Notes
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[1]
Philoctète, pièce donnée en 409 av. J.-C.
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[2]
Vers 183-184.
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[3]
Dictionnaire historique de la langue française, A. Rey (dir.), Paris, Le Robert, 1992, p. 131.
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[4]
G. Devereux, De l’angoisse à la méthode dans les sciences du comportement, Paris, Flammarion, 1980.
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[5]
Je renvoie pour cet aspect à l’étonnante étude de Pierre Legendre sur le sens profond, symbolique et collectif de la danse classique dans notre civilisation occidentale : La Passion d’être un autre. Étude pour la danse, Paris, Seuil, 1978, 1993, 2000.
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[6]
M. Buber, Je et Tu, Paris, Aubier, 1992.
-
[7]
E. Traverso, La Violence nazie, une généalogie européenne, Paris, La Fabrique, 2002.
-
[8]
Cf. par exemple P. Legendre, Leçons I, la 901e conclusion. Étude sur le théâtre de la Raison, Paris, Fayard, 1998, p. 138.
-
[9]
Ibid., p. 116 sq.
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[10]
M. Buber, Je et Tu, et E. Levinas, Entre nous : essais sur le penser-à-l’autre, Paris, Grasset, 1991.
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[11]
Identification première selon Nathalie Zaltzman, De la guérison psychanalytique, Paris, PUF, 1998, et La Résistance de l’humain. Homo Sacer, l’homme tuable, Paris, PUF, 1999.
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[12]
A. Didier-Weill, Les Trois Temps de la Loi, Paris, Seuil, 1995.
-
[13]
P. Legendre, De la société comme texte, linéaments d’une anthropologie dogmatique, Paris, Fayard, 2001, p. 47.
-
[14]
P. Aulagnier, Un interprète en quête de sens, Paris, Payot, 1991.
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[15]
Dictionnaire historique de la langue française, p. 1344.
1 Au cours d’une escale qui le conduisait avec sept vaisseaux vers les murailles de Troie, Philoctète est mordu par un serpent ; comme sa blessure s’était envenimée et qu’elle exhalait une odeur insupportable, il fut accompagné par ses compagnons sur l’île de Lemnos. Mais au terme de dix années de combats, les Grecs n’ont pas obtenu la victoire ; ils ont même subi de durs revers, Patrocle est tué, Achille succombe, Ajax frappé par la folie se donne la mort. Le devin Hélénos révèle qu’il faut ramener Philoctète qui, en effet, possède l’arc d’Héraclès – ce à quoi vont s’employer, dans la pièce de Sophocle [1], Ulysse et Néoptolème, fils d’Achille. Mais il faut encore convaincre Philoctète, ce qui ne peut aboutir sans tout un jeu de ruses et de dissimulations, tant sur les identités des uns et des autres que sur le but : s’emparer de l’arc invincible.
2 « Privé de tout, loin de tout compagnon, au milieu des bêtes velues » [2], Philoctète est l’objet d’une triple relégation, d’un triple interdit : le verdict des dieux, la décision des Atrides, son abandon sur l’île qui le projette aux marges de l’humanité, au point que même son nom est oublié ou impossible à prononcer, tant il est terrifiant.
3 Mais en même temps, tout peut se renverser : la parole double de l’oracle, les mensonges de Néoptolème et d’Ulysse, l’intervention miraculeuse d’Héraclès sur la scène à la fin de la pièce, qui énonce une autre loi, celle de la raison qui est aussi celle de la piété.
Assujettir – asservir
4 Le terme assujettir porte en lui-même une première ambiguïté [3] : rendre sujet, esclave. Voilà aussitôt posée la contradiction : est-ce que sujet et esclave sont des synonymes ? Esclave se dit d’une personne qui n’est pas de condition libre et vit sous la dépendance absolue d’un maître dont elle est la propriété. Que peut-on transposer de cette définition au mot sujet ? Quel est le rapport de ce concept avec les notions de liberté, de dépendance, d’absolu, de maître, de propriété ? Le dictionnaire Robert nous donne asservir comme synonyme d’assujettir. Asservi, au Moyen Âge, signifiait bas moralement. Sujet est-il porteur de cette idée de dégradation ? Asservir a aussi été employé pour dire contraindre ou maîtriser la nature ou ses passions : contrainte et maîtrise apparaissent là, associées, dans un sens valorisé. Qu’en serait-il de nos jours, dans notre univers occidental qui rêve de maîtrise absolue et rejette tout aussi absolument l’idée de contrainte ? Asservir est de la même famille que servile, serf, d’un côté, et que servir, service, serviable de l’autre : là, l’ambivalence se répartit entre les mots. Mais certains d’entre eux sont nettement bipolaires : serviteur, servante, servitude peuvent être compris avec la dimension du rabaissement ou au contraire celle de l’approbation. Tout dépend du type de valeurs qui sous-tend notre interprétation (par exemple humilité contre honneur / superbe), de la confusion que nous faisons ou pas entre humiliation et humilité, de ce qu’est pour chacun l’humain “vertical”, la dignité. Serviteur apparaît positivement dans les traductions de la Bible, et pourtant il est parfois confondu avec esclave ; est-ce bien le même sens ? De même servitude a pu renvoyer à l’état d’esclavage comme à l’état d’un homme livré au péché, ce qui pose la question non plus de l’asservissement mais de la nature de ce qui asservit ; si l’on ajoute le sens médiéval de redevance due au seigneur, et également la notion juridique encore actuelle de restriction d’un droit pour cause d’intérêt général ou d’utilité publique, il faut se demander pourquoi on doit quelque chose, et à qui on le doit. Avec le dernier sens sont introduits à la fois le bien et le groupe, la communauté. Enfin, servilité signifiait au XVIe siècle à la fois dévouement à l’égard de quelqu’un et complète soumission, particulièrement dans le registre amoureux dont on sait bien qu’il est par excellence le lieu de l’ambivalence, le théâtre où se révèle le plus clairement le rapport contrarié de l’homme à sa propre maturation psychoaffective, à son inscription relative dans la dimension symbolique. Quant à service, que nous percevons de façon plutôt positive, il provient du latin servitium, condition d’esclave.
