Notes
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[1]
Voir Jean-Louis Robert (1988, p. 262). D’après Jean-Pierre Dormois (2004, p. 88), la part des femmes dans la population active française était déjà de 46,3 % en 1911.
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[2]
Voir Gail Braybon (1981, p. 25). Comme le remarque Susan Pedersen (1993, p. 71), « en 1911, les femmes mariées françaises… avaient cinq fois plus de chances de trouver un emploi que les femmes mariées britanniques ».
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[3]
Voir Laura Lee Downs (2002, pp. 331-334).
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[4]
Cette tendance à la baisse du travail féminin s’inversa à partir des années 1960.
-
[5]
En Grande-Bretagne, il s’agit du ministère des Munitions, en France du ministère de l’Armement.
-
[6]
La livre valait 25 F (francs) et 25 c (centimes) en 1914 (Dormois, 2004, p. 54). Comme il y avait 24 shillings dans une livre, et 12 pence par shilling, on pourrait dire qu’au début du conflit les femmes gagnaient des salaires similaires dans les deux pays. C’est-à-dire un salaire qui pouvait servir de complément à un salaire masculin, mais qui était, en lui-même, insuffisant pour subvenir aux besoins d’une personne vivant seule ou avec des enfants ou personnes âgées à charge.
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[7]
Cf. Ministère des Munitions (1920-1924, p. 140). Les patrons français se référaient moins au « salaire familial » parce que le pourcentage d’ouvrières mariées y était beaucoup plus élevé. Un salaire familial en France se définit alors comme un revenu collectif auquel les deux parents contribuent.
-
[8]
Imperial War Museum (iwm), War Cabinet Committee Minutes, Women’s Work Collection, Emp. 70, War Cabinet Committee on Women in Industry, "Minutes of evidence", témoignage de Melville Smith, octobre 1918, p. D71.
-
[9]
En France, le patronat des grandes usines métallurgiques de la région parisienne commença à verser aux ouvriers (et, parfois, aux ouvrières) fiables des allocations familiales pendant la guerre, stratégie qui permettait aux employeurs de distinguer les besoins familiaux de l’ouvrier de sa valeur professionnelle.
-
[10]
Cité dans Marion Kozak (1976, p. 188).
-
[11]
iwm, War Cabinet Committee Minutes, Women’s Work Collection, Emp. 70, War Cabinet Committee on Women in Industry, "Minutes of evidence", témoignage de major Ovans, octobre 1918, p. D21, D33.
-
[12]
Fabricant de munitions de Birmingham, cité par Adam Kirkaldy (1917, p. 129).
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[13]
AN, F7, 13366, « Une réunion de l’Union des ouvriers mécaniciens de la Seine à la Bourse du travail », 27 novembre 1916, pp. 6-7.
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[14]
« Re-division du travail »: allusion à la fragmentation des tâches des ouvriers qualifiés et à l’attribution, aux ouvrier-e-s moins qualifié-e-s, de nouvelles tâches productives plus étroitement définies que le travail polyvalent de l’ancien ouvrier de métier.
-
[15]
Parliamentary Papers (PP) 1915, Cd. 8051, ministère du Travail, Annual Report of the Chief Inspector of Factories and Workshops, p. 49.
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[16]
L’Union des métaux, décembre 1916-février 1917, p. 5.
-
[17]
iwm, Sound Records Department, Isabella Clarke (née McGee), "War Work, 1914-1918", numéro d’accès 000774/04, manuscrit tapé, p. 7.
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[18]
Entre août 1914 et le printemps 1917, les salaires réels ont baissé de 20 à 25 % à cause de la vie chère.
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[19]
Pour ces grèves féminines, je me permets de renvoyer le lecteur à Laura Lee Downs (2002).
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[20]
Cf. Madeleine Guilbert (1946, p. 663). Après la guerre, la différence se creusa à nouveau, pour revenir à 31% en 1921.
-
[21]
Lettre de Cécile Brunschvig à Albert Thomas (1916), manuscrit, trouvée dans la bibliothèque de l’École des Surintendantes d’Usine.
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[22]
Voir Ministère des Munitions, 1920-1924, 2e partie, p. 7.
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[23]
Public Records Office (pro), Mun. 5/79/340/7, ministre des Munitions au Premier ministre, 30 avril 1918 (mémo).
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[24]
Voir Barbara Drake (1917, p. 2 et p. 17). C’est l’auteure qui souligne.
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[25]
pp 1919, Cmd. 135, Report of the War Cabinet Committee on Women in Industry, p. 121.
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[26]
pro, Lab. 2/243/142/9, mémorandum de Gordon Campbell, contrôleur assistant au Labour Regulation Department en avril 1918.
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[27]
iwm, Women’s Work Collection, Emp. 70, War Cabinet Committee on Women in Industry, "Minutes, of evidence", témoignage de la Engineering Employers Federation, octobre 1918, p. F76.
-
[28]
pp 1919, Cmd. 167, Appendices of Evidence, p. 55.
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[29]
iwm, War Cabinet Committee Minutes, Women’s Work Collection, Emp. 70, War Cabinet Committee on Women in Industry, "Minutes of evidence", témoignage de Melville Smith, octobre 1918, p. D73.
-
[30]
iwm, War Cabinet Committee Minutes, Women’s Work Collection, Emp. 70, War Cabinet Committee on Women in Industry, "Minutes of evidence", témoignage de la Engineering Employers’ Federation, octobre 1918, p. F43.
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[31]
Pour le cas d’un grand patron (Rover automobiles) qui cherchait (en vain) à imposer en 1930 un seul salaire pour la tâche dans ses ateliers de finition, je me permets de renvoyer le lecteur au 6e chapitre de mon livre L’Inégalité à la chaîne (Paris, 2002). Rover fut bloqué dans son ambition par l’opposition de ses collègues dans la région, qui dépendaient des bas salaires féminins pour maintenir leur niveau de profits.
1Quelles sont les origines du décalage quasi universel entre les salaires féminins et les salaires masculins dans le travail industriel ? Y a-t-il un lien entre l’établissement d’une échelle de bas salaires féminins, plus ou moins parallèle à l’échelle masculine mais inférieure de 25 à 50 % pour un même travail, et l’ancienne idée que le salaire d’une femme n’est qu’un salaire « d’appoint » établi, non par rapport à la valeur de son travail, mais par rapport à ses présumés besoins matériels ? Voici quelques-unes des questions qui m’ont dirigée vers le monde des usines métallurgiques et mécaniques en France et en Grande-Bretagne pendant et après la Première Guerre mondiale.
2Le choix de cette industrie-là, à cette époque-là, s’explique parce que la mobilisation industrielle de 1914-1918 a transformé ces usines, jusque-là espaces masculins, en espaces mixtes, structurés par de nouvelles divisions sexuées de travail. Ainsi, cette mobilisation a entraîné une transformation à la fois technique (« rationalisation » et mécanisation du travail) et sociale (féminisation massive d’une main-d’œuvre traditionnellement masculine) de ces industries, une transformation qui fut soutenue, et parfois forcée, par l’État. C’est donc la guerre de 1914 qui a entraîné l’entrée massive des femmes dans les usines métallurgiques qui fabriquaient des machines, des automobiles et des produits électriques. Mais au-delà, elles y sont entrées surtout grâce aux restructurations industrielles allant de pair avec un discours de genre qui fonde et défend la notion d’un être auparavant inexistant : la femme métallurgiste. À partir des années 1915, les industries mécaniques et métallurgiques constituèrent alors un laboratoire qui permet au chercheur d’examiner de plus près les justifications patronales des bas salaires féminins au moment même de la mise en place des premières grilles de salaires féminins.
