Notes
-
[1]
Félix Houphouët-Boigny, Anthologie des discours, tome 2, Abidjan, CEDA, 1978, p. 1110.
-
[2]
Ibid., p. 1113.
-
[3]
Ibid.
-
[4]
Par coopération, il faut entendre la politique d’aide mise en place par la France afin de s’assurer, à travers ses anciennes colonies d’Afrique, une zone d’influence.
-
[5]
L’expression armes françaises ici ne concerne pas que les armes fabriquées en France. Elle recouvre toutes les armes léguées par l’AMT ou achetées en France.
-
[6]
Philippe Gaillard, Foccart parle, Paris, Fayard/ Jeune Afrique, 1995, p. 215-216.
-
[7]
Accord de défense, Archives du ministère de la Défense, Abidjan.
-
[8]
Article 2 de l’accord d’AMT, Archives du ministère ivoirien de la Défense, Abidjan.
-
[9]
Note N°2034 à l’attention de Foyer et Foccart de Guy Nairai le 15 juin 1934, Service Historique de la Défense, Vincennes, 1R204/5.
-
[10]
Télégramme de Paris pour l’ambassade de France à Abidjan R.V.T. n° 122 du 31 août 1961, Archives nationales, Pierrefitte AG/5 (FPU) 1673.
-
[11]
État-major des forces armées, Servir, n°100, p. 9.
-
[12]
Ibid.
-
[13]
Accord d’AMT, op. cit.
-
[14]
Négociation à Paris avril 1961, fiche pour le ministre de la défense, SHD-V, 1R198.
-
[15]
Ibid.
-
[16]
Le Ghana sous la houlette de N’Krumah s’oriente vers Moscou dès l’indépendance en 1957. La Guinée, après le non de 1958 n’a eu d’autres choix que de balancer à l’Est. Enfin, le Mali, frustré de la fin de la fédération du Soudan qu’il constituait avec le Sénégal est lui aussi devenu un pion du communisme.
-
[17]
SHD-V, 1R199/2.
-
[18]
Compte rendu de la réunion du comité interministériel d’étude de l’aide militaire aux États africains et malgache du 30 août 1961, SHD-V, 1R199/2.
-
[19]
Maurice Vaïsse, La Grandeur dans la politique étrangère du général De Gaulle, p. 490.
-
[20]
Note du Secrétaire aux Affaires étrangères au ministre des Armées datée du 6 juin 1963, SHD-V, 1R193.
-
[21]
Note du ministre des Armées n°03513 MA/CM du 7 août 1964, SHD-V, 1R60.
-
[22]
Ibid.
-
[23]
Ibid.
-
[24]
Note de l’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire au secrétaire général à la coopération datée du 23 décembre 1966, SHD-V, 1R221.
-
[25]
Note du ministre des Armées n°03513 MA/CM du 7 août 1964, SHD’V, 1R60.
-
[26]
Rapport de fin de mission, colonel Wursten, SHD-V, 14S254.
-
[27]
Ibid.
-
[28]
Rapport mensuel mai 1965, colonel Wursten, SHD-V, 14S251.
-
[29]
Rapport de fin de mission, colonel Wursten, op. cit.
-
[30]
Ibid.
-
[31]
Arthur Banga, L’Aide militaire française dans la politique de défense de la Côte d’Ivoire de 1960 à 2002. Thèse soutenue à l’Université Houphouët-Boigny d’Abidjan, 2014.
-
[32]
Dominique Bangoura, Les Armées africaines, Paris, CHEAM, 1990. p. 64.
-
[33]
Pierre Viaud et Philippe de Lestapis, op. cit., p. 6.
-
[34]
Mwayila Tshiyembe et Mayele Bukasa : L’Afrique face à ses problèmes de sécurité et de défense, Paris, Présence Africaine, 1989, p. 160.
-
[35]
Entretien avec le général Mathias Doué.
-
[36]
Jean-Pierre Bat, Le Syndrome Foccart. La politique française en Afrique de 1959 à nos jours, Paris, Folio, 2012, p. 338-341.
-
[37]
Ibid.
-
[38]
Rapport de fin de mission, colonel Wursten, op. cit.
-
[39]
Rapport de R. Leygues, CARAN, 5AG/FPU1521.
-
[40]
Rapport de fin de mission, colonel Courtiade, 5 juillet 1971, SHD-V, 14S254.
-
[41]
CARAN, 5AG/FPU1521.
-
[42]
Rapport mensuel mai 1970, colonel Courtiade, op. cit.
-
[43]
Rapport de fin de mission, colonel Wursten, op. cit.
-
[44]
Rapport de Raphaël Leygues, op. cit.
-
[45]
Rapport de fin de mission colonel Courtiade, op. cit.
-
[46]
Ibid.
-
[47]
Rapport mensuel mai 1973, colonel Aron, op. cit.
-
[48]
Rapport de fin de mission, colonel Aron, op. cit.
-
[49]
Rapport mensuel novembre 1974, colonel Hayin de Bry, SHD-V, 14S254.
-
[50]
Coopération militaire avec la France, Archives de la Défense Abidjan.
-
[51]
Annuaire de la défense africaine 1982 : les marines africaines, Paris, Afrique défense, 1982, p. 30.
-
[52]
Hugo Sada, « Réexamen de la politique militaire française en Afrique ? », Défense nationale, Paris, juin 1997, p. 184-185.
-
[53]
Entretien avec le général Tanny, op. cit.
-
[54]
Kouadio Assouman, « la France offre 22 véhicules à la Gendarmerie », Échos des FANCI, n°20, juillet 1992, p. 11.
-
[55]
Ibid.