5 Il semblerait que le mot latin servus soit lui-même porteur de cette bipolarité : il a donné le latin servire, être esclave, à l’origine de servir, lui-même très ambivalent, et dans le sens méconnu de gardien de troupeaux, il a donné le latin servare, garder, protéger, à l’origine de conserver, préserver. Ainsi Caïn peut-il répondre à Dieu, après avoir tué Abel : « Suis-je donc le gardien de mon frère ? ». Même s’il s’agit d’une autre langue, d’une autre famille linguistique, il est tentant d’y retrouver la même problématique. Il y a dans cette réponse le désaveu d’un certain lien, et c’est la nature de ce lien qu’il faut questionner.
6 D’ailleurs, au XVIIe siècle, assujettir, dont les acceptions se confondent globalement avec celles d’asservir, prend aussi le sens, technique, de maintenir en place. Si l’on applique métaphoriquement ce sens à l’homme, sur la base du postulat que tous les sens communiquent entre eux pour la pensée consciente ou non, de quelle place s’agit-il ici, quelle est cette place souhaitable de l’expression en place, quelle est cette “juste” place ?
7 Nous trouvons donc dans le champ sémantique d’asservir, donné comme synonyme d’assujettir, la même bivalence que dans le champ de ce dernier terme autour de sa racine, sujet. Nous allons retrouver le même système de notions interprétables positivement ou négativement selon qu’elles recouvrent des réalités respectueuses ou non de la structuration de l’humain, individuel ou collectif, ou selon qu’elles sont ou non interprétées comme telles. Faisons un tour d’horizon. Sujet-sujette : personne soumise à l’autorité d’une autre, sous la dépendance d’une autorité souveraine dans le système féodal (1393) / justiciable, vassal, tenancier / soumis à une nécessité, exposé par sa constitution à faire ou subir quelque chose / soumis par la loi à une obligation (1538), « sujet à caution » / tenir quelqu’un sujet : lui laisser très peu de liberté (XIXe siècle). Sujétion : syn. soumission, assujettissement : situation d’une personne soumise à une autorité contraignante ou souveraine / action de soumettre.
8 Nous discernons là encore des notions liées à ce qui crée un état de dépendance, de contrainte, de lien, d’obligation. Se côtoient la souveraineté, l’autorité, la justice, le droit, l’idée de nécessité, de subir, d’être exposé donc menacé, la soumission et la privation de liberté. Leur articulation ne va pas de soi. Comment faut-il les évaluer, les placer sur notre échelle axiologique ? Faut-il accepter, approuver, ou rejeter, condamner ? Comment savoir si l’on est du côté de la dignité ou de la dégradation ? Lorsque l’on est assujetti, faut-il chercher à s’émanciper, à sortir de la condition de mancipium, esclave ou chose acquise ? À moins que les deux termes assujetti et émancipé ne soient pas exactement antonymes ?
Sujet – objet
9 Poursuivons notre quête des significations par comparaison et différenciation. Lat. sub-jectum, jeté sous, opposé à ob-jectum, jeté en avant, devant soi.
10 On peut percevoir de la violence du terme jeter, l’idée que quelque chose est infligé ; par ailleurs, jeté sous quoi ? Et en quoi ce qui est jeté devant soi s’oppose-t-il à ce qui est jeté sous ?
