Notes
-
[1]
Nous faisons référence ici au Socrate de Platon (L.-A. Dorion, Socrate, Paris, PUF, 2004) et plus précisément, nous concentrerons notre attention sur l’ouvrage Le Banquet (Platon, trad. B. et R. Piettre, Paris, Nathan, 1998). Cet ouvrage traite en effet de l’amour et l’amour étant, dans la Grèce antique, étroitement lié à l’éducation (H.-I. Marrou, L’histoire de l’éducation dans l’Antiquité, Paris, Seuil, 1949, p. 64-65).
-
[2]
Platon, Le Banquet, 204d-205b, p. 79-80.
-
[3]
Ibid., 203d, p. 78 ; 204a-b, 209b, p. 78-79 et le discours d’Alcibiade : 212c-223a, p. 85.
-
[4]
P. Huneman, E. Kulich, Introduction à la phénoménologie, Paris, Armand Colin, 1997, p. 124.
-
[5]
Ibid.
-
[6]
La réduction de la sphère de l’« Autre » peut s’expliquer par la perspective éthique revendiquée par Levinas, bien que le rapport aux choses dans leur utilisation implique également une éthique.
-
[7]
E. Levinas, Humanisme de l’autre homme, Saint-Clément-la-Rivière, Fata Morgana, 1972, p. 54.
-
[8]
Notamment le Philèbe (Platon, 21a, trad. É. Chambry, Paris, Flammarion (GF ; no 203), 1969, p. 286) considère le besoin comme origine du désir.
-
[9]
E. Levinas, Totalité et infini, La Haye, Nijhoff, 1961, p. 275.
-
[10]
P. Hayat, « Le sens du désir chez Sartre et Levinas », Cahiers d’études levinassiennes, no 5, 2006, p. 89.
-
[11]
Platon, Le Banquet, 203d, p. 78.
-
[12]
Ibid., 203d-e, p. 78.
-
[13]
E. Levinas, Le temps et l’autre, Paris, PUF, 2004, p. 64.
-
[14]
Ibid., p. 82.
-
[15]
Platon, Le Banquet, 192d-193a, p. 64-65.
-
[16]
E. Levinas, Totalité et infini, p. 28.
-
[17]
Ibid.
-
[18]
Dans Le Banquet, la proposition du dieu se solde d’ailleurs par une sentence de mort, la mort seule pouvant unir symboliquement les amants (192e, p. 64-65).
-
[19]
Platon, Le Banquet, 204b, p. 79.
-
[20]
Nous pensons que la pensée de Socrate ne présente pas une « altérité relative », si par « relative » on entend « partielle ». L’altérité n’est « relative » que dans la mesure où elle implique deux pôles – le Même et l’Autre – se définissant l’un par rapport à l’autre. L’« Autre » n’a de sens que relativement au « Même », sans lequel l’« Autre » ne pourrait être « Autre » : « Il est ce que je ne suis pas » (E. Levinas, De l’existence à l’existant, Paris, Vrin, 1986, p. 62). Ainsi, nous pensons que l’altérité de l’Autre est, chez ces deux penseurs, absolue, mais cette altérité absolue n’a de sens que relativement au « Même ».
-
[21]
E. Levinas, Totalité et infini, p. 43.
-
[22]
E. Levinas, Éthique et infini, Paris, Fayard, 1982, p. 81.
-
[23]
P. Huneman, E. Kulich, Introduction à la phénoménologie, p. 135.
-
[24]
Platon, Le Banquet, 216b-c, p. 93.
-
[25]
Cet argument fait écho à la conception stoïcienne de la représentation, selon laquelle la représentation n’apparaît à la pensée que sous forme d’un logos : toute chose nous apparaît immédiatement comme bonne ou mauvaise, il n’y a pas une perception neutre et après un jugement sur ce que nous percevons, la perception est déjà en elle-même jugement.
-
[26]
J.-F. Mattéi, « La rame et le couteau : la question de l’Autre chez Levinas », Revue philosophique de la France et de l’étranger, no 2, 2005, p. 203-211.
-
[27]
J.-M. Lamarre, « Seule l’altérité enseigne », Le Télémaque, no 29, 2006, p. 72.
-
[28]
Platon, Le Banquet, 205d-206a, p. 81.
-
[29]
Platon, Le Banquet, 191d, trad. L. Robin, Paris, Les Belles Lettres, 1929, p. 33.
-
[30]
J.-F. Mattéi, Platon et le miroir du mythe. De l’âge d’or à l’Atlantide, Paris, PUF, 1996, p. 287.
-
[31]
Ibid., p. 289-290.
-
[32]
J.-M. Lamarre, « Seule l’altérité enseigne », p. 70.
-
[33]
E. Levinas, Totalité et infini, p. 13-14.
-
[34]
Platon, Théétète, 150d, trad. M. Narcy, Paris, Flammarion (GF ; no 493), 1995, p. 151.
-
[35]
L.-A. Dorion, Socrate, p. 58.
-
[36]
J.-M. Lamarre, « Seule l’altérité enseigne », p. 74-75.
-
[37]
L.-A. Dorion, Socrate, p. 68.
-
[38]
J.-M. Lamarre, « Seule l’altérité enseigne », p. 73.
-
[39]
Ibid., p. 72.
-
[40]
Ibid., p. 71.
-
[41]
Ibid., p. 76.
-
[42]
Comme par exemple Ménon, Gorgias, Agathon ou Protagoras.
-
[43]
L.-A. Dorion, Socrate, p. 55.
