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Article de revue

Le voyage, le journal et les journalistes au xixe siècle

Pages 46 à 56

Notes

  • [1]
    Sylvain Venayre, « La presse de voyage », article à paraître dans le volume collectif La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse au xixe siècle (sur ce projet, voir Dominique Kalifa et Alain Vaillant, « Pour une histoire culturelle et littéraire de la presse au xixe siècle », Le Temps des Médias, n° 2, printemps 2004, p.197-214).
  • [2]
    Voir Marc Martin, Les Grands Reporters. Les débuts du journalisme moderne, Paris, Audibert, 2005 et Myriam Boucharenc, L’Ecrivain-reporter au cœur des années trente, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2004.
  • [3]
    L’Encyclopédie signalait par ailleurs qu’« on donne aujourd’hui le nom de journal à des ouvrages qui contiennent le détail de ce qui se passe journellement en Europe », tout en renvoyant, pour cette définition particulière de l’imprimé périodique, à l’article « gazette » également dû à Voltaire.
  • [4]
    Yasmine Marcil, La Fureur des voyages. Les récits de voyage dans la presse périodique (1750-1789), Paris, Champion, 2006.
  • [5]
    Hélène Blais, Voyages au Grand Océan. Géographies du Pacifique et colonisation, Paris, Éditions du CTHS, 2005, p.200.
  • [6]
    Voir les articles sur la presse dans Jean-François Zorn (dir.), L’Appel à la mission. Formes et évolution. xixe-xxe siècles, Lyon, Université Jean-Moulin / Facultés catholiques, 1989.
  • [7]
    Thomas Loué, La Revue des Deux-Mondes, de Buloz à Brunetière. De la belle époque de la revue à la revue de la Belle Époque, Lille, Presses du Septentrion, 1999.
  • [8]
    Voir Marie Palewska, « Le Journal des Voyages », Le Rocambole, n° 5 et 6, 1998 et 1999. Il faut lui ajouter le Magasin d’éducation et de récréation, créé en 1864 par Jules Hetzel et Jean Macé et qui consacra, dans les dix premières années de son existence, un quart de sa surface rédactionnelle aux romans de Jules Verne, lequel fut d’ailleurs associé à la direction du journal à partir de 1868.
  • [9]
    Sur tout cela, voir Sylvain Venayre, « L’éternel retour ? Les fins de romans de Jules Verne », dans Jules Verne ou les inventions romanesques, Amiens, Encrage, à paraître.
  • [10]
    Jules Verne, Cinq semaines en ballon (1863), Paris, Le Livre de Poche, 1994, p.12.
  • [11]
    Voir Philippe Antoine, Les Récits de voyage de Chateaubriand. Contribution à l’étude d’un genre, Paris, Champion, 1997 et Alain Guyot et Roland Le Huenen, L’Itinéraire de Paris à Jérusalem de Chateaubriand. L’invention du voyage romantique, Paris, PUPS, 2006.
  • [12]
    Marie-Eve Thérenty, Mosaïques. Etre écrivain entre presse et roman (1829-1836), Paris, Champion, 2003.
  • [13]
    Théophile Gautier, Voyage en Espagne (1843), éd. de J.-C. Berchet, Paris, GF-Flammarion, 1981.
  • [14]
    Henri Béraud, Le Flâneur salarié, Paris, Éditions de France, 1927.
  • [15]
    Walter Benjamin, Paris capitale du xixe siècle : le livre des passages, trad. J. Lacoste, Paris, Cerf, 1989. On peut penser à la définition que Gérard de Nerval donnait de son voyage en Allemagne et en Alsace : « Je fais ici une tournée de flâneur et non des descriptions régulières. Pardonnez-moi de rendre compte de Strasbourg comme d’un vaudeville. Je n’ai ici nulle mission artistique ou littéraire, je n’inspecte pas les monuments, je n’étudie aucun système pénitentiaire, je ne me livre à aucune considération d’histoire ni de statistique, et je regrette seulement de n’être pas arrivé à Strasbourg dans la saison du jambon, de la sauercraüt et du foie gras. » (Lorely, cité dans Friedrich Wolfzettel, Ce désir de vagabondage cosmopolite. Wege und Entwicklung des französischen Reiseberichts im 19. Jahrhundert, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 1986).
  • [16]
    Sur la rupture des années 1870, voir Pascal Durand, « Crise de presse. Le journalisme au péril du “reportage” (France 1870-1890) », Quaderni, n° 24, automne 1994, p.123-152.
  • [17]
    Voir ce qui constitue très explicitement, dans le récit, le point de départ du voyage de Fleming : « Dans le secret de mon cœur, je préfère et je préférerai toujours, je le crains, le petit monde des annonces à celui, vaste et imbécile, auquel les pages éditoriales du Times offrent un si fidèle miroir. Les annonces vous entraînent dans un monde palpitant où les amoureux se pressent à des rendez-vous rituels (“même endroit, même heure”) ; où l’on oublie ses bijoux dans des taxis en route pour des lieux de rêve. Bref, un monde peuplé d’aristocrates surannés quelque peu mangés aux mites, anciens d’Eton et antiques Ladies ; un monde possédé par le démon de l’entreprise, où tels diplômés d’Oxford, maîtrisant seulement cinq langues européennes, sont de taille moyenne, possèdent un permis de conduire et se déclarent prêts à partir n’importe où pour faire n’importe quoi ; un monde de sacrifices héroïques et soudains (“cause départ”) où tout objet a une “valeur sentimentale”, où tout jeune homme se trouve physiquement “très bien”, où toute référence est “très” sérieuse. Un monde où plane l’angoisse, l’urgence, le mystère : un monde où tout peut arriver… “Expédition exploratrice et sportive, sous la direction d’un guide expérimenté. Départ juin, expl. Rivières intérieures Brésil et si possible retrouver Colonel Fawcett ; gibier petit et gros abondant ; pêche exceptionnelle ; place encore pour deux fusils ; références très sérieuses souhaitées. Écrire boîte postale X, le Times, E.C. 4.” » (Un aventurier au Brésil (1933), Paris, Phébus, 1990, p.24). Sur l’imaginaire de l’aventure et du reportage à cette époque, voir Sylvain Venayre, La Gloire de l’aventure. Genèse d’une mystique moderne. 1850-1940, Paris, Aubier, 2002, p.203-206.
  • [18]
    Adelbert von Chamisso, Voyage autour du monde. 1815-1818, éd. de H. A. Baatsch, Paris, Le Sycomore, 1981, p.37.
  • [19]
    Voir Nicole Hafid-Martin, Voyage et connaissance au tournant des Lumières (1780-1820), Oxford, Voltaire Foundation, 1995.
  • [20]
    Sur les quatre âges de la presse illustrée au xixe siècle, voir Jean-Pierre Bacot, La Presse illustrée au xixe siècle : une histoire oubliée, Limoges, Pulim, 2005.
  • [21]
    Prospectus du Magasin pittoresque, 9 février 1833.
  • [22]
    Remarquons que, parmi les quatre fondateurs de L’Illustration se trouvaient Edouard Charton, sur le chemin qui devait le mener du Magasin pittoresque au Tour du Monde, et Adolphe Joanne, le futur auteur de la collection de guides de voyages du même nom. Voir notamment Marie-Laure Aurenche, Edouard Charton et l’invention du Magasin pittoresque (1833-1870), Paris, Champion, 2002.
  • [23]
    Ibid.
  • [24]
    Prospectus du Musée des familles, signé Jules Janin, 1er octobre 1833.
  • [25]
    Voir Marta Caraion, Pour fixer la trace : photographie, littérature et voyage au milieu du xixe siècle, Genève, Droz, 2003.
  • [26]
    Marie-Eve Thérenty, « Les “vagabonds du télégraphe” : représentations et poétiques du grand reportage avant 1914 », Sociétés et représentations, n° 21, avril 2006, p.101-115.
  • [27]
    François de Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem (1811), éd. de J.-C. Berchet, Paris, Gallimard/Folio, 2005, p.56.
  • [28]
    Sur ce modèle, voir Friedrich Wolfzettel, Le Discours du voyageur : pour une histoire littéraire du récit de voyage en France, du Moyen Âge au xviiie siècle, Paris, PUF, 1996.
  • [29]
    Forbin, Voyage dans le Levant, Paris, Imprimerie Royale, 1819, p.248 (cité dans Sarga Moussa, La Relation orientale. Enquête sur la communication dans les récits de voyage en Orient (1811-1861), Paris, Klincksieck, 1995, p.29).
  • [30]
    Ibid.
  • [31]
    Stendhal, Promenades dans Rome (1829), éd. de V. Del Litto, Paris, Gallimard/Folio, 1997 p.209.