11 Il est vrai que le découpage du monde en catégories conceptuelles et le phénomène du langage, dont le système linguistique n’est qu’un aspect qui a longtemps été confondu avec le phénomène entier, ne sont pas dissociables. L’histoire des idées et l’histoire des théories linguistiques montre que la pensée occidentale, grecque, puis chrétienne, et enfin scientifique, a toujours retourné en tous sens ce problème du lien entre les mots et les choses, la pensée et le réel, problème d’adéquation ou d’interférence, problème de la présence ou non d’un écart, d’une transcendance, d’une dimension extérieure à l’homme ou d’une altérité dans le rapport de l’homme au réel via l’idée et le mot, autrement dit la question de la fonction de représentation qui spécifie l’espèce humaine.
12 Sujet : ce qui est soumis à la réflexion, contenu de pensée sur lequel s’est exercé le talent créateur de l’auteur. Voici qu’à côté de la notion de soumission à une autorité apparaît, en ce XVIe siècle d’ouverture au monde et de prise en main de son destin par l’individu, l’idée de l’homme lui-même comme auteur et créateur, propriétés jusque-là plutôt réservées au Créateur divin. Cela signe un tournant dans la conception de l’homme et de son rapport au monde et au divin. Auprès de l’autorité souveraine de Dieu et / ou du seigneur vient se ranger, avant de s’y substituer, celle de la pensée et de l’individu-auteur. Quel est le sens de ce changement et quelles en sont les conséquences ? Entre la soumission totale qui le fige et l’illusion d’affranchissement de toute dépendance, bien étroite est la ligne de crête sur laquelle l’homme s’individue, advient à lui-même dans une nécessaire relation à un absolu auquel il lui est interdit de s’identifier ; et pour ne pas céder à cette tentation d’omnipotence, il lui faut garder sous les yeux, dans sa représentation, sous une forme ou une autre, cette dimension de l’absolu à laquelle il reste relié et à distance. Mais l’homme fonctionne comme un balancier qui oscille entre les deux pôles extrêmes sans pouvoir s’arrêter au point d’équilibre. Après une ère d’écrasement de l’individuation par la structure groupale, ce moment de l’histoire est l’amorce d’un retour vers l’autre pôle. Il est vrai toutefois qu’à chaque déséquilibre, la pensée symbolisée progresse ; mais un écart considérable existe toujours entre ce que la pensée élabore et ce que les individus et les peuples se font vivre.
13 Ce qui fournit matière, occasion à une action, à un sentiment (motif, motivation, raison, cause). Au sujet de, à propos de, en ce qui concerne. Ce qui est représenté ou évoqué (sujet d’un tableau). Pour le grammairien mot considéré comme point de départ de l’énoncé, à propos duquel on exprime quelque chose. On sent bien là une possible confusion entre ce qui est à l’origine, à la source, et ce qui est visé par le mouvement déclenché, ce qui est “en vue”. Il s’agit pourtant d’une différence essentielle, qui caractérise l’écart entre sujet et objet, mais cet écart a l’épaisseur d’un point, d’ailleurs inexistant durant la période inaugurale de la vie psychique de l’être humain, où la cause et l’effet, la source et le but, l’originaire et l’ultime ne sont pas encore différenciés, avant l’entrée de l’enfant dans le langage. En même temps, ici, cet écart fragile se manifeste bien à travers l’idée de relation à quelque chose et de médiation, la mise en relation de soi avec quelque chose par l’intermédiaire d’un troisième terme, langage ou tableau. Ce quelque chose, le représenté, est la source elle-même, le sujet, et la représentation, ce qui est projeté devant, extériorisé pour être mis sous les yeux et face à la pensée par des mots ou des images, c’est l’objet. Nous reviendrons sur cette procédure psychique capitale qui déjà se pressent dans ces définitions.
14 Être vivant dont les caractéristiques conviennent pour réaliser certaines expériences, soumis à l’observation : dès la fin du XVIe siècle, la définition de sujet se rapproche dangereusement de celle d’objet, d’autant que par la suite, cet être vivant sera un être humain. Le mot objet lui-même se trouvant non plus pris seulement dans son sens de représentation, ce qui est placé sous les yeux, mais aussi confondu avec le mot chose (dans son sens développé dès le XVIe siècle de réalité matérielle non vivante, autrement dit l’inerte soumis à la maîtrise humaine), confusion dont l’expansion mènera les peuples occidentaux très loin dans la destruction de leur humanité. Nous connaissons bien ce dévoiement que les tenants de l’esprit scientifique puis de sa version absolutisée, le scientisme, ont promue en procédure nécessaire et vertueuse ; Georges Devereux, dans un précieux ouvrage [4], en a indiqué les dangers à la fois éthiques et scientifiques, montrant ainsi, par la même occasion, le caractère indissociable de ces deux dimensions en ce qui concerne les sciences de l’homme. Il a par ailleurs mis au jour les fonctionnements psychiques défensifs qui sous-tendent cette conception faussée. Ces fonctionnements des psychismes individuels sont à articuler avec l’état de (dé)symbolisation du discours culturel fondateur de toute la société à un moment donné, lequel moment est lui-même à interpréter comme inscrit dans l’évolution historique de cette société et de son système d’interprétation du monde.
