette situation subjective peut être caractérisée par une forme de repli sur soi ou sur son activité. Le salarié ainsi résigné verbalise peu sur ce qu’il perçoit de sa situation et on constatera parfois le développement d’une certaine apathie. Ce sentiment a été mesuré par le questionnaire « ucla Loneliness Measure » (Russell, Peplau & Cutrona, 1980). Sa version 3 a été plusieurs fois utilisée dans un contexte professionnel (De Grâce, Joshi et Pelletier, 1993 ; Deaudelin et al., 2003 ; Thibodeau et al., 1997).
Possibilité d’agir sur la situation d’isolement. – Des observations empiriques en dehors du travail montrent que l’isolement est parfois envisagé comme un moyen de se concentrer sur son activité, de faire le point, de se recentrer en dehors de toute influence extérieure. La « capacité à être seul » ou à se mettre à l’écart est assimilée à un indice de santé mentale (e. g. Winnicott, 1975). Au niveau du travail, cela peut conforter le salarié sur son autonomie, sur sa capacité à réaliser une tâche sans aide extérieure (Révah, 2007 ; Vas, 2006). Cela peut aussi être perçu comme un moyen de se développer en repoussant ses limites (Bressol, 2004). Dans de tels cas, réduire ses relations avec des tiers est conçu comme une modalité de régulation de l’activité, qui ne préjuge pas de la possibilité de sortir ultérieurement de cet isolement. Ces situations ne remettent pas en cause la définition proposée plus haut. En effet, le salarié n’éprouve pas la nécessité d’une aide (Bressol, 2004).

26Au niveau de l’organisation du travail, l’autonomie permet à la hiérarchie de se décharger de la prescription de l’activité sur le salarié qui devient ainsi seul responsable de son travail (Zarifian, 2003). Au niveau psychique, les effets de l’augmentation de cette implication subjective requise dans le travail sont contrastés. D’un côté, l’autonomie peut favoriser l’intérêt pour le travail et permettre aux salariés de développer leurs capacités et la maîtrise de leurs activités. D’un autre côté, lorsque l’activité devient fortement contraignante, les exigences d’implication individuelle liées à cette autonomie (Renier et al. 2004 ; Linhart, 2009) participent à l’intensification du travail et à l’isolement des salariés (Vézina et al, 2001 ; Hamon-Cholet et Rougerie, 2000) avec des conséquences concrètes qui peuvent être néfastes tant pour l’individu que pour le collectif. Ainsi, des études ont montré que lorsque la charge de travail augmente, des opérateurs en viennent à travailler seuls pour éviter de donner du travail supplémentaire à un collègue déjà surchargé (Marc et Roglaski, 2009 a ; Cazabat, Barthe et Cascino, 2008). Dans d’autres cas, cela conduit à exclure des collaborateurs peu expérimentés, car les exigences supplémentaires pour obtenir un niveau de performance satisfaisant sont jugées trop coûteuses par le travailleur expert. D’autres travaux ont montré que l’augmentation de la complexité de la tâche (Roglaski, 1996 dans l’aviation) et/ou des contraintes temporelles conduit aussi à traiter comme tâche secondaire la communication, y compris quand il y a un prescrit de communication (travail en réseau), au profit de la tâche principale (Marc et Rogalski, 2009 a). Dans tous les cas, la diminution de la qualité et de la fréquence des relations sociales entraîne des problèmes de coordination de l’activité et augmente les risques d’isolement. Les conséquences sur le bien-être au travail (Dussault et al., 2002) ou sur la sécurité ne sont pas loin.

27Deux transitions que nous considérerons comme séquentielles méritent d’être expliquées. La première correspond au passage d’une situation où un salarié réduit ses relations avec ses collègues, à une situation où le salarié se sent isolé. La seconde correspond au passage du sentiment d’isolement au sentiment de solitude (cf. les définitions ci-dessus). Nous préconisons d’analyser ces transitions comme des processus qui fragilisent la relation du salarié à son collectif et à l’activité. L’analyse doit permettre de constater les éléments objectivables comme les plus subjectifs. Par exemple, dans le secteur des transports urbains, un conducteur face à un incident qu’il n’est pas en capacité de résoudre seul peut constater des difficultés « objectives » pour obtenir une intervention. Il peut aussi renoncer, par avance, à la solliciter car il considère que les délais sont incompatibles avec l’urgence de la situation.

