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Article de revue

Que font-ils en classe ?

De l'interaction au travail

Pages 65 à 80

Notes

  • [1]
    Cette opposition, si elle esquisse un mouvement réel de l’analyse, ne rend pas justice, par contre, à la capacité des sociologues critiques, et en particulier Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, à pénétrer aussi dans l’ordinaire des classes, lorsqu’ils mettent en relief et en accusation les implicites ordinaires qui certes sont construits par des rapports sociaux mais qui n’en sont pas moins décrits aussi dans l’ordinaire de la relation pédagogique.
  • [2]
    Suivant la perspective interactionniste adoptée par E.?C. Hughes in Men and their work, Glencoe, The Free Press, 1958.
  • [3]
    Malgré la difficulté d’une telle évaluation, les enquêtes sur le temps déclaré de travail des enseignants varie selon les enquêtes, entre 29 et 42 heures en moyenne ; les enquêtes sur le temps de travail lycéen, y compris la nôtre, arrivent à une somme de travail hebdomadaire hors lycée de 12 heures environ, ce qui, ajouté aux heures passées dans les établissements (entre 25 et 30, parfois plus en LP), est globalement comparable.
  • [4]
    M. Tardif, C. Lessard, Le Travail enseignant au quotidien, Paris – Bruxelles, De Boeck, 1999 ; F. Dubet, Le Déclin de l’institution, Paris, Seuil, 2002.
  • [5]
    Cet article reprend les résultats de deux enquêtes de terrain, principalement qualitatives, dont l’une porte sur les lycéens et l’autre sur les enseignants de collèges et lycées. Pour le travail scolaire en collège, on s’est principalement appuyé sur d’autres travaux, en particulier menés par la Direction de l’évaluation et de la prospective. Cf. A. Barrère, Les Lycéens au travail, Paris, PUF, 1997 et Les Enseignants au travail, Paris, L’Harmattan, 2002. Les citations des entretiens, renvoyées en note de bas de page pour ne pas alourdir le texte, sont tirées de ces enquêtes.
  • [6]
    Pour reprendre certaines des formulations exactes des élèves, qui sont très nombreuses à ce sujet : « À partir du moment où on écoute en cours, parce que c’est beaucoup mieux fait et que c’est plus intéressant, ça rentre tout seul » ; « Mon cours, je le sais pratiquement quand je sors » ; « Un cours qu’on a bien suivi, on l’assimile tout de suite » ; « Mon cours, je l’ai déjà en tête quand je sors de la classe ».
  • [7]
    P. Bressoux, « Les recherches sur les effets-écoles et les effets-maîtres », Revue française de pédagogie, no 108, 1994, p. 91-137.
  • [8]
    Dans l’enquête, nous avons considéré comme « bons » des élèves ayant plus de 12 de moyenne annuelle, « moyens » des élèves ayant entre 10 et 12, « en difficulté » des élèves ayant entre 8 et 10.
  • [9]
    « En histoire, comme on fait nos cours nous-mêmes, le professeur parle, on copie et puis on prend le plus intéressant dans ce qu’il dit, donc, en fait nos cours, c’est peut-être nous qui les faisons ».
  • [10]
    Sans parler de l’université, où on ne peut exclure, même en second cycle, le recours à des cours dictés…
  • [11]
    Dans l’enquête, les élèves déclarent majoritairement être en faveur d’un plus grand contrôle du travail en classe, prise de notes, et exercices. Cf. A. Barrère, Les Lycéens au travail.
  • [12]
    P. Périer, « Enseigner dans les collèges et lycées », Les Dossiers d’Éducation et Formations, no 61, février 1996.
  • [13]
    Cet enseignant de mathématiques et cet enseignant de français arrivent au même constat : « Disons en règle générale, avec un peu de recul, on a à disposition plusieurs explications, c’est clair mais t’arrives toujours sur un truc où t’as qu’une explication… C’est ce qui fait que ça ne se passe pas très bien d’ailleurs, tu répètes, mais plus détaillé, mais en général tu t’embrouilles encore plus et t’embrouilles encore plus les élèves » ; « Moi, quand je réexplique, j’ai toujours l’impression que je le fais de manière plus compliquée. Les élèves disent : merci, monsieur, c’était pas la peine ».
  • [14]
    « Vous me demandiez tout à l’heure comment un cours peut-être euphorique, et ben, c’est quand on trouve les bonnes ficelles… pour faire parler un maximum d’élèves » ; « L’échange, il peut se faire, pas forcément au niveau compréhension, mais disons qu’il y ait une certaine curiosité des élèves, y compris de ceux qui ont du mal à comprendre, de ceux qui posent des questions » ; « Je suis très content quand j’ai mes petits gamins qui ont beaucoup de difficultés au début de l’année et qui ne participaient pas et puis, au fur et à mesure parce qu’il sont en confiance, parce que peut-être je les rassure, j’en sais rien, au fur et à mesure, ils commencent à participer ».
  • [15]
    A. Stefanou, « Les méthodes de travail des collégiens », Les Dossiers d’Éducation et Formations, no 96, décembre 1997, p. 19.
  • [16]
    Pour les premiers, cf., par exemple, F. Dubet, D. Martuccelli, À l’école, Paris, Seuil, 1996 ; pour les seconds, cf., parmi bien d’autres, J.-F. Mondot, Journal d’un prof de banlieue, Paris, Flammarion, 2000 ; N. Revol, Sale prof, Paris, Fixot, 1999 et M. Goyet, Collèges de France, Paris, Flammarion, 2003.
  • [17]
    J. Testanière, « Chahut traditionnel et chahut anomique », Revue française de sociologie, VIII, 1967.
  • [18]
    Si les enquêtes quantitatives attribuent un temps de neuf minutes en moyenne à ces tâches, ce qui sur un temps moyen de cours de cinquante-cinq minutes, représente quand même presque un cinquième du temps, ce temps s’accroît dans les classes difficiles jusqu’à être estimé à un quart du temps d’enseignement. Cf. P. Périer, « Enseigner dans les collèges et lycées ».
  • [19]
    Rappelons que pour la sociologie interactionniste des professions, le sale boulot est la partie du travail qui porte une certaine honte sociale, et que l’on a tendance à dissimuler : tels le contact avec les ordures pour les concierges ou les gestes intimes en rapport avec les excréments et le sang pour les professions médicales. Cf. E.?C. Hughes, « Le travail et le soi » [1951], in Le Regard sociologique, Paris, EHESS, 1996, p. 75-85.
  • [20]
    J.-P. Payet, « “Le sale boulot” : division morale du travail dans un collège de banlieue », Les Annales de la recherche urbaine, 75, 1997, p. 19-31.
  • [21]
    Cette représentation rend compte vraisemblablement en partie de l’écart récurrent entre les résultats de recherche concernant les difficultés enseignantes. Mes recherches, et bien d’autres, y compris quantitatives, montrent à quel point l’ordre et la prévention des incidents en classe est la priorité des enseignants dans la régulation du travail en classe. Pourtant, les résultats de questionnaires demandant aux enseignants leur avis sur leurs difficultés montrent qu’une minorité répond alors moins en termes d’ordre scolaire qu’en termes de « motivation » et de « gestion de l’hétérogénéité », un vocabulaire largement plus légitime. Pour un exemple récent des premières recherches, cf. S. Casalfiore, « La structuration de l’activité quotidienne des enseignants en classe », Revue française de pédagogie, no 138, 2002, p. 75-85 ; pour un exemple récent des secondes, cf. N. Esquieu, « La maîtrise du métier d’enseignant au bout de six ans », Éducation et Formations, no 56, 2000, p. 53-59.
  • [22]
    F. Dubet, Les Lycéens, Paris, Seuil, 1991.
  • [23]
    Comme l’affirme A. Margalit : dans une société décente, l’humiliation personnelle peut être accrue ou diminuée par les fonctionnaires, lors des interactions concernant cette situation. Cf. A. Margalit, The Decent Society, Cambridge, Harvard University Press, 1996.
  • [24]
    Dans un cas extrême, cette enseignante d’allemand a dû inventer un exercice où la réponse, faite de papiers juxtaposés possibles à déplacer, n’était jamais définitive, et donc l’erreur jamais avérée !
  • [25]
    Ainsi, après une exclusion plutôt musclée d’une élève qui l’avait agressé, cet enseignant de mathématiques de collège REP refuse de continuer le cours : « Dans le flot, y’en a un qui lance : “M’sieur, on travaille, on bosse”. De toutes façons, ça sert à rien de discuter avec vous, c’est ça que ça voulait dire… Non, on ne travaille pas, je suis trop énervé, il a fallu traîner cette fille jusque là-bas. J’étais à bout de souffle, j’ai quand même près de cinquante ans. Je suis pas en état, et je pense que vous non plus, alors, on arrête. Et bien ces gamines qui me regardaient d’un œil méchant parce que de toutes façons, c’est lui, l’adulte, c’est lui qui aura raison, quelque part, ça a tout cassé, le fait de dire, ben, non, je fais pas mon rôle de prof. »
  • [26]
    Comme en témoignent les nouvelles attentes des jeunes enseignants de collèges difficiles face à la sociabilité de la salle des profs, analysées par Martine Kherroubi dans sa contribution à ce même numéro : « L’autorité pédagogique vue de la salle des professeurs », p. 51-64.
  • [27]
    Les cas de violence scolaire avérés et rarissimes, comme le montrent les recherches, sont précisément en ce sens, et malgré leur aspect par ailleurs traumatisant, moins « responsabilisants ». Ils sont d’ailleurs, traitement médiatique oblige, finalement moins tabous.
  • [28]
    F. Dubet, D. Martuccelli, À l’école.
  • [29]
    Éric Debarbieux rappelle que les élèves les plus punis sont significativement les garçons maghrébins, les élèves en retard et ceux dont les parents sont de catégories sociales et professionnelles défavorisées, ce qui ne veut bien sûr pas forcément dire qu’ils sont les plus déviants, mais seulement le plus stigmatisés comme tels. Cf. É Debarbieux, La Violence en milieu scolaire, t. II, Paris, ESF, 1998.
  • [30]
    C’est d’ailleurs toute l’entreprise de certains dispositifs de contractualisation de l’autorité, autour du mot d’ordre de « citoyenneté scolaire » que de responsabiliser personnellement les élèves. Cf. A. Barrère, D. Martuccelli, « La citoyenneté scolaire : vers la définition d’une problématique sociologique », Revue française de sociologie, XXXIX-4, 1998, p. 651-671.
  • [31]
    A. Barrère, « Pourquoi les enseignants ne travaillent-ils pas en équipe ? », Sociologie du travail, no 44, 2002, p. 481-497.
  • [32]
    Les parents et les grands frères et sœurs y contribuent largement et différentiellement en fonction de leur niveau d’étude, mais la morphologie des loisirs et la maîtrise du temps sont aussi des facteurs décisifs. Cf. A. Barrère, « Pour la maîtrise du temps privé comme compétence scolaire », in Les Lycéens au travail, et B. Lahire, Tableaux de familles, Paris, Seuil – Gallimard (Hautes études), 1995.
English version

