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Contact : gochozias@uneca.org
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Disponible sur http://www.worldbank.org/.
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Freedom House est une organisation indépendante, non gouvernementale, fondée aux États-Unis au cours des années 1940.
Introduction
1Depuis longtemps, l’Afrique a manifesté un grand besoin de coopération entre ses Etats. Les responsables politiques et les intellectuels ont pris conscience des besoins et des avantages liés à l’intégration régionale et leurs ambitions ont donné lieu à une prolifération, sur le continent, d’accords régionaux qui, malgré les efforts consentis, n’ont pas encore donné les résultats escomptés.
2L’intégration régionale a été envisagée à l’origine comme une expression internationale de l’économie de marché, un transfert des mécanismes économiques nationaux sur une échelle élargie. Les premières approches théoriques l’assimilent à la création d’une zone de libre-échange (ZLE) ou d’une union douanière (UD) caractérisée par l’élimination, à l’échelle régionale, des barrières commerciales et des mesures discriminatoires. On reconnaît aussi à l’intégration régionale plusieurs dimensions, commerciale, financière, monétaire, économique, et sectorielle. Les différentes appréciations positives du processus d’intégration en Afrique ont à peine réussi à faire oublier les nombreuses péripéties auxquelles le processus d’intégration se retrouve en permanence confronté depuis les indépendances. Certains observateurs se demandent ainsi si le coût du processus n’a pas finalement absorbé ses avantages pour un continent qui comprend la quasi-totalité des pays en développement et qui compte toujours dans ses rangs 62 % des pays les moins avancés. En effet, le coût du processus reste élevé étant donné les nombreux chevauchements et la multi-appartenance des Etats africains aux différentes communautés régionales. Pour y remédier, la notion de coordination interrégionale est alors apparue dans les discours et s’est concrétisée avec le premier sommet tripartite d’octobre 2008 entre le Marché Commun d’Afrique de l’Est et d’Afrique Australe (COMESA), la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) et la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC) qui ont décidé de créer une zone de libre-échange rassemblant vingt-six pays.
3Ainsi, entre les tentatives de coordination interrégionale et de rationalisation et le grand bouleversement que connaît le monde avec le basculement de son centre de gravité vers les pays émergents, la question du développement des pays reste encore fortement associée à la mondialisation et à la régionalisation. L’émergence des questions sociales et les crises politiques traversées par les Etats d’Afrique du Nord renvoient également vers une appréciation plus globale d’un phénomène qui continue de porter l’espoir d’un continent uni autour d’objectifs de développement plus globaux.
4De nombreuses études ont été consacrées à la question de l’intégration régionale en Afrique et plus précisément à l’évaluation des progrès réalisés. La plupart d’entre elles ont traité la question sous l’angle des gains pour le commerce des marchandises (voir Oyeyide et al., 1997). D’autres ont plus spécifiquement axé leurs travaux sur les aspects institutionnels de l’intégration (voir BAD, 2000 ; CEA, 2008 ; CNUCED, 2009 ; BAD, 2010).
5Cet article dresse un état des lieux rapide du processus d’intégration en Afrique. Il revient sur les promesses de la régionalisation en Afrique avant d’en apprécier les résultats. Contrairement aux démarches classiques d’appréciation de l’intégration régionale, l’approche de mesure des progrès va s’appuyer largement sur une méthodologie plus globale et qui prend en compte les quatre dimensions, politique, sociale, technologique et économique, du développement.
L’état des lieux des processus d’intégration régionale en Afrique
6Il existe aujourd’hui davantage d’organisations régionales en Afrique que sur tout autre continent, et la plupart des pays africains participent à plusieurs initiatives d’intégration régionale.
7Entre les années 1960 et les années 1980, il y a eu plus de 200 initiatives intergouvernementales de coopération économique multisectorielle, et plus de 120 initiatives bilatérales ou multinationales pour des secteurs uniques (Adedeji, 2002). Cette adhésion au régionalisme s’est inscrite dans l’aspiration plus large à l’intégration du continent, qui trouvait ses racines dans le mouvement panafricain pour les valeurs partagées, l’autonomie collective pour le développement, et l’indépendance économique.