28Le modèle que nous avons esquissé amène à prévoir une dégradation de la cohérence des réactions du collectif par absence de partage social dès lors que les incidents et difficultés vécues par les uns ne profitent plus à l’apprentissage des autres ni à la construction d’une expertise commune, par exemple lorsque les altérations d’activité liées à l’isolement se généralisent au collectif. L’altération des communications avec les « collègues » et avec la hiérarchie participera, dans certains cas, au repli sur soi du salarié. Cette situation de cloisonnement peut déboucher sur des dérives catastrophiques [4] prévisibles uniquement à ce niveau d’abstraction, donc non anticipées par les acteurs en situation.

29Dans ce type de situation, l’intervention d’un tiers au moment de la dégradation peut participer au désamorçage d’un accident grave. Tout le rôle d’une démarche de prévention serait d’y porter remède avant cette phase catastrophique, donc en faisant aussi l’économie de conséquences moins médiatisées.

III – Transports urbains, transports en commun et isolement professionnel

30La demande porte sur le développement de sentiments de mal-être et d’isolement au travail au sein d’une entreprise de transport urbain d’environ 700 salariés. Les résultats et la méthode présentés ici correspondent à la première phase d’une intervention. Ils visent à apporter un éclairage sur un état initial de l’entreprise, étant entendu que la démarche globale intégrera de manière plus complète le modèle présenté plus haut, en allant notamment au-delà de l’approche par questionnaire qui a prévalu dans cette première phase.

31Au moment où la demande a été émise, l’entreprise venait de sortir d’une modification importante du réseau (mise en place d’un tram, réorganisation de certaines lignes) accompagnée d’importantes réorganisations : développement d’un nouveau site d’exploitation, création de nouveaux métiers et doublement des effectifs de la société. Quatre services la composent : la direction (4 % du personnel), les services administratifs (appelé adm : 7 %), les services techniques (ost : 18 %) chargés de la maintenance du matériel fixe et roulant et le service « opération et mouvement » (« som » : 71 %) comprenant les conducteurs de bus et trams et les agents de maîtrise. Ces derniers sont chargés soit de la régulation du trafic (pc de régulation) soit de l’encadrement de proximité des conducteurs. Ils sont, dans les deux cas, susceptibles de partir sur intervention en cas de nécessité.

32La sollicitation a fait suite à une campagne d’information sur les rps mise en place par la direction à la demande du chsct alors même que le contexte social apparaissait comme favorable.

33La lecture du bilan social renforce cette impression positive. Les taux d’absentéisme et d’arrêts de travail sont inférieurs à la moyenne de ce secteur, on note peu de turnover (la suite montrera que ce turnover concerne principalement les cadres), âge moyen de 42 ans (20 % des effectifs de plus de 50 ans, 18,5 % ont plus de 25 ans d’ancienneté), salaire médian supérieur de 28 % à celui de l’ensemble des salariés français.

34Le passage en revue des questions posées durant les réunions de délégués du personnel est lui moins optimiste. L’hétérogénéité et le nombre important de questions posées font penser que les problèmes exprimés ne trouvent pas de solution directe sur le terrain.

35Les entretiens avec les délégués du personnel confirment la place importante de ces réunions dans les rapports entretenus avec la direction. Ces réunions permettent de rendre visibles et « traçables » des problèmes non traités par ailleurs. Lorsqu’ils sont questionnés plus directement sur les difficultés des métiers et sur l’isolement, les délégués syndicaux évoquent un « manque de reconnaissances des contraintes des métiers de conducteur et de régulateur par la hiérarchie directe ». Ils signalent en outre des situations de violence chronique (conflits avec des usagers ou avec d’autres conducteurs), face auxquelles ils sont souvent seuls, du fait des caractéristiques de leur métier et des délais d’intervention.

IV – Objectifs et méthode

36L’objectif de l’intervention fut d’établir, en s’appuyant sur les définitions retenues, un prédiagnostic de la situation permettant, si possible, d’identifier les populations exposées aux « sentiments d’isolement », voire « de solitude », évoqués plus haut, d’y associer des éléments caractéristiques des situations de travail, de l’organisation du travail et de l’activité des salariés. Du point de vue du vécu des situations, il s’agissait de distinguer si la demande se référait à un sentiment d’isolement ou à un sentiment de solitude, considéré comme indicateur de rps avérés.