15 Personne considérée par rapport à ce que l’on peut attendre d’elle, par rapport à ses qualités : bon ou mauvais sujet / danseur : grand ou petit sujet dans la hiérarchie de l’Opéra. Ces significations évoquent cette fois davantage le lien ou la dette de l’individu vis-à-vis du groupe, l’idée d’un contrat, puisque la collectivité semble ici en droit d’attendre de ses membres leur mise en conformité avec un ordre des choses, du monde et des valeurs qui sert de référence commune et par rapport auquel s’effectue une évaluation des êtres. Il est intéressant de rapprocher du registre de la danse cette notion d’évaluation par rapport à un modèle partagé. La danse est en effet le lieu privilégié de la mise en forme de l’humain selon l’idéal groupal, de la transfiguration du corps brut en Image divine, conforme au Texte. Le Texte, ce sont toutes ces significations collectives, intériorisées, inconscientes, vers lesquelles nous tendons de tout notre désir polarisé par l’Idéal, cet inaccessible qui appelle, aimante notre mouvement vers la verticalité [5].
16 XIXe siècle, Kant. Subjekt : l’être pensant, le siège de la connaissance par opposition à objet. Actuellement, ce sens se substitue à l’autre sens quasiment contraire de sujet comme être observable. Conscience rationnelle puis élargie à des éléments inconscients (Freud, Lacan). Sujet parlant, sujet désirant. La fétichisation historique de la conscience rationnelle est à l’origine de la confusion entre sujet et objet dans le registre des sciences. L’humain s’est trouvé clivé entre un sujet-chercheur (ou qui se croyait tel) et un objet-observé. Mais comme G. Devereux, M. Buber [6] ou Freud l’on montré, transformer l’autre en objet, le déshumaniser entraîne de s’abolir aussi soi-même comme sujet humain. Et ériger cette pratique psychique désymbolisée et donc défensive, inconsciente, en système dogmatique a accéléré le processus historique occidental de désymbolisation qui s’est manifesté dans ses conquêtes coloniales, auxquelles sont affiliées les deux guerres mondiales [7], et ce que Pierre Legendre appelle le posthitlérisme comme conséquence actuelle issue de la dernière [8]. Freud apparaît donc bien comme une brèche dans cette idéologie qui, ne s’y trompant pas, l’a combattu en le délégitimant pour essayer ensuite de « ressaisir », selon un processus pervers actif dans notre société, sa découverte si dérangeante, afin de s’en servir comme caution car elle faisait tout de même entendre une vérité (certes insoutenable pour des Occidentaux), celle de l’inconscient qui nous régit. Du même coup, elle en désamorçait les effets subversifs pour le système. En quoi la découverte freudienne est-elle en partie neutralisée, récupérée ? Cela se manifeste entre autres par la perversion de l’acception psychanalytique du mot sujet, parlant ou désirant. L’idéologie ambiante véhiculée par le langage courant l’a transformée en son contraire, sujet signifiant alors individu libre de toute contrainte, de toute limite, de toute dette, auto-fondé, créateur et maître de sa propre “loi” en dehors de la Loi symbolique partagée.
Assujettir : rendre sujet
17 Il s’est produit, dans l’évolution historique de la pensée occidentale, un phénomène de fragmentation de la relationalité, de dissolution des relations entre des instances du psychisme qui forment système et qui conditionnent notre humanisation. Pierre Legendre montre que la fonction de représentation, dont dépendent à la fois la capacité de pensée et l’émergence de chacun comme sujet, est le résultat d’un montage, qu’il décrit à partir de l’observation suivante [9] : un enfant, qui commence à peine à parler, se reconnaît sur des photographies et se désigne, par son prénom, sur le mode de l’objet : « ça c’est X ». P. Legendre y reconnaît l’entrée de l’enfant dans la structure ternaire spécifique de la symbolisation : deux termes que sépare un troisième, et qui de ce fait entrent en vis-à-vis, en relation. Les deux termes d’une relation impossible sans l’écart, l’espace qu’interpose entre eux un tiers. L’enfant qui se reconnaît et se désigne lui-même rejoue, pour l’intérioriser, l’ensemble de la structure triangulaire, il occupe simultanément les trois places : soi-même désirant / parlant comme sujet, source ; sa propre représentation sous la forme de l’image et du prénom qui l’identifie, la lui présente comme sienne, l’objet ; et enfin le pouvoir séparateur, le tiers de la loi symbolique commune à toute l’humanité, cette dimension transcendante absolue de l’écart entre l’homme et soi-même, l’autre, le monde. Par cet écart infligé, et ici rejoué, le sujet et l’objet émergent l’un à l’autre. L’individu-sujet, source de son désir et de sa parole, apparaît en même temps que sa propre représentation : leur existence est interdépendante ; tout homme, pour émerger à soi-même dans cette capacité de dédoublement, de réflexivité qui différencie l’homme des autres espèces, doit pouvoir se « voir », représenté, à l’extérieur de soi. Le prénom est la médiation, le lien qui fait passerelle dans l’entre-deux ainsi ouvert, et qui spécifie l’entre-appartenance entre le sujet et son image. Entre-appartenance ne signifiant pas confusion : les deux restent séparés, le sujet étant définitivement irréductible à son image.
