Notes
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[1]
Clot, Y., Tomâs, J.-L., Kloëtzer, L., & Prot, B. (2009). Du travail syndical au référentiel. La VAE à la Confédération Française d’Encadrement — Confédération Générale des Cadres. Rapport pour le Fond Social Européen.
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[2]
Dans son article, Clot (2008b) différencie la recherche fondamentale de terrain de la recherche-action. Nous invitons donc les lecteurs intéressés par cette question à se référer à ce texte de la revue Éducation permanente.
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[3]
Bien souvent, les référentiels de compétence se résument à une liste de verbes d’action qui sépare et distingue les principales compétences que doivent posséder un professionnel. Or, dans le cadre quotidien de l’exercice de leur métier, l’activité de ces professionnels ne procède pas par découpage d’unités séparées. Au contraire, l’activité d’un professionnel montre au contraire l’imbrication et le maillage de ses catégories pour pouvoir agir avec efficacité. En définitive, si le découpage de la pensée et de l’action en unités distinctes permet de rendre objective la description des principales compétences d’un professionnel, il ne permet pas de saisir la dynamique de leurs liaisons, et encore moins les conditions de leur développement.
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[4]
Le genre professionnel est « une sorte de pré-fabriqué, stock de “mise en acte” et de “mises en mot” prêts à servir. C’est aussi une mémoire pour pré-dire. Un pré-travaillé social » (Clot & Fernandez, 2007).
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[5]
Nous préférons ici parler de stylisation, plutôt que de style, dans la mesure où les militants mettent au travail leur style en transformant et développant, dans les meilleurs des cas, les genres dans et avec lesquels ils travaillent.
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[6]
Les phrases entre guillemets et en italiques renvoient aux verbalisations des militants que nous avons recueillies pendant les réunions de travail.
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[7]
On parlera d’abstraire, plutôt que d’extraire, en référence à l’idée présente dans les travaux de Vygotski, et qu’on ne peut pas développer ici : l’abstraction est une activité des sujets, lorsque leur expérience est confrontée à plusieurs niveaux de généralisation possibles (Vygotski, 1997 ; Prot, 2007b).
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[8]
Pour un état des lieux sur ces questions, voir Maillard, 2008.
1La place, la fonction et le statut psychologique de l’expérience ne cessent de changer, lorsque l’analyse de l’activité se déploie. C’est l’idée que nous souhaitons présenter. Plus exactement, et au regard de la tradition historico-développementale initiée par Vygotski (e.g., 1978), l’expérience des professionnels ne peut devenir un objet de formation qu’à la condition de se transformer en moyen de développement d’une nouvelle expérience. Cette dynamique développementale, provoquée par des méthodes ad hoc, peut alors être le support de nouvelles possibilités de généralisation de l’expérience -du côté des professionnels-, mais aussi le support d’un développement des concepts scientifiques (Clot, 2008a) -du côté des chercheurs. Autrement dit, comme le remarquaient déjà Oddone et son équipe dans les années 70 (Oddone, Re & Briante, 1981), le développement de l’expérience des professionnels, lorsqu’elle est soutenue par le travail des chercheurs, offre des occasions de reconsidérer la psychologie du travail, en un mot, il développe à la fois l’expérience des professionnels et celle des chercheurs. Ce faisant, l’expérience en analyse de l’activité, à la fois du côté des professionnels et des chercheurs, est alors simultanément à plusieurs places.
2Pour instruire cette question, nous nous appuierons sur une étude [1] commanditée par un syndicat français, la CFE-CGC (Confédération Française de l’Encadrement – Confédération Général des Cadres), et financée par la Communauté Européenne. La commande de ce syndicat nous a permis de prendre le temps de l’analyse approfondie de l’activité d’un groupe de pairs. Pour cela, nous avons réalisé une recherche fondamentale de terrain [2] (Clot, 2008b), au cours de laquelle i) le développement est à la fois en position d’objet et de méthode, et ii) le groupe de travail de syndicalistes est devenu un collectif associé à la recherche. Ce faisant, nous avons travaillé, pendant 30 mois avec 15 militants de la CFE-CGC, pour soutenir leur travail de formalisation qui visait à définir des acquis de l’expérience syndicale. Ce long travail de co-production a ouvert la voie à une description endogène du travail syndical et à la réalisation d’un référentiel d’activité. Mais cette production pose de nouvelles questions aux chercheurs, en déplaçant l’axe de production d’un référentiel d’activité vers la formalisation de dilemmes professionnels génériques.
1. La commande du syndicat
3La commande de ce syndicat est originale à plus d’un titre. Tout d’abord, elle est liée au « contrat d’engagement social », revendiqué par la CFE-CGC. Ce contrat prévoit un dispositif de validation des acquis de l’expérience (VAE) qui implique en premier lieu, selon les termes de ce contrat, d’« évaluer » l’expérience syndicale. La discussion entre chercheurs et membres du comité de pilotage, constitué pour encadrer le travail d’étude, ont conduit à déplacer une première fois la demande initiale. La démarche syndicale initiale était directement tournée vers les titres ou diplômes qui pourraient être les plus « proches » de l’expérience accumulée par les militants. Nos interlocuteurs partaient donc du présupposé implicite, fréquent en analyse du travail en tous domaine, que l’activité est bien connue et qu’on doit pouvoir directement la mettre en relation avec des référentiels de diplômes existants.