37Nous avons privilégié, dans cette première phase, une approche par questionnaire, ce qui nous permettait de toucher rapidement un effectif nombreux et diversifié en évitant de bousculer outre mesure des salariés fragilisés et sans perturber notre objet d’étude par une approche trop directe. La phase suivante, non décrite ici, devait s’appuyer sur des entretiens et analyses de l’activité.

38Le questionnaire a été construit de manière à pouvoir mettre en évidence : des carences organisationnelles ou de formation qui rendent nécessaire la sollicitation d’une aide, l’existence d’un collectif « compétent » qui puisse répondre à une demande d’assistance le cas échéant, la présence de sentiment d’isolement ou de solitude au travail. Enfin, nous espérons compenser certains biais de représentation inhérents aux questionnaires (sur quel type de représentation s’appuie le répondant au moment où il répond ?) en demandant aux répondants de présenter quelques situations d’isolement « typiques » qu’ils ont vécues. Cette méthode, inspirée du questionnaire Wocqq (Hansez, 2001), permet d’obtenir des contextes problématiques (dans notre cas liés à l’isolement) et d’en obtenir une évaluation subjective sur trois critères (ici, le stress ressenti, la fréquence d’exposition et l’aide obtenue).

39Le questionnaire a été découpé en cinq parties :

401 – Caractérisation du répondant : poste, âge, expérience… ;

412 – Ressources présentes dans l’entreprise (qualité des outils, formation, accessibilité des collègues, de la hiérarchie…) pouvant influencer une demande d’assistance ou avoir un impact sur le partage social et le développement du collectif ;

423 – Identification des exigences de travail perçues par le répondant, par le biais du questionnaire de Karasek portant sur trois dimensions ; demande psychologique associée aux conditions de travail (dp), latitude décisionnelle (ld) et soutien social (ss) (Karasek et Théorell, 1990). Ce questionnaire permet d’obtenir un score pour chaque dimension. Le traitement veut que les effectifs soient répartis selon les scores obtenus par rapport à la médiane. C’est la mise en rapport du score de latitude décisionnelle et de celui de demande psychologique qui permet d’identifier les situations de tension au travail (job-strain). Dans ces situations, une carence en soutien social est intitulée iso-strain dans ce modèle ;

434 – Informations sur la santé physique (qualité du sommeil, arrêts de travail) et sur le sentiment de solitude perçu. Ce dernier est évalué à l’aide de la version francophone du questionnaire ucla 3. Ce questionnaire unidimensionnel se compose de 20 énoncés autodescriptifs à partir desquels le répondant indique la fréquence à laquelle il ressent les sentiments décrits, et ce, sur une échelle en quatre points. Les scores varient de 20 à 80, plus ils sont élevés plus le sentiment de solitude est fort ;

445 – Description par les salariés de trois types de situations « dans lesquelles ils s’étaient sentis particulièrement isolés » et évaluation en quatre points de chacune en termes de stress, de fréquence de ces situations et de qualité de l’aide reçue.

V – Résultats

45Le taux de réponse est de 33 % (232 répondants). La répartition des répondants est analogue à celle de la population de référence.

V.1 – Ressources présentes dans l’entreprise pouvant avoir un impact sur le partage social et le développement du collectif

46Au premier abord, les conditions de travail dans l’entreprise apparaissent bonnes. Du côté de l’équipement, des circuits de communication et de la qualité des informations transmises, ils sont estimés comme satisfaisant par plus de 70 % des répondants. De même, la communication est estimée facile avec la hiérarchie par 80 % des répondants et par 92 % pour la communication entre les collègues. Il reste toutefois que les possibilités de rencontre informelle avec la hiérarchie sont estimées moins fréquentes pour plus de trois quarts des répondants (73 %) qu’avec des collègues (39 %). Cette difficulté tient en partie à la faible fréquentation des lieux de détente. En effet, si 85 % des répondants indiquent avoir des lieux de détente à disposition, 62 % déclarent ne jamais les fréquenter ou rarement, d’abord par manque de temps (40 %) et parce qu’ils sont mal adaptés (21 %).