Que font-ils en classe ? De l’interaction au travail

1La description et l’analyse de l’ordinaire des classes sont d’une certaine manière au cœur des préoccupations de la sociologie de l’éducation, depuis qu’il s’est agi, après les paradigmes plus macrosociologiques des années soixante-dix, d’ouvrir « la boîte noire » de l’école, c’est-à-dire de comprendre non seulement ce qui se passe à l’entrée et à la sortie du système scolaire, mais ce qui se joue en son sein [1]. Ce basculement s’est cependant fait dans un premier temps sans changer véritablement de préoccupations majeures, la sociologie française étant largement centrée autour de l’explication et de l’analyse des inégalités scolaires, mais avec des inflexions méthodologiques notables, les techniques qualitatives, voire ethnographiques, retrouvant un certain droit de cité. Ainsi, on s’interroge, depuis les années quatre-vingt, sur les marges d’efficacité de l’enseignant dans la classe, et l’interrogation critique entreprise à propos du cours magistral s’est élargie aux pédagogies dites nouvelles, en montrant certains de leurs effets sociaux. Dans le même temps, la socialisation scolaire est revenue au centre des préoccupations, dans le contexte d’une nouvelle problématisation de la violence scolaire, et de son lien, plus ou moins explicite, avec le renouveau parallèle du thème de la citoyenneté. Ce thème, également, a pu favoriser des travaux quantitatifs et qualitatifs sur les interactions en classe, le système de sanctions et de punitions, la manière dont les enseignants traitent les tensions dans la classe.

2C’est d’une manière différente que j’aimerais aborder l’ordinaire des classes, en me demandant plutôt quel type de travail s’y effectue, d’un côté et de l’autre de la relation pédagogique. Le travail scolaire, comme tout travail, est une activité normée et contrainte, qui pose en cela à la fois des problèmes bien pratiques aux acteurs, mais aussi les confronte à ce que l’on peut appeler des épreuves subjectives, des tensions vécues comme personnelles mais qui renvoient en fait aux caractéristiques des tâches, à leur contexte, à leur prescription.

3Malgré les différences statutaires évidentes entre enseignants et élèves, il peut être bénéfique d’examiner à égale dignité les tâches accomplies par les uns et les autres [2]. La nature du travail accompli, à la fois cognitif et communicationnel, les procédures de ce travail, parfois routinières et parfois créatives, ne sont-elles pas en partie les mêmes de part et d’autre de la relation pédagogique ? Les conditions de travail, distribuées entre l’espace scolaire et l’espace privé, sont également comparables, de même que l’évaluation du temps que les uns et les autres déclarent y consacrer [3]. De plus, comme dans tout « travail sur autrui » [4], le sujet-objet du travail reflue sur le travailleur lui-même et lui communique parfois ses malaises, ou ses conditions de travail. Les élèves transforment le travail de l’enseignant par la manière dont ils agissent, de même que l’enseignant le détermine en partie. Mais cette manière d’agir ensemble est souvent uniquement comprise à travers une attention exclusive portée à l’interaction, ou un présupposé trop marqué d’ajustement réciproque. Nous essaierons, pour notre part, de tirer un gain analytique de l’analyse séparée du discours des élèves et des enseignants sur leur travail en classe, sur ce qu’ils y font et y éprouvent. Comprendre aussi les décalages et les asymétries entre les deux rapports au travail, qu’il s’agisse des priorités accordées à telle ou telle tâche ou des épreuves subjectives qu’ils recèlent [5], devrait nous permettre d’éclairer l’interaction d’une autre manière.