-
[56]
Banga Arthur, « L’exaltation du sentiment national dans la rhétorique de mobilisation et résistance du camp Laurent Gbagbo », in Revue Ivoirienne d’Histoire n° 27 décembre 2016, p. 34-38.
-
[57]
Lida Kouassi Moïse, Témoignage sur la crise en Côte d’Ivoire, Paris, L’Harmattan, 2012.
-
[58]
Ibid., p. 180.
-
[59]
Gbagbo Simone, Parole d’honneur, Paris, Pharaos, 2007, p. 333.
-
[60]
Communiqué de presse CS/8245 du 15 novembre 2004 accessible sur www. un.org
-
[61]
Kouadio Assouman, « Côte d’Ivoire : La France offre 34 véhicules d’occasion », in Notre voie du 8 novembre 2011.
-
[62]
Entretien avec le colonel major Lamoussa.
-
[63]
La lettre du continent, n° 659, du 22 mai 2013, p. 4.
1 En analysant l’histoire des relations de la France avec le continent africain depuis 1960, on s’aperçoit tout de suite du statut particulier de la Côte d’Ivoire. En effet, l’indépendance négociée et le rôle de Félix Houphouët-Boigny durant la décolonisation ont posé les jalons d’une coopération poussée entre ces deux pays. Profitant de la visite officielle de Pompidou à Abidjan en février 1971, Houphouët-Boigny clame haut et fort l’excellence de ce partenariat : « Nous sommes un vieux couple heureux, d’amis fidèles et sans drame » [1] avant d’affirmer que la communauté d’intérêt et de langue, la volonté d’agir ensemble et la confiante amitié [2] sont les piliers de la maison de l’amitié et de l’entraide franco-ivoirienne [3]. Dans cette « maison de l’entraide » – façon flatteuse et pittoresque de désigner la coopération [4] franco-ivoirienne – une pièce importante est consacrée aux questions militaires. Si les accords de défense et la base militaire française de Port-Bouët, en assurant à la Côte d’Ivoire le parapluie sécuritaire de la France, semblent être les fondements de cette coopération militaire, les cessions et les achats d’armes constituent un élément majeur du dispositif. Comment la question des armes pèse-t-elle dans les relations militaires franco-ivoiriennes ? L’achat et la cession d’armes peuvent-ils être considérés comme un humus de l’amitié franco-ivoirienne ?
2 La recherche documentaire menée au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives nationales de Peyrefitte croisée aux enquêtes orales nous permettront d’ébaucher une réponse à cette question. Elle s’articulera autour de trois grandes périodes de l’histoire de la Côte d’Ivoire indépendante. Il s’agira, dans un premier temps, d’analyser les livraisons d’armes françaises à la Côte d’Ivoire durant la décennie 1960, décennie marquant les premiers pas du jeune État indépendant. Ensuite, nous aborderons la période du miracle économique ivoirien allant de 1970 au milieu des années 1980. Enfin, nous décrypterons la question des armes dans les relations franco-ivoiriennes au prisme des différentes crises qu’a connues la Côte d’Ivoire depuis 1985.
Les livraisons d’armes françaises dans la décennie 1960 : soutenir un satellite dans la guerre froide tout en s’assurant une zone d’influence
3 Le processus de décolonisation des colonies françaises d’Afrique et l’environnement international qui prévaut en 1960 donnent un caractère particulier aux cessions d’armes françaises [5] comme nous le verrons dans les sections suivantes.
Livrer des armes pour assurer le décollage de la Côte d’Ivoire et la grandeur de la France conformément à l’esprit de la décolonisation
4 Rappelé à la rescousse en 1958, De Gaulle intègre l’Afrique francophone à sa réflexion sur la France. Jacques Foccart, chargé par le général de mettre en musique ses idées pour les colonies françaises d’Afrique noire donne ici ses objectifs majeurs : « Quand le général m’a nommé secrétaire général de la communauté, il m’a longtemps parlé de ce que la France devait garder et de la façon dont il entendait que les choses évoluent pour qu’elle conserve son rang. Se résumant, il m’a dit ceci : [la France a perdu l’Indochine, il n’y a plus de raison de revenir là-dessus. Nos positions en Algérie ont été gâchées par tant d’erreurs, de sang et de souffrances. Il reste l’Afrique noire, où la décolonisation en cours doit être une réussite, dans l’amitié, en accompagnant les populations de ces pays. C’est de cela que je vous charge] » [6]. En d’autres termes, le processus de décolonisation doit être conduit de façon à accompagner les États africains dans leur désir de développement tout en renforçant le prestige et la puissance de la France. À l’analyse, on s’aperçoit que les armes sont un moyen de parvenir à ce but.
5 En effet, la Côte d’Ivoire devenue souveraine ce 7 août 1960 doit désormais assurer la défense de son intégrité territoriale et la sécurité des personnes et des biens. Les quelques soldats ivoiriens engagés dans l’armée coloniale française et la petite expérience de force publique à travers la garde républicaine durant la Communauté ne peuvent garantir la mise sur pied d’un outil sécuritaire capable de répondre aux menaces de l’époque. Dès lors, la coopération militaire française devient un recours indispensable. Les deux accords franco-ivoiriens signés le 24 avril 1961 font de la cession de matériels militaires un élément important de cette coopération. L’accord de défense en son article 6 affirme l’engagement de la France à apporter à la République de Côte d’Ivoire, la République du Dahomey, la République Française et la République du Niger l’aide nécessaire à la constitution de leurs forces armées [7]. L’accord d’Assistance Militaire Technique précise les contours de cet engagement. Concernant les premiers équipements des futures forces militaires ivoiriennes, la France, par l’article 2 de l’accord d’AMT décide de fournir à titre gratuit tout ou partie des matériels et équipements militaires nécessaires à la mise sur pied des forces armées ivoiriennes [8]. Ainsi, les premières dotations en armes des forces ivoiriennes sont des dons de la France. Elles sont composées entre autres de quelques véhicules [9] et de 2 000 fusils MAS 36 [10]. Les unités spécialisées bénéficient du même procédé. En guise d’exemple, la batterie de 105 HM2 léguée par l’armée française en 1962 constitue le premier matériel de l’artillerie sol-sol [11] quand la batterie d’artillerie sol-air hérite d’un matériel constitué de 8 canons de 40 Bofors tractés cédés par l’armée française [12]. Certes, le matériel fourni est ancien et vieillissant, mais bien connu des cadres subalternes. Par ces mesures, la France peut se vanter d’avoir mis sur pied l’outil de défense ivoirien. Pour peu, elle s’assure une influence dans la défense ivoirienne. Influence que l’entretien et le renouvèlement de ces armes relativement désuètes renforcent.