Assujetti, mais à quoi ?
18 Telle est la fonction de représentation qui s’applique d’abord à soi, pour s’étendre à l’ensemble du monde. Ainsi seulement l’homme et le monde deviennent-ils pensables par l’homme, à travers le phénomène du dédoublement et de (re)présentation, de mise sous les yeux, par le truchement d’un support externe, avant d’être ensuite intériorisés. Ce dédoublement résulte de l’intervention, transmise et imposée à l’enfant, du pouvoir séparateur dont le paradigme le plus connu est l’interdit de l’inceste. Inceste est synonyme de confusion, refus ou déni de la séparation entre les êtres et à l’intérieur d’eux-mêmes, rejet de la différenciation, de l’attribution à chaque humain d’une place à la fois limitée, unique et inaliénable selon l’universelle structuration généalogique (la fameuse « juste place ») qui lui interdit de les occuper toutes. Nous comprenons à présent que sujet et objet renvoient l’un à l’autre sans se confondre. Qu’en conclure, lorsque les significations conscientes partagées tendent à abolir leur différenciation structurelle ?
19 Subjectif, au XXe siècle, signifie, en médecine, droit et philosophie, ce qui renvoie à l’individu seul, à ses intérêts personnels, à ce que lui seul perçoit, à introspection, au sens de ce qui ne correspond pas à un objet extérieur, apparent (symptôme, droits, méthode subjectifs). Il y a là un glissement de sens : une confusion entre le sujet, dont on a vu que son apparition (et son maintien, cf. le nazisme basé sur son déni) dépend d’un système de relations, c’est-à-dire de reconnaissance réciproque donc de capacité à se « voir » l’un l’autre, et l’individu, ce qui ne peut être divisé, entité inaltérable et insulaire, autarcique, autosuffisante, qui prévaut actuellement dans notre représentation de l’humain. L’humanité de l’homme, sa présence en tant que sujet capable d’en reconnaître d’autres, de percevoir par la médiation de leur visage [10] l’humanité qu’il partage avec eux, ne peut advenir en dehors de la relation à soi, aux autres hommes, à une collectivité, à l’espèce entière [11], aux générations précédentes. Que peut être, dans ces conditions, cette insularité que promeut l’individualisme contemporain, sinon une illusion dont le seul résultat est l’isolement des hommes, leur déstructuration individuelle et collective ? Comment peut-on déplorer la dissolution des liens sociaux tout en adhérant à un système dogmatique perverti puisque basé sur le déni de la relationalité multidimensionnelle qui structure et spécifie l’humain ?
20 Si, sur la base de la synonymie précédemment explorée, nous posons que le sujet est celui qui est capable de servir, examinons les sens principaux de ce mot : être sous la dépendance de, se mettre au service de, être dévoué à, être utile à. Également : honorer, s’acquitter d’obligations envers. Ce qui apparaît, à travers l’ambivalence de cette juxtaposition, c’est le fil du rasoir sur lequel se tient l’homme lui-même, dans son processus de symbolisation, de maturation ; Pierre Legendre dit que l’homme déteste autant qu’il désire sa propre humanisation. Cette humanisation, c’est son degré d’allégeance à la Loi symbolique universelle, celle qui sépare, certes de façon contraignante, le psychisme du nouveau-né de celui de sa mère placé en position d’absolu. À cette fusion absolue, inaugurale et “paradisiaque” (dans le fantasme de la nostalgie, mais pas dans la réalité de la psychose !) doit succéder l’absolu de la Loi qui appartient à l’espèce entière et est due à chaque individu pour le faire advenir à lui-même. Cette nécessaire opération se vit dans la souffrance, même si son bénéfice en est la vie même, et son essentiel inachèvement est cause de la permanence en l’homme de son ambivalence à l’égard de la Loi commune.