3Cet article est tiré d’une recherche plus large qui a pour objet l’étude comparative de la politique patronale (c’est-à-dire des pratiques et doctrines patronales) envers les ouvrières dans ces mêmes industries en France et en Grande-Bretagne à partir de la mobilisation industrielle de 1914 (Downs, 2002). Elle présente l’histoire de l’intégration des femmes dans une industrie restée, jusqu’à la veille de 1914, presque exclusivement masculine. Ces usines fabriquaient des machines, des automobiles, des pièces détachées, des appareils électriques, et pendant la guerre des armes, des chars d’assaut et surtout des obus. Cette recherche explique comment, après l’entrée de nombreuses femmes dans l’industrie métallurgique, conséquence de l’adoption d’une économie de guerre en 1914-1918, les patrons des deux pays réorganisèrent les processus de production et les structures de commandement afin d’adapter les femmes à leur lieu de travail, et réciproquement. Les patrons, à qui on demanda de fournir des quantités d’armes gigantesques alors que leur main-d’œuvre traditionnelle était partie au front, furent contraints de tester de nouveaux modes de production tout en intégrant massivement les femmes.
Une attitude similaire des chefs d’entreprises français et britanniques
4La guerre avait donc disloqué les deux structures sur lesquelles cette industrie reposait avant le conflit : premièrement, un marché du travail caractérisé par la ségrégation sexuelle où les employeurs recrutaient une main-d’œuvre composée d’une écrasante majorité d’hommes (95 %), et deuxièmement, un processus de travail organisé autour de l’ouvrier qualifié masculin directement engagé dans la production. Cette double dislocation fit s’écrouler dans l’atelier les divisions fondées sur la qualification et les structures d’autorité d’avant-guerre, créant une situation de fluidité, prélude à leur redéfinition. Fait non moins important, la guerre plaça les ouvrières au cœur des transformations plus larges du processus de travail, juxtaposant des changements dramatiques dans la technologie et l’organisation du travail à l’afflux soudain des femmes. La Première Guerre mondiale forgea donc un lien durable entre les nouvelles formes et techniques du travail et la nouvelle main-d’œuvre féminine.
5L’attitude similaire adoptée par les chefs d’entreprise français et britanniques face à la nécessité de réorganiser les processus de production tout en intégrant une nouvelle main-d’œuvre féminine est tout à fait significative. Malgré des différences de culture politique, d’organisation industrielle, et même de niveau de développement industriel, les patrons des deux pays réagirent aux transformations de la technique et de la main-d’œuvre en recourant à une nouvelle distinction, celle du genre, qu’ils intégrèrent au système existant de différenciation des savoir-faire. Les patrons réorganisèrent les hiérarchies industrielles et partagèrent les tâches entre hommes et femmes d’après leur propre conception de la façon dont les différences entre les sexes pouvaient affecter le travail à la chaîne de montage ou à la machine. Il en résulta une structure inégalitaire jugée nécessaire et rationnelle, justifiée par des différences « naturelles » intangibles, évoquées à travers un langage sexué sur le savoirfaire.
6En ouvrant les portes des usines mécaniques et métallurgiques aux femmes, et aux nouvelles formes de travail parcellisées, la guerre a percé aussi une brèche dans la politique salariale du patronat. En fait, l’essentiel de l’activité des syndicats masculins dans les deux pays pendant la guerre a tourné autour de l’effort de préserver leurs emplois et leurs salaires contre la concurrence féminine, souvent jugée illégitime par ces derniers. Si le nouveau langage sexué sur le savoir-faire joue un rôle clé dans la négociation de nouvelles grilles de salaires, ces négociations furent également hantées par le spectre du salaire d’appoint féminin. Ainsi, le terme « salaire d’appoint », et son équivalent britannique pin money wages, ne furent que rarement invoqués tels quels pendant une guerre où le travail féminin était une nécessité à la fois pour la survie de la nation et pour la survie des ouvrières, privées de tout recours aux salaires masculins par la mobilisation générale. Mais l’idée de départ du salaire d’appoint — à savoir que la femme n’a pas besoin d’un vrai salaire (c’est-à-dire un salaire d’homme) car elle a toujours accès a un tel salaire, et qu’en tout cas ses besoins (en nourriture, par exemple) sont moins importants — plane sur les négociations salariales pendant la guerre. Ainsi, toute discussion sur les salaires masculins se déroula en termes de valeur économique du travail fourni. Or, dès qu’il s’agissait du travail féminin, les besoins matériels du travailleur constituaient un deuxième critère qui accompagnait, et sapait, le concept de la valeur du travail féminin. Les femmes gagnaient ainsi toujours presque le même salaire, salaire qui variait relativement peu selon l’activité, tandis que les salaires masculins, alloués pour un travail concret et non selon l’identité masculine du travailleur, furent distribués sur une gamme beaucoup plus large, allant des salaires les plus bas, rétribuant des tâches lourdes et sans qualification, aux salaires les plus hauts, attribués aux postes demandant une haute qualification.
L’entrée des femmes dans les usines de guerre en 1914-1915
7Dès 1900, les caractéristiques de l’emploi des femmes commencèrent à changer. Même si personne ne pouvait alors s’en douter, la part des femmes dans la main-d’œuvre rémunérée allait baisser sur une longue période en Grande-Bretagne comme en France. Or, à la veille de la guerre, les premiers signes de ce renversement de tendance étaient encore à peine perceptibles en Grande-Bretagne, et n’apparurent pas avant au moins une quinzaine d’années en France. De fait, la guerre fut le point culminant d’une tendance forte d’augmentation de la proportion de femmes dans la main-d’œuvre rémunérée en France, où on estime que leur part passa de 38 % en 1911 à 46 % en 1918 [1]. Près de la moitié de ces femmes étaient mariées. C’est cette même catégorie de femmes qui, en Grande-Bretagne, dès le tournant du siècle, avaient commencé à quitter l’économie rémunérée. Dans ce pays, comme le déclin de la proportion de femmes dans l’économie rémunérée était déjà amorcé, la guerre ne constitua pas un point culminant de cette évolution à long terme, mais plutôt une parenthèse. En 1911, les femmes formaient 29 % de la main-d’œuvre britannique, et parmi elles, seules 13 % étaient mariées [2].