1L’histoire qu’on se propose d’examiner ici n’est pas celle du progressif avènement, au xixe siècle, d’une presse spécialisée dans le voyage, faite ailleurs [1], ni celle de la généalogie du grand reportage, sur laquelle existent plusieurs études sérieuses [2]. Il serait du reste présomptueux, dans les limites de cet article, de brosser un panorama complet des rapports régissant la presse, comprise comme l’ensemble des publications périodiques et des institutions qui les produisent, et le voyage, sous toutes ses formes, sur l’ensemble du xixe siècle. On s’en tiendra donc à un objectif plus modeste, quoique problématique : essayer de mesurer en quoi la seule évocation du « journal » ou des « journalistes », tout au long du xixe siècle, a pu faire se lever des images du voyage. Une telle réflexion ne s’inscrit ni dans une histoire des formes culturelles prises par les journaux, ni dans celle des modalités sociales et politiques de la construction du métier de journaliste ; elle relève plutôt d’une histoire de la conception que l’on pouvait se faire autrefois du journal et, partant, des journalistes qui le produisaient. Evidemment, même ainsi formulée, l’ambition reste démesurée – et l’on ne soumettra que des réflexions indicatives, en cherchant d’abord à repérer des ruptures et des continuités à l’œuvre dans le long siècle qui s’étend de 1800 à 1914.