8Dès le début du processus de décolonisation dans les années 1960, l’établissement de communautés économiques sous-régionales a été un volet important de la stratégie de développement de l’Afrique (CNUCED, 2009). Jusqu’au début des années 1980, plusieurs organisations intergouvernementales de coopération économique ont été créées pour promouvoir la coopération technique et économique.
9En 1964, les dirigeants africains ont créé l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) pour favoriser l’unité du continent et empêcher sa division en camps hostiles en pleine Guerre froide. L’OUA a joué un rôle de premier plan dans la coopération panafricaine et a contribué à l’émancipation des pays sous domination coloniale ou raciale (CEA, 2008).
10En avril 1980, le Plan d’action de Lagos, adopté en réponse à la détérioration de la situation économique en Afrique, a proposé une stratégie pour engager l’Afrique sur la voie du développement durable. Une intégration aux niveaux régional et sous-régional constituait le principal mécanisme pour restructurer le continent africain fragmenté et pour le transformer en entités économiques régionales et sous-régionales plus cohérentes et plus robustes. L’objectif fondamental du Plan d’action de Lagos restait une intégration régionale effective passant par l’autosuffisance, au niveau national et sur le plan collectif.
11Le 3 juin 1991 à Abuja, au Nigéria, le traité établissant la Communauté économique africaine a engagé le continent sur la voie de l’intégration économique. Ce traité prévoit l’établissement d’une communauté économique africaine d’ici à 2027, avec une monnaie commune, une mobilité intégrale des facteurs de production et la libre circulation des biens et des services entre les pays africains.
12En 1994, le Traité d’Abuja instituant la Communauté économique africaine a jeté de nouvelles fondations pour l’intégration de l’Afrique, avec les communautés économiques régionales (CER) comme pierres angulaires. Depuis l’entrée en vigueur de ce Traité, l’Afrique a enregistré des progrès considérables dans le processus d’intégration. C’est le constat fait par de nombreuses études et rapports (BAD, 2000 ; CEA, 2008, 2010, 2012 ; Hugon, 2003). Les CER africaines ont franchi des pas importants pour mettre en place des zones de libre-échange (ZLE), des unions douanières et la libre circulation des personnes.
13En 2001, il y a eu une accélération des discussions sur l’intégration régionale avec l’établissement de l’Union africaine (UA) et le lancement du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) qui devrait fournir au niveau régional les biens publics essentiels comme les infrastructures.
14Il existe en Afrique quatorze grands groupements économiques régionaux plus ou moins intégrés (Tableau 1). Parmi ces groupements, onze ont été reconnus comme communautés économiques régionales.
Les mouvements d’intégration en Afrique
Les mouvements d’intégration en Afrique
15Le Tableau 1 rappelle également une caractéristique souvent citée comme défavorable aux progrès de l’intégration régionale en Afrique : la participation des pays africains à divers accords commerciaux régionaux. Sur les cinquante-quatre pays africains, vingt-sept sont membres de deux groupements régionaux, dix-huit appartiennent à trois groupements et un pays est membre de quatre groupements. Huit pays seulement ne sont membres que d’un seul groupement.
Les promesses de l’intégration régionale
16D’un point de vue théorique, l’objectif de l’intégration économique est d’assurer une plus grande prospérité aux pays membres, au travers de :
- l’augmentation des échanges, qui permet la spécialisation et la localisation de la production là où elle est effectuée de la manière la plus performante,
- l’augmentation de la taille des marchés qui permet la réalisation d’économies d’échelle, l’intensification de la concurrence (baisse des prix et incitation à l’innovation),
- la création d’un environnement économique favorable aux affaires (la diminution des risques de change et des risques de politiques protectionnistes est favorable à l’investissement).