Des priorités différentes

4Vues à partir des lycéens, les diversités pédagogiques entre les enseignants dans les classes sont relativement dissoutes dans le continent des tâches scolaires. En classe, deux préoccupations centrales sont les leurs : comprendre, et garder des traces du cours. Les enseignants, quant à eux, expriment des priorités différentes, largement centrées sur l’activité et la participation des élèves.

Pour les élèves : les traces du cours

5Les élèves attribuent une grande importance au fait de comprendre en cours, ce qui suppose évidemment une écoute attentive. Cette tâche est hautement valorisée, car, comme en atteste une masse considérable de citations d’entretiens, elle est en elle-même considérée comme une partie, voire comme l’essentiel de la mémorisation. « Un cours bien écouté est un cours compris, et donc déjà appris » : tel est le dicton implicite à la base de bien des perceptions d’élèves, les enseignants confirmant bien entendu une représentation qui va dans le sens du respect de la discipline en classe, et de leur efficacité pédagogique [6]. Dans l’ensemble, les lycéens considèrent que beaucoup de choses se jouent du premier coup, dans la manière dont l’écoute elle-même du cours en permet ou non la compréhension, et, du coup, l’apprentissage.

6Pour autant, ce lien apparaît à certains égards comme largement magique, lorsqu’il est exprimé sous le signe du remords par des élèves qui n’arrivent pas à écouter en cours. Souvent, l’efficacité attribuée au fait d’écouter est réexaminée par les élèves à partir du constat que, précisément, ils ne l’ont pas fait. Ainsi, les élèves distinguent tous les enseignants qui « expliquent bien » des autres. Car un enseignant qui explique bien est aussi un enseignant qui réduit la part de travail nécessaire chez soi pour rattraper la compréhension défaillante. Le travail des uns et des autres est dans ce cas considéré comme un jeu à somme nulle. Plus l’enseignant explique correctement, moins les élèves ont à « travailler pour comprendre » hors du cours, ce qu’il n’a pas su expliquer.

7C’est ainsi, que, dans une sorte de paradoxe, les priorités lycéennes glissent alors vers les traces écrites du cours, qu’il soit magistral ou fait d’activités et d’exercices, qui seules permettront de le comprendre… plus tard et chez soi. Du coup, et c’est le deuxième critère de jugement des élèves, un « bon cours » est d’abord un « vrai cours », c’est-à-dire un cours qui peut être pris en notes. Les élèves redoutent à l’unanimité le fait « qu’il n’y ait pas de cours », même en langues où la justification pédagogique pourrait en être l’effort mis sur les compétences orales. Et ils décrivent avec désespoir ces cours mal pris en notes qu’ils ne peuvent pas relire. Mais c’est aussi un cours clair et structuré, le plan favorisant la prise de notes. Pourtant, les élèves valorisent aussi les « petites anecdotes enseignantes » qui « s’échappent un peu du cours ». Elles motivent et sont agréables mais sont perçues par les élèves comme contraire à une logique d’apprentissage, en accord d’ailleurs avec les résultats d’enquêtes qui montrent une perte d’efficacité pédagogique que ce type de pratiques génère [7].

8Le dernier critère est la vitesse de parole de l’enseignant, et donc de prise de notes, qui décide souvent de la lisibilité des traces écrites prises par l’élève, ainsi que nous l’avons vu auparavant. Les élèves se classent en deux camps bien différenciés suivant le niveau scolaire. Pour les plus à l’aise scolairement, avoir à prendre des notes permet d’écouter car cette tâche oblige à davantage d’attention. Selon eux, le fait de dicter accentue encore la dissociation entre l’écoute et l’écriture : sous la dictée, on peut noter sans écouter, mécaniquement, ce qui ne saurait être le cas lorsqu’il faut réellement prendre des notes. Ceux qui ont besoin d’écouter séparément de la prise des notes sont par contre la quasi-totalité des élèves moyens ou en difficulté [8] : ce sont eux qui ont massivement l’habitude de transformer en dictée un cours dit sur un ton « normal ». Ils sont bien sûr alors rapidement débordés et regrettent les pratiques plus sécurisantes du collège. Souvent, la prise de notes devient une sorte de cercle vicieux : est-elle postérieure à la bonne compréhension ou doit-elle être éventuellement ce qui permet de comprendre chez soi ce que l’on n’a pas compris en classe ? Une autre solution consiste à se rabattre sur une conception presque créative de la prise de notes. Les élèves prennent alors en notes ce qu’ils jugent intéressant, se conformant d’après eux à l’injonction d’un travail plus personnalisé qu’au collège, mais prenant le risque de traces moyennement cohérentes et complètes du cours [9]. L’articulation entre les pratiques du collège et celles du lycée est à cet égard déterminante, selon que les enseignants préparent plus ou moins à une prise de notes séparée de la dictée ; pourtant, dans certaines classes de Terminale, dites faibles par les enseignants, les pratiques déclarées sont de cet ordre, montrant que les élèves sont loin d’être confrontés au long de leur parcours à une progression des difficultés que présente cette méthode de base du travail scolaire [10].

Pour les enseignants : la participation

9Les enseignants, lorsqu’ils parlent de leur propre travail en classe, n’abordent quasiment jamais ces problèmes. Certes, ils parlent bien parfois du « marasme » de certains classeurs ou cahiers d’élèves, mais reculent devant la perspective de les contrôler systématiquement, même s’ils le font ponctuellement, surtout en collège. Mais une généralisation du contrôle de notes, sur lequel les élèves portent d’ailleurs un regard positif [11], alourdirait leur travail quotidien d’une charge ingrate et supplémentaire.

10Par contre, c’est l’activité des élèves qui est pour les enseignants l’indice synthétique d’un cours réussi. Cette activité se manifeste certes par la participation à des exercices, voire à des expériences dans les cours de sciences ou à du travail sur documents. Mais dans l’ensemble des cours, elle est également censée se traduire par une certaine activité orale d’expression, de questionnement et de réponse de la part des élèves. Pour les enseignants d’aujourd’hui, le cours participatif apparaît d’abord comme un compromis entre un nouvel ordre normatif, discréditant le cours magistral et prônant l’activité de l’élève et les exigences de la réalité quotidienne des classes. Le cours magistral n’est pas si loin : il est souvent une sorte de filet de sécurité, au cas où le dialogue ne prendrait pas ; il peut être aussi une manière d’accélérer les cadences et le rythme du cours, lorsqu’on est en retard dans une partie de programme. Il est enfin une manière de faire face à un certain nombre de difficultés de comportement puisque des enquêtes montrent que plus on a affaire à une classe que l’on estime difficile, plus on adopte un dispositif magistral ayant recours à l’écrit [12]. Mais il est toujours considéré comme un pis-aller, que l’on justifie alors, parfois d’ailleurs à la demande des élèves qui le jugent plus sécurisant. Presque tous les enseignants le disent : « Il y a des moments où c’est magistral. » Mais même réduite dans les faits, la participation orale des élèves apparaît pédagogiquement souhaitable et une norme relativement accessible.