8En France comme en Grande-Bretagne, la part des femmes dans la main-d’œuvre rémunérée, qui n’avait cessé d’augmenter depuis le milieu du xixe siècle, diminua progressivement : à partir de 1900 en Grande-Bretagne et à partir de 1925 en France. Sur le long terme, la guerre ne remit pas en cause cette tendance. Elle eut cependant pour effet d’accélérer la redistribution des travailleuses, les amenant à quitter les secteurs traditionnellement plus féminisés de l’économie — le vêtement, le textile, le service aux particuliers — et à rejoindre les nouvelles industries des biens de consommation. Cet abandon des métiers en déclin, au profit de ceux qui avaient le vent en poupe, renforça l’impression largement répandue que la guerre avait donné lieu à des changements permanents dans l’économie des deux pays. Et de fait, la guerre eut réellement un impact économique, mais pas conformément à l’opinion commune. Pour le sens commun, les femmes qui travaillaient en usine de guerre étaient passées de l’obscurité domestique au centre de la production, dans les industries traditionnellement les plus masculines. En réalité, la guerre avait tiré des milliers de femmes de l’univers obscur du travail peu réglementé et mal payé, où elles étaient domestiques, tisseuses et couturières, pour leur permettre de rapidement rejoindre l’industrie de l’armement qui se trouvait sous les feux de la rampe. Après la guerre, certaines retournèrent à leurs anciennes occupations, mais d’autres restèrent dans la métallurgie. La plupart de ces dernières s’en allèrent travailler dans les secteurs les plus avancés et les plus profitables de l’industrie de l’entre-deux-guerres — l’électronique et l’automobile. Ainsi leur part dans les industries mécaniques et métallurgiques passa de 3-5 % en 1914 à 30-35 % en 1918, avant de retomber autour de 10 % dans les deux pays en 1920 (suite à la démobilisation industrielle), pour remonter graduellement autour de 15-20 % dans les années 1936-1939 [3]. Ce mouvement qui les conduisit à sortir des ténèbres du travail féminin masqua la tendance à long terme de baisse graduelle de la participation des femmes dans le travail rémunéré dans l’Europe du premier xxe siècle [4].
Le salaire de la guerre : les hommes payés selon leur travail, les femmes selon l’idée du patronat
9Tout au long de la guerre, les patrons payèrent les femmes selon des critères distincts de ceux qu’ils utilisaient pour les hommes. Ils se fondèrent sur de vagues hypothèses relatives à la vie et aux besoins des femmes en dehors de l’usine, à leur capacité à endurer un travail rapide, répétitif et souvent monotone, et à leur statut supposé de main-d’œuvre bon marché. Ces supputations furent rarement articulées ensemble. Or, mises bout à bout, elles constituèrent la base d’une politique salariale pour les femmes qui fut gouvernée par des principes distincts de ceux qui gouvernaient les salaires masculins, à savoir : les hommes étaient payés en fonction de leur travail, les femmes selon la façon dont le patronat concevait les femmes. Hommes et femmes recevaient toujours des salaires différents, même durant les deux dernières années du conflit, lorsque les salariés des deux sexes demandèrent un salaire unique pour un même travail. Il ne faut pas oublier cependant que le mot d’ordre des syndicats masculins et mixtes des deux pays — « à travail égal, salaire égal » — n’était souvent qu’une stratégie pour décourager l’embauche des femmes, car les ouvriers étaient convaincus que le seul attrait de la main-d’œuvre féminine résidait dans le fait qu’elle était bon marché ; les patrons ne choisiraient jamais d’embaucher une femme s’il fallait lui attribuer un salaire d’homme. Sous la pression de leurs ministères de l’Armement respectifs, les industriels des deux pays accordèrent aux femmes une augmentation salariale non négligeable, mais les patrons continuèrent à hiérarchiser les salaires en fonction du sexe du travailleur. Ils ne consentirent jamais à un salaire unique, dépendant seulement du type de travail accompli. Sur ce point, l’État les laissa faire. Dans chacune des interventions qu’ils firent pendant la guerre, les ministres de l’Armement [5] Lloyd George et Albert Thomas réaffirmèrent le principe d’une échelle des salaires distincte pour les hommes et les femmes. En ne soutenant pas la revendication d’un salaire unique, ils contribuèrent à faire perdurer après la guerre l’inégalité des salaires dans les industries mécaniques et métallurgiques.
10En 1914-1915, lorsque les premières femmes arrivèrent dans les usines, les patrons leur versaient un salaire égal ou légèrement supérieur à ce qu’elles auraient gagné dans les secteurs économiques qui leur étaient réservés, comme le textile ou les services domestiques. Cela représentait 3 francs par jour (18 francs par semaine) en France, où les femmes gagnaient habituellement entre 1 et 2 francs (6 à 12 francs par semaine), et en Angleterre entre 12 et 15 francs par semaine, alors que le salaire féminin normal oscillait entre 10 et 12 shillings [6]. Peu importait le type du travail que la nouvelle ouvrière effectuait, ou même son rendement de production, elle recevait invariablement la moitié de ce qu’un homme aurait gagné pour ce travail. Les patrons reproduisaient, au niveau des salaires, l’équation qui régissait avant la guerre les relations entre les secteurs féminins et les secteurs masculins de l’économie.
11Lorsqu’on les interrogeait sur le sujet, les patrons invoquaient invariablement « les besoins distincts de chaque sexe » pour justifier les bas salaires des femmes : « Les bas salaires des femmes résultent d’un des fondements de notre société, l’unité économique de la famille », proclament les fonctionnaires du ministère britannique des Munitions en 1920. « Le salaire d’un homme est payé pour la famille, celui d’une femme est le salaire d’un individu ». Peu importe que le salaire d’un homme n’ait été que rarement un vrai « salaire familial », capable de couvrir les besoins de toute une famille, et que celui des femmes n’ait pas varié en fonction de leur statut marital ou du nombre de personnes à charge. Dans la discussion du salaire féminin, les patrons affirmaient payer les ouvriers des deux sexes selon « les besoins fondamentaux d’un individu normal issu de cette classe » [7]. Melville Smith, qui dirigeait deux grosses usines de métallurgie à Birmingham, alla même jusqu’à affirmer que les femmes « étaient parfaitement satisfaites » d’être payées « selon leurs propres tarifs », bien que tout indique le contraire : « Je ne pense pas qu’une femme s’attende à gagner autant qu’un homme qui a la responsabilité d’une famille à nourrir. Les femmes mariées apprécieraient sans doute l’égalité des salaires, mais pas les autres. » Smith était l’un des rares patrons à réfléchir sérieusement aux implications de cette logique de salaires liés aux besoins : « Une femme est venue me voir il y a peu et m’a dit qu’il était honteux qu’elle ne gagne pas plus que les autres ouvrières, qui n’étaient pas mariées, alors qu’elle avait cinq enfants. D’un autre côté, prenez un atelier de couture où un enfant de 15 ans travaille plus que les autres et gagne moins. » Or, Smith articule clairement la tension entre ces deux conceptions du salaire, pour ensuite laisser le sujet de côté : « On rencontre toujours ce genre de problème, mais ils se règlent d’eux-mêmes » [8].
12Dès qu’il s’agissait des salaires des hommes, on ne parlait plus de besoins familiaux ou individuels [9]. Les employeurs invoquaient au contraire la valeur que l’ouvrier apportait à l’usine. En introduisant l’argument selon lequel les femmes auraient besoin de moins d’argent, les employeurs esquivaient la question de la valeur du travail fourni par les femmes. Ils refusaient ainsi de répondre à l’objection majeure de leurs ouvriers, le fait que pour un même travail femmes et hommes soient payés selon des critères distincts.
13Les patrons n’invoquaient pas les besoins des femmes dans le seul but de masquer leur politique de bas salaires. Ils pensaient aussi que réaffirmer les « véritables » besoins des femmes était un bon moyen de pression pour les obliger à travailler avec un maximum d’efficacité. Si une ouvrière avait un salaire presque équivalent à celui d’un homme, ne perdrait-elle pas sa motivation ? Selon un officiel britannique, donner aux femmes la même compensation, ne conduirait qu’à « diminuer les efforts des femmes, qui seraient assurées de gagner beaucoup plus que le nécessaire » [10].
