Notes
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[1]
Les chercheurs qui ont étudié le travail en groupes ou le travail en équipes ont utilisé le terme de « groupe » comme unité d’analyse (cf. Sundstrom, 1999). Dans cet article, les termes de « groupe » et d’ « équipe » seront donc utilisés de manière interchangeable.
I. INTRODUCTION
1Depuis l’Antiquité, les civilisations ont poursuivi le même objectif : maîtriser les distances pour optimiser les échanges économiques et sociaux. Aujourd’hui, avec le développement des technologies de l’information et de la communication, on assiste à une mutation des modes de travail qui amène des gens éloignés géographiquement à communiquer et travailler ensemble.
2Imaginez une grande firme multinationale en BTP qui vient d’obtenir un marché pour la construction d’un complexe hôtelier à Singapour. Pour mener à bien ce projet, la direction sollicite des experts dispersés dans le monde entier : un architecte renommé basé à Londres, qui doit collaborer avec un ingénieur dont les bureaux sont situés à San Francisco, et un directeur de travaux basé à Singapour pour la construction du complexe.
3Cet exemple illustre le travail en équipes distribuées qui peut être défini comme un groupe de personnes qui travaillent ensemble à la réalisation d’un objectif commun, mais dont les frontières spatiales, temporelles, culturelles et organisationnelles diffèrent (Hinds & Kiesler, 2002 ; Maznevski & Chudoba, 2000). L’utilisation des équipes virtuelles par les organisations tend à s’accroître dans la mesure où les compétences requises pour conduire les projets sont aujourd’hui très complexes et donc réparties dans le monde. La coopération en « groupes » ou en « équipes » à distance [1] apparaît donc largement aussi bien dans le secteur de l’industrie que dans d’autres domaines tels que la santé, la formation, l’éducation ou les services. Ces nouveaux modes de travail à distance suscitent l’intérêt des scientifiques dans différentes disciplines (psychologie, ergonomie, sociologie, géographie, sciences de gestion, sciences de l’information et de la communication, sciences de l’ingénieur, informatique, etc.) et ont permis l’émergence de courants de recherche organisés autour de l’analyse des activités de travail collaboratif à distance (CSCW) ou des activités d’apprentissage coopératif à distance (CSCL). En effet, le travail en groupes à distance entraîne un certain nombre de changements sur le plan technologique (adaptation des plates-formes, ergonomie des interfaces), socio-organisationnel (répartition des rôles, mode de leadership à distance), institutionnel (reconfiguration des réseaux professionnels, réseaux de pouvoir, leadership) et psychosociologique (socialisation des membres dans un groupe virtuel, maintien d’une identité sociale et professionnelle à distance) (e.g., Kouloumdjian, 2000 ; Lea & Spears, 1991 ; Nova, 2005). L’interrogation principale qui sous-tend l’ensemble des travaux est finalement de savoir si l’on peut travailler ensemble à distance de manière efficace. Autrement dit, quel est l’impact de l’absence de proximité physique entre les membres d’une équipe de travail distribuée ?
4La réponse à cette interrogation suscite un débat dans la littérature. Certains, comme l’économiste Cairncross (1997), ont affirmé que les contraintes de distance géographique étaient aujourd’hui maîtrisées, et que des personnes dispersées géographiquement pouvaient coopérer de manière efficace grâce aux nombreux outils techniques disponibles (messagerie électronique, messagerie instantanée, audio- et visio-conférence, collecticiels, agendas partagés, etc.). D’autres défendent l’idée selon laquelle la proximité physique reste essentielle dans le fonctionnement efficace des groupes de travail, et qu’il est prématuré d’affirmer que « la distance est morte » (Olson & Olson, 2000 ; 2002). Pour preuve, les projets en équipes distribuées qui ont échoué ou perdu de leur intérêt avec le temps à cause d’incompréhensions entre les membres, d’incapacité à partager les informations, de laisser-aller des membres ou des contraintes de travail sur site (e.g., Cramton, 2001 ; Hinds & Bailey, 2003). En réalité, les points de vue sceptiques sur les possibilités de travail en groupes à distance sont aussi nombreux que les positions plus optimistes. Le débat semble donc ouvert sur cette question des effets de la distance physique (ou dispersion géographique) sur le travail en groupes distribués.
5Faire une synthèse des recherches sur la distance physique et ses effets dans les équipes de travail distribuées peut s’apparenter à un challenge. L’exercice est en effet rendu complexe pour plusieurs raisons. Premièrement, les études réalisées sur les effets de la dispersion géographique au sein des groupes de travail proviennent de différents champs disciplinaires, et les méthodologies employées sont très diverses, allant des études ethnographiques aux expérimentations ou simulations en laboratoire. Deuxièmement, les groupes ou équipes étudiés sont de nature différente : unités ou services, équipes de travail, groupes d’étudiants. Enfin, les critères d’efficacité du travail utilisés diffèrent selon les études (e.g. coordination, compréhension mutuelle, performance collective, identification et satisfaction des membres). Cela rend alors difficile la comparaison des données.
6La présente synthèse n’a donc pas pour objectif d’opposer des résultats illustrant les effets tantôt positifs tantôt négatifs de la dispersion géographique sur le travail à distance, mais de mettre en perspective les travaux selon un certain nombre de critères pertinents lors d’un travail en groupes distribués. Plus spécifiquement, il s’agit d’apporter un éclairage à la fois théorique et méthodologique à partir de travaux réalisés en psychologie sociale et organisationnelle. Pour cela, dans un premier temps, nous analyserons les travaux en s’attachant à la signification de la distance physique en elle-même. Il apparaît en effet que celle-ci est souvent appréhendée comme un concept unidimensionnel et bipolaire (distance vs présence). Or, en fonction des facettes de la distance impliquées, les résultats observés peuvent différer. Dans un second temps, nous verrons que les résultats parfois contradictoires doivent être considérés en fonction des dimensions observées lors d’un travail à distance (e.g., activités centrées sur la compréhension mutuelle entre les membres et la coordination vs activités centrées sur la cohésion de groupe et le sentiment d’appartenance). Cette mise en perspective des différents travaux devra finalement offrir des pistes de réflexion et des implications pratiques pour l’organisation du travail en groupe à distance.