4Les premières discussions avec les commanditaires et un groupe de syndicalistes ont rapidement produit un premier déplacement. Certes, dans un contexte d’affaiblissement des syndicats, « la pratique syndicale à la base est un des enjeux majeurs de reconstruction du syndicalisme » (Pernot, 2005, p. 309). Dans cette direction, une des voies de reconnaissance du fait syndical passerait par la reconnaissance des expériences acquises dans le cadre de mandats électifs et de fonctions syndicales, à la fois pour légitimer l’activité syndicale, mais aussi pour qu’elle puisse être un moyen de reprendre une activité professionnelle à temps plein, forte de nouveaux acquis (Willemez, 2007). Ce dernier point a d’ailleurs été l’objet d’un article récent dans un journal du soir : « y a-t-il une vie après cinq, dix ou quinze ans d’engagement militant au sein d’un comité d’entreprise (CE) ? » (Le Monde, Valoriser l’expérience des élus syndicaux, 27 septembre 2005).
5Mais pour répondre à une telle question, il faut étudier avec précision l’activité des militants. Si les livres permettant de faire un état des lieux du syndicalisme sont nombreux (e.g., Andolfatto, 2004, 2007 ; Denis, 2005 ; Mouriaux, 2004 ; Pernot, 2005 ; Rosanvallon, 1998 ; Vakaloulis, 2007), les articles traitant spécifiquement de l’activité militante semblent au contraire assez marginaux (e.g., Fillieule & Mayer, 2001 ; Giraud, 2006; Théry, 2009 ; Willemez, 2003). Plus encore, les travaux actuels nous permettent de remarquer que l’activité des militants, l’activité des syndicalistes n’est jamais directement analysée, si on se réfère ici au concept d’activité dans la tradition ergonomique (Leplat, 1997) et en clinique de l’activité (Clot, 1999a).
6On a d’abord privilégié une analyse de l’activité indispensable pour mieux comprendre ce qu’est l’activité syndicale des participants. Plutôt qu’une description « directe » des compétences sous la forme de verbes d’action [3], les premières discussions ont conclut à l’intérêt de commencer par installer les conditions d’analyses de l’activité. A travers un dispositif méthodologique « indirect », les participants eux-mêmes peuvent faire l’expérience de l’analyse de leur activité, saisir que leur activité n’est pas réductible à une liste d’action pré-établie et s’engager, avec les chercheurs, à réaliser une enquête sur les éléments de leur activité qui leur semblent déterminant, au-delà des apparences.
7C’est la rencontre entre cette histoire syndicale et le travail d’analyse de l’activité des militants syndicaux qui a déterminé nos propositions. Nous n’avons pas cherché à « traduire » l’activité des militants en référentiels existants. Elles reposent sur l’hypothèse opposée que l’analyse de l’activité réalisée dans un collectif d’analyse et au moyen de méthode visant le développement de l’expérience, peut conduire à définir des d’éléments significatifs de l’expérience syndicale, des éléments qui feraient référence au sein du collectif engagé dans l’étude. Ces propositions ont été construites avec le comité de pilotage et sur trois axes centraux : l’activité des militants, leurs expériences singulières, les acquis potentiellement transférables.
2. Organisation de la co-analyse de l’activité
8Nous parlons ici de co-analyse dans la mesure où il s’agit pour les chercheurs de seconder l’activité des militants dans la redécouverte de leur expérience par l’entremise de techniques de retour sur l’action.
2.1. La redécouverte de l’expérience
9Dans la perspective adoptée (Clot, 2008), les chercheurs s’engagent à produire un cadre qui permet aux militants de formaliser leur expérience, afin qu’ils en disposent pour éventuellement agir sur elle, la retoucher, la transformer. C’est en se confrontant à son activité, par l’intermédiaire de l’activité des autres, que le sujet peut découvrir, au sens fort du terme, les différentes actions possibles qui se sont trouvées en concurrence dans son activité, les conflits entre elles et les choix qui ont conduit à cette réalisation. Ces actions écartées peuvent alors être saisies comme objets de discussions et de controverses pendant le travail de redécouverte de leur expérience. Mieux, si de véritables « disputes » professionnelles s’engagent, ces manières de faire, de prendre les choses ou de dire peuvent changer de statut psychologique. Alors qu’elle sont des moyens d’agir en situation, elles peuvent devenir des objets de pensée. On parlera avec Léontiev (1984) de mouvements dans la structure de l’activité. Ces mouvements ne sont pas neutres, ils se réalisent à travers des migrations fonctionnelles de sources et de ressources qui affectent, dans les différents sens du mot, le développement de l’activité des sujets (Clot, 1999a).
