Notes
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[1]
Voir Hyacinthe Ravet [2011] pour une présentation plus développée, ainsi que la source de l’ensemble des données citées en préambule.
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[2]
Le masculin est sciemment mobilisé qui souligne déjà la force des représentations masculines associées à ces figures créatrices.
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[3]
Sources de ce paragraphe : Danielle Roster [1998], Georges Liebert [1990], Florence Launay [2008], ainsi qu’un fond d’articles de presse de la bibliothèque Marguerite Durand (Paris, 13e).
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[4]
Il s’agit de formations instrumentales professionnelles – employant de façon permanente avec des musiciens salariés à plein temps – subventionnées notamment par les collectivités territoriales et le ministère de la Culture. Leur statut est très spécifique par rapport à l’ensemble des formations professionnelles fonctionnant par projets et employant des intermittents du spectacle.
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[5]
Composés d’une centaine d’instrumentistes, les orchestres symphoniques emploient des « solistes » et des « tuttistes ». Les premiers sont les musiciens qui jouent en solo une partie musicale dans l’orchestre, font entendre les principales interventions musicales confiées à leur instrument et occupent généralement des fonctions de chefs de pupitre, alors que les seconds sont des musiciens du rang qui jouent toujours avec les membres de leur pupitre.
-
[6]
Ce type d’ensemble joue un répertoire spécifique et ne peut, en raison de son effectif limité, interpréter par exemple les symphonies romantiques.
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[7]
Sources : Distributions des prix (Paris, imprimerie nationale) puis Palmarès du Conservatoire de Paris jusque 1998. Depuis 1999, et pour les années manquantes, les données m’ont été communiquées par Sophie Lévy, Responsable des archives du cnsmdp, que je remercie vivement de m’avoir renseignée, année par année.
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[8]
Peu d’abandons sont à constater au long de la formation, qui est soumise à un concours d’entrée.
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[9]
Les deux Conservatoires supérieurs forment l’un à la direction d’orchestre (Paris), l’autre à la direction de chœur (Lyon).
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[10]
Source : Données transmises par Laurent Babé, Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, bureau de l’observation du spectacle vivant, 2009 et 2011 (dernière année disponible), que je remercie de m’avoir renseignée.
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[11]
Société des auteurs et compositeurs dramatiques, en partenariat avec le Laboratoire de l’égalité et le Mouvement hf (Égalité Hommes-Femmes dans les Arts et la Culture), Où sont les femmes ? Saison 2015-2016, 2015. Le comptage a été établi à partir des données disponibles au 1er août 2015. Voir aussi <www.ousontlesfemmes.org>
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[12]
Comme en témoigne le mémoire de Philomène Graber [2004]. Je remercie Marie Buscatto de l’avoir porté à ma connaissance.
-
[13]
Marie-Aude Roux, « Claire Gibault, refusée par l’orchestre de Radio-France », Le Monde, dimanche 23-lundi 24 octobre 2005, p. 19.
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[14]
Roux Marie-Aude, « Les orchestres n’aiment pas être dirigés par des femmes », Le Monde, 23-24 octobre 2005, p. 19.
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[15]
Marie-Aude Roux, « Marin Alsop, la "maestra" », Le Monde, 6-7 octobre 2013.
-
[16]
Ortiz Cuini Amelio et Navarrete Hector, Femme chef d’orchestre, un métier de rêve (film), Goethe Institut, 2006.
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[17]
Madeleine Simoni, « Equilbey : un chef », clc productions, tlm, avec la participation de la chaîne de télévision Mezzo, aujourd’hui visible à l’adresse <https://www.youtube.com/watch?v=G4iADRndEz4>, consulté le 8/09/15.
-
[18]
Adriani Ariane, Claire Gibault, France 3, Mezzo, clc, 2005.
-
[19]
Source : communiqué de presse lors de la création de son orchestre en 2010.
-
[20]
« Laurence Equilbey explique le projet d’Insula orchestra », <http://www.insulaorchestra.fr/>, consulté le 30/01/13.
-
[21]
Résolution sur l’égalité de traitement et d’accès entre les hommes et les femmes dans les arts du spectacle, P6_TA(2009)0091), 2009.
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[22]
Charte du Paris Mozart Orchestra <http://parismozartorchestra.com/p-m-o/charte-evaleurs/>, consulté le 7/01/16.
-
[23]
Etude sur « La place des femmes dans les institutions publiques du spectacle vivant, dans les postes à responsabilité », par Mickaël Loup et Anne-Sophie Bach-Toussaint, février 2012, <http://www.lesnouvellesnews.fr/images/stories/pdf/EtudePlaceFemmesSpectacle.pdf>
-
[24]
Voir <http://www.lacroix.com/Culture-Loisirs/Culture/Musique/Laurence-Equilbey-En-20-ans-l-ecoute-et-la-culturechorales-se-sont-affinees-_NG_-2012-03-15-778701> et <http://www.lacroix.com/Culture-Loisirs/Culture/Actualite/Culture-et-medias-lesfemmes-sur-un-strapontin-_NG_-2012-09-13-852831>, consultés le 29/10/12.
-
[25]
<http://www.telerama.fr/idees/presidentielle-j-73-la-campagne-vue-parlaurenceequilbey,77864.php>, consulté le 29/10/12.
-
[26]
« Présidentielles J-73 : la campagne vue par Laurence Equilbey », <http://www.telerama.fr/idees/presidentielle-j-73-la-campagne-vue-parlaurenceequilbey,77864.php>, consulté le 29/10/12.
1Aujourd’hui comme hier, beaucoup de filles et de jeunes femmes ont appris ou apprennent la musique. Mais avec 10 % environ des compositeurs/trices de musique contemporaine et un quart des musicien-ne-s interprètes, contre deux tiers des danseurs/seuses et à peu près la moitié des comédien-ne-s, la musique demeure le domaine le moins féminisé des métiers de la création et de l’interprétation artistique. En outre, une répartition sexuée des tâches s’observe : les femmes deviennent nettement plus souvent chanteuses qu’instrumentistes dans les musiques dites actuelles et le jazz ; elles peinent à accéder aux positions de pouvoir dans le domaine de la musique dite classique, par exemple aux postes de solistes et de chef-fe-s de pupitre au sein des orchestres professionnels [1].
2Plus encore, la direction d’un ensemble symphonique représente un cas paroxystique. Les femmes chefs – les cheffes – d’orchestre restent particulièrement peu nombreuses. Surtout, elles ont du mal à se faire une place dans le milieu. Pour quelles raisons cet accès demeure-t-il difficile ? Comment expliquer que leur reconnaissance et leur légitimité demeurent ténues ? C’est qu’il faut interroger le genre de l’activité et ses connotations symboliques, en lien avec des pratiques tant musicales que sociales. Les musiciennes parviennent-elles à troubler le genre de la direction ? Et comment ? Étudier cet univers de pouvoir très hiérarchisé et très « masculin », qui résiste toujours à l’arrivée de musiciennes, permet de sonder les enjeux symboliques autour du pouvoir créateur. Cela permet d’interroger la manière dont le genre traverse les domaines de pouvoir, comme dans tous les univers de travail et d’apprentissage, et – paradoxalement ? – les domaines de la création. Cela permet aussi d’observer la manière dont le genre de pratiques très sexuées progressivement se métamorphose.