47Du point de vue de l’isolement, la qualité des outils et de l’information apportée par la communication interne semble favoriser le partage social. Toutefois, la faible communication avec l’encadrement, associée au sentiment de ce dernier de n’être pas formé à cette fonction, engendrent des difficultés pour gérer des situations incidentelles. D’ailleurs, lorsque les salariés sont interrogés sur les difficultés de communication avec la hiérarchie, ils évoquent d’abord des questions de travail et relèvent une « insuffisance d’écoute », un « manque de proximité physique » avec parfois comme conséquence des « problèmes relationnels ». Pour certains, ces difficultés se traduisent en isolement relationnel ; ainsi, 9 salariés (3,8 %) disent ne communiquer ni avec la hiérarchie, ni avec les collègues.

V.2 – Exigences de travail perçues

48217 des réponses étaient exploitables pour le questionnaire de Karasek. Par rapport aux données de l’enquête sumer[5] 2003 (Guigon, Niedhammer, Sandret, 2008), les médianes des scores obtenus sur les trois dimensions du questionnaire de Karasek dans l’entreprise (tableau 1) positionnent les salariés dans leur ensemble dans un profil a priori peu à risque (faible dp et faible ld) par rapport aux entreprises de ce secteur.

Tableau 1

Médianes des scores de dp-ld et ss du questionnaire de Karasek de l’entreprise par rapport aux entreprises du même secteur d’activité.

Median scores of pd-ld and ss of Karasek’s questionnaire for one company over that of another company in the same sector of activity.

Tableau 1
Dimensions du questionnaire de Karasek   dp ld ss Entreprises du même secteur d’activité 22,5 69 24 Entreprise 20 58 22 Conducteurs receveurs 19 54 22 Agents techniques 21 64 21 Maîtrise adm 24 72 19 Maîtrise som 23 70 23 Maîtrise ost 23 70 21 Employés 19 59 22,5 Cadres 25 80 24

Médianes des scores de dp-ld et ss du questionnaire de Karasek de l’entreprise par rapport aux entreprises du même secteur d’activité.

Median scores of pd-ld and ss of Karasek’s questionnaire for one company over that of another company in the same sector of activity.

49Les scores dp et ld font toutefois apparaître une forte composante « métier ». On constate une opposition entre d’un côté les employés (conducteurs/receveurs, agents techniques et employés) et de l’autre coté l’encadrement. Les premiers auraient des exigences de la tâche moindres que les seconds et des possibilités d’action moindres que les seconds. Les scores obtenus en « soutien social » font apparaître des carences pour l’ensemble des salariés. On peut craindre qu’en cas d’urgence, les salariés trouvent difficilement un soutien auprès de leurs collègues ou de leur hiérarchie.

50Si l’on compare par type de poste, la répartition des salariés en job-strain et en iso-strain à la répartition théorique (25 % pour le croisement entre les médianes dp et ld et 12.5 % si l’on ajoute la dimension ss), on constate (tableau 2) : a) une plus forte exposition des agents techniques et des conducteurs au job strain et une exposition plutôt faible pour les employés et les agents de maîtrise et b) un pourcentage élevé de salariés à la fois en job-strain et en iso-strain, situation qualifiée comme étant la plus à risques pour la santé.

51Dans le cadre de notre problématique, le questionnaire de Karasek laisse penser que les carences de soutien professionnel et émotionnel peuvent s’avérer critiques lors d’expositions à des situations difficiles. Dans ces situations, les risques de défaillances liés aux difficultés de la situation pourront aussi conduire à des effets psychosociaux car les salariés anticipent le fait qu’ils seront seuls à gérer la situation et parce que les possibilités de régulation émotionnelle a posteriori sont limitées. La perception de cette carence peut être associée à un sentiment d’isolement tel que nous l’avons défini.

Tableau 2

Répartition des salariés en job-strain et iso-strain par type de poste

Distribution of workers in job-strain and iso-strain class by job function

Tableau 2
Postes Salariés en job-strain Salariés en iso-strain Salariés en job-strain et en iso-strain ( %) Conducteurs receveurs 29,4 % 20,3 % 69 % Agents techniques 33,3 % 28,5 % 85,6 % Employés 16,7 % 16,7 % 100 % Maîtrise 11,5 % 11,5 % 100 %

Répartition des salariés en job-strain et iso-strain par type de poste

Distribution of workers in job-strain and iso-strain class by job function

V.3 – Informations sur la santé physique (qualité du sommeil, arrêts de travail) et sur le sentiment de solitude perçu

52Sur les 232 répondants au questionnaire, 171 salariés (74 %) signalent avoir consulté au moins une fois le médecin traitant dans les 6 derniers mois, dont 49 % (62) au moins deux fois.