6 En effet, l’accord d’AMT, en mentionnant dans son article 3 que : « La République de Côte d’Ivoire, en vue d’assurer la standardisation des armements, s’adressera en priorité à la République française pour l’entretien et le renouvellement des matériels et équipements de ses forces armées » [13] conserve la participation active de la France au processus de renforcement des capacités de la défense ivoirienne. En conséquence, les legs et les ventes françaises se poursuivent au-delà de 1960. Si elles permettent à la Côte d’Ivoire de se constituer un système de défense, ces livraisons d’armes garantissent à la France une influence certaine en Côte d’Ivoire voire en Afrique. La formation de spécialistes, la maintenance voire le renouvèlement des armes permettent une sempiternelle présence française dans la zone. C’est d’ailleurs, l’un des principaux objectifs de la coopération militaire comme le montre les négociations ayant abouti à la signature des accords de coopération militaire franco-ivoiriens. En effet, l’État-major français se bat bec et ongle pour garantir l’exclusivité française sur le marché ivoirien. Lorsque les délégués de l’Entente, craignant que la France ne puisse pas fournir tout l’arsenal nécessaire à la mise en route de leurs forces militaires, incluent dans l’article 2 « la fourniture de tout ou partie des matériels et équipements nécessaires » ; ils suscitent la méfiance des Français. Ces derniers craignent que cette restriction ne soit utilisée pour accepter de l’armement étranger [14]. Pour pallier cette éventualité, ils introduisent la clause suivante dans l’alinéa 1 de l’article 3 : « en tout état de cause, la fourniture de l’armement léger, des matériels de transmission, et des véhicules de combat des unités de l’armée de terre sera assurée par la République française » [15].
7 En somme, les livraisons d’armes de la France à la Côte d’Ivoire répondent aux objectifs de la coopération définis par De Gaulle à savoir accompagner les anciennes colonies tout en se conservant un « fief ». Le contexte de guerre froide qui prévaut en 1960 donne plus d’importance à cette vision du général.
Les armes françaises à la Côte d’Ivoire, une réponse au communisme dans la sous-région
8 Le monde de 1960 dans lequel les colonies françaises deviennent indépendantes est régi, en matière de relations internationales, par la bipolarisation. Les deux camps se battent par satellites interposés pour étendre leur influence. L’Afrique de l’Ouest n’est pas en reste. Dans cet ensemble sous-régional, la Côte d’Ivoire, vitrine de la France en Afrique, est coincée entre la Guinée, le Ghana et le Mali tous trois affiliés au communisme [16]. En conséquence, elle doit faire face à la rivalité voire aux manœuvres subversives de ce « triangle communiste ». Rivalités et tensions dans lesquelles, les livraisons d’armes par les parrains tiennent une place importante. En effet, pour consolider sa présence dans la zone, l’URSS n’hésite pas à multiplier les cessions d’armes à ses protégés. En guise d’exemple, de leurs années d’indépendance respectives jusqu’en 1961 ce sont des milliers de tonnes d’armements qu’ont reçus chacun de ces trois pays de la part de l’URSS. Ainsi le Ghana s’est vu livré durant cette période 7 000 tonnes dont 1 500 armes individuelles. La Guinée, 1 700 tonnes d’armements dont 9 500 armes individuelles et le Mali 6 000 tonnes d’armement dont des véhicules blindés légers ainsi que des canons [17].
9 Dans ce contexte, les livraisons françaises à la Côte d’Ivoire revêtent un enjeu particulier. Non seulement, elles offrent à la possibilité d’une réponse militaire en cas de conflit impliquant le « triangle communiste », mais en plus, elles dénotent de la détermination de la France à préserver son pré-carré du communisme. Une telle posture rappelle à ses alliés du camp occidental son importance dans le dispositif. Consciente de cela, elle n’hésite pas à verrouiller l’accès ses anciennes colonies. Pour preuve, en août 1961, une mission américaine en visite dans les pays de l’Entente est invitée à faire escale à Paris à la demande des autorités françaises. Elle prend l’engagement de consulter Paris pour toute aide en matériel à l’un des pays de l’Entente [18].
10 Au total, la guerre froide donne un caractère plus stratégique au parapluie sécuritaire français en Côte d’Ivoire. Les armes, un aspect de cette couverture, revêtent une importance particulière qui s’en ira grandissante au moment où la France doit alléger son dispositif militaire sur le contient.
Cessions et achats après 1964 : des gages du parapluie sécuritaire français
11 1964 est un tournant dans l’histoire des relations militaires franco-africaines. En effet, cette année-là, la France décide une réforme de son dispositif sécuritaire en Afrique. Cela entraîne une diminution majeure des effectifs militaires français en deux mouvements. Les effectifs passent de près de 60 000 hommes en 1960 sur 60 bases militaires, à 27 000 hommes en 1963 et à moins de 7 000 au 1er juillet 1965 [19]. Cette réforme ne rassure guère les dirigeants africains, Houphouët-Boigny en tête [20].