II. LA DISTANCE PHYSIQUE : UN CONCEPT MULTIDIMENSIONNEL
II . 1. DISTANCE EUCLIDIENNEET DISTANCE FONCTIONNELLE
7Lorsque nous nous attachons à considérer l’impact de la distance physique sur les processus et comportements, il est nécessaire de s’intéresser à son corollaire : la proximité. La distance séparant des individus implique nécessairement une plus ou moins grande proximité. Festinger, Schachter et Back (1950) avaient déjà souligné l’existence de deux formes de proximité : la proximité euclidienne (ou distance géométrique linéaire) et la proximité fonctionnelle (ou distance « utilisable » par les individus). La première correspond à la simple juxtaposition des individus dans l’espace euclidien, alors que la seconde forme de distance prend en compte, dans ce même espace, l’existence de canaux de communication et de zones de circulation partagée qui offrent aux personnes la possibilité de « contacts passifs ». Cette forme particulière de proximité fonctionnelle ne serait pas objective et statique comme la proximité euclidienne, mais elle serait représentée par les individus – et, par conséquent, fluctuante. Autrement dit, elle peut varier en fonction des normes et règles informelles de la situation sociale d’interaction (Belin & Monteil, 1999), et elle renvoie à la « probabilité que les gens ont d’être dans le même espace de communication durant le même intervalle de temps » (Monge & Kirste, 1980, p. 112).
8Festinger et al. (1950) avaient déjà démontré que la proximité fonctionnelle constituait un élément déterminant dans le développement des affinités entre les personnes. Ainsi ont-ils observé qu’à proximité euclidienne équivalente, lorsque deux maisons ou deux appartements sont reliés par des canaux de communication (jardin, couloir, escalier, cour, etc.), leurs habitants respectifs ont davantage tendance à s’apprécier mutuellement. D’autres études menées au sein des groupes de travail ou d’apprentissage ont par ailleurs démontré que la proximité fonctionnelle prédit davantage la formation des réseaux affinitaires (e.g., Belin & Monteil, 1999 ; Gullahorn, 1952) ou le développement de collaborations au travail (e.g., Allen, 1977 ; Monge & Kirste, 1980) que la simple proximité euclidienne. La fréquence des contacts entre les individus créerait un effet de simple exposition défini en psychologie sociale comme le processus selon lequel l’exposition répétée à un même stimulus (objet social ou non) conduit à une attirance envers cet objet (Zajonc, 1968). Dans le champ des communications médiatisées par ordinateur (CMO), cet effet de simple exposition permettrait d’expliquer la création des affinités entre les internautes, y compris dans les espaces textuels comme les CHATs ou les MUDs : « Lorsque j’étais dans le MUD avec mes amis » (cf. McKenna & Barg, 2000). En effet, la fréquence des connexions entre les internautes les rend familiers à l’utilisation des pseudonymes ou adresses électroniques de leurs partenaires créant ainsi l’effet de simple exposition.
9Cette première distinction souligne l’idée que les membres d’équipes distribuées, même s’ils sont éloignés sur le plan de la stricte distance géographique, peuvent parfois être proches sur le plan de la distance fonctionnelle. Aujourd’hui, certains espaces de travail collaboratif offrent aux utilisateurs la possibilité de se percevoir dans un même espace de communication, par exemple en visualisant en temps réel les déplacements des utilisateurs dans l’espace partagé, en offrant à chaque intervenant la possibilité d’agir en temps réel sur les mêmes documents (e.g., logiciel Groove®).
II . 2. PRÉSENCE PHYSIQUE ET PRÉSENCE SOCIALE
10Avec le développement des moyens de communication et des outils techniques, le concept de distance renvoie à des significations multiples pour les individus, allant de la co-présence physique dans un même lieu lors des interactions en face-à-face à la présence virtuelle, la télé-présence, l’immersion ou encore la transportation lors des interactions dans le « cyber-espace » (cf. Lombard & Ditton, 1997 ; Sommer, 2002). Ijsselstein, De Ridder, Freeman et Avons (2000) proposent la distinction entre deux grandes catégories de présence : la présence physique et la présence sociale. La première renvoie au sentiment d’être ensemble dans un même espace (le « togetherness »), sentiment qui serait plus ou moins facilité par l’usage de vidéos ou de simulations d’interactions réelles dans des environnements virtuels. La présence sociale désigne plutôt le sentiment d’appartenir à un même groupe de personnes (le « weness »), d’avoir une « conscience mutuelle » (interpersonal awareness, cf. Navarro, 2001). Selon Ijsselstein, la présence physique et la présence sociale fonctionneraient de manière relativement indépendante. En effet, un média peut fournir un degré élevé de présence physique grâce à une réalité virtuelle graphique sophistiquée (i.e. les environnements virtuels, VEs) sans avoir la capacité de transmettre des signaux de communication réciproque entre les individus permettant une « représentation partagée » du problème. Inversement, les individus peuvent ressentir une certaine présence sociale, ou une impression d’être avec le partenaire, en utilisant des applications pauvres sur le plan des indices visuels et graphiques.
