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Article de revue

L’analyse de l’activité en sciences de l’éducation : entre aspirations scientifiques et exigences pragmatiques

Pages 94 à 116

Notes

  • [1]
    Cette expression reprend en partie le titre d’un ouvrage qu’Isabelle Stengers (1992) a consacré à la psychanalyse, à propos de son rapport à la pratique scientifique.
  • [2]
    Bien que critiquée, la différenciation proposée par J. Habermas entre travail et communication conserve une fonction heuristique, en permettant conceptuellement de distinguer sans disjoindre, la rationalité instrumentale finalisée du travail orientée vers la production et la rationalité communicationnelle propre à l’élaboration d’un sens intersubjectif dans les échanges humains orientée vers l’intercompréhension.
  • [3]
    Par exemple : aspects corporel, cognitif, émotionnel et symbolique ; plans individuel et social ; variables de situation et de tâche ; variables d’action telles que potentialités et actualisations, capacités et émergences.
  • [4]
    Par exemple : évolutions et transformations des actions, des temporalités, des rythmes et des systèmes d’interactions.
  • [5]
    Chez les animaux supérieurs et a fortiori chez les humains, les automatismes élémentaires de l’autonomie réflexe sont relayés dès la naissance par d’autres circuits, infiniment plus complexes, modelés par les relations cognitives, socio-affectives et symboliques avec autrui et l’environnement. Ainsi que le montrent la psychologie du développement et les neurosciences, chaque gain de liberté d’action, de conscience et d’intelligence issu de ces interactions, se paie d’une complexification correspondante des exigences physiques, cognitives, sociales à satisfaire et de nouvelles conduites à apprendre et à inventer, par soi-même mais jamais seul. En éducation et en formation, postuler une capacité naturelle d’autonomie également présente chez tous relève d’une erreur particulièrement lourde de conséquences en termes de dysfonctionnements, d’échecs, d’exclusions, de misères individuelles et sociales et condamne des pans entiers de l’organisation sociale à l’inefficacité.
  • [6]
    Hélices est une modélisation générique de l’activité humaine conçue dans les années 1990 pour renouveler la conception des interfaces humains-machines en vue de les transformer en « compagnons », partenaires interactifs de l’activité d’apprendre.
  • [7]
    Par exemple : accepter d’étudier un objet technique comme un composite d’humain et de non humain pour se donner les moyens conceptuels et méthodologiques d’en étudier les aspects symboliques, langagiers, intentionnels, modélisants ; accepter de constater qu’il joue un rôle d’ « actant » dans un réseau de relations où sa fonction peut s’exercer à l’opposé de l’intention de l’acteur supposé de l’action.
  • [8]
    Par exemple : observation, enregistrements vidéo, entretiens d’auto-confrontation à partir des enregistrements vidéo, traces d’activité, utilisation d’instruments tels que questionnaires de positionnement, grilles, échelles, carnet de bord des sujets décrivant des expériences significatives pour eux, etc.
  • [9]
    Par exemple : critères, typologies, graphiques, logiciels, etc.
  • [10]
    André Zeitler (2009) a par exemple repéré quatre principes directeurs : la confiance, la bienveillance, la réciprocité, l’humilité.
  • [11]
    On ne peut que rappeler les grands noms attachés à des expériences réalisées dans des contextes socio-historiques, institutionnels et techniques bien différents, mais selon des buts semblables d’appropriation par les acteurs de leur capacité d’agir grâce à la simulation bienveillante que représente, à certaines conditions, l’espace éducatif (Dewey, Freinet, Freire, Illich), associatif (Caceres et Dumazedier) ou théâtral (Boal).
  • [12]
    Par exemple, lorsqu’en utilisant une même sémantique (centre de ressources, autoformation, autonomie), les pratiques et finalités de la formation peuvent s’avérer opposées (Albero, 1998, 2000 ; 2003) ou encore lorsque, tout en incitant à l’intégration des technologies numériques et à la prise en compte des processus de professionnalisation, l’institution universitaire, par ses jeux d’acteurs, perpétue les habitus qui relèvent d’une culture opposée dans son rapport au savoir et à la connaissance (Albero, 2011).
  • [13]
    Par exemple : Linard, 2003, 2010 ; Albero, 2003, 2010a ; Albero, Kaiser, 2008 ; Albero, Nagels, 2011 ; Albero, Linard, Robin, 2009.

1En sciences de l’éducation (SE), la nature particulière des champs de pratique et de recherche a régulièrement conduit des chercheurs à étudier non seulement les contenus, les méthodes et les instruments de la transmission, mais à les considérer également en relation avec les finalités, les formes et les stratégies d’action des acteurs. Loin d’infléchir la discipline vers une perspective « idéologique » comme il peut lui en être fait le reproche, cette tendance répond à la nécessité mise en évidence par l’analyse des usages, de saisir dans leur interdépendance les multiples dimensions (individuelles et collectives, objectives et subjectives, épistémiques et axiologiques, fonctionnelles et existentielles, théoriques et pratiques) qui font la spécificité du domaine. Au même titre que dans les sciences de l’information et de la communication, de la gestion, les domaines de la santé et du sport, le secteur de l’éducation et de la formation développe une pluridiscipline à forte composante humaine. Elle se trouve ainsi engagée dans des activités d’investigation en tant que « science », mais aussi d’intervention et de transformation sociale dans son domaine d’« expertise ». Elle est donc structurellement plurielle, puisque par définition un seul courant d’étude ne peut couvrir à lui seul l’analyse de la totalité des conduites et des phénomènes observés.