11Par contre les enseignants sont divisés sur son efficacité en termes d’apprentissage. Pour certains, elle permet une reformulation des problèmes qui améliore la précision et l’efficacité pédagogiques. Mais bien d’autres concèdent qu’une nouvelle explication n’est pas forcément plus claire, ni surtout différente [13]. En fait, si la participation est aussi décisive, c’est parce qu’elle est définie par les enseignants comme l’espace de construction, de renforcement, ou a minima d’expression de la motivation scolaire. Une motivation qui rassure à deux titres : l’intérêt que les élèves ont pour le cours et l’attitude favorable qu’ils ont face à l’enseignant. La participation rassure aussi sur les bonnes relations et sur le fait que des échecs ou difficultés scolaires ne la détériorent pas au point de devenir un obstacle. C’est pour cela qu’elle est aujourd’hui l’indice minimal et synthétique du cours réussi [14].

12Du côté des élèves pourtant, la participation orale n’est guère décrite comme une tâche à part entière, mais comme un « petit plus » presque facultatif aux multiples fonctions. Le besoin d’exister, de se faire reconnaître en tant que personne, peut aller de pair avec des interventions pertinentes en cours, mais ne s’ajuste souvent que de manière très lointaine avec les exercices scolaires qui sanctionneront la compréhension du cours. D’ailleurs, les enseignants aussi éprouvent et parlent de ces leurres affectifs, qui s’engouffrent aussi souvent dans la distance entre les facilités orales et relationnelles des élèves et leur travail écrit. L’élève « intéressant » et réflexif, ou plein d’humour, est aussi parfois un mauvais élève, ce qui désespère les enseignants qui rêvent d’une adéquation entre relation et résultats. Bref, la participation orale, si elle constitue parfois une part déterminante du travail scolaire dans certaines matières comme en langues où les enseignants adoptent parfois un système de comptabilisation et d’évaluation des interventions, est dans l’ensemble considérée par les élèves comme une tâche facultative et peu intégrée à l’apprentissage. Sa fonction pédagogique, rétablir la compréhension défaillante, est largement supplantée par son aspect ostentatoire : montrer au contraire une bonne compréhension du sujet, y compris en faisant preuve de connaissances externes au cours. Une étude faite sur le collège montre qu’une moitié des élèves de Sixième seulement ose poser des questions lorsqu’ils ne comprennent pas le cours, et qu’il s’agit plutôt des bons élèves que des mauvais. Cette proportion décroît encore de la rentrée à la fin de l’année scolaire [15] ! De plus, elle est souvent considérée comme une opération à haut risque personnel car elle expose aux railleries des autres, éventuellement à celles des enseignants. En fait, pour les élèves, la participation orale permet surtout d’affirmer une attitude positive face au travail et de la bonne volonté, et à l’extrême, met en scène l’adhésion de l’élève aux normes scolaires.

Des enjeux différés

13Au fond, ce qui a été vraiment appris dans l’espace du cours, comme résultante de la double activité simultanée des enseignants et des élèves, reste une inconnue de part et d’autre de la relation pédagogique. Protégé par l’espace privé, largement méconnu de l’autre, le travail de l’élève et de l’enseignant s’anticipe d’abord mais se prolonge ensuite dans un travail autonome, qui décide pourtant en aval du destin de l’interaction. L’espace virtuel de l’apprentissage commence alors ses transformations, mais après et ailleurs que dans l’espace de la classe.

14Le cours en classe est l’objet d’un double mouvement vers l’espace de travail privé des élèves d’une part et des enseignants d’autre part. Une partie du travail ultérieur consiste donc à se redonner une seconde chance de comprendre, en dehors des explications de l’enseignant. Les élèves alors relisent les cours, mais parfois aussi les recopient, font des fiches, refont des exercices, en dehors de la présence mais aussi bien souvent de la connaissance enseignante.

15Le constat du résultat de l’activité en classe est également différé pour l’enseignant, jusqu’à l’évaluation des apprentissages, ce qui explique d’ailleurs le caractère fréquemment décevant de la correction des copies. Malgré la relation, malgré la motivation, les enseignants constatent alors parfois que les élèves n’ont pas appris ou n’ont pas compris.

16L’enseignant maîtrise ses explications, mais pas les traces, ni les méthodes avec lesquelles l’élève les retravaillera ; l’élève maîtrise ou cherche à maîtriser l’organisation de son travail, mais pas le style pédagogique d’exposition ou de travail de l’enseignant. L’élève et l’enseignant maîtrisent tour à tour le jeu des interactions orales, mais qu’en est-il réellement de leurs conséquences en termes d’apprentissage ?

17À cet égard, élèves comme enseignants sont à la fois conscients de leurs propres responsabilités face à l’apprentissage et des limites de leur action au vu de l’importance du travail de l’autre. La tentation de rejeter une partie de sa responsabilité sur l’autre conduit à une vision trouble de sa propre efficacité, accentuée par l’étirement temporel du processus d’apprentissage. Car ce que l’on est censé apprendre à un moment donné, dans une classe donnée, on ne le sait parfois qu’ailleurs et bien plus tard. Mais dans l’ensemble, ces reports, ces dissolutions et ces trajets allers-retours entre l’activité enseignante et celle de l’élève, favorisent un sentiment de brouillage de la maîtrise de l’apprentissage et de partage de ses responsabilités.

18Du coup, l’impossible partage des responsabilités en la matière favorise un double glissement de l’apprentissage vers des sphères où il apparaît moins insaisissable. En aval, comment ne pas se raccrocher aux signes évaluatifs les plus tangibles de la réussite en matière d’évaluation ? En amont ce sont les conditions que l’on pourrait appeler « suffisamment bonnes » de l’apprentissage, principalement en termes d’ordre scolaire, qui vont apparaître déterminantes : une bonne ambiance de travail et un climat suffisamment paisible.

Les tâches de l’ordre scolaire

19Mais les conditions « suffisamment bonnes » de l’apprentissage renvoient précisément à une autre partie du travail en classe, celle qui concerne l’ordre scolaire. Il peut paraître artificiel de la séparer des tâches précédentes, mais elle apparaît comme un continent relativement autonome pour ceux qui la ressentent comme un véritable travail, les enseignants eux-mêmes.

Le travail d’obéir

20Pour les élèves, l’adoption d’un comportement favorable au travail n’est pas véritablement senti comme un travail, mais plutôt comme une contrainte plus ou moins impérieuse qui peut avoir des conséquences sur le travail ultérieur.

21Le travail en classe est largement conditionné par la faculté de concentration individuelle d’une part, mais aussi, d’autre part, par les conditions collectives de l’ordre scolaire. Tous les élèves parlent de la difficulté à suivre et à travailler dans certains cours. C’est une évidence au collège, où la « classe énervée » est le lot quotidien de bien des enseignants, comme viennent l’attester autant les études sociologiques que des journaux de bord souvent très instructifs d’enseignants [16]. Les récits de désordre occupent aussi une place importante dans les discours des lycéens. Il est intéressant de noter qu’il s’analyse bien davantage, pour eux, dans le rapport à l’enseignant et au savoir que dans une optique stratégique de défoulement dans des cours de moindre importance, comme c’était le cas dans le chahut traditionnel [17]. Le chahut est dans l’ensemble peu stratégique et peu régulé, et il n’apparaît pas non plus comme la sanction obligatoire d’un cours trop difficile ou mal organisé.