3L’article repose sur les données d’une recherche internationale en cours sur le genre de la direction et sur les cheffes d’orchestre, qui fait suite à une enquête ethnographique sur la manière dont un-e chef-fe et des musicien-ne-s construisent collectivement une interprétation musicale [Ravet, 2015]. La réflexion s’appuie sur une multiplicité de sources : un recueil de données d’archive dans les Conservatoires supérieurs français permettant de repérer combien de femmes ont été formées à la direction et depuis quand ; la comparaison avec les données disponibles au niveau ministériel ; l’analyse d’un corpus d’articles de presse en langue française et anglaise concernant le travail des cheffes ; l’observation ethnographique de sessions de répétition, de concert et d’enregistrement audio de femmes et d’hommes chef-fe-s avec plusieurs orchestres durant plusieurs années dont, en particulier, le travail de Claudio Abbado, celui de Laurence Equilbey et celui de Claire Gibault ; des entretiens approfondis menés avec des cheffes, permettant à la fois de récolter du matériau biographique et de décrire concrètement leur activité, plus précisément avec Claire Gibault, Laurence Equilbey, ainsi que Debora Waldman depuis 2005. Après avoir cerné la place des femmes dans le champ de la direction à l’heure actuelle en France, nous envisagerons ainsi ce qui caractérise la construction des carrières de cheffes à la lumière de deux parcours de pionnières, pour enfin interroger les ambivalences de la position des cheffes et les transgœressions qui se dessinent.
Une situation d’exception dans le champ musical du xxie siècle
4La figure du « chef » telle que nous la connaissons aujourd’hui – devant un orchestre, tournant le dos au public et dirigeant des œuvres qu’il n’a pas composées le plus souvent – s’est déployée dans les premières décennies du xixe siècle, parallèlement au développement de la symphonie romantique. Elle se distingue de celle de l’instrumentiste, tel le premier violon, qui dirigeait de son pupitre ou d’un directeur musical comme Lully dirigeant du bâton ses tragédies lyriques. Le « chef » apparaît dès lors comme une sorte de supra-interprète, un (re)créateur qui insuffle vie aux œuvres par la puissance de sa vision esthétique marquée par un style propre de direction. Depuis la seconde moitié du xixe siècle, la figure du chef « star » qui vient concurrencer celle du compositeur [2] s’est progressivement imposée.
Combien de cheffes ?
5Dans ce contexte, est-il possible de repérer des femmes endossant la fonction de chef, connues et reconnues ? Au xixe siècle [3], Fanny Mendelssohn – la sœur de Felix, également compositrice – organisait et dirigeait ses propres « concerts dominicaux » à son domicile. Augusta Holmes s’est fait connaître à la tête d’ensembles exécutant ses propres symphonies. On peut citer également la compositrice et cheffe anglaise Ethel Smyth, qui dirigea en 1911 son premier concert public, ou encore Nadia Boulanger qui, à la fin des années 1930, a été reconnue comme un chef d’orchestre de renommée internationale. Elle a été la première femme à diriger des orchestres symphoniques anglais et américains réputés tels que le Royal Philharmonic Orchestra, le Boston Symphony Orchestra, l’Orchestre de Philadelphie, le New York Philharmonic Orchestra. Il existait également des « orchestres féminins » entièrement composés de musiciennes et dirigés par une femme, notamment des orchestres de variétés, mais aussi un ensemble tel que l’Orchestre féminin de Paris fondé en 1930 par Jane Evrard. Constitué de vingt-cinq musiciennes, ce dernier a tourné en Europe jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Des compositeurs comme Honegger, Jolivet et Roussel lui ont spécifiquement consacré des œuvres. Ces « défricheuses » [Ravet, 2011] demeurent rares, tant les cheffes connaissaient une situation marginale.
6Actuellement, sur la trentaine d’orchestres permanents [4] français, plus aucune femme ne dirige, en tant que cheffe attitrée et/ou directrice artistique de l’ensemble. Elles ont d’ailleurs été rares dans le passé à occuper de telles fonctions. La dernière en date fut la cheffe finlandaise Suzanna Mälkki, qui a dirigé de 2006 à 2013 l’Ensemble intercontemporain, un ensemble spécialisé en musique contemporaine, composé uniquement de solistes, à la différence des orchestres symphoniques [5]. Durant quelques années, de 2006 à 2009, elles auront été deux à diriger l’un de ces ensembles permanents, Suzanna Mälkki et Graziella Contratto. Cette dernière, cheffe d’orchestre suisse, a été de 2003 à 2009 la directrice artistique de l’Orchestre des Pays de Savoie, un orchestre de chambre composé de vingt-trois musiciens [6]. Ce même ensemble avait été dirigé par Claire Gibault en tant que cheffe attitrée de 1976 à 1983. La présence des femmes à la tête de ces ensembles représente donc toujours au début du xxie siècle une situation d’exception. Encore ont-elles dirigé uniquement des ensembles très spécifiques, consacrés à des répertoires particuliers. Sans proposer de déductions hâtives, compte tenu du nombre limité de cas, on peut noter aussi qu’il s’agit pour deux d’entre elles de cheffes étrangères. Ainsi, aucune femme en France n’a pour le moment été recrutée en tant que directrice artistique d’un orchestre symphonique ou d’un orchestre lyrique permanent.
7La question qui est régulièrement posée est celle des musiciennes formées à ce type de responsabilités et du vivier de candidates. Si une formation à la direction est loin d’être une garantie pour devenir chef-fe et que cet apprentissage se fait très souvent « sur le tas », par opportunité et expérimentation pratique, l’enquête sociohistorique sur le nombre de femmes formées à la direction et leur devenir est instructive. Depuis l’ouverture de la classe de direction d’orchestre au sein du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (cnsmdp) en 1914 [7] et jusqu’à 2014, en quelque cent années, dix femmes pour cent cinquante-trois hommes ont obtenu un Prix en direction d’orchestre [8] ; elles représentent donc 6,5 % des diplômé-e-s. La première fut Hedy Salquin, une cheffe suisse, en 1952. Sept d’entre elles ont obtenu un Premier Prix (ou son équivalent, une mention « Très bien ») pour quatre-vingt-seize hommes (soit 7 %). Depuis Hedy Salquin, Aviva Einhorn (1958), Claire Gibault (1969), Claude Manlay (1972), Evelyne Aiello (1983), Silvia Massarelli (1992), Hélène Bouchez (2005), Kanako Abe (2006), Mélisse Brunet (2010) et Alexandra Gravero (2011) se sont illustrées dans cette discipline. Un plus grand nombre de femmes fait partie des lauréat-e-s depuis le début des années 2000. Toutefois, les premières diplômées ont rarement poursuivi la carrière de chef-fe d’orchestre, mis à part Claire Gibault qui est une pionnière en cette matière en France. À titre de comparaison, la classe de direction de chœur du Conservatoire supérieur de Lyon [9] a vu une proportion plus importante de femmes dans ses rangs. Depuis la création de la classe dans les années 1980, précisément de 1985 à 2010, les femmes représentent quatorze des trente-cinq diplômé-e-s, soit une proportion de 40 %. Ce type d’enseignement est bien plus mixte, ce qui s’explique par une longue tradition vocale féminine, y compris dans la direction de collectifs.
8Et qu’en est-il de la direction d’autres ensembles que les formations permanentes ? Les trois cent cinq « ensembles musicaux » subventionnés par le ministère de la Culture en 2009, via les Directions des affaires culturelles (drac) [10], comprennent un spectre large de types d’ensemble et s’illustrent dans des répertoires variés : de la musique ancienne à la chanson et aux musiques traditionnelles, en passant par des compagnies de théâtre musical et la musique contemporaine, ces ensembles emploient des musicien-ne-s intermittent-e-s. Cinquante-huit femmes dirigent (ou co-dirigent) l’un de ces ensembles, soit une proportion de 19,6 % en 2009, proportion qui a un peu diminué, pour atteindre 16 % en 2011. Les femmes sont particulièrement représentées à la tête des ensembles vocaux, des ensembles de musique ancienne et baroque, et sur-représentées pour les groupes de chanson. C’est encore plus vrai pour les « orchestres » (entendu ici au sens d’ensembles composés de plus de cinq musicien-ne-s), qu’elles dirigent et ont souvent créés en musique ancienne. Si la direction de ce type d’ensembles diffère sensiblement de celles des orchestres symphoniques permanents, cette présence témoigne toutefois de l’existence d’un vivier de femmes qui dirigent, de l’ordre de 15 à 20 %, au sein d’ensembles spécialisés (en termes de taille et de répertoire). À titre de comparaison, la saison 2015-2016 comporte vingt-trois femmes chefs d’orchestre sur cinq cent soixante-douze, soit 4 % des concerts et spectacles programmés dans « les maisons d’opéras, les principaux orchestres subventionnés, les théâtres et centres dramatiques nationaux et régionaux, des festivals importants tels que ceux d’Aix et d’Avignon » [11].