2La quête des continuités est sans doute la plus féconde, qui nous permet de questionner certaines affirmations parfois hâtivement formulées : ainsi de l’idée selon laquelle il conviendrait de distinguer une presse du premier xixe siècle, peu sensible aux nouvelles des mondes lointains, et une presse du second xixe siècle, qui lui ferait la part belle – ou encore de l’idée selon laquelle le journaliste des deux premiers tiers du siècle, casanier et littéraire, s’effacerait progressivement à la fin du siècle pour laisser la place à un professionnel du déplacement et de l’observation dont le grand reporter constituerait, au début du xxe siècle, la figure idéalisée. Reprenons donc une partie du dossier qui étaye ces affirmations, à partir de l’étude du discours tenu sur les rapports du voyage et de la presse, par ceux qui ont vécu cette époque.

Le journal, point d’arrivée du voyage

3Et d’abord, cette évidence : le voyage, alors, s’achevait dans le journal. La presse du xixe siècle était en cela l’héritière de celle du xviiie siècle qui définissait le journal, avec L’Encyclopédie, comme un « ouvrage périodique, qui contient les extraits des livres nouvellement imprimés, avec un détail des découvertes que l’on fait tous les jours dans les Arts & dans les Sciences [3] ». Or ces « découvertes » – une notion si souvent mise en scène dans le discours géographique du xixe siècle – furent de plus en plus précisément mises en relation avec le voyage. Des années 1750 aux années 1780, les journaux multiplièrent le nombre de comptes rendus de récits de voyage par trois [4]. Les résultats du voyage se retrouvaient régulièrement dans le journal où ils étaient présentés, discutés et critiqués si fréquemment que le journal pouvait bien être défini, dans le sillage de L’Encyclopédie, comme un des lieux majeurs de l’expression du voyage. « Lire le journal », c’était entrer en contact avec le monde du voyage et un tel rapprochement demeura vrai tout au long du xixe siècle, même si ce dernier abolit rapidement la distinction classique entre le « journal » et la « gazette ». C’était d’autant plus vrai que les résultats officiels des nombreuses expéditions scientifiques organisées par les institutions publiques du xixe siècle, savantes ou militaires, devaient attendre de longues années d’examen critique au sein des académies avant de faire l’objet d’une publication en volume. Si les officiers de la Bonite, par exemple, de retour en 1837 d’une expédition de deux ans dans l’Océan Pacifique, commencèrent à publier les résultats de leurs recherches en 1840, ils n’achevèrent leurs travaux qu’en… 1864, date de la publication du dernier volume de botanique [5]. Et encore ces volumes étaient-ils édités à très peu d’exemplaires destinés d’abord aux bibliothèques savantes et au personnel politique, pour un prix extrêmement élevé. Un tel mode de diffusion des connaissances acquises par les voyages scientifiques impliquait bien évidemment la nécessité que des publicistes eussent alors travaillé à la rédaction d’écrits de vulgarisation – lesquels étaient destinés, d’abord, aux journaux.

4Toute une presse fit ainsi une large place, dans ses colonnes, à des comptes rendus ou à des extraits de nombreux types de récits de voyages. Ce pouvaient être des journaux émanant des institutions directement intéressées par ces voyages. Il en allait ainsi des Annales maritimes et coloniales, qui dépendaient du ministère de la Marine. Il en allait de même, dans un autre ordre d’idées, des journaux religieux – les catholiques Annales de la Propagation de la Foi (1825), le protestant Journal des Missions évangéliques (1826), pour ne citer que les deux plus célèbres –, lesquels, reprenant l’exemple classique des Lettres édifiantes des Jésuites, prétendaient tout autant diffuser des connaissances qu’exalter le martyre des missionnaires, afin de consolider la foi de leurs lecteurs et de convaincre ceux-ci de faire les dons nécessaires à l’œuvre d’évangélisation entreprise outre-mer [6]. Mais ce pouvait être, tout aussi bien, des publications indépendantes, parfois directement issues de l’Ancien Régime – le Mercure de France, par exemple –, parfois fondées au xixe siècle sur des principes hérités du xviiie siècle, à l’image de la Revue britannique (1825), de la Revue de Paris (1829) ou encore de la Revue des Deux-Mondes (1829), dont le premier titre était du reste Journal des Voyages[7]. La multiplication, par la suite, de titres de journaux de plus en plus spécialisés dans le voyage ne doit donc pas faire oublier que la logique unissant le journal et le voyage ne fut pas une invention du xixe siècle, mais qu’au contraire elle lui préexistait au point de rendre compte de l’existence même du journal. L’émergence des périodiques géographiques – dans le sillage des Annales (1807), puis Nouvelles Annales des Voyages (1819) de Malte-Brun, et du Bulletin de la Société de Géographie de Paris (1822) –, la multiplication des revues de vulgarisation, plus ou moins luxueuses, pour les adultes (Le Tour du Monde, 1860) ou pour les enfants (le Journal des Voyages, 1877 [8]), manifestèrent certes l’intérêt croissant du siècle pour le développement des connaissances géographiques. Elles ne sauraient toutefois être considérées comme l’apparition d’une homologie nouvelle entre le voyage et la presse ; et le voyage, sous toutes ses formes, fut bel et bien présent, très au-delà de la seule presse spécialisée, dans l’ensemble des publications périodiques, sur tout le xixe siècle.

