Couverture de TFD_112

Article de revue

Avant-propos

Pages 9 à 17

Notes

  • [1]
    Participants : Marie Bjornson-Langen (AFD), Saïd Bourjij et Claire Brodin (ESF), Philippe Coquart (ESF), Réjane Hugounenq (AFD), Bernard Husson (CIEDEL), Constance Koukoui-Adjolohoun (CUF), Robert De La Rochefoucauld (AFD), Michèle Leclerc-Olive (CORENS), Christophe Le Jallé (pS-Eau), Christophe Mestre (CIEDEL), Frédéric Naulet (GRET), Clément Repussard, Bruno De Reviers (F3E), Astrid Frey (CUF), Annie de Calan (ESF), Claude Baehrel (PDM), Marie-Hélène Chambrin (Conseil général de Seine Saint Denis).
  • [2]
    « Distinguer les domaines du politique et de l’économique : les modalités de leur prise en compte respective » (Michèle Leclerc-Olive, CORENS) ; « Un dispositif de crédibilisation des collectivités décentralisées : les fonds d’appui aux collectivités territoriales » (Bernard Husson, CIEDEL) ; « Les interventions de l’Agence Française de Développement en faveur des villes » (Marie Bjornson, AFD) ; « L’exemple des stratégies municipales concertées pour l’eau et l’assainissement » (Christophe Le Jallé, pS-Eau ; Claude Baehrel, PDM) ; « Comment la coopération décentralisée peut-elle renforcer les capacités de maîtrise d’ouvrage des collectivités partenaires ? » (Bruno de Reviers, F3E) ; « Co-production des services publics locaux de l’eau et fiscalités dans les localités du Sénégal oriental » (Clément Repussard, anthropologue).
  • [3]
    Yatta F. P., (2009), La décentralisation fiscale en Afrique – Enjeux et Perspectives, Karthala ; (non daté), « La gouvernance financière locale », Partenariat pour le développement municipal (PDM), Note ; Paulais T. (2012), Financer les villes d’Afrique. L’enjeu de l’investissement local, AFD, Banque mondiale.
  • [4]
    Sur le modèle des Caisses de dépôt qui commencent de voir le jour en Afrique de l’Ouest ou du Fonds d’équipement des communes marocain (voir le rapport du Groupe de travail).

Présentation générale du dossier

1Le financement des collectivités territoriales est un chantier qu’Epargne Sans Frontière (ESF) a ouvert une première fois en 2010 et qui avait abouti à la publication d’un article intitulé « Décentralisation et financement des collectivités locales en Afrique subsaharienne : le cas de l’Afrique de l’Ouest » dans le numéro 100 de Techniques Financières et Développement (TFD).

2Une seconde étape d’investigation a été entreprise de 2011 à 2013 par un Groupe de travail élargi [1] sur le même thème général « Décentralisation et financement des collectivités locales en Afrique subsaharienne », avec comme programme de travail « le recours à l’emprunt et la fiscalité locale comme facteurs de légitimité pour les collectivités locales » pour l’installation et la gestion d’équipements publics communaux. Il était souligné que les politiques de décentralisation poursuivaient deux objectifs : l’installation d’une démocratie locale (se rapportant à la légitimité politique des conseils communaux) et le développement local (mettant en jeu la légitimité opérationnelle des communes pour la réalisation et la maintenance des biens et des services publics de proximité).

3Les objectifs pratiques du Groupe de travail portaient : i/ sur les finances des collectivités urbaines de petite et de moyenne importance, et plus particulièrement sur la fiscalité locale et le recours à l’emprunt ; et ii/ sur l’appui à la maîtrise d’ouvrage pour la réalisation d’équipements publics municipaux. Le Groupe envisageait d’apporter un appui à l’association lilloise CORENS pour le montage d’un dossier d’emprunt concernant la commune de Diéma au Mali (Région de Kayes) auprès de laquelle elle intervenait : il s’agissait de tester en vraie grandeur, et dans un cadre national, la faisabilité d’un tel processus. L’évolution de la situation au Mali ces derniers mois a rendu caduc cet objectif.