14Cette déclaration, assez rude, nous rapelle que pour les patrons, les femmes étaient forcément liées au travail à la pièce. Les patrons maintinrent une pression constante sur les ouvrières pour qu’elles augmentent leur taux de productivité en baissant les tarifs à la pièce. Il s’agit là d’une autre spécificité de la main-d’œuvre féminine. Nul n’aurait pensé devoir motiver les hommes par un tel système : « Nous n’avons jamais pu faire accepter ce type de travail par les hommes », racontait un employeur britannique en 1918. « Ils ne supportent pas un travail monotone et répétitif, ils n’accepteraient pas de rester toute leur vie derrière une presse, les femmes si. Une femme continuera à faire ce type de travail jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus, et alors elle en trouvera un autre aussi monotone. » [11]
15Les femmes étaient donc différentes. Elles supportaient mieux la monotonie du travail et étaient plus réceptives au système de paye et de prime censé les stimuler. La seule motivation possible pour un travail aussi répétitif ne pouvait être que l’argent : « En règle générale, une fille qui travaille à la pièce ou à la prime va non seulement travailler deux fois plus qu’une ouvrière payée à la journée, mais aussi avec plus d’attention » [12]. Or, si les femmes étaient faites « par nature » pour le travail répétitif, pourquoi les patrons jugeaient-ils nécessaire de les pousser à effectuer les tâches monotones toujours plus rapidement en abaissant le tarif de la pièce ?
16Pour augmenter la productivité dans les usines de guerre, les patrons disposaient de deux moyens de pression, le tarif de chaque pièce et la prime à la production. En baissant le salaire à la pièce, ils changeaient le rapport entre l’effort fourni et sa rétribution. Les ouvrières devaient travailler bien plus pour maintenir leurs revenus au même niveau, et plus encore pour les accroître. Un tel système d’incitation révèle que le lien entre effort et rétribution n’était pas le même pour des femmes et pour des hommes. Dans l’entreprise parisienne de Wilcoq-Regnault, les femmes qui furent embauchées pour produire des grenades n’étaient payées que la moitié du salaire des hommes qu’elles venaient de remplacer. Ni la technologie, ni l’organisation de la production n’avaient changé, mais simplement, les femmes coûtaient moins cher que les hommes. La direction ne se contenta pas de l’économie ainsi réalisée. Pour augmenter le rendement, on décida de diminuer le salaire de base, qui déjà ne dépassait pas 8 francs par jour, et d’offrir une prime à la production d’1 franc pour cent grenades. Cette stratégie eut, auprès des ouvrières, le succès escompté : lorsque le salaire baissa jusqu’à 7 puis 6 francs par jour, et que la prime fut divisée par deux, la production quotidienne des ouvrières passa de 250 grenades, ce qui était le niveau de production des hommes qu’elles remplaçaient, à 1 200 puis 1 700 grenades. Lorsque la direction diminua les salaires à 5,25 francs, les ouvrières se mirent en grève. Wilcoq les licencia toutes et trouva immédiatement des remplaçantes qui acceptèrent de travailler pour ce salaire [13].
17Si frappante soit-elle, la politique de Wilcoq n’est pas une exception. On pourrait fournir d’autres exemples qui illustrent les effets du zèle productiviste sur les salaires et les conditions de travail. Un tel souci de rendement ne s’explique pas seulement par l’irruption de nouvelles technologies et la re-division du travail [14]. Le patronat adopta une nouvelle politique de production plus contraignante pour la simple raison que la main-d’œuvre était constituée de femmes. Il fallait trouver quel salaire horaire garantirait le meilleur rendement. Pour ce faire, les salaires des femmes ne devraient pas être beaucoup plus élevés qu’avant guerre. Si elles parvenaient à produire plus que le taux de base, aidées par une nouvelle technologie, une certaine ferveur patriotique ou les avantages biologiques tels que « leurs petits doigts agiles », la conclusion était simple : le taux était trop haut pour ce type de main-d’œuvre. « Que peut-on faire lorsqu’une fille gagne déjà 15 shillings par semaine, à part baisser le salaire à la pièce ? » se demande un contremaître anglais en 1915 [15].
« À travail égal, salaire égal » : premières protestations
18Dès 1916, les ouvriers des deux sexes commencèrent à protester contre les bas salaires féminins et les patrons se trouvèrent contraints de réviser leurs choix. Les salaires féminins étaient désormais fixés, non en fonction des salaires que les femmes gagnaient dans les secteurs féminins mal payés (spectre du « salaire d’appoint » traditionnel), mais en relation avec ce que les hommes gagnaient dans l’industrie des métaux et de la mécanique. Paradoxalement, les ouvriers remarquèrent l’inégalité des salaires justement parce que, dans ce secteur récemment investi par des femmes, la division des sexes ne servait pas de critère fixe pour organiser la production. Hommes et femmes travaillaient alors côte-à-côte à des travaux similaires, voire strictement identiques. Ainsi avaient-ils facilement l’occasion de constater les résultats de la discrimination des sexes. Pour les femmes, l’inégalité était une rétribution injuste de leur labeur. Une ouvrière dans une fabrique d’obus parisienne se plaignait à son employeur : « Nous gagnons 0,40 franc de l’heure et un bonus de 0,10-0,50 franc ; les ouvriers qui travaillaient avant notre embauchage étaient payés 1,20 franc et 1,30 franc et produisaient moitié moins que nous » [16]. De l’autre côté de la Manche, une adolescente irlandaise, formée à la tâche dans un atelier de Howitzer, savait très bien qu’elle faisait exactement le même travail que les hommes qui travaillaient à ses côtés dans le même atelier. Elle demanda donc une paye égale mais les patrons lui répondirent qu’elle était trop jeune (elle avait 16 ans à l’époque). En fin de compte, le seul moyen de toucher un salaire plein (c’est-à-dire un salaire égal au salaire des hommes qui faisaient exactement le même travail qu’elle) était d’adhérer au Transport and General Workers Union, qui intercéda en sa faveur et fit pression sur les patrons pour qu’ils reconnaissent le bien-fondé de sa demande : « C’est [le syndicat] qui m’a renseigné sur les salaires et c’est comme ça que j’ai fini par toucher ma paye » [17].
19Si les femmes étaient conscientes du fait que la rétribution de leur labeur était trop souvent injuste, elles attendirent cependant la troisième année de la guerre avant de se mettre en grève pour protester contre leur salaire de misère. En temps de guerre, toute interruption de travail était perçue comme un acte de trahison contre le pays et ses soldats, qui dépendaient de l’approvisionnement continu d’armes et d’obus. Les ouvriers des deux sexes limitèrent alors leurs revendications pendant les premières années de la guerre, malgré l’impact dévastateur de la vie chère sur leurs salaires [18]. Mais au printemps 1916, les ouvrières des deux pays se trouvèrent à bout de patience. Ainsi, quelques 6 000 ouvrières — soit environ la moitié de la main-d’œuvre de l’usine Armstrong-Whitworth à Newcastle-on-Tyne — cessèrent le travail le 17 mars 1916 pour réclamer l’augmentation de leur salaire. Le cas passa presque immédiatement devant le Wage Tribunal (chargé des disputes salariales) du ministère des Munitions, et la décision rendue fut favorable aux ouvrières. Trois mois plus tard, les 110 ouvrières de l’atelier de fusils de l’usine Dion, à Puteaux, furent les premières à briser la trêve de l’union sacrée en France avec une grève de 11 jours contre une réorganisation qui entraînait une charge de travail plus lourde et une diminution du salaire à la pièce. Ne trouvant aucune écoute de la part de leur patron, les 110 grévistes s’adressèrent directement au contrôleur du travail, c’est-à-dire au représentant local du ministère français de l’Armement. Grâce à l’intervention du contrôleur, les grévistes de Dion connurent aussi une victoire, au moins partielle, car si la direction augmenta la charge de travail, elle leur donna cependant l’assurance que leurs revenus seraient préservés [19].