5Un exemple majeur peut nous permettre de mesurer la prégnance de cette conception du journal comme point d’arrivée du voyage dans la seconde moitié du siècle : celui de Jules Verne. Le journal constitue en effet un motif récurrent des fins de chacun des Voyages extraordinaires, sur le modèle donné, dès 1866, par les Voyages et aventures du capitaine Hatteras : « La nouvelle de la grande découverte courut sur tous les fils télégraphiques du Royaume-Uni avec la rapidité de la foudre ; les journaux inscrivirent le nom d’Hatteras en tête de leurs colonnes comme celui d’un martyr, et l’Angleterre tressaillit d’orgueil. » Verne s’employa en effet à finir les voyages de ses romans par l’évocation de journaux très divers. Le Voyage au centre de la terre est ainsi publié dans « les journaux les plus accrédités », les aventures des écoliers naufragés de Deux ans de vacances sont racontées dans les « journaux des Deux Mondes », « les journaux de l’Union » publient l’histoire de Maître du Monde, « le Chi-Bao de Pékin et le Chinese-Times de Tien-Tsin » s’emparent de l’histoire vécue par le reporter Claudius Bombarnac, et Le Petit Marseillais publie, comme tous les journaux du monde entier, la note d’Alcide Pierdeux dans Sans dessus dessous, ce qui permet à celui-ci d’être invité à dîner par le père de sa fiancée. Situés dans des journaux appartenant à tous les genres de presse, les articles évoqués par Verne manifestent le retour au pays de voyageurs dont la modernité est soulignée par la modernité même du médium. On ne s’étonnera pas, en effet, que les quelques chiffres des tirages cités par Verne, à partir de la fin des années 1860, correspondent, quoique exagérés dans la mesure même de l’exagération des Voyages extraordinaires, aux dimensions de la presse populaire apparue à cette époque : « le Daily Telegraph fit un tirage de neuf cent soixante dix-sept mille exemplaires le jour où il publia un extrait du voyage » du docteur Ferguson en 1863 ; le New York Herald tire jusqu’à cinq millions d’exemplaires lorsqu’il publie le Voyage à la Lune en 1870. Très souvent, donc, la figure du journal conclut le voyage des héros verniens, dans une célébration tout à la fois de l’unité de la planète (il suffit d’observer pour s’en convaincre la fréquence de la référence à la notion d’opinion mondiale à la fin des romans de Verne) et d’un rythme social nouveau, qui apparaît du même coup, simultanément, comme celui du journal et du voyage. Chacune des fins des Voyages extraordinaires de Jules Verne est ainsi très précisément datée – année, mois, jour systématiquement, et jusqu’à l’heure parfois –, redoublant le nouveau rythme du temps que le siècle avait imposé et que le journal, par sa périodicité régulière comme par son attention portée au temps court de l’information, manifestait alors avec le plus de visibilité [9].

Le journal, point de départ du voyage

6Le journal, cela dit, n’apparaît pas qu’aux derniers moments des Voyages extraordinaires. Dès les premières pages de Cinq semaines en ballon – le premier titre du cycle romanesque de Verne –, la presse se fait ainsi l’écho de la tentative de voyage du docteur Ferguson : « Sans compter les journaux du monde entier, il n’y eut pas de recueil scientifique, depuis le Journal des Missions évangéliques jusqu’à la Revue algérienne et coloniale, depuis les Annales de la Propagation de la Foi jusqu’au Church Missionary Intelligencer, qui ne relatât le fait sous toutes ses formes [10]. » Ce faisant, Verne rendait compte, dès le début de son œuvre, d’une autre caractéristique majeure des rapports du journal et du voyage depuis le début du xixe siècle : le point de départ du voyage, bien souvent, se situait dans le journal.

7C’était vrai d’abord en ce que le journal, dès les commencements du siècle, tendait à devenir le prescripteur du voyage. Une telle évolution doit être mise en relation avec l’avènement du récit de voyage romantique, c’est-à-dire avec l’avènement d’un genre littéraire neuf, dont l’intérêt ne relevait plus seulement des connaissances objectives rapportées par le voyageur mais de la qualité de l’expression des sentiments, des émotions, des aventures qui avaient été les siennes lors de son voyage. Ainsi, si l’on veut bien considérer l’Itinéraire de Paris à Jérusalem de Chateaubriand comme le premier des grands récits de voyage romantique [11], force est de constater que, si son existence a dépendu de multiples facteurs, l’un d’entre eux fut bien le soutien alors accordé au voyageur par le Mercure de France. Le journal annonça le départ de l’auteur du Génie du christianisme, donna régulièrement de ses nouvelles lors de son déplacement, publia quelques-unes de ses lettres avant d’entreprendre, jusqu’à sa condamnation par les autorités de l’Empire, la publication, par fragments, du récit de voyage de Chateaubriand. Du même coup, ce dernier entendait, grâce au journal, se faire rembourser au moins une partie des frais de son voyage. Or, une telle pratique fut de plus en plus répandue au cours du xixe siècle. On sait, par exemple, de quelle façon George Sand dut, en 1834, en appeler au directeur de la Revue des Deux-Mondes, Buloz, pour se faire rapatrier d’Italie en échange de quelques « Lettres d’un voyageur » publiées par la revue [12]. On connaît aussi la carrière féconde, en ce domaine, d’un Théophile Gautier – signant par exemple « un feuilletoniste » les fragments de son Voyage en Espagne paru en 1843 dans La Presse[13]. Ainsi se diffusa progressivement la pratique consistant, pour le journal, à financer le voyage d’un écrivain sur un lieu dont il devait rapporter un récit, lequel, écrit à la première personne et soumis à l’exigence du code romantique de « l’impression », n’en prétendait pas moins dire la vérité sur ce qu’il avait vu. En ce sens, si la formule de Henri Béraud, désignant comme « flâneur salarié » la figure héroïque du journalisme moderne, date des années 1920 [14], on doit bien avoir conscience que ses origines sont profondément ancrées dans ce xixe siècle – et, pour être plus précis, cette première moitié du xixe siècle – dont le flâneur fut, au reste, une des figures archétypales [15]. Certes, à partir des années 1870, le modèle du special correspondant en Afrique noire du New York Herald Henry Morton Stanley, l’assomption du reporter comme idéal du journalisme, la logique d’auto-promotion de journaux utilisant pour cela l’imaginaire du voyage (à l’image du Matin envoyant son propre reporter Gustave Stiegler battre en 1900 le record de Philéas Fogg d’un tour du monde en quatre-vingts jours), modifia considérablement la logique selon laquelle le journal était le point de départ du voyage. Mais, il est important de le noter, cette logique préexistait aux années 1870 [16].