11Cette distinction entre présence physique et présence sociale a été inspirée par la théorie de la présence sociale (Short, Williams, & Christie, 1976) initialement proposée pour expliquer la richesse des médias classiques comme le téléphone, la vidéo, la télévision. Selon Short et al. (1976), la présence sociale se qualifie par le degré de contact interpersonnel qu’un média peut fournir et renvoie à la qualité subjective des moyens de communication. Les médias pourraient donc être classés selon leur degré de présence sociale – à savoir, selon le niveau de saillance d’autrui lors de l’interaction. En réalité, cette présence sociale comporte plusieurs dimensions : a) l’immédiateté : le sentiment d’être dans le même lieu, d’interagir avec un individu réel ; b) l’intimité : la perception de la qualité de l’interaction avec autrui, le sentiment d’être aimé ou compris ; c) la sociabilité : le climat de groupe, les possibilités de communications informelles, le développement d’affinités entre les membres. Divers instruments existent pour évaluer ces différentes dimensions de présence sociale, allant des mesures par autoquestionnaire à des mesures physiologiques ou comportementales (cf. Kreijns, Kirschner, Jochems, & H. Van Buuren, 2004 ; Van Baren & Ijsselsteijn, 2004, pour une revue des outils).
12Cette théorie de la présence sociale a ensuite été reprise pour l’étude des communications médiatisées par ordinateur (CMO) dans le cadre du modèle des indices sociaux réduits (Kiesler, Siegel, & McGuire, 1984 ; Sproull & Kiesler, 1985). Ce modèle postule notamment que les communications par ordinateur sont pauvres en indices non verbaux comme les gestes, les regards ou expressions faciales des individus. La restriction de ces indices sociaux externes perturberait la communication et la compréhension mutuelle nécessaire à la collaboration (Sproull & Kiesler, 1985 ; Strauss & McGrath, 1994). Les communications électroniques seraient aussi à l’origine d’échanges agressifs entre les individus et d’hostilités au sein des groupes virtuels (i.e. « flaming »). Les communications par Internet, en permettant aux individus d’être anonymes, peuvent les placer dans un état de dé-individuation (i.e. perte d’identité personnelle) qui les conduit à manifester des comportements agressifs et irresponsables. Dans cette perspective, l’amélioration du travail en groupe à distance passerait par la mise en place d’outils techniques et de métaphores spatiales sophistiquées (e.g. Kraut, Lewis, & Swezey, 1982 ; Sproull & Kiesler, 1985). Les outils de communications synchrones ou asynchrones comme le téléphone, les SMS, la messagerie électronique, les messageries instantanées (e.g. MSN), la WebCam, les collecticiels sont alors proposés comme des aides à la collaboration à distance entre les membres.
13Plus récemment, un certain nombre d’études ont montré que l’utilisation de symboles et langages spécifiques (émoticons, utilisation de caractères gras, lettres majuscules, points d’exclamation, etc.) lors des échanges électroniques constituait un moyen d’expression des émotions, et permettait de préserver la présence sociale entre les internautes (e.g. Delfino & Manca, 2007 ; Jacobson, 1999 ; Murphy & Collins, 1997). Ainsi, une étude récente de Delfino et Manca (2007) a montré que l’utilisation d’un langage figuratif (i.e. métaphores, analogies comme « être dans le même bateau ») entre les membres d’un groupe d’apprentissage distribué apparaissait plus fréquemment lors d’événements critiques ou de périodes de transition apparaissant au cours d’activités collaboratives (Michinov & Michinov, 2007). Le recours à ce type de langage permettrait de restaurer un « sentiment de présence à distance » et de surmonter les états d’humeur négatifs. L’utilisation d’un langage figuratif peut également être requise par le responsable d’un groupe à distance pour accroître le sentiment d’appartenance au groupe et le sens des responsabilités entre les membres (De Simone, Lou, & Schmid, 2001).
14Finalement, l’ensemble de ces travaux sur la distinction entre « présence physique » et « présence sociale » souligne la possibilité de restaurer un sentiment de présence à distance entre les membres d’équipes distribuées sans nécessairement avoir recours à des outils de communication sophistiqués.
II . 3. DISTANCE ET DISPERSION GÉOGRAPHIQUE :DISPERSIONS TEMPORELLE, STRUCTURELLE ET SOCIALE
15Un autre ensemble de travaux issus de la littérature sur la psychologie du travail et des organisations proposent également que la distance géographique ne se mesure pas par la seule proximité spatiale entre les membres, mais à travers d’autres unités de dispersion.
16Ainsi, O’Leary et Cummings (2007) proposent de distinguer trois dimensions dans la dispersion géographique au sein des groupes de travail à distance : a) la dispersion spatiale ; b) la dispersion temporelle et c) la dispersion de configuration. La dispersion spatiale est proche de celle utilisée par Allen (1977) et renvoie à la stricte distance linéaire (en mètres, kilomètres...) qui sépare les membres d’une équipe (i.e. la distance euclidienne). La dispersion temporelle concerne la possibilité qu’ont les membres des équipes dispersées de travailler ensemble pendant les heures « normales » de bureau (Saunders, Van Slyke, & Vogel, 2004). Par exemple, pour les équipes de travail qui sont géographiquement dispersées sur les zones Est-Ouest (e.g. Asie/Europe), les membres des équipes partagent relativement peu d’heures de bureau en commun en raison des décalages horaires. Ils doivent par conséquent étendre leur journée de travail pour communiquer de manière synchrone. Une telle dispersion temporelle contribue à amplifier la distance géographique qui sépare les membres de l’équipe, et à terme peut nuire à une collaboration efficace. À l’inverse, des équipes dispersées sur les zones Nord-Sud (e.g. Europe/Afrique) peuvent avoir le même degré de dispersion spatiale, mais une dispersion temporelle relativement faible étant donné les possibilités de communications synchrones. Dans ce cas, la faible dispersion temporelle peut atténuer la dispersion spatiale et faciliter la coordination entre les équipes. Enfin, la dispersion de configuration désigne la répartition des membres de l’équipe entre les différents sites indépendamment des distances spatiales et temporelles. Un site peut être un immeuble, un campus, ou une ville dans laquelle un ou plusieurs membres de l’équipe sont localisés. Par exemple, une équipe distribuée comprenant un total de 8 membres peut présenter un degré de dispersion géographique variable en fonction de la répartition des membres sur les différents sites. Les 8 membres de l’équipe peuvent se répartir selon 21 configurations au total (voir tableau 1).