20Les hommes n’étaient pas plus satisfaits de la situation. Ils craignaient, souvent à juste titre, que les patrons n’utilisent les femmes pour abaisser l’ensemble des salaires. Les dirigeants des syndicats britanniques et français étaient souvent les plus fervents partisans d’une égalité de salaires. Il y avait à cela deux raisons : ils défendaient ainsi le niveau général des salaires et ils nourrissaient l’espoir plus ou moins secret que les patrons préféreraient exclure les femmes plutôt que de les payer au même salaire que les hommes.
21La guerre avait instauré un climat favorable à ces revendications, d’autant plus que les ministres de l’Armement, dont la sensibilité était plutôt de gauche, tentaient d’apaiser une main-d’œuvre de plus en plus agitée. Toutefois, les bureaucrates eux-mêmes considéraient que l’infériorité des salaires des femmes était non seulement « traditionnelle » mais encore « quasi naturelle ». L’État répondit à la demande d’égalité des salaires en préconisant une hausse du salaire des femmes, comme nous l’avons vu dans les cas d’Armstrong-Whitworth et de Dion. Mais cette concession s’inscrivait dans un cadre plus général. Les patrons insistèrent sur le fait qu’il serait aberrant d’accorder l’égalité des salaires alors qu’on était en guerre et que le travail avait été réorganisé, parfois mécanisé.
22Pour les patrons, il était vital de maintenir la séparation entre l’échelle des salaires féminins et celle des salaires masculins, même lorsque les femmes effectuaient le même travail que les hommes. Pour ce faire, les industriels arguèrent que le travail des femmes, en apparence plus productif, était en réalité plus coûteux que celui des hommes. Ils semblèrent oublier qu’ils avaient modifié les méthodes et l’équipement pour réduire le nombre des ouvriers qualifiés et augmenter la productivité de chaque ouvrier, homme ou femme. À les entendre, on aurait pu croire qu’ils avaient modifié la chaîne de production pour adapter les usines à l’arrivée des femmes, et non aux demandes élevées d’armements de la part de l’État en guerre. Pour les employeurs, tous les coûts liés à la nouvelle organisation, au nouvel équipement et au contrôle des ouvriers inexpérimentés, devaient être déduits des salaires féminins.
23Albert Thomas et Lloyd George se rangèrent à ce point de vue. Ainsi, Albert Thomas publia en janvier 1917 un barème pour les industries d’armement qui fixait la différence des salaires entre hommes et femmes dans une fourchette de 15 à 25 % selon la tâche effectuée. Bien que cette liste ne définît pas l’égalité elle contribua, en établissant clairement un salaire minimal, à réduire l’écart des salaires de façon significative. Ainsi, pour les ouvrières semi-qualifiées, le différentiel entre leur salaire et celui des ouvriers semi-qualifiés passa de 45 % en 1913 à 31 % en 1916 pour atteindre 18 % en 1917 [20].
24Le principe d’inégalité demeurait cependant inébranlable. Pierre Hamp, inspecteur du travail, note que les employeurs continuèrent à déduire des salaires féminins le coût des outils et des réglages, même pour les ouvrières qui réglaient elles-mêmes leurs propres outils (Hamp, 1918, p. 1). La déduction de 25 %, qui se justifiait initialement par le surcoût du travail féminin alors qu’elle ne s’appliqua jamais à la main-d’œuvre masculine également inexpérimentée, devint partie prenante de cette infériorité « quasi naturelle » du salaire féminin.
25Ayant préservé une distinction étanche entre les salaires masculins et les salaires féminins, les employeurs arrivèrent à réduire à néant les arguments de ceux qui faisaient campagne pour l’égalité des salaires au printemps 1918, puis en mai-juin 1919. Il leur suffisait d’affirmer que les ouvriers semi-qualifiés et les femmes ne pourraient en aucune manière être assimilés aux ouvriers qualifiés, même s’ils accomplissaient un travail qualifié. En juillet 1919, le Groupement des Industries Métallurgiques et connexes de la région parisienne riposta à la campagne pour l’égalité des salaires en proposant une nouvelle liste d’une quinzaine d’emplois qualifiés ou semi-qualifiés auxquels étaient attribués un tarif pour les hommes et un deuxième, toujours inférieur de 30 % ou plus, pour les femmes sur chaque emploi.
26En cédant aux patrons qui défendaient âprement une échelle des salaires fixée selon le sexe, Albert Thomas avait perdu du terrain dans la bataille pour l’égalité des salaires. Cette hiérarchisation des salaires sonna le glas de l’égalité salariale, ce que ne manqua pas de remarquer Cécile Brunschvig, militante féministe. À peine Albert Thomas eut-il signé la circulaire des salaires que Cécile Brunschvig lui reprocha de ne pas s’être opposé aux fournisseurs de guerre sur ce point : « Pourquoi ne pas exiger pour la femme un salaire normal ? Quitte à dédommager les industriels de leur frais par un système de primes qui ne reviendraient pas plus cher à l’État et qui laisseraient au moins à l’ouvrière la juste impression de la valeur de son travail ; la pièce fabriquée doit être payée d’après ce qu’elle vaut et non d’après celui qui l’a faite. » En acceptant l’échelonnement des salaires, Albert Thomas faisait lui aussi obstacle à l’égalité des salaires. Pour Cécile Brunschvig, il avait perverti le principe d’égalité en son contraire : « Alors que la circulaire anglaise pose nettement le principe de l’égalité des salaires masculins et féminins pour un même travail, la circulaire française n’en reconnaît nulle part le principe. Elle n’en parle que pour en montrer l’impossibilité ou pour donner des moyens de s’y soustraire… Enfin, pour la première fois, nous voyons une circulaire officielle admettre le principe — ou plutôt même, poser le principe — que les frais d’outillage nécessaires à la main-d’œuvre féminine doivent être supportés par les seules ouvrières… La circulaire française s’adresse surtout aux industriels.… » [21]
Le mouvement britannique pour l’égalité des salaires
27À un ministre qui acceptait l’inégalité des salaires, Cécile Brunschvig opposait la circulaire du ministre britannique qui fixait les salaires des femmes en défendant le principe d’égalité. Mais les Britanniques méritaient-ils une telle admiration ? En fait, Loyd George en vint lui aussi à séparer les échelles de salaires des hommes et des femmes. Il procéda d’une manière différente de Albert Thomas, qui avait fixé un minimum. Sa décision aboutit à la suite d’une série de négociations dans lesquelles les dirigeants syndicalistes, hommes et femmes, jouèrent un grand rôle. Toutefois, il en résulta une différence de salaires plus importante en Grande-Bretagne qu’en France. En 1918, les ouvrières françaises gagnaient en moyenne 20 % de moins que leurs collègues masculins, tandis que la différence était de 30 % en Grande-Bretagne. Malgré l’affirmation de l’égalité des salaires contenue dans les circulaires anglaises, les salaires britanniques s’échelonnaient de façon plus marquée qu’en France, puisque les ouvriers non-qualifiés britanniques des deux sexes gagnaient beaucoup moins que les ouvriers qualifiés.