53Le score moyen au questionnaire de solitude de l’ucla 3 pour l’ensemble de l’échantillon est de 37,8 (? = 9,35). On enregistre toutefois 14 % des répondants à plus d’un écart-type, dont les deux tiers (10 %) ont un score supérieur à deux écart-type (maîtrise et services techniques surreprésentés). Bien qu’une corrélation entre contrainte de travail et sentiment de solitude ait été soulignée dans d’autres travaux (Derriennic & Vézina, 2005), aucune corrélation n’a été trouvée ici entre les scores à l’ucla 3 et les scores du Karasek.

54Les résultats sur la santé obtenus dans l’entreprise ont permis d’identifier deux types de poste potentiellement à risques : l’encadrement (particulièrement les agents de maîtrise ost) et les employés. Pour les premiers, ce ne sont pas les résultats au questionnaire Karasek qui révèlent un problème, mais les troubles du sommeil rapportés. Les résultats des seconds sont de plus en conformité avec ce qui a été relevé plus haut : manque de formation adaptée, travail exigeant (proche du job-strain) avec peu de soutien. On retrouve comme symptôme les troubles du sommeil. Pour les employés, les indicateurs au rouge portent sur le nombre important de consultations du médecin traitant les six derniers mois, suivi, pour certains, d’arrêts de travail de longue durée.

V.4 – Types de situations d’isolement évoqués par les salariés

55À la question « citez trois situations dans lesquelles vous vous êtes senti particulièrement isolé », 101 salariés ont rapporté 171 situations. Les situations rapportées ont été réparties en catégories en fonction de leur contenu. Cinq catégories regroupent 93 % des situations :

561. Violences : situations vécues comme des agressions (effectifs 81). Ces situations sont distinguées en fonction de leur origine : externe, c’est-à-dire commises par des personnes extérieures à l’entreprise, (62), interne, liées à des salariés de l’entreprise (15), ambiance violente (4). On a distingué deux modes d’expression de la violence : verbale ou physique ;

572. Absence de soutien (28) : situations caractérisées par un manque d’aide ou de soutien, exemple : « suite à une agression, l’entreprise ne prend pas de mes nouvelles » ;

583. Organisation du travail (25) : situations pour lesquelles l’organisation du travail est directement impliquée, exemple : « seul au poste le week-end, il est difficile d’avoir le cadre d’astreinte au téléphone » ;

594. Difficultés liées à la gestion de la conduite (18) : situations impliquant directement la conduite, exemple : « retard sur la ligne à cause des travaux » ;

605. Accident (7) : situations relatives à un accident ou faisant suite à un accident.

61En ce qui concerne l’évaluation des risques associés aux situations rapportées, l’addition des évaluations en termes de stress et de fréquence d’exposition de chaque situation a permis de hiérarchiser les situations en fonction de l’exposition au risque (notée « R ») perçu par les salariés (tableau non présenté). On constate que la plupart des évaluations des risques se concentrent autour de 5,5 (écart type : 1.5) sur une échelle allant de 2 à 8. Deux évaluations se distinguent toutefois : les situations d’isolement relatives à un accident dont l’évaluation est globalement inférieure à la moyenne (4.4) et les situations de violence interne dont l’évaluation en termes d’exposition est plus importante que la moyenne (6.6).

62Les scores relatifs à la perception de l’aide reçue dans les situations d’isolement rapportées (sur une échelle de 4) mettent en évidence deux rapprochements : l’importance de l’estimation de l’aide reçue en cas d’accident (3) et de violence physique externe (2.4). Dans ces situations, le soutien social fonctionne bien sans doute parce qu’elles concernent un collègue en détresse aiguë. À l’inverse, le rapprochement entre les situations de « violence interne » (1.3) et « manque de soutien » (1.4) pose la question du soutien dans des conflits internes.

63La combinaison de l’évaluation de l’exposition aux risques (R) avec, en symétrie, la difficulté d’obtenir une assistance (notée A) permet de hiérarchiser les classes de situations d’isolement en fonction d’un indicateur global (noté « G », G = R + (5-A), tableau non présenté). Par rapport à l’ensemble des résultats (moyenne 8.6, écart type 1.8), les scores opposés des classes de situations « accidents » (6.4) et violence interne (10.1) ressortent nettement.