-
[44]
Argument illustré et développé dans le Phèdre de Platon (228a, le mythe de Theut : 274c-275b, trad. J. Derrida, Paris, Flammarion (GF ; no 488), 1989, p. 85, p. 177-178).
-
[45]
Platon, Apologie de Socrate, 21b, trad. M. Croiset, Paris, Nathan, 1998, p. 32.
-
[46]
E. Levinas, Éthique et infini, p. 86.
-
[47]
De nombreux passages des dialogues de Platon peuvent ici être cités, notamment L’apologie de Socrate, 21c-e, p. 33 ; Le Banquet, 214e, p. 91 ; Le Philèbe, 13c, p. 274 ; Ménon, 71d (trad. B. Piettre, Paris, Nathan, 2000) ; Gorgias, 447c (trad. M. Canto-Sperber, Paris, Flammarion (GF ; no 465), 1987, p. 122).
-
[48]
E. Levinas, Altérité et transcendance, Saint-Clément-la-Rivière, Fata Morgana, 1995, p. 135.
1 Depuis la mise en question socratique de l’« excellence » (arètè), la philosophie ne cesse de s’interroger sur les conditions d’une éducation morale à même de former les futurs citoyens. En général, on considère que la morale se distingue de l’éthique dans le sens où la première serait prescriptive, alors que la seconde ne le serait pas. Il semble alors difficile de faire l’économie d’une réflexion sur les exigences éthiques d’une éducation morale, car ce serait vider le concept de « morale » de sa dimension critique et responsabilisante, pour la réduire à n’être plus qu’un conditionnement. Il n’y aurait alors plus lieu de parler d’« éducation morale », l’expression « instruction morale » serait plus appropriée.
2 Mais une éducation morale ouverte à l’éthique est-elle seulement possible ?
3 Pour montrer que l’altérité, ou rencontre de l’Autre, est la condition de possibilité d’une éducation morale, nous avons souhaité faire appel aux pensées de Socrate [1] et de Levinas, de sorte qu’elles alimentent dialogiquement notre réflexion. En effet, tous deux proposent une réflexion sur l’altérité et l’éthique, la seconde étant conséquemment liée à la première. Une réflexion sur les conditions d’une éducation morale peut donc prétendre pouvoir bénéficier de leurs éclairages respectifs.
4 Aussi, à l’intérieur de ce cadre théorique, avons-nous choisi de traiter la problématique suivante : dans quelle mesure l’altérité offre-t-elle un espace privilégié à une éducation éthique ?
5 Pour répondre à cette question, nous nous intéresserons tout d’abord au concept d’« altérité », pour comprendre ce qu’il désigne chez ces deux penseurs. Puis, nous examinerons comment cette altérité procède pour devenir « enseignante ». Enfin, nous nous demanderons quelle éthique promeut cette altérité.
Qu’est-ce que l’altérité ?
6 L’altérité désigne la relation à autrui, mais comment caractériser cette relation ? Chez Socrate comme chez Levinas, l’altérité est liée à la notion de « désir » : l’altérité est désir de l’Autre.
7 En effet, dans Le Banquet de Platon, le désir apparaît comme étant le propre de l’homme car à partir du moment où l’homme accède à la vie, tout son être ne peut s’empêcher de porter sur ce qu’il pense être beau et bon [2]. L’Autre – quel que soit cet « Autre » puisque Le Banquet compare l’amour de l’amant et l’amour de la sagesse [3]. L’« Autre » socratique ne désigne donc pas seulement un autre individu, Mais l’altérité est intimement liée à l’existence humaine puisque celle-ci est immédiatement présence de l’Autre, et immédiatement désir des belles choses.
8 Alors que chez Levinas, l’« Autre », autre pôle de l’altérité avec le « Même » (Moi), désigne exclusivement la relation à un autre homme, l’altérité est également appréhendée comme désir. Et comme ce n’est que par cet Autre que le Même se voit remis en question et peut ainsi élaborer ainsi une connaissance critique, Levinas érige l’éthique comme fondement de l’ontologie [4] :
Levinas rapporte la puissance donatrice de sens de la conscience à une signification produite en deçà d’elle par ce mouvement d’ouverture à l’autre qu’il appelle « Désir » [5].
10 Ainsi, bien que le concept socratique d’« Autre » reçoive une définition plus large [6], l’altérité peut être considérée à la lumière de ces deux penseurs, comme première dans le sens où l’existence ne peut être que sur le mode de l’altérité, notre existence est toute entière caractérisée par le surgissement incessant de l’« Autre ». Mieux, nous n’advenons en tant que sujet, que grâce au surgissement de l’« Autre » : « Le désir d’autrui que nous vivons est […] le mouvement fondamental […], le sens » [7].
11 Le surgissement de l’Autre apparaît donc comme l’origine du désir. En effet, pour qu’il y ait altérité, il faut tout d’abord que l’Autre ait été identifié en tant que tel. Autrement dit, qu’il ne soit pas un « indifférent », dans le sens où la pensée n’aurait même pas conscience de sa présence. On peut donc considérer que l’altérité commence par un surgissement de l’Autre dans notre univers, bien que la présence de tout être n’occasionne pas forcément ce surgissement.
12 Ce « surgissement » peut ici être rapproché de ce que Levinas nomme l’« étonnement » et qui constitue l’origine du désir. Étonnement devant l’inquiétante étrangeté d’autrui qui s’impose d’elle-même, sans avoir fait l’objet d’un choix préalable. Cet étonnement porte sur le mystère de l’autre, à la fois proximité et distance irréductible, comme une aventure, un imprévu. Or, n’est-ce pas là le sens de l’étonnement socratique ?