2Dans ce contexte, nombre de chercheurs sont amenés à travailler de manière plus systématiquement réflexive et explicite que dans d’autres disciplines « normales » au sens de T. Khun (1962, 1968). De telles disciplines, plus anciennes et mieux établies, ont eu le temps d’accorder leurs pratiques aux critères d’administration de la preuve, de mesure et de vérification, propres à la définition de la scientificité dans les termes de la rationalité objective (Popper, 1934). C’est ainsi qu’en éducation et formation, la plupart des chercheurs recourent à des méthodes et à des concepts déjà éprouvés aussi bien en sciences humaines et sociales (SHS) (anthropologie, économie, histoire, linguistique, psychologie, sociologie, etc.) qu’en philosophie, informatique ou sciences cognitives. Ces apports a priori hétérogènes posent un réel problème d’unité et de cohérence. Ils sont pourtant indispensables pour comprendre, décrire, formaliser, voire expliquer la diversité des phénomènes et des processus observés sur une grande variété de terrains et intégrer la multiplicité des théories, modèles et concepts développés à leur propos. Le problème d’une structuration cohérente de la recherche se pose donc de manière plus aigüe qu’ailleurs, actualisant régulièrement celui de l’explicitation d’un cadre épistémologique commun et de méthodes partagées permettant d’appréhender la diversité du champ, sans pour autant la neutraliser. Ces obstacles structurels, propres au statut pluridisciplinaire, conduisent une autre partie des chercheurs à envisager leur travail comme relevant davantage de « collectifs de pensée » (Fleck, 1935). Ils produisent des connaissances à orientation scientifique en SHS selon, en première approche, une validité relative à leur contexte de production. Par la suite, ces connaissances gagnent en solidité à mesure qu’elles sont reprises, réappropriées et mises à l’épreuve dans d’autres contextes, discutées, affinées, transformées. Cette perspective cumulative, à la fois dynamique et collective, de la production de connaissance et de sa formalisation sociale en savoirs a été mise en évidence par les analyses aujourd’hui classique de l’épistémologie des sciences (Bachelard, 1938 ; Kuhn, 1962 ; 1968 ; Popper, 1972), enrichie des apports de certains de ses contradicteurs (Polanyi, 1946, 1969 ; Feyerabend, 1975 ; Lakatos, 1978). Pourtant, ces caractéristiques ont longtemps été minorées au profit d’une représentation linéaire et accumulative dont les travaux de l’anthropologie et de la sociologie des sciences (Callon, Latour, 1991 ; Latour, Woolgar, 1996) et une production épistémologique plus récente (Gibbons et al., 1994, 2001 ; Bourdieu, 1997 ; Dalmenico, Pestre, 1998 ; Nowotny et al., 2001 ; Pestre, 2003 ; Stengers, 1995, 1997, 2013) ont montré le caractère erroné.

3Par ailleurs, dans une pluridiscipline telle que les sciences de l’éducation, l’importance croissante de l’analyse des pratiques professionnelles et leur survalorisation depuis quelques années incite également les chercheurs à accorder une attention au potentiel opératoire des concepts et des théories qu’ils produisent, en vue de les utiliser à des fins de transformation des représentations et d’amélioration des dispositifs et des pratiques. Cette contribution réflexive de la recherche à l’action ne va pas de soi, dès lors qu’il s’agit d’abandonner les conceptions applicationnistes d’une expertise en surplomb, pour inventer les schèmes et les modèles d’un accompagnement plus partenarial du développement individuel et collectif. Une telle position implique un changement de perspective sur les conditions de l’action efficace et en modifie profondément les définitions et les méthodes habituelles. Elle engage un travail spécifique d’analyse et de formalisation qui doit prendre en compte aussi bien les dimensions épistémiques de l’élaboration des connaissances que la régulation sociale et éthique du rapport auprès et entre les acteurs sur le terrain. Explicitée et analysée, cette régulation se transforme en retour en instrument de réflexion sur la connaissance produite et ses formes de modélisation.

4En étudiant les manières dont se consolide l’expérience des sujets dans des situations diverses de formation à visée d’émancipation, les travaux présentés dans ce numéro s’inscrivent bien dans cette orientation. Dans le prolongement de leurs analyses et de leurs résultats, cette dernière contribution propose une discussion qui se voudrait fédératrice pour les chercheurs en sciences de l’éducation intéressés par l’analyse de l’activité mais aussi pour ceux qui souhaitent ouvrir des pistes de collaboration avec d’autres disciplines engagées dans des investigations à forte composante humaine.

Ambition scientifique et incidences sur la fonction sociale d’une pluridiscipline

5En tant que pluridiscipline récente dans l’histoire des sciences humaines et sociales (SHS), il arrive que les sciences de l’éducation (SE) voient leurs tentatives d’expliciter et de formaliser leurs démarches, interprétées en termes de prétention à « faire science » [1]. Pourtant, c’est bien ce travail d’explicitation et de formalisation épistémologique qui permet à une pluridiscipline de se constituer sur des bases plus solides et utiles que les résultats dispersés de la juxtaposition ou du cumul dans le temps d’une succession d’enquêtes.

6L’ambition qui consiste à « faire de la science » conduit à mettre en place des stratégies diverses, le recours prudent à l’inscription dans une discipline plus ancienne et mieux établie étant la plus rassurante. Même dans ce cas, les chercheurs en SE ne s’en trouvent pas moins confrontés à l’articulation d’une triple exigence, identifiée de longue date comme constitutive de la discipline (Avanzini, 1992 ; Charlot, 1995 ; Meirieu, 1995 ; Develay, 2001), alors que dans d’autres domaines, ces exigences sont données comme relevant d’univers de connaissance différents, voire incompatibles : 1) l’exigence épistémique d’intelligibilité des phénomènes concernant les connaissances produites et validées en termes de savoirs (monde des sciences) ; 2) l’exigence axiologique de recevabilité individuelle et collective de ces mêmes connaissances et savoirs (monde des valeurs) ; 3) l’exigence pragmatique de leur utilité individuelle et collective (monde du travail au sens [2] de J. Habermas, 1981).

7La principale difficulté de cette articulation réside dans le maintien de son équilibre, toujours menacé de basculer vers une forme ou l’autre de scientisme, de moralisme ou de fonctionnalisme pratique. La voie adoptée par nombre de chercheurs du domaine consiste donc à tenir une conduite individuelle et collective modeste qui, sans revendiquer sa scientificité, tente simplement de « faire son travail » : produire des connaissances selon des démarches suffisamment explicitées pour être évaluables selon les principes de recherche reconnus comme valides ; mais une production orientée par des valeurs clairement énoncées pour déboucher sur des propositions négociées auprès d’une diversité de partenaires (informateurs sur le terrain, personnes en formation, professionnels du domaine dont responsables de formation, décideurs et autres bailleurs de fonds).

8Les travaux présentés dans ce numéro offrent plusieurs exemples de cette activité complexe qui articule trois registres d’activité : la recherche à orientation scientifique ; l’ingénierie en termes d’invention de dispositifs adaptés ; l’intervention en formation. La partie qui suit dégage et discute les conditions par lesquelles ces travaux réussissent à maintenir un équilibre entre élaboration de connaissance, prise en charge de valeurs liées au développement humain et visée d’efficacité dans les contextes de la formation.