12 Les Français se doivent donc de rasséréner leurs satellites en parvenant à les convaincre que cette déflation a peu d’impact sur la défense du pré-carré. Des réunions sont organisées dans ce sens mais le meilleur argument est la cession d’une bonne partie des armes utilisées par les unités à rapatrier. MESSMER, dans sa note du 7 août 1964, précise les contours de ces cessions d’armes. Il faut, dans un premier temps, donner satisfaction aux demandes adressées avant 1964 et tenir les promesses déjà faites [21]. Ensuite, il s’agit d’atténuer les effets de la suppression du soutien logistique français aux armées africaines, autre conséquence de la réforme de 1964.
13 La logique du transfert de matériel est économique et utilitaire. Le matériel jugé le plus apte à être cédé aux forces africaines est celui dont le transport se révèlerait trop couteux [22]. Au cas où les Africains ne souhaitent pas hériter de matériels considérés sensibles ou n’ont pas les moyens de leur entretien, ils sont détruits sur place de peur qu’ils deviennent possession d’un mouvement subversif. Les demandes africaines sont analysées quand il s’agit d’un matériel dont le transport est jugé rentable du fait de son réemploi possible dans les départements et territoires d’outre-mer [23]. Cela dit, l’intérêt de plus en plus grand que portent les Américains à la Côte d’Ivoire oblige les Français à accéder à la plupart des désidératas ivoiriens [24]. Enfin, une troisième option, le matériel dont le transport est rentable sans être utile aux unités françaises. Ce matériel-là, est vendu à d’autres pays comme le Cambodge et le Maroc [25].
14 Après application de ces règles, on désigne le matériel à léguer aux armées nationales. Ainsi, l’armée de terre ivoirienne hérite de 320 armes d’infanterie de tous calibres, 155 véhicules divers, un important parc de matériels de transmissions comprenant plus de 100 appareils radios et différents modèles, de groupes électrogènes, 216 appareils téléphoniques, etc. [26]. L’armée de l’air quant à elle bénéficie d’un Broussard et d’un C-47 [27]. Pour poursuivre dans cette dynamique, l’État ivoirien achète de l’armement en France. Des engins sont acquis pour la marine et l’aviation entre 1964 et 1966 et une importante série de commandes de véhicules est passée en 1965. Environ 400 véhicules et 60 motos acquis en France sont repartis entre l’armée et la gendarmerie [28]. Il en est de même pour le matériel de transmission [29]. L’année suivante, l’armée de terre se dote de 5 chars AMX de 13 tonnes commandés auprès de firmes françaises [30].
15 Au total, les cessions gratuites d’armes ont permis à la France d’exécuter sa réforme en conservant son influence et la confiance de ses alliés. L’achat par la Côte d’Ivoire d’armes françaises dans la foulée de ces dons l’atteste. De plus, cet armement – cédé gratuitement ou à titre onéreux – impulse un souffle nouveau à la défense ivoirienne. Il accroit considérablement sa puissance de feu et favorise la création ou la structuration de plusieurs unités [31]. Cependant, un relâchement des efforts financiers conjugué à la vétusté du matériel légué en 1960 replonge la défense ivoirienne dans le chaos à la fin de la décennie 1960.
Les armes, un symbole du raffermissement des liens franco-ivoiriens dans un nouvel environnement (1970-1985)
16 Après une décennie 1960 consacrée à la mise en place de l’outil militaire à travers la création des unités, l’établissement des textes et la formation des premiers hommes, la décennie 1970 doit être celle de la montée en puissance de la défense ivoirienne. Cette nouvelle phase ne peut se faire sans de nouvelles acquisitions d’armes et principalement d’armes françaises. Avant de se pencher sur le poids des livraisons d’armes françaises dans ce segment de l’histoire ivoirienne, essayons de comprendre l’environnement qui prévaut.
Les armes pour accompagner la croissance d’un allié resté fidèle et protéger son pré-carré de la percée communiste et de l’appétit américain
17 10 ans après son indépendance, la Côte d’Ivoire semble être sur la bonne voie. Fort de signaux économiques au vert et d’une stabilité politique, elle peut envisager sa marche vers le progrès. Progrès qu’il va falloir sécuriser tant on observe une « militarisation » du continent dans ces années 1970. En effet, à l’image des États, les armées africaines passent d’un stade embryonnaire et inopérationnel dans les années 1960-1970 à un stade de constitution plus élaboré à partir (…) des années 1970 [32]. P. Viaud et Lestapis font le même constat : « dès les années 70, les armées africaines situées au sud du Sahara ont subi de profonds changements acquérant une force de frappe impressionnante pour certaines d’entre elles » [33]. La Guinée, principale menace sur la Côte d’Ivoire, acquiert dans cette période des Tanks T34, des avions de combat Mig 17 et Mig 21, des avions de transport Yak, des bateaux patrouilleurs [34] auprès des Soviétiques. Dans cet environnement, il est vital pour la Côte d’Ivoire de s’engager résolument dans l’acquisition d’armes. Ceci d’autant plus qu’une bonne part des armes héritées de la France au lendemain de l’indépendance sont désuètes. C’est le cas de la Patience, le premier patrouilleur ivoirien, héritage de la marine française en 1961 datant de la seconde guerre mondiale qui, après plusieurs carénages, n’est plus en état de marche en 1968. En outre, les jeunes officiers ivoiriens, sortis des prestigieuses écoles militaires françaises souhaitent travailler avec du matériel moderne [35].
