Couverture de STUD_011

Article de revue

Assurer une nouvelle vie pour le carton de tapisserie de Pieter Coecke van Aelst

Pages 275 à 296

Notes

  • [1]
    Un constat d’état est une fiche ou un formulaire reprenant la description technique et l’état d’une œuvre d’art (type, nature et localisation des dommages). Le constat reflète l’état d’un objet à un moment donné, il permet de comparer celui-ci lors d’évaluations futures (expositions, transport, entreposage…) et est indispensable à toute proposition de traitement et de déplacement de l’œuvre.
  • [2]
    La conservation préventive est l’ensemble des dispositions prises pour créer un environnement optimal pour conserver et exposer des œuvres d’art de façon à ce que les œuvres soient protégées sans que l’on ne doive intervenir directement sur celles-ci. On empêche ainsi, ou du moins on ralentit, la dégradation des œuvres. Le but de la conservation préventive est donc de garantir et de maintenir l’état actuel des œuvres et de prévenir tout nouveau dégât.
  • [3]
    Pour de plus amples informations à ce sujet, voir les publications et sites internet suivants : Institut canadien de conservation, Gestion des risques pour les collections patrimoniales, ICC, Ottawa : https://www.canada.ca/fr/institut-conservation/services/gestion-risques-collections-patrimoniales.html [consulté le 10.02.2018] ; A Guide to Risk Management of Cultural Heritage, ICCROM, CCI, 2016 : https://www.iccrom.org/wp-content/uploads/Guide-to-Risk-Managment_English.pdf [consulté le 10.02.2018] ; Reducing Risks to Heritage, International Meeting 28-30 November 2012 (RCE, CCI, ICCROM). Program and Abstracts, Amersfoort, 2012 ; BROKERHOF A., ANKERSMIT B. et LIGTERINK F., Risicomanagement voor collecties, Rijksdienst voor het Cultureel Erfgoed Nederland, Amersfoort, 2016.
  • [4]
    Nous tenons d’ailleurs à remercier toutes les personnes interviewées ainsi que tout le personnel du musée pour leur honnêteté et leur collaboration tout au long du projet.
  • [5]
    Institut canadien de conservation, Agents de détérioration, ICC, Ottawa : https://www.canada.ca/fr/institut-conservation/services/agents-deterioration.html [consulté le 10.02.2018].
  • [6]
    Pour plus d’infos sur ce type d’agent de détérioration : https://www.canada.ca/fr/institut-conservation/services/agents-deterioration/lumiere.html.
  • [7]
    Voir le Tableau 3 (Sensibilité des matériaux colorés à la lumière et nombre d’années préalables à une décoloration) de l’agent de détérioration « lumière » de l’ICC. Le Carton se situe entre Sensibilité moyenne et élevée.
  • [8]
    Moyenne d’exposition : 8 heures/jour ; 3 000 heures/an. Décoloration presque totale : estimation à prendre avec prudence, calculée sur base du seuil différentiel (30x).
  • [9]
    Certes l’on sait que tout vitrage simple diminue déjà de 30 à 50 % les UV et les verres anciens de la Maison du Roi ne font pas exception à la règle, mais les films de protection permettraient de bloquer entre 89 % (filtre collé) et 95 % (filtre à l’intérieur du verre) des UV. Source : BROKERHOF A. et al., Verlichting in musea en expositieruimten, Rijksdienst voor het Cultureel Erfgoed Nederland, Amersfoort, 2008.
  • [10]
  • [11]
    L’Université d’Eindhoven a mis au point un outil en ligne permettant de générer quatre types de graphiques pour l’étude du climat. Les graphiques du premier type décrivent les variations d’HR et de température en fonction du temps. La « carte d’évaluation du climat » (Klimaat evaluatie kaart), compare les données soumises avec celles généralement rencontrées et attendues selon les saisons pour un cadre de valeurs défini (pourcentage d’HR, température, variations admises par heure, variations admises par 24h). Pour plus d’informations quant à la Carte d’Évaluation Climatique : http://archbpspomws1.bwk.tue.nl/Document/BvMtrvkek.pdf#page=1. VAN SCHIJNDEL J., MAERTENS M. et SCHELLEN H., Klimaat Evaluatie Kaart, een nieuwe manier voor weergave van het binnenklimaat, Bouwfysica, Eindhoven, 2005.
  • [12]
    L’acronyme ASHRAE signifie American Society of Heating, Refrigeration, and Air Conditioning Engineers Inc. Dans son manuel, un chapitre est consacré aux musées, galeries, archives et bibliothèques du manuel. L’approche utilisée dans ce chapitre se démarque de la façon dont on abordait auparavant la question du milieu ambiant des musées, qui préconisait une régulation plus stricte de l’humidité relative et de la température. Actuellement, on fait le lien entre les variations de l’humidité relative et les dommages mesurables aux objets de musée. Il existe cinq niveaux de régulation : AA, A, B, C et D. Aux niveaux AA, A et B, les réglages saisonniers sont notés séparément des variations de courte durée admissibles. Pour ce qui est des niveaux de régulation C et D, les importants écarts notés peuvent découler des réglages saisonniers intentionnels, de brèves variations, ou des deux (ce qui est généralement le cas).
  • [13]
    ANKERSMIT B., Klimaatwerk : Richtlijnen voor het museale binnenklimaat, Rijksdienst voor het Cultureel Erfgoed, Amersfoort 2009, p. 87. Le climat de type « ASHRAE AA » a été préconisé sur la décision commune (musée, coordinatrice de la restauration Hélène Bartelloni et cellule de conservation préventive de l’IRPA).
  • [14]
    Le climat de type « ASHRAE B » présente un risque modéré de dégradation mécanique pour les objets très sensibles ; cette option est une alternative plus réaliste pour l’adaptation de bâtiments historiques comme le musée.
  • [15]
    Pour plus d’infos sur ce type d’agent de détérioration : https://www.canada.ca/fr/institut-conservation/services/agents-deterioration/polluants.html.
  • [16]
    BRIMBLECOMBE P., Dust in the Cultural Environment, dans Proceedings Indoor Air (ISIAQ), Monterey, 2002, p. 779.
  • [17]
    LITHGOW K., LOYD H., BRIMBLECOMBE P., YOON Y.-H. et THICKETT D., Managing dust in historic houses – a visitor/conservator interface, dans 14th Triennial Meeting The Hague Preprints, vol. II, Londres, 2005, p. 664.
  • [18]
    Projet intitulé « Controls on ‘irreversible’ soiling ; minimizing damage to indoor artefacts » mis sur pied par l’Université d’East Anglia en collaboration avec la National Trust, Historic Royal Palaces et English Heritage.
  • [19]
    BRIMBLECOMBE P., Dust in the Cultural… op. cit., pp. 776-781 ; WEI W., Stoffig Museum, dans Kunst en Wetenschap, 2011-2012, pp. 31-32 ; WEI W., JOSSTEN I., KEIM K., DOUNA H., MEKKING W., REUSS M. et WAGEMAKERS J., Experience with Dust Measurements in Three Dutch Museums, dans ZKK Zeitschrift für Kunsttechnologie und Konservierung, 21, 2007, pp. 261-269.
  • [20]
    C’est pourquoi il est souvent difficile de comparer les données d’une institution à l’autre.
  • [21]
  • [22]
    Tractebel est une filiale d’ingénierie d’Engie : https://tractebel-engie.be/fr.
  • [23]
    DIN 4150 Part II: Annoyance to people (nuisance aux personnes) ; DIN 4150 Part III: Damage to structures (dommages aux structures).
  • [24]
    Afnor NF EN 15999-1: Conservation des biens culturels - Guide pour la gestion des conditions environnementales - Recommandations pour les vitrines destinées à exposer et préserver des biens culturels - Partie 1 : exigences générales.
  • [25]
    LAFONTAINE R., Le gel de Silice, dans Bulletin technique de l’ICC, 10, Ottawa, 1984.
  • [26]
    THICKETTE D., DAVID F., et LUXFORD N., Air exchange rate – the dominant parameter for preventive conservation?, dans The Conservator, 29, 2005, pp. 19-34.
  • [27]
    Des mesures de concentration en gaz, sur base d’un appareil prototype, ont également été menées afin de se faire une idée de l’émission de polluants en interne. Les mesures effectuées doivent être considérées, avec une grande prudence, comme indicatives, car l’appareil présente une sensibilité croisée au dioxyde de carbone (CO2) et les résultats observés ont donc été faussés par l’injection du gaz.