17Ces différentes configurations se répartissent en différentes sous-catégories (ou « clusters »). Par exemple, certaines de ces configurations sont de type bi-modales (e.g. 4-4) ou quasi bi-modales (e.g. 5-3), c’est-à-dire qu’elles répartissent les membres de l’équipe sur 2 sites uniquement. D’autres configurations rassemblent la majorité des membres sur un site et quelques autres dans des sites périphériques ou « satellites » (e.g. 6-1-1, 5-1-1-1, 4-1-1-1-1). Une autre catégorie de configuration fortement dispersée concerne une répartition des membres sur un nombre varié de sites (e.g. 1-1-1-1-1-1-1-1, 2-2-2-2). En fonction du type de configuration, les dynamiques de groupe sont différentes, et atténuent ou amplifient la distance géographique existante. Baba, Gluesing, Ratner et Wagner (2004) ont étudié un groupe de travail à distance comprenant 20 membres dispersés sur 7 sites au total : 10 d’entre eux étaient installés à Paris, 5 autres à Bruxelles, et les derniers étaient répartis sur 4 autres sites dans le monde. Une telle configuration qui repose principalement sur deux sites a créé deux sous-groupes à l’intérieur même de l’équipe-projet, et à terme des scissions internes. La répartition des membres sur les sites est donc une dimension capitale à prendre en considération dans la gestion des groupes à distance.
18Une autre dimension à prendre en considération dans la compréhension des effets de la dispersion géographique concerne la diversité structurelle (Cummings, 2004). Dans une étude réalisée auprès de 182 équipes dans le domaine des télécommunications, Cummings (2004) a montré que les équipes les plus performantes étaient celles présentant une forte diversité structurelle. Cette notion renvoie à des équipes de travail caractérisées par une dispersion géographique, une diversité des compétences, une dispersion des managers et une diversité des services. En effet, les individus qui communiquent à distance sont amenés à établir des liens sociaux extérieurs au groupe de travail ou à l’organisation, en rencontrant d’autres personnes dans les bâtiments, dans les réunions et en communiquant avec des personnes très différentes et riches d’expériences (Conrath, 1973). Cette dispersion géographique est aussi associée à une dispersion des fonctions et des expertises entre les membres de l’équipe, une dispersion des services d’origine et une dispersion des équipes de direction et des leaders. La qualité et l’innovation des projets réalisés seraient plus importantes lorsque les experts des équipes sont dispersés géographiquement et connaissent les expertises de chacun (Faraj & Sproull, 2000). Les collaborations à distance permettent le développement de réseaux sociaux diversifiés et par là même un accroissement des connaissances disponibles chez les membres de l’équipe. Cette diversité structurelle représentée à différents niveaux permettrait le développement d’une « connaissance partagée externe » (external knowledge sharing), c’est-à-dire une coordination implicite à partir des compétences et des informations sur les rôles de chaque membre de l’équipe. Ce concept évoqué par Cummings dans le domaine des équipes distribuées est proche de celui de mémoire transactive développé par Wegner (1987) avec des individus ou des groupes réels. Le « système de mémoire transactive » se caractérise notamment par une spécialisation des membres d’un groupe dans différents domaines de compétence. Il est postulé qu’avec le temps les individus deviendraient responsables de l’encodage, du stockage et de la récupération d’informations dans différents domaines. Autrement dit, chaque membre du groupe devient capable de déterminer « qui fait quoi » dans le groupe, et anticipe le rôle de chacun. Un certain nombre de travaux conduits avec des groupes réels en situation de laboratoire (e.g. Liang, Moreland, & Argote, 1995), des équipes de travail au sein d’organisations (e.g. Austin, 2003) ou des équipes de travail distribuées (e.g. Yoo & Kanawattanachai, 2001) ont déjà montré l’efficacité de cette métacognition collective sur les performances des groupes (i.e. mémorisation et rappel des procédures, efficacité perçue par les membres ou estimée par des évaluateurs extérieurs). Plus rares sont celles qui ont examiné son rôle sur les processus de groupe comme le partage d’informations sur la tâche, la compréhension mutuelle, la cohésion sociale, l’identification groupale.
19Enfin, les équipes géographiquement dispersées sont généralement diversifiées du point de vue de la ressemblance entre les membres (différence de cultures, de langues, de normes, de valeurs professionnelles et institutionnelles...). Lors d’un travail en groupes à distance, il serait donc important de considérer les effets liés à la dispersion géographique et ceux relatifs notamment à la diversité démographique qui existe entre les membres. Un nombre important de travaux ont en effet démontré l’influence de la diversité démographique sur l’efficacité des groupes de travail (cf. Williams & O’Reilly, 1998, pour une revue). Il a notamment été montré qu’une complémentarité des expertises et compétences était bénéfique pour le travail en groupes, tandis qu’une homogénéité des attitudes et préférences interpersonnelles était préférable. Ainsi, Kiesler et Cummings (2002) proposent de tenir compte de la distance sociale entre les membres des équipes distribuées. Finalement, l’impact négatif de la distance géographique sur la coordination dans les équipes ne dépendrait pas simplement de la proximité physique objective, mais de la « distance subjective vécue » par les membres des équipes (Armstrong & Cole, 1995 ; Jett, Metiu, O’Leary, & Wilson, 2004).
20Dans l’ensemble, ces travaux suggèrent de ne plus considérer la question de la dispersion géographique dans les équipes virtuelles selon un continuum allant de la co-présence physique à la « virtualité ». Il ne s’agit donc plus d’opposer les résultats issus de groupes en face-à-face et ceux issus de groupes « virtuels ». En effet, ces travaux soulignent la nécessité de prendre en considération non seulement la dimension euclidienne de la dispersion géographique, mais aussi d’autres composantes de dispersion : temporelle, structurelle et sociale. La signification et l’impact de la dispersion géographique sur le travail en équipes distribuées pourraient alors varier selon la combinaison de ces différentes formes de dispersion.