13 Certes l’étonnement socratique est communément considéré comme l’origine de la philosophie et non du désir en général. Cependant, la philosophie telle qu’elle est présentée dans Le Banquet n’est que l’une des multiples expressions du désir, elle est désir de sagesse. Ainsi, si l’étonnement devant les actions des hommes et l’ordre du monde est l’origine du questionnement philosophique, peut-on poser que l’étonnement de la présence de l’Autre, en général, est l’origine du désir en général, de sorte que la présence de l’autre homme soit l’origine du désir pour celui-ci. Pour qu’il y ait « désir », il faut bien que la présence de l’Autre se soit imposée et nous ait interpellée.
14 On pourrait être tenté d’opposer Socrate et Levinas quant à l’origine du désir, étant entendu que la lecture commune des œuvres de Platon pose l’origine du désir dans le manque et le besoin : c’est parce que l’on a conscience de manquer de quelque chose qu’on le désire [8]. Alors que le désir levinassien est une « aspiration qui ne procède pas d’un manque » [9]. En effet, poser l’étonnement devant l’étrangeté de l’Autre comme origine du désir, c’est rappeler qu’avant le surgissement de l’Autre, il ne peut y avoir conscience de cette étrangeté ; on ne peut manquer de ce dont on ignore jusqu’à l’existence. Aussi le désir ne peut-il être qu’une « aspiration qu’aucun manque préalable ne conditionne » [10].
15 Mais le manque dont parle Socrate ne désigne pas tant l’origine du désir que sa nature [11]. D’après le discours de Diotime, c’est le désir en lui-même, sa nature en tant que mouvement, qui est à la fois manque et satisfaction. Autrement dit, le désir socratique ne procède pas non plus d’un manque préalable, c’est le surgissement de l’Autre qui engendre à son égard un mouvement de nature paradoxale – nature paradoxale où le manque ne constitue que l’un des pôles du paradoxe. En effet, le désir, notamment éprouvé dans l’amour, semble être de nature complexe : un mélange de jouissance et d’insatisfaction.
16 Pour expliciter la nature paradoxale du désir, Socrate élabore le mythe de la naissance d’Éros. Diotime explique que, fils de Poros (richesse) et de Pénia (pauvreté), Éros est riche de ses connaissances et de son appréciation des belles choses mais pauvre de leur possession, car toujours ces belles choses lui échappent :
Il a la nature de sa mère, l’indigence toujours le suit. Mais tenant cette fois de son père, il traque les choses belles et bonnes […] si bien qu’Éros n’est jamais ni dans l’indigence, ni dans l’opulence [12].
18 Aussi l’amour, en tant que désir d’autrui, est-il un mouvement inassouvi et inachevé.
19 Cette nature paradoxale du désir trouve une autre illustration dans le phénomène de l’Éros. En effet, pour Levinas, l’Éros est un concept phénoménologique caractérisant le rapport à l’autre : « l’Éros, fort comme la mort, nous fournira la base de l’analyse de cette relation avec le mystère » [13]. L’essence de l’Éros est la caresse, une caresse qui ne sait pas ce qu’elle cherche :
Ce « ne pas savoir », ce désordonné fondamental en est l’essentiel. Elle est comme un jeu avec quelque chose qui se dérobe, et un jeu absolument sans projet ni plan, non pas avec ce qui peut devenir nôtre et nous, mais avec quelque chose d’autre, toujours autre, toujours inaccessible, toujours à venir. La caresse est attente de cet avenir pur, sans contenu [14].
21 Le concept levinassien est donc cette attente éprouvée par la conscience de connaître, de posséder et de fusionner avec l’autre. Ce désir de fusionner n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’intervention du dieu Héphaïstos dans le discours d’Aristophane [15] : le dieu propose aux amants de les unir par ses dons de forgeron, leur révélant ainsi la nature profonde de leur désir l’un envers l’autre. Le phénomène levinassien de l’Éros, de la caresse, illustre la nature paradoxale du désir car il révèle la coexistence d’une jouissance et d’une insatisfaction, d’une volupté et d’une attente toujours inassouvie.
22 Difficile ici de trouver un écho dans le texte de Platon, puisque si les élèves de Socrate nourrissent un désir charnel envers leur maître, désir qu’ils évoquent régulièrement comme conséquence de son pouvoir de séduction, il n’en va pas de même pour Socrate qui préfère quant à lui la beauté de l’âme à celle du corps.
23 Pour Levinas, Autrui est « Absence de patrie commune qui fait de l’Autre – l’Étranger ; l’Étranger qui trouble le chez soi » [16]. L’altérité d’autrui est cette absence de l’Autre alors même qu’il est présent en tant qu’Autre. L’absence désignant la distance irréductible entre le Même et l’Autre et le jeu de présence / absence faisant écho à ce que Le Banquet considère comme la nature paradoxale du désir ; la présence étant source de satisfaction et l’absence origine de l’insatisfaction et donc du manque.
24 Chez ces deux penseurs, l’altérité est donc absolue et irréductible : « L’absolument Autre, c’est Autrui » [17]. C’est précisément à cause de cette irréductibilité de l’Autre au Même que cette aspiration pour l’Autre, propre au désir, reste impossible à satisfaire. L’Autre, au sein d’une altérité absolue, reste par conséquent un absolu Mystère. D’où la conception socratique du désir selon laquelle les amants ne peuvent que tendre l’un vers l’autre sans jamais s’atteindre [18], de même que le philosophe tend vers la sagesse sans jamais l’atteindre non plus [19]. La philosophie comme l’amour demeurent infinis, un mouvement toujours en acte et pourtant jamais achevé [20].