Introduction

1En 2012, le Musée de la Ville de Bruxelles fait appel à la cellule de conservation préventive de l’Institut royal du Patrimoine artistique (IRPA) afin qu’elle rende un avis concernant la demande de prêt, par le Metropolitan Museum de New York, du carton de tapisserie « Le martyre de saint Paul » de Pieter Coecke van Aelst (que nous appellerons dans la suite de cet article « le Carton »).

2Deux visites donnent lieu à un premier constat d’état [1], réalisé par Hilke Arijs, Marjolijn Debulpaep et Lieve Watteeuw, qui débouche sur un avis négatif quant à la demande du Metropolitan. Un second constat d’état plus approfondi, réalisé en 2014 par Hélène Bartelloni, spécialisée dans la restauration de cartons préparatoires de grand format, confirme l’avis de l’IRPA : l’œuvre ne peut en aucun cas faire l’objet d’un prêt (fig. 1).

3D’emblée, il apparaît également clair à tous les intervenants que l’état de conservation du Carton, exposé depuis le début des années 1990 sous verre de protection en profil └┘ dans le hall du premier étage du musée, impose un travail important de restauration préalable à toute nouvelle exposition de l’œuvre.

4Une restauration d’une telle envergure nécessite aussi la mise en œuvre d’un « parcours » de conservation préventive [2] qui permettra d’envisager et d’anticiper les conditions de conservation du Carton à mettre en œuvre après restauration. La détermination de ce parcours est confiée à la cellule de conservation préventive de l’IRPA. Il est également décidé que tous les aspects relatifs à la conservation du Carton et à sa restauration seront supervisés par un comité international d’experts.

Fig. 1

Constat d’état d’Hélène Bartelloni représentant quelques types de dégradation comme : lacunes et différents types de comblements de lacunes ; repeints et différents types d’altérations de la couche picturale ; déchirures et soulèvements de papiers ; structure et assemblage des feuilles de papier

Fig. 1

Constat d’état d’Hélène Bartelloni représentant quelques types de dégradation comme : lacunes et différents types de comblements de lacunes ; repeints et différents types d’altérations de la couche picturale ; déchirures et soulèvements de papiers ; structure et assemblage des feuilles de papier

Développement du parcours de conservation préventive

5De novembre 2015 à juin 2017, en parallèle à la restauration du Carton, l’IRPA apporte son soutien au musée pour préparer son exposition ultérieure dans un environnement adéquat. Visites du musée, rencontres avec son personnel, analyse des risques et mesures environnementales vont permettre de répondre aux deux questions principales : celle du lieu d’exposition et celle du mode de présentation du Carton et de ses modalités pratiques, une fois le Carton restauré.

6La nécessité de le placer dans une vitrine plus performante, simple hypothèse de départ, est confirmée à mesure de l’avancement du parcours de conservation préventive.

7Il s’agissait tout d’abord de suivre au plus près les étapes de la restauration du Carton, de s’en imprégner et de mieux cerner les problématiques qui s’étaient déjà révélées par le passé. Ceci afin d’accompagner au mieux le musée dans l’établissement d’une stratégie de conservation à long terme du Carton. Citons, entre autres constats d’état alarmants, une désolidarisation du papier et de la toile, due aux conditions générales dans lesquelles le Carton était auparavant exposé, un empoussièrement critique et une exposition importante à d’amples variations thermohygrométriques ainsi qu’à une forte intensité lumineuse.

8La photographie en noir et blanc ci-dessous est une photographie IRPA de 1943 (anciennement Commissariat général à la Restauration du Pays), lorsque le Carton était encore conservé à l’Hôtel de Ville de Bruxelles. La photographie de droite montre l’ancien emplacement qui lui était réservé au musée (Maison du Roi) ainsi que le verre de protection, sur le palier du premier étage (fig. 2, 3).

Figs. 2, 3

Anciens emplacements du Carton : à gauche à l’Hôtel de Ville en 1943 et à droite sur le palier du 1er étage de la Maison du Roi en 2012

Figs. 2, 3

Anciens emplacements du Carton : à gauche à l’Hôtel de Ville en 1943 et à droite sur le palier du 1er étage de la Maison du Roi en 2012

© KIK-IRPA, Bruxelles

9Signalons également que l’emplacement sur le palier du premier ne mettait pas assez le Carton en valeur (pas de recul, ancien vitrage épais, verdâtre et réfléchissant), altérant la perception visuelle des visiteurs. Cette considération esthétique ainsi que les conditions d’exposition inadéquates obligeaient à repenser entièrement les modalités et le lieu d’accrochage après la restauration de l’œuvre.

10Partant de ce postulat, la méthodologie suivie par l’IRPA a été celle d’une analyse de risques, menée afin d’identifier les risques majeurs auxquels le Carton était soumis. Cette étape terminée, la suite du projet a consisté en l’approfondissement de l’étude individuelle de chaque risque, de manière à mieux les contrer et à aider à la prise de décision concernant l’exposition future.

Analyses de risques

11Bien que centrée sur le Carton, l’identification des facteurs de risque s’est déroulée de manière globale, de façon à lister l’ensemble des risques pesant sur toutes les œuvres du musée et recensés dans des tableaux récapitulatifs à l’usage des personnels du musée (fig. 4). Cette première étape s’est inspirée des méthodes les plus actuelles d’analyses de risques appliquées au patrimoine culturel ; elles ont été développées par Brokerhof, Michalski et Pedersoli [3]. Elle s’est d’abord basée sur les interviews de plusieurs membres-clés du personnel, à savoir la conservatrice en chef du musée Isabelle Douillet de Pange, la conservatrice en charge du Carton Bérengère de Laveleye, la conservatrice la plus ancienne du musée Martine Vrebos, le responsable technique du bâtiment Antonio Nieblas, un représentant de l’équipe de gardiennage Belkassem Mezouari et enfin la coordinatrice de la restauration Hélène Bartelloni [4].