28La circulaire ministérielle, « circulaire L2 », que Cécile Brunschvig mentionne, fut le résultat d’un long débat au sujet du Treasury Agreement de mars 1915, le premier accord entre l’État, les syndicats et les industriels, au sujet du travail féminin dans les usines de guerre. La clause 5 de ce traité stipule que les femmes, comme tout nouvel ouvrier, doivent recevoir « la rétribution habituelle de l’emploi ». L’organisation nationale des employeurs en métallurgie interpréta immédiatement cette formule vague dans le sens d’un échelonnement des salaires, ce qui équivalait à assimiler les femmes aux adolescents. Dans les faits, le salaire horaire du travail féminin était la moitié de celui des hommes, et ce pour n’importe quel emploi. L’encre du traité n’avait pas encore séché que la militante socialiste et féministe Sylvia Pankhurst contactait Lloyd George pour réviser l’interprétation de cette clause. Le ministre répondit par une formule qui s’éloignait radicalement des positions figées des employeurs : toute femme effectuant le travail d’un homme recevrait le salaire à la pièce que l’homme aurait reçu avant le traité. Pour les travaux masculins effectués par des femmes, l’égalité du salaire à la pièce serait la ligne officielle du gouvernement. Une telle politique offrait bien plus d’égalité que les patrons n’étaient prêts à en accorder, mais elle ne s’attaquait pas au salaire horaire, ni au système des primes. Les patrons continuaient donc à payer les ouvrières sur la base d’un salaire horaire deux fois moindre que le salaire des ouvriers.
29Face à cette politique patronale, le principal syndicat masculin en métallurgie fit front commun avec le principal syndicat féminin sur le sujet des salaires féminins, tout en refusant lui-même d’organiser les ouvrières métallurgistes. La nouvelle alliance avançait à pas mesurés. Plutôt que d’exiger l’égalité dès le début, les responsables demandèrent au ministre des Munitions un minimum décent, une livre par semaine pour toute ouvrière employée à un travail auparavant effectué par un ouvrier qualifié. Lorsqu’elles remplaceraient des ouvriers semi-qualifiés ou non-qualifiés, elles seraient payées à la tâche autant que les hommes qu’elles remplaçaient.
30Lloyd George reconnut que cette revendication était justifiée. À l’automne 1915, il signa une circulaire (L2) qui fixa un salaire minimum d’une livre par semaine pour toute femme âgée de plus de 18 ans occupant un poste qui n’était pas « considéré comme un travail de femme avant guerre ». La circulaire ministérielle garantit aussi l’égalité des salaires à la tâche pour les ouvrières semi-qualifiées et non-qualifiées, ce qui revint à entériner la première interprétation du Treasury Agreement fait par les patrons. La circulaire exigeait aussi que les patrons qui avaient recours au système de primes fixent les mêmes taux horaires pour les femmes que pour les hommes.
31Le salaire minimum d’une livre garantissait aux femmes de quoi vivre, même si elles ne maintenaient pas le taux de production à l’heure, ce qui arrivait fréquemment soit à cause d’erreurs de la direction, soit à cause de goulets d’étranglement dans la production. Dix mois plus tard, en juillet 1916, le ministre se décida enfin à réglementer le salaire des femmes occupant des emplois déjà féminins avant guerre (fusées, petites armes et petites pièces métalliques). Les résultats furent décevants : les salaires des femmes furent augmentés de 12 à 14 shillings par semaine tandis que les salaires de jeunes filles de moins de 18 ans augmentèrent de 9 à 13 shillings. Comme le reconnurent plus tard les fonctionnaires du ministère, il n’était pas pensable d’accorder l’égalité des salaires pour les ouvrières affectées à des postes réservés aux femmes. Il n’y avait qu’à leur accorder un salaire suffisant pour vivre. La nécessité d’interpréter le principe d’égalité des salaires ne se faisait sentir que pour les emplois où des femmes remplaçaient des hommes, parce qu’il s’agissait alors de « défendre les salaires garantis aux hommes » [22]. Comme Lloyd George l’explique au Premier ministre en avril 1918, « notre but en fixant les salaires des femmes était qu’ils ne soient pas trop bas, pour ne pas nuire aux ouvriers, ni trop hauts pour ne pas dissuader les patrons d’embaucher des ouvrières » [23]. En ce qui concerne le salaire attribué pour un travail jugé « féminin », on revient ainsi au concept de salaire d’appoint, jugé insuffisant pour une femme qui remplace un homme, car elle était censée être la gardienne de son poste, qui devrait être rendu au soldat tel qu’il était en 1914.
32La socialiste Fabienne Barbara Drake considèra la circulaire L2 comme « la base d’une charte pour les femmes dans l’industrie mécanique ». Bien que l’ancienne discrimination favorable à l’ouvrier qualifié soit maintenue, un salaire minimum d’une livre lui semblait représenter une réussite incontestable. Mais la circulaire n’avait pas résolu le problème pour les milliers de femmes qui occupaient des nouveaux emplois créés par la re-division du travail. De plus, inspirés par l’exemple de leurs collègues français, les patrons britanniques rappelèrent que, quel que soit leur rendement, les femmes coûtaient plus cher que les hommes parce qu’elles généraient des frais de supervision et d’installation. En janvier 1917, le Special Arbitration Tribunal se rangea à cet argument et permit aux patrons de déduire 10 % du salaire des femmes en compensation des coûts annexes. En fin de compte, « parmi toutes les femmes qui entrèrent dans des usines d’obus et de détonateurs, pas une sur mille ne revendiqua jamais avoir entièrement pris la place d’un ouvrier parfaitement qualifié » [24]. Le minimum d’une livre devint alors un salaire habituel pour les femmes et les patrons versaient rarement plus.
33En fixant un salaire minimum pour les femmes, les gouvernements des deux pays espéraient freiner les abus les plus criants tout en protégeant le niveau général des salaires (masculins) jusqu’au retour des hommes. Comme en France, l’intervention de l’État en Grande-Bretagne provoqua une hausse du salaire des femmes, sans que l’on sorte de la hiérarchisation traditionnelle. La différence de salaires entre hommes et femmes se réduisit, passant de 50 % en 1913 à 33 % en 1917 [25]. Si cette stratégie défensive entraîna bel et bien des hausses de salaire pour les femmes, elle ne remit jamais en question le fait qu’hommes et femmes ne soient pas payés sur la même base. Aussi les patrons britanniques parvinrent-ils à maintenir des bases distinctes pour les salaires des hommes et des femmes, pérennisant ainsi le principe d’un salaire lié à la catégorie de l’ouvrier, et non à la tâche accomplie. Dans les dernières années de la guerre, les féministes et les syndicalistes défendirent un salaire lié à la tâche ; dès lors que l’État avait accepté le principe de taux distincts selon les sexes, la campagne pour l’égalité des salaires était perdue.