8De même certains lieux communs, concernant les rapports du journal et du voyage, n’attendirent pas pour s’épanouir les temps des gloires mêlées du reportage et de l’aventure. Il en va ainsi, par exemple, du motif du voyageur décidant de son périple à la lecture des entrefilets ou des petites annonces du journal, tel que Peter Fleming, par exemple, a pu le célébrer dans Brazilian Adventure (1933) [17]. Chamisso, au début du xixe siècle, racontait une histoire très similaire : « Un jour, par hasard, chez Jules Edouard Hitzig, je tombai sur un article de gazette où l’on annonçait, de manière embrouillée, le prochain départ d’une expédition de découverte des Russes en direction du pôle nord. “Je voudrais être avec ces Russes au pôle nord !” m’écriai-je avec humeur tout en tapant du pied [18]. » Et Chamisso, déjà auteur de Peter Schlemihl, une rêverie sur les causes du désir de voyage scientifique [19], de réaliser le vœu formulé à la lecture du journal en s’engageant comme botaniste dans l’expédition Romanzov, et accumulant, pendant trois ans, les observations et les recherches savantes tout autour de l’Océan Pacifique. L’exemple est ici aussi exceptionnel que le voyage lui-même. Il n’en procède pas moins d’une logique très commune du xixe siècle, par laquelle le journal était, avec l’affiche, le principal annonceur des départs, fussent-ils aussi rares que ceux des expéditions scientifiques, ou aussi fréquents que ceux des bateaux à vapeur ou des trains, pour lesquels toute une presse spécialisée se mit progressivement en place, à l’image du célèbre Indicateur des chemins de fer (1849) de Napoléon Chaix – ou encore, dans un autre ordre d’idées, du Pèlerin (1873) des Pères assomptionnistes. La rêverie d’un Chamisso ou d’un Fleming emporta ces derniers au bout du monde ; celle, bien connue, d’un Proust, pour relever de la même logique, ne conduisit celui-ci qu’en Normandie, avec d’ailleurs une régularité et une répétition qui étaient celles-là mêmes de la publication des horaires des départs des trains dans le journal. Toutes procédaient de la même image, extrêmement répandue tout au long du xixe siècle, d’un journal considéré comme un des points de départ du voyage à venir.

9À ces considérations, il convient d’ajouter le bouleversement que constitua, dans l’ordre des pratiques de lecture, l’émergence de la presse illustrée dans les années 1830 [20]. Dès l’apparition des premiers grands hebdomadaires illustrées – le Magasin pittoresque et le Musée des familles en 1833 – fut ainsi postulée une équivalence originale entre le voyage et le journal. D’une part, les nouveaux journaux entendirent promener leurs lecteurs tout autour de la planète, leur montrer des choses « venant de tous les pays, de l’Indostan et de la Chine, aussi bien que de l’Islande, de la Laponie, de Tombouctou, de Rome ou de Paris [21] ». Suivis en cela par les grands périodiques illustrés qui leur succédèrent – de L’Illustration[22] (1843) aux suppléments illustrés des grands quotidiens, essentiellement ceux du Petit Parisien (1889) et du Petit Journal (1890), en passant par Le Tour du Monde et le Journal des Voyages, déjà mentionnés –, ils exprimèrent l’idée d’une identité entre la lecture du journal illustré et la pratique du voyage d’apprentissage, telle que le xviiie siècle en avait promu un modèle original en la figure du « Grand Tour ». C’était bien ainsi, de fait, que le saint-simonien Edouard Charton imaginait l’influence de son Magasin pittoresque – « à la manière de cette éducation générale que les classes de la société riches en loisirs doivent à des relations habituelles avec les hommes distingués, à des lectures variées, choisies, et aux souvenirs de voyages [23] ». D’autre part, du fait même de l’existence des illustrations, ces journaux se présentaient à leurs lecteurs comme autant de voyages, en jouant sur l’identification du voyageur au voyeur – sur l’idée selon laquelle l’expérience du voyage est d’abord une expérience visuelle : « Ce sera comme un voyage perpétuel et varié », écrit Jules Janin en présentant le Musée des familles, « fertile en détails pittoresques et sans cesse animé par de nouveaux incidents. […] Aujourd’hui plus que jamais on aime les récits des voyageurs. […] Nous aurons donc soin, avant tout, de bien voir pour vous dire après ce que nous aurons vu [24]. » Dans une telle perspective, qui fut celle de la presse illustrée durant tout le xixe siècle, ouvrir son journal, c’était partir en voyage – un voyage certes imaginaire, mais qui n’en traduisait pas moins la réalité du monde, ce qu’attestaient d’une part les illustrations, dont les journaux prenaient soin de préciser qu’elles avait été faites « d’après nature », par le voyageur lui-même ou sur ses indications, voire, à partir des années 1840, « d’après photographie [25] » ; d’autre part l’usage par le journaliste de la première personne du singulier, laquelle authentifiait les observations faites par le récit de l’expérience vécue [26].