10Dans l’étude dont nous rendons compte ici, nous avons donc tenté de « provoquer » le développement de l’activité en construisant des étapes d’analyses successives, durant lesquelles les militants ont été confrontés, individuellement et collectivement, à ce qu’ils font, puis à ce qu’ils disent de ce qu’ils font, et enfin, à ce qu’ils font de ce qu’ils disent. Ce cycle poursuit un objectif général : favoriser le développement du pouvoir d’agir des sujets sur leur milieu de travail et sur eux-mêmes (Clot, 2008a). Nous considérons que le développement est premier, à la fois comme objet et comme méthode. C’est dans un dispositif adéquat de « recherche fondamentale de terrain » (Clot, 2008b) qu’il est possible d’expliquer comment le possible devient l’une des voies empruntées par les militants lorsqu’ils s’expliquent individuellement et collectivement à leur activité.
2.2. Le dispositif de recherche
11Nous avons réalisé, avec un collectif de 15 cadres-militants -un collectif de pairs- et sur une durée de 30 mois, 17 réunions. Celles-ci nous ont permis : i) de définir les principales tâches du militant, ii) de revenir sur des objets significatifs de leur travail, et iii) de mettre en perspective les co-analyses au regard de la formalisation de leurs expériences.
12La première difficulté majeure à laquelle nous avons dû faire face est l’éclatement des « tâches » syndicales. C’est d’ailleurs à notre demande que le collectif s’est « attaqué » à plusieurs reprises à la mise sur pied d’une typologie de leurs principales tâches. En découpant leur travail (à l’intérieur de l’entreprise, à l’intérieur du syndicat, dans le paritarisme) et en désignant un certain nombre de tâches de « référence », les tâches, pour les militants de ce collectif, qui font référence dans leur milieu syndical, les militants ont « provoqué », non-intentionnellement, une reprise de l’expérience des chercheurs. Car si ces tâches de « référence » ont peu à peu émergé comme les objets qui fonctionnaient dans le collectif et faisaient fonctionner le collectif, elles ont simultanément transformé nos manières de concevoir le travail d’élaboration et de formalisation de l’expérience professionnelle.
13C’est ainsi que nous avons proposé aux militants de poursuivre, dans l’intervalle des réunions, le travail d’analyse à travers nos observations et des journaux d’activité. Ces recueils ont étayé le développement des interprétations. Nous avons de plus mis en œuvre les deux méthodes indirectes stabilisées en clinique de l’activité : l’instruction au sosie et la technique vidéo d’autoconfrontation croisée (Clot, 1999a). Celles-ci ont permis de confronter ce que les militants font à ce qu’ils en disent. Elles ont aussi fourni l’occasion au collectif de formaliser les actions possibles, leurs limites, leurs points d’achoppement. L’analyse de l’activité, par la multiplication de ces contextes, a fourni aux militants la possibilité de comparer différentes manières de faire et de dire plus ou moins stabilisées, et de réaliser ainsi intellectuellement certains éléments caractéristiques de leur genre professionnel [4] (Clot & Faïta, 2000).
14Controverses, débats d’écoles, confrontations sur les élaborations stylistiques ont facilité la pensée collective contrastée de ces données implicites spécifiques de leur genre, tout en constituant le cadre partagé qui donne un sens potentiellement puissant à l’analyse, lorsqu’elle est ainsi tournée vers le développement de leur expérience syndicale.
15Dans ces conditions, chacun a pu alors être en mesure de regarder son activité « avec les yeux » des autres, de se confronter aux discordances et aux dissonances créées par les différents « points de vue ». Mais cette traversée de l’« activité propre » (Tosquelles, 2009) ne se réalise jamais en ligne droite, ni en concordance avec l’ensemble des pairs. Ce sont les bifurcations, les divisions et les ramifications de l’activité de chacun avec celle des autres qui parfois cristallisent de nouveaux étonnements, de nouvelles difficultés et de nouvelles ressources d’interlocution.
16En résumé, les réunions de travail avec le collectif ont été soutenues et stimulées à la fois par des observations de terrain et des informations provenant de questionnaires, et par les résultats des co-analyses menées à partir des méthodes utilisées en clinique de l’activité. Dans tous les cas, il s’agissait de provoquer des discordances, moyens de réalisation de liaisons, déliaisons, et reliaisons des rapports entre le genre et ses stylisations [5], c’est-à-dire entre ce qui est momentanément stabilisé dans et par le milieu et ce qui est repris individuellement pour faire face au réel de l’activité. Plus encore, cet ensemble méthodique n’a été entrepris que pour tenter de réaliser la méthodologie historico-développementale, autrement dit le renversement de l’expertise et la construction d’un cadre expérimental dialogique entre les experts eux-mêmes (Clot, 2008b).
17Nous avons schématisé les éléments clés de cet agencement (tableau 1). Mais cette présentation linéaire ne doit pas masquer les allés et retours entre les différents strates méthodiques, ni les reprises des analyses par les militants, ni ce qu’il a fallu « défaire » pour remanier les différents objets du travail collectif. Autrement dit, il s’agit d’un véritable mouvement dynamique et itératif. Par exemple, le travail collectif après un entretien au sosie a permis de re-définir les contours d’une tâche de « référence » — la réalisation d’un tract et de prévoir l’observation du travail d’un militant seul confronté à cette tâche.