34Les discussions sur le salaire des femmes semblaient condamnées à tourner en rond. Toutes paraissaient aboutir au point de départ : les femmes sont de fait une main-d’œuvre de petit prix. Derrière cette tautologie se dessine une autre assimilation hâtive, très répandue à l’époque, selon laquelle l’infériorité du salaire des femmes dans tous les secteurs de l’économie signifiait qu’elles étaient réellement une main-d’œuvre de moindre valeur que les hommes. L’expérience de la guerre ne vint pas à bout d’une conviction ancrée si profondément dans les mentalités. Patrons et gouvernants frémissaient d’une même horreur à la pensée que les femmes puissent recevoir un salaire élevé : « Il n’est pas raisonnable de proposer qu’elles reçoivent le salaire d’un ouvrier qualifié bien qu’elles fassent le travail d’un ouvrier qualifié, parce que les salaires se monteraient à 3 livres et 4 à 6 pence pour une semaine de 54 heures », expliqua le contrôleur assistant au Labour Regulation Department en avril 1918 [26].
35De telles convictions allaient de pair avec l’idée que les bas salaires des femmes jouaient un rôle déterminant dans l’avenir économique de pans entiers de l’industrie. M. D. S. Marjoribanks exprime l’opinion de toute la Fédération des employeurs britanniques en métallurgie lorsqu’il dit : « Si vous partez du principe que les femmes doivent recevoir le même salaire que les hommes, vous allez tuer toute l’industrie [aéronautique]. Certaines catégories d’emplois, qui sont essentiellement des emplois de femmes, devraient être payées — je ne dis pas au tarif du travail féminin avant guerre, mais à un tarif qui tienne compte du fait que c’est un travail de femmes… Si vous essayez de leur appliquer les tarifs d’hommes, vous allez tout bonnement détruire une industrie en plein essor… Elle disparaîtra de l’Angleterre comme la verrerie a disparu autrefois. » [27]
36L’argument selon lequel les femmes coûtaient plus cher ne tenait plus. La survie de l’industrie ne reposait pas sur le remplacement des hommes par les femmes, comme l’impliquait la théorie d’une main-d’œuvre féminine plus coûteuse, mais sur la préservation du statut des femmes comme main-d’œuvre bon marché. L’industrie serait florissante aussi longtemps que les patrons pourraient désigner certaines catégories d’emplois comme des emplois de femmes, et les payer en conséquence.
37Les bas salaires des femmes reposaient donc sur l’existence d’emplois appelés « emplois de femmes ». Le magnat Alfred Herbert définit ce type de travaux comme « un travail que les femmes peuvent effectuer à la satisfaction de leur employeur, d’une part, et sans dommage pour leur santé, d’autre part » [28]. L’égalité des salaires provoquerait la ruine des industries naissantes et une baisse de la motivation des femmes au travail. Melvin Smith, patron à Birmingham, fait observer que les femmes sont, par nature, capables de travailler plus rapidement que les hommes, sauf pour un travail « physique ». L’égalité des salaires gommerait la force de cette distinction « naturelle » : « Je crois que leur taux de production chuterait… si on leur donnait le même salaire qu’aux hommes », affirme Melvin Smith. « Le salaire serait plus que suffisant pour elles, elles ne seraient plus poussées par rien. » [29]
38En discutant du salaire des femmes, les patrons faisaient appel à un raisonnement entaché d’une contradiction fondamentale. Ils déclaraient que les femmes étaient « par nature » faites pour le travail répétitif tout en affirmant que cette « nature » ne se manifestait que si les femmes y étaient poussées par des bas salaires. Pendant la guerre et l’entre-deux-guerres, les revendications d’égalité salariale restèrent sans réponse, tant que cette contradiction non résolue lia les femmes de plus en plus étroitement à un travail fragmenté et répétitif issu de la rationalisation de la production.
39* * *
Le salaire d’appoint et ses arguments commodes pour la suite
40À la fin de la première guerre mondiale les patrons français et britanniques préparèrent la reconversion de leurs usines à une production en temps de paix. Malgré un discours qui mettait l’accent sur le retour aux pratiques d’avant-guerre, les patrons des deux pays envisagèrent l’application de nouvelles stratégies de production de masse, expérimentées pendant la guerre. Au cœur de ces stratégies se trouva la nouvelle main-d’œuvre féminine, jugée apte à faire toute la partie « féminine » de ce travail, c’est-à-dire, tout ce qui demandait de la minutie, de la rapidité, de la résistance à la monotonie d’un travail répétitif. « Il serait une mauvaise utilisation nationale de voir l’ouvrier reprendre certaines professions ou certains travaux auxquels la femme peut aisément s’adapter », annonça le Commandant Hourst, directeur d’un grand arsenal français en 1917. « Citons par exemple l’estampage, le décolletage, le tournage de pièces dont le poids ne dépasse pas celui qu’une femme peut aisément manier » (Hourst, 1917, p. 55). Les patrons britanniques étaient encore plus francs sur les bases de cette redivision du travail dans les industries mécaniques et métallurgiques : « Tout travail demande un savoir-faire, mais le savoir-faire requis pour un travail répétitif est beaucoup plus facile à acquérir que le savoir-faire nécessaire aux travaux polyvalents », déclara la Engineering Employers Federation (Association nationale des patrons britanniques dans la métallurgie) devant le War Cabinet Committee on Women’s Work en octobre 1918. « Il faut un ouvrier de première classe pour le travail polyvalent, pour faire les jauges, les calibres et tout ce qui permet de faire vite et bien le travail répétitif. Une femme est idéale pour le travail répétitif et c’est ce que j’appelle un travail de femme. » [30]
41Or, comme le montrent bien les barèmes de salaires de l’entre-deux-guerres, les employeurs attribuaient aux femmes expérimentées des postes semi-qualifiés (OS, ouvriers spécialisés), voire hautement qualifiés (OP, ouvriers professionnels), mais toujours pour la moitié ou les deux-tiers du salaire masculin, à travail égal. Ayant préservé le principe selon lequel le salaire d’une femme n’est qu’un salaire d’appoint pendant toutes les négociations salariales en temps de guerre (même si les mots « salaire d’appoint » ou pin-money wages n’étaient que rarement évoqués pendant ces mêmes négociations), les industriels sortirent de la guerre, dotés d’une nouvelle arme redoutable dans leur lutte pour faire baisser le coût de la production : la femme métallurgiste, payée selon sa propre échelle de bas salaires pour un travail accompli, auparavant, par un homme. Tout au long des années 1920 et 1930 les stratégies patronales reposèrent sur le maintien des échelles distinctes et inégales de salaires masculins et féminins, malgré les efforts épisodiques des syndicats, ou même des patrons isolés, en vue d’accorder aux ouvriers des deux sexes un seul salaire pour chaque tâche, sans distinction de sexe [31]. Si l’expression « salaire d’appoint » fut bannie des négociations salariales dans la métallurgie après 1914, la réalité de tels salaires s’est ancrée dans les ateliers dès que les premières ouvrières arrivèrent pour assurer la production en temps de guerre.
Bibliographie
Bibliographie
- Braybon Gail, 1981, Women Workers in the First World War, Croom Helm, Londres.
- Dormois Jean-Pierre, 2004, The French Economy in the Twentieth Century, Cambridge University Press, Cambridge.