Des représentations « masculines » de la fonction
9Rappelons en quoi consiste concrètement diriger un orchestre : il s’agit de construire une interprétation avec des musicien-ne-s, c’est-à-dire guider un ensemble d’instrumentistes, les faire travailler ensemble et coopérer avec eux/elles. Pour un orchestre symphonique, cela peut conduire à faire travailler de concert et s’accorder – au sens propre comme au sens figuré – plus d’une centaine de musicien-ne-s, de génération et d’origine sociale variées. Pour les chef-fe-s attitré-e-s des ensembles, cela conduit aussi à réaliser des choix de programmation et de direction artistique, tels qu’œuvrer à forger la « couleur » de l’ensemble, sa sonorité, mais aussi de gérer une équipe au quotidien et dans le long terme. Or la figure du « chef » contient en son sein une image de puissance. Les propos d’Elias Canetti [1966] à l’égard du chef d’orchestre dans le contexte de l’après-Seconde Guerre mondiale laissent entrevoir toute la violence qui marque historiquement cette figure :
« Il n’est pas d’expression plus concrète de la puissance que l’activité du chef d’orchestre. Le moindre détail de son attitude en public est caractéristique, ses moindres gestes projettent une clarté sur la nature de la puissance. »
« Pour l’orchestre, son chef représente bien en fait l’œuvre tout entière, dans sa simultanéité et sa succession, et comme, pendant son exécution, le monde doit tout entier se résumer dans l’œuvre, c’est lui qui, pendant ce temps exactement, est le maître du monde. »
12C’est ainsi tout un florilège de représentations traditionnellement liées à la masculinité auxquelles se sont trouvées et se trouvent encore confrontées les musiciennes. L’analyse de la réception par la presse de la pratique d’Hedy Salquin [12] (première diplômée du cnsmdp en 1952, on l’a vu), ainsi que des archives historiques et d’un corpus d’articles de presse montre la force des représentations négatives envers ces musiciennes qui s’organisent selon plusieurs thématiques : incapacité à faire preuve d’autorité et, plus encore, à soumettre à son autorité un ensemble d’hommes ; manque de force physique et morale, accompagné de faiblesse et de mollesse ; manque de créativité ; inconvenance, voire indécence, de la situation qui met en scène une femme dirigeant des hommes, soit une démonstration de puissance, mais aussi l’exposition d’un corps vers lequel convergent les regards. Aujourd’hui encore, des implicites négatifs sous-tendent les propos portés sur le travail des cheffes : doutes sur leurs choix de programmation et d’interprétation ; présupposés selon lesquels elles seraient faites pour diriger de la « musique de femmes » et/ou de « petites » œuvres ; interrogations sur les potentiels ressorts d’une autorité « féminine » ; commentaires très fréquents sur la tenue et l’apparence physique des cheffes, mais aussi sur le caractère exceptionnel de leur direction « comme un homme ».
13Les articles de presse tendent encore aujourd’hui à présenter une femme dirigeant un orchestre symphonique comme un événement et les cheffes comme des exceptions, des êtres à part, fatalement objets de curiosité. Le corpus d’articles laisse ainsi transparaître une série d’oppositions entre le fait d’être une femme et les attributs supposés d’un tel état (présenté plus ou moins implicitement comme une « nature ») versus la fonction qu’occupe cette dernière : certains insistent sur la féminité de la musicienne « malgré tout » – « elle sait rester féminine » –, quand d’autres s’exclament devant le tour de force réalisé – « Bravo, vous dirigez comme un homme ! ». Par ailleurs, nombre d’articles mettent l’accent sur la vie de femme (notamment en tant que mère et épouse, le cas échéant), sur la tenue vestimentaire et la vision que les cheffes procurent (par exemple, sur le fait de diriger vêtue d’une robe ou portant des chaussures à talons) plutôt que sur la réception de leur musique et la qualité de leur interprétation, et ce bien davantage que pour leurs collègues hommes. Ces observations corroborent l’analyse de Juliette Rennes sur les régimes de discours concernant les pionnières faisant leur entrée dans les professions de prestige. Elle montre ainsi que le récit journalistique institue la pionnière en spectacle, « comme figure oxymorique qui repose sur l’opposition topique entre le paraître (féminin) et l’être ou l’agir (masculin) » [Rennes, 2007, p. 513]. Les représentations masculines traditionnelles de la direction d’orchestre – mais aussi de la direction, en général – s’inscrivent à l’encontre des représentations traditionnelles de la féminité. C’est ce qui caractérise la perception des femmes occupant des positions de pouvoir, qu’il s’agisse des ingénieures [Marry, 2004], des femmes cadres [Laufer, 1982] ou des femmes dans les professions de prestige comme le barreau, la magistrature ou la médecine [Rennes, 2007].
Carrières de pionnières : ressources et orientations
14Comment les femmes construisent-elles un « goût » pour la direction, alors même que la fonction demeure largement « masculine », en matière de population exerçant ce métier comme dans les représentations qui lui sont associées ? Dit autrement, si le genre de la direction se lit dans l’état des lieux chiffré et aux travers des représentations, comment (se) joue-t-il au quotidien lors de la construction des carrières ? C’est ce que nous allons explorer à la lumière notamment de l’analyse des trajectoires de deux « pionnières » de la direction symphonique en France, Claire Gibault et Laurence Equilbey. Née en 1946 et troisième diplômée du Conservatoire de Paris en direction d’orchestre, la première est la pionnière des cheffes d’orchestre françaises en exercice aujourd’hui. La seconde, née en 1962, appartient à la génération suivante.
Désir, force de conviction et soutiens
15Des entretiens menés avec Claire Gibault et Laurence Equilbey ressortent nettement l’intensité de leur désir de s’illustrer dans la direction, mais aussi l’octroi de soutiens outre les résistances qu’elles ont dû désamorcer. Claire Gibault comme Laurence Equilbey narrent ainsi l’affirmation très jeune d’un goût pour la direction. Formée à l’École nationale de musique du Mans à la fin des années 1950, la première devient très vite cheffe de pupitre des violons au sein de l’« orchestre des petits », puis est appelée, de temps à autre et de plus en plus régulièrement, à diriger ses camarades alors qu’elle n’est encore qu’adolescente. Elle mentionne son côté « garçon manqué » en expliquant qu’elle a demandé au directeur de l’école de musique de créer une classe de direction afin de pouvoir s’y former. La seconde explique que ce goût pour la direction remonte à son enfance :
« J’ai toujours aimé diriger des trucs depuis l’enfance. Donc je pense que c’est peut-être dans mon caractère. J’aimais bien être aux commandes pour que ça bouge. Être chef de classe, tu vois, c’est venu très tôt. Je pense que j’aime bien être indépendante, en fait. Donc, cela doit participer de tout cela. »
17La deuxième caractéristique des parcours étudiés, en particulier chez les toutes premières cheffes, réside dans la nécessité de convaincre malgré les résistances, notamment celles des enseignants. Claire Gibault raconte ainsi la difficulté à pouvoir même se présenter à la classe de direction d’orchestre du Conservatoire de Paris en tant qu’étudiante.