18 Pour répondre à ces attentes, Abidjan conçoit des plans de renforcement des capacités de leur armée et sollicitent l’aide française en vue de leur réalisation. Le « oui » français s’obtient sans réelles difficultés. Si les accords militaires et les excellentes relations entre les deux pays le justifient, la situation internationale l’explique en grande partie. En effet, le milieu des années 1970 est caractérisé par une réelle percée des Soviétiques sur le continent africain. La corne de l’Afrique et les colonies portugaises en sont les illustrations parfaites. Dès lors, la France doit mettre tout en œuvre pour raffermir ses positions sur le continent surtout que l’ensemble « françafricain » semble éprouvé. En fait, la plupart des anciennes colonies françaises décident de renégocier leurs accords de coopération avec la France [36]. Même si l’essentiel des mutations se font sans coup férir, avec la Mauritanie ou Madagascar les négociations sont très rudes tandis que la Côte d’Ivoire juge inutile les amendements apportés [37] et conserve le statu quo comme pour montrer sa totale fidélité à la France. Or, c’est cet allié fidèle, pilier de la stratégie française en Afrique, qui suscite de plus en plus l’appétit américain. En effet, si depuis 1965, l’armée américaine mène des missions en Côte d’Ivoire et propose ses services en matière d’instruction et d’équipement aux responsables ivoiriens [38], les missions de ce genre s’intensifient avec plus de succès entre la fin de la décennie 1960 et le début des années 1970. Le rapport de R. LEYGUES, ambassadeur de France en Côte d’Ivoire, sous forme de lamentation à ce sujet est révélateur : « depuis l’année dernière, les États-Unis s’intéressent de plus en plus à l’armée ivoirienne ainsi qu’à la garde présidentielle et à la police ; ils ont invité des officiers ivoiriens à visiter les USA et leurs installations militaires » [39].
19 Au total, en contribuant au renforcement des capacités de feu de la défense ivoirienne, les Français apportent une réponse à la percée communiste sur le continent et protège leur pré-carré de l’influence des occidentaux tout en rassurant un allié demeuré fidèle dans cette vague de contestation. Comment concrètement s’est traduite l’aide française ?
La participation française aux différents plans de relance de la défense ivoirienne
20 Durant la décennie 1970, les autorités ivoiriennes mettent en place une série de plans. Le premier est le plan quinquennal 1970-1975 qui doit en 6 ans (1970-1975), permettre de moderniser les matériels et l’armement des Forces armées sans augmentation importante des effectifs, de renforcer considérablement ceux de la gendarmerie ainsi que son infrastructure [40]. La réalisation de cet ambitieux projet est l’objet de discussions entre Houphouët-Boigny et les autorités françaises dès 1969 [41]. Aussi, M’Bahia Ble, ministre des Armées, se rend en France en mai 1970 pour l’évoquer [42]. Le financement français est confirmé et s’élève à 75 % du capital consacré au renouvellement du matériel [43]. Sur les trois premières années du plan quinquennal on l’évalue à environ 300 millions de Fcfa [44] et concerne trois catégories de matériels destinés à l’armée de terre et à la gendarmerie [45] : les camions de la gamme Berliet, les camionnettes tactiques Renault et l’armement d’infanterie.
21 C’est ainsi que, par exemple, l’aide française pour la réalisation du plan en 1971 se répartit selon les données du tableau ci-dessous :
Tableau n° 1 : Prévisions de l’aide française pour la réalisation du plan en 1971 [46]
Matériels | Nombre | Observations |
Camionnettes Renault SG4 | 23 | Livrables en juillet 1971 |
P.A. MAC 50 | 231 | Livrables en mars 1972 |
PM MAT 49 | 675 | Livrables en mars 1971 |
Fusils Modèle 49/56 | 475 | Livrables en mars 1971 |
Fusils Modèle 49/56 | 353 | Livrables en mars 1972 |
A.A. 52 F.M. | 60 | Date de livraison non fixée |
L.R.A.C. 73 mm | 48 | Date de livraison non fixée |
Mortiers de 60 mm | 6 | Date de livraison non fixée |
Mortiers de 81 mm L | 6 | Livrables en 1971 |
Lot de rechanges autos SG4 | 2 | Lot d’une maintenance type pour 10 véhicules |
Tableau n° 1 : Prévisions de l’aide française pour la réalisation du plan en 1971 [46]
22 Le bilan à mi-parcours de ce plan est largement positif. L’état de l’armée ivoirienne inspire confiance même si des aménagements peuvent être encore envisagés. En effet, certaines unités ont été quelque peu lésées dans la répartition du matériel acquis. C’est le cas du génie, de la marine et de l’aviation. Pour corriger ces faiblesses, l’État ivoirien conçoit un nouveau plan sur trois ans, le plan triennal 1974-1977. Une fois de plus, l’aide française est au cœur de sa réalisation. Comme pour le plan quinquennal, M’Bahia Ble se rend à Paris du 27 mai au 9 juin 1973 pour présenter son nouveau plan puis solliciter une aide financière [47]. Comme il fallait s’y attendre, le soutien de la France est accordé. Dans la droite ligne de sa participation au plan 70-75, la France décide de supporter 75 % de l’achat de matériel ce qui correspond à une enveloppe estimée à 6 millions de Francs français en 1974, 13 millions en 1975, et une somme indéterminée (correspondant au coût de 2 hélicoptères SA.365) en 1976, en plus des 4,6 millions déjà accordés au titre de 1974 [48]. Le financement français équivalant à 75 % de l’enveloppe se répartit en millions de Fcfa comme suit :
Tableau n°2 : Participation financière française en millions de Fcfa à la réalisation du plan triennal 74-76 [49]
Matériels navals | Échéancier 1974 | 1975 | 1976 | 1977 | Coût total |
P 48 | 126 | 282 | 316 | 724 | |
Batral | 175 | 784 | 1 098 | 2 057 | |
Total | 301 | 1 066 | 1 414 | 2 781 |
Tableau n°2 : Participation financière française en millions de Fcfa à la réalisation du plan triennal 74-76 [49]
Matériels aéronautique | Échéancier 1974 | 1975 | 1976 | 1977 | Coût total |
3 Alouettes II | 276 | 154 | 430 | ||
2 SA 330 | 554 | 695 | 1 249 | ||
Total | 554 | 276 | 849 | 1 679 |
Terre | Échéancier 1974 | 1975 | 1976 | 1977 | Coût total |
Autos | 119 | 133 | 252 | ||
Transmissions | 37 | 37 | |||
Armement | 7 | 7 | |||
Total | 636 |
23 À la fin de la décennie, un dernier plan est mis en œuvre. Il s’agit du plan triennal 1979-1981. Son objectif est de poursuivre le processus de modernisation et de renforcement des capacités militaires ivoiriennes engagé depuis le début des années 1970 en mettant l’accent sur la mise en place d’une force aérienne tactique basée à Bouaké. En plus de l’aide directe « classique », la France concourt à ce dernier plan en signant avec la Côte d’Ivoire le 26 janvier 1978 un accord particulier pour la coopération en armement [50] qui précise que « le gouvernement ivoirien aura la garantie du gouvernement français pour tout achat ou négociations d’armements auprès d’industriels français » [51].