Paradigme de l’autonomie et position épistémologique

9L’objectif des contributeurs de ce numéro était de décrire, analyser et rendre compte des processus de construction de l’expérience des acteurs de la formation selon une double finalité épistémique et transformative. En prenant appui sur les caractéristiques de l’activité effective, l’analyse produit une connaissance relative à l’activité des acteurs, mais elle leur fournit également en retour les moyens de leur développement et de leur éventuelle transformation. Cet objectif représente un parti-pris ambitieux qui a une incidence déterminante sur les caractéristiques de l’enquête et en particulier sur le positionnement épistémique adopté par les chercheurs. Soucieux de ne pas découper arbitrairement un aspect du phénomène ou d’en isoler une seule variable, ils s’efforcent d’approcher les situations observées à la fois comme un tout et dans le détail de leur déroulement avec leurs contradictions et leurs obstructions mais aussi leurs possibles, sans perdre de vue leurs multiples dimensions [3] et dynamiques [4]. Ce point de vue holiste sur les phénomènes conduit les chercheurs à articuler différentes échelles d’analyse sur les bases méthodologiques de l’approche structurale et des théories systémiques. Pourtant, au-delà de ces apports fondamentaux, c’est bien la signification que le sujet accorde à son vécu qui constitue le fil conducteur des analyses. Ce fil conducteur apporte à la dimension empirique de l’analyse des faits, la continuité et la profondeur de la dimension phénoménologique du vécu des acteurs, encore considérée aujourd’hui dans certaines approches comme un parasitage.

10Dans toutes les sciences, une analyse qui prétend articuler plusieurs dimensions interdépendantes reste une entreprise difficile. En SE, le projet de saisir ensemble individuel et collectif, intentionnalité du sujet et logiques sociales, contraintes de situation et transformations dynamiques des interactions avec l’environnement représente un pari risqué. C’est dans ce contexte que le concept d’enaction, emprunté au paradigme de l’autonomie du vivant produit en biologie, apparaît comme l’un des concepts pivots pour certains contributeurs à ce numéro (notamment Guérin et Archieri).

11Proposé en alternative aux conceptions computationnelles et connexionnistes en sciences cognitives dominantes dans les années 1980, le concept d’enaction est proche des perspectives de G. Bateson (1977 ; 1979) et de l’Ecole de Palo Alto. Il s’inscrit dans la mouvance des travaux de la cybernétique et de la systémique et a été développé par H. Maturana (1977) et F. Varela (1980) dans leur longue collaboration (Varela, Maturana, Uribe, 1974 ; Maturana & Varela, 1980 ; Maturana & Varela, 1994). A l’encontre des conceptions qui tendaient à réduire les processus de connaissance à un traitement séquentiel d’unités d’information prédéfinies, la thèse de l’enaction argumente en faveur de processus singuliers de connaissance, situés dans un environnement et liés à un ensemble d’interactions contextuelles. Autrement dit, chaque individu développe ses connaissances dans et par l’action qu’il déploie en interaction permanente avec son environnement naturel et social. Faisant écho à une longue tradition de recherche en SHS, cette connaissance est considérée comme incarnée dans un corps, une histoire, une expérience et actualise en biologie, l’importance de la perspective phénoménologique dans l’analyse de l’activité humaine (Varela, Thompson, Rosch, 1993).

12Ce positionnement épistémologique élargit les moyens de l’analyse en la refondant sur un principe essentiel : tout organisme vivant tend à s’auto-organiser dans l’interaction permanente avec son environnement. Trois concepts étroitement interdépendants étayent ce principe : l’ « autopoïèse » qui décrit la capacité naturelle de l’organisme à s’autostructurer et à s’auto-organiser ; le « couplage structurel » qui explique le développement de cette capacité par l’interaction de l’organisme avec son environnement, interne et externe ; la « clôture opérationnelle » par laquelle cet organisme établit et maintient son identité malgré et grâce à la dynamique d’actualisation permanente qui résulte de ses interactions entre interne et externe. Ces concepts sont aujourd’hui repris dans divers domaines des sciences de la nature et des SHS et inspirent ou étayent directement diverses orientations de recherche en sciences de l’éducation (Linard, 1989 ; Trocmé-Fabre, 1993, 1996 ; Albero, 1998, 2000 ; Masciotra, Roth, Morel, 2008 ; Durand, 2008 ; Leblanc, 2012 ; Guérin, 2011, 2012).

13Dans les théories de la formation, le concept d’enaction permet de repositionner l’approche de l’activité des individus et d’aborder son analyse comme un tout organique qui ne se réduit ni à la juxtaposition de ses aspects partiels ni à celles des facteurs qui la déterminent. Cependant, cette référence à un principe biologique général s’accompagne du postulat implicite selon lequel tous les individus seraient également dotés des automatismes nécessaires à leur actualisation, au même titre que les organismes élémentaires pour assurer leur vie végétative. Ce glissement constitue une extrapolation qui confère à l’autonomie un statut de postulat universel quasi ontologique. Or, se trouvant régulièrement démenti par les faits, particulièrement en éducation et en formation, un tel postulat devient problématique et demande à être sérieusement interrogé sur le fond [5] (Albero, 1998 ; Linard, 2003, 2010 ; Eneau, 2005, 2012 ; Albero, Poteaux, 2010).

14En tant que qualité de l’action humaine, l’autonomie ne peut se réduire à son socle biologique élémentaire. Autant qu’un donné de nature, elle est un construit de culture. Elle se définit comme une disposition potentielle qui s’actualise différemment au cours de la vie à partir de la mobilisation intentionnelle et réfléchie d’un ensemble concourant de capacités de la part des sujets mais aussi selon les conditions extérieures plus ou moins favorables à leur développement. Comme toute disposition, l’autonomie est donc inégalement répartie selon les individus, évidente pour les uns, difficile à acquérir pour les autres, rarement automatique, dans tous les cas à développer et à entretenir. C’est ce qui justifie, à l’occasion de cette lecture critique, la proposition d’une approche complémentaire à celle des contributeurs à ce numéro.