17Ces différentes attentes théoriques ne sont pas loin de celles exprimées par les autorités politiques africaines à travers les traités des groupements régionaux. Les accords régionaux africains ont pour objectifs : a) de promouvoir la croissance du commerce intra-régional en éliminant les obstacles tarifaires et non-tarifaires ; b) de renforcer le développement régional, à travers la promotion de secteurs économiques, la construction d’infrastructures régionales, et le lancement de grands projets dans le secteur manufacturier ; c) d’éliminer les obstacles à la libre circulation des facteurs de production ; et d) de promouvoir la coopération monétaire.
18On considère en effet que l’intégration régionale offre un cadre qui permet de surmonter les obstacles au commerce intra-africain et que la suppression de ces obstacles créerait des marchés régionaux plus vastes permettant de réaliser des économies d’échelle, de soutenir les systèmes de production et les marchés, et de renforcer la compétitivité de l’Afrique.
Les fruits ont-ils tenu la promesse des fleurs ?
La méthode d’analyse utilisée : l’Indice global de développement régional
Le modèle utilisé comporte trois phases :
- Etape 1 : une table de base de données à entrées multiples est établie pour chaque indice régional dont elle montre l’évolution ;
- Etape 2 : des index individuels régionaux pour le développement (Xi) sont développés et comprennent l’indice régional de développement politique (X1), l’indice régional de développement social (X2), l’indice régional de développement économique (X3) et l’indice régional de développement technologique (X4). Nous attribuons une valeur à l’ensemble des variables du tableau multi-entrée sur une base binaire. Ainsi, les valeurs 1 indiquent une contribution positive à l’indice régional de développement politique et s’opposent à la valeur 0. La valeur de l’indice est alors le pourcentage de 1 sur le nombre total de variables considérées (voir en Annexe pour les résultats du calcul sur chacun des indices) ;
- Étape 3 : les quatre indices de développement global (X1, X2, X3, X4) sont utilisés pour estimer l’indice global de développement régional (IGDR) (X) qui résume les informations contenues dans les quatre indices.
Graphiquement, l’estimation de l’indice global de développement régional (X) consiste à placer les valeurs des quatre indices de développement global (Xi), comme le montre le graphique 1 ci-dessous.
Indice global de développement régional
Indice global de développement régional
19On peut évaluer le niveau de réalisation de l’intégration régionale en Afrique à l’aide de l’indice global de développement régional en évaluant les quatre dimensions, politique, sociale, technologique et économique du développement. Chacune de ces dimensions sera appréciée pour les principales communautés économiques régionales reconnues par l’Union africaine, pour des raisons pratiques principalement. En effet, il est plus aisé d’avoir des informations croisées sur ces communautés que sur les autres régions dans la mesure où l’attention des analystes et des différents rapports comparatifs des institutions internationales et régionales s’est focalisée sur ces entités. Ce choix s’explique aussi par son caractère pertinent par rapport au combat officiel fait par les gouvernements africains pour atteindre l’union économique et même politique du continent (voir Tableau 2 suivant).
Les composantes de l’Indice global de développement régional pour huit CER africaines en 2011
Les composantes de l’Indice global de développement régional pour huit CER africaines en 2011
20Les résultats suggèrent qu’en tenant compte des quatre facteurs, social, politique, technologique et économique, les communautés économiques régionales sont loin d’avoir atteint leurs objectifs de développement régional. Si on se réfère aux seuils d’appréciation suggérés par Park, seules la CAE et la CEDEAO présentent un indice de développement régional compris entre 34 % et 67 % qui leur permet d’être qualifiées de zones en voie de développement régional. Les six autres communautés sont considérées comme des zones régionalement sous-développées (IGDR<33). Dans ce dernier groupe, si la situation de la CENSAD ne constitue pas une surprise compte tenu de la faiblesse de base de construction de cette communauté, la surprise vient de l’Union du Maghreb Arabe qui est considérée par tous les analystes comme la zone la moins intégrée du continent. L’UMA possède un indice qui la rapproche plus de la catégorie des régions en développement régional que des régions en difficulté sur leur processus d’intégration. En réalité, il faut analyser les quatre composantes de l’indice pour comprendre que l’UMA affiche des performances relativement bonnes en matière de développement technologique et économique. La zone reste l’une des plus développées du continent sur le plan des infrastructures routières, de télécommunication, portuaire, et aéroportuaire. En matière d’énergie, l’Afrique du Nord a non seulement les meilleurs taux de population ayant accès à l’électricité, mais est encore à l’avant-garde de la lutte pour la transition énergétique en Afrique et pour le passage aux énergies renouvelables.