« Quand je suis entrée au Conservatoire de Paris, dans la classe de Manuel Rosenthal, il a vraiment tout fait pour me décourager de passer le concours. Quand il a vu que j’étais très obstinée et très têtue – je crois que c’est peut-être une des premières qualités qu’il faut avoir pour devenir chef – il m’a dit : « Bon, alors, on y va ». À partir de ce moment, on a bien travaillé. Et c’est vrai que ça s’est bien passé, mais au départ, il m’a fallu de la détermination pour ne pas me décourager. »
19Ses camarades ont aussi clairement exprimé leur scepticisme.
« Dans cette classe du Conservatoire de Paris, au début, j’étais la seule femme, donc les… les autres me… me considéraient un peu comme… (silence puis elle se lance) Enfin, ils se considéraient comme supérieurs ! Je ne sais pas comment ils me considéraient… Mais j’avais un bon contact avec l’orchestre d’élèves, Rosenthal m’aimait beaucoup. »
21L’exceptionnalité de la situation marque l’obtention de son Prix à la fin de ses études en 1969 et lui vaut la présence en Une du journal France Soir. Celui-ci titre sur les premiers pas humains sur la lune, « Un homme a marché sur la lune ». Toujours en Une, en plus petit, un article annonce « Une femme a dirigé un orchestre », accompagné de sa photo. Le décalage entre les situations a fait rire la cheffe, mais elle s’est alors dit que se jouait là quelque chose d’important pour les femmes : « Un grand pas pour la femme, un petit pas pour l’humanité ! ». Un tel parcours de pionnière implique de résister aux expériences de formation parfois difficiles, notamment à l’ambiance « masculine » d’une classe pas toujours disposée à accueillir une femme dans ses rangs ou renvoyant celle-ci d’abord à son statut de femme :
« À Sienne, à l’Academia Musicale Chigiana avec Franco Ferrara, il n’y avait que des Italiens. J’étais la seule femme et c’était tous des jeunes gens. Et je devais être vraiment très jeune, je ne sais plus, je n’étais pas encore entrée au Conservatoire de Paris, je devais avoir 17-18 ans. J’étais en jupette et j’arrivais du Mans et… Je monte sur la scène, sur le podium, et j’ai dirigé une symphonie de Beethoven, je crois, quelque chose comme ça, je ne m’en rappelle plus… Et la première chose qu’il me dit (elle pouffe) c’était : “Serrez les jambes quand vous dirigez !” (elle rit) Oui !!! Et puis, il y avait tous les garçons du cours qui venaient se mettre au premier rang… »
23Quant à Laurence Equilbey, elle ne relate pas de pareilles mésaventures, elle qui est partie se former à l’étranger (en Allemagne), d’abord à la direction de chœur puis concomitamment à la direction d’orchestre, après des études instrumentales (piano, flûte, guitare) et musicologiques en France.
24Outre les résistances rencontrées, les cheffes interviewées ont également bénéficié de soutiens, familiaux et professionnels à la construction d’une vocation de chef-fe. Si Laurence Equilbey demeure discrète sur ces questions, elle se reconnaît un « vrai professeur au sens de maître » en la personne du chef suédois Eric Ericson et cite Nikolaus Harnoncourt et Claudio Abbado comme les deux figures tutélaires dans la formation de sa technique gestuelle. Claire Gibault, de son côté, mentionne le rôle joué par son père lui-même musicien, mais aussi des soutiens professionnels comme celui de l’administrateur Jean-Pierre Brossmann à Lyon, puis à Paris, et surtout celui du chef Claudio Abbado, dont elle a été durant plusieurs années l’assistante auprès de divers ensembles.
Deux entrées en direction : comme assistante…
25Débuter comme assistante et/ou passer par la direction de chœur, tels ont été les « choix » – on voit ici combien ceux-ci peuvent être déterminés par des rencontres, des opportunités et des inclinaisons de parcours – de ces deux cheffes. Ce type d’orientation et ses modalités a des conséquences sur la construction des carrières.
26Travaillant aux côtés de « grands chefs » dès les débuts de sa carrière, Claire Gibault acquiert progressivement l’expérience qui la mène à la direction de « grands ensembles », d’abord en tant qu’assistante puis en tant que cheffe invitée. Dès sa sortie du Conservatoire de Paris, elle devient assistante du chef d’orchestre Theodor Gushelbauer à l’Opéra de Lyon. Puis, après avoir pris la tête de l’Orchestre des Pays de Savoie durant quelques années en tant que cheffe attitrée, elle revient à l’Opéra de Lyon en tant qu’assistante de John Eliot Gardiner. Mais c’est surtout le soutien de Claudio Abbado, son « mentor », qui est fondateur dans son parcours : elle l’a d’abord assisté sur une production de Pelléas et Mélisandre en 1986, jusqu’à devenir, de 2004 à 2007, cheffe adjointe de l’Orchestre Mozart de Bologne à la faveur de la fondation de l’ensemble par Claudio Abbado. Durant toutes ces années, elle a régulièrement assisté ce dernier sur différentes productions, qu’elle a elle-même dirigées pour certaines représentations (comme à Covent Garden en 1993). Un autre soutien marquant a été son intégration, jusqu’à la fin des années 1990, au sein de l’équipe de Louis Erlo puis de celle de Jean-Pierre Brossmann à l’Opéra de Lyon – notamment en tant que directrice de l’Atelier lyrique et de la Maîtrise de Lyon de 1991 à 1998 où elle dirigeait ses productions lyriques pour/avec enfants. La contrepartie de ces soutiens professionnels fut qu’elle a été longtemps dépendante de relations nouées avec des collaborateurs hommes et qu’elle a pu être perçue « d’abord » comme une assistante.
27Au fil d’un parcours ponctué de francs succès mais semé d’embûches, Claire Gibault se fait reconnaître comme une pionnière tant sur le plan national qu’international, pour avoir été parmi les premières à diriger des orchestres de renommée internationale connus pour être réfractaires à la présence d’une femme à leur tête, tels que l’orchestre de la Scala de Milan et le Philharmonique de Berlin dans les années 1990. Claire Gibault relate, d’une part, les difficultés à obtenir des engagements, notamment en France. En 2005 encore, l’Orchestre Philharmonique de Radio-France refuse de jouer sous sa direction, en le justifiant par un problème d’indisponibilité. Ce refus a provoqué la colère de Jean-Pierre Brossmann alors directeur du Théâtre du Châtelet, qui a donc dé-programmé cet orchestre et soutenu Claire Gibault en lui faisant diriger un autre orchestre [13]. D’autre part, la cheffe raconte les nombreux succès qu’elle a rencontrés à l’étranger (recevant des ovations du public et des témoignages chaleureux des musicien-ne-s), mais elle n’y est jamais ré-invitée. S’il est bien question de légitimité et de reconnaissance en tant que femme chef, on perçoit aussi combien les soutiens et le fait de construire une carrière en occupant longtemps des fonctions d’assistante peuvent être à double-tranchant.
…et comme cheffe de chœur
28Quant à Laurence Equilbey, une autre orientation caractérise son parcours, celle qui passe par la direction de chœur pour mener à la direction d’orchestre. Après sa formation à l’étranger et une expérience professionnelle dans un chœur, de retour en France, la cheffe a créé en 1992 un chœur de chambre qui œuvre souvent a cappella (sans accompagnement instrumental), Accentus. Choix original, car il n’existait alors pas vraiment d’ensemble professionnel de ce type en France, où le répertoire vocal était peu porté explique-t-elle. Cet ensemble, d’abord associatif, devenu rapidement professionnel et composé de musicien-ne-s intermittent-e-s, a fêté ses 20 ans en 2012 et a connu le succès auprès du « grand public » : l’ensemble a vendu beaucoup de disques, dont les Transcriptions qui se sont vendues à plus de 110 000 exemplaires, et a gagné trois « Victoires de la musique ». La cheffe se fait donc connaître par la direction vocale en dirigeant notamment le répertoire a cappella du xxe siècle. L’ensemble crée aussi des œuvres contemporaines, tout comme il s’intéresse à un répertoire plus ancien – « baroque » et « classicisme » essentiellement, ainsi que le « premier romantisme ». Laurence Equilbey développe ensuite une carrière parallèle en direction lyrique notamment auprès de l’Opéra de Rouen. En définitive, depuis une dizaine d’années, elle dirige de plus en plus d’orchestres symphoniques permanents en tant que cheffe invitée.