25 Le désir, caractérisant l’altérité, est donc présenté par ces deux penseurs comme une aspiration de nature paradoxale prenant naissance dans l’étonnement suscité par l’étrangeté de l’Autre (autrui) et vouée à l’inachèvement. Mais comment procède cette altérité pour « éduquer » ?
La dimension éducative de l’altérité
26 Comment la présence de l’Autre parvient-elle à générer un processus éducatif ? D’après l’œuvre de Levinas, il semble que l’altérité devienne éducative selon deux procédés distincts.
27 Tout d’abord, la seule apparition du visage d’autrui éduque par sa présence, générant l’étonnement traumatique du sujet et mettant en mouvement sa pensée. Le concept levinassien de « visage », loin de signifier la simple apparence d’autrui, désigne « la manière dont se présente l’Autre, dépassant l’idée de l’Autre en moi » [21]. Le « visage » ne se réduit donc pas à son enveloppe physique ou à une forme plastique, mais renvoie à une « apprésentation », « une pensée pour… », une non-indifférence pour l’autre [22]. Le visage est « manifestation » au sens latin ecclésiastique, c’est-à-dire que ce n’est pas moi qui détermine son sens, il fait sens à lui seul [23]. Et c’est parce qu’il est manifestation que l’expérience du visage est une révélation qui, dans un langage symbolique, impose l’absoluité de l’altérité : les pôles du Même et de l’Autre se révèlent dans l’apparition du visage. Dans cette expérience, le Moi découvre l’impossibilité de contenir et d’englober l’« Autre », autrui s’impose – malgré lui et malgré Moi – comme un être qui existe par soi et non par moi. Ainsi, la seule présence du visage éveille l’individu à l’altérité, à l’irréductibilité de l’autre, et met sa pensée en branle.
28 On pourrait donc penser que la capacité enseignante de l’altérité d’autrui ne provient pas seulement du logos, comme le voudrait la démarche socratique, mais de la présence du visage d’autrui. Cette distinction mérite ici d’être discutée car le logos ne désigne pas seulement le discours mais toute forme d’intelligence et de rationalité. La parole n’est que l’une des multiples modalités d’expression de la rationalité. Or la présence d’autrui manifeste précisément l’apparition d’une autre intelligence, d’un autre ordre que le mien, d’un « sens » qui n’est pas de mon fait et m’échappe.
29 C’est d’ailleurs ce que révèlent les œuvres de Platon où plusieurs fois la seule présence de Socrate produit le même effet sur ses disciples que s’il avait produit un discours. C’est ce que révèle par exemple la honte d’Alcibiade lorsque celui-ci découvre la présence de Socrate au banquet d’Agathon : « chaque fois que je le vois j’ai honte au souvenir de ce dont j’avais convenu » [24]. Cette honte montre que la présence d’autrui manifeste un logos, un autre logos que le nôtre. C’est sous la forme d’un logos qu’autrui nous devient manifeste : cette présence est essentiellement et d’emblée logos et c’est pourquoi elle nous interpelle immédiatement [25]. D’où l’affirmation de Levinas de l’antériorité ontologique du langage, sa précellence sur le monde et sa primauté comme « expérience absolue » de la « révélation » du visage sur le dévoilement de l’être [26].
30 Et c’est bien parce que le visage est logos que ce premier processus éducatif se voit doublé d’un second, le second s’inscrivant dans la continuité du premier : la parole, une autre modalité du logos. Dans quelle mesure la parole permet-elle à l’altérité de devenir éducative ?
31 D’après Jean-Marc Lamarre,
Le Maître se manifeste dans la parole, la parole est son royaume. La parole, en effet – et seulement la parole – est la relation de face-à-face dans laquelle la distance et la séparation sont maintenues [27].
33 La « distance » et la « séparation » garantissent que l’éducation à laquelle on a affaire ne se réduit pas à un simple conditionnement de l’élève et ainsi à une duplication du Même ou une réduction de l’Autre au Même, mais à une éducation « critique » au sens où elle exerce la faculté de juger de l’élève dans le but de la rendre autonome et donc singulière.
34 Cette distinction entre une éducation-conditionnement et une éducation critique est clairement établie dans Le Banquet à l’occasion de la critique du mythe d’Aristophane par Socrate. En effet, le mythe d’Aristophane révèle une conception narcissique de l’amour où l’aimé (l’éromène) n’est aimé que pour ce qu’il a d’identique à son amant (l’éraste) :
Il y a une thèse qui veut qu’aimer ce soit rechercher la moitié de soi-même […]. Non, on ne s’attache pas, je pense, à des parties de soi-même, à moins qu’on appelle bon ce qui est nôtre, et mauvais ce qui nous est étranger [28].