- Downs Laura Lee, 2002, L’Inégalité à la chaîne. La division sexuée du travail dans l’industrie métallurgique en France et en Angleterre, Albin Michel, Paris.
- Drake Barbara, 1917, Women in the Engineering Trades, Fabian Research Department, Londres.
- Guilbert Madeleine, 1946, « Le travail des femmes », Revue française du travail, novembre.
- Hamp Pierre, 1918, « Le quart en moins », Information ouvrière et sociale, 9 mai.
- Hourst Emile-Auguste-Léon (Commandant), 1917, Le Problème de la main-d’œuvre : la taylorisation et son application aux conditions industrielles de l’après-guerre, Librairie de l’École spéciale des travaux publics, Paris.
- Kirkaldy Adam, 1917, Industry and Finance-War Expedients and Reconstruction, Isaac Pitman & Sons, Londres.
- Kozak Marion, 1976, "Women Munition Workers During the First World War, With Special Reference to Engineering", thèse de doctorat, Université de Hull.
- Ministère des Munitions, Official History of the Ministry of Munitions, Londres, 1920-1924, tome V.
- Pedersen Susan, 1993, Family, Dependence, and the Origins of the Welfare State, Cambridge University Press, Cambridge.
- Robert Jean-Louis, 1988, "Women and Work in France during the First World War", in Jay Winter et Richard Wall (dir.), The Upheaval of War, Cambridge University Press, Cambridge, pp. 251-266.
Notes
-
[1]
Voir Jean-Louis Robert (1988, p. 262). D’après Jean-Pierre Dormois (2004, p. 88), la part des femmes dans la population active française était déjà de 46,3 % en 1911.
-
[2]
Voir Gail Braybon (1981, p. 25). Comme le remarque Susan Pedersen (1993, p. 71), « en 1911, les femmes mariées françaises… avaient cinq fois plus de chances de trouver un emploi que les femmes mariées britanniques ».
-
[3]
Voir Laura Lee Downs (2002, pp. 331-334).
-
[4]
Cette tendance à la baisse du travail féminin s’inversa à partir des années 1960.
-
[5]
En Grande-Bretagne, il s’agit du ministère des Munitions, en France du ministère de l’Armement.
-
[6]
La livre valait 25 F (francs) et 25 c (centimes) en 1914 (Dormois, 2004, p. 54). Comme il y avait 24 shillings dans une livre, et 12 pence par shilling, on pourrait dire qu’au début du conflit les femmes gagnaient des salaires similaires dans les deux pays. C’est-à-dire un salaire qui pouvait servir de complément à un salaire masculin, mais qui était, en lui-même, insuffisant pour subvenir aux besoins d’une personne vivant seule ou avec des enfants ou personnes âgées à charge.
-
[7]
Cf. Ministère des Munitions (1920-1924, p. 140). Les patrons français se référaient moins au « salaire familial » parce que le pourcentage d’ouvrières mariées y était beaucoup plus élevé. Un salaire familial en France se définit alors comme un revenu collectif auquel les deux parents contribuent.
-
[8]
Imperial War Museum (iwm), War Cabinet Committee Minutes, Women’s Work Collection, Emp. 70, War Cabinet Committee on Women in Industry, "Minutes of evidence", témoignage de Melville Smith, octobre 1918, p. D71.
-
[9]
En France, le patronat des grandes usines métallurgiques de la région parisienne commença à verser aux ouvriers (et, parfois, aux ouvrières) fiables des allocations familiales pendant la guerre, stratégie qui permettait aux employeurs de distinguer les besoins familiaux de l’ouvrier de sa valeur professionnelle.
-
[10]
Cité dans Marion Kozak (1976, p. 188).
-
[11]
iwm, War Cabinet Committee Minutes, Women’s Work Collection, Emp. 70, War Cabinet Committee on Women in Industry, "Minutes of evidence", témoignage de major Ovans, octobre 1918, p. D21, D33.
-
[12]
Fabricant de munitions de Birmingham, cité par Adam Kirkaldy (1917, p. 129).
-
[13]
AN, F7, 13366, « Une réunion de l’Union des ouvriers mécaniciens de la Seine à la Bourse du travail », 27 novembre 1916, pp. 6-7.
-
[14]
« Re-division du travail »: allusion à la fragmentation des tâches des ouvriers qualifiés et à l’attribution, aux ouvrier-e-s moins qualifié-e-s, de nouvelles tâches productives plus étroitement définies que le travail polyvalent de l’ancien ouvrier de métier.
-
[15]
Parliamentary Papers (PP) 1915, Cd. 8051, ministère du Travail, Annual Report of the Chief Inspector of Factories and Workshops, p. 49.
-
[16]
L’Union des métaux, décembre 1916-février 1917, p. 5.
-
[17]
iwm, Sound Records Department, Isabella Clarke (née McGee), "War Work, 1914-1918", numéro d’accès 000774/04, manuscrit tapé, p. 7.
-
[18]
Entre août 1914 et le printemps 1917, les salaires réels ont baissé de 20 à 25 % à cause de la vie chère.
-
[19]
Pour ces grèves féminines, je me permets de renvoyer le lecteur à Laura Lee Downs (2002).
-
[20]
Cf. Madeleine Guilbert (1946, p. 663). Après la guerre, la différence se creusa à nouveau, pour revenir à 31% en 1921.
-
[21]
Lettre de Cécile Brunschvig à Albert Thomas (1916), manuscrit, trouvée dans la bibliothèque de l’École des Surintendantes d’Usine.
-
[22]
Voir Ministère des Munitions, 1920-1924, 2e partie, p. 7.
-
[23]
Public Records Office (pro), Mun. 5/79/340/7, ministre des Munitions au Premier ministre, 30 avril 1918 (mémo).
-
[24]
Voir Barbara Drake (1917, p. 2 et p. 17). C’est l’auteure qui souligne.
-
[25]
pp 1919, Cmd. 135, Report of the War Cabinet Committee on Women in Industry, p. 121.
-
[26]
pro, Lab. 2/243/142/9, mémorandum de Gordon Campbell, contrôleur assistant au Labour Regulation Department en avril 1918.
-
[27]
iwm, Women’s Work Collection, Emp. 70, War Cabinet Committee on Women in Industry, "Minutes, of evidence", témoignage de la Engineering Employers Federation, octobre 1918, p. F76.
-
[28]
pp 1919, Cmd. 167, Appendices of Evidence, p. 55.
-
[29]
iwm, War Cabinet Committee Minutes, Women’s Work Collection, Emp. 70, War Cabinet Committee on Women in Industry, "Minutes of evidence", témoignage de Melville Smith, octobre 1918, p. D73.
-
[30]
iwm, War Cabinet Committee Minutes, Women’s Work Collection, Emp. 70, War Cabinet Committee on Women in Industry, "Minutes of evidence", témoignage de la Engineering Employers’ Federation, octobre 1918, p. F43.
-
[31]
Pour le cas d’un grand patron (Rover automobiles) qui cherchait (en vain) à imposer en 1930 un seul salaire pour la tâche dans ses ateliers de finition, je me permets de renvoyer le lecteur au 6e chapitre de mon livre L’Inégalité à la chaîne (Paris, 2002). Rover fut bloqué dans son ambition par l’opposition de ses collègues dans la région, qui dépendaient des bas salaires féminins pour maintenir leur niveau de profits.