29Ce parcours spécifique – qui va de la direction de chœur à la direction d’orchestre et passe par des répertoires de musique ancienne et de création contemporaine – explique des divergences de positionnement en tant que femme occupant des fonctions de chef par rapport à l’expérience de Claire Gibault. Laurence Equilbey raconte ainsi qu’elle ne rencontre de souci ni avec le chœur Accentus, ni avec les orchestres baroques allemands qu’elle dirige régulièrement. Il faut noter que ces ensembles indépendants, souvent autogérés, ne disposent pas de chef en titre ou alors est-il désigné par eux ; ils choisissent de travailler sous la houlette de tel ou tel chef pour tel ou tel programme. On est donc ici bien loin du fonctionnement des orchestres permanents français, dont les chefs ont été choisis par l’administration, le plus souvent sans que les musicien-ne-s ne se prononcent sur sa nomination ou son choix pour la direction d’un programme. Lors de l’entretien que nous avons mené en 2006, Laurence Elquilbey aborde prudemment la question de la direction d’orchestre – spécifiquement – pour une femme : « Écoute, j’ai peu d’expérience symphonique encore. Je n’ai fait que des projets chœur et orchestre ou opéra. Donc pour l’instant, je dois dire que je n’ai jamais rencontré d’hostilité ».
30En outre, la cheffe exprime deux convictions : d’une part, la nécessité de se faire reconnaître « par son talent » ; d’autre part, la conscience d’être « parmi les premières » à diriger. Socialement, la direction d’ensembles instrumentaux par une femme demeure une nouveauté. Pour certain-e-s interprètes, notamment les musiciennes, c’est parfois difficile à accepter, explique-t-elle.
« Je vois bien que, dans l’univers des gens, c’est toujours quelque chose d’un peu nouveau. Donc, évidemment, comme c’est tout nouveau… Surtout les femmes, elles n’aiment pas tellement être dirigées par une femme. Tu as des mecs aussi qui sont gênés. […] C’est comme dans les professions qui ont accueilli les premières femmes. Au début, ça grippe un peu et puis, finalement, on s’aperçoit que c’est tout à fait possible. On s’y fait. J’ai bien conscience d’être parmi les premières à faire ça. »
32Elle estime qu’il faut travailler à se faire reconnaître, en tant que femme, même s’il est encore difficile de se faire une place aux postes de direction en général, dans les théâtres traditionnels et les orchestres symphoniques en particulier. Elle compare ces postes « exposés », à ceux auxquels les femmes peinent à accéder en politique.
« Ce sont des postes un peu exposés. Forcément, ce n’est pas dans les mœurs encore. Surtout en France où l’on est assez en retard par rapport à ça. Quand tu vois la politique, on est le numéro 13 [dans le monde], je crois, derrière le Burkina Faso, ce n’est pas gagné !! »
Une situation ardue aussi à l’étranger
34Ces entrées en direction – par des postes d’assistant-e ou par la direction de chœur – sont-elles repérables pour les femmes à l’étranger ? Les cheffes dans le monde connaissent-elles les mêmes difficultés à se faire une place à la direction des orchestres spécifiquement symphoniques ? L’expérience de deux figures-phares montre que la situation n’est guère plus aisée ailleurs pour accéder à ces formations canoniques. Première femme à avoir dirigé la « Dernière nuit des Proms » (Last Night of the Proms, du prestigieux festival de musique classique londonien fondé en 1895) en 2013, l’Américaine Marin Alsop s’est trouvée en conflit avec l’Orchestre Symphonique de Baltimore quelques années plus tôt. Nommée en juillet 2005, elle y a dirigé sa première saison en 2007-2008, sa nomination ayant été contestée par l’orchestre [14]. Au terme d’un conflit juridique et par voie de presse, l’orchestre a accepté bon gré mal gré de se laisser diriger. Les critiques se sont avérées positives, estimant qu’elle aurait ravivé et rajeuni l’orchestre. Depuis, ce dernier lui a demandé de renouveler son contrat et de rester jusqu’en 2021 [15].
35Quant à la cheffe d’orchestre australienne Simone Young, elle est devenue directrice musicale et directrice générale de l’Opéra de Hambourg, ainsi que directrice musicale de l’orchestre philharmonique de l’État de Hambourg, après avoir dirigé l’Opéra de Sydney. Elle a été la première femme à avoir dirigé le Philharmonique de Vienne, en novembre 2005, une formation qui a été conduite à accepter des femmes en son sein à partir de 1997 ; encore s’agissait-il de la harpiste présente depuis vingt-six ans en contrat temporaire et non comme membre titulaire de l’orchestre. La cheffe apparaît bien comme une exception, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne connaît pas de difficultés, par exemple à imposer ses choix de répertoire, et en premier lieu avec l’administration. Ainsi a-t-elle dû batailler pour diriger et enregistrer les symphonies de Bruckner [16], outre celles de Mozart, c’est-à-dire du répertoire « post-romantique » nécessitant un grand ensemble et non une formation de taille plus modeste sur un répertoire « classique ». Là aussi, ce parcours s’est construit notamment par la direction de productions lyriques, même si Simone Young est aujourd’hui internationalement connue comme une cheffe dirigeant des orchestres symphoniques.
36Comme pour beaucoup de chefs, hommes aussi bien que femmes, le début de carrière se construit en étant assistant-e, la difficulté consistant à ne pas rester dans ce statut. L’internationalisation et la starification des carrières à l’échelle internationale, qui entraîne une compétition ardue et une concentration des postes dans les mains de chefs-stars, rendent complexe la possibilité d’obtenir des engagements, mais aussi de les voir se renouveler et d’obtenir des postes dans les institutions permanentes. Et nommer une femme à la tête d’un orchestre, surtout dans l’univers symphonique, est encore loin d’être « normal ».
Troubler le genre : ambivalences, stratégies et transgressions
37La présence des cheffes trouble-t-elle le genre de la direction, et comment ? Les cheffes d’orchestre que j’ai observées et interrogées racontent qu’elles doivent faire face à des injonctions contradictoires en lien avec leur position dominée dans cet univers. Toujours supposées manquer d’autorité « naturelle », les musicien-ne-s, mais aussi l’administration ou le public, acceptent mal de les voir diriger de manière « autoritariste », ce qu’on leur reproche comme étant une autorité surcompensée. En même temps, le reproche de ne pas « s’imposer » assez et de ne pas « faire respecter leur autorité » n’est jamais bien loin. L’habitus « masculin » du poste nécessite des aménagements : en particulier, les musicien-ne-s attendent des cheffes un mode de relation fondé sur une autorité négociée. Cela correspond à une transformation générale des rapports d’autorité au sein des orchestres, qui se laissent moins diriger par des « dictateurs » [Buch, 2002]. Vis-à-vis des femmes, cela se traduit par des attentes en matière de coopération et de participation de la part des musicien-ne-s à la construction de l’interprétation musicale, tout en sachant guider l’orchestre.