4Le dossier de ce numéro diffère sensiblement dans sa forme des numéros habituels de la revue TFD. Il s’ouvre par le rapport de ce Groupe de travail qui relate les interventions et les discussions auxquelles ont donné lieu les réunions [2] et se poursuit par trois articles étroitement articulés aux thèmes traités par le Groupe. Ainsi, l’article de Bernard Husson traite du financement des communes et reprend, en l’élargissant, l’intervention qu’il a effectuée devant le Groupe sur les Fonds d’appui aux collectivités territoriales mis en place par l’aide internationale (française en particulier) en Afrique subsaharienne (ASS) et en particulier au Mali. Les articles d’Etienne Le Roy et de Michèle Leclerc-Olive prolongent les discussions sur les ressources propres et sur la fiscalité locale des communes. Le premier traite du foncier : il s’interroge sur les difficultés d’instaurer une fiscalité foncière en Afrique subsaharienne et prône une sécurisation du foncier qui prenne en compte ce qu’il appelle les logiques endogènes. La seconde constate que les collectivités sont dépossédées des richesses de leur sous-sol et propose de passer à un modèle administratif et fiscal leur permettant d’en bénéficier. Le dossier s’achève par les notes de lecture commentées – et présentées lors des réunions du Groupe de travail – des ouvrages de François Yatta et de Thierry Paulais, parus récemment et qui traitent du financement des collectivités territoriales africaines [3].

5Ce numéro présente ainsi un dossier d’analyse, de réflexion et de débats sur des problèmes considérés comme urgents ainsi que sur certains modèles d’appui aux maîtrises d’ouvrages des communes, fondé sur des travaux de recherche et sur l’expérience pratique des intervenants au Groupe de travail d’ESF. Cet avant-propos évoquera un certain nombre d’éléments qui constituent les fils directeurs du dossier.

Le public cible et les collectivités visées : les villes de petite et de moyenne dimension

6Le Groupe de travail s’est principalement intéressé aux acteurs, au Nord et au Sud, de la coopération publique étatique et décentralisée ainsi que des opérateurs en charge de la maîtrise d’ouvrage déléguée ou de la maîtrise d’œuvre des collectivités territoriales d’Afrique de l’Ouest.

7Les analyses menées ont été particulièrement orientées sur les villes de petite et de moyenne dimension – à l’exception de celle sur la co-production des services publics locaux de l’eau et la fiscalité dans deux villages en zone rurale sénégalaise (voir, dans ce numéro de la revue, le rapport du Groupe de travail, et spécialement l’intervention de Clément Repussard) – mais dont les observations peuvent aisément être étendues aux zones urbaines. Ce choix a été fait pour deux raisons : d’une part, en raison du projet d’appui à la commune urbaine de Diéma ; d’autre part, du fait que l’urbanisation de l’Afrique subsaharienne (ASS), phénomène de grande ampleur (voir encadré) à l’agenda des bailleurs de fonds internationaux et des collectivités territoriales du Nord depuis de nombreuses années, s’est très peu préoccupé du financement des agglomérations secondaires. Celles-ci sont pourtant des pièces essentielles du maillage urbain national mais elles n’ont pas eu accès au marché obligataire ou à l’emprunt et leur financement s’est limité aux Fonds d’appui spécifiques (voir en particulier l’article de Bernard Husson et les notes de lecture des livres de Thierry Paulais et de François Yatta).

L’urbanisation en Afrique subsaharienne

Entre 2010 et 2030, le taux d’urbanisation passerait en Afrique de l’Ouest, de 44 % à 56 % de la population (de 37 % à 47 % à l’échelle de l’ASS), correspondant à une augmentation de 50 % des citadins aussi bien en Afrique de l’Ouest qu’à l’échelle du continent. En 2050, les taux d’urbanisation pourraient atteindre respectivement 68 % et 60,5 % avec un gonflement considérable des métropoles et des grandes villes (Données ONU-Habitat citées dans Durand-Lasserve, Le Roy, 2012, p. 86). Thierry Paulais donne également, dans son ouvrage de 2012, des chiffres d’évolution de l’urbanisation africaine (pp. 81-85).

8On s’en tient généralement, dans la présentation des statistiques, au constat d’une croissance urbaine particulièrement forte dans les grandes métropoles, ce qui revient à accepter de fait une situation prévisionnelle jugée inéluctable. Même s’il est admis que cette croissance s’effectuera pour une part importante de manière interne, il est bien préférable de s’interroger sur les moyens de prévenir cette évolution en essayant de fixer l’émigration intérieure dans les villes de petite et moyenne dimension, ce qui établit l’urgence de mettre en place des dispositifs de financement pour ces villes.