III. LES EFFETS DE LA DISTANCESELON LES PROCESSUS DE GROUPE MESURÉS
21S’il apparaît nécessaire de considérer la nature de la dispersion géographique pour mieux évaluer les effets de la distance physique dans les équipes de travail distribuées, il convient également d’étudier la nature des processus de groupe étudiés. L’analyse de la littérature dans le champ du travail collaboratif à distance semble effectivement montrer que l’absence de proximité physique entre les membres a des effets contrastés selon que l’on s’attache au partage d’informations relatives à la tâche (e.g. coordination et compréhension mutuelle entre les membres) ou aux relations entre les co-équipiers (e.g. cohésion sociale et sentiment d’appartenance groupale) (voir aussi Foulon-Molenda, 2000 ; Navarro, 2001, pour des revues).
III . 1. EFFETS DE LA DISTANCE PHYSIQUESUR LES PROCESSUS DE COORDINATIONET DE COMPRÉHENSION MUTUELLE
22La littérature concernant les effets de la distance et de la proximité physique dans les environnements de travail a généralement montré que les personnes qui sont physiquement distantes communiquent moins fréquemment que celles qui sont proches (Allen, 1977 ; Cramton & Webber, 2005 ; Conrath, 1973 ; Kiesler & Cummings, 2002 ; Van den Bulte & Moenaert, 1998). Ainsi, Allen (1977) a montré qu’à partir d’une distance approximative de 30 m les employés d’une organisation avaient moins de chance de se rencontrer et de communiquer. Pour des distances de plusieurs milliers de kilomètres entre différents experts, il est par ailleurs évident que les possibilités de rencontres et de discussions informelles sont nettement amoindries. La diminution de ces « contacts informels » aurait un impact sur le partage des informations relatives à la tâche (Keller & Holland, 1983), et à terme pourrait affecter la coordination entre les membres (Cramton, 2001 ; Zahn, 1991). Une étude récente réalisée auprès d’équipes de travail à distance dans le secteur des services (Cramton & Webber, 2005) a montré que, lors des interactions à distance, les informations relatives à la tâche diminuent, ce qui a pour conséquence de réduire la coordination entre les membres et, par là même, la performance collective.
23D’autres études ont également montré que l’absence de proximité physique lors des activités de collaboration à distance pouvait affecter la compréhension mutuelle entre les membres et la conception partagée du problème à résoudre. Pour certains auteurs, l’absence de présence sociale entre les membres des groupes à distance comparativement aux groupes en face-à-face serait à l’origine des difficultés de coordination à distance et de la perte d’efficacité. Un des principaux modèles défendant la supériorité des groupes en face-à-face est le modèle du filtre de Kiesler et ses collègues (Kiesler et al., 1984 ; Sproull & Kiesler, 1985). La restriction des indices sociaux externes (e.g. mimiques, regard, expression émotionnelle) perturberait la compréhension mutuelle entre les membres de l’équipe nécessaire lors de toute activité de collaboration (Kraut et al., 1982 ; Sproull & Kiesler, 1985). Cet effet délétère de la distance physique lors d’activités de collaboration à distance a également été avancé dans le cadre du modèle de Clark et Brennan (1991) sur le common ground (base référentielle commune). Le grounding est le processus à travers lequel les interlocuteurs coordonnent et partagent un ensemble d’informations afin de construire une conversation et la compréhension de son contenu. Ces auteurs identifient 8 dimensions qui sont plus ou moins présentes dans les différents outils technologiques (i.e. co-présence, visibilité, audibilité, co-temporalité, simultanéité, séquentialité, accès au message, révision) et qui sont susceptibles d’appauvrir la conception partagée du problème entre les interlocuteurs.
24Toutefois, les difficultés de coordination et de compréhension mutuelle lors d’activités collaboratives à distance seraient plus ou moins fortes selon la nature de la tâche à réaliser et son niveau de complexité. En effet, un certain nombre d’études ont démontré que l’impact négatif de la distance physique sur les processus de coordination à distance serait d’autant plus grand que la tâche requiert une forte interdépendance entre les co-équipiers (e.g. équipe d’un cockpit, équipe médicale). Ainsi, Strauss & McGrath (1994) ont montré, en comparant des groupes en face-à-face et des groupes virtuels que l’impact négatif de la distance sur les processus de coordination et de partage d’informations augmentait avec la complexité de la tâche à résoudre. Plus récemment, Maznevski et Chudoba (2000) ont confirmé ces résultats en montrant que, parmi trois équipes virtuelles étudiées, la plus performante était celle dont la tâche nécessitait un niveau d’interdépendance faible entre les co-équipiers. D’autres études montrent également que la taille du groupe joue un rôle important dans la coordination et la compréhension mutuelle au sein des équipes distribuées. Une étude récente de Cummings (2007) a montré que les problèmes de coordination et de communication dans les groupes à distance étaient quasiment absents dans les groupes de petite taille. Ces facteurs relatifs à la nature de la tâche et/ou la composition du groupe seraient donc des éléments importants à considérer lors de la conception des espaces de travail collaboratifs et des méthodes d’accompagnement des groupes distribués.
25Par ailleurs, d’autres travaux davantage centrés sur les processus d’interaction entre les membres du groupe amènent également à relativiser les effets délétères de la distance physique sur les activités collaboratives à distance.