Tableau 1. Organisation méthodique
1. Réunions collectives pour définir les tâches de « référence » (TR) |
2. Journaux d’activité pour affiner le travail d’abstraction des TR |
3. Élaboration collective d’une liste de TR |
4. Observation de l’activité de militants volontaires au regard des TR |
5. Entretiens au sosie et autoconfrontations croisées sur les TR |
6. Retours au collectif |
Tableau 1. Organisation méthodique
2.3. La loyauté comme activité multi-adressée
18Nous souhaitons maintenant revenir sur l’un des éléments significatifs de l’activité des militants : la loyauté. Pour cela, il nous faut reprendre le cours de notre action.
19Après deux premières réunions générales, durant lesquelles nous avons mis en discussion les axes de l’étude et débuté le travail d’analyse de l’activité, et après accord collectif, nous avons opté pour la réalisation d’un entretien au sosie. Un militant volontaire a choisi de donner des consignes au sosie-chercheur qui le « remplacerait » fictivement, sur son activité pendant des réunions intersyndicales avec la direction. Cet entretien s’est déroulé devant l’ensemble du groupe. Il a duré environ 45 minutes.
20Nous reproduisons ici l’un des extraits de l’entretien qui a été source de débat et qui de ce fait est devenu une ressource pour le développement de l’analyse des militants. On revient sur différentes reprises : après l’entretien, puis lors de la 4ème réunion. On reprend alors toutes les séquences où « la loyauté » a été à nouveau prise dans des controverses. C’est en effet à travers ces reprises successives que cette question de la loyauté s’est imposée comme une caractéristique importante de l’activité de syndicaliste cadre. Dans cet extrait, le militant explique au sosie comment au cours de la même journée, il va être confronté à deux réunions très différentes : la première en tant que cadre de l’entreprise avec la direction, et l’après midi en tant que militant.
- Chercheur : Donc, le matin, je suis avec la direction.
- Militant : Oui.
- C : Et l’après-midi, je continue à être avec, tout en étant en face.
- M : Voilà.
- C : C’est ça l’idée.
- M : Donc, oui, c’est, mais sans faire des simagrées hein quand même.
- C : Oui.
- M : Non non, mais c’est, si tu veux, on parle de loyauté.
- C : Comment je fais pour pas faire des simagrées ?
- M : Pour pas faire des simagrées ? Parce que il faut pas que tu sois déloyal l’après-midi, ni avec le DRH (Directeur des Ressources Humaines) ni avec le DG (Directeur Général) ni avec tes collègues. Puisque tu n’oublies pas que tu es syndicaliste aussi. Alors, c’est avec une certaine, je ne dis pas neutralité, mais plutôt, un certain, un tout petit recul et une certaine analyse de la situation. Comporte-toi plutôt l’après-midi comme une espèce d’entonnoir ou si tu veux un espèce de filtre vis à vis de la Direction. Et en étant syndicaliste, plutôt que d’attaquer et de foncer tête baissée les poings en avant, de montrer aux gens avec lesquels tu étais le matin que l’après-midi tu es certes face à eux, mais sois plutôt analyste de la situation.
22À la suite de cet entretien, les militants ont notamment discuté de l’adresse stratégique et diplomatique qu’ils doivent acquérir pour asseoir leurs différentes fonctions. Leur activité est tournée vers une conciliation entre les positions concurrentes de militants et de membres de l’encadrement. Ce qui est en jeu est toujours complexe : la position confédérale, la position locale, les jeux de rôles, la volonté de faire avancer des propositions à l’intérieur d’un champ d’action. Les actions réalisées sont toujours reliées au contexte. Autant de contextes que de comportements différents : « j’ai un comportement différent selon les lieux d’exercice de mon mandat de syndicaliste, selon les enjeux politiques [6] ». Mais dans tous les cas, il semble difficile d’aller tête baissée avec sa propre idée : « la modération permet d’éviter des crises, même si on a raison, on a une conscience collective ».
23Les risques sont aussi à la hauteur des liens professionnels et syndicaux. Si les parcours des militants ont toujours à voir avec le développement des situations sociales locales et plus globales, les avancées sur ces terrains peuvent avoir des répercussions sur leur carrière : « le risque c’est de se lancer trop fort, trop loin, et alors il faut faire attention au retour dans la vie professionnelle ». Et inversement, il y a des tâches professionnelles, lorsqu’elles sont réalisées avec efficacité peuvent être jugées négativement par les collègues syndiqués de la CFE-CGC. On comprend que ces conciliations sont fréquentes et essentielles, au point qu’il peut devenir difficile de conserver « le feu sacré ».
24La reprise collective, sur la base d’une lecture individuelle et attentive, de la totalité de la retranscription de ce premier entretien au sosie lors de la séance suivante a convoqué de nouvelles controverses. Ce travail minutieux d’analyse a alors permis d’abstraire [7] une activité multi-adressée : la loyauté. Cet élément central de l’exercice quotidien du militant CFE-CGC doit aussi se comprendre comme une activité repliée, empêchée, retirée. Les militants ont fait état d’activités « auto-bridées » durant lesquelles ils marchent « sur un fil ». Les faux mouvements doivent alors être combattus de l’intérieur. Cette fidélité à plusieurs « corps » peut être une épreuve pour les militants. La direction tout comme les autres organisations syndicales peut jouer de ses moyens pour tester la position, la posture du militant. Celui-ci a tout autant une mission sociale auprès des salariés, qu’une fonction de « lobbying » auprès de la direction. Il est à la fois un thermomètre des relations sociales qui s’adresse à la direction et un thermomètre de l’état de cette dernière adressé aux salariés. Ces tiraillements entre deux positions rivales peuvent isoler le militant, le mettre en porte-à-faux. Ces multiples points d’appui peuvent être préjudiciables à l’action syndicale, à l’évolution de la carrière, à l’optimisation du travail professionnel.