Composer une autorité de femme « chef »
38Les cheffes s’interrogent parallèlement sur les modes d’approche acceptables par les orchestres. Doivent-elles se positionner en tant qu’exception ? Comme composant une autorité « féminine » ou encore « androgyne » ? Ou en se « masculinisant » ? L’adoption d’un costume de scène constitue un élément essentiel. Claire Gibault a choisi de longue date une solution qui mette en avant la fonction – celle de chef – tout en respectant le fait d’être une femme, un mixte de « masculin » et de « féminin ». Elle a ainsi opté pour une robe-smoking sur pantalon, qu’elle arbore comme un véritable costume de travail. Elle porte aussi des tenues plus « modernes », telles qu’un tailleur-pantalon, durant des concerts moins formels. Lors de nos derniers entretiens, en 2014, elle réaffirmait ce choix, alors que des proches lui conseillaient d’adopter une tenue « plus sexy ». Laurence Equilbey, quant à elle, arbore un costume qui apparaît davantage androgyne suggérant un côté « dandy » : vêtements sombres de type pantalon et veste-redingote noirs, la seule marque de féminité identifiable étant une mèche de cheveux qu’elle remonte régulièrement. Plusieurs cheffes, dont les plus jeunes, tentent ainsi de « neutraliser » leur féminité en revêtant des couleurs sobres, pas de talons, ni de jupe ou de robe. L’enjeu est d’apparaître et d’être reconnue comme musicien avant tout, à l’exemple des femmes cadres étudiées par Jacqueline Laufer [1982]. Aucune des cheffes que j’ai observées ne dirige habillée en robe ou en jupe. Actuellement en France, Zahia Ziouani est l’une des rares femmes à diriger un orchestre symphonique vêtue parfois d’une longue robe, mais sa présence scénique ne renvoie pas l’image d’une « féminité » conforme aux canons venus de la mode (en raison de ses rondeurs notamment). Toutefois, quelques femmes dans le monde dirigent depuis peu en robe décolletée et talons hauts, d’où les suggestions faites à certaines cheffes d’adopter un costume « plus sexy ».
39Outre l’apparence, la manière de s’adresser aux musicien-ne-s et la manière même de diriger font l’objet d’une attention particulière chez les cheffes. Un véritable travail sur l’hexis corporelle accompagne l’apprentissage de la gestique. Claire Gibault explique combien la remise en cause de son geste à ses débuts, supposé « pas clair », l’a conduite à travailler encore plus que n’importe quel chef. Les a priori sur les cheffes, dans les années 1960-1970, résidaient dans la perception d’un geste et d’une action comme non « naturels ».
« Dans les tout débuts où je dirigeais, les musiciens qui étaient choqués par le fait qu’une femme vienne diriger devant l’orchestre, prenaient le prétexte qu’ils ne comprenaient pas ce que je voulais. (En les imitant un peu avec un accent de mauvaise foi dans la voix.) Ils ne comprenaient pas mon geste. Donc j’ai toujours essayé d’avoir un geste extrêmement clair, extrêmement précis pour que, sur ce plan-là, ce soit incontestable… Au fond, pour qu’ils [les musiciens] se déterminent sur autre chose à mon égard. »
41Laurence Equilbey considère, de son côté, qu’il est nécessaire de s’imposer au même titre qu’un homme, et ne craint pas d’assumer l’autorité même si elle prône le dialogue avec les musicien-ne-s. À ce titre, la manière dont un portrait l’a longtemps présenté sur son site personnel – parmi d’autres – est frappante. « Equilbey : un chef », si le titre gomme toute appartenance sexuée, le propos, lui, est explicite : « Laurence est une femme de tête, une femme de décision, une femme forte… » [17]. Il la présente d’abord dans la direction vocale puis dans ses activités de direction orchestrale. Claire Gibault, quant à elle, se fait plutôt appeler « Madame le chef ». Le documentaire réalisé par Mezzo [18] présente un générique à double face : à la fois une très grande concentration dans la direction et un geste puissant en concert, alternant avec des images où elle rit ou présente un visage d’une grande douceur, filmée dans son salon. Ces deux portraits incarnent deux manières différentes de se présenter et d’être présentée comme cheffe.
Être testée
42Les observations menées auprès de cheffes dans leur travail avec différents ensembles montrent que la présence des femmes met en lumière les attendus liés à la fonction de chef. Véritable « analyseur », le genre éclaire les facettes multiples de l’autorité comme auctorialité (ou le fait de se positionner comme auteur-e) et les enjeux symboliques présents dans de telles situations de re-création. Il met également en lumière tout ce qui, dans le concert symphonique, tient du rituel. Comme un grain de sable glissé dans les rouages, il enraye l’ordonnancement traditionnel. L’inhabituel fait saillir les habitudes, donne à voir l’ensemble des représentations attachées à une fonction et montre les mutations potentielles de cette situation ritualisée. L’usage de la baguette pour diriger, par exemple, n’est pas anodin, tant celle-ci représente un attribut phallique selon d’aucun-e. Faire le choix de diriger un orchestre sans baguette peut provoquer des questionnements et être assumé comme le souhait, précisément, de construire un mode de relation plus coopératif avec les musicien-ne-s. C’est ainsi que Claudio Abbado interrogeait Claire Gibault, lors d’une session de travail en parallèle avec l’Orchestre Mozart de Bologne. Cette dernière a justifié le fait qu’elle dirigeait sans baguette au regard du répertoire et de l’interprétation qu’elle souhaitait donner : « plus charnel », « moins désincarné » et « éthéré » qu’usuellement, plus « baroque », pour ces Sept dernières paroles du Christ en croix de Joseph Haydn. Diriger sans baguette participe ici de raisons tant sociales qu’esthétiques.
43En outre, l’autorité des femmes est testée, comme celles des hommes. C’est même un poncif des relations entre chefs et orchestres, en particulier avec les orchestres symphoniques permanents. À Bologne, par exemple, un contrebassiste redemandait maintes explications, semblant faire exprès de ne pas comprendre ; ou, plus tard, le même donnait des explications en anglais au corniste présent à l’autre bout de l’orchestre, par delà la cheffe. Mais ces tests se jouent aussi sur un autre registre, en particulier au travers de blagues d’ordre sexuel, qui représentent autant de tentatives pour mettre les femmes mal à l’aise, les faire rougir, éprouver leur résistance, leur réaction et leur caractère. Claire Gibault explique ainsi à propos d’une battue :
« Non vraiment, il faut avoir de l’humour. Je me souviens en juillet dernier en Italie [en 2005], avec l’orchestre de l’Opéra de Trieste, qui est un bon orchestre, on répétait une œuvre de musique contemporaine. En italien, le type me dit : “Et alors, vous le faites à deux ?” Euh… et je voyais la gueule des autres… J’ai dit : “Oui, c’est comme ça que c’est le plus agréable et je le fais comme ça !!” (Rires et en riant.) Tu vois, “c’est comme ça que je trouve le truc le plus agréable”, tu vois pour pas avoir l’air… ! Tu vois très bien, c’est ce genre de trucs là, pour piéger. Mais en même temps, pfut ! Je ne suis plus à l’âge où on rougit de ça ou ça m’embarrasse ou… »
45La fréquence des blagues d’ordre sexuel va de pair avec les rapports de séduction auxquels peuvent avoir à faire face les musiciennes ou dont elles peuvent jouer. Les cheffes sont confrontées à certaines manières de faire que ne rencontrent pas leurs collègues hommes. L’une des femmes chefs d’orchestre raconte une scène qui lui a particulièrement déplu avec un concertiste homme. Après un concert où elle s’est sentie un peu « coincée », elle n’a pas apprécié la remarque du concertiste lui disant : « On a bien fait l’amour, hein ? ». Elle éprouve du dégoût en racontant la scène, présentant ce musicien comme un « gros dégueulasse », une personne « vulgaire », estimant que « les femmes de ses amis doivent toutes y passer ». Ces rapports de séduction tout comme les blagues d’ordre sexuel témoignent bien souvent de rapport de force entre les protagonistes. On peut les analyser de différentes manières : comme le rappel de la norme et le renvoi à leur condition de femmes, mais aussi comme une manière d’appréhender si elles font bien partie du groupe – au-delà de leur appartenance sexuée – à l’instar des blagues de potaches ou encore des blagues de carabins pour les chirurgiennes en cardiologie [Zolesio, 2009].