Les légitimités politique et opérationnelle de la maîtrise d’ouvrage des communes

9La maîtrise d’ouvrage des communes s’inscrit dans deux types de légitimité : l’une opérationnelle, l’autre politique. La première recouvre les dimensions organisationnelles et techniques de la gestion d’une commune (voir l’intervention de Bruno de Reviers dans le rapport du Groupe de travail). La seconde vise l’instauration d’une autonomie personnelle de citoyens égaux en droits, réunis par un sentiment civique d’appartenance à une identité collective distinctive (voir l’intervention de Michèle Leclerc-Olive dans le rapport du Groupe de travail).

10Ces deux légitimités sont interdépendantes. La capacité des élus à réaliser des équipements répondant aux aspirations de la population permet d’asseoir leur légitimité. C’est généralement le lien de cause à effet dans lequel s’analyse leur relation. Or, la causalité inverse est tout aussi importante : le poids politique des élus et leur capacité à élaborer une vision, à produire des décisions avec la population, à prendre des initiatives, à prêter attention aux conflits et au partage entre le juste et l’injuste, etc. Elle donne une assise à la fiscalité locale sur laquelle repose l’autonomie opérationnelle des communes (voir l’intervention de Clément Repussard dans le rapport du Groupe de travail, et la note de lecture de l’ouvrage de François Yatta).

11La seconde n’est pas le produit « naturel » de la première. Cela met en question la manière dont l’aide extérieure considère cette légitimité politique qu’elle a plus ou moins toujours considérée comme une simple résultante de son action de développement et, de toutes façons, hors de sa compétence et de ses concours, limités au renforcement de l’efficacité des communes.

Promouvoir le développement économique et social

12C’est l’un des deux objectifs des politiques de décentralisation. Il peut se comprendre, à la fois, comme le changement des structures de la société et des comportements des personnes et comme l’amélioration de la quantité et de la qualité des biens et services publics mis à disposition.

131. Le développement comme processus de changement implique un saut d’ordre qualitatif dans les comportements et les modes de fonctionnement des institutions et des personnes.

14Cette question se retrouve à deux endroits du rapport du Groupe de travail. Dans la poursuite de la réflexion sur le renforcement de la maîtrise d’ouvrage, menée sous l’égide du F3E, l’une des idées force est que « le renforcement de la maîtrise d’ouvrage (doit être) vu comme un processus de changement qui résulte de l’interaction de multiples facteurs et de multiples intervenants, (…) qui n’est pas linéaire (…) dans la mesure où il y a des choses qu’on ne maîtrise pas » (voir l’intervention de Bruno de Reviers dans le rapport du Groupe de travail). Il n’est plus possible de considérer que l’on dispose d’une information complète sur la structure du problème à résoudre et d’un ensemble complet et ordonné de préférences, comme le prétend la théorie dite de « rationalité substantielle parfaite » (Billaudot, 2004, p. 9).

15On retrouve la même approche dans l’intervention de Michèle Leclerc-Olive (voir le rapport du Groupe de travail) : « Ce n’est pas la situation d’aujourd’hui qui permet de dire qu’un changement est possible car il faudrait imaginer ce qui se passerait en tenant compte du changement, ce qui nous place dans le contrefactuel » ; « (…) Se contenter de données antérieures au changement possible et les extrapoler comme si le changement n’introduisait aucun comportement nouveau équivaut à refuser le changement ».

162. En termes d’objectifs pratiques, les problèmes de développement sont « fondamentalement des problèmes d’amélioration de la quantité et de la qualité de biens et de services dits collectifs » (Olivier de Sardan, 2011, p. 29). Cette question, comme déjà dit, a été au cœur des travaux du Groupe puisque ces équipements doivent non seulement être financés, mais également être décidés et réalisés par une maîtrise d’ouvrage communale organisée, techniquement compétente et suivant des modules de prises de décision qui participent du changement à opérer.