25Pour ne pas perdre pied et pour conserver le cap, les militants peuvent s’appuyer sur les cadres institutionnels de leur travail. En effet, leurs activités s’insèrent dans un double maillage : « c’est comme si on avait deux employeurs, l’entreprise et le syndicat ». En conséquence, le travail des militants est supporté par deux types de prescription : i) celles associées aux tâches prescrites par l’employeur ; et, ii) celles qui règlent le travail syndical.
26Mais il existe aussi un prescrit d’un niveau supérieur : sans chercher l’exhaustivité, nous pouvons nommer, les droits et les devoirs des délégués syndicaux, les missions des syndicats, les règles de fonctionnement des comités d’entreprise, des CHSCT. La loyauté peut être ainsi encadrée par les prescriptions, les valeurs, les règlements intérieurs. Ce sont ces obligations, ces engagements, ces chartes, ces statuts, ces exigences qui confèrent au travail syndical ses conflits de fonction. On rencontre aussi des règles implicites et partagées qui s’immiscent entre les règlements intérieurs et la réalité du travail syndical.
27La loyauté ne se résume pas à une activité tiraillée entre le pôle professionnel et le pôle syndical. A l’intérieur même de ce dernier, le travail syndical se mesure à des dilemmes, à des conflits, à des contradictions. Entre ce qu’il faut faire et ce qui est réellement fait, les militants s’organisent collectivement pour construire du collectif, c’est-à-dire des courroies de transmission entre les différents niveaux de prescrit et le travail syndical. Ces ressources collectives se construisent quotidiennement lors des réunions, des commissions, des distributions de tract. Ce qui est loyal et ce qui ne l’est pas reste un objet et un sujet de discussion, à l’intérieur de valeurs communes « faites d’humanisme, de responsabilité, d’indépendance, de pragmatisme, de professionnalisme ».
28C’est ainsi que les militants ont repris, dans le cours de l’analyse de leur activité, l’expérience quotidienne de la loyauté jusqu’à considérer la loyauté comme expérience singulière de leur activité. En transformant inlassablement, par la médiation de controverses nourries par des situations concrètes, la loyauté comme objet en moyen de développement de leur propre expérience, en loyauté comme concept partagé au sein du collectif, ils ont réussi à la détacher du tissage et des nœuds expérienciels dans laquelle elle était fixée.
29Dans le même temps, ils ont pu découvrir toute l’étendue masquée de leur expérience. Mieux, ils ont collectivement défini de nouveaux contours à leur activité. Ce faisant, la fonction psychologique de la loyauté a elle-même migré. La loyauté pour soi est entrée en contradiction avec la loyauté pour les pairs. L’appropriation individuelle de ces différences a, dans le meilleur des cas, permis un développement de nouveaux moyens et de nouvelles significations (Clot, 1999b). Du coup, l’expérience de la loyauté a pu être remaniée au sein d’un nouveau système fonctionnel (Anokhin, 1969 ; Luria, 1967/1978), lui permettant alors de participer à d’autres assemblages, d’autres éléments variables, d’autres possibles. Nous y reviendrons dans le chapitre 4 (Expérimentation du référentiel).
3. Un référentiel d’activité
30On peut à ce point revenir sur la question centrale de méthode. La co-analyse ne conduit pas à une description d’une suite d’opérations, elle contribue à transformer l’expérience. Lorsque le collectif s’associe effectivement à l’analyse, parce qu’il s’approprie psychologiquement la méthode, alors l’analyse peut produire une pensée abstraite et même précisément une conceptualisation collectivement partagée, et du même coup partageable avec d’autres, des caractéristiques de l’activité. Mais en retour, cette conceptualisation abstraite faire apparaître plus clairement un point de méthode difficile en matière de conception de référentiels.
31La loyauté comme concept ne repose pas sur des actions séparées, elle se développe à partir des dilemmes rencontrés. Ces dilemmes mettent en tension, à l’intérieur de chaque militant, et entre eux, les dimensions personnelle, interpersonnelle, impersonnelle et transpersonnelle (Clot, 2008a) du travail syndical. On s’oriente alors vers la conception d’un référentiel d’activité structuré sur la définition par le collectif de dilemmes génériques.
32C’est alors seulement, à partir de la stabilisation, de l’objectivation dans le langage de tels dilemmes que la co-analyse a franchi un pas de plus. Elle s’est trouvée engagée vers la recherche des ressources qui permettent de répondre à ces dilemmes. C’est ici probablement qu’on rejoint l’objectif central assigné à l’étude par la commande du syndicat, reconnaître ces « acquis de l’expérience ». Ils deviennent en réalité des « acquis » par l’exercice de la fonction dans les « affrontements » des militants aux conjonctions d’objectifs irréductibles et en concurrences, dont on ne peut sortir que par un choix circonstanciel mais jamais définitif. Mais ils ne deviennent véritablement des « acquis » que lorsque les militants eux-mêmes se rendent compte de ces « instruments » disponibles et stabilisés dans et par leur milieu.