Créer son ensemble
46La construction de modes d’approches spécifiques des cheffes, plutôt que des modes de direction particuliers, représente le sur-travail engendré par le genre. Il n’est pas toujours suffisant pour se faire une place pérenne à la tête d’un ensemble. C’est pourquoi, pour certaines cheffes, l’une des stratégies pour pouvoir diriger consiste à créer son propre ensemble. Claire Gibault s’est ainsi résolue à créer, en 2010, le Paris Mozart Orchestra, un ensemble d’une quarantaine de musiciens, professionnels mais non permanents, adapté au répertoire « Mozart ».
Pour d’autres cheffes, la création de leur propre ensemble instrumental ne doit pas être interprétée comme l’une des stratégies pour pouvoir diriger en tant que femme. Laurence Equilbey récuse cette vision des choses. Elle explique qu’une telle création repose sur des raisons esthétiques et qu’elle-même s’inscrit dans la lignée des chefs « baroques » ; ces derniers créent leur propre ensemble afin de diriger le répertoire qu’ils souhaitent monter, selon leur conception personnelle et en travaillant sur le long terme. Vingt ans après Accentus, elle fonde Insula Orchestra, ensemble qui joue sur instruments d’époque, du « classicisme » au « romantisme », qu’elle présente comme « troisième génération de baroques » sur le « modèle des phalanges indépendantes allemandes », un orchestre « professionnel » mais non permanent au sens français du terme [20]. En outre, la carrière de la cheffe prend de l’ampleur depuis une dizaine d’années. Poursuivant ses activités de chef de chœur, avec Accentus mais aussi avec d’autres ensembles, ainsi que sa carrière lyrique, elle dirige par ailleurs de plus en plus d’orchestres symphoniques en tant que cheffe invitée.« J’ai été obligée de reconnaître que la permanence d’un orchestre n’était pas la condition de sa qualité. D’autre part, pendant mon mandat au Parlement européen au sein de la Commission de la Culture, une étude a été réalisée sur la place des femmes en Europe à la tête des institutions et des industries culturelles. Cette étude a mis en évidence qu’elles n’accédaient aux postes de responsabilité que lorsqu’elles créaient leur propre entreprise et donc leur propre orchestre [19] ».
« Les femmes dirigent leur propre ensemble, leur propre groupe. Ou, bah, tout ce que les hommes qui veulent faire la carrière traditionnelle, avec le prestige traditionnel de Toscanini, [c’est-à-dire diriger] Mahler, etc., [ne veulent pas faire]. De toute façon, la musique baroque et contemporaine ne les intéresse pas. Donc dans tous ces domaines-là, il y a un peu de place. Parce que… parce que ça ne les intéresse pas ! (Sourire moqueur.) Les chœurs non plus, ça ne les intéresse pas vraiment ! »
S’engager pour l’égalité
47Cet investissement de la scène orchestrale par la création de leur propre ensemble va de pair avec un engagement pour l’égalité entre hommes et femmes dans le spectacle vivant, tant pour Claire Gibault que pour Laurence Equilbey. Cet engagement prend des contours différents pour chacune des cheffes. Il témoigne de processus de transgression des limites traditionnellement apposées aux femmes dans ce domaine.
48Après la présentation d’un rapport en tant que députée européenne qui a donné lieu à une résolution du Parlement européen en 2009 [21], Claire Gibault pose au cœur même de la Charte de son ensemble la « parité hommes-femmes aux postes de responsabilité », outre la prise en considération de l’articulation des temps professionnels et familiaux, par exemple par l’« accueil des familles aux répétitions générales et accueil-garderie des enfants de moins de 3 ans pendant les répétitions le soir et le week-end » [22].
49Quant à Laurence Equilbey, elle a été l’instigatrice d’une étude qui recense les femmes à la direction des grandes structures artistiques du spectacle vivant en 2012 [23] et montre leur place congrue. Lors des interviews, elle exprime son « agacement » face à la « mainmise masculine sur le monde culturel », même si – dit-elle – « dans [son] cas personnel, [elle] n’[a] pas vraiment à se plaindre » [24]. En ces temps de crise économique où la place des femmes est encore plus difficile à conquérir [25], elle explique la nécessité de promouvoir un véritable changement dans le domaine de la culture. Lors d’une présentation vidéo humoristique, à l’invitation du magazine Télérama, « la campagne présidentielle vue par Laurence Equilbey » [26] du 8 février 2012, elle se présente comme « chef d’orchestre » et propose ainsi notamment des mesures en faveur de l’égalité entre les sexes :
- supprimer la mention « première dame de la République » (sur le site de l’Élysée) ;
- faire travailler le rapport sur la féminisation des noms de métiers en classe de français à l’école ;
- œuvrer pour faire une place plus grande aux femmes dans les emplois de direction culturelle, mais aussi dans l’ensemble de la programmation. [Le « générique de création » comportant moins de 5 % de femmes lui apparaît comme un mauvais signe pour la société et lui fait dire qu’elle « étouffe ! »]. La cheffe préconise l’inscription d’une mention dans le cahier des charges des institutions culturelles publiques : “La direction fera les meilleurs efforts pour intégrer les femmes dans les génériques de création artistique et ce avec la conscience d’une juste proportion”. Son idée n’est pas d’obliger les institutions culturelles mais de “leur (en) donner l’idée”. Elle-même se positionne contre les quotas et l’idée d’une obligation.
51Depuis 20 ans, Laurence Equilbey se fait reconnaître en tant que cheffe. L’élargissement de son rayon d’activité et l’accès à des structures « réfractaires » s’articulent à une liberté d’action revendiquée : du chœur à l’orchestre, dans l’accès à tous les répertoires, voire à d’autres musiques que la musique dite classique, en proposant des innovations techniques (comme un diapason électronique dans l’oreille des chanteurs/teuses), à travers des prises de positions pour l’égalité entre hommes et femmes, tout en se reconnaissant une position privilégiée, on peut faire l’hypothèse que la reconnaissance du milieu et les moyens d’action budgétaires et médiatiques lui permettent d’être plus incisive et de revendiquer davantage pour les femmes. Toutefois, comme avec Claire Gibault, infatigable pionnière, on reste encore dans le domaine de l’exception. Dans quelle mesure, ces cheffes représentent-elles ou peuvent-elles devenir des exemples auxquels s’identifier pour d’autres femmes qui souhaitent investir le domaine de la direction d’orchestre, ces dernières regrettant souvent le manque de femmes « modèles » à ce type de fonction en musique ?
52* * *
53La difficulté, pour les femmes, d’accéder et faire reconnaître leur légitimité à la direction musicale montre que le temps des pionnières ne semble pas révolu. La conquête sociale et politique des femmes à la direction musicale est aussi celle d’une légitimité artistique en tant que créatrices. La résistance d’un domaine a priori asexué mais finalement très genré ne s’observe jamais plus qu’au travers de la figure du chef à la tête d’un orchestre symphonique. Par opposition, la direction de chœur, la musique contemporaine et la musique ancienne représentent des domaines où les femmes réussissent davantage à se faire une place. Il s’agit de domaines traditionnellement moins prestigieux et mobilisant des ensembles plus petits et plus récents. C’est bien le domaine le plus « légitime » qui résiste le plus, où l’orchestre symphonique renvoie l’image idéale d’une société unifiée, œuvrant dans un même sens, d’une famille toute tendue vers un même but sous la houlette d’un pater familias indiquant le chemin de sa baguette, selon les traditions d’un xixe siècle bourgeois. Il s’agit au demeurant de structures comportant des salariés permanents et absorbant les budgets les plus volumineux en matière de spectacle vivant, aux côtés des maisons d’opéra.