24 Au total, mal en point au début des années 1970, la défense ivoirienne a un visage des plus reluisants au milieu des années 1980. L’armée de terre est dotée de blindés légers, la marine est la première d’Afrique noire à avoir un Batral, idem pour la gendarmerie qui détient les premiers VAB d’Afrique francophone et l’armée de l’air dotée d’Alphas Jets inaugure sa première force tactique. Cela est rendu possible en partie par la coopération militaire avec la France. Outre son soutien financier, c’est dans la plupart des cas de l’équipement français qui est acquis. Il faut aussi admettre que la bonne santé économique de la Côte d’Ivoire facilite cette coopération. Ce ne sera plus forcément le cas à partir de 1985. Il serait intéressant de comprendre les enjeux que représente les armes françaises dans une Côte d’Ivoire en crise.
Les armes, reflet des évolutions dans les relations franco-ivoiriennes depuis 1985
25 La crise économique du milieu des années 1980 ouvre un cycle infernal en Côte d’Ivoire qui débouche sur une décennie de guerre (2002-2011). Durant cette période, les relations franco-ivoiriennes oscillent entre tensions et réchauffement. Une analyse de la question des armes entre ces deux pays permet de mettre en évidence ces variations comme le montrera les sous-parties suivantes.
Privilégier les forces de sécurité pour renforcer la démocratie et l’état de droit
26 Les signaux économiques au rouge, la Côte d’Ivoire ne peut plus poursuivre ses acquisitions d’équipements miliaires. Il ne lui reste que l’aide française pour espérer avoir du nouveau matériel. Dans l’élan du discours de La Baule, l’AMT accorde la priorité de son aide aux forces de sécurité intérieure [52]. C’est ainsi qu’en Côte d’Ivoire la gendarmerie avait durant un ou deux ans concentré toute l’aide militaire [française] » [53]. En fait, depuis la fin de l’année 1989, la coopération militaire française initie un plan d’équipement et de remise à niveau des forces de sécurité s’étalant entre 1990 et 1993 [54]. Ce plan d’un montant de 325 millions de Fcfa vise la mobilité des forces, leur équipement en informatique et leurs moyens de communication. Dans le cadre de l’accroissement de la mobilité de la gendarmerie ivoirienne, cette arme reçoit de la part de la France 20 Peugeot 504 Pick-up bâchés, 2 VLRA et du matériel pour le maintien de l’ordre (100 boucliers polycarbonate, 5 000 casques, 50 masques à gaz et 400 lunettes anti-agression) [55]. Malgré tout, nous sommes loin des efforts des années 1960 et 1970. Conséquence : la défense ivoirienne est dans une profonde léthargie alors que le pays s’enfonce dans l’instabilité. La crise d’abord économique devient sociale et politique [56]. La succession mouvementée d’Houphouët-Boigny en 1993 fait place à un coup d’État en 1999. La transition militaire s’achève par une élection chaotique qui porte au pouvoir Laurent Gbagbo. Cet épisode et la guerre qui s’en suit en 2002 marquent un tournant sans précédent dans les relations franco-ivoiriennes.
Les armes au cœur de la dégradation des relations franco-ivoiriennes sous le régime Gbagbo
27 C’est d’une armée complètement en lambeaux que Laurent Gbagbo hérite [57]. Entre militaires exilés et équipements en déliquescence, les problèmes de la défense ivoirienne sont nombreux. À l’instar de ses prédécesseurs, il a recours à l’AMT pour tenter de relancer sa défense. Seulement, les liens personnels ne sont plus aussi forts entre dirigeants. De plus, depuis 1998, la France s’engage peu ou prou dans une « normalisation » de ses relations avec son pré-carré. La Côte d’Ivoire, sous sanction européenne en fait les frais. En effet, dans son souci de remettre à niveau les forces aériennes ivoiriennes qui ne peuvent compter que sur 2 de leur 5 Alpha jet, Laurent Gbagbo, sur recommandation de son ministre de la Défense, intervient auprès des autorités françaises afin qu’elles obtiennent du groupe Dassault la livraison des pièces indispensables à la remise en état de cette flotte. La France n’accède cependant pas à cette demande du fait des sanctions infligées à la Côte d’Ivoire par l’UE [58].