17Ce dossier relate les présentations et les débats autour de deux expériences ayant trait aux modalités pratiques d’exercice de la maîtrise d’ouvrage. Il s’agit, d’une part, d’un modèle d’appui aux petites villes pour la mise en place d’un processus d’élaboration d’une stratégie municipale d’équipement d’eau et d’assainissement (voir les interventions de C. Le Jallé et C. Baehrel dans le rapport du Groupe de travail) et, d’autre part, des modes d’interventions de cinq collectivités territoriales françaises pour le renforcement des capacités de maîtrise d’ouvrage des collectivités territoriales du Sud dans la gouvernance de leur territoire, évoqué ci-dessus.

18L’élaboration de la stratégie eau et assainissement suit un processus très rigoureux, en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, qui part du diagnostic de la situation du secteur jusqu’à la définition d’objectifs et de solutions pour chacun d’entre eux. La capitalisation F3E-CUF-PAD Maroc propose un certain nombre de recommandations en matière de pratiques et de champs d’action à investir dans les quatre domaines (politique, organisationnel, technique et territorial) suivant lesquels la maîtrise d’ouvrage est décomposée. La première approche raisonne secteur par secteur alors que la seconde présente l’avantage de « communaliser » d’entrée de jeu les réalisations sectorielles.

19L’AFD, pour sa part, s’intéresse à la bonne gestion des collectivités auprès desquelles elle intervient puisqu’elle prévoit d’accorder des financements sur subvention pour des appuis de ce type (voir l’intervention de Marie Bjorson-Langen dans le rapport du Groupe de travail).

Promouvoir la démocratie

20Promouvoir la démocratie est le second objectif des politiques de décentralisation qui a irrigué l’ensemble des présentations et des débats au sein du Groupe. Les séances consacrées au financement des collectivités territoriales (voir les interventions de M. Leclerc-Olive, B. Husson, et M. Bjornson-Langen dans le rapport du Groupe de travail) ont posé la question de l’autonomie et de la responsabilisation qu’était susceptible de procurer aux collectivités le recours aux emprunts ou aux fonds de financement.

21La stratégie municipale eau et assainissement fonde sa démarche sur la mobilisation de toutes les parties prenantes afin d’aboutir à « une communauté d’intérêt et à des positions communes » ainsi que sur le rôle politique du maire qui vise à personnifier le processus. Il s’agit d’un processus participatif qui doit conduire à un consensus, à partir d’une proposition technique dont les conditions de négociation sont probablement complexes car celles-ci mettent vraisemblablement en jeu des légitimités familiales ou communautaires puissantes qui peuvent être en contradiction avec la recherche d’un bien commun communal.

22La légitimité politique des élus est l’une des dimensions des appuis à la maîtrise d’ouvrage dans l’étude F3E-CUF-PAD Maroc. Elle est posée comme la relation de la collectivité avec les acteurs du territoire, les pouvoirs traditionnels, les ONG et les associations, les populations non organisées. Le fort impact des citoyennetés propres aux structures familiales ou villageoises sur l’institutionnalisation politique des collectivités territoriales est également souligné par Clément Repussard (voir le rapport du Groupe de travail) à propos de la fiscalité locale.

23François Yatta, dans son ouvrage de 2012, reprend la théorie du fédéralisme fiscal développée par B. Daflon et T. Madiès (2011, ch. 1) qui établit une relation entre la démocratie locale (vue comme la tenue d’élections) et la (faible) fiscalisation communale.

24Mais c’est peut-être le débat qu’a suscité l’intervention de M. Leclerc-Olive sur l’articulation entre le politique et le développement (« le développement et le politique sont deux dimensions étroitement articulées mais qui ne s’identifient pas ») qui a permis d’aborder le plus directement cette question. D’un côté, il a été défendu l’idée que l’aide au développement local ne pouvait et ne devait viser que l’efficacité économique car c’est à cet échelon qu’une demande peut le mieux s’exprimer, rendant ainsi possible l’émergence d’une prise de responsabilité. Le domaine politique (« la démocratie ») ne relève que de l’Etat. D’un autre côté, il a été affirmé que le vivre ensemble ou le lien à un territoire et à sa population était déjà partie intégrante de nombre d’interventions.

