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Article de revue

L’essentiel du Rapport du Comité inter-gouvernemental d’experts sur le financement du développement durable

Pages 87 à 92

Notes

  • [1]
    Le rapport est téléchargeable à l’adresse suivante : http://sustainabledevelopment.un.org/index.php?menu=1558
  • [2]
    Les constatations, interprétations et conclusions présentées dans ce document sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les vues de la Direction générale du Trésor.

1En juin 2012, lors de la Conférence des Nations unies sur le développement durable de Rio+20, les participants sont convenus de renouveler l’approche traditionnelle du « développement humain » par celle plus large de « développement durable ». Ainsi, après 2015, des Objectifs du Développement Durable (ODD) devraient se substituer aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) actuels.

2La Déclaration de Rio+20 a initié et lancé plusieurs processus de discussions dont deux essentiels pour préparer le prochain Programme de développement durable : le Groupe de Travail Ouvert sur les ODD (GTO) et le Comité Intergouvernemental d’Experts sur le Financement du Développement Durable (CIEFDD, ci-après le comité d’experts). Le mandat de ce dernier était plus précisément de préparer un rapport proposant des options pour l’élaboration de stratégies de financement du développement durable.

3Les travaux de ce comité d’experts ont fait l’objet de cinq sessions en 2013 et 2014 et se sont organisés autour de trois grands thèmes : (i) l’évaluation des besoins de financements, l’élaboration d’une cartographie des flux, et l’impact des environnements domestiques et internationaux sur le développement ; (ii) la mobilisation des ressources et leur utilisation efficace ; et (iii) l’organisation institutionnelle, la cohérence des politiques, les synergies et les questions de gouvernance.

4Le rapport a été adopté au terme de la cinquième session du comité d’experts qui s’est déroulée du 4 au 8 août 2014. Avec le rapport du GTO, le rapport du comité d’experts a été transmis dans sa version définitive au Secrétaire général des Nations Unies afin de nourrir sa réflexion. Ce dernier a publié le 4 décembre dernier un rapport de synthèse de ces travaux intitulé « La route vers la dignité à l’horizon 2030 : Eradiquer la pauvreté, transformer les vies et protéger la planète » qui constitue une contribution majeure dans la perspective du Sommet des Nations unies sur le Programme de développement pour l’après 2015 des 25 au 27 septembre 2015.

5Le Consensus de Monterrey de la Conférence internationale sur le financement du développement de 2002 était jusqu’à maintenant un (sinon le) texte de référence sur le thème du financement du développement qui a guidé l’action des gouvernements lors de la dernière décennie. Le rapport du comité d’experts s’est inspiré du Consensus de Monterrey tout en proposant une vision renouvelée du financement du développement en y intégrant la notion de durabilité.

Introduction

6Des progrès considérables ont été faits en matière de développement économique et humain depuis l’année 2000 et la Déclaration du Millénaire : les pays en développement ont crû à un rythme soutenu, la pauvreté a enregistré un fort recul, des avancées cruciales ont été réalisées dans les domaines de l’éducation (accès à l’enseignement primaire), de la santé (accès à l’eau potable, recul de la tuberculose et du paludisme) ou encore de l’égalité des sexes. Cependant, de nombreux défis demeurent, en termes de lutte contre l’extrême pauvreté, contre la vulnérabilité et les inégalités. De plus, de nouveaux défis sont apparus comme la lutte contre le changement climatique et d’autres menaces liées à la dégradation de l’environnement - qui sont d’ailleurs à l’origine de l’élargissement du Programme de développement « initial » du début des années 2000 à l’ensemble des problématiques du développement durable.

7Compte tenu de l’ampleur de ces défis, les besoins nécessaires au financement du futur Programme pour le développement sont immenses – selon une étude du Département des Affaires économiques et sociales des Nations unies (DESA), les investissements nécessaires se chiffrent en plusieurs trillions (c’est-à-dire des milliers de milliards) de dollars par an. Dans le même temps, l’épargne disponible dans le monde est considérable (autour de vingt-deux trillions de dollars par an), de même que le stock d’actifs financiers (environ 218 trillions de dollars) : parvenir à réallouer une partie de ces flux et de ce stock aurait des implications importantes sur le financement du développement. En d’autres termes, il s’agit moins d’un problème de disponibilité des ressources que d’une question d’orientation et d’allocation efficace des ressources disponibles vers le financement du développement durable.

8De ce point de vue, le rapport du comité insiste sur deux aspects. Tout d’abord, compte tenu des besoins, toutes les sources de financement, qu’elles soient d’origine privée ou publique, domestique ou internationale, doivent être mobilisées et utilisées de la manière la plus efficace possible afin de contribuer au financement du développement durable. Ensuite, le défi pour les gouvernements consiste à mettre en place un « environnement propice » afin de mobiliser toutes les ressources existantes et de canaliser une partie de ces ressources vers le financement des ODD. La notion « d’environnement propice » est centrale dans le rapport : elle recouvre les politiques qui doivent être menées par les gouvernements, les institutions et les réglementations appropriées qui doivent être mises en place. De plus, cette notion revêt plusieurs aspects. Il s’agit tout d’abord de créer des conditions favorables à l’investissement et à l’activité économique. Il s’agit également d’instaurer les bonnes incitations afin de répondre au problème d’allocation des ressources. Ces politiques et ces actions doivent être mises en œuvre d’abord au niveau national, mais aussi au niveau international notamment dans le domaine de la coopération fiscale, des mécanismes de prévention et de résolution des crises de la dette, de la stabilité du système financier, ou du système commercial multilatéral.