Fig. 4

Extrait de la liste avec les questions des interviews

Fig. 4

Extrait de la liste avec les questions des interviews

© KIK-IRPA, Bruxelles

12Ces interviews ont constitué une source importante d’informations. Elles ont permis d’acquérir une meilleure compréhension des agents de détérioration à l’œuvre sur la collection [5], une bonne estimation de l’état des connaissances et de la maîtrise de la question au sein du musée, de même qu’un aperçu des modes de travail et du fonctionnement de celui-ci. À titre d’exemple, de par le statut même du musée, la majorité des questions relatives à la sécurité (vol, vandalisme), à d’éventuels sinistres (inondation, incendie), à l’entretien et aux agents biologiques et ravageurs (micro-organismes, insectes, rongeur et pigeons) sont du ressort des services de la Ville de Bruxelles. Ceux-ci les gèrent, semble-t-il, au mieux, nous verrons cependant que la solution envisagée pour l’exposition du Carton apporte des compléments de réponse à ces préoccupations.

13Au final, ces entretiens ont permis de déterminer, parmi les risques qu’associe la littérature scientifique à la conservation d’œuvres « papier », les domaines d’expertise dans lesquels il appartenait à l’IRPA d’intervenir plus précisément : les problèmes liés à la gestion des collections sensibles, la lumière, le climat (humidité relative et température), les poussières et autres polluants et, enfin, les vibrations.

14Les mesures et analyses complémentaires menées dans le cadre de cette étude approfondie étaient destinées à comprendre et à objectiver ces risques lors d’une exposition du Carton dans différents espaces du musée préalablement envisagés pour l’exposition future. Une première phase d’enregistrement des données thermohygrométriques (température et humidité relative) et de lumière (niveau d’éclairement et teneur en UV) a été organisée dans trois lieux raisonnablement envisageables, pendant trois mois.

15Cette première étude a montré que la Salle des Tapisseries au rez-de-chaussée présentait de nombreux points positifs par rapport aux salles d’exposition permanente et temporaire des premier et deuxième étages : elle possède le climat le plus stable au sein du musée, sa superficie et sa configuration générale permettent un meilleur contrôle des variations de thermohygrométrie et, enfin, la salle présente les meilleures conditions pour un déplacement éventuel futur. Le choix de cet espace permet également la contextualisation dans les collections sans en bouleverser la répartition dans le bâtiment, assurant un parcours cohérent des chefs-d’œuvre du musée et la présentation du Carton avec les tapisseries. La salle octroie en outre plus de recul au visiteur qui pourra d’autant mieux apprécier la composition du Carton dans son ensemble (fig. 5).

Fig. 5

Plan du rez-de-chaussée de la Maison du Roi, tout à droite la Salle des Tapisseries avec le Carton et les tapisseries

Fig. 5

Plan du rez-de-chaussée de la Maison du Roi, tout à droite la Salle des Tapisseries avec le Carton et les tapisseries

© KIK-IRPA, Bruxelles

16Une fois ce futur lieu d’exposition déterminé, l’IRPA y a engagé une deuxième phase de mesures de lumière et des données thermohygrométriques. Des batteries de mesures supplémentaires (analyses des poussières, analyses des vibrations) ont été réalisées dans le but de déterminer la nécessité de recourir à une vitrine. Ces mesures approfondies ont été décidées suite à l’évaluation succincte des risques et au choix proposé pour le futur lieu d’exposition tout en tenant compte du fait que le statut du musée, lui-même classé bâtiment historique, ne permettrait pas d’envisager des changements radicaux d’un point de vue architectural.

17Les mesures relatives aux vibrations forment à elles seules un corpus plus général traité principalement à la demande du musée en raison de risques pour l’ensemble des collections du musée, ainsi que pour le bâtiment lui-même.

18Par la suite, chaque risque majeur et les mesures qui y sont relatives seront passés individuellement en revue pour aboutir aux raisons qui nous ont guidé vers le choix d’un certain type d’exposition.

Lumière

19La lumière accélère les processus de détérioration tels que la détérioration des matériaux organiques. L’action de la lumière est souvent difficilement perceptible mais elle n’en reste pas moins irréversible [6].

Fig. 6

Illustration de la pénétration de la lumière du jour à l’intérieur de la Salle des Tapisseries

Fig. 6

Illustration de la pénétration de la lumière du jour à l’intérieur de la Salle des Tapisseries

© KIK-IRPA, Bruxelles.

Le dispositif des mesures

20Deux types de mesures ont été mises en place : mesures ponctuelles en cas d’éclairage artificiel fixe ou de lumière du jour directe et mesures continues en cas d’éclairage hétérogène et variable. Pour les mesures ponctuelles, l’appareil Elsec 765 Environmental Monitor a été utilisé à plusieurs reprises. Pour les mesures en continu nous avons placé un intégrateur de lumière Hanwell ML 4704 (2 semaines à chaque saison - intervalle de mesure 1 min.). Pour le traitement des données et leur conversion en tableaux et graphiques, nous avons utilisé le logiciel Hanlog32 USB (V4.6b).

Analyse des données

21Les niveaux d’éclairement artificiel (d’intensité lumineuse) dans les diverses salles d’exposition du musée se situent tous légèrement au-dessus de ceux recommandés pour des œuvres sensibles à la lumière (50 lux). Cependant, en la matière, c’est tout autant la durée d’exposition et le taux d’UV que l’intensité lumineuse qui jouent un rôle très important. De fait, la durée de vie d’une œuvre sensible à la lumière peut être estimée en fonction du temps total d’exposition (en heures) et du niveau d’éclairement (en lux), ce qui permet de calculer la dose totale d’exposition (DTE) une fois multipliés. Cette donnée permet au conservateur de choisir d’exposer ou non la pièce. Elle sert également à décider de la fréquence d’exposition en fonction du nombre d’années de vie pour la dite œuvre.

22Si l’on expose une œuvre de sensibilité élevée à la lumière [7] à 50 lux - comme une œuvre sur papier de très mauvaise qualité - sa décoloration sera perceptible après un intervalle compris entre 1,5 à 20 ans (on parle de seuil différentiel). Elle sera presque totale après une période comprise entre 50 à 600 ans. Si on expose cette même œuvre à 5 000 lux (fenêtre, lampe de travail), le seuil différentiel de la décoloration passe de seulement 5 jours à 2 mois. Après une période d’exposition comprise entre 6 mois à 6 ans, la décoloration sera presque totale [8].

23Globalement, la Salle des Tapisseries représente l’espace le moins problématique, de par un pourcentage de surfaces vitrées inférieur et sa situation au rez-de-chaussée, autorisant des rayons directs du soleil à pénétrer dans la salle pendant une période limitée estimée à deux mois à cheval entre l’automne et l’hiver (novembre-décembre) (fig. 7).