28 La guerre déclenchée quelques mois plus tard envenime davantage les relations franco-ivoiriennes et met la coopération militaire au cœur de la polémique. En effet, le refus de la France d’activer l’accord de défense en octobre provoque le courroux des autorités ivoiriennes [59] et accélère la dégradation de leurs rapports avec Paris. Le chaos est atteint en novembre 2004 lorsque des avions de l’armée ivoirienne bombardent une base militaire française à Bouaké. En réaction, la France décapite la flotte ivoirienne. La riposte est aussi diplomatique. La France manœuvre et obtient du Conseil de Sécurité de l’ONU le 15 novembre 2004 un embargo sur les armes en Côte d’Ivoire [60]. Après un calme relatif sur le front diplomatique franco-ivoirien dû à l’élection d’un nouveau président français et la signature des accords d’Ouagadougou en 2007, les tensions reprennent au lendemain de l’élection présidentielle de la fin 2010.
29 Espérée comme la fin heureuse d’une décennie tragique, la présidentielle débouche sur une violente crise postélectorale durant laquelle la France et le régime de Gbagbo s’écharpent une dernière fois. Dans sa volonté de mettre fin aux violences et de faciliter l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara, vainqueur reconnu par la Communauté Internationale, la France obtient du Conseil de Sécurité une résolution exigeant la destruction des armes lourdes. Fort de cet appui diplomatique, elle intervient militairement en visant en priorité ces matériels du régime Gbagbo. Ces bombardements affaiblissent totalement la résistance militaire de Gbagbo qui est finalement arrêté ce 11 avril 2011.
30 En somme, la question des armes entre ces deux pays illustre parfaitement les relations tendues entre Gbagbo et Paris. Qu’en est-il du pouvoir Ouattara que la France a contribué à installer.
Le réchauffement des relations avec le régime Ouattara caractérisé par la question des armes
31 L’arrivée d’Alassane Ouattara au pouvoir en avril 2011 sonne comme la fin d’un tragique intermède dans les relations franco-ivoiriennes. Le réchauffement des relations se traduit par la présence de Nicolas Sarkozy à l’investiture de Ouattara. De plus le changement de majorité en France n’inverse pas la dynamique. Hollande maintient d’excellentes relations avec la Côte d’Ivoire. Cette atmosphère chaleureuse se manifeste dans les livraisons d’armes. En effet, dès sa prise de pouvoir le régime Ouattara doit faire face à une insécurité chronique alors que son outil de défense est complètement désorganisé par une décennie de guerre et trois mois de crise post-électorale. La France n’hésite pas à apporter son concours au régime Ouattara. L’empressement est tel que les 34 véhicules livrés à la police ivoirienne en novembre 2011 sont encore aux couleurs de la police française [61]. Passé l’urgence, les autorités ivoiriennes entendent s’équiper en matériels militaires comme nous le confie le Col Lamoussa, conseiller du ministre de la Défense « en 2013, nous avons surtout équipé l’armée de terre et la gendarmerie, en 2014 c’était le tour de la marine et en 2015 ce sera l’armée de l’air » [62]. Ce renouvellement de l’équipement militaire ivoirien se fait essentiellement auprès de firmes françaises. En effet, en 2013 ? « Plusieurs véhicules blindés destinés aux forces d’intervention de la police et de la gendarmerie, ainsi qu’à la sécurité présidentielle seront livrés (…) à la Côte d’Ivoire par la société française ACMAT (Atelier de Construction Mécanique de l’Atlantique) (...) principal fournisseur de l’État ivoirien basé à St Nazaire, qui a déjà livré plus de 300 véhicules dans le cadre d’un contrat d’équipement de 35 milliards de FCFA signé en 2012, et devant prendre fin en décembre. Cet accord prévoit au total la livraison de 519 véhicules (pick up blindés, camions de transport de troupes, vtt) » [63]. En outre, la Marine ivoirienne acquiert durant l’année 2014, 3 patrouilleurs chez le constructeur français Radico Marine. C’est donc avec un enthousiasme certain que les autorités et les firmes françaises accompagnent la Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara dans sa volonté de rééquiper son armée.
32 Pour conclure, l’étude a montré que les armes constituent un pan important et un révélateur crédible de l’état des relations franco-ivoiriennes depuis 1960. Elles ont permis à la France de s’assurer le soutien et la fidélité d’un allié important sur le continent tout en réaffirmant son statut de puissance. Avec ses ambitions africaines et sa faible capacité à acquérir des armes de façon autonome de la France, la Côte d’Ivoire devient un État important du système « Françafrique » sous Félix Houphouët-Boigny. Ensuite, on peut lire l’état des rapports entre la France et la Côte d’Ivoire autour des paramètres tant politiques qu’économiques. Durant les heures les plus chaudes, notamment sous le régime Gbagbo, les armes ont été un véritable baromètre des tensions existantes. Inversement, il semblerait que le retour à des relations de confiance avec Alassane Ouattara ouvrent une période de rééquipement de l’armée ivoirienne et de formation par la France, notamment dans une géopolitique régionale très instable.
Notes
-
[1]
Félix Houphouët-Boigny, Anthologie des discours, tome 2, Abidjan, CEDA, 1978, p. 1110.
-
[2]
Ibid., p. 1113.
-
[3]
Ibid.
-
[4]
Par coopération, il faut entendre la politique d’aide mise en place par la France afin de s’assurer, à travers ses anciennes colonies d’Afrique, une zone d’influence.
-
[5]
L’expression armes françaises ici ne concerne pas que les armes fabriquées en France. Elle recouvre toutes les armes léguées par l’AMT ou achetées en France.
-
[6]
Philippe Gaillard, Foccart parle, Paris, Fayard/ Jeune Afrique, 1995, p. 215-216.
-
[7]
Accord de défense, Archives du ministère de la Défense, Abidjan.