Les quatre dimensions de l’Indice Global de Développement régional pour l’UMA et la CEDEAO
Les quatre dimensions de l’Indice Global de Développement régional pour l’UMA et la CEDEAO
Au-delà de l’indice global de développement régional
21Les progrès de l’intégration africaine varient selon les secteurs et selon les communautés économiques régionales et leurs Etats membres. Il y a eu des avancées dans le commerce, les communications, la politique macroéconomique et les transports. Certaines CER ont réalisé des progrès remarquables dans les domaines de la libéralisation et de la facilitation des échanges, de la libre circulation des personnes (CEDEAO), des infrastructures (CAE), ou de la paix et de la sécurité (CEDEAO et SADC). Cependant, il y a encore d’énormes écarts entre les objectifs et les réalisations de la plupart des communautés économiques régionales, notamment en ce qui concerne le développement du commerce intérieur, la convergence macroéconomique, la production et les connexions physiques.
22Le Tableau 3 illustre les progrès accomplis par les communautés économiques régionales en matière d’intégration à la lumière des recommandations du traité d’Abuja. Si pratiquement toutes les régions (et la CUA) ont, lors de la première phase, renforcé le cadre institutionnel des communautés existantes et en ont créé de nouvelles là où il n’en existait pas, il n’en demeure pas moins que des difficultés ont commencé à surgir lors de la deuxième phase en ce qui concerne la coordination et l’harmonisation des activités, ainsi que l’élimination complète des droits de douane et des barrières non tarifaires (CEA, 2010). Le commerce intra-africain reste par conséquent encore très faible avec environ 4 % pour l’UMA, 9,2 % pour la CEDEAO, ou 9,8 % pour la SADC, alors que ce taux est d’environ 19 % pour le MERCOSUR, 21 % pour l’ASEAN, et 60 % pour l’Union européenne.
Étapes de l’intégration africaine
Étapes de l’intégration africaine
23De manière plus spécifique, les coopérations fonctionnelles ont apporté dans certains cas des motifs de satisfaction.
24Ainsi, dans le domaine des transports, toutes les communautés économiques régionales ont adopté divers instruments visant à faciliter la fluidité du trafic, à réduire les coûts et à améliorer l’efficacité générale. La décision de Yamoussoukro de novembre 1999 qui consacre le principe du libre accès des transporteurs aériens aux liaisons intra-africaines, en est une bonne illustration. Cependant, il reste que dans la réalité, les coûts de transport en Afrique demeurent parmi les plus élevés au monde et que la qualité de la logistique est toujours en recul par rapport au reste du monde. Par ailleurs, de nombreux réseaux routiers, aériens et ferroviaires sur l’ensemble du continent ne sont toujours pas interconnectés.
25Sur le plan de la communication, la connectivité inter-pays a progressé de façon notable grâce aux percées dans les technologies des télécommunications, à l’accroissement des échanges, et à la privatisation des services nationaux. Certaines communautés économiques régionales (SADC, CEDEAO, COMESA, UMA) sont mieux interconnectées que d’autres.
26Sur le plan de la libre circulation des personnes, seules quelques communautés économiques régionales, notamment la CEDEAO et la Communauté d’Afrique de l’Est, ont réalisé des progrès significatifs. La CEDEAO a lancé dans sa zone un passeport, ce qui constitue un pas important vers la suppression des obstacles aux mouvements transfrontaliers des personnes et pour la promotion d’une identité commune pour ses citoyens. La CAE a également introduit un passeport valable à l’intérieur de ses frontières. Dans les autres communautés, la liberté de mouvement reste limitée et dépend davantage de décisions bilatérales que multilatérales.