Fig. 7

Graphique des mesures continues effectuées entre le 31/01 et le 07/02/2017 : en rouge l’intensité lumineuse (en lux), à droite en bleu la teneur en rayonnement UV (en µW/lm)

Fig. 7

Graphique des mesures continues effectuées entre le 31/01 et le 07/02/2017 : en rouge l’intensité lumineuse (en lux), à droite en bleu la teneur en rayonnement UV (en µW/lm)

© Hanlog32USB

24Dans la Salle des Tapisseries, il n’y a pas ou peu d’UV provenant de sources de lumière artificielle ; la principale source d’UV est la lumière du jour (fig. 6) car on n’observe nulle part de teneurs élevées en UV qui soient constantes, telles que celles qu’occasionnaient par le passé un recours trop fréquent à des éclairages artificiels émetteurs d’UV.

25Bien que l’ampleur de cette première problématique se fût avérée moins importante que ce que l’on pouvait supposer a priori dans la Salle des Tapisseries, elle restait bien entendu à surveiller, en particulier de par la pénétration directe de la lumière du jour dans les salles d’exposition, problème majeur du musée. « Meten is weten » (« Mesurer, c’est connaître ») et il s’agira donc de mettre en place autant que possible des prises de mesures ponctuelles et/ou continues, pour interpréter, surveiller et décider d’éventuels ajustements nécessaires. Ces ajustements peuvent consister en l’adoption de systèmes statiques (vitrages, voilages et films traditionnels) ou de systèmes dynamiques (stores, films intelligents).

26Pour ce qui est des systèmes statiques, l’IRPA a recommandé la pose de rideaux ou voiles fixes à l’intérieur, sur toutes les fenêtres et vitraux de la façade qui n’en étaient pas équipés. Des filtres UV, mesure plus coûteuse et moins aisée à mettre en œuvre sur la partie supérieure des vitraux de la Maison du Roi, peuvent aussi être placés de façon à protéger les tapisseries, contre les rayonnements ultraviolets uniquement [9].

27Quant aux dispositifs dynamiques, il a été recommandé d’installer des stores dans chaque pièce et de systématiquement abaisser ou tirer les stores existants lorsque le musée est fermé. Une autre possibilité est d’intervenir sur les volets existants du bâtiment néogothique. Enfin, il existe des systèmes intelligents de films acryliques polarisés qui s’opacifient quand l’intensité définie au préalable est atteinte (Smart Tint Film®). Ces films doivent être approvisionnés en électricité et sont très coûteux, mais n’en restent pas moins une solution innovante à prendre en compte si le Carton et la tapisserie devaient encore connaître de longues périodes d’exposition.

Climat

28La température et l’humidité relative sont interdépendants, c’est pourquoi ces deux agents de détérioration sont généralement considérés ensemble et repris sous le terme de « climat ». Les dommages causés par des valeurs de température et d’humidité relative contre-indiquées peuvent être de nature biologique, chimique et mécanique [10].

Le dispositif des mesures

29Des dataloggers de type Humbug ont été placés dans les trois espaces d’exposition potentiels du musée. Pour le traitement des données et leur conversion en tableaux et graphiques, nous avons utilisé le logiciel Hanlog32 USB (V4.6b) ainsi que les fonctionnalités du site ’Bouwfysica van Monumenten’ de l’Université des Sciences techniques de Eindhoven (TUE) [11]. Enfin, un graphique des risques spécifiques liés aux matériaux constitutifs des œuvres et un graphique reprenant le classement ASHRAE [12] dans lequel se situe le bâtiment ont également été réalisés. Deux cadres de référence ont été choisis pour l’analyse des données thermohygrométriques : ASHRAE AA [13] critères requis pour le Carton, pièce majeure de la collection, et ASHRAE B [14] pour l’ensemble des salles et les tapisseries, car il s’agit d’un bâtiment à caractère historique et classé, ce qui limite les démarches d’aménagement et d’adaptation du climat.

30La carte d’évaluation climatique (fig. 8) est un outil d’interprétation pour l’analyse du climat.

Fig. 8

Carte d’évaluation climatique – critères ASHRAE B, données thermohygrométriques récoltées pendant un an, 24/03/2016 – 24/03/2017

Fig. 8

Carte d’évaluation climatique – critères ASHRAE B, données thermohygrométriques récoltées pendant un an, 24/03/2016 – 24/03/2017

© TU Eindhoven

31La zone de confort est représentée par le cadre souligné d’un pourtour bleu dans le diagramme, cela signifie que les points de mesure qui s’y situent répondent aux critères climatiques requis. La carte d’évaluation climatique indique également la courbe de croissance fongique (en gris sur le diagramme), qui permet d’évaluer la limite au-delà laquelle la croissance de micro-organismes s’avère problématique. Les quadrillages situés à droite du diagramme de Mollier (l’ensemble des courbes et la nébuleuse colorée présentée par la carte d’évaluation climatique) indiquent la répartition temporelle (en pourcentage du temps total de mesure) durant laquelle les points de mesures se situent dans une certaine zone de température et d’humidité relative. Ces données sont résumées pour toute la période mesurée (couleur noire). Elles sont également réparties par saison au moyen des autres couleurs : bleu, vert, rouge et brun représentant respectivement hiver, printemps, été et automne). Les histogrammes situés à droite du diagramme de Mollier affichent les variations de température et d’humidité relative par heure et par jour, toujours selon les saisons. Les normes limites sont indiquées par la ligne bleue verticale.

Analyse des données dans la Salle des Tapisseries

32Les données relevées sont caractéristiques des données généralement observées sur un an :

  • Les données de l’humidité relative en hiver sont largement en-dessous des critères requis, mais la température est relativement stable, probablement en raison de l’enclenchement du chauffage (il fait donc trop sec).
  • Les données de l’humidité relative et les températures en été dépassent largement les critères (il fait donc trop humide et trop chaud).

33La moyenne annuelle est de 50 % d’humidité relative et les moyennes saisonnières de température sont stables malgré les variations parfois au-dessus des différences de température journalières requises : la moyenne la plus basse est celle du printemps avec une Tmoy de 20,6 °C alors qu’en été la Tmoy est de 24,1 °C. Les moyennes saisonnières de l’HR varient plus fortement d’une saison à l’autre que celles des températures : la différence la plus marquée étant entre l’hiver (HRmoy 44 %) et l’été (HRmoy 59,7 %).

Fig. 9

Graphique des données de température (en rouge) et humidité relative (en bleu) dans la salle des Tapisseries, 24/03/2016 – 20/06/2016

Fig. 9

Graphique des données de température (en rouge) et humidité relative (en bleu) dans la salle des Tapisseries, 24/03/2016 – 20/06/2016

©Hanlog32USB : on observe les variations quotidiennes dues au fonctionnement des appareils de climatisation mobiles

Gestion du climat

34Les variations d’humidité relative admises sont généralement trop brutales à travers tout le bâtiment du musée (comme c’est généralement le cas pour les bâtiments historiques) (fig. 9). Une comparaison avec le graphique du climat extérieur n’a pas permis de tirer de conclusion très avancée ; le climat extérieur influence inévitablement celui des salles à l’intérieur du musée, mais ne permet pas d’expliquer les variations observées.

35Le bâtiment néogothique présente un climat instable, avec des fluctuations allant au-delà des critères requis et cela peut s’avérer dommageable pour les tapisseries et le Carton dans la Salle des Tapisseries s’ils devaient être exposés sans régulation du climat.