36 Une telle relation amoureuse ne peut engendrer qu’une éducation où l’aimé devient peu à peu semblable en tout point à son maître, qui par narcissisme fait de son élève un autre lui-même. Pour Aristophane, en effet, chacun recherche sa moitié, « sa fraction complémentaire, la tessère de lui-même (sumbolon autou) » [29], dans le but de redevenir un. Léon Robin traduit sumbolon par « tessère » car le sens actuel du terme symbole est problématique. Le sens originel du mot symbole est rappelé par Jean-François Mattéi : issu du verbe sumballein qui signifie « mettre ensemble, réunir », le symbole est donc un signe de reconnaissance, chacun se reconnaît dans l’autre. C’est pourquoi J.-F. Mattéi conclut que l’usage du mot symbole dans le mythe d’Aristophane souligne « la présence du Même sous les multiples aspects de l’Autre » [30]. La relation narcissique entre le maître et l’élève se réduit alors à « un auto-engendrement du Même qui ne va pas plus vers l’Autre qu’il ne laisse l’Autre naître en lui » [31]. En terme levinassien, il semblerait donc que la relation narcissique où le maître ne fait que se dupliquer en ses élèves soit placée sous le signe de la « Totalité ».
37 Or, la critique socratique du mythe d’Aristophane pose que, pour être réellement éducative, et non pas seulement une duplication de la pensée du maître, la relation entre le maître et l’élève doit entretenir la persistance de deux intelligences distinctes s’alimentant l’une l’autre grâce à leurs différences respectives et se raffinant progressivement dans leur singularité par la dynamique de leurs échanges.
38 Pourtant, J.-M. Lamarre [32] rappelle que Levinas voit dans la maïeutique socratique du Ménon « la primauté du Même », « la suffisance essentielle du Même » [33], étant entendu que le Même désigne le mouvement par lequel une conscience identifie autrui à soi, opère une réduction de l’étrangeté d’autrui au moi connu. Mais force est de remarquer que l’exemple du Ménon relevant des mathématiques, la maïeutique socratique telle qu’elle apparaît dans ce dialogue n’aurait pu aboutir à l’élaboration d’une sagesse propre à l’élève et maintenir l’altérité entre l’Autre et le Même, entre le maître et l’élève. Or, c’est bien là le sens de la maïeutique. Si Socrate prétend accoucher les âmes du savoir dont elles sont grosses, ce n’est pas lui qui élabore ce « savoir », mais chaque élève qui construit une sagesse qui lui est propre. Il serait d’ailleurs étonnant de prétendre connaître la pensée de Socrate à partir de ce que les âmes de ses disciples accouchent, ce n’est pas de sa pensée à lui dont ils accouchent, mais de la leur :
ils n’ont jamais rien appris qui vienne de moi, mais ils ont trouvé eux-mêmes à partir d’eux-mêmes, une foule de belles choses et en demeure les possesseurs [34].
40 Le procédé de la maïeutique garantit l’adhésion de l’interlocuteur à ses propres propos (il ne s’agit pas de propos de complaisance), adhésion sans laquelle aucune éducation, aucun changement, ni dans la pensée, ni dans le comportement, n’est possible [35].
41 Chez Levinas, l’altérité du Maître oscille entre la patience infinie du Magister et la capacité destructrice et dominatrice du Dominus : « Autrui, mon Maître : mon persécuteur ? » s’interroge J.-M. Lamarre [36]. Cette oscillation n’est pas sans rappeler les deux pôles de la démarche socratique, la maïeutique et la réfutation (élenchos) :
l’élenchos s’adresse à un interlocuteur qui se croit savant mais qui est en réalité ignorant, alors que la maïeutique vise au contraire à révéler à des interlocuteurs qui se croient ignorants qu’ils sont savants à leur insu [37].
43 Dans le premier cas, Socrate devient Dominus et révèle à son interlocuteur l’irréductibilité de la pensée de l’Autre à celle que l’on pensait incontestable (la sienne). En déstabilisant l’assurance hégémonique de son interlocuteur, en heurtant sa pensée à l’irréductibilité d’une autre, l’élenchos met ainsi à bas la tentation totalisante de l’interlocuteur. C’est alors que l’élenchos peut être comparé à une persécution et relever ainsi du tragique : détruisant l’édification du Même comme centre et référent absolu de la pensée, il l’oblige à s’ouvrir à l’altérité en lui imposant la présence de l’Autre dans une violence traumatique [38]. D’où la reprise par Levinas de la définition socratique de la parole, telle qu’elle apparaît dans le Phèdre, c’est-à-dire un discours capable de se défendre, affirmant ainsi l’altérité du Maître [39].
44 Dans le second cas, Socrate est Magister et extrait patiemment son interlocuteur de la totalité informe dans laquelle sa pensée se trouve prisonnière, l’aide à élaborer une sagesse qui lui soit propre et l’érige ainsi en « Autre ». La maïeutique est édification et reconnaissance de l’Autre en tant que tel. Aussi, Magister ou Dominus, « enseigner », pour Levinas, « c’est introduire, de l’extérieur et de la hauteur du Maître, dans l’esprit de l’élève ce qui n’est pas en lui » [40]. Le Dominus y introduit la conscience de l’Autre ; le Magister concourt à la découverte de sa spécificité en tant qu’Autre.
45 Force est d’ailleurs de remarquer que c’est précisément cette parole qui confère à Socrate son pouvoir de séduction : ce n’est que parce qu’il a su leur faire découvrir une beauté supérieure, celle du logos, que ses élèves font abstraction de sa laideur physique et voient en lui la beauté de la sagesse.
46 Qu’il soit visage ou parole, le logos, ou plus exactement l’Autre en tant qu’autre logos, enseigne. Cet enseignement est éminemment « éthique » mais quelle éthique délivre-t-il ?
Quelle éthique ?