VI – Discussion

64Le prédiagnostic avait deux objectifs 1) vérifier le bien-fondé des plaintes exprimées en termes de sentiments de « mal-être » et « d’isolement » et 2) vérifier que l’expression de ces plaintes peut s’intégrer dans un cadre explicatif global permettant de considérer l’expression des émotions comme un élément d’une régulation normale et où les sentiments d’isolement ou de solitude informeraient les individus sur le contrôle qu’ils ont de la situation au même titre que le sentiment de maîtrise de la situation pour des temporalités plus courtes

VI.I – Synthèse des résultats

65En acceptant que l’isolement soit un processus qui fragilise la relation au travail et qu’on puisse le caractériser au travers de l’apparition et du développement de situations dans lesquelles un salarié éprouve des difficultés à avoir accès à une assistance, le questionnaire utilisé lors du prédiagnostic, sans rendre compte de la dynamique des situations, a pu permettre de mettre en évidence des situations où l’accès à une assistance semble être difficile.

66Dans cette entreprise, bien que la formation des salariés, les outils et la communication soient globalement de bonne qualité, on constate quelques éléments pouvant entraver le partage social. Ainsi, le fait que le personnel d’encadrement estime manquer de formation pour exercer son poste interroge sur sa capacité à assister les salariés en cas de nécessité. Le partage social est par ailleurs freiné par une déficience forte des possibilités de rencontres opportunistes (faible fréquentation des lieux de détente et difficultés de rencontres informelles). Ce type de rencontres est pourtant important, elles favorisent le partage informel d’informations et d’émotions et elles ont aussi un rôle important dans la gestion des situations d’urgence en apportant parfois aux salariés des solutions « opportunistes » (partage avec un collègue émotionnellement compétent), comme on le retrouve dans les travaux sur les erreurs et le contrôle cognitif (Marc et Amalberti, 2002 ; Hoc et Amalberti, 2007).

67Au niveau des conditions de travail, les effectifs des conducteurs et les scores obtenus à la dimension « demande psychologique » influencent fortement les résultats globaux. Les autres catégories de personnels sont en situation de job-strain au sens de Karasek (ou s’en rapprochent). Le faible score obtenu au soutien social montre que les salariés estiment devoir d’abord compter sur eux-mêmes en cas de difficultés. Ce faible score a deux conséquences : 1) les salariés en job-strain se retrouvent de fait très souvent en iso-strain (situation considérée comme ayant de fortes répercussions sur la santé) et 2) si pour une raison ou une autre les exigences de la tâche se dégradent, les salariés sont confrontés à une rupture qualitative importante de la situation (une catastrophe), qui peut les mettre en iso-strain. Ce type de variation brusque n’est pas rare, beaucoup de conducteurs relatent les difficultés qu’ils rencontrent en cas d’accident ou lors d’altercation avec des clients ou entre clients. Dans la plupart des cas, cela se termine sans dommage grave, mais ils en ressortent avec la conviction que les secours ne peuvent arriver dans des délais compatibles avec une réelle urgence.

68Par ailleurs, les troubles du sommeil évoqués peuvent avoir une influence sur la vigilance des salariés avec des conséquences cognitives (manque de concentration, risque d’erreur) et sociales (fatigue, difficultés à soutenir une conversation…) négatives. La variété des réponses sur le sentiment de solitude mesurée à l’ucla 3, l’absence de corrélation avec les dimensions du questionnaire de Karasek et la connaissance des composantes de métier conduisent cependant à penser que ce sont plutôt des situations individuelles difficiles qui mènent à ce sentiment de solitude que la fonction occupée.