15Abandonner le postulat d’une égale capacité d’autonomie des sujets oblige à repenser les situations d’éducation et de formation sous d’autres perspectives. Le rapprochement de certaines conceptualisations déjà anciennes permet d’aborder autrement le problème en articulant l’analyse du « dispositif » et la manière dont cet agencement stratégique et finalisé de ressources (humaines et matérielles, techniques et symboliques, directes et indirectes) (Linard, 1989) fournit les modalités d’une « instrumentation » (Rabardel, 1995) des apprentissages (Albero, 2003 ; Albero, Nagels, 2011).

16Une catégorisation des « dispositifs de formation » (Albero, 1998, 2000) conçue dans ce sens est aujourd’hui travaillée sous forme de typologie dont le caractère opératoire permet d’étudier tout type de dispositif à des fins d’intelligibilité mais aussi d’accompagner pragmatiquement les ajustements et régulations en vue d’améliorations pratiques. Elle permet d’établir une analyse comparative des différents modèles existants, en les situant dans un continuum entre « instruction » et « autonomie », au sens développé par F. Varela (1980). Cette typologie, qui s’avère particulièrement pertinente en contexte institutionnel, permet de situer chaque modèle dans une dynamique à l’intérieur du continuum. En articulant les caractéristiques de cinq composantes (organisation, ressources humaines et matérielles, contenus et publics), elle permet de croiser les différentes dimensions (technique, informationnelle, méthodologique, cognitive, métacognitive, sociale, psycho-affective) des modes d’instrumentation de l’autonomisation pour chacun des types (préceptoral, prescriptif, tutoral, coopératif, autonomisant). L’observation sur le terrain montre que, en fait, peu de dispositifs instrumentent l’autonomisation des apprentissages. Par ailleurs, une étude a permis de constater que moins de 20 % d’apprenants possèdent les pré-requis pour agir de manière autonome dans les environnements de formation (Albero, Kaiser, 2008). Si ces résultats se confirmaient, la référence à un « postulat ontologique d’autonomie » énoncé dans certaines des enquêtes présentées dans ce numéro, devrait conduire à réduire le champ d’étude aux seuls apprenants déjà autonomes habituellement qualifiés d’autodidactes. Etant donné que ce n’est visiblement pas le propos de chercheurs qui expriment par ailleurs des intentions émancipatrices, il y aurait donc à retravailler la sémantique utilisée dans les enquêtes. Il serait sans doute plus pertinent d’employer le terme présupposé d’autonomie plutôt que postulat ontologique ou bien différencier clairement le postulat ontologique d’autonomie biologique de ses conditions sociales de développement dans les apprentissages dont relèvent les dispositifs de formation à visée émancipatrice.

17Ces interrogations ne mettent bien évidemment pas en cause la productivité du courant de recherche dont relèvent les articles de ce numéro. Elles ont seulement pour but d’attirer l’attention des chercheurs sur la nécessité d’examiner de près, avant toute généralisation théorique ou pratique, les implications du concept d’autonomie et plus particulièrement la référence trop systématique à un « postulat ontologique d’autonomie ».

Pluralité des cadres théoriques et proximités épistémiques et méthodologiques

18L’intérêt pour l’activité de sujets saisis dans le cours de leur apprentissage ou de leur formation, en particulier pour la manière dont ils construisent leur expérience et prennent appui sur elle pour agir, n’est pas nouveau. Il est à l’origine de théories qui fournissent un cadre conceptuel cohérent pour décrire, comprendre et interpréter l’action humaine. Ces théories incluent en particulier les travaux du courant pragmatiste américain dont la théorie de l’enquête (Dewey, 1938), les travaux de la psychologie historico-culturelle russe (Vygotsky, 1934 ; Leontiev, 1975) et ceux de la psychologie francophone et américaine du développement (Wallon, 1942 ; Piaget, 1967 ; Bruner, 1983) (dont rend compte en partie la contribution d’E. Bourgeois dans ce numéro). Elles comptent également les travaux plus récents du courant socio-constructiviste américain avec l’exploitation des concepts de cognition distribuée (Lave, 1988 ; Hutchins, 1995) et d’action située (Suchman, 1987). En SE, plusieurs propositions fournissent, sur ces bases communes, différentes approches de l’analyse de l’activité, plus ou moins spécifiques et constituées en courant (Remoussenard, 2005).

19En synthèse de ses travaux pionniers, Monique Linard (1989, 1994, 1995, 1998) a proposé un modèle générique d’interprétation de l’activité humaine -Hélices (ibid., 2001) - qui intègre les apports de plusieurs disciplines de SHS. L’activité est définie comme un parcours dynamique de sujets motivés par la quête d’objets et obéissant à une logique de type sémio-narratif (ibid., 1994). Le modèle vise à offrir sous forme de carte conceptuelle, un « cadre organisateur » commun de base, théorique et pratique. Construit sur un principe systémique de dépendance réciproque et d’interactions finalisées entre objets et sujets, il propose des repères pour comprendre et analyser les multiples composants de l’activité humaine intentionnelle et ses conditions de réalisation, en particulier en éducation et formation. L’objectif était aussi de donner une base empirique plus solide aux formalisations de l’acte d’apprendre développées dans les systèmes informatiques à objectifs de formation, en particulier à la conception des interfaces. Se démarquant des courants technicistes de l’époque, l’auteur a longtemps défendu la nécessité d’une approche globale de l’activité humaine dans sa complexité propre et en relation à ses contextes pour étayer la conduite des actions de formation (ibid., 2002) dans le sens tant de l’autonomisation individuelle (ibid., 2003, 2010) que de la démocratisation sociale des projets éducatifs (ibid., 2004).

20Le courant développé par Jean-Marie Barbier et Marc Durand (2006) et inspiré des travaux de l’ergonomie française, particulièrement du cadre sémiologique du cours d’action (Theureau, 1992, 2009) vise à étudier les formes d’interactions entre sujet et environnement, de manière à identifier les régularités de l’activité en situation et les utiliser pour influencer les évolutions des dispositifs et des pratiques (Ria et alii, 2006 ; Leblanc, 2012).

21Selon des orientations proches mais davantage centrées sur les dimensions cognitives, le courant de la didactique professionnelle (Pastré, 2002, 2005, 2006, 2011) analyse les conceptualisations présentes dans les traces enregistrées de l’action en s’inspirant de l’ergonomie cognitive et des travaux de la psychologie des apprentissages (Vergnaud, 1996, 2007), ainsi que de la clinique de l’activité en psychologie du travail (Clot, 1999, 2008) notamment à partir de l’analyse dialogique des productions verbales en cours d’activité.