27Dans le domaine de l’énergie, afin de réduire les dépenses, les CER utilisent des systèmes hydroélectriques régionaux communs pour distribuer l’énergie entre les pays membres. La SADC a fait œuvre de pionnier à cet égard en créant, en août 1995, le Southern African Power Pool qui regroupe douze pays de la région. Le West African Power pool sera créé dans le même sillage.
28Dans le domaine commercial, le COMESA, la CAE, la CEEAC, la CEDEAO et la SADC ont mis en place une zone de libre-échange, tandis que le processus est toujours en cours au niveau de la CENSAD et de l’IGAD. Le COMESA a lancé son union douanière en juin 2009 avec un cadre de mise en œuvre de trois ans. La CAE a une union douanière pleinement opérationnelle. D’autres CER envisagent de devenir des unions douanières à part entière dans les années à venir.
29En Afrique de l’Ouest, les relations sont croissantes entre la CEDEAO et l’UEMOA, qui ont été amenées à adopter un programme d’action commun sur un ensemble de questions, notamment la libéralisation du commerce et la convergence des politiques macro-économiques. En Afrique centrale, la CEEAC et la CEMAC s’évertuent à accroître leurs relations de travail pour l’harmonisation de leurs programmes. En Afrique de l’Est et en Afrique australe, l’IGAD applique la plupart des instruments d’intégration adoptés au sein du COMESA. La CAE et le COMESA ont un mémorandum d’accord tendant à contribuer à harmoniser leurs politiques et leurs programmes, tandis que le COMESA et la SADC ont mis sur pied une équipe spéciale chargée des questions d’intérêt commun et s’invitent mutuellement à leurs réunions de prise de décisions et à leurs réunions techniques. Le COMESA, la CAE et la SADC ont mis en place un accord tripartite.
Conclusion
30S’il est vrai que les résultats de l’intégration régionale ont été mitigés, des progrès ont été enregistrés dans le commerce, le transport, les communications, l’énergie, le partage des connaissances, la libre circulation des personnes, ainsi que la paix et la sécurité.
31Les progrès dans l’intégration sous ses différents aspects ont été entravés par le manque de ressources, à la fois financières et humaines, le respect insuffisant des obligations découlant des traités, l’incapacité de prévenir et de résoudre les conflits de manière décisive, et par le fait qu’aucune des monnaies nationales, ou presque, n’est convertible, à l’exception du Franc CFA.
32Si l’on adopte l’objectif suprême de la Communauté économique africaine et que l’on s’en tient aux ambitions affichées par les chefs d’Etat et de gouvernement africains, l’avènement d’une Afrique intégrée n’est qu’une question de temps. En mars 2012, les ministres africains du Plan et du Développement Économique ont réitéré leur soutien au Programme minimum d’intégration, et ont salué l’accord tripartite entre la Communauté Est Africaine, la COMESA et la SADC pour la mise en place de leur grande zone de libre-échange en vue d’établir un marché commun. Ils ont également appelé à la mise en place dans les meilleurs délais d’une initiative similaire entre l’Afrique du Nord, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. On peut penser aisément à un rapprochement entre la CEDEAO, l’UMA et l’Afrique centrale mais, pour l’instant, il y a loin de la coupe aux lèvres.
Tableaux de calcul des différentes composantes de l’indice global de développement régional (IGDR)
33Dans la mise en œuvre de la méthodologie, chaque dimension est représentée par un ensemble de variables. La démarche consiste à rendre binaire ces variables pour des raisons de commodité. La région ici est constituée par l’entité CER selon la terminologie, largement adoptée en matière d’analyse de l’intégration en Afrique depuis la reconnaissance par l’Union africaine de ces huit mouvements d’intégration, comme représentative des pôles autour desquels devrait se construire l’intégration africaine.
34Le développement politique régional global se réfère à l’évolution politique des huit CER africaines, telle que mesurée par les deux groupes de variables du Tableau 4 : les variables externes (P1i) et les variables internes (P2i). Le nombre de variables dans une table de données multi-variable peut varier en fonction des objectifs de la recherche et de la disponibilité des données.