22Mais la difficulté de se concentrer en cours est une expérience largement répandue, qui n’est pas forcément liée à un comportement ostensiblement déviant. Les élèves évoquant souvent les minutes d’évasion, de rêverie solitaire, d’ennui inattentif, qui en la matière peuvent être aussi dévastatrices que des bavardages ou du chahut. Mais les aléas du climat scolaire dans la classe sont véritablement les conditions de travail objectives des élèves. L’écoute, la prise de notes et la participation en dépendent, le volume du travail ultérieur également.

Les tâches de flic…

23L’envahissement du métier enseignant par les tâches liées à l’autorité est décrit certes davantage en collège qu’en lycée, davantage ou moins honteusement dans les établissements dits « difficiles » que dans les établissements dits « faciles », mais cependant d’une voix étonnement commune. L’autorité apparaît bien comme une donnée problématique pour l’ensemble des situations enseignantes. On peut d’abord la comprendre tout simplement à partir du travail qu’elle suppose. D’une part, il existe une sorte de disproportion entre l’énergie et le temps qui y sont investis et la gratification professionnelle que les enseignants peuvent en attendre : avoir tout simplement les conditions minimales pour faire cours de façon « normale » [18]. D’autre part, au fil des jours, les tâches de l’autorité apparaissent matériellement très répétitives. L’anticipation et la gestion des problèmes de comportement, la mise en place et l’application d’échelles de sanctions, mais aussi le contrôle du travail fait ou non fait, des fraudes éventuelles, parfois du matériel nécessaire, ou encore le contrôle des entrées et des sorties de classe – des moments souvent névralgiques dans les classes difficiles – sont, d’une certaine manière, toujours à faire et à refaire. Du coup, elles sont aujourd’hui décrites comme un préalable envahissant et dans l’ensemble mal considérées. Il peut s’agir d’un discrédit normatif des abus même de l’autorité, vu à partir de ses excès. À bien des moments de l’enquête, les enseignants ont réaffirmé qu’ils « ne sont pas des flics » ; la fragilité de l’ordre scolaire ne les fait nullement rêver (et c’est remarquable) d’une restauration de relations plus verticales avec les élèves, la discipline obersturmführer, comme le dit une enseignante en ajoutant que désormais, « cela ne passe plus ». Mais ils déplorent souvent que le temps et l’énergie passés à établir l’ordre scolaire les empêchent de faire ce qu’ils sentent comme leur véritable travail. Refuseraient-ils, comme on le dit parfois, l’aspect socialisateur de la conduite de classe, et l’intensification que lui a conféré la massification ? La plupart admettent qu’il est normal d’accomplir une partie de cette tâche, mais tout est, selon eux, affaire de proportion.

24À cet égard, la notion de « sale boulot » paraît pertinente même s’il convient de la nuancer [19]. L’autorité n’est sans doute pas intrinsèquement une tâche dévaluée et disqualifiée et elle donne beaucoup de plaisir narcissique aux enseignants qui se disent « sans problèmes » à ce niveau. En fait, c’est une partie de l’autorité qui est le « sale boulot », la sanction, le coup de force, l’autorité externe que l’on pourrait dire « traditionnelle », qui devient vite répressive et ne correspond plus aux normes légitimes de son exercice, qui, selon Jean-Paul Payet, se définit par l’intériorisation des règles, le dialogue et l’explicitation. Ce que les enseignants essayent ainsi de déléguer aux conseillers principaux d’éducation, c’est assumer l’exclusion de cours, et les punitions [20]. Le sale boulot, c’est au fond celui qui est rendu nécessaire par l’échec des nouvelles modalités de l’autorité, et leur « régression » à ses formes les plus traditionnelles.

25Par ailleurs, la préoccupation de la participation rentre précisément souvent en tension avec celle de l’ordre scolaire. L’expression de cet enseignant d’histoire en lycée, évoquant une de ses interventions auprès d’un élève difficile, est à cet égard caractéristique : « Tu prends ton cahier, tu écoutes, tu te tais, qu’est-ce que t’as envie de dire ? ». Ainsi, la situation normative actuelle pousse à un faire-parler / faire-taire qui n’est pas simple. Et qui de plus se double d’un paradoxe. Le discrédit du cours magistral comme norme unique de classe va théoriquement de pair avec une évolution des critères de l’ordre scolaire : le cours silencieux n’est plus l’indice d’un bon cours. Les travaux de groupe, les débats supposent un certain bruit. Or, tout se passe comme si une majorité d’enseignants avait gardé, en la matière, des normes très strictes. Ils sont très nombreux à dire que le chahut commence « lorsque deux élèves bavardent », et craignent énormément le bruit qui franchit les murs au risque d’être perceptible à l’autre enseignant, même lorsqu’il s’agit d’applaudissements ! Ils semblent vivre alors véritablement dans une sorte de disjonction normative entre les exigences proprement pédagogiques, internes à la classe, et celles de l’ordre scolaire, qui viseraient plutôt l’image que pourrait renvoyer la classe à l’extérieur.

Le jeu de la responsabilité et de la maîtrise

26Mais si l’apprentissage va de pair avec un sentiment alternatif de maîtrise et une coresponsabilité entre élèves et enseignants, les tâches de l’ordre scolaire, elles, sont sous le signe d’une dissociation symétrique. Alors que les enseignants ne se sentent jamais maîtres jusqu’au bout de l’ordre scolaire, ils s’en sentent responsables ; alors que les élèves savent pertinemment que ce sont leurs comportements qui créent les conditions de la classe, ils ne s’en sentent pas responsables jusqu’au bout.

La surresponsabilisation enseignante

27En matière d’ordre scolaire, l’enseignant est toujours individuellement sur le devant de la scène. D’ailleurs, la pérennité de l’explication par le charisme, la personnalité ou le psychisme, le signale de manière évocatrice. La représentation moderniste d’une autorité experte, qui résorberait par la maîtrise pédagogique les risques de désordre, ne rend pas compte jusqu’au bout du vécu enseignant [21]. Certes, les problèmes d’ordre scolaire sont parfois dus à une mauvaise adaptation du cours à la classe, à des défauts techniques, obscurité ou manque de structure, mais ils ne le sont pas toujours, et pas pour tout le monde. Certes, le chahut et le désordre peuvent être interprétés parfois de manière pertinente comme la sanction de relations trop verticales, une contestation larvaire contre le « mépris » enseignant [22]. Mais là encore, pas toujours, pas pour tout le monde. La responsabilisation individuelle des enseignants face à l’ordre scolaire s’engouffre dans la diversité des styles pédagogiques et même de la représentation des phénomènes de désordre. Le travail concret de conduite de la classe consiste alors à résoudre les face-à-face conflictuels avec les élèves et les classes à l’aide d’un certain nombre de compétences que l’on peut qualifier de relationnelles. L’analyse des discours permet d’en distinguer trois grands types.