22Plus centrés sur la problématique des processus de transmission et d’acquisition des savoirs, à partir des travaux fondateurs de la didactique des disciplines (Brousseau, 1990, 1998 ; Chevallard, 1988, 1991, 1994) et sur les bases de l’approche comparatiste en didactique (Mercier, Schubauer-Leoni, Sensevy, 2002). Elle vise à préciser les modes d’interactions entre professeur(s) et élève(s) dans l’analyse des situations de classe (Sensevy, Mercier, 2007). Ce courant tente de relier les apports des SHS dans l’analyse de ces phénomènes en prenant en charge la dimension anthropologique de ces formes d’interactions (Sensevy, 2011).

23Ces divers travaux recourent tous à l’analyse de l’activité comme mode d’intelligibilité et base de méthodes empiriques d’enquête et d’intervention. Chacun à leur manière, ils abordent les différentes formes d’élaboration de la connaissance par le sujet dans et par l’action conduite en relation avec un environnement naturel et social dont la part instituée oriente plus fortement l’activité du sujet vers l’appropriation de savoirs et d’expériences considéré(e)s valides. Il ne s’agit pas de concevoir l’action en tant qu’application d’un modèle a priori mais de prendre en compte de manière effective dans les observations et les analyses, le fait que la transformation par le sujet de l’information en connaissance implique un processus actif de reconstruction mené par le sujet en relation avec son environnement. Ce renversement de perspective confirme un changement radical de paradigme dans la recherche, déjà observé en éducation et formation à propos du passage entre deux conceptions différentes de l’apprentissage (Albero, 1998, 2000) : l’un qui l’interprète en tant que processus de réponse à une « commande » dans une interaction de type « instruction-erreur » (pour reprendre les termes de F. Varela, 1980) ; l’autre qui le donne comme une actualisation par « régulation interne » dans un échange de type « conversation-incompréhension » relevant d’une « affirmation de sa propre identité » et conduisant à une « définition de l’intérieur » (ibid.). Là où le « paradigme de l’instruction » accorde au changement un statut d’extériorité en tant que résultat observable (output) d’une stimulation (input), le « paradigme de l’autonomie » lui accorde un statut mixte en tant qu’intégration par auto-organisation interne des informations qui proviennent de l’extérieur.

24Ce changement de paradigme permet de relier les dimensions épistémiques et praxiques de l’activité dans ce que l’on pourrait définir comme une « praxéologie de la connaissance » (Brassac, 2007 ; Albero, Brassac, 2014). Il a une forte incidence sur la conception de la formation et conduit à un changement de logique de travail et de culture d’intervention. Il ne s’agit plus de concevoir l’étude des dispositifs de formation et des actions des intervenants selon une logique de causalité linéaire : 1) Élaboration de savoirs valides ; 2) Transposition en termes de connaissances situées dans un contexte d’activité ; 3) Transfert, application, opérationnalisation dans l’action concrète. Il s’agit plutôt de les concevoir selon une logique inductive spiralaire : 1) Activité finalisée par une construction de connaissances singulières et situées ; 2) Élaboration et formalisation de connaissances selon des modalités méthodiques ; 3) Actualisation par émergence, validation sociale et transformation des savoirs.

25Certains des auteurs de ce numéro se référant quasi exclusivement à l’un de ces courants, il reste à interroger la possibilité d’une convergence de ces différentes orientations de recherches en explicitant leurs proximités épistémiques ou bien à accepter la persistance à l’intérieur de la même discipline, d’une juxtaposition de territoires spécialisés, au risque d’ajouter à la dimension pluridisciplinaire des SE, un kaléidoscope d’approches différentes sous la même dénomination d’ « analyse de l’activité ».

26Une deuxième question se pose à la lecture des travaux proposés dans ce numéro, celle de la faible attention accordée à la fonction des objets techniques dans la construction de connaissance. Utilisés par les acteurs et les chercheurs comme des outils neutres et transparents, ils ne sont pas étudiés dans les incidences qu’ils ont sur le déroulement de l’action. L’interrogation est pourtant cruciale dans une période de prolifération d’artefacts toujours plus puissants de perception et d’exploration, d’amplification et de manipulation du réel par de nouveaux langages, systèmes de codes et procédures assistées qui bouleversent non seulement les formes d’action dans tous les domaines, mais aussi la vision et l’interprétation du monde physique et social (Ellul, 1988 ; Sclove, 1995 ; Gras, 2003 ; Stiegler, 2008 ; 2012).

27Hormis le modèle Hélices[6] (Linard, 2001) et à l’exception de quelques travaux épars, en partie de tradition genevoise (Goudeaux, 2009) dont la plupart sont rassemblés dans un seul ouvrage (Ade, de Saint Georges, 2010), l’objet technique est généralement perçu, dans les courants de recherche évoqués ci-dessus, comme simple auxiliaire de l’action, en tant que support matériel de l’activité, outil neutre d’une médiation ou d’une traduction matérialisée de l’intention humaine (Albero, 2004).

28Poser autrement le problème du rapport entre objet et activité (ibid. ; 2010 a/b) permet de recentrer l’attention, sans pour autant perdre de vue les aspects épistémiques décrits ici. Dans cette perspective, l’approche « sociotechnique » (Albero, 2010a/b), ainsi nommée en référence aux travaux de l’anthropologie et de la sociologie des techniques (Callon, 1986 ; Akhrich, 1987 ; Latour, 1992) et des sciences de l’information et de la communication (Scardigli, 1992 ; Flichy, 1995), cherche à mettre en évidence l’influence réciproque entre objets techniques et conduite humaine, souvent négligée.

29Les résultats rapportés dans les articles de ce numéro documentent cette influence en montrant que les artefacts sont porteurs et déclencheurs de représentations cognitives, de modèles, de langages et finalement de cultures très spécifiques. Loin d’être des supports neutres, ils sont aussi les instruments d’une orientation de l’action qui n’est pas toujours celle que projette l’usager.

30Dans cette perspective plus culturelle que strictement technique, la théorie des acteurs-réseaux (Callon, 1986 ; Latour, 2005) incite à concevoir autrement l’étude du couplage « humain / non-humain » et à aborder les situations selon des perspectives souvent contre-intuitives [7] (Devereux, 1967).