35Nous choisissons ici sept variables : Pouvoir de négociation, Influence de politique étrangère, Institution Régionale, Facilité Affaire, Droit politique, Institution Politique, Paix. Les facteurs externes pris en compte sont ainsi : le pouvoir de négociation, l’influence de la région sur sa politique étrangère si elle en a une, et l’existence d’instances régionales fonctionnelles. Quant aux facteurs internes, ils sont mesurés par un indicateur de facilité d’affaire, de droit politique des citoyens, d’institution politique, et de la variable Paix.
36La variable pouvoir de négociation renvoie à la capacité de la région à s’allier pour peser sur des décisions internationales affectant les États membres. En s’unissant dans le cadre de mécanismes d’intégration régionale, les pays membres peuvent renforcer leur pouvoir de négociation économique sur la scène internationale, ce qui est particulièrement avantageux pour les petits pays qui prennent part à des négociations commerciales.
37La variable influence de politique étrangère capture la capacité de la CER à manifester de l’indépendance d’action vis-à-vis de forces politiques ou diplomatiques extérieures à la Communauté. Ces forces extérieures peuvent être les gouvernements des anciens pays colonisateurs qui ont maintenu des liens étroits de coopération avec un nombre important d’Etats membres ou des Etats influents de la Communauté.
38La variable institution régionale mesure l’existence ou non d’institutions régionales formelles et fonctionnelles au sein de la CER.
39Pour la variable facilité d’affaire, nous avons utilisé l’indice de facilité d’affaire du Doing Business 2009 de la Banque mondiale [2].
40La variable droit politique essaie de capturer dans quelle mesure les Etats membres, et donc la CER, offrent un environnement politique non répressif à ses membres. Il est entendu que l’environnement répressif peut être inhibiteur et constituer un frein à l’intégration et au développement. Nous adoptons, comme base des mesures pays, l’indice conçu par Freedom House [3] qui attribue les notes les plus faibles (1 et 2) aux pays respectant les critères suivants : la tenue d’élections justes, la présence de partis d’opposition qui peuvent jouer un rôle important, ainsi que le respect des droits des groupes minoritaires ; et les notes les plus élevées (6 et 7) aux États où les droits politiques sont inexistants, que ce soit à cause d’un régime oppressif, d’une conjoncture particulière (une guerre par exemple) ou d’une situation d’instabilité provoquée par les activités de groupes violents.
41La variable institution politique permet d’apprécier la qualité moyenne des institutions démocratiques de la région à travers celle des pays, même si la région ne constitue pas une entité politique propre. La base de l’agrégation régionale a été également ici celle de l’indicateur qualité des institutions de la Banque mondiale.
42Pour mesurer la variable stabilité politique et paix, facteur important dans l’appréciation globale du développement et de l’intégration, nous utilisons l’Indice global de paix 2011 (« Global Peace Index ») de l’Institut de recherche pour l’Économie et la Paix qui classe, depuis 2007, 153 pays du plus sûr au plus dangereux (voir Institute for Economics and Peace, 2011). Cet indice couvre trois grandes catégories : conflits domestiques et internationaux en cours, sécurité et sûreté dans la société, et aspect militaire. Trois groupes de pays sont déterminés par cet Institut : le premier quintile comprend les pays les plus sûrs ; le deuxième quintile, les pays à niveau de paix intermédiaire ; et le troisième quintile, les pays les moins sûrs. Nous affectons la valeur 1 au premier et au deuxième groupes et la valeur zéro aux pays du troisième quintile. Nous avançons que l’absence de paix et de sécurité affecte négativement le développement et l’intégration. La paix est d’ailleurs un des objectifs majeurs des CER africaines alors que la théorie contemporaine considère l’intégration et la consolidation de la paix comme consubstantielles (Dabène, 2009).