Le point noir des finances communales

25Il s’est confirmé, au fil des réunions, que les finances des collectivités territoriales constituaient le point névralgique des collectivités territoriales africaines et, particulièrement, des villes de petite et de moyenne dimension. A cause d’un manque flagrant de moyens, elles ne sont pas capables de prendre des décisions autonomes pour construire leur cohésion civile et de pourvoir aux biens et aux services publics répondant aux besoins de la population. S’y ajoute une tendance à préférer se reposer sur des partenariats extérieurs plutôt que sur leurs capacités de collecter l’impôt ou d’emprunter.

26Bernard Husson juge que les Fonds d’appui, type Agence Nationale d’Investissement des Collectivités Territoriales (ANICT) au Mali, se sont révélés bien adaptés à la situation. Ils apportaient des ressources gratuites et avaient été conçus pour donner aux communes l’autonomie de décision nécessaire. Il estime que leurs difficultés tiennent davantage au contexte des pays qu’à la configuration même des Fonds. Les ouvrages de Thierry Paulais et de François Yatta sont plus pessimistes et estiment que les systèmes de financement mis en place n’ont pas donné, loin de là, les résultats attendus.

27La fiscalité locale, au fondement de la citoyenneté communale et contrepartie du recours éventuel à l’endettement, reste une source de financement mineure. François Yatta indique que le taux moyen de décentralisation fiscale se situe dans une moyenne de 10 % des dépenses publiques nationales.

28Les recouvrements restent très faibles. Les causes ne se limitent pas à l’expression d’une insatisfaction des contribuables pour la qualité de la gestion des équipements. Elles reflètent également les luttes sociales ou des effets d’aubaine à l’œuvre, ou encore, elles sont en concurrence avec les financements directs de services communautaires ou associatifs que Clément Repussard explicite.

29Ce dossier consacre, une place importante à la fiscalité foncière. Etienne Le Roy s’interroge dans son article sur les raisons pour lesquelles les politiques urbaines africaines tournent à vide en montrant que l’universalité de la propriété privée « peut être toujours inutile, contreproductive ou stérilisante tant que la généralisation du marché ne l’exige pas ». Il propose de « réintroduire le pluralisme comme le chaînon manquant du processus de sécurisation foncière, ouvrant à un rapport de confiance favorable à une taxation foncière ». Thierry Paulais la présente comme la solution à moyen terme des villes africaines.

30Michèle Leclerc-Olive montre, à partir du cas malien, que les agglomérations disposant de ressources dans leur sous-sol sont largement exclues des bénéfices de leur exploitation. Elles sont, dit l’auteur, « à la périphérie des lieux de décision » alors qu’elles exercent la responsabilité de biens publics locaux en tant que pouvoirs publics locaux, ce qui les démarque de la société civile. Elles doivent à ce titre être prises au sérieux.

31Les transferts de l’Etat sont minimums dans les pays francophones. Par contre, ils sont très importants dans les pays anglophones.

32L’accès aux marchés obligataires, aux marchés des capitaux ou aux financements bancaires a été plus que limité et n’a concerné de manière intermittente que certaines grandes métropoles (Thierry Paulais ; François Yatta). La faute en est souvent attribuée, probablement à tord, aux Fonds d’appui mis en place par les bailleurs de fonds. Les partenariats publics-privés sont des échecs. Au total, c’est peut-être Thierry Paulais qui caractérise le mieux ces mécanismes de financement en écrivant que la crise financière de 2008 a fait éclater les paradigmes qui régissaient le secteur.

33Il semble au final que le rôle des bailleurs de fonds doive rester primordial pour les villes de dimension modeste. Thierry Paulais indique qu’ils jouent un rôle primordial dans les nouveaux types de Fonds de développement qu’il décrit au Vietnam ou en Chine, en particulier par le « rehaussement » des crédits privés qu’ils apportent. Mais ces nouveaux modèles de Fonds d’investissement restent articulés au marché obligataire dont on reconnaît qu’il n’est pas en mesure de constituer une solution pour les petites villes africaines avant bien des années.

34Par ailleurs, l’intervention des bailleurs de fonds peut aller à l’encontre de l’autonomie des collectivités territoriales. Ainsi, l’implication de l’AFD dans l’appréciation de la pertinence et de l’opportunité technique et financière des équipements urbains qu’elle finance a été discutée, à ce titre, au sein du Groupe de travail. Par ailleurs, leur volonté de ne s’intéresser qu’à l’efficacité technique et économique des opérations de développement sans s’intéresser aux rapports de force en présence, aux légitimités pré-existantes, etc., en bref sans intégration dans le mode d’intervention du « politique » peut retarder encore l’émergence d’une autonomie et d’une légitimité opérationnelle et politique des communes.