Un partenariat méthodologique entre chercheur et informateur

31En cohérence avec cette orientation, le positionnement épistémologique et théorique des travaux présentés ici permet à la méthodologie de ne pas exclure l’informateur du processus d’élaboration des connaissances. Elle l’intègre au contraire, modifiant en conséquence le statut et la fonction du sujet enquêté dans la recherche (Albero, Linard, Robin, 2009). Dans la perspective d’une analyse fine de la conduite de l’action menée du point de vue de l’acteur, en vue de comprendre l’évolution de ses construits de connaissance, un dialogue confiant dûment instrumenté est indispensable. Si le chercheur prévoit également de prendre appui sur ce dialogue pour accompagner les transformations observées, le dispositif de recherche se double d’un dispositif de formation, mais pas à n’importe quelles conditions (Guérin, 2011; 2012).

32Certaines des contributions à ce numéro mettent en valeur le protocole méthodologique précis mis en place à partir de la délimitation d’un ensemble de situations significatives étudiées en tant qu’observatoire (Theureau, 2004-2009). Il consiste à agencer un ensemble de techniques de recueil [8] et d’analyse de données [9] permettant de confronter l’activité effective (potentiels, choix, obstacles, etc.) et le discours des acteurs à son propos (représentations, imaginaires, croyances, illusions). L’analyse du rapport entre mise en acte dans l’activité et discours à propos de cette mise en acte, voire de l’activité elle-même, permet d’étudier la construction de sens par les sujets et les matériaux conceptuels qu’ils élaborent, à comprendre leurs préoccupations, leurs modes de focalisations, leurs systèmes d’interprétations (Barbier, Durand, 2006 ; Zeitler, 2011 ; Guérin, 2012).

33Le croisement d’analyses synchroniques et diachroniques (Archieri dans ce numéro) ou entre action individuelle et collective (Guérin dans ce numéro) permet d’identifier des éléments saillants, régularités, émergences, dynamiques en vue de modélisations ultérieures mais également en vue de la transformation des représentations, des pratiques et des dispositifs d’action, obligeant à mettre en cohérence le protocole d’enquête et le protocole d’accompagnement de l’action.

34Sous des termes et des centres d’intérêts différents, ce dispositif méthodologique est commun dans ses grands traits et ses modes d’instrumentation aux courants de recherche présentés ci-dessus, que ce soit en termes d’analyse des actes de formation dans le secteur éducatif (Durand, 2008 ; Méard, 2009 ; Zeitler, 2011 ; Guérin, 2011, 2012), dans celui de la santé (Olry, 2004 ; Nagels, 2010), dans la transmission d’expérience en secteur industriel et de travail (Pastré, 2005 ; Brassac, 2008 ; Mayen et al., 2010) ou encore dans le domaine des apprentissages liés aux savoirs disciplinaires dans le monde scolaire (Sensevy, 2001 ; 2011) et la formation des enseignants (Ria, 2006 ; Vinatier, 2009 ; Leblanc, Veyrunes, 2012).

35La mise en place de ce genre de dispositif a des incidences importantes sur les exigences du protocole de travail des chercheurs. L’attention à maintenir sur les multiples paramètres de l’enquête nécessite la mise en place d’un protocole commun qui permet une distribution des rôles et des points de vigilance entre chercheurs ; lors de l’analyse, la confrontation des interprétations permet de produire des résultats consensuels, augmentant ainsi leur degré de validité (Archieri dans ce numéro). Le travail d’équipe se poursuit dans la phase de validation sociale et de diffusion des résultats avec une poursuite des échanges et des confrontations au moment de leur rédaction et de leur publication dont ce numéro constitue une illustration.

36Un protocole aussi exigeant nécessite également une relation de qualité entre chercheurs et sujets enquêtés. Ni prédateur, ni voyeur, ni espion pour reprendre les catégories de R. Canter-Khon (1998), les chercheurs mettent en place un contrat explicite de partenariat qui définit clairement les modalités de participation ainsi que l’utilisation des données. Une longue expérience de la recherche-action et de l’approche clinique en SHS et en particulier en SE, permet aux différents acteurs de débattre des principes [10] et modalités des enquêtes et de les réguler au fur et à mesure de leur déroulement.

37A son tour, cette qualité de relation a une influence décisive sur l’action des enquêtés, en termes de réflexivité et de retour critique sur l’action, au point qu’ils peuvent s’engager dans cette analyse pour permettre d’améliorer la formation des participants suivants (contribution de Guérin dans ce numéro). Le contrat passé avec les enquêtés déplace la situation d’action ordinaire par une « mise en intrigue » (Guérin, 2011) de leur activité habituelle. Il les repositionne d’emblée dans une « exposition » de leur savoir-faire, au double sens d’affichage aux yeux d’autrui et de possibilité de recevoir un regard critique. Les démarches et les matériaux de l’enquête sont exploités comme des occasions et des supports de construction de signification qui élucident des aspects différents pour chacun : description et analyse dans l’enquête à finalité scientifique ; appui pour des changements, évolutions, transformations dans la quête de sens dans et par l’action. Par exemple, les entretiens d’enquête, grâce à l’explicitation qu’ils suscitent et à leur dimension itérative, amènent le sujet à accéder à la part non rationnellement perçue de son activité (intentions, préoccupations, craintes, projections, etc.). Le sujet peut ainsi être amené à prendre conscience des points forts et des points faibles de ses façons de faire et à les modifier. De même, les divers supports des interactions (écrits, audios, audiovisuels), les matériaux et le dialogue de l’enquête sont exploités dans une perspective de transformation des représentations et des pratiques, voire des dispositifs de formation étudiés. Les cas analysés dans ce numéro sont particulièrement significatifs du processus développemental dans lequel s’inscrivent ces recherches à l’égard des sujets enquêtés. Les dispositifs mis en place s’organisent comme des « Espaces d’action encouragée » (EAE) [11] (Durand, 2008) dans la mesure où ils mettent en place les conditions d’émergence de « dispositions à agir » (Lahire, 1998, 2002), individuelle et/ou collective, préparant le développement d’un « pouvoir d’agir » (Clot, 2008).

38Cependant, les recherches qui s’imposent la double finalité d’intelligibilité et de transformation soulèvent quelques aspects problématiques.