69Les situations d’isolement rapportées par les salariés font bien la distinction entre les accidents liés à la conduite ou à la violence externe d’un côté et les situations de violence interne ou les situations de manque de soutien de l’autre. Les premières font parties des aléas du travail. Comme on peut l’observer dans d’autres métiers (Marc et Amalberti, 2002 ; Marc et Roglaski, 2009 a, pour le samu) la probabilité d’un incident majeur reste faible et les situations « normalement dégradées » (altercations, insultes…) ne conduisent pas si souvent à des dérives catastrophiques (au sens défini plus haut). Par ailleurs, l’expression de « carences de soutien » et de « violences internes » semble poser plus de problèmes. Il s’agit de situations pour lesquelles les salariés n’ont pas la maîtrise de la situation. D’un point de vue cognitif, les carences de soutien mettent l’accent sur le fait que le salarié doit se débrouiller seul dans une situation dans laquelle il a du mal à trouver une solution et pour laquelle il ne peut espérer d’aide. Il en va de même pour les situations de violences internes. Si elles étaient mieux prises en compte par l’organisation du travail, on peut penser qu’elles ne seraient pas sources de plainte. Dans les deux cas, le salarié se trouve exposé à des situations où il doit soit se résigner, soit verser lui-même dans de la violence interne (disputes, altercation…) pour imposer son point de vue.

VI.2 – Interprétation des résultats dans le cadre de notre approche

70On peut aborder la question en distinguant d’un côté les éléments objectifs et subjectifs et de l’autre la possibilité d’avoir un contrôle sur les situations d’isolement. Parmi les éléments objectifs, les résultats mettent en évidence des entraves au partage social (manque de formation de l’encadrement, manque de possibilité de rencontre informelle). Cette carence peut avoir une influence sur les représentations (individuelles et partagées) que se font les opérateurs de la situation et des compétences de leurs collègues. Ces connaissances sont importantes pour le lien social, elles le sont aussi pour la gestion des situations d’urgence (Marc et Amalberti, 2002), voire pour le développement de compétences cognitives et émotionnelles face aux situations incidentelles qui pourront être prises en charge en limitant le développement de nouvelles tensions. L’absence de corrélation significative entre d’un côté les salariés qui identifient une carence de soutien social, y compris ceux qui sont en iso-strain, selon Karasek et ceux qui développent un sentiment de solitude interroge sur le lien entre ces deux sentiments. La connaissance des composantes de métier conduit à l’idée qu’il faille associer une exposition régulière à des situations difficiles à un manque de soutien pour voir apparaître des effets psychosociaux aggravés par un sentiment d’isolement préexistant. Ceci plaide pour une analyse intégrant davantage des éléments dynamiques, méthodologie qui plaide pour d’autres outils que les questionnaires.

71Par ailleurs, la dynamique des régulations émotionnelles (et leur temporalité) n’étant pas la même que celle des résolutions de problème en situation, on peut penser que le vécu négatif d’une expérience peut perdurer et influencer les représentations des individus bien au-delà des événements déclencheurs.

VI.3 – Pistes d’amélioration engagées

72Nos préconisations et le suivi effectué par la suite auprès de cette entreprise sont fortement influencés par notre cadre théorique et les ressources déjà présentes dans l’entreprise. Nous avons choisi, dans ce premier temps de notre démarche, de considérer les rps comme des indices de défaillances du système. Après avoir renforcé les compétences du chsct sur cette question des rps, nous avons opéré un rapprochement entre le service qualité sécurité environnement (qse) de l’entreprise. L’idée était de mettre en visibilité ces défaillances au même titre que d’autres. L’espace de discussion créé par ce rapprochement a permis de poser les bases d’un système de retour d’expérience destiné à tracer et à assurer la visibilité de ces défaillances pour l’ensemble de l’entreprise. Par ailleurs, la réunion de membres du chsct et du service qse permet de développer une relation favorable aux deux instances de l’entreprise : le chsct profite des outils et méthodes du service qse pour l’analyse des défaillances, leur mise en visibilité et leurs traitements, et ce dernier obtient un retour critique sur l’applicabilité des procédures qu’il génère.

73La première tâche demandée à ce groupe de travail a consisté à distinguer les défaillances « normales » qui seront traitées par les procédures classiques, des défaillances « importantes » qui seront traitées par ce groupe de travail. Pour que cette tâche puisse se réaliser, le groupe a dû passer par une étape d’élaboration d’un « langage opératif commun » et d’un « système de référence commun » pour distinguer les classes de situations. Les espaces de discussion ainsi dégagés ont favorisé le partage social de situations problématiques, ils permettent en outre aux différents protagonistes de prendre de la distance vis-à-vis de la charge émotionnelle liée à ces situations.