21 Accepter de quitter la Mère mythique inaugurale, c’est accepter sa propre mort : on en sort vivant mais par conséquent mortel. L’immortel, psychotique, n’est pas un mort mais un non-vivant. Il ne désire ni ne parle en son nom propre, et n’accède pas à la rencontre avec l’autre. Lui est insulaire, ce qui ne le met pas à l’abri de la persécution, bien au contraire. Est-ce cela l’idéal collectif proposé / imposé par nos sociétés occidentales ? Il est vrai que les images (par exemple publicitaires, ou encore véhiculées par l’idéologie des entreprises ou des formations commerciales / managériales) exhibées sur la scène commune comme supports de cet idéal sont davantage du côté de la perversion que de la psychose : nous sommes invités à nous identifier à celui qui se rend maître de la Loi universelle trans-générationnelle : celui qui ne se plie à aucune allégeance, ne se reconnaît aucun lien de dette, se vit hors transmission et peut par conséquent être, lui, le créancier universel. Lui ne doit rien, c’est le monde, indifférencié, qui lui doit. De façon inextinguible, absolue. Aucune frustration ne peut lui être supportable, elle lui est même une injure radicale en tant que marque de la Loi de la mortalité / finitude commune qui s’inflige à tous. Mais pas à lui ! Illusion de toute-puissance des débuts de la vie, jamais dépassée. Comment dans ce cas accéderait-il à la sensibilité à l’autre, à la capacité d’empathie ou de compassion ? Être capable d’imaginer la souffrance de l’autre implique qu’on ait d’abord pu reconnaître la sienne propre. Comment un être tout-puissant / immortel pourrait-il être atteint par la souffrance ? C’est au contraire lui qui a le pouvoir, telle la mort, de faire souffrir les autres, preuve de son invulnérabilité. Dans le meilleur des cas il les tient dans une totale indifférence, ne percevant même pas leur présence. C’est ainsi que la « dogmatique » marchande (contradiction dans les termes) actuelle nous présente l’homme idéal que nous devons tendre à être ; mieux, que nous pouvons à l’instant incarner ! Les résultats en termes de délitement social et dans les psychismes ne sont pas, eux, illusoires.
Peut-on ne pas être assujetti ?
22 Pour en revenir aux significations de servir, personne actuellement ne se sent, ne doit se sentir sous la dépendance de quoi que ce soit. Le mépris et la dérision sont la réponse que le pervers, l’homme qui a toute-puissance sur la Loi et sur les autres, fait aux valeurs d’humanité, de sensibilité, qui produisent le désir de servir, de se dévouer. La perversion, le retournement en son contraire, entache de honte les dimensions les plus humaines de l’homme, les défigure en marques de faiblesse, car l’humain symbolisé est justement celui qui a renoncé à occuper l’imposant volume du surhomme tout-puissant de l’illusion archaïque. En contrepartie de son dégonflement psychique, il accède à la sensibilité à soi et à l’autre, c’est-à-dire à soi comme sujet. Ce don précieux, il le doit à la Loi symbolique à laquelle il est donc assujetti. Là est le si important rapport de dette (à la Loi de l’espèce et non pas à un autre homme qui en usurperait la position absolue) où chacun pour s’humaniser doit entrer, et que dénie l’idéologie perverse actuelle. Certes, tout homme est tenté par ce déni, nous en avons la trace dans la bipolarité entre l’humilité et l’hybris (mépris pour la finitude et refus de renoncer à l’omnipotence), qui se manifeste dans les définitions que nous avons examinées, indice de l’ambivalence qui nous habite tous ; mais la civilisation occidentale, surtout dans sa version nord-américaine, pose à ciel ouvert ce déni en lieu et place de l’idéal d’humanisation de l’homme. C’est ce rapport de dette, qui implique effectivement contrainte et allégeance, mais aussi liberté d’accéder à soi et à son humanité, qu’il faut entendre par assujettissement, et non la dégradation de l’homme en chose, qui est au contraire le résultat du refus de l’assujettissement à la Loi symbolique. L’homme hors de toute dépendance n’est qu’une illusion : celui qui la cultive se prive de son humanité et détruit les autres, inexorablement ; de quelle liberté s’agit-il dans ces conditions ? Le pervers n’est-il pas inféodé à la nécessité de toujours combattre tout ce qui viendrait démentir son illusion, lui faire entendre qu’il mourra bien aussi et en étant de surcroît passé à côté de sa vie ? Si assujettissement insupportable il y a, n’est-ce pas plutôt celui-ci : assujetti à l’illusion de liberté absolue qui vous fait rater votre existence et éventuellement en détruire d’autres aussi ?
23 Le lot de l’humain qui se structure, c’est-à-dire qui reçoit, par contrainte, de l’espèce son inscription symbolique pour y être inscrit, est un mélange indécidable d’imposition, de conditions favorables qui doivent lui être assurées par ses ascendants (lesquels ainsi répondent de leur propre rapport à la dette) et d’un « consentement » [12] de sa part difficile à définir car il est inconscient, donc non libre, et de surcroît dépendant des conditions, extérieures à lui, de son avènement ; mais en même temps, ce consentement fait toute la différence entre l’adhésion de l’homme à sa structuration symbolique et la programmation instinctuelle de l’animal qui n’a donc pas le choix. L’homme a-t-il le choix ? Il semble que non, qu’il est aussi inféodé à son déterminisme symbolique que l’animal à son déterminisme instinctuel. Et pourtant il faut postuler que oui. C’est une nécessité structurale pour, là encore, préserver l’écart entre l’absolu qui clôt le destin en le fixant et l’homme qui doit pouvoir se déplacer, c’est-à-dire changer, créer, au sein de sa finitude.