39En premier lieu, le caractère extrêmement exigeant du protocole fait obstacle à toute généralisation que ce soit en tant que méthode d’enquête exploitable en dehors d’équipes spécialisées ou en tant que technique de formation par des équipes de non chercheurs. Au regard de la finesse des acquisitions de la part des participants, il semble dommageable de ne pas étudier les conditions de possibilité d’une généralisation des protocoles d’enquête et des méthodes de formation à destination des professionnels du domaine.

40En second lieu, une difficulté remarquée de ce type de protocole est la clarification et le maintien de « postures professionnelles » (Lameul, 2006) dans des activités de nature différente : recherche, expertise et intervention. Le glissement d’une posture à l’autre est toujours possible dans le cours de l’action et en conséquence le passage non maîtrisé de l’enquête à la prescription, de l’énonciation factuelle à l’énonciation normative, de l’accompagnement dans le développement à la manipulation dans la conformation. L’explicitation des différenciations dans l’analyse fine de l’activité pourrait être mise en relation avec une analyse plus large visant à interroger la capacité du champ à distinguer sans hiérarchiser les caractéristiques de chacune en vue de mieux les articuler. Dans un moment où ces activités ont tendance à se spécifier en se professionnalisant, elles se constituent en spécialités qui s’expriment selon des cultures, des systèmes identitaires, des référencements, des modes d’expression et de valorisation, de validation et de diffusion totalement différents, notamment dans la production écrite. Le risque dans ce cas est la fragmentation par sur-spécialisation des domaines entre recherche, expertise et intervention de formation.

41Enfin, l’emploi récurrent dans ce numéro et plus largement dans le milieu, du terme « dispositif » alerte sur la polysémie du mot dans des discours par ailleurs contrôlés. Attribué à l’agencement stratégique des ressources tantôt finalisé par l’enquête, tantôt par l’action de formation, le terme « dispositif » renvoie à des réalités différentes qui, en partie, se superposent. De ce point de vue, le modèle ternaire trilogique (Albero, 2010c, 2012) offre une piste pour l’analyse comparative des « dispositifs » de recherche et de formation. Les trois dimensions interdépendantes proposées dans le modèle (idéel, fonctionnel de référence, vécu) (ibid.) fournissent les critères permettant d’étudier en quoi les dimensions constitutives de chacun des dispositifs se recouvrent ou non, sur quels aspects, selon quelles influences et quelles interprétations du contrat initial dont on fait l’hypothèse qu’elles orientent la construction des connaissances.

Une production de connaissances éthiquement fondée : recevabilité et utilité sociale

42En SHS, la recherche s’arrête souvent après que les conditions de validité aient été satisfaites, considérant que la réflexion éthique n’est pas de son ressort. C’est ce qu’a souligné M. Heidegger dans sa formule : « la science ne pense pas » (ibid., 1952). Pourtant, dans une discipline à forte composante humaine, comment en rester aux conditions de validité des résultats de la recherche, sans se préoccuper de leur recevabilité auprès des sujets enquêtés, voire même de leur utilité dans d’autres mondes que les seules frontières des laboratoires et des lieux institués de diffusion ?

43En éducation et formation, la finalité de l’action est habituellement interrogée par les philosophes. Elle l’est également par les enquêtes empiriques qui analysent les représentations et les pratiques d’acteurs et mettent en évidence les logiques d’action à l’intérieur des institutions [12] ou bien les modèles sous-jacents qui orientent les dispositifs d’action [13] dans le domaine. En revanche, quand il s’agit d’interroger la finalité de la production de connaissances, la recherche empirique suit rarement (Eneau, 2012). Pourtant, les analyses de la philosophie des sciences et le courant empirique de l’anthropologie et la sociologie des sciences et techniques alimentent la réflexion en montrant, à l’opposé des conceptions substantialistes, la relation de dépendance entre l’élaboration des connaissances, leur incidence sur les sujets et la conduite de leur action. Elles montrent comment la connaissance élaborée à partir d’une enquête empirique n’est pas une simple « photographie » du réel. Elle crée un monde épistémique – une réalité – qui, en retour, influence l’orientation de l’action à partir des typologies, des modèles, des sémantiques et par conséquent des représentations du monde qu’elle propose.

44Plutôt que de nier ce fait par des positions objectivistes, les travaux présentés dans ce numéro fournissent autant d’exemples de sa prise en charge sans pour autant adopter une position subjectiviste ou relativiste. Ils mettent en évidence l’importance du positionnement éthique fondateur de la démarche d’enquête dans le protocole de recherche. Ils montrent en particulier comment cette position conduit à une élaboration de connaissance négociée entre les deux versants de l’investigation : la problématisation et la conceptualisation à visée de compréhension du chercheur et les interrogations et élaborations à visée pragmatique des intervenants. Le protocole d’enquête conçu en termes de distanciation, d’objectivation et d’instrumentation des observations et des analyses, est ainsi mis au service de l’intérêt de connaissance des acteurs, en vue de mieux comprendre leur action et de les accompagner dans sa régulation et sa transformation.

45Ce double intérêt, théorique et pragmatique amène à intégrer la dimension éthique à l’acte même de connaître. Dans ce cadre, élaborer une connaissance à orientation scientifique n’est pas considéré suffisant. Il s’agit de connaître en vue de mieux comprendre les ressorts de l’action pour soutenir les sujets dans leur développement. C’est ainsi que les travaux présentés dans ce volume assument explicitement leur inscription dans une démarche d’émancipation, à la fois extrinsèque et intrinsèque, en relation avec les conditions extérieures (environnement, milieu, prescrit, codes, etc.) de leur activité mais aussi avec les difficultés internes propres aux divers acteurs (représentations, idées reçues, modèles, etc.) (Guérin dans l’introduction de ce volume). Le soutien à l’évolution des pratiques qui participent à un « observatoire » à la fois en tant qu’informateurs pour la recherche et en tant qu’acteurs du dispositif de formation, a moins pour but l’amélioration directe de leurs performances que la stimulation de leurs processus d’apprentissage dans le cadre du développement d’une expérience professionnelle.