35Il y a donc urgence pour la coopération française dans son ensemble à prendre au sérieux la question du financement des collectivités territoriales urbaines de dimension modeste, avec des ressources et selon des modes opératoires permettant l’octroi de prêts hors d’un rattachement direct au marché obligataire[4]. Le Groupe avait suggéré, par exemple, qu’une partie des ressources budgétaires issues des Contrats de désendettement et de développement (C2D) soit affectée au financement des communes. Le Comité Interministériel de la Coopération Internationale et du Développement (CICID) du 31 juillet 2013, s’il accorde un rôle important aux interventions des collectivités territoriales françaises, n’inclut cependant pas le financement des collectivités du Sud dans ses priorités sectorielles.

Bibliographie

Références bibliographiques

  • BILLAUDOT B. (2004), Institutionnalisme, rationalisme et structuralisme en science sociale, Cahier de recherche n°3, Laboratoire d’économie de la production et de l’intégration internationale, UPMF Grenoble.
  • DAFLON B., MADIES T. (sous la direction de) (2011), L’économie politique de la décentralisation dans quatre pays d’Afrique subsaharienne, Burkina Faso, Sénégal, Ghana, Kenya, AFD, Banque mondiale.
  • DURAND-LASSERVE A., LE ROY E. (2012), La situation foncière en Afrique à l’horizon 2050, AFD, Banque africaine de développement, Comité technique « Foncier et développement », Collection « A savoir » n°11, AFD.
  • OLIVIER DE SARDAN J. P. (2011) in Le rôle de l’aide publique au développement dans le renforcement des Etats et des citoyennetés, Actes de l’atelier-débat GRET, CIRAD, Coordination Sud d’octobre 2010, Collection « Débats & Controverses » n°5, GRET, pp.28-32.

Notes

  • [1]
    Participants : Marie Bjornson-Langen (AFD), Saïd Bourjij et Claire Brodin (ESF), Philippe Coquart (ESF), Réjane Hugounenq (AFD), Bernard Husson (CIEDEL), Constance Koukoui-Adjolohoun (CUF), Robert De La Rochefoucauld (AFD), Michèle Leclerc-Olive (CORENS), Christophe Le Jallé (pS-Eau), Christophe Mestre (CIEDEL), Frédéric Naulet (GRET), Clément Repussard, Bruno De Reviers (F3E), Astrid Frey (CUF), Annie de Calan (ESF), Claude Baehrel (PDM), Marie-Hélène Chambrin (Conseil général de Seine Saint Denis).
  • [2]
    « Distinguer les domaines du politique et de l’économique : les modalités de leur prise en compte respective » (Michèle Leclerc-Olive, CORENS) ; « Un dispositif de crédibilisation des collectivités décentralisées : les fonds d’appui aux collectivités territoriales » (Bernard Husson, CIEDEL) ; « Les interventions de l’Agence Française de Développement en faveur des villes » (Marie Bjornson, AFD) ; « L’exemple des stratégies municipales concertées pour l’eau et l’assainissement » (Christophe Le Jallé, pS-Eau ; Claude Baehrel, PDM) ; « Comment la coopération décentralisée peut-elle renforcer les capacités de maîtrise d’ouvrage des collectivités partenaires ? » (Bruno de Reviers, F3E) ; « Co-production des services publics locaux de l’eau et fiscalités dans les localités du Sénégal oriental » (Clément Repussard, anthropologue).
  • [3]
    Yatta F. P., (2009), La décentralisation fiscale en Afrique – Enjeux et Perspectives, Karthala ; (non daté), « La gouvernance financière locale », Partenariat pour le développement municipal (PDM), Note ; Paulais T. (2012), Financer les villes d’Afrique. L’enjeu de l’investissement local, AFD, Banque mondiale.
  • [4]
    Sur le modèle des Caisses de dépôt qui commencent de voir le jour en Afrique de l’Ouest ou du Fonds d’équipement des communes marocain (voir le rapport du Groupe de travail).
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