47 On pourrait penser que l’enseignement éthique consiste à transmettre à l’élève une série de conseils, de principes, voire de prescriptions, de sorte qu’entre l’enseignement des mathématiques ou de l’éthique il n’y ait que peu de différences. Il s’agirait simplement d’intégrer une nouvelle somme de connaissances.
48 Or, point mis en évidence par J.-M. Lamarre, en ce qui concerne l’enseignement éthique délivré par le Maître, Levinas ne considère pas cet enseignement comme la transmission d’un contenu positif mais comme « transmission de l’intransmissible » : « traumatisme de ce qui ne passe pas, transmission de l’intransmissible et réception de ce qui ne peut être reçu » [41]. On comprend ici le rejet de l’idée de « transmission », car soutenir que le « savoir éthique » se transmet revient à maintenir l’idée que l’élève ne participe pas à l’élaboration de celui-ci, qu’il se contente de le recevoir et ce pseudo « enseignement éthique » n’est dès lors plus qu’un conditionnement de plus. L’idée de « transmission » va de pair avec l’idée d’endoctrinement et l’enseignement serait alors du côté de la « Totalité ». C’est pourquoi, en matière d’éthique, il ne saurait être question de « transmission » car y aurait-il encore un sens à parler d’une « éducation éthique » sans prise de responsabilité, sans engagement consciencieux de l’élève ?
49 Donc ce qui se transmet, ce n’est pas tant l’éthique que la possibilité de l’éthique : le Maître ouvre la pensée de l’élève à l’idée d’Infini, idée qui s’impose à lui en faisant l’expérience de l’altérité et dans sa persistance dans l’acte de parole. Autrement dit, ni le Magister ni le Dominus ne transmettent un quelconque savoir éthique, ils provoquent la conscience et le questionnement éthique mais ne déterminent pas le contenu de celui-ci.
50 Qualifier l’éthique d’« intransmissible » sous-entend une certaine conception de l’éthique. En effet, dire que ce qui est enseigné par le Maître de vertu, c’est qu’en matière de vertu, il ne peut rien transmettre à son élève, c’est dire que le Maître ne peut pas définir pour lui la vertu, qu’il ne peut pas faire ses choix à sa place, et que les choix que le Maître à lui-même fait ne peuvent tenir lieu de modèle simplement à imiter.
51 C’est sans doute pour cela qu’on ne trouve pas, dans les œuvres de Platon, d’exposé dogmatique de la conception socratique de la vertu. En effet, si celui-ci remet volontiers en question la conception de la vertu de ses contemporains [42], il n’impose pas lui-même une solution au problème de l’« excellence » [43]. Car définir l’« excellence », ce serait prescrire une conduite, ce serait figer la pensée sur la question éthique alors que la pensée change et évolue dans le temps. De plus, Socrate n’ignore pas que comme ce qui est écrit, la pensée d’un Maître jouit d’une autorité qui dédouanerait chacun de ses élèves de la responsabilité qui lui incombe en matière d’éthique [44].
52 Définir l’« excellence », c’est donc déjà se méprendre sur la question de l’excellence, car la définition poserait l’« excellence » comme une chose finie, déterminée et achevée alors qu’elle est toujours de nouveau en jeu. Le silence socratique invite à penser que l’« excellence » est le problème que nul n’aura jamais fini de résoudre. D’où le caractère infini de l’éthique : le questionnement éthique est infini car la relation à l’Autre n’a jamais fini de se jouer, et que chacun s’y engage différemment. C’est d’ailleurs parce qu’elle est infinie que l’éthique est intransmissible.
53 Faire de l’éthique un « intransmissible », c’est donc poser l’élève comme auteur – responsable – de sa propre éthique. Aussi l’éducation éthique doit-elle donner à l’élève les moyens de devenir cet auteur. Il s’agit donc de développer son esprit critique en exerçant sa faculté de juger de sorte que sa pensée devienne libre, autonome et donc l’expression d’un être singulier. Une éducation « critique », où la pensée de l’élève s’y exerce régulièrement, est la condition pour que l’élève devienne l’auteur à la fois responsable et consciencieux de sa propre éthique.
54 L’éducation éthique peut donc soit relever de la « Totalité », soit de l’« Infini » : soit cette éducation relève de la tentation totalisante et systématisante qui réduit l’inconnu au connu, l’Autre au Même, tentation que nous posons comme un développement du narcissisme du mythe d’Aristophane dénoncé par Socrate ; soit il exprime la reconnaissance de l’Autre comme un inappropriable, un irréductible au Même, un indéfinissable et la relation à l’Autre devient alors un imprescriptible, une responsabilité qui n’a jamais fini de se jouer, un « appel » auquel on n’a jamais fini de répondre.
55 La responsabilité apparaît, en effet, comme un concept prédominant de l’éthique de ces deux auteurs. Socrate est responsable de l’« excellence » des Athéniens, responsabilité qu’il pose comme émanant d’un ordre divin, puisque ce serait Apollon qui par l’Oracle de Delphes lui aurait assigné la mission de partager sa sagesse [45]. Prétexte pour légitimer sa démarche pédagogique dérangeante, mais qui pose un lien entre l’Autre, celui dont il est responsable, et le divin : il ne peut faire autrement que répondre à cette injonction divine, chaque fois que l’Autre apparaît. Ou dans une perspective levinasienne, c’est par l’Autre que cette injonction divine devient manifeste [46].