III . 2. EFFETS DE LA DISTANCE PHYSIQUE SUR LES PROCESSUS DE COHÉSION ET D’IDENTITÉ SOCIALE
26Dans les définitions classiques du groupe en psychologie sociale, la proximité spatiale et la co-présence apparaissent comme des conditions nécessaires, avec la similarité et le sort commun, à la formation d’un groupe social (cf. le concept d’entité ; Campbell, 1958). Un groupe ne pourrait pas exister en l’absence de proximité physique entre ses membres ; le fonctionnement des groupes ou des communautés passerait nécessairement par l’appropriation d’un lieu physique, d’un territoire. En effet, l’appropriation d’un territoire permettrait aux individus ou groupes d’individus d’assumer une certaine position sociale et de maintenir leur identité à travers un ensemble de marqueurs sociaux plus ou moins visibles (e.g. Baum & Valins, 1977 ; Newman, 1972). Ainsi, dans les lieux de travail, les bureaux personnalisés au moyen d’objets divers (affiches, photos, objets personnels) reflètent cette appropriation d’un territoire par les individus. Deuxièmement, la co-présence ou proximité physique apparaît dans un certain nombre de recherches comme une condition sine qua non du développement des normes sociales au sein des groupes, de la cohésion, de l’identification groupale (e.g. Forsyth, 1998 ; Kiesler & Cummings, 2002 ; Latané, Liu, Nowak, Bonevento, & Zheng, 1995). Toutefois, on assiste depuis le début des années 1970 à une remise en question des conceptions classiques des groupes sociaux impliquant nécessairement la co-présence et la proximité spatiale entre les membres. Certains auteurs (e.g. Tajfel, 1978 ; Tajfel & Turner, 1986) insistent sur la réalité sociocognitive du groupe. Ainsi, un groupe existerait dès lors que « deux ou plusieurs individus se perçoivent eux-mêmes comme membres de la même catégorie sociale » (Turner, 1982, p. 15). Autrement dit, les personnes formeraient un groupe lorsqu’elles pensent qu’elles forment un groupe, et que ce groupe est reconnu par une tierce personne (cf. De Visscher, 1991). La coprésence physique n’apparaît plus comme un critère essentiel de la formation des groupes sociaux. Cette conception cognitive des groupes sociaux est dérivée des travaux sur la théorie de l’identité sociale (Tajfel, 1978 ; Tajfel & Turner, 1986) et la théorie de l’autocatégorisation (Turner, 1982 ; Turner, Hogg, Oakes, Reicher, & Wetherell, 1987). Dans le cadre de ces approches sociocognitives, l’individu dispose de plusieurs « soi ». Le soi comprendrait non seulement l’identité personnelle de l’individu (définition de soi en termes d’attributs personnels, idiosyncrasiques), mais aussi une variété d’identités sociales (définition de soi en termes d’appartenance groupale). Une identité sociale fournit des informations à propos de ce qu’est le groupe, de comment les membres de ce groupe doivent se comporter, penser, etc. Ainsi, les personnes ont conscience de leur appartenance à certains groupes et ils connaissent également quelles sont les caractéristiques de ces groupes. Lorsqu’une identité sociale est rendue saillante (par exemple, par une mise en comparaison explicite ou implicite entre deux groupes), l’individu a le sentiment d’appartenir à un groupe social donné ( « Nous » opposé à « Eux » ), il se conforme alors aux normes de son groupe et se comporte de manière prototypique. Le contexte d’interaction sociale est l’élément principal qui va déterminer la saillance de telle ou telle catégorie sociale. C’est la force relative de différents facteurs dans le contexte d’interaction qui va finalement rendre plus ou moins saillante la perception de soi comme membre d’un groupe social ou comme individu singulier (principe de métacontraste). Dans cette perspective, les autres membres du groupe n’ont pas besoin d’être présents ou visibles pour que l’individu éprouve un sentiment d’appartenance au groupe. Par exemple, à la lecture d’un message posté sur un forum qui traite des différences sexuelles au travail, on peut soudainement prendre conscience de son appartenance à une catégorie de genre, et adopter un comportement « prototypique » de cette catégorie. Par conséquent, la formation du groupe social n’est pas reliée à la proximité physique réelle entre les membres et aux liens interpersonnels, mais le groupe existe pour les individus comme une représentation cognitive. Ainsi, le sentiment d’appartenir à un groupe, ou l’identification à un groupe en particulier, pourrait apparaître dans des environnements virtuels relativement pauvres en indices sociaux.
27Cette perspective sociocognitive des groupes sociaux a été reprise et étendue au domaine des communications médiatisées par ordinateur dans le cadre du modèle SIDE (Social Identity Model of Deindividuation Effects, Reicher, Spears, & Postmes, 1995 ; Spears & Lea, 1992, 1994). Selon ces auteurs, il est possible que les membres d’un groupe développent un sentiment d’appartenance et s’influencent mutuellement lorsqu’ils interagissent à distance. Cela dépend des éléments présents dans le contexte social qui vont rendre plus ou moins saillante l’identité sociale des internautes. Par exemple, si le contexte fournit des indices qui rendent saillante une certaine appartenance catégorielle, par exemple le fait de savoir que d’autres groupes participent au projet, que des personnes d’un statut différent réalisent la tâche, peut suffire à induire un sentiment d’appartenance à son groupe et à se considérer comme membre d’un groupe particulier. Selon ce modèle, en situation d’anonymat (i.e. centration sur une appartenance sociale à travers un nom de groupe, par exemple), les individus ne sont pas focalisés sur les différences individuelles ou sur les caractéristiques personnelles de chaque individu. Ils sont davantage centrés sur les relations de groupe et l’identité sociale d’appartenance.