54Toutefois, les musiciennes parviennent par moments à transgresser un ordre sexué, au prix de luttes, où sont en jeu les représentations et images des cheffes elles-mêmes et du genre du métier. Elles tentent de faire bouger une répartition sexuée des tâches en matière de répertoire dirigé. Si elles sont souvent appelées pour et/ou choisissent davantage de diriger des œuvres vocales, pour enfants, de musique ancienne ou contemporaine, plutôt que des symphonies ; si parmi le répertoire symphonique, elles « se sentent » parfois disposer des « épaules » pour diriger les symphonies de Mozart plus que celles de Mahler ; certaines réussissent à convaincre de leurs capacités à diriger l’ensemble du répertoire orchestral et à négocier une programmation… jusqu’à proposer des œuvres de compositrices. Le genre de la direction demeure « masculin », mais les lignes vacillent : de Maestro à Maestra…
Bibliographie
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- Graber Philomène, 2004, Diriger – Un fief masculin, mémoire pour le Certificat de formation continue « Aspects sociaux et culturels du féminin et du masculin », Genève, Université de Genève.
- Laufer Jacqueline, 1982, La féminité neutralisée ? Les femmes cadres dans l’entreprise, Paris, Flammarion.
- Launay Florence, 2008, « Les musiciennes : de la pionnière adulée à la concurrente redoutée. Bref historique d’une longue professionnalisation », Travail, genre et sociétés, no 19, p. 55-56.
- Liebert Georges, 1990, Ni empereur ni roi. Chef d’orchestre, Paris, Gallimard.
- Marry Catherine, 2004, Les femmes ingénieurs. Une révolution respectueuse, Paris, Belin.
- Ravet Hyacinthe, 2011, Musiciennes. Enquête sur les femmes et la musique, Paris, Autrement.
- Ravet Hyacinthe, 2015, L’orchestre au travail. Interactions, négociations, coopérations, Paris, Vrin.
- Rennes Juliette, 2007, Le Mérite et la Nature. Une controverse républicaine : l’accès des femmes aux professions de prestige, 1880-1940, Paris, Fayard.
- Roster Danielle, 1998 [1995], Les femmes et la création musicale. Les compositrices européennes du Moyen-Age au milieu du xxe siècle, traduit de l’allemand par Denise Modigliani, Paris, L’Harmattan, p. 298-300.
- Zolesio Emmanuelle, 2009, « “Chirurchiennes de garde” et humour “chirurgical”. Posture féminine de surenchère dans l’humour sexuel et scatologique », Interrogations, n° 8
<http://www.revue-interrogations.org/Chirurchiennes-de-garde-et-humour>, consulté le 5 juillet 2013.
Notes
-
[1]
Voir Hyacinthe Ravet [2011] pour une présentation plus développée, ainsi que la source de l’ensemble des données citées en préambule.
-
[2]
Le masculin est sciemment mobilisé qui souligne déjà la force des représentations masculines associées à ces figures créatrices.
-
[3]
Sources de ce paragraphe : Danielle Roster [1998], Georges Liebert [1990], Florence Launay [2008], ainsi qu’un fond d’articles de presse de la bibliothèque Marguerite Durand (Paris, 13e).
-
[4]
Il s’agit de formations instrumentales professionnelles – employant de façon permanente avec des musiciens salariés à plein temps – subventionnées notamment par les collectivités territoriales et le ministère de la Culture. Leur statut est très spécifique par rapport à l’ensemble des formations professionnelles fonctionnant par projets et employant des intermittents du spectacle.
-
[5]
Composés d’une centaine d’instrumentistes, les orchestres symphoniques emploient des « solistes » et des « tuttistes ». Les premiers sont les musiciens qui jouent en solo une partie musicale dans l’orchestre, font entendre les principales interventions musicales confiées à leur instrument et occupent généralement des fonctions de chefs de pupitre, alors que les seconds sont des musiciens du rang qui jouent toujours avec les membres de leur pupitre.
-
[6]
Ce type d’ensemble joue un répertoire spécifique et ne peut, en raison de son effectif limité, interpréter par exemple les symphonies romantiques.
-
[7]
Sources : Distributions des prix (Paris, imprimerie nationale) puis Palmarès du Conservatoire de Paris jusque 1998. Depuis 1999, et pour les années manquantes, les données m’ont été communiquées par Sophie Lévy, Responsable des archives du cnsmdp, que je remercie vivement de m’avoir renseignée, année par année.
-
[8]
Peu d’abandons sont à constater au long de la formation, qui est soumise à un concours d’entrée.
-
[9]
Les deux Conservatoires supérieurs forment l’un à la direction d’orchestre (Paris), l’autre à la direction de chœur (Lyon).
-
[10]
Source : Données transmises par Laurent Babé, Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, bureau de l’observation du spectacle vivant, 2009 et 2011 (dernière année disponible), que je remercie de m’avoir renseignée.
-
[11]
Société des auteurs et compositeurs dramatiques, en partenariat avec le Laboratoire de l’égalité et le Mouvement hf (Égalité Hommes-Femmes dans les Arts et la Culture), Où sont les femmes ? Saison 2015-2016, 2015. Le comptage a été établi à partir des données disponibles au 1er août 2015. Voir aussi <www.ousontlesfemmes.org>
-
[12]
Comme en témoigne le mémoire de Philomène Graber [2004]. Je remercie Marie Buscatto de l’avoir porté à ma connaissance.
-
[13]
Marie-Aude Roux, « Claire Gibault, refusée par l’orchestre de Radio-France », Le Monde, dimanche 23-lundi 24 octobre 2005, p. 19.
-
[14]
Roux Marie-Aude, « Les orchestres n’aiment pas être dirigés par des femmes », Le Monde, 23-24 octobre 2005, p. 19.
-
[15]
Marie-Aude Roux, « Marin Alsop, la "maestra" », Le Monde, 6-7 octobre 2013.
-
[16]
Ortiz Cuini Amelio et Navarrete Hector, Femme chef d’orchestre, un métier de rêve (film), Goethe Institut, 2006.
-
[17]
Madeleine Simoni, « Equilbey : un chef », clc productions, tlm, avec la participation de la chaîne de télévision Mezzo, aujourd’hui visible à l’adresse <https://www.youtube.com/watch?v=G4iADRndEz4>, consulté le 8/09/15.
-
[18]
Adriani Ariane, Claire Gibault, France 3, Mezzo, clc, 2005.
-
[19]
Source : communiqué de presse lors de la création de son orchestre en 2010.
-
[20]
« Laurence Equilbey explique le projet d’Insula orchestra », <http://www.insulaorchestra.fr/>, consulté le 30/01/13.
-
[21]
Résolution sur l’égalité de traitement et d’accès entre les hommes et les femmes dans les arts du spectacle, P6_TA(2009)0091), 2009.
-
[22]
Charte du Paris Mozart Orchestra <http://parismozartorchestra.com/p-m-o/charte-evaleurs/>, consulté le 7/01/16.
-
[23]
Etude sur « La place des femmes dans les institutions publiques du spectacle vivant, dans les postes à responsabilité », par Mickaël Loup et Anne-Sophie Bach-Toussaint, février 2012, <http://www.lesnouvellesnews.fr/images/stories/pdf/EtudePlaceFemmesSpectacle.pdf>
-
[24]
Voir <http://www.lacroix.com/Culture-Loisirs/Culture/Musique/Laurence-Equilbey-En-20-ans-l-ecoute-et-la-culturechorales-se-sont-affinees-_NG_-2012-03-15-778701> et <http://www.lacroix.com/Culture-Loisirs/Culture/Actualite/Culture-et-medias-lesfemmes-sur-un-strapontin-_NG_-2012-09-13-852831>, consultés le 29/10/12.
-
[25]
<http://www.telerama.fr/idees/presidentielle-j-73-la-campagne-vue-parlaurenceequilbey,77864.php>, consulté le 29/10/12.
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[26]
« Présidentielles J-73 : la campagne vue par Laurence Equilbey », <http://www.telerama.fr/idees/presidentielle-j-73-la-campagne-vue-parlaurenceequilbey,77864.php>, consulté le 29/10/12.