33Nous avons alors élaboré avec eux un référentiel relevant certains dilemmes et certains acquis. Avant de le présenter, nous souhaitons différencier les référentiels en usage. Cela nous permettra à la fois de délimiter les obstacles des référentiels existants et d’expliquer les choix que nous avons réalisés.
3.1. Des référentiels au référentiel d’activité
34On distingue depuis une trentaine d’années la structure des diplômes, et désormais de l’ensemble des certifications inscrites au Répertoire national des certifications, distingue le référentiel « d’activités professionnelles » et le référentiel de certification. Le référentiel d’activité professionnelle « cerne » -le mot est volontairement imprécis, les définitions officielles étant elles-mêmes instables - les contours des emplois susceptibles d’être occupés par le titulaire du diplôme. Le référentiel de certification précise les objectifs à atteindre pour obtenir le diplôme et définit les compétences nécessaires pour occuper les emplois.
35La construction des diplômes est ainsi encadrée par une préoccupation de codification, d’uniformisation. Les référentiels deviennent des outils mis à la disposition des acteurs de la formation, de la certification, mais aussi des acteurs du monde scolaire et professionnel, élèves, apprentis, étudiants, employeurs, et bien sûr, candidats à la VAE. La loi de 2002 a généralisé le principe d’une élaboration des référentiels d’activité professionnelle dans un cadre partiaire, sur le modèle des Commissions Professionnelles Consultatives (CPC), composées de représentants du certificateur, des employeurs et des salariés ainsi que d’experts du domaine. [8].
36En France, le diplôme est depuis de longue date un élément central de l’articulation entre les formations et les emplois (Brucy, 1998 ; Bertrand, 2002). Mais la démarche de validation des acquis en transforme l’usage et les questions des référentiels prennent un nouveau contour (Maillard, 2001). Normalement, le diplôme sanctionne la fin d’un parcours initial, continu ou par apprentissage. Dans le cadre de la VAE, le diplôme doit attester des connaissances construites au travail, dans le cours de l’exercice du travail. Outre le choix d’enrichir la fonction sociale du diplôme (Ravat, 1997), « il n’est pas besoin de théories savantes pour admettre que ce qui est acquis par voie de formation et ce qui l’est par l’expérience n’est pas de même nature, n’est par essence pas comparable » (Bertrand, 2007, p. 9). L’inventaire des risques de la VAE a déjà été souligné (Clot & Prot, 2003 ; Prot, 2007a). Nous n’en retiendrons que deux : i) le candidat peut s’inspirer directement du référentiel du diplôme pour rédiger son dossier, rabattant ainsi son expérience sur des conceptions abstraites ; ii) inversement, il peut se retrouver attaché à ses expériences leur demandant alors de « parler pour lui », et il évite alors l’épreuve de confrontation entre ses acquis et le référentiel du diplôme. Pourtant, l’un des principes de la VAE est la mise en rapport des expériences avec le diplôme et/ou les unités visées. C’est même ce rapport qui permet de réorganiser l’expérience grâce au support du référentiel des diplômes. Celui-ci n’est donc pas « une mesure étalon appliquée sur des connaissances inertes, c’est un instrument de réalisation psychologique à propos d’une connaissance empirique » (Prot, 2007b, p. 114).
37Le référentiel est une ressource pour l’analyse des expériences du candidat. Plus encore, le référentiel peut être l’un des moyens privilégiés pour le développement des acquis de l’expérience du candidat. Celui-ci peut alors reconsidérer à nouveau frais son expérience par la confrontation, toujours singulière, entre ses acquis et les significations incontournables du référentiel. L’analyse de l’expérience par la médiation du référentiel lui permet de « distinguer dans le tout ce qu’il a vécu, ces moments où les acquis de l’expérience collective et les obligations prescrites sont devenus, pour lui, des ressources pour agir et pour reprendre l’initiative sur la situation » (Ibidem, p. 113). La confrontation entre deux régimes de connaissance : ses expériences et le référentiel, offre l’occasion au candidat d’éprouver des discordances potentiellement créatrices (Clot & Prot, 2003) de nouvelles expériences, de nouvelles connaissances.
38En définitive, l’analyse de l’expérience par l’intermédiaire du référentiel, peut devenir un instrument de formation pour le candidat à la condition de devenir un instrument de transformation de l’expérience (Clot, 2000).
39En cohérence avec ce point de vue, nous concevons donc le référentiel d’activité comme une ressource pour le professionnel qui peut, en l’utilisant, prendre la mesure du niveau de développement de son expérience propre. Ainsi se précisent pour lui les conditions à réunir dans le parcours de validation qu’il a entrepris. C’est la fonction psychologique du référentiel d’activité. Il permet au candidat de « réaliser » psychologiquement, en même temps qu’il permet au jury d’évaluer les acquis du candidat. Simultanément les membres du jury, lorsqu’ils parviennent à conserver effective entre eux la fonction délibérative inhérente au travail de jury, prennent à leur tour la mesure des significations des termes du référentiel et de leurs limites.