24 C’est donc un contresens pervers de confondre cet assujettissement de l’homme à la Loi symbolisante avec la réduction à l’état d’esclave, de chose que l’on peut acquérir ; il serait intéressant ici de signaler, au passage, le rôle destructurant car réifiant que joue l’argent fétichisé, désymbolisé, qui au lieu d’être un représentant des relations entre les hommes comme il l’était pour les Anciens Hébreux, se transforme en outil porteur du pouvoir absolu auto-octroyé de certains hommes de convertir en choses, en marchandises, donc de mettre sous leur emprise les autres hommes et l’univers entier. Main basse sur la Loi commune, sur la transcendantalité, sur l’ordre symbolique. Ne restent plus que le dieu qu’ils incarnent et les choses qui sont en leur pouvoir. C’est alors “l’assujettissement” des uns comme des autres à leur déshumanisation, à leur privation de soi en tant que sujet.
25 Le sujet est une personne, de persona, lat., masque. Notion surprenante et éminemment suspecte pour les hommes chosifiants / chosifiés de l’Occident actuel ! C’est que nous ne comprenons plus le sens profond de la théâtralité par laquelle toute société humaine donne à voir et donc rend pensables à ses membres le monde et l’homme. Pourtant, nous ne sommes titulaires de notre humanité que par la médiation d’une représentation collective de cette humanité que nous devons intérioriser dès l’enfance, par transmission générationnelle, afin d’y « croire », d’y adhérer non seulement consciemment mais aussi inconsciemment ; il s’agit d’une « fiction », comme dirait P. Legendre, à l’instar du masque ou du rôle qui nous présente l’homme depuis la scène collective, mais qui n’a rien de « faux » (confusion habituelle) même si elle n’appartient pas au registre des choses, de la matière. Le fait est qu’elle produit des effets bien réels d’humanisation. J’en veux pour preuve les destructions bien réelles, elles aussi, que déchaînent le déni, l’abolition de cette représentation collective de l’humain que nous avons tous à intérioriser et transmettre. La fonction de représentation spécifique de l’espèce humaine exige cette vision : nous n’avons pas accès directement à la réalité du monde mais seulement à travers sa mise en scène, sa représentation théâtralisée dans laquelle chaque sujet joue son rôle, et qui doit impérativement montrer à tous la juste relation entre l’humain et le sacré, et les conséquences de sa perversion. Le Philoctète de Sophocle, le Caïn de la Bible avec son signe divin sur le front, le Jacob resté boiteux après sa lutte avec l’Ange en sont autant d’images.
26 « Société », selon Isidore de Séville cité par P. Legendre [13], veut dire « ceux qui vont ensemble sous le même symbole », autrement dit ils se reconnaissent dans la même mise en scène où ils identifient le lieu sacré d’où provient le pouvoir légitime dont, par conséquent, ils acceptent les contraintes normatives indispensables à toute vie collective.
27 Pour l’homme, basculer dans le sacré, c’est sortir de l’assujettissement à la Loi et traverser la frontière qui sépare l’humain de l’absolu. Ainsi mettait-on à mort, dans l’Antiquité romaine, celui qui franchissait l’enceinte de la ville sans passer par la porte. Tout est donc théâtre au sens fort, c’est-à-dire mise en images chargées de sens qui font advenir le réel. Celui qui transgresse les règles de la mise en scène subvertit les places et les rôles, en particulier en intervertissant ceux des dieux et des hommes, ne se retrouve pas simplement “libéré” de la Loi : il est exclu de la communauté humaine et donc aliéné (rendu étranger à lui-même, alien), dépossédé de soi-même, tant il est vrai que le mot homme ne signifie rien d’autre qu’une relationalité dans un rapport de dette à une Loi commune qui en est la condition de possibilité. Telle est la Loi du triangle que représente parfaitement le symbolon grec dont les deux termes sont reliés par la distance et la ligne de fracture qui les séparent. Là encore, cette image identifiée par des mots crée un sens, un lien, une réalité.
28 La confusion entre fiction et faux vient de la confusion entre l’imaginaire (les images qui peuvent n’appartenir qu’à chacun, dans son privé ou dans son délire) et le symbolique, cette Loi collective de reconnaissance de notre humanité commune et de la structure ternaire qui la fait advenir. Cette Loi symbolique met aussi l’imaginaire à son service pour se faire intérioriser puisqu’il faut bien la mettre en images pour s’en donner une représentation, ce qui seul la rend perceptible et pensable à notre psychisme [14].
