1Le recul historique nous enseigne la pluralité et l’historicité du féminisme. Citoyennes trico-teuses, saint-simoniennes, quarante-huitardes, militantes socialistes, bourgeoises radicales et philanthropes, suffragettes, intellectuelles, militantes du planning familial, étudiantes, "féministes"..., les actrices et les enjeux de ce mouvement se sont souvent transformés en même temps que les contextes politiques et sociaux. Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est la façon dont différentes personnalités évaluent l’actualité de cette question du féminisme dans notre société.
2Qu’est-ce qu’être féministe aujourd’hui ? Pour quelles raisons s’inscrire dans cet engagement et décider d’en écrire une page nouvelle ? Quels sont les enjeux contemporains du féminisme ? Quelles sont les questions politiques, sociales, économiques et culturelles qui justifient de s’engager comme féministe ? Le féminisme se définit-il par un socle d’objectifs communs ou ne peut-il être que pluriel ? Quels sont les liens entre le féminisme et d’autres mouvements d’émancipation ?
3Pour faire vivre ce débat, nous avons sollicité des personnalités très différentes quant à leur relation au féminsme, la place accordée à cet engagement dans leur existence, la nature même de leur itinéraire politique, académique ou professionnel. Ce nuancier du féminisme est redoublé d’une coloration générationnelle : il nous semblait indispensable de solliciter de grandes figures du féminisme français et des universitaires "confirmé-e-s" ayant contribué à titre principal ou plus occasionnel à la recherche dans le domaine des relations de genre et de la théorie féministe, autant que des militantes et des universitaires plus jeunes dont l’action est désormais déterminante pour tisser des liens effectifs avec les problèmes et les acteurs contemporains. Personne n’a manqué à l’appel et nous remercions Clémentine Autain, Christine Delphy, Eric Fassin, Françoise Gaspard, Nathalie Heinich, Marie-Anne Juricic, Loubna Meliane, Catherine Nave et François de Singly d’avoir contribué à ce débat.
4Chacune (chacun) interprète d’une façon originale la commande mais toutes et tous reviennent sur leur expérience personnelle. Occasion de faire le point sur un itinéraire, la longue durée d’un engagement de toute une vie ou de tirer le bilan de débats ou d’actions militantes plus récents – la lutte pour la parité, le pacs, le mariage homosexuel ; le mouvement "Ni Putes Ni Soumises" ; les campagnes sur les violences faites aux femmes ; les controverses sur le voile islamique – les contributions des unes et des autres se répondent, d’une façon vive et ouverte. La pluralité des prises de positions est évidente, elle signale la richesse et la profondeur du féminisme contemporain ainsi que sa capacité à se renouveler.
5Chacune (chacun) pourra ainsi y trouver le moyen de confirmer ou modifier ses propres positions en suivant au plus près les logiques des autres. Le féminisme français s’affirme varié, complexe, parfois contradictoire, mais, quoi qu’il en soit, bien vivant !