Le voyageur et le journaliste

10Cette dernière réflexion doit nous conduire à préciser les figures croisées du journaliste et du voyageur, telles qu’elles se donnaient alors à voir, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des pages des journaux.

11L’avènement du code romantique des « impressions » de voyage, tout particulièrement, doit ici être bien compris. Lorsque Chateaubriand écrit, dans l’Itinéraire de Paris à Jérusalem, que le voyageur est une « espèce d’historien [27] », il ne fait pas autre chose que réitérer l’impérieux devoir de vérité qui incombait aux voyageurs de l’âge classique. L’importance de l’assertion vient en fait des formes nouvelles prises par l’expression du moi dans le récit du voyage. Ce faisant, en effet, Chateaubriand souligne qu’il n’y a pas de contradiction entre l’expression de l’individualité du voyageur et la véracité des observations que celui-ci rapporte. Au contraire, le « je » est désormais garant de l’authenticité des faits dont il a été le témoin. En ce sens, le voyageur du xixe siècle n’est pas exactement cet « historien » qu’il est encore pour Chateaubriand soumis malgré tout, en 1811, au modèle du voyage classique [28]. De fait, l’historien n’est pas témoin des événements qu’il rapporte et ne peut être, de ce point de vue, comparé avec rigueur au voyageur nouveau dont Chateaubriand, avec d’autres, dessinait alors les contours. Lecteur admiratif de l’Itinéraire et auteur lui-même d’un Voyage dans le Levant publié en 1819, le comte de Forbin témoigne bien davantage que son illustre devancier de l’analogie imposée par les formes nouvelles du récit de voyage au xixe siècle en écrivant : « Les voyageurs sont, pour ainsi dire, les journalistes du monde [29]. » Et Forbin de justifier son équivalence en mobilisant le code en formation du récit romantique : « J’écris ce que je vois, ce qui me frappe. Ces notes, si insuffisantes pour les autres, ne sont que le miroir de mes impressions [30]. » Ainsi le voyageur nouveau, proposant explicitement un point de vue subjectif dont l’expression est désormais soumise au code esthétique des impressions, s’écarte-t-il de la figure de l’historien – lequel embrasse la totalité de l’objet qu’il étudie et n’est pas dépendant, en théorie, de l’esthétique romantique – pour se rapprocher de la figure de celui qui, à cette époque, commence à représenter le mieux la tension entre l’exigence de vérité et la nécessité du point de vue subjectif : le journaliste.

12L’avènement du « reporter », par la suite, ne fit que renforcer le sentiment de cette équivalence entre le voyageur et le journaliste. L’exemple bien connu des Promenades dans Rome de Stendhal, publiées en 1829, est particulièrement éclairant. On sait que c’est dans ce livre qu’apparaît, pour une des premières fois, sinon la première, le terme de « reporter » : « on cite plusieurs reporters de journaux anglais », écrit Stendhal, « dont le voyage en Italie est défrayé par les lettres qu’ils font insérer dans le Times ou le Morning Chronicle[31] » – manifestant ainsi cet avènement récent du journal prescripteur du voyage, dont nous avons déjà parlé. Mais Stendhal pousse jusqu’au dévoiement cette logique nouvelle de l’identité du voyageur et du journaliste en se servant de son autorité de voyageur pour raconter à son lecteur l’élection du nouveau pape Pie VIII, soulignant que les prix des logements à Rome pour l’occasion étaient exorbitants, se montrant lui-même à la fenêtre basse du palais du Vatican en train d’observer une distribution d’aumônes aux pauvres et jugeant « magnifiques » les cérémonies de la Semaine Sainte qui avaient suivi32. Or Stendhal était rentré à Paris avant l’élection du nouveau Pape. Non seulement il n’était pas présent lors de ces cérémonies qu’il raconta ensuite en tant que voyageur, mais ce ne fut précisément que grâce à la lecture des journaux parisiens qu’il avait pu écrire cette partie de son récit de voyage.