28D’abord, face au verdict scolaire, ou plutôt face à des élèves connaissant des processus cumulatifs d’échec, il s’agira largement d’éviter de confondre jugement sur le travail et jugement sur la personne, afin de diminuer par son attitude le caractère potentiellement humiliant de la situation [23]. Le tact est souvent nécessaire face à des profils de mauvais élèves sans espoir [24]. Cette première compétence nécessite également en amont tout un travail d’écoute, de connaissance et de reconnaissance de la personne de l’élève. Un travail informel qui dans bien des cas est précisément préventif des difficultés. La deuxième compétence mise en œuvre est l’interprétation du langage, occasion de multiples malentendus entre enseignants et élèves, mais aussi entre élèves. C’est souvent l’intentionnalité agressive de certains mots vulgaires et argotiques qui est au centre de la transformation potentielle de la parole en incident. Les enseignants contextualisent différemment, socialement ou culturellement, l’usage oral, transgressif et ludique du langage adolescent. Là encore, l’exercice de cette compétence suppose un travail bien personnel de relativisation de sa propre histoire sociale, le recours également à des ressources existentielles acquises dans la sphère privée.

29Mais c’est aussi une dialectique subtile entre “rôle” et “personne”, qui permet précisément de mieux mesurer sa responsabilité devant les problèmes d’autorité. D’une part, il faut faire preuve d’autocontrôle, de maîtrise de soi, garder la distance sociale que permet le rôle alors que la personne est bel et bien visée. Il s’agit aussi de ne pas soi-même devenir, par une réaction disproportionnée ou trop agressive, un producteur d’incidents. Les enseignants évoquent assez souvent dans les entretiens leur envie de s’énerver, leur tentation d’en « claquer un ». Mais parfois, à l’inverse, c’est en montrant la personne réagissant sous le rôle, que l’on va réussir à préserver ce dernier. Montrer ses faiblesses personnelles est parfois aussi le seul moyen de le rendre acceptable [25]. C’est alors cet équilibre subtil entre engagement et distanciation que cherchent à réaliser les enseignants, en particulier dans les établissements difficiles. La nécessité de l’humour s’inscrit dans cette perspective. Il permet à l’enseignant de renforcer paradoxalement son rôle par le biais de la distance qu’il prend face à lui-même. En acceptant de se moquer de lui-même, l’enseignant vise à montrer un degré supérieur d’autocontrôle, que d’ailleurs les élèves ne possèdent pas toujours. Il est au plus loin de l’ironie professorale traditionnelle, qui, même lorsqu’elle est bien acceptée, s’intègre à une relation d’autorité directement verticale. L’humour, s’il renforce aussi au bout du compte l’emprise de l’enseignant, le fait en donnant crédit à une relation plus égalitaire. Une acrobatie situationnelle dans laquelle certains enseignants sont virtuoses.

30Ces compétences, comme on le voit, accentuent le caractère individuel de l’exercice de l’autorité. C’est au sein d’un style personnel que les enseignants racontent comment ils réagissent aux déstabilisations de la classe. C’est leur personnalité, leur caractère, parfois certains épisodes de leurs histoires personnelles qui décident des recours qu’ils ont, ou n’ont pas, face aux difficultés de la conduite de classe. C’est pourquoi ils se sentent aussi précisément et aussi définitivement mis en cause en matière d’ordre scolaire. En effet, c’est la perte de maîtrise initiale qui reste à leurs yeux prépondérante. Bien sûr les enseignants éprouvent une certaine fierté lorsque leurs réponses en situation “marchent”, stabilisent le jeu, restaurent la paix dans la classe, voire amènent la confusion du ou des coupables. Mais au fond, dans l’ensemble, le fait d’avoir eu à résoudre un problème est considéré comme un échec en lui-même. En la matière, le regard des pairs est sans doute déterminant. Malgré le « je ne veux pas le savoir » enseignant, le désordre est le principal objet synthétique de la réputation des autres enseignants. Le bruit de la classe d’à côté, que l’on entend sans l’entendre, est là malgré les principes, parfois de manière insistante, et alourdit parfois la tâche lorsqu’il fait contagion sur sa propre classe. La difficulté à parler de ces problèmes est un indice de plus, s’il en est besoin, du degré d’intériorisation subjective de cette problématique. Les entretiens avec les enseignants évoquent maintes et maintes fois leurs propres tentatives de paroles échouées sur le déni d’autrui, renvoyant le collègue à sa propre indignité, au lieu de lui offrir, sinon une aide efficace, un minimum d’écoute solidaire. À cet égard, le paradoxe réside parfois dans le fait que la situation, objectivement plus difficile dans les établissements de banlieue ou de quartiers à problème, est subjectivement plus confortable alors car le contexte permet précisément une atténuation de la responsabilisation individuelle de l’enseignant face à l’autorité. Elle est de plus relayée souvent par les dispositifs d’entraide formels ou informels plus collectifs des enseignants entre eux [26]. Mais même dans ce contexte-là, les problèmes de l’ordre scolaire pèsent lourd sur le travail de gestion de classe de l’enseignant.

31Bien sûr, les enseignants se déchargent symboliquement sur la « démission des parents » ou sur divers discours réactifs, mettant en cause le laxisme ou la permissivité sociale actuels, donnant lieu d’ailleurs à terme à des malaises professionnels ou à des discours parfois conservateurs. Bien sûr, les enseignants tentent souvent de se défaire de leur propre culpabilité professionnelle au travers d’une pathologisation des comportements des élèves, qui « pètent les plombs », « déraillent », sont « caractériels » ou « psychiatriques ». Néanmoins, et leurs réactions précises en témoignent lorsqu’ils s’agit non plus de généralités mais des événements ponctuels d’une journée scolaire précise, ils sont exposés à l’instabilité de l’ordre scolaire de manière essentiellement individuelle et solitaire [27], et se sentent éminemment responsables des solutions qu’ils lui donnent… ou échouent à donner.

Le dégagement juvénile

32Les élèves, quant à eux, sont dans l’ensemble conscients de leur manière de jouer, ou non, le jeu de la conformité scolaire. Ils maîtrisent le degré d’attention et d’écoute dont ils gratifient un enseignant. Vu de leur côté, le désordre est incompréhensible sans l’existence de la tierce partie qu’est le groupe de pairs [28]. En ce sens, l’ordre scolaire renvoie toujours à la dualité normative, plus ou moins poussée, dans laquelle vit le collégien ou le lycéen, entre les comportements valorisés au sein du groupe de pairs et les interdits de l’institution et des adultes. Un grand nombre d’élèves est donc souvent au spectacle, dérivant certes d’un camp à l’autre, et bien sûr, se laissant très souvent « entraîner » par l’indiscipline, dans un mouvement souple qui dans les classes en difficulté finit par opérer une contagion redoutable pour l’enseignant. On peut parler dans l’ensemble d’ambivalence, les élèves pouvant regretter a posteriori d’avoir participé au désordre ou soutenu le faiseur de troubles, la plupart d’entre eux étant profondément divisés entre les deux systèmes de normes.

33Mais ce qui est important dans les deux cas, c’est que, relativement maîtres de leur attitude, les élèves relativisent généralement leur responsabilité. Pour les spectateurs plus ou moins actifs du désordre scolaire, il se dissout dans un vécu de groupe. Pour la minorité active, il se vit et s’argumente comme une réaction à une stigmatisation scolaire qui peut agglomérer différentes dimensions. Dans les établissements difficiles, et en particulier dans les collèges, les sanctions apparaissent largement focalisées sur certaines classes et certains élèves [29]. Les phénomènes de ségrégation diffuse qui regroupent dans des mauvaises classes ou des établissements difficiles nombre d’élèves issus de l’immigration sont souvent relus par les élèves comme les cadres producteurs de tensions interethniques entre élèves et professeurs, ou même de discours racistes. Même si les élèves n’interprètent pas aussi clairement les tenants et les aboutissants de ces incidents, le thème de l’irrespect, du mépris, du désespoir scolaire est alors largement explicatif des problèmes de désordre, mais il les resitue dans une logique collective qui surplombe les responsabilités individuelles [30].