56 Mais quel est le sens de cette responsabilité du Maître ? Maître de vertu, Socrate ne peut que provoquer et encourager le questionnement éthique [47], mais il n’y répond pas car ce serait succomber à la tentation narcissique de la réduction de l’Autre au Même et ne faire de ses élèves que de pâles reflets de lui-même. Il s’agit donc de ne pas « tuer » ses élèves en tant qu’Autres et de répondre à l’exigence « tu feras vivre ton prochain » [48]. Autrement dit, la responsabilité éthique est une responsabilité de l’idée d’Infini telle qu’elle se manifeste en l’Autre, son élève.
57 La responsabilité du Maître est donc double : en tant qu’individu, il est responsable de l’Autre et de sa survie en tant qu’Autre, mais de plus, en tant que Maître, il est responsable de la transmission de l’intransmissible, c’est-à-dire de l’éveil de la pensée de son élève à l’idée d’Infini. Finalement, transmettant l’intransmissible, c’est la responsabilité, intrinsèque à l’idée d’Infini, ou plutôt un appel à la responsabilité qui est transmise à l’élève. Mais là encore, le Maître ne peut que lancer un appel, la manière dont l’élève choisira d’y répondre, la manière dont l’élève choisira d’assumer cette responsabilité n’incombe qu’à lui.
58 On retrouve donc chez Socrate et Levinas une éthique qui insiste sur la responsabilité de l’individu, tout d’abord, du respect de l’Autre dans son étrangeté – c’est ce que montre la critique du mythe d’Artistophane et l’idée d’Infini – mais aussi de l’éveil de l’Autre à l’éthique – c’est ce que montrent la démarche socratique et l’approche levinasienne du Maître – mais une éthique dont le contenu n’est pas déterminé à l’avance.
59 Le concept d’« éthique », pour ne pas devenir un contresens, ne reçoit donc pas de contenu. Certes l’éthique, chez ces deux penseurs, est une éthique de la responsabilité, être responsable est la condition de possibilité d’une quelconque éthique (si l’on ne se sent responsable de rien, il ne peut y avoir de questionnement éthique) mais cette responsabilité n’implique aucune prescription. Et c’est parce que l’éthique ne reçoit que le contenu que l’on choisit de lui donner que le Maître ne peut transmettre autre chose à son élève qu’une provocation, provocation à assumer à son tour le contenu qu’il compte donner au concept d’« éthique ».
Conclusion
60 Dans le cadre d’un questionnement sur l’éducation morale, nous nous étions demandée à quelles conditions cette éducation pouvait devenir une éducation éthique.
61 Notre réflexion, alimentée dialogiquement par les pensées de Socrate et de Levinas, a montré que seule l’altérité, entendue comme relation « infinie » entre le Maître et l’élève, était à même de réaliser cette éducation et d’échapper ainsi à l’écueil d’une relation narcissique et totalisante. Ce Maître ne désigne pas forcément l’enseignant, un Maître se révèle dans tout « Autre » susceptible d’éveiller l’individu au questionnement éthique et de l’amener à l’idée d’Infini.
62 C’est donc par la rencontre du Maître et dans la résistance et la persistance de son étrangeté en tant qu’Autre que l’élève peut être amené à s’ouvrir à une éthique de la responsabilité. Car cette étrangeté, en tant qu’autre logos, interpelle l’individu et enseigne. Que lui enseigne-t-elle ? Elle est un appel à la responsabilité à l’égard de cette étrangeté qu’il vient de rencontrer et finalement à l’égard de l’éthique en général : l’éthique ne sera que ce qu’il en fera.
63 Cette réflexion nous permet d’apporter un éclairage particulier à la question de l’éducation morale. En effet, de même que l’éthique doit rester un questionnement et une réflexion dévolue à la responsabilité de chacun, la morale ne saurait recevoir de définition, ni de contenu prédéfini, sous peine de réduire l’éducation morale à un conditionnement, lequel n’est pas en mesure d’éveiller la pensée au questionnement et à la responsabilisation éthique. De même que l’éthique n’a jamais fini de se jouer, c’est à chacun qu’il revient d’assumer son propre engagement « moral » et de le redéfinir sans cesse.
64 À l’école, cette éducation se voit donc elle aussi soumise à l’engagement éthique de l’enseignant : dans une perspective totalisante, il fera de ses élèves, auxquels il transmettra le contenu que lui seul a choisi de donner au concept de « morale », autant de duplications de lui-même ; en revanche, dans une réelle perspective d’éduquer à l’éthique, il deviendra un Maître car il aura choisi d’ouvrir la pensée de ses élèves à l’idée d’Infini, les responsabilisant à l’égard de cette étrangeté de l’Autre.
Notes
-
[1]
Nous faisons référence ici au Socrate de Platon (L.-A. Dorion, Socrate, Paris, PUF, 2004) et plus précisément, nous concentrerons notre attention sur l’ouvrage Le Banquet (Platon, trad. B. et R. Piettre, Paris, Nathan, 1998). Cet ouvrage traite en effet de l’amour et l’amour étant, dans la Grèce antique, étroitement lié à l’éducation (H.-I. Marrou, L’histoire de l’éducation dans l’Antiquité, Paris, Seuil, 1949, p. 64-65).
-
[2]
Platon, Le Banquet, 204d-205b, p. 79-80.
-
[3]
Ibid., 203d, p. 78 ; 204a-b, 209b, p. 78-79 et le discours d’Alcibiade : 212c-223a, p. 85.
-
[4]
P. Huneman, E. Kulich, Introduction à la phénoménologie, Paris, Armand Colin, 1997, p. 124.
-
[5]
Ibid.