36Globalement, les variations identifiées représentent un climat de type ASHRAE C et non un climat de type ASHRAE AA, requis pour le Carton. Il a donc été décidé de le placer dans une vitrine à climatisation passive pour atteindre un équivalent du climat ASHRAE AA (avec régulation de la vitrine à l’aide de cassettes de 950 grammes de gel de silice). Outre le recours à cette vitrine de climatisation passive, il est nécessaire de trouver des solutions globales applicables in situ pour modifier le climat général de la Salle des Tapisseries en faisant appel à un expert externe (ingénieur physicien) spécialisé dans (l’adaptation) d’éventuels installations et appareillages de climatisation à destination des musées et de leurs exigences.

37Enfin, pour permettre au musée d’acquérir les connaissances de base et pouvoir manipuler les outils d’analyse du climat, l’IRPA a dispensé en octobre 2017 une formation à la gestion du climat pour le personnel du musée. Ceci a également permis un échange de connaissances sur le fonctionnement et l’entretien des humidificateurs et déshumidificateurs mobiles.

Poussières et polluants externes

38La poussière pose problème dans la plupart des monuments historiques et, dans de nombreux musées, elle représente un risque important pour le patrimoine culturel qu’ils abritent. La poussière peut en effet causer une altération chimique et des dégradations physiques des matériaux qui constituent l’objet [15].

39Si, de prime abord, on pourrait penser que les dépôts de poussière ne font qu’altérer l’aspect esthétique des objets, ils sont aussi particulièrement dommageables pour les textiles (soie), le cuir, le papier, les laques, les vernis, les métaux et différentes sortes de dorures. Même dans le cas de matériaux aux surfaces très résistantes comme la porcelaine, les particules finissent par s’incruster fortement [16]. L’humidité influence la cimentation de la poussière et des fibres à la surface : il y a donc un facteur biologique (formation de biopolymères) qui s’ajoute aux deux autres facteurs physique et chimique qui peuvent expliquer la cimentation [17].

Fig. 10

Photographie de la poussière lors du premier constat d’état en 2012

Fig. 10

Photographie de la poussière lors du premier constat d’état en 2012

© KIK-IRPA, Bruxelles

40Le problème avait déjà été reféré en 2012 lors de la réalisation du constat d’état du Carton. Celui-ci soulignait l’accumulation de poussières sur le Carton, alors exposé derrière un verre de protection en profil └┘(sans chapeau malheureusement) depuis une vingtaine d’années (fig. 10).

41Les dépôts de poussière deviennent plus difficiles à enlever avec le temps et, pour mieux comprendre ce phénomène, l’Université d’East Anglia [18] a mis sur pied un projet dont l’objectif était d’évaluer les effets physiques de la poussière, de définir les cycles et fréquences minimum de nettoyage et d’intervention et d’enquêter sur la perception de la poussière par toutes les personnes impliquées (conservateur, régie, marketing, visiteurs…).

42Plusieurs articles [19] ont déjà démontré que le nombre de visiteurs était un facteur à ne négliger en aucune façon, car il participe largement à l’accumulation de poussière dans les salles d’exposition. En effet, ce sont les visiteurs qui amènent le plus de poussière de l’extérieur vers l’intérieur des musées et des monuments historiques (fibres textiles et grosses particules). Les particules fines sont nocives du fait de leur importance : elles comptent pour 97 % de la poussière déposée. Les niveaux de poussières sont toujours plus élevés au rez-de-chaussée. Ces particules sont ensuite redéposées à proximité du parcours de visite, l’accumulation est donc liée aux trajets [20] (les zones de passage, comme le vestiaire et l’entrée, sont très touchées par l’accumulation des poussières).

43Le nettoyage est curatif et donc plus agressif que des mesures de prévention, il engendre inévitablement des pertes à petite échelle. Des dommages cumulatifs causés par un nettoyage fréquent ou par des traitements plus interventionnistes à cause de l’incrustation peuvent aussi en découler.

Le dispositif des mesures

44Des échantillons collants (fig. 11) ont été placés à différents endroits stratégiques dans le musée afin de comparer les dépôts pendant une période de deux mois. Ils ont été analysés visuellement pour évaluer le pourcentage de couverture par la poussière et pour l’identification des particules à l’aide du microscope électronique Hirox® (fig. 12).

Figs 11, 12

Échantillon collant pour le test d’accumulation de poussières et photographie détail de l’échantillon prise avec le microscope Hirox® (fibres textiles, particules de bois, cheveux, peaux…)

Figs 11, 12

Échantillon collant pour le test d’accumulation de poussières et photographie détail de l’échantillon prise avec le microscope Hirox® (fibres textiles, particules de bois, cheveux, peaux…)

© KIK-IRPA, Bruxelles

Analyse des données

45Les principales conclusions de ces analyses vont dans le sens des études déjà réalisées et ont renforcé la conviction de la nécessité d’une protection du Carton contre les poussières, sachant que les échantillons déposés à 1,20 m de hauteur ayant été mieux préservés des dépôts poussiéreux. Cette observation a confirmé qu’une présentation du Carton à la même hauteur que les tapisseries (c’est-à-dire à moins d’un mètre de hauteur) hors d’une vitrine serait dommageable à celui-ci ; une mise en vitrine s’imposait pour former une barrière contre ces polluants externes. D’autres recommandations générales ont été énoncées de façon à réduire le dépôt des particules sur les œuvres non protégées par une vitrine dans le musée (telles que le maintien des visiteurs à distance, le respect d’une procédure des interventions de nettoyage, la régulation du nombre de visiteurs, les tapis spéciaux de captage à l’entrée du musée).

Vibrations

46Les vibrations peuvent occasionner des dommages aux objets, voire aux structures architecturales [21]. Le musée étant situé sur la Grand-Place de Bruxelles, nombre d’événements se déroulent en son sein ou à proximité : déplacement des personnes dans le musée, circulation variable dans les rues avoisinantes et des pics importants de vibrations lors d’organisations d’événements festifs particulièrement bruyants tels des concerts ou manifestations culturelles (Ommegang, Balkan Festival et concerts rock). Le musée avait attiré notre attention sur l’effet des vibrations observé lors de ces manifestations culturelles : tremblement des vitrages dans la feuillure des petits bois des châssis et résonance sur les vitraux à l’arrière de la façade.

Le dispositif des mesures

47Des normes repères permettent aux spécialistes de déterminer si les vibrations, essentiellement sonores, auxquelles est soumis un environnement sont ou non problématiques dans le domaine de la construction. Cependant, les recherches actuelles n’ont pas encore permis d’énoncer de directives claires quant à l’effet des vibrations sur les œuvres d’art. Une valeur repère de précaution est généralement préconisée – elle peut concerner dans ses valeurs basses la nuisance (annoyance) aux personnes et représenter dans ses valeurs hautes, un risque de dommages aux objets et structures, comme pour les bâtiments historiques (fig. 13). La firme Tractebel [22] – à la demande de l’IRPA, de la Ville et du Musée et sous la supervision de Bill Wei (Rijksdienst voor het Cultureel Erfgoed, Amersfoort) – a pu relever et traduire en graphiques des mesures du niveau (de l’intensité) des vibrations sur les fenêtres et au sol du premier étage du musée, durant 24 heures (fig. 14, 15). Ces mesures, qui concernaient aussi bien l’impact des déplacements des visiteurs dans le bâtiment que les effets d’un concert donné sur la Grand-Place, face au musée, ont finalement été comparées aux mesures recommandées par les normes évoquées ci-dessus.