28Le modèle SIDE a été testé empiriquement à partir de nombreuses expériences portant sur différents phénomènes qui interviennent dans la dynamique des groupes à distance : a) l’identification groupale ; b) la création de normes et l’influence sociale ; c) la création d’une présence sociale ou d’un sentiment de présence à distance (e.g. Michinov, Michinov, & Toczek-Capelle, 2004 ; Postmes, Spears, & Lea, 2000 ; Rogers & Lea, 2005). Par exemple, les premiers travaux de Postmes et al. (2000) ont démontré qu’il était plus utile de rendre anonymes les membres des équipes et d’encourager les comparaisons intergroupes plutôt qu’interindividuelles pour augmenter l’identification groupale à distance. L’étude examinait les interactions entre deux groupes de trois personnes qui interagissent par l’intermédiaire du réseau. Soit les internautes sont identifiables à travers leur photo et leur nom (condition « Identification personnelle »), soit ils sont identifiés par le nom d’un groupe et leur numéro de code personnel (condition « Anonymat »). Lorsqu’on demande après coup aux participants d’identifier la source du message lors de la discussion (paradigme du « Qui dit quoi »), ils sont davantage capables dans les conditions d’identification personnelle : les photos aident à individualiser les personnes avec lesquelles on interagit. Toutefois, en dépit des erreurs faites par les participants de la condition « Anonymat », les résultats révèlent que les participants de cette condition s’identifient plus fortement au groupe que les participants de la condition d’identification personnelle. Ces résultats démontrent qu’en situation d’anonymat (ou de dé-individuation) l’attention pour les différences individuelles diminue, alors que l’attention pour les facteurs sociaux comme l’appartenance groupale augmente. Les environnements informatiques qui délivrent des informations personnelles sur les participants réduiraient donc l’identification au groupe et auraient un effet délétère sur les processus de collaboration à distance (voir aussi Lea, Rogers, & Postmes, 2002). D’une manière générale, ces travaux dégagent, comme facteur essentiel de l’identification groupale à distance, la comparaison intergroupe (induction d’une comparaison « Eux » / « Nous »), et la dépersonnalisation des espaces de travail partagés à travers l’introduction de noms de groupe et/ou de symboles collectifs (cf. Michinov et al., 2004). D’autres études ont également montré que l’adhésion aux normes du groupe et les processus d’influence sociale sont plus importants dans des conditions de forte saillance de l’identité groupale et d’anonymat des individus (e.g. Lea & Spears, 1991 ; Postmes et al., 2000). Enfin, s’agissant du développement du « sentiment de présence à distance » (i.e. la présence sociale), une étude menée auprès de groupes d’étudiants géographiquement dispersés (Rogers & Lea, 2005) révèle que le sentiment d’immersion dans un groupe virtuel est facilité par des situations de comparaison intergroupe et par l’anonymat des membres (attribution de nom de groupe, comparaison à d’autres groupes). De tels travaux suggèrent finalement qu’il n’est pas toujours nécessaire d’individualiser les espaces de travail partagé (e.g. inclure les photos de chacun) ou de créer des espaces techniquement sophistiqués pour créer un sentiment d’appartenance dans les groupes virtuels.
29Force est de constater, à l’issue de cette analyse de la littérature, que la dispersion géographique ne nuit pas systématiquement à l’efficacité des équipes de travail distribuées. Il apparaît en effet nécessaire de considérer la nature des processus de groupe mesurés et des critères d’efficacité mesurée (i.e. performance, coordination, cohésion, sentiment d’appartenance).
IV. CONCLUSION, PERSPECTIVESET IMPLICATIONS
30Cette synthèse avait pour objectif d’analyser la notion de distance physique et ses effets au sein des équipes de travail distribuées à partir des travaux théoriques et empiriques issus de la psychologie sociale et organisationnelle. L’analyse critique aura tout d’abord permis de montrer le caractère multidimensionnel et fluctuant de la notion de distance physique. On est passé d’une conception physique et linéaire de la distance physique à une conception sociocognitive. En effet, la distance géographique entre les membres d’une équipe de travail (en kilomètres ou milliers de kilomètres) n’est pas la seule facette à prendre en considération dans la gestion des groupes distribués, mais il convient également de prendre en compte d’autres formes de dispersion géographique à la fois spatiale, temporelle, structurelle et sociale. La combinaison de ces différents paramètres de dispersion fait que la distance physique perçue par les membres des équipes sera plus ou moins grande. Cette analyse a également démontré les effets contrastés de la distance physique selon les processus de groupe étudiés (centrés sur la tâche ou sur les relations sociales) lors d’une activité collaborative à distance. Il apparaît notamment que l’absence de proximité physique entre les membres ne nuit pas toujours à la formation d’une cohésion et d’une identification au groupe.
Perspectives et implications
31Finalement, la question de la distance physique et de ses effets dans le travail en équipes distribuées ne suppose pas une simple mise en comparaison des résultats en face-à-face ou à distance, mais une mise en perspective de ses effets selon différents critères pertinents lors d’une activité collaborative à distance. Dans cette perspective, des travaux récents suggèrent que les résultats apparemment divergents concernant les effets de la distance physique sur le travail en groupes distribués s’expliqueraient par l’absence de prise en compte de certains facteurs modérateurs. Parmi ces différents facteurs, la nature de la tâche et la taille de l’équipe virtuelle apparaissent comme les plus étudiés jusqu’à maintenant dans la littérature sur le travail collaboratif à distance. Les études démontrent notamment que la coordination au sein des équipes virtuelles est d’autant plus difficile que la tâche est complexe et qu’elle implique de nombreuses personnes (cf. infra). Plus récemment, l’analyse des travaux en psychologie sociale et organisationnelle semble dégager d’autres facteurs susceptibles de moduler les effets de la distance physique sur le travail en équipes distribuées : les facteurs relatifs aux caractéristiques individuelles des membres et ceux relatifs aux caractéristiques de l’organisation amenées à gérer ces équipes virtuelles.