29 Cette confusion vient aussi de la pulsion d’emprise de l’homme occidental sur tout ce qui lui résiste : or par essence le symbolique est le résultat du consentement à la non-maîtrise sur ce qui nous transcende, le symbolique lui-même. Il y a là un lâcher-prise, une acceptation qu’une certaine classe mondialisée d’homme moderne, “post-moderne”, même, ne saurait supporter : il entend produire lui-même, par la seule puissance de sa pensée consciente, un substitut d’ordre symbolique qui mettra l’humanité entière à ses ordres puisqu’il pourra la façonner de manière qu’elle réponde exactement à ses attentes. S’il dénie la théâtralité symbolique collective, il sait pourtant bien la récupérer à son profit, mais de façon dissimulée, sous couvert du scientisme et du pragmatisme financier conjugués, les fameuses « lois » auxquelles on ne peut rien.
30 Le fantasme si ancien et universel de l’homme-dieu qui crée et domine l’homme-chose créé par lui fonctionne à plein dans notre culture américaine / européenne. Le respect, cet écart que la théâtralité instituante impose à l’homme entre lui-même et sa violence, est délégitimé par “l’homme objectif ”, ce substitut actuel d’idéal d’humanité qui veut recouvrir / abolir la “personne”, avatar pourtant occidental, lui aussi, de cet humain plus ou moins intériorisé / joué par tous dans les différentes cultures, donc dépendant de la scène collective ; cet “homme objectif ” (de objectivité : caractère de ce qui est indépendant [15]) se veut indépendant de la scène que dorénavant il surplombe et crée lui-même, dans un acte d’autofondation, d’appropriation de sa propre origine. De cette scène, il veut croire qu’il peut évacuer l’humain simplement humain comme trop humble et faible, et dépeupler le monde de ses relations qui laisseraient la place au seul absolu dédoublé entre les dieux et les choses, dans un unique rapport de force et d’utilisation.
31 Après le colonialisme et le nazisme, puis face à l’idéologie néo-libérale de marchandisation absolue actuelle qui veut englober l’ensemble du monde, quelle réaction l’humanité va-t-elle avoir face à la lutte entre la destruction persistante de sa symbolicité et la résistance de cette dernière ? Quel versant de sa bipolarité, dans ou hors Loi symbolique, l’interprétation de l’assujettissement par la majorité d’entre nous va-t-elle privilégier ? À présent, la responsabilité en incombe à chacun, toute réponse, même par abstention, valant engagement.
32 Ce qu’Ulysse “aux mille tours” noue et dénoue à sa façon. Dans un premier temps, il doit, à l’égard de Philoctète, recourir au mensonge pour que les Athéniens renouent avec une symbolicité fondatrice ; mais dans un deuxième temps, en dévoilant à Philoctète la raison de ses machineries, il permet à ce dernier de défaire les chaînes de sa relégation.
Notes
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[1]
Philoctète, pièce donnée en 409 av. J.-C.
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[2]
Vers 183-184.
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[3]
Dictionnaire historique de la langue française, A. Rey (dir.), Paris, Le Robert, 1992, p. 131.
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[4]
G. Devereux, De l’angoisse à la méthode dans les sciences du comportement, Paris, Flammarion, 1980.
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[5]
Je renvoie pour cet aspect à l’étonnante étude de Pierre Legendre sur le sens profond, symbolique et collectif de la danse classique dans notre civilisation occidentale : La Passion d’être un autre. Étude pour la danse, Paris, Seuil, 1978, 1993, 2000.
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[6]
M. Buber, Je et Tu, Paris, Aubier, 1992.
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[7]
E. Traverso, La Violence nazie, une généalogie européenne, Paris, La Fabrique, 2002.
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[8]
Cf. par exemple P. Legendre, Leçons I, la 901e conclusion. Étude sur le théâtre de la Raison, Paris, Fayard, 1998, p. 138.
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[9]
Ibid., p. 116 sq.
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[10]
M. Buber, Je et Tu, et E. Levinas, Entre nous : essais sur le penser-à-l’autre, Paris, Grasset, 1991.
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[11]
Identification première selon Nathalie Zaltzman, De la guérison psychanalytique, Paris, PUF, 1998, et La Résistance de l’humain. Homo Sacer, l’homme tuable, Paris, PUF, 1999.
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[12]
A. Didier-Weill, Les Trois Temps de la Loi, Paris, Seuil, 1995.
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[13]
P. Legendre, De la société comme texte, linéaments d’une anthropologie dogmatique, Paris, Fayard, 2001, p. 47.
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[14]
P. Aulagnier, Un interprète en quête de sens, Paris, Payot, 1991.
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[15]
Dictionnaire historique de la langue française, p. 1344.