34Le contraste avec ce que vivent les enseignants est manifeste quotidiennement. Ce qui est bien souvent pour les élèves une “routine dans la routine”, l’agitation de la classe ou les distractions habituellement apportées par le “pitre”, est toujours pour l’enseignant une urgence difficile à maîtriser. La diversité des incidents possibles, la multiplicité des combinaisons juvéniles entre l’individu et le groupe empêchent les micro-événements de l’ordre scolaire de se stabiliser et de trouver des réponses réglées. Leur caractère envahissant est étroitement dépendant du procès de responsabilisation qu’il induit pour l’enseignant, dans une forme scolaire sur laquelle il n’a pas la moindre prise, si ce n’est par le recours peu considéré et d’ailleurs peu efficace de l’exclusion ponctuelle du cours. Les conditions préalables assurant l’ordre scolaire et le travail dans la classe sont pour les enseignants un espace de maîtrise particulièrement incertain. Et pourtant, ils se sentent responsabilisés, voire culpabilisés par les problèmes d’autorité et de déroulement de la classe, alors que les élèves, pris le plus souvent dans des ambiances ou des climats collectifs, ont plus de facilité à dénier leur propre responsabilité en la matière, même si c’est bien eux et eux seuls qui décident en définitive de leur comportement et de leur degré de conformité ou de déviance.

35La question des relations et des émotions devient le centre du travail enseignant, et colore à bien des égards tout le vécu professionnel, elle devient une question autonome : la conduite du cours s’articule sur une paix scolaire plus ou moins difficile à instaurer et à maintenir. La responsabilité professionnelle de l’enseignant se joue alors dans cette allure relationnelle du cours, alors que les enjeux en matière d’apprentissage sont partagés avec les élèves et dilués dans un temps plus long que celui de la classe. Pour les élèves, le travail en classe entre dans une articulation à géométrie variable avec le travail dans l’établissement et dans l’espace privé : les conditions de travail créées en partie par l’ordre scolaire, en partie par le bon vouloir de l’élève, y jouent évidemment un rôle majeur. Mais c’est du verdict scolaire que l’élève se sentira responsabilisé individuellement, et non de son travail en classe.

36L’analyse de ces dissymétries conduit alors à juger comme souhaitable un travail plus collectif sur la construction de l’autorité en classe, qui en atténuerait pour les enseignants le caractère exagérément individuel et tabou [31], et leur permettrait sans doute de s’investir plus intensément dans les problèmes de l’apprentissage stricto sensu. De même, la prise en compte de la manière dont les élèves articulent le travail en classe et le travail en dehors de l’école atténuerait sans doute son caractère problématique, d’ailleurs inégalement partagé puisque à cet égard, ce sont des ressources sociales que les élèves utilisent largement [32]. Plus généralement, en s’attachant à la manière dont, par leur travail ordinaire, élèves et enseignants s’approprient et transforment les cadres prescriptifs de leur activité, on a sans doute quelque chance de construire les cadres d’une pédagogie plus pragmatique, et plus soucieuse des conditions sociales de son exercice.