L’importance des ressources financières domestiques, publiques et privées

9Le rapport du comité d’experts reprend un principe fondamental du Consensus de Monterrey : la responsabilité première de son développement incombe à chaque pays. Ainsi, les ressources domestiques (publiques et privées) des pays doivent constituer la première source de financement de leur développement.

10Cela pose en premier lieu le problème de l’établissement de systèmes fiscaux performants qui se caractérisent par l’équité, la transparence et l’efficacité. Des progrès considérables ont été réalisés dans ce domaine dans les pays en développement depuis le début du siècle. Cependant, de fortes disparités subsistent entre ces pays, en termes de capacité à lever des ressources, en particulier. Améliorer la mobilisation des ressources fiscales est une priorité qui peut se traduire par des actions des gouvernements dans les pays visant à renforcer les systèmes fiscaux nationaux avec l’aide de programmes d’appui au renforcement des capacités ou de l’assistance technique ; ou par des actions de coopération au niveau international afin de limiter l’évasion et l’érosion des bases fiscales, lutter contre les flux illicites, etc.

11L’importance des ressources domestiques publiques ne porte pas que sur l’aspect de la collecte des ressources mais également sur l’utilisation qui est faite de ces ressources. C’est pourquoi les gouvernements doivent renforcer toutes les composantes de leurs politiques budgétaires : de la formulation au suivi et au contrôle en passant par l’exécution. De ce point du vue, les gouvernements doivent veiller au respect des notions de transparence, de légitimité des institutions, de redevabilité ou encore de participation des citoyens.

12De même, dans le domaine de la mobilisation accrue et plus efficace de l’épargne privée domestique, les gouvernements et la communauté internationale ont un rôle majeur à jouer, en particulier s’agissant des systèmes financiers internes des pays afin d’améliorer la capacité à mobiliser les flux privés domestiques et d’allouer ces flux de manière efficace pour financer le développement des économies : soutien du secteur bancaire pour le financement des Petites et Moyennes Entreprises (PME) ou des projets de développement durable (en mettant à disposition des banques implantées dans les pays des ressources sous la forme de lignes de crédit), amélioration de la réglementation et des infrastructures financières pour limiter les incertitudes, promotion de la concurrence et de l’insertion dans le système financier mondial tout en incitant et en aidant les pays à mettre en place des règles macro-prudentielles qui garantissent la stabilité des marchés.

13Dans le domaine du financement de la lutte contre le changement climatique et la transition vers des économies « décarbonées », un des défis pour les gouvernements consiste à mettre en place les bonnes incitations et les réglementations appropriées afin de mobiliser les ressources existantes et canaliser une partie de ces ressources vers le financement du futur Programme de développement durable. De ce point de vue, la mise en place de marchés ou de taxes carbone permettant l’établissement d’un prix du carbone et l’internalisation du coût des émissions de gaz à effet de serre sont de bons exemples d’outils permettant de réallouer une partie de l’épargne disponible vers le financement des biens publics mondiaux et de favoriser des modes de production et de consommation soutenables. Le rapport propose également d’œuvrer à la suppression graduelle des subventions aux énergies fossiles qui favorisent les émissions de gaz à effet de serre, sont génératrices d’inefficacité économique et qui n’atteignent pas leur objectif de redistribution vers les populations les plus pauvres. En outre, de telles politiques permettraient aux pays de dégager des marges budgétaires non négligeables qui pourraient être utilisées pour promouvoir, par exemple, des programmes d’investissements durables soutenant le développement économique.

L’importance des ressources internationales, publiques et privées

14Les gouvernements des pays en développement ont un rôle clef à jouer pour accroître la mobilisation des ressources extérieures, en particulier les investissements directs étrangers. De ce point de vue, un environnement favorable doit être mis en place. Les gouvernements peuvent agir au niveau national en améliorant l’environnement institutionnel (stabilité politique, respect de l’état de droit, bonne gouvernance, sécurité des droits de propriété) et le climat des affaires (gouvernance des entreprises, qualité des ressources humaines et des infrastructures, environnement juridique et réglementaire, stabilité macroéconomique).