Fig. 13

Évolution de la vitesse de dégradation en fonction du spectre des fréquences de vibrations occasionnant des dommages pour les bâtiments historiques, d’habitation ou industriels

Fig. 13

Évolution de la vitesse de dégradation en fonction du spectre des fréquences de vibrations occasionnant des dommages pour les bâtiments historiques, d’habitation ou industriels

© Tractebel

Figs. 14, 15. Localisation des sensors sur la fenêtre et sur le sol (axes x,y,z) au 1er étage de la Maison du Roi, 24/09/2016

figure im12

Figs. 14, 15. Localisation des sensors sur la fenêtre et sur le sol (axes x,y,z) au 1er étage de la Maison du Roi, 24/09/2016

© KIK-IRPA, Bruxelles

Analyses des données

48Il en ressort que les niveaux de vibrations enregistrés ne semblent pas problématiques pour l’accrochage du Carton de tapisserie, dût-il être accroché ou suspendu à l’un des murs latéraux du musée. Il est cependant recommandé, d’une part, que les niveaux de vibration mesurés sur tous les murs de la pièce restent inférieurs aux prescrits de la valeur repère (2 mm/sec). D’autre part de procéder à un examen de la résonance du système d’accrochage / suspension pour éviter la transmission des vibrations (et même leur renforcement, possible en l’occurrence) entre le mur et l’œuvre.

49Bien que répondant à la norme DIN [23], les vibrations peuvent donc être élevées et pourraient entraîner des dommages sur des matériaux non homogènes (impuretés du verre) soumis à des tensions d’origine thermique (verre et châssis) ou à des faiblesses et à des dommages locaux déjà présents (fissures, craquelures) tels que remarqués sur les vitraux de la façade arrière et fenêtres à petits bois. De même, si des montages tels que des cloisons et murs temporaires, ou des mobiliers (vitrines ou écrans) devaient être installés, ils subiraient clairement les effets néfastes des vibrations. Les recommandations du paragraphe précédent restent donc d’application.

Le choix de la vitrine d’exposition

50Pendant que l’IRPA terminait ce travail d’analyse de mesures et d’évaluation en vue de l’exposition du Carton, la restauration de l’œuvre par l’équipe d’Hélène Bartelloni, achevée en avril 2017, avait déjà permis d’ajouter à l’objet un châssis autotenseur en aluminium et une protection arrière souple en ouate synthétique et Tyvek®. Ce qui constituait une première barrière physique face aux variations de température et d’humidité relative et assurait une protection mécanique (et donc anti-choc) lors des manipulations et face aux vibrations.

51Lors de l’évaluation des différents modes de présentation possible, un tableau récapitulatif a été réalisé pour déterminer la meilleure solution. Un choix devait être opéré entre les cinq possibilités suivantes :

  • suspendre le Carton sans protection vitrée ;
  • placer à l’avant du Carton un vitrage protecteur avec profil en acier ;
  • le placer dans une vitrine semi-ouverte (verre de protection en profil └┘ sans chapeau), comme il l’avait été auparavant ;
  • le placer dans une vitrine-meuble indépendante, murale ou encastrée dans une structure amovible, avec un taux d’échange d’air inférieur à 0,5 ;
  • procéder à un encadrement sous verre du Carton.

52Les trois premières solutions présentaient de trop grands risques (poussières, climatiques, lumière, insectes, vol et vandalisme) et la dernière s’avérait techniquement difficile à mettre en œuvre, vu la grandeur, et esthétiquement dommageable.

53À la Maison du Roi, les pièces maîtresses les plus chargées de valeurs sont généralement protégées physiquement : elles sont par exemple exposées dans des vitrines-boîtes (comme le retable de Saluces), vitrines-cloches (sculpture bois polychrome), vitrines murales (retable du Martyre des saints Crépin et Crépinien) ou encadrées sous verre (comme Le Cortège des noces de Jan Breughel l’Ancien).

54Les avis varient d’une personne à l’autre quant au recours à une vitrine. Le travail de conception requiert une grande maîtrise et un tel choix implique des coûts importants (main-d’œuvre et financiers). Cependant, la vitrine reste indispensable dans le cas d’exigences strictes en termes de conservation préventive pour une telle pièce maîtresse vulnérable : elle permet de contrôler les conditions ambiantes et de réduire d’autres risques. Grâce à un faible taux d’échange d’air entre l’intérieur et l’extérieur, la vitrine aura une incidence positive sur de nombreux facteurs de détérioration : le vol et le vandalisme, les insectes, les vibrations (forces physiques), les dommages physiques (accidentels ou volontaires), les conditions environnementales (lumière, température, humidité relative), les polluants (elle apporte une protection physique contre la poussière et la pollution externe et permet l’installation d’absorbeurs). Elle doit en outre constituer une première barrière contre les fumées et le feu, étant donné la difficulté d’évacuer l’œuvre en cas d’incendie.

55La vitrine doit répondre à la norme Afnor NF EN 15999-1 [24] ou équivalent.

Recommandations préconisées

56

  • Quant à la vitrine et à son emplacement : la vitrine sera adossée au mur amovible sud-est existant (ou au mur fixe nord-ouest en deuxième choix, en cas de vitrine murale). Le Carton sera exposé à la hauteur des tapisseries et à la verticale (100 %).
  • Quant à la régulation : il s’agira d’une régulation statique (passive) du climat, assurée au moyen d’un compartiment technique, avec du gel de silice [25] (cassettes Art Sorb) et absorbeurs potentiels de polluants. On devra y avoir accès sans devoir ouvrir la vitrine. Une connexion devra être établie, dès la conception, entre ce compartiment technique et le volume de la vitrine (un échange d’air pouvant ainsi être assuré entre le volume de la vitrine et les compartiments techniques comprenant les matériaux tampons).
  • Autres recommandations :
    • verre feuilleté, de sécurité, anti-UV, anti-reflet ;
    • éclairage LED ou fibres optiques, placé de préférence hors de la vitrine ;
    • volume d’exposition en matériaux inertes ;
    • ouverture de face et non latérale pour y accéder, de minimum 80% du volume total de la vitrine ;
    • pour le nettoyage, l’ensemble des produits ammoniaqués, des solvants (acétone, trichloréthylène, méthanol…) sont interdits, y compris sur les vitrines ;
    • concernant l’étanchéité, le taux d’échange d’air requis devait être inférieur à 0,5 [26].

57Un cahier des charges a été rédigé par le musée et plusieurs fournisseurs ont répondu à l’appel d’offres. Leur proposition a été examinée par la commission du Musée de la Ville de Bruxelles, qui s’est appuyée sur l’IRPA pour l’examen des aspects techniques.

Le dispositif des mesures

58L’IRPA a également procédé à des tests sur la vitrine une fois mise en place pour évaluer si elle répondait bien aux exigences requises en matière d’étanchéité, un critère primordial pour le bon fonctionnement de la vitrine. Cela permet de s’assurer que la vitrine est suffisamment étanche pour garantir un contrôle stable et une gestion passive du climat de manière adéquate et aisée pour le personnel du musée, sans engager de frais supplémentaires.