74Par la suite, les analyses des différentes situations, recueillies par ce retour d’expérience, pourront être présentées aux salariés dans des formations spécifiques. Ces nouvelles zones de partage social devraient permettre d’ouvrir des débats sur les conditions de travail et favoriser ainsi une élaboration cognitive qui devrait faciliter la mise en place de stratégies de régulation « proactives » (identifier des situations de travail à éviter) ou « réactives » en permettant aux salariés qui ont déjà été exposés de reélaborer leur vécu dans le cadre de situations qui leur ont posé problème.

VII – Conclusion

75La thématique de l’isolement au travail semble être intéressante pour étudier la genèse des rps. Contrairement à ce qui a été relevé dans d’autres travaux (Vézina et al., 2001), les relations entre sentiment d’isolement et sentiment de solitude ne semblent pas évidentes. De fait, un questionnaire peut difficilement rendre compte des dynamiques cognitives et émotionnelles et de leurs dérives vers des limites de fonctionnement sûr. Ainsi, le prédiagnostic présenté ici ne suffit pas à expliquer le passage d’une phase au cours de laquelle une personne est physiquement seule ou se plaint d’être seule, à l’étape, qualitativement différente, où elle se replie sur elle et refuse toute communication.

76Dans l’objectif de mieux comprendre le développement des rps en entreprise, l’approche présentée ici permet d’intégrer aux modèles interactionnistes et transactionnels de stress, plus focalisés sur une approche émotionnelle, des connaissances et des modèles portant sur la régulation des situations dynamiques développées en psychologie ergonomique. Dans les deux cas, les cadres de réflexion s’appuient sur le couplage entre des éléments objectifs de la situation et leurs intégrations subjectives, y compris émotionnelles, à des fins d’action ou de régulation. S’agissant des rps, l’ensemble des travaux sur les représentations mentales de la psychoergonomique présente l’avantage d’apporter un corpus de connaissances cohérent susceptible d’intégrer l’influence de la subjectivité dans la régulation des situations dynamiques et abordant la question de la dérive des comportements aux limites de performances. Plus récemment, les approches écologiques de la sécurité et des ouvertures conceptuelles comme la thématique de la résilience ont ouvert des pistes heuristiques communes permettant d’aborder ces rps.

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Mots-clés éditeurs : isolement, soutien social, bien-être, émotions, solitude, risques psychosociaux

Date de mise en ligne : 30/06/2011

https://doi.org/10.3917/th.742.0107

Notes

  • [*]
    inrs, département Homme au travail, 1, rue du Morvan, cs 60027, 54519, Vandœuvre cedex. jacques.marc@inrs.fr, vincent.grosjean@inrs.fr
  • [1]
    La notion de « partage social » est préférée à celle de « soutien social » (Cobb, 1976). Bien que le soutien social ait été considéré (encore actuellement) dans de nombreux modèles (notamment Karasek & Theorell, 1990), comme amortisseur par rapport aux « stresseurs » issus d’un environnement de travail, l’utilisation de questionnaires pour l’investiguer ne rend pas compte des contraintes de mobilisation des collectifs en situation dynamique (Cazabat, Barthe and Cascino, 2008 ; Caroly et Weill-Fassina, 2007). La notion de partage social reprend les bénéfices attribués aux différentes formes de soutien social et permet d’envisager une lecture sociocognitive qui facilite la prise en compte de la dynamique des situations. Cette notion de partage social peut aussi être rapprochée de notions tel le « référentiel opératif commun » et rendre mieux compte des difficultés (capacités ou motivations) d’un sujet à solliciter une assistance en situation (Cazabat et al., 2008 ; Caroly et al., 2007).
  • [2]
    La qualité de l’élaboration est fonction de la compétence de l’interlocuteur par rapport à l’événement.
  • [3]
    Au sens de Rimé (2005), quelqu’un est émotionnellement compétent s’il possède le bagage contextuel qui lui permet de comprendre pourquoi la personne qui raconte un événement l’a vécu avec telle émotion et d’enrichir ce vécu pour en faciliter l’assimilation. Un salarié d’une entreprise privée est peu capable d’éprouver de l’empathie pour le vécu subjectif d’un fonctionnaire, parce que la distance entre leurs contextes subjectifs respectifs est trop importante.
  • [4]
    Entendu ici dans le sens de la théorie des catastrophes : la catastrophe correspond à une rupture qualitative dans l’interaction entre l’individu et le milieu, apparaissant au-delà d’un certain seuil.
  • [5]
    Surveillance médicale des risques.

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