40À partir de ce point de vue sur les référentiels et leurs usages, on doit alors souligner que l’étude réalisée avec les militants syndicaux nous a poussés vers une tout autre question, qui, si elle ne semble pas contradictoire avec ce qui précède, contraint à penser une autre dimension du problème. Dans le cas du travail syndical, le référentiel d’activité n’est pas construit préalablement, il ne repose pas sur des termes dont la signification et les liens réciproques auraient été plus ou moins précisément définis par les membres d’une commission partiaire.
41En privilégiant l’analyse de l’activité dans un collectif de pairs, on a constitué un référentiel fondé sur la définition de dilemmes d’activité, puis d’acquis de l’expérience qui relèvent de la conceptualisation spécifique des professionnels en exercice. On peut alors avancer l’idée que l’analyse de l’activité est bien une ressource pour l’élaboration de référentiels, mais une ressource indirecte : elle conduit à établir un palier supplémentaire, sur la base des concepts quotidiens des professionnels.
3.2. Dilemmes et acquis de l’expérience
42Le long travail de co-analyse que nous avons mené avec le « collectif de référence » nous a permis de distinguer ce à quoi se mesure l’activité des militants dans l’exercice quotidien de leur travail : les principaux dilemmes de leur activité et ce à quoi ils se réfèrent pour affronter ces dilemmes, les principaux acquis de l’expérience. La distinction essentielle entre source -les dilemmes- et les ressources -les acquis de l’expérience- permet d’expliquer et de comprendre comment l’expérience est engendrée et provoquée par les rapports toujours singuliers entre ce qui fait obstacle et ce qui permet de les renouveler. Ce faisant, il semble alors important de distinguer deux niveaux dans l’architecture d’un référentiel d’activité.
43Tout d’abord, les dilemmes, loyauté comprise, ont été repris et modifiés dans le cours de l’étude et ils ont été « validés » par les cadres-militants lors des réunions de travail sur le référentiel.
Tableau 2. Les dilemmes
Tableau 2. Les dilemmes
44Ensuite, les acquis de l’expérience, qui peuvent être regardés comme les instruments collectifs de l’action individuelle, ont eux aussi été redéfinis longuement lors de séance de travail spécifiques.
Tableau 3. Les acquis de l’expérience
Tableau 3. Les acquis de l’expérience
45L’abstraction des dilemmes et des acquis de l’expérience est ainsi le résultat d’une stabilisation de l’analyse par le « collectif de référence ». Les controverses sur l’activité, réalisées au sein d’un cadre méthodologique historico-développemental et provoquées par des méthodes indirectes d’analyse, conduit à un référentiel à deux niveaux. .
4. Expérimentation du référentiel
46La réalisation de l’étude s’est alors tournée vers une dernière étape. Afin de confronter ce référentiel à une démarche VAE, quatre membre du collectif des militants, qui pourraient s’engager personnellement dans une VAE, ont participé à un dispositif expérimental en quatre temps : i) un point sur l’offre de certification, ii) un entretien individuel de positionnement par rapport à un projet de VAE (réalisé par un spécialiste de la VAE), iii) au cours d’ateliers collectifs, un entretien individuel à partir du référentiel (mené par les chercheurs de l’étude), et iv) un travail individuel d’écriture du dossier de VAE, partiellement mené.
47Il n’est guère possible de rendre compte de cette dernière étape dans ce texte. On veut signaler son existence pour être complet sur le protocole ainsi réalisé, mais aussi pour insister sur le principe qui guide l’expérimentation : un référentiel n’est pas seulement un « artefact » symbolique produit par ses concepteurs, il doit pourvoir fonctionner aussi comme « instrument » d’analyse de l’activité et favoriser des effets développementaux (Prot, 2003).
48Les entretiens réalisés avec les militants par les chercheurs, devenus « accompagnateurs » occasionnels, ont été filmés, pour permettre ensuite un retour critique sur l’expérimentation. Par ailleurs, on a choisi des entretiens individuels, mais réalisés en situation de groupe. C’est un choix original et délibéré : l’entretien de validation est un « travail », avec ses contraintes, mais chacun n’est pas « isolé » avec l’accompagnateur pour comprendre ce qu’on lui demande. C’est sur cette base et dans ce cadre que trois entretiens ont été réalisés : i) deux entretiens ayant pour point de départ un dilemme, et ii) un entretien ayant pour point de départ les acquis de l’expérience.
49Ainsi, les élaborations réalisées par les militants durant les entretiens leur ont permis, soit à partir d’un dilemme, soit à partir d’un acquis, de construire des liens avec d’autres dilemmes et/ou d’autres acquis de l’expérience, leur donnant alors l’occasion de poursuivre la formalisation de leur expérience de militant syndical. Simultanément, les chercheurs ont eu la possibilité de relancer cette élaboration et de la soutenir en réalisant des liens entre les réalisations discursives des militants et les différents items du référentiel. Comme nous le signalions plus haut, les éléments du référentiel permettent des relations inter-fonctionnelles entre des entités différenciées, ce qui peut provoquer des modifications de leur statut et fonction psychologiques.