59Le test est basé sur la décroissance d’un paramètre, celui de la concentration du gaz traceur. Les musées utilisent souvent ce test pour mesurer le taux d’échange d’air (Air Exchange Rate, AER) car il est simple d’utilisation. Le dispositif d’analyse est basé sur la comparaison entre deux volumes d’air : celui de la vitrine dans lequel est injecté un gaz traceur CO2 (dioxyde de carbone) et l’air ambiant de la salle d’exposition. L’étanchéité est déterminée selon la chute de concentration du gaz dans la vitrine par comparaison avec la concentration background en CO2 (fig. 16).

Fig. 16

Injection du gaz traceur CO2 pour vérifier l’étanchéité de la vitrine

Fig. 16

Injection du gaz traceur CO2 pour vérifier l’étanchéité de la vitrine

© KIK-IRPA, Bruxelles

Analyses des données

60Les résultats des mesures d’AER ont permis une meilleure régulation de l’humidité relative.

61Une vitrine contribue à créer un microclimat pour l’objet, c’est-à-dire un climat plus stable que celui qui règne à l’extérieur de la vitrine. Le climat intérieur de la vitrine va de toute façon tendre vers le niveau moyen d’HR de la salle, mais la vitrine devrait pouvoir amortir les fluctuations journalières de la salle grâce à l’emploi des matériaux tampons (gel de silice). Plusieurs études ont été menées afin de pouvoir calculer la quantité exacte de gel de silice nécessaire, au moyen de formules qui demandent déjà une connaissance poussée des propriétés de la vitrine, du climat existant etc.

62De nombreuses vitrines ont des capacités pour « tamponner » l’humidité relative et ce, du fait de la présence, en leur sein, de matériaux hygroscopiques (bois, carton de conservation…), ce n’est pas le cas de la vitrine du Carton qui devait être essentiellement composée de tôle d’acier et de verre. Dans ce cas d’œuvre sensible exposée en vitrine, il est nécessaire d’y maintenir un niveau de HR stable car celui de la salle présente des fluctuations quotidiennes, hebdomadaires et saisonnières beaucoup trop importantes.

63Il est important de noter que la vitrine doit être la plus étanche possible, sans quoi l’effet du gel de silice sera considérablement réduit. Il est également important de noter que le gel de silice, s’il permet d’atténuer les variations quotidiennes de la salle, n’offre toutefois pas un contrôle complet du climat à l’intérieur de la vitrine. Si la différence entre le climat de la salle et le climat requis à l’intérieur de la vitrine est trop importante, le gel de silice ne pourra être efficace que s’il est utilisé dans des quantités très importantes.

64Compte tenu des paramètres en jeu dans l’évaluation de la quantité des matériaux tampons (AER obtenu après les tests effectués, le volume de la vitrine, les variations admises, les différences d’HR entre le volume de la vitrine et l’espace extérieur, l’hystérésis corrigée), nous avons pu déterminer la fréquence de recalibrage du gel de silice [27].

65Le choix de la vitrine a été déterminé suite à l’analyse préliminaire des risques et aux mesures complémentaires effectuées. Par la suite, ce choix a été mis en balance avec les réalités pratiques du musée. Les figures 17 et 18 illustrent le résultat du projet commun de restauration et du parcours de conservation préventive : on y voit le Carton restauré dans sa nouvelle vitrine en correspondance avec les tapisseries.

Figs 17, 18

Vue d’ensemble de la salle des tapisseries une fois le Carton réinstallé et vue du Carton dans sa vitrine

Figs 17, 18

Vue d’ensemble de la salle des tapisseries une fois le Carton réinstallé et vue du Carton dans sa vitrine

© KIK-IRPA, Bruxelles

En conclusion

66La conservation préventive vise à limiter et retarder les processus de détérioration d’une œuvre ou d’un ensemble d’œuvres d’art. Il en résulte souvent un exercice d’équilibriste entre rendre l’œuvre visible au public et sa dégradation occasionnée par cette visibilité. Ainsi, après une analyse des risques et le relevé des mesures nécessaires (lumière, climat, poussières, vibrations), le Carton de tapisserie a pu être exposé dans une vitrine adaptée et dans un environnement sécurisé assurant une protection optimale face aux agents de détérioration qui menace tant la stabilité de ses composants que sa valeur esthétique.

67La mission d’accompagnement du Musée dans son « parcours » de conservation préventive autour du Carton restauré est un exemple type d’une approche holistique entre théorie et résultats de mesures – orientée par une dose de bon sens. Le résultat est un compromis entre les objectifs «state-of-the-art» et les capacités financières et logistiques du Musée. Il a été tenu compte, entre autres, des limites actuelles du bâtiment historique et de la future rénovation éventuelle de celui-ci.

68Nous espérons que l’analyse de risques n’a pas seulement permis de mettre en avant les conditions de conservation du Carton mais également de l’ensemble de la collection du Musée de la Ville de Bruxelles. Nous avons essayé de prendre en compte les différentes valeurs qu’on attribue aux œuvres de la collection. Nous nous sommes introduites dans le processus complexe et multidimensionnel de ces valeurs en constante évolution.

69Personne ne pouvait imaginer au départ qu’une simple demande de prêt engendrerait une telle chaîne de décisions et de réalisations : restauration, conservation préventive, recherche, documentation, sensibilisation et relations publiques, nouvelle exposition, team building…

70Cette vaste démarche collective était évidemment une condition sine qua non à la réussite de ce projet : une grande confiance entre tous les partenaires et experts, une communication ouverte entre tous les acteurs, des fonds de mécènes et le soutien du management. L’esprit d’équipe fut le liant vital.

71Ce projet a également eu pour avantages de donner lieu à une sensibilisation accrue du personnel et d’offrir, « last but not least », aux visiteurs une meilleure expérience du Carton.