13Bien des lieux communs concernant l’identité du voyage et du journal étaient donc en place dès le début du xixe siècle. Par la suite, l’augmentation exponentielle du discours de presse sur le voyage, l’augmentation du nombre de titres de périodiques prenant le voyage pour objet, l’apparition d’une presse illustrée se donnant elle-même comme voyage renforcèrent cette identité proclamée ; mais elles ne la créèrent pas. Il ne s’agit pas ici de nier la rupture des années 1870, qui marquèrent les débuts de l’héroïsation de la figure du reporter (via tout autant Stanley que les Jolivet et Blount du Michel Strogoff de 1876), à l’origine de mutations profondes tant dans l’imaginaire d’une profession désormais en voie d’institutionnalisation que dans le domaine des pratiques d’écriture de presse. Mais il convient de se rappeler que l’homologie du journaliste et du voyageur préexistait à la figure du reporter, telle qu’elle triompha dans le dernier quart du siècle – et que l’écriture même du reportage, mélange de revendication de vérité et de mise en scène de l’écrivain, procède fondamentalement de la rupture que l’âge romantique avait introduite dans l’ordre du récit de voyage. Ainsi comprend-on mieux ce qui s’est passé dans les années 1870 : une accélération considérable du mouvement par lequel l’identité du voyage et du journal, fondatrice de l’imaginaire de la presse, s’est déplacée en direction d’une catégorie particulière du monde de la presse, inconnue au xviiie siècle, en croissance rapide depuis le début du xixe siècle et plus encore depuis la fin des années 1860 : le journal quotidien. Ainsi se précise le sens du triomphe de la figure renouvelée du reporter, dans le dernier quart du siècle ; celui-ci manifesta le recentrage de l’imaginaire du voyage, lequel était consubstantiel au journal depuis le xviiie siècle, autour de ce qui apparaissait désormais comme les deux caractéristiques fondamentales de la presse moderne : la quotidienneté et l’actualité.