-
[8]
Article 2 de l’accord d’AMT, Archives du ministère ivoirien de la Défense, Abidjan.
-
[9]
Note N°2034 à l’attention de Foyer et Foccart de Guy Nairai le 15 juin 1934, Service Historique de la Défense, Vincennes, 1R204/5.
-
[10]
Télégramme de Paris pour l’ambassade de France à Abidjan R.V.T. n° 122 du 31 août 1961, Archives nationales, Pierrefitte AG/5 (FPU) 1673.
-
[11]
État-major des forces armées, Servir, n°100, p. 9.
-
[12]
Ibid.
-
[13]
Accord d’AMT, op. cit.
-
[14]
Négociation à Paris avril 1961, fiche pour le ministre de la défense, SHD-V, 1R198.
-
[15]
Ibid.
-
[16]
Le Ghana sous la houlette de N’Krumah s’oriente vers Moscou dès l’indépendance en 1957. La Guinée, après le non de 1958 n’a eu d’autres choix que de balancer à l’Est. Enfin, le Mali, frustré de la fin de la fédération du Soudan qu’il constituait avec le Sénégal est lui aussi devenu un pion du communisme.
-
[17]
SHD-V, 1R199/2.
-
[18]
Compte rendu de la réunion du comité interministériel d’étude de l’aide militaire aux États africains et malgache du 30 août 1961, SHD-V, 1R199/2.
-
[19]
Maurice Vaïsse, La Grandeur dans la politique étrangère du général De Gaulle, p. 490.
-
[20]
Note du Secrétaire aux Affaires étrangères au ministre des Armées datée du 6 juin 1963, SHD-V, 1R193.
-
[21]
Note du ministre des Armées n°03513 MA/CM du 7 août 1964, SHD-V, 1R60.
-
[22]
Ibid.
-
[23]
Ibid.
-
[24]
Note de l’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire au secrétaire général à la coopération datée du 23 décembre 1966, SHD-V, 1R221.
-
[25]
Note du ministre des Armées n°03513 MA/CM du 7 août 1964, SHD’V, 1R60.
-
[26]
Rapport de fin de mission, colonel Wursten, SHD-V, 14S254.
-
[27]
Ibid.
-
[28]
Rapport mensuel mai 1965, colonel Wursten, SHD-V, 14S251.
-
[29]
Rapport de fin de mission, colonel Wursten, op. cit.
-
[30]
Ibid.
-
[31]
Arthur Banga, L’Aide militaire française dans la politique de défense de la Côte d’Ivoire de 1960 à 2002. Thèse soutenue à l’Université Houphouët-Boigny d’Abidjan, 2014.
-
[32]
Dominique Bangoura, Les Armées africaines, Paris, CHEAM, 1990. p. 64.
-
[33]
Pierre Viaud et Philippe de Lestapis, op. cit., p. 6.
-
[34]
Mwayila Tshiyembe et Mayele Bukasa : L’Afrique face à ses problèmes de sécurité et de défense, Paris, Présence Africaine, 1989, p. 160.
-
[35]
Entretien avec le général Mathias Doué.
-
[36]
Jean-Pierre Bat, Le Syndrome Foccart. La politique française en Afrique de 1959 à nos jours, Paris, Folio, 2012, p. 338-341.
-
[37]
Ibid.
-
[38]
Rapport de fin de mission, colonel Wursten, op. cit.
-
[39]
Rapport de R. Leygues, CARAN, 5AG/FPU1521.
-
[40]
Rapport de fin de mission, colonel Courtiade, 5 juillet 1971, SHD-V, 14S254.
-
[41]
CARAN, 5AG/FPU1521.
-
[42]
Rapport mensuel mai 1970, colonel Courtiade, op. cit.
-
[43]
Rapport de fin de mission, colonel Wursten, op. cit.
-
[44]
Rapport de Raphaël Leygues, op. cit.
-
[45]
Rapport de fin de mission colonel Courtiade, op. cit.
-
[46]
Ibid.
-
[47]
Rapport mensuel mai 1973, colonel Aron, op. cit.
-
[48]
Rapport de fin de mission, colonel Aron, op. cit.
-
[49]
Rapport mensuel novembre 1974, colonel Hayin de Bry, SHD-V, 14S254.
-
[50]
Coopération militaire avec la France, Archives de la Défense Abidjan.
-
[51]
Annuaire de la défense africaine 1982 : les marines africaines, Paris, Afrique défense, 1982, p. 30.
-
[52]
Hugo Sada, « Réexamen de la politique militaire française en Afrique ? », Défense nationale, Paris, juin 1997, p. 184-185.
-
[53]
Entretien avec le général Tanny, op. cit.
-
[54]
Kouadio Assouman, « la France offre 22 véhicules à la Gendarmerie », Échos des FANCI, n°20, juillet 1992, p. 11.
-
[55]
Ibid.
-
[56]
Banga Arthur, « L’exaltation du sentiment national dans la rhétorique de mobilisation et résistance du camp Laurent Gbagbo », in Revue Ivoirienne d’Histoire n° 27 décembre 2016, p. 34-38.
-
[57]
Lida Kouassi Moïse, Témoignage sur la crise en Côte d’Ivoire, Paris, L’Harmattan, 2012.
-
[58]
Ibid., p. 180.
-
[59]
Gbagbo Simone, Parole d’honneur, Paris, Pharaos, 2007, p. 333.
-
[60]
Communiqué de presse CS/8245 du 15 novembre 2004 accessible sur www. un.org
-
[61]
Kouadio Assouman, « Côte d’Ivoire : La France offre 34 véhicules d’occasion », in Notre voie du 8 novembre 2011.
-
[62]
Entretien avec le colonel major Lamoussa.
-
[63]
La lettre du continent, n° 659, du 22 mai 2013, p. 4.