Pour conclure

46Cette dernière contribution a tenté de montrer qu’aborder des processus complexes tels que la construction de l’expérience engage chez les chercheurs un repositionnement particulièrement exigeant quand ils souhaitent dépasser les conceptions réductrices de l’activité humaine. Lorsque le souci de comprendre les phénomènes dans leurs dynamiques va de pair avec celui de soutenir dans une perspective d’émancipation l’aspiration des sujets au développement de leurs capacités, la validité de l’enquête requiert une vigilance plus aiguë encore. L’objectif était donc de mettre en évidence ce qui, dans les travaux présentés dans ce numéro, caractérise l’élaboration d’une connaissance valide en SHS et d’expliciter en quoi cette ambition rejoint les caractéristiques épistémologiques d’une discipline telle que les SE quand elle s’efforce de concilier les règles ordinaires de la production scientifique avec une double exigence : a) axiologique en termes des conditions éthiques de cette élaboration et de recevabilité des connaissances par les acteurs ; b) praxéologique en termes d’efficacité opératoire de ces connaissance sur le terrain de l’action.

47Par ailleurs, il a paru pertinent d’expliciter en quoi l’intérêt pour l’analyse de l’activité des sujets lorsqu’elle est mise en relation avec l’analyse des situations et des environnements peut-être potentiellement fédératrice à l’intérieur de la discipline, mais aussi à l’externe, en relation avec d’autres disciplines à forte composante humaine. Le but de cette explicitation est d’abord heuristique. Il vise à mettre en discussion certaines problématiques et à contribuer aux travaux d’équipes. Plus largement, il cherche à mettre en évidence l’ambition qui pourrait être celle de chercheurs qui, en se fédérant, seraient en mesure de participer à un projet commun visant la cumulativité des résultats et par conséquent l’élaboration de modélisations valides, impossibles à atteindre sans cet effort collectif. Comme cela a pu être montré dans une recherche antérieure (Albero, Linard, Robin, 2009), ce sont précisément ces capacités réflexives et créatives qui permettent aux acteurs d’inventer pas à pas les micro-solutions qui régulent l’action individuelle et collective des organisations, permettant ainsi aux institutions de s’actualiser dans le temps.

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Mots-clés éditeurs : théories de l’activité, formation d’adultes, épistémologie, sciences de l’éducation

Date de mise en ligne : 31/03/2021.

https://doi.org/10.3917/ta.012.0094

Notes

  • [1]
    Cette expression reprend en partie le titre d’un ouvrage qu’Isabelle Stengers (1992) a consacré à la psychanalyse, à propos de son rapport à la pratique scientifique.
  • [2]
    Bien que critiquée, la différenciation proposée par J. Habermas entre travail et communication conserve une fonction heuristique, en permettant conceptuellement de distinguer sans disjoindre, la rationalité instrumentale finalisée du travail orientée vers la production et la rationalité communicationnelle propre à l’élaboration d’un sens intersubjectif dans les échanges humains orientée vers l’intercompréhension.
  • [3]
    Par exemple : aspects corporel, cognitif, émotionnel et symbolique ; plans individuel et social ; variables de situation et de tâche ; variables d’action telles que potentialités et actualisations, capacités et émergences.
  • [4]
    Par exemple : évolutions et transformations des actions, des temporalités, des rythmes et des systèmes d’interactions.
  • [5]
    Chez les animaux supérieurs et a fortiori chez les humains, les automatismes élémentaires de l’autonomie réflexe sont relayés dès la naissance par d’autres circuits, infiniment plus complexes, modelés par les relations cognitives, socio-affectives et symboliques avec autrui et l’environnement. Ainsi que le montrent la psychologie du développement et les neurosciences, chaque gain de liberté d’action, de conscience et d’intelligence issu de ces interactions, se paie d’une complexification correspondante des exigences physiques, cognitives, sociales à satisfaire et de nouvelles conduites à apprendre et à inventer, par soi-même mais jamais seul. En éducation et en formation, postuler une capacité naturelle d’autonomie également présente chez tous relève d’une erreur particulièrement lourde de conséquences en termes de dysfonctionnements, d’échecs, d’exclusions, de misères individuelles et sociales et condamne des pans entiers de l’organisation sociale à l’inefficacité.
  • [6]
    Hélices est une modélisation générique de l’activité humaine conçue dans les années 1990 pour renouveler la conception des interfaces humains-machines en vue de les transformer en « compagnons », partenaires interactifs de l’activité d’apprendre.
  • [7]
    Par exemple : accepter d’étudier un objet technique comme un composite d’humain et de non humain pour se donner les moyens conceptuels et méthodologiques d’en étudier les aspects symboliques, langagiers, intentionnels, modélisants ; accepter de constater qu’il joue un rôle d’ « actant » dans un réseau de relations où sa fonction peut s’exercer à l’opposé de l’intention de l’acteur supposé de l’action.
  • [8]
    Par exemple : observation, enregistrements vidéo, entretiens d’auto-confrontation à partir des enregistrements vidéo, traces d’activité, utilisation d’instruments tels que questionnaires de positionnement, grilles, échelles, carnet de bord des sujets décrivant des expériences significatives pour eux, etc.
  • [9]
    Par exemple : critères, typologies, graphiques, logiciels, etc.
  • [10]
    André Zeitler (2009) a par exemple repéré quatre principes directeurs : la confiance, la bienveillance, la réciprocité, l’humilité.
  • [11]
    On ne peut que rappeler les grands noms attachés à des expériences réalisées dans des contextes socio-historiques, institutionnels et techniques bien différents, mais selon des buts semblables d’appropriation par les acteurs de leur capacité d’agir grâce à la simulation bienveillante que représente, à certaines conditions, l’espace éducatif (Dewey, Freinet, Freire, Illich), associatif (Caceres et Dumazedier) ou théâtral (Boal).
  • [12]
    Par exemple, lorsqu’en utilisant une même sémantique (centre de ressources, autoformation, autonomie), les pratiques et finalités de la formation peuvent s’avérer opposées (Albero, 1998, 2000 ; 2003) ou encore lorsque, tout en incitant à l’intégration des technologies numériques et à la prise en compte des processus de professionnalisation, l’institution universitaire, par ses jeux d’acteurs, perpétue les habitus qui relèvent d’une culture opposée dans son rapport au savoir et à la connaissance (Albero, 2011).
  • [13]
    Par exemple : Linard, 2003, 2010 ; Albero, 2003, 2010a ; Albero, Kaiser, 2008 ; Albero, Nagels, 2011 ; Albero, Linard, Robin, 2009.
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