15Le rapport réaffirme également le rôle central de l’aide publique au développement (APD) pour lutter contre la pauvreté, renforcer les services de base, participer au renforcement des biens publics mondiaux, et in fine, contribuer à l’atteinte des futurs ODD. Dans un contexte où ces ressources sont rares, il convient de les utiliser là où elles sont le plus utiles et où leur impact sera maximal. Tout d’abord, l’APD joue un double rôle : (i) elle reste essentielle pour les pays les plus pauvres qui sont le moins en capacité de mobiliser leurs propres ressources et pour qui l’APD continue de représenter la majorité des flux de financement externes ; (ii) elle doit jouer un rôle de catalyseur pour attirer et mobiliser d’autres types de financement (amélioration des systèmes de collecte des impôts et taxes, amélioration des systèmes de sélection et préparation des projets, effet de levier pour mobiliser des flux privés, etc.). Ensuite, le rapport prône une utilisation différenciée des ressources publiques internationales, en adaptant le niveau de concessionnalité de ces ressources selon le niveau de développement du pays bénéficiaire et/ou la nature du projet/programme de développement qui est financé : le niveau de concessionnalité doit être le plus élevé lorsque l’aide finance les services sociaux de base – la ressource devant par ailleurs être concentrée dans les pays les moins développés. Le niveau de concessionnalité requis diminue (ressources fournies sous la forme de prêts) pour financer les biens publics mondiaux, il devient faible voire minime lorsque la ressource finance des projets qui génèrent des retours économiques et financiers, ou même nul dans le cas de projets commercialement rentables – comme certaines infrastructures, par exemple.

Architecture globale du système

16Comme cela a été indiqué précédemment, le rapport met en avant le rôle des pays eux-mêmes dans la définition et la mise en œuvre de leurs stratégies de développement – y compris leurs stratégies de financement du développement. Il rappelle cependant que la mise en place d’un environnement propice au niveau international est aussi cruciale afin de mobiliser l’ensemble des flux décrits ci-dessus et de les utiliser de la manière la plus efficace possible. Au-delà du soutien qu’elle apporte aux pays en développement, la communauté internationale est responsable de la mise en place d’un tel environnement.

17Le rapport réaffirme l’importance d’avoir un système commercial multilatéral qui soit cohérent avec les objectifs qui seront définis dans le nouveau Programme pour le développement et qui promeuve l’intégration des pays en développement dans les chaines de valeur globales.

18Le rapport rappelle également les bonnes pratiques et les recommandations en matière d’efficacité de l’aide édictées lors de précédentes conférences internationales telles que Rome (2003), Paris (2005) ou encore Accra (2008) : limiter la fragmentation et améliorer la prévisibilité de l’aide, harmoniser les conditions de décaissement et les procédures entre bailleurs de fonds, etc.

19Le rapport porte une attention particulière à la question de la dette des pays en développement. Il souligne que l’endettement a toujours été un moyen privilégié pour financer le développement des pays. Il souligne également que les instruments de dette sont particulièrement appropriés pour financer le développement durable qui demande de mobiliser des flux financiers sur des périodes longues. Selon le rapport, le rôle de la communauté internationale est clé pour veiller à ce que l’endettement des pays demeure à un niveau soutenable. C’est le rôle crucial du cadre de soutenabilité de la dette mis en place par la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) qui vise à guider les pays dans leurs opérations d’emprunt afin de réduire les risques de surendettement. La communauté internationale et les bailleurs bilatéraux ont aussi un rôle à jouer en fournissant de l’assistance technique et des services de renforcement des capacités humaines et techniques pour améliorer la gestion domestique de la dette. Une amélioration de la transparence et de l’échange d’information et de données en matière de dette renforcerait encore les actions entreprises dans ce domaine. L’autre question cruciale en rapport avec les questions d’endettement soutenable porte sur les mécanismes de restructuration de dettes souveraines, de nombreux exemples ayant montré que les mécanismes existants devaient être renforcés.

Conclusion

20L’objectif du rapport est de proposer une vision globale du financement du prochain Programme pour le développement durable. Il montre que les ressources pour financer le développement durable existent. Cependant, il convient de les orienter et de les canaliser vers le financement des futurs objectifs. Dans cette perspective, les gouvernements doivent agir aux niveaux domestique et international pour mettre en place les bonnes incitations, ainsi que les institutions, régulations et réglementations appropriées pour rendre leurs politiques durables et pour intégrer les trois dimensions du développement durable (économique, social et environnemental) dans chaque décision et à chaque étape de leur développement.

21Le rapport se veut une boîte à outils à disposition de chaque gouvernement pour décider souverainement de la mise en place des politiques qui permettront l’atteinte de ces objectifs. Le rapport insiste sur le fait qu’il n’existe pas de solution « prêt à porter » ou « clef en main » pour financer le développement durable - processus qui demeure complexe. Dans ce cadre, le rapport propose une analyse et des pistes de solutions. A chaque gouvernement et à chaque acteur de s’en saisir selon les priorités qu’il s’est fixées.

Notes

  • [1]
    Le rapport est téléchargeable à l’adresse suivante : http://sustainabledevelopment.un.org/index.php?menu=1558
  • [2]
    Les constatations, interprétations et conclusions présentées dans ce document sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les vues de la Direction générale du Trésor.
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