-
[6]
La réduction de la sphère de l’« Autre » peut s’expliquer par la perspective éthique revendiquée par Levinas, bien que le rapport aux choses dans leur utilisation implique également une éthique.
-
[7]
E. Levinas, Humanisme de l’autre homme, Saint-Clément-la-Rivière, Fata Morgana, 1972, p. 54.
-
[8]
Notamment le Philèbe (Platon, 21a, trad. É. Chambry, Paris, Flammarion (GF ; no 203), 1969, p. 286) considère le besoin comme origine du désir.
-
[9]
E. Levinas, Totalité et infini, La Haye, Nijhoff, 1961, p. 275.
-
[10]
P. Hayat, « Le sens du désir chez Sartre et Levinas », Cahiers d’études levinassiennes, no 5, 2006, p. 89.
-
[11]
Platon, Le Banquet, 203d, p. 78.
-
[12]
Ibid., 203d-e, p. 78.
-
[13]
E. Levinas, Le temps et l’autre, Paris, PUF, 2004, p. 64.
-
[14]
Ibid., p. 82.
-
[15]
Platon, Le Banquet, 192d-193a, p. 64-65.
-
[16]
E. Levinas, Totalité et infini, p. 28.
-
[17]
Ibid.
-
[18]
Dans Le Banquet, la proposition du dieu se solde d’ailleurs par une sentence de mort, la mort seule pouvant unir symboliquement les amants (192e, p. 64-65).
-
[19]
Platon, Le Banquet, 204b, p. 79.
-
[20]
Nous pensons que la pensée de Socrate ne présente pas une « altérité relative », si par « relative » on entend « partielle ». L’altérité n’est « relative » que dans la mesure où elle implique deux pôles – le Même et l’Autre – se définissant l’un par rapport à l’autre. L’« Autre » n’a de sens que relativement au « Même », sans lequel l’« Autre » ne pourrait être « Autre » : « Il est ce que je ne suis pas » (E. Levinas, De l’existence à l’existant, Paris, Vrin, 1986, p. 62). Ainsi, nous pensons que l’altérité de l’Autre est, chez ces deux penseurs, absolue, mais cette altérité absolue n’a de sens que relativement au « Même ».
-
[21]
E. Levinas, Totalité et infini, p. 43.
-
[22]
E. Levinas, Éthique et infini, Paris, Fayard, 1982, p. 81.
-
[23]
P. Huneman, E. Kulich, Introduction à la phénoménologie, p. 135.
-
[24]
Platon, Le Banquet, 216b-c, p. 93.
-
[25]
Cet argument fait écho à la conception stoïcienne de la représentation, selon laquelle la représentation n’apparaît à la pensée que sous forme d’un logos : toute chose nous apparaît immédiatement comme bonne ou mauvaise, il n’y a pas une perception neutre et après un jugement sur ce que nous percevons, la perception est déjà en elle-même jugement.
-
[26]
J.-F. Mattéi, « La rame et le couteau : la question de l’Autre chez Levinas », Revue philosophique de la France et de l’étranger, no 2, 2005, p. 203-211.
-
[27]
J.-M. Lamarre, « Seule l’altérité enseigne », Le Télémaque, no 29, 2006, p. 72.
-
[28]
Platon, Le Banquet, 205d-206a, p. 81.
-
[29]
Platon, Le Banquet, 191d, trad. L. Robin, Paris, Les Belles Lettres, 1929, p. 33.
-
[30]
J.-F. Mattéi, Platon et le miroir du mythe. De l’âge d’or à l’Atlantide, Paris, PUF, 1996, p. 287.
-
[31]
Ibid., p. 289-290.
-
[32]
J.-M. Lamarre, « Seule l’altérité enseigne », p. 70.
-
[33]
E. Levinas, Totalité et infini, p. 13-14.
-
[34]
Platon, Théétète, 150d, trad. M. Narcy, Paris, Flammarion (GF ; no 493), 1995, p. 151.
-
[35]
L.-A. Dorion, Socrate, p. 58.
-
[36]
J.-M. Lamarre, « Seule l’altérité enseigne », p. 74-75.
-
[37]
L.-A. Dorion, Socrate, p. 68.
-
[38]
J.-M. Lamarre, « Seule l’altérité enseigne », p. 73.
-
[39]
Ibid., p. 72.
-
[40]
Ibid., p. 71.
-
[41]
Ibid., p. 76.
-
[42]
Comme par exemple Ménon, Gorgias, Agathon ou Protagoras.
-
[43]
L.-A. Dorion, Socrate, p. 55.
-
[44]
Argument illustré et développé dans le Phèdre de Platon (228a, le mythe de Theut : 274c-275b, trad. J. Derrida, Paris, Flammarion (GF ; no 488), 1989, p. 85, p. 177-178).
-
[45]
Platon, Apologie de Socrate, 21b, trad. M. Croiset, Paris, Nathan, 1998, p. 32.
-
[46]
E. Levinas, Éthique et infini, p. 86.
-
[47]
De nombreux passages des dialogues de Platon peuvent ici être cités, notamment L’apologie de Socrate, 21c-e, p. 33 ; Le Banquet, 214e, p. 91 ; Le Philèbe, 13c, p. 274 ; Ménon, 71d (trad. B. Piettre, Paris, Nathan, 2000) ; Gorgias, 447c (trad. M. Canto-Sperber, Paris, Flammarion (GF ; no 465), 1987, p. 122).
-
[48]
E. Levinas, Altérité et transcendance, Saint-Clément-la-Rivière, Fata Morgana, 1995, p. 135.