Calcul de l’indice de développement politique (PDI)
Calcul de l’indice de développement politique (PDI)
43L’indice régional de développement économique s’appuie sur la même démarche avec des variables que sont le pilier 10 relatif à la taille des marchés, le pilier 2 relatif à l’infrastructure, le pilier 3 relatif à la stabilité macroéconomique, le pilier 6 à l’efficience du marché des biens, le pilier 8 à l’efficacité des marchés financiers et un indice de compétitivité globale.
Calcul de l’indice de développement économique (EDI)
Calcul de l’indice de développement économique (EDI)
44Le calcul de l’indice régional de développement technologique s’est fait sur la base des piliers 9, 11 et 12 de l’African Development Indicator (ADI) (Banque mondiale, 2011). Le pilier 9 capte dans quelle mesure un pays et, par extension, une CER est prête sur le développement technologique. Le pilier 11 se réfère au niveau de sophistication des affaires incluant les chaînes de valeur, les avantages comparatifs, la sophistication des produits, alors que le pilier 12 mesure l’innovation.
Calcul de l’indice de développement technologique (TDI)
Calcul de l’indice de développement technologique (TDI)
45Pour calculer l’indice régional de développement social, nous utilisons comme variables les piliers 4, 5 et 7 de la base de données de la Banque mondiale (2011), et trois autres variables permettant d’apprécier la libre circulation du facteur travail au sein de la Communauté. Le pilier 4 capture la santé et l’éducation primaire, le pilier 5 l’éducation secondaire et la formation, le pilier 5 l’efficience du marché du travail. La libre circulation du facteur travail a été approchée par une variable qui mesure l’existence et la ratification de traité sur la libre circulation des travailleurs, l’existence d’un droit effectif d’établissement, la nécessité ou non d’un visa d’entrée pour les ressortissants communautaires et l’existence d’un passeport communautaire
Calcul de l’indice de développement social (GSDI)
Calcul de l’indice de développement social (GSDI)
Table des sigles
Bibliographie
Bibliographie
- ADEDEJI A. (2002), History and prospects for regional integration in Africa, Document présenté à la troisième réunion du Forum pour le développement en Afrique, Addis-Abeba (Éthiopie), 3-8 mars.
- BAD (BANQUE AFRICAINE DE DEVELOPPEMENT) (2000), L’intégration financière dans certaines CER, BAD, Tunis.
- BAD (BANQUE AFRICAINE DE DEVELOPPEMENT) (2010), Rapport sur le Développement en Afrique 2000. Intégration régionale en Afrique, Paris, Economica, Tunis.
- BANQUE MONDIALE (2011), African Development Indicator, Washington, USA.
- CEA (2008), État de l’intégration régionale en Afrique III : Vers l’intégration monétaire et financière en Afrique, CEA, Addis-Abeba.
- CEA (2010), État de l’intégration régionale en Afrique IV : développer le commerce intraafricain, CEA, Addis-Abeba.
- CEA (2012), Etat de l’intégration régionale en Afrique V : vers une zone de libre-échange continentale, CEA, Addis-Abeba.
- CNUCED (2009), Développement économique en Afrique, Rapport, CNUCED, Genève.
- DABENE O. (2009), The Politics of Regional Integration in Latin America. Theoretical and Comparative Explorations, New York, Palgrave Macmillan, 2009.
- HUGON P. (dir.) (2003), Les économies en développement à l’heure de la régionalisation, Karthala, Paris.
- INSTITUTE FOR ECONOMICS AND PEACE (2011), Global Peace Index, Methodology, results and findings, IEP (disponible sur http://www.visionofhumanity.org/wp-content/uploads/2011/05/2011-GPI-Results-Report-Final.pdf).
- OYEYIDE et al. (1997), Regional integration and trade liberalization in sub-Saharan Africa, CREA.
- PARK D. et al. (2010), A New Multi-Dimensional Framework for Analyzing Regional Integration : Regional Integration Evaluation (RIE) Methodology, Asian Development Bank Working paper series on regional Integration, N°49.
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Freedom House est une organisation indépendante, non gouvernementale, fondée aux États-Unis au cours des années 1940.