Les caractéristiques individuelles des membres
32La réalisation d’activités collectives à distance produirait de l’incertitude et un sentiment d’isolement plus ou moins important chez les individus (Fiol & O’Connor, 2005). Les différences individuelles sur la propension des individus à tolérer les situations d’incertitude méritent donc d’être étudiées car elles sont susceptibles de moduler les effets de la distance physique. Parmi ces caractéristiques individuelles, il serait notamment intéressant d’examiner différentes variables liées à la gestion des situations d’incertitude comme la tolérance des individus à l’ambiguïté (Ashford & Cummings, 1985), l’orientation vers l’incertitude (Roney & Sorrentino, 1995) ou l’orientation vers la comparaison sociale (Gibbons & Buunk, 1999 ; Michinov & Michinov, 2001). Par ailleurs, dans la mesure où le développement d’activités collaboratives à distance suscite un changement organisationnel important, il serait également utile de considérer d’autres caractéristiques individuelles comme l’ouverture des individus à la nouveauté, la familiarité avec la technologie ou l’habitude des délocalisations géographiques (cf. Jett et al., 2004).
Les caractéristiques organisationnelles
33Des variables organisationnelles comme le style de leadership ou la culture organisationnelle seraient également à prendre en compte. Là encore, les études récentes révèlent que le leader du groupe à distance (ou l’accompagnateur, le facilitateur dans les groupes d’apprentissage) doit privilégier les communications informelles à l’intérieur du groupe à l’aide d’outils comme la messagerie électronique ou le téléphone (Cummings, 2007). La fréquence des contacts informels entre le leader et les membres de l’équipe à distance est en effet positivement reliée à la performance collective. Un des moyens de « restaurer la présence à distance » passerait par le maintien des interactions informelles et le soutien moral entre le manager et les membres de l’équipe. Ce style de leadership orienté vers les relations doit aussi s’adapter aux périodes de développement du groupe à distance (cf. Modèles de développement des groupes, Gersick, 1988). Un certain nombre d’études montrent en effet l’existence d’une « période critique » à mi-parcours d’un projet collaboratif à distance se caractérisant par une baisse des interactions centrées sur la tâche, une baisse de la motivation et un état d’humeur négatif chez les membres des équipes distribuées (Delfino & Manca, 2007 ; Michinov & Michinov, 2007). Les interventions du leader à distance, notamment celles centrées sur les relations, seraient donc particulièrement importantes lors de cette période critique. S’agissant des variables liées à la culture organisationnelle, les projets de travail en équipes distribuées pourraient être facilités par des valeurs coopératives au sein des organisations (e.g. habitude du travail en groupe, projet de partage des connaissances, modes de rémunération collectifs). Des études futures seraient à envisager afin de tester plus précisément l’influence potentielle de ces facteurs modérateurs.
34Sur le plan des implications, l’ensemble de ces travaux suggère finalement qu’il n’est pas toujours nécessaire de développer des environnements virtuels sophistiqués sur les aspects technique et graphique (e.g. création de métaphore spatiale). Les aspects sociorelationnels sont également à prendre en considération dans le développement des logiciels de travail collaboratifs, notamment en développant des outils et des méthodes d’accompagnement favorisant les échanges entre les personnes. Ainsi, par exemple, les études réalisées dans la perspective du modèle SIDE auront permis de montrer qu’il n’est pas toujours nécessaire d’individualiser les espaces de travail collaboratifs (en incluant les photos des membres, ou en créant des pseudonymes individuels), mais plutôt de dépersonnaliser les espaces de travail et de favoriser la comparaison intergroupe (en utilisant des noms de groupe, des symboles collectifs, en créant des compétitions interprojets). Les travaux sur le développement des groupes à distance suggèrent aussi de veiller aux différents stades de maturité du groupe à distance, et notamment à la période critique qui apparaît à mi-parcours d’une activité de travail collaboratif à distance, en augmentant notamment les interventions et renforcements du leader ou responsable de groupe à distance. Enfin, les récentes études suggérant le rôle de facteurs modérateurs comme ceux liés aux caractéristiques individuelles des membres ou aux caractéristiques de l’organisation montrent que l’implantation d’un outil de travail collaboratif est d’abord destinée à certains acteurs qui évoluent dans un contexte organisationnel spécifique susceptible d’influencer la réussite du projet d’équipes distribuées.
35Pour conclure, il convient de souligner que cette analyse n’avait pas pour objectif de montrer que la distance physique en tant que telle ne joue plus dans les rapports sociaux et les activités de travail. Elle est encore très présente comme en témoigne par exemple la création des pôles d’entreprises ou d’industries spécialisées localisées sur un même territoire géographique (e.g. Sophia Antipolis à Nice, Silicon Sentier à Paris, pôle marine à Saint-Nazaire...). La faible distance physique dans ces pôles technologiques (appelés aussi « districts technologiques » ou « grappes d’entreprises ») contribue en partie à la construction d’une identité collective forte et une image de qualité vis-à-vis de leur environnement économique, financier et médiatique. Elle permet également aux différents acteurs travaillant sur le site de se rencontrer de manière informelle, de communiquer, et ainsi de développer des partenariats. En définitive, le « cyber-espace » se présente comme un autre lieu possible de rencontres et de travail qu’il est aujourd’hui possible d’exploiter pour faciliter les activités de collaboration entre individus. Cet autre espace de travail, utilisé de manière complémentaire avec les « espaces de travail traditionnels », permet de libérer les individus de certaines contraintes spatiales et temporelles. La conduite d’équipes de travail à distance nécessite alors des compétences à la fois sur le plan technique et sur le plan humain. Nous espérons, à travers la présente analyse, avoir souligné l’enjeu de ces aspects humains, et ouvert des pistes de réflexion et préconisations pour les responsables d’équipes virtuelles.
36Manuscrit reçu : mars 2005. Accepté après révision par A. Lancry : octobre 2006.
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Mots-clés éditeurs : Identité sociale, Travail collaboratif à distance, Équipes distribuées, Présence sociale, Distance physique
Mise en ligne 10/04/2008
https://doi.org/10.3917/th.711.0001Notes
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[1]
Les chercheurs qui ont étudié le travail en groupes ou le travail en équipes ont utilisé le terme de « groupe » comme unité d’analyse (cf. Sundstrom, 1999). Dans cet article, les termes de « groupe » et d’ « équipe » seront donc utilisés de manière interchangeable.