50Par exemple, il est possible de décrire un cycle dont le point de départ est la de la situation de référence co-construite par le militant et l’accompagnateur: i) du dilemme ou de l’acquis de l’expérience à la situation de référence ; puis, ii) de l’élaboration du dilemme aux ressources qui ont servi à résoudre ce dilemme, ou de l’élaboration de l’acquis de l’expérience aux sources qui ont été à l’origine du déploiement de l’expérience ; ensuite, iii) poursuite de l’élaboration grâce à la combinaison de plusieurs dilemmes permettant de revenir sur les ressources mises en œuvre par les militants pour résoudre les dilemmes, ou poursuite de l’élaboration grâce à la combinaison de plusieurs acquis de l’expérience permettant de saisir les sources de cette mobilisation.
5. Conclusion
51Finalement, ce développement de l’expérience n’a été possible que par une reprise à nouveau frais des méthodes en clinique de l’activité. De fait, l’expérience des chercheurs s’est construite sur la base de nouveaux obstacles qu’il a fallu renverser pour les transformer en ressources pour l’action. Et par une sorte de choc en retour, méthodes et reprises de l’expérience des militants ont alors pu à la fois soutenir un travail de conceptualisation du dispositif d’abstraction de l’expérience, et aussi étayer les prémisses de nouveaux concepts dans le champ de la production des référentiels. En effet, les dilemmes, tels que nous les concevons, permettent de matérialiser le rapport, éprouvé par ceux qui s’exposent au travail, entre les contradictions inhérentes aux tâches (Leplat, 1997) et les conflits de l’activité, donnant ainsi l’occasion aux professionnels de reprendre dans d’autres contextes leur expérience pour potentiellement développer leur métier. Mais les dilemmes offrent aussi aux accompagnateurs VAE des voies qui nous semblent originales pour guider les professionnels dans la reprise de leur expérience. Enfin, les dilemmes ne sont pas isolés dans l’expérience des professionnels. Ils se lient et délient dans l’activité du sujet et en fonction des situations de travail. Mais ces rapports ne se réalisent pas sans répondants professionnels. Dans le cadre de l’exercice quotidien de leur métier, les professionnels acquièrent, inventent, créent des ressources pour l’action. Ce sont ces liens entre contradictions, dilemmes, ressources pour l’action, inventivité et initiatives individuelles et collectives que nous avons donc cherchés à ne pas comprimer ou briser. Ce faisant, et pour terminer en paraphrasant Oddone et coll. (1981), c’est un nouveau mode de développement pour la psychologie qui est poursuivie, mais aussi une possibilité pour les professionnels de faire quelque chose de la psychologie.
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Mots-clés éditeurs : Référentiel, Expérience, Analyse de l’activité, Dilemme, Développement
Date de mise en ligne : 31/03/2021
https://doi.org/10.3917/ta.006.0150Notes
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[1]
Clot, Y., Tomâs, J.-L., Kloëtzer, L., & Prot, B. (2009). Du travail syndical au référentiel. La VAE à la Confédération Française d’Encadrement — Confédération Générale des Cadres. Rapport pour le Fond Social Européen.
-
[2]
Dans son article, Clot (2008b) différencie la recherche fondamentale de terrain de la recherche-action. Nous invitons donc les lecteurs intéressés par cette question à se référer à ce texte de la revue Éducation permanente.
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[3]
Bien souvent, les référentiels de compétence se résument à une liste de verbes d’action qui sépare et distingue les principales compétences que doivent posséder un professionnel. Or, dans le cadre quotidien de l’exercice de leur métier, l’activité de ces professionnels ne procède pas par découpage d’unités séparées. Au contraire, l’activité d’un professionnel montre au contraire l’imbrication et le maillage de ses catégories pour pouvoir agir avec efficacité. En définitive, si le découpage de la pensée et de l’action en unités distinctes permet de rendre objective la description des principales compétences d’un professionnel, il ne permet pas de saisir la dynamique de leurs liaisons, et encore moins les conditions de leur développement.
-
[4]
Le genre professionnel est « une sorte de pré-fabriqué, stock de “mise en acte” et de “mises en mot” prêts à servir. C’est aussi une mémoire pour pré-dire. Un pré-travaillé social » (Clot & Fernandez, 2007).
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[5]
Nous préférons ici parler de stylisation, plutôt que de style, dans la mesure où les militants mettent au travail leur style en transformant et développant, dans les meilleurs des cas, les genres dans et avec lesquels ils travaillent.
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[6]
Les phrases entre guillemets et en italiques renvoient aux verbalisations des militants que nous avons recueillies pendant les réunions de travail.
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[7]
On parlera d’abstraire, plutôt que d’extraire, en référence à l’idée présente dans les travaux de Vygotski, et qu’on ne peut pas développer ici : l’abstraction est une activité des sujets, lorsque leur expérience est confrontée à plusieurs niveaux de généralisation possibles (Vygotski, 1997 ; Prot, 2007b).
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[8]
Pour un état des lieux sur ces questions, voir Maillard, 2008.