Notes

  • [1]
    Un constat d’état est une fiche ou un formulaire reprenant la description technique et l’état d’une œuvre d’art (type, nature et localisation des dommages). Le constat reflète l’état d’un objet à un moment donné, il permet de comparer celui-ci lors d’évaluations futures (expositions, transport, entreposage…) et est indispensable à toute proposition de traitement et de déplacement de l’œuvre.
  • [2]
    La conservation préventive est l’ensemble des dispositions prises pour créer un environnement optimal pour conserver et exposer des œuvres d’art de façon à ce que les œuvres soient protégées sans que l’on ne doive intervenir directement sur celles-ci. On empêche ainsi, ou du moins on ralentit, la dégradation des œuvres. Le but de la conservation préventive est donc de garantir et de maintenir l’état actuel des œuvres et de prévenir tout nouveau dégât.
  • [3]
    Pour de plus amples informations à ce sujet, voir les publications et sites internet suivants : Institut canadien de conservation, Gestion des risques pour les collections patrimoniales, ICC, Ottawa : https://www.canada.ca/fr/institut-conservation/services/gestion-risques-collections-patrimoniales.html [consulté le 10.02.2018] ; A Guide to Risk Management of Cultural Heritage, ICCROM, CCI, 2016 : https://www.iccrom.org/wp-content/uploads/Guide-to-Risk-Managment_English.pdf [consulté le 10.02.2018] ; Reducing Risks to Heritage, International Meeting 28-30 November 2012 (RCE, CCI, ICCROM). Program and Abstracts, Amersfoort, 2012 ; BROKERHOF A., ANKERSMIT B. et LIGTERINK F., Risicomanagement voor collecties, Rijksdienst voor het Cultureel Erfgoed Nederland, Amersfoort, 2016.
  • [4]
    Nous tenons d’ailleurs à remercier toutes les personnes interviewées ainsi que tout le personnel du musée pour leur honnêteté et leur collaboration tout au long du projet.
  • [5]
    Institut canadien de conservation, Agents de détérioration, ICC, Ottawa : https://www.canada.ca/fr/institut-conservation/services/agents-deterioration.html [consulté le 10.02.2018].
  • [6]
    Pour plus d’infos sur ce type d’agent de détérioration : https://www.canada.ca/fr/institut-conservation/services/agents-deterioration/lumiere.html.
  • [7]
    Voir le Tableau 3 (Sensibilité des matériaux colorés à la lumière et nombre d’années préalables à une décoloration) de l’agent de détérioration « lumière » de l’ICC. Le Carton se situe entre Sensibilité moyenne et élevée.
  • [8]
    Moyenne d’exposition : 8 heures/jour ; 3 000 heures/an. Décoloration presque totale : estimation à prendre avec prudence, calculée sur base du seuil différentiel (30x).
  • [9]
    Certes l’on sait que tout vitrage simple diminue déjà de 30 à 50 % les UV et les verres anciens de la Maison du Roi ne font pas exception à la règle, mais les films de protection permettraient de bloquer entre 89 % (filtre collé) et 95 % (filtre à l’intérieur du verre) des UV. Source : BROKERHOF A. et al., Verlichting in musea en expositieruimten, Rijksdienst voor het Cultureel Erfgoed Nederland, Amersfoort, 2008.
  • [10]
  • [11]
    L’Université d’Eindhoven a mis au point un outil en ligne permettant de générer quatre types de graphiques pour l’étude du climat. Les graphiques du premier type décrivent les variations d’HR et de température en fonction du temps. La « carte d’évaluation du climat » (Klimaat evaluatie kaart), compare les données soumises avec celles généralement rencontrées et attendues selon les saisons pour un cadre de valeurs défini (pourcentage d’HR, température, variations admises par heure, variations admises par 24h). Pour plus d’informations quant à la Carte d’Évaluation Climatique : http://archbpspomws1.bwk.tue.nl/Document/BvMtrvkek.pdf#page=1. VAN SCHIJNDEL J., MAERTENS M. et SCHELLEN H., Klimaat Evaluatie Kaart, een nieuwe manier voor weergave van het binnenklimaat, Bouwfysica, Eindhoven, 2005.
  • [12]
    L’acronyme ASHRAE signifie American Society of Heating, Refrigeration, and Air Conditioning Engineers Inc. Dans son manuel, un chapitre est consacré aux musées, galeries, archives et bibliothèques du manuel. L’approche utilisée dans ce chapitre se démarque de la façon dont on abordait auparavant la question du milieu ambiant des musées, qui préconisait une régulation plus stricte de l’humidité relative et de la température. Actuellement, on fait le lien entre les variations de l’humidité relative et les dommages mesurables aux objets de musée. Il existe cinq niveaux de régulation : AA, A, B, C et D. Aux niveaux AA, A et B, les réglages saisonniers sont notés séparément des variations de courte durée admissibles. Pour ce qui est des niveaux de régulation C et D, les importants écarts notés peuvent découler des réglages saisonniers intentionnels, de brèves variations, ou des deux (ce qui est généralement le cas).
  • [13]
    ANKERSMIT B., Klimaatwerk : Richtlijnen voor het museale binnenklimaat, Rijksdienst voor het Cultureel Erfgoed, Amersfoort 2009, p. 87. Le climat de type « ASHRAE AA » a été préconisé sur la décision commune (musée, coordinatrice de la restauration Hélène Bartelloni et cellule de conservation préventive de l’IRPA).
  • [14]
    Le climat de type « ASHRAE B » présente un risque modéré de dégradation mécanique pour les objets très sensibles ; cette option est une alternative plus réaliste pour l’adaptation de bâtiments historiques comme le musée.
  • [15]
    Pour plus d’infos sur ce type d’agent de détérioration : https://www.canada.ca/fr/institut-conservation/services/agents-deterioration/polluants.html.
  • [16]
    BRIMBLECOMBE P., Dust in the Cultural Environment, dans Proceedings Indoor Air (ISIAQ), Monterey, 2002, p. 779.
  • [17]
    LITHGOW K., LOYD H., BRIMBLECOMBE P., YOON Y.-H. et THICKETT D., Managing dust in historic houses – a visitor/conservator interface, dans 14th Triennial Meeting The Hague Preprints, vol. II, Londres, 2005, p. 664.
  • [18]
    Projet intitulé « Controls on ‘irreversible’ soiling ; minimizing damage to indoor artefacts » mis sur pied par l’Université d’East Anglia en collaboration avec la National Trust, Historic Royal Palaces et English Heritage.
  • [19]
    BRIMBLECOMBE P., Dust in the Cultural… op. cit., pp. 776-781 ; WEI W., Stoffig Museum, dans Kunst en Wetenschap, 2011-2012, pp. 31-32 ; WEI W., JOSSTEN I., KEIM K., DOUNA H., MEKKING W., REUSS M. et WAGEMAKERS J., Experience with Dust Measurements in Three Dutch Museums, dans ZKK Zeitschrift für Kunsttechnologie und Konservierung, 21, 2007, pp. 261-269.
  • [20]
    C’est pourquoi il est souvent difficile de comparer les données d’une institution à l’autre.
  • [21]
  • [22]
    Tractebel est une filiale d’ingénierie d’Engie : https://tractebel-engie.be/fr.
  • [23]
    DIN 4150 Part II: Annoyance to people (nuisance aux personnes) ; DIN 4150 Part III: Damage to structures (dommages aux structures).
  • [24]
    Afnor NF EN 15999-1: Conservation des biens culturels - Guide pour la gestion des conditions environnementales - Recommandations pour les vitrines destinées à exposer et préserver des biens culturels - Partie 1 : exigences générales.
  • [25]
    LAFONTAINE R., Le gel de Silice, dans Bulletin technique de l’ICC, 10, Ottawa, 1984.
  • [26]
    THICKETTE D., DAVID F., et LUXFORD N., Air exchange rate – the dominant parameter for preventive conservation?, dans The Conservator, 29, 2005, pp. 19-34.
  • [27]
    Des mesures de concentration en gaz, sur base d’un appareil prototype, ont également été menées afin de se faire une idée de l’émission de polluants en interne. Les mesures effectuées doivent être considérées, avec une grande prudence, comme indicatives, car l’appareil présente une sensibilité croisée au dioxyde de carbone (CO2) et les résultats observés ont donc été faussés par l’injection du gaz.
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