Notes

  • [1]
    Cette opposition, si elle esquisse un mouvement réel de l’analyse, ne rend pas justice, par contre, à la capacité des sociologues critiques, et en particulier Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, à pénétrer aussi dans l’ordinaire des classes, lorsqu’ils mettent en relief et en accusation les implicites ordinaires qui certes sont construits par des rapports sociaux mais qui n’en sont pas moins décrits aussi dans l’ordinaire de la relation pédagogique.
  • [2]
    Suivant la perspective interactionniste adoptée par E.?C. Hughes in Men and their work, Glencoe, The Free Press, 1958.
  • [3]
    Malgré la difficulté d’une telle évaluation, les enquêtes sur le temps déclaré de travail des enseignants varie selon les enquêtes, entre 29 et 42 heures en moyenne ; les enquêtes sur le temps de travail lycéen, y compris la nôtre, arrivent à une somme de travail hebdomadaire hors lycée de 12 heures environ, ce qui, ajouté aux heures passées dans les établissements (entre 25 et 30, parfois plus en LP), est globalement comparable.
  • [4]
    M. Tardif, C. Lessard, Le Travail enseignant au quotidien, Paris – Bruxelles, De Boeck, 1999 ; F. Dubet, Le Déclin de l’institution, Paris, Seuil, 2002.
  • [5]
    Cet article reprend les résultats de deux enquêtes de terrain, principalement qualitatives, dont l’une porte sur les lycéens et l’autre sur les enseignants de collèges et lycées. Pour le travail scolaire en collège, on s’est principalement appuyé sur d’autres travaux, en particulier menés par la Direction de l’évaluation et de la prospective. Cf. A. Barrère, Les Lycéens au travail, Paris, PUF, 1997 et Les Enseignants au travail, Paris, L’Harmattan, 2002. Les citations des entretiens, renvoyées en note de bas de page pour ne pas alourdir le texte, sont tirées de ces enquêtes.
  • [6]
    Pour reprendre certaines des formulations exactes des élèves, qui sont très nombreuses à ce sujet : « À partir du moment où on écoute en cours, parce que c’est beaucoup mieux fait et que c’est plus intéressant, ça rentre tout seul » ; « Mon cours, je le sais pratiquement quand je sors » ; « Un cours qu’on a bien suivi, on l’assimile tout de suite » ; « Mon cours, je l’ai déjà en tête quand je sors de la classe ».
  • [7]
    P. Bressoux, « Les recherches sur les effets-écoles et les effets-maîtres », Revue française de pédagogie, no 108, 1994, p. 91-137.
  • [8]
    Dans l’enquête, nous avons considéré comme « bons » des élèves ayant plus de 12 de moyenne annuelle, « moyens » des élèves ayant entre 10 et 12, « en difficulté » des élèves ayant entre 8 et 10.
  • [9]
    « En histoire, comme on fait nos cours nous-mêmes, le professeur parle, on copie et puis on prend le plus intéressant dans ce qu’il dit, donc, en fait nos cours, c’est peut-être nous qui les faisons ».
  • [10]
    Sans parler de l’université, où on ne peut exclure, même en second cycle, le recours à des cours dictés…
  • [11]
    Dans l’enquête, les élèves déclarent majoritairement être en faveur d’un plus grand contrôle du travail en classe, prise de notes, et exercices. Cf. A. Barrère, Les Lycéens au travail.
  • [12]
    P. Périer, « Enseigner dans les collèges et lycées », Les Dossiers d’Éducation et Formations, no 61, février 1996.
  • [13]
    Cet enseignant de mathématiques et cet enseignant de français arrivent au même constat : « Disons en règle générale, avec un peu de recul, on a à disposition plusieurs explications, c’est clair mais t’arrives toujours sur un truc où t’as qu’une explication… C’est ce qui fait que ça ne se passe pas très bien d’ailleurs, tu répètes, mais plus détaillé, mais en général tu t’embrouilles encore plus et t’embrouilles encore plus les élèves » ; « Moi, quand je réexplique, j’ai toujours l’impression que je le fais de manière plus compliquée. Les élèves disent : merci, monsieur, c’était pas la peine ».
  • [14]
    « Vous me demandiez tout à l’heure comment un cours peut-être euphorique, et ben, c’est quand on trouve les bonnes ficelles… pour faire parler un maximum d’élèves » ; « L’échange, il peut se faire, pas forcément au niveau compréhension, mais disons qu’il y ait une certaine curiosité des élèves, y compris de ceux qui ont du mal à comprendre, de ceux qui posent des questions » ; « Je suis très content quand j’ai mes petits gamins qui ont beaucoup de difficultés au début de l’année et qui ne participaient pas et puis, au fur et à mesure parce qu’il sont en confiance, parce que peut-être je les rassure, j’en sais rien, au fur et à mesure, ils commencent à participer ».
  • [15]
    A. Stefanou, « Les méthodes de travail des collégiens », Les Dossiers d’Éducation et Formations, no 96, décembre 1997, p. 19.
  • [16]
    Pour les premiers, cf., par exemple, F. Dubet, D. Martuccelli, À l’école, Paris, Seuil, 1996 ; pour les seconds, cf., parmi bien d’autres, J.-F. Mondot, Journal d’un prof de banlieue, Paris, Flammarion, 2000 ; N. Revol, Sale prof, Paris, Fixot, 1999 et M. Goyet, Collèges de France, Paris, Flammarion, 2003.
  • [17]
    J. Testanière, « Chahut traditionnel et chahut anomique », Revue française de sociologie, VIII, 1967.
  • [18]
    Si les enquêtes quantitatives attribuent un temps de neuf minutes en moyenne à ces tâches, ce qui sur un temps moyen de cours de cinquante-cinq minutes, représente quand même presque un cinquième du temps, ce temps s’accroît dans les classes difficiles jusqu’à être estimé à un quart du temps d’enseignement. Cf. P. Périer, « Enseigner dans les collèges et lycées ».
  • [19]
    Rappelons que pour la sociologie interactionniste des professions, le sale boulot est la partie du travail qui porte une certaine honte sociale, et que l’on a tendance à dissimuler : tels le contact avec les ordures pour les concierges ou les gestes intimes en rapport avec les excréments et le sang pour les professions médicales. Cf. E.?C. Hughes, « Le travail et le soi » [1951], in Le Regard sociologique, Paris, EHESS, 1996, p. 75-85.
  • [20]
    J.-P. Payet, « “Le sale boulot” : division morale du travail dans un collège de banlieue », Les Annales de la recherche urbaine, 75, 1997, p. 19-31.
  • [21]
    Cette représentation rend compte vraisemblablement en partie de l’écart récurrent entre les résultats de recherche concernant les difficultés enseignantes. Mes recherches, et bien d’autres, y compris quantitatives, montrent à quel point l’ordre et la prévention des incidents en classe est la priorité des enseignants dans la régulation du travail en classe. Pourtant, les résultats de questionnaires demandant aux enseignants leur avis sur leurs difficultés montrent qu’une minorité répond alors moins en termes d’ordre scolaire qu’en termes de « motivation » et de « gestion de l’hétérogénéité », un vocabulaire largement plus légitime. Pour un exemple récent des premières recherches, cf. S. Casalfiore, « La structuration de l’activité quotidienne des enseignants en classe », Revue française de pédagogie, no 138, 2002, p. 75-85 ; pour un exemple récent des secondes, cf. N. Esquieu, « La maîtrise du métier d’enseignant au bout de six ans », Éducation et Formations, no 56, 2000, p. 53-59.
  • [22]
    F. Dubet, Les Lycéens, Paris, Seuil, 1991.
  • [23]
    Comme l’affirme A. Margalit : dans une société décente, l’humiliation personnelle peut être accrue ou diminuée par les fonctionnaires, lors des interactions concernant cette situation. Cf. A. Margalit, The Decent Society, Cambridge, Harvard University Press, 1996.
  • [24]
    Dans un cas extrême, cette enseignante d’allemand a dû inventer un exercice où la réponse, faite de papiers juxtaposés possibles à déplacer, n’était jamais définitive, et donc l’erreur jamais avérée !
  • [25]
    Ainsi, après une exclusion plutôt musclée d’une élève qui l’avait agressé, cet enseignant de mathématiques de collège REP refuse de continuer le cours : « Dans le flot, y’en a un qui lance : “M’sieur, on travaille, on bosse”. De toutes façons, ça sert à rien de discuter avec vous, c’est ça que ça voulait dire… Non, on ne travaille pas, je suis trop énervé, il a fallu traîner cette fille jusque là-bas. J’étais à bout de souffle, j’ai quand même près de cinquante ans. Je suis pas en état, et je pense que vous non plus, alors, on arrête. Et bien ces gamines qui me regardaient d’un œil méchant parce que de toutes façons, c’est lui, l’adulte, c’est lui qui aura raison, quelque part, ça a tout cassé, le fait de dire, ben, non, je fais pas mon rôle de prof. »
  • [26]
    Comme en témoignent les nouvelles attentes des jeunes enseignants de collèges difficiles face à la sociabilité de la salle des profs, analysées par Martine Kherroubi dans sa contribution à ce même numéro : « L’autorité pédagogique vue de la salle des professeurs », p. 51-64.
  • [27]
    Les cas de violence scolaire avérés et rarissimes, comme le montrent les recherches, sont précisément en ce sens, et malgré leur aspect par ailleurs traumatisant, moins « responsabilisants ». Ils sont d’ailleurs, traitement médiatique oblige, finalement moins tabous.
  • [28]
    F. Dubet, D. Martuccelli, À l’école.
  • [29]
    Éric Debarbieux rappelle que les élèves les plus punis sont significativement les garçons maghrébins, les élèves en retard et ceux dont les parents sont de catégories sociales et professionnelles défavorisées, ce qui ne veut bien sûr pas forcément dire qu’ils sont les plus déviants, mais seulement le plus stigmatisés comme tels. Cf. É Debarbieux, La Violence en milieu scolaire, t. II, Paris, ESF, 1998.
  • [30]
    C’est d’ailleurs toute l’entreprise de certains dispositifs de contractualisation de l’autorité, autour du mot d’ordre de « citoyenneté scolaire » que de responsabiliser personnellement les élèves. Cf. A. Barrère, D. Martuccelli, « La citoyenneté scolaire : vers la définition d’une problématique sociologique », Revue française de sociologie, XXXIX-4, 1998, p. 651-671.
  • [31]
    A. Barrère, « Pourquoi les enseignants ne travaillent-ils pas en équipe ? », Sociologie du travail, no 44, 2002, p. 481-497.
  • [32]
    Les parents et les grands frères et sœurs y contribuent largement et différentiellement en fonction de leur niveau d’étude, mais la morphologie des loisirs et la maîtrise du temps sont aussi des facteurs décisifs. Cf. A. Barrère, « Pour la maîtrise du temps privé comme compétence scolaire », in Les Lycéens au travail, et B. Lahire, Tableaux de familles, Paris, Seuil – Gallimard (Hautes études), 1995.
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