Notes

  • [1]
    Sylvain Venayre, « La presse de voyage », article à paraître dans le volume collectif La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse au xixe siècle (sur ce projet, voir Dominique Kalifa et Alain Vaillant, « Pour une histoire culturelle et littéraire de la presse au xixe siècle », Le Temps des Médias, n° 2, printemps 2004, p.197-214).
  • [2]
    Voir Marc Martin, Les Grands Reporters. Les débuts du journalisme moderne, Paris, Audibert, 2005 et Myriam Boucharenc, L’Ecrivain-reporter au cœur des années trente, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2004.
  • [3]
    L’Encyclopédie signalait par ailleurs qu’« on donne aujourd’hui le nom de journal à des ouvrages qui contiennent le détail de ce qui se passe journellement en Europe », tout en renvoyant, pour cette définition particulière de l’imprimé périodique, à l’article « gazette » également dû à Voltaire.
  • [4]
    Yasmine Marcil, La Fureur des voyages. Les récits de voyage dans la presse périodique (1750-1789), Paris, Champion, 2006.
  • [5]
    Hélène Blais, Voyages au Grand Océan. Géographies du Pacifique et colonisation, Paris, Éditions du CTHS, 2005, p.200.
  • [6]
    Voir les articles sur la presse dans Jean-François Zorn (dir.), L’Appel à la mission. Formes et évolution. xixe-xxe siècles, Lyon, Université Jean-Moulin / Facultés catholiques, 1989.
  • [7]
    Thomas Loué, La Revue des Deux-Mondes, de Buloz à Brunetière. De la belle époque de la revue à la revue de la Belle Époque, Lille, Presses du Septentrion, 1999.
  • [8]
    Voir Marie Palewska, « Le Journal des Voyages », Le Rocambole, n° 5 et 6, 1998 et 1999. Il faut lui ajouter le Magasin d’éducation et de récréation, créé en 1864 par Jules Hetzel et Jean Macé et qui consacra, dans les dix premières années de son existence, un quart de sa surface rédactionnelle aux romans de Jules Verne, lequel fut d’ailleurs associé à la direction du journal à partir de 1868.
  • [9]
    Sur tout cela, voir Sylvain Venayre, « L’éternel retour ? Les fins de romans de Jules Verne », dans Jules Verne ou les inventions romanesques, Amiens, Encrage, à paraître.
  • [10]
    Jules Verne, Cinq semaines en ballon (1863), Paris, Le Livre de Poche, 1994, p.12.
  • [11]
    Voir Philippe Antoine, Les Récits de voyage de Chateaubriand. Contribution à l’étude d’un genre, Paris, Champion, 1997 et Alain Guyot et Roland Le Huenen, L’Itinéraire de Paris à Jérusalem de Chateaubriand. L’invention du voyage romantique, Paris, PUPS, 2006.
  • [12]
    Marie-Eve Thérenty, Mosaïques. Etre écrivain entre presse et roman (1829-1836), Paris, Champion, 2003.
  • [13]
    Théophile Gautier, Voyage en Espagne (1843), éd. de J.-C. Berchet, Paris, GF-Flammarion, 1981.
  • [14]
    Henri Béraud, Le Flâneur salarié, Paris, Éditions de France, 1927.
  • [15]
    Walter Benjamin, Paris capitale du xixe siècle : le livre des passages, trad. J. Lacoste, Paris, Cerf, 1989. On peut penser à la définition que Gérard de Nerval donnait de son voyage en Allemagne et en Alsace : « Je fais ici une tournée de flâneur et non des descriptions régulières. Pardonnez-moi de rendre compte de Strasbourg comme d’un vaudeville. Je n’ai ici nulle mission artistique ou littéraire, je n’inspecte pas les monuments, je n’étudie aucun système pénitentiaire, je ne me livre à aucune considération d’histoire ni de statistique, et je regrette seulement de n’être pas arrivé à Strasbourg dans la saison du jambon, de la sauercraüt et du foie gras. » (Lorely, cité dans Friedrich Wolfzettel, Ce désir de vagabondage cosmopolite. Wege und Entwicklung des französischen Reiseberichts im 19. Jahrhundert, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 1986).
  • [16]
    Sur la rupture des années 1870, voir Pascal Durand, « Crise de presse. Le journalisme au péril du “reportage” (France 1870-1890) », Quaderni, n° 24, automne 1994, p.123-152.
  • [17]
    Voir ce qui constitue très explicitement, dans le récit, le point de départ du voyage de Fleming : « Dans le secret de mon cœur, je préfère et je préférerai toujours, je le crains, le petit monde des annonces à celui, vaste et imbécile, auquel les pages éditoriales du Times offrent un si fidèle miroir. Les annonces vous entraînent dans un monde palpitant où les amoureux se pressent à des rendez-vous rituels (“même endroit, même heure”) ; où l’on oublie ses bijoux dans des taxis en route pour des lieux de rêve. Bref, un monde peuplé d’aristocrates surannés quelque peu mangés aux mites, anciens d’Eton et antiques Ladies ; un monde possédé par le démon de l’entreprise, où tels diplômés d’Oxford, maîtrisant seulement cinq langues européennes, sont de taille moyenne, possèdent un permis de conduire et se déclarent prêts à partir n’importe où pour faire n’importe quoi ; un monde de sacrifices héroïques et soudains (“cause départ”) où tout objet a une “valeur sentimentale”, où tout jeune homme se trouve physiquement “très bien”, où toute référence est “très” sérieuse. Un monde où plane l’angoisse, l’urgence, le mystère : un monde où tout peut arriver… “Expédition exploratrice et sportive, sous la direction d’un guide expérimenté. Départ juin, expl. Rivières intérieures Brésil et si possible retrouver Colonel Fawcett ; gibier petit et gros abondant ; pêche exceptionnelle ; place encore pour deux fusils ; références très sérieuses souhaitées. Écrire boîte postale X, le Times, E.C. 4.” » (Un aventurier au Brésil (1933), Paris, Phébus, 1990, p.24). Sur l’imaginaire de l’aventure et du reportage à cette époque, voir Sylvain Venayre, La Gloire de l’aventure. Genèse d’une mystique moderne. 1850-1940, Paris, Aubier, 2002, p.203-206.
  • [18]
    Adelbert von Chamisso, Voyage autour du monde. 1815-1818, éd. de H. A. Baatsch, Paris, Le Sycomore, 1981, p.37.
  • [19]
    Voir Nicole Hafid-Martin, Voyage et connaissance au tournant des Lumières (1780-1820), Oxford, Voltaire Foundation, 1995.
  • [20]
    Sur les quatre âges de la presse illustrée au xixe siècle, voir Jean-Pierre Bacot, La Presse illustrée au xixe siècle : une histoire oubliée, Limoges, Pulim, 2005.
  • [21]
    Prospectus du Magasin pittoresque, 9 février 1833.
  • [22]
    Remarquons que, parmi les quatre fondateurs de L’Illustration se trouvaient Edouard Charton, sur le chemin qui devait le mener du Magasin pittoresque au Tour du Monde, et Adolphe Joanne, le futur auteur de la collection de guides de voyages du même nom. Voir notamment Marie-Laure Aurenche, Edouard Charton et l’invention du Magasin pittoresque (1833-1870), Paris, Champion, 2002.
  • [23]
    Ibid.
  • [24]
    Prospectus du Musée des familles, signé Jules Janin, 1er octobre 1833.
  • [25]
    Voir Marta Caraion, Pour fixer la trace : photographie, littérature et voyage au milieu du xixe siècle, Genève, Droz, 2003.
  • [26]
    Marie-Eve Thérenty, « Les “vagabonds du télégraphe” : représentations et poétiques du grand reportage avant 1914 », Sociétés et représentations, n° 21, avril 2006, p.101-115.
  • [27]
    François de Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem (1811), éd. de J.-C. Berchet, Paris, Gallimard/Folio, 2005, p.56.
  • [28]
    Sur ce modèle, voir Friedrich Wolfzettel, Le Discours du voyageur : pour une histoire littéraire du récit de voyage en France, du Moyen Âge au xviiie siècle, Paris, PUF, 1996.
  • [29]
    Forbin, Voyage dans le Levant, Paris, Imprimerie Royale, 1819, p.248 (cité dans Sarga Moussa, La Relation orientale. Enquête sur la communication dans les récits de voyage en Orient (1811-1861), Paris, Klincksieck, 1995, p.29).
  • [30]
    Ibid.
  • [31]
    Stendhal, Promenades dans Rome (1829), éd. de V. Del Litto, Paris, Gallimard/Folio, 1997 p.209.
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