Notes
-
[1]
Paul Gentizon, Mustapha Kemal ou l’Orient en marche, Bossard, Paris, 1929, p. 87.
-
[2]
Erik J. Zürcher, Turkey a Modern History, I.B.Tauris, Londres, 2004, pp. 94-132.
-
[3]
Ahmet Davutoglu, Stratejik Derinlik, Küre, [Profondeur stratégique], Istanbul, 2008, p. 407.
-
[4]
Op. cit., (1), p. 54.
-
[5]
Hürriyet, 15 février 2013, Cengiz Candar, Ne Sam’in seker, Ne Arap’in yüzü politikasi olabilir mi ? [Ni le sucre de Damas, Ni la figure de l’Arabe, Est-ce une politique ?].
-
[6]
Suat Ilhan, Evrimlesen Türk Devrimi, [Les évolutions de la Révolution Turque], Atatürk Arastirma Merkezi, Ankara, 2008, pp. 197-230.
-
[7]
Op. cit., (3).
-
[8]
Yücel Bozdaglioglu, Turkish Foreign Policy and Turkish Identy, a Constructivist Approach, Routledge, New York, 2003, pp. 112-114.
-
[9]
Frank G. Weber, The Evasive Neutral, Germany, Britain and the Quest for a Turkish Alliances in the Second World War, University of Missouri Press, Columbia & Londres, 1979, pp. 10-19.
-
[10]
Ofra Benjio, The Turkish-Israeli Relationship, Changing ties of Middle Eastern Outsiders, Palagrave Macmillan, New York, 2004, pp. 34-42.
-
[11]
Ferenc A. Vali, Bridge Acros the Bosporus, The Foreign Policy of Turkey, The Johns Hopkins Press, Baltimore, 1970, pp. 272-317.
-
[12]
H. Bülent Olcay, “Politics of the Euphrate and Tigris Water?, in Turkish Foreign Policy in Post cold war era, Idris Bal, Brown Walker Press Boca Raton, Floride, 2004, pp. 374-400.
-
[13]
Sükrü Elekdag, “2 ½ War Strategy?, Perceptions : Journal of International Affairs, vol. 1, n° 1, mars-mai 1996, pp. 46-52.
-
[14]
Op. cit., (11), pp. 144-166.
-
[15]
Gürkan Zengin, Hoca, Türk dis politikasi’nda ‘Davutoglu Etkisi’, [Le maître, ‘l’effet Davutoglu’ sur la politique étrangère turque], Inkilap, Istanbul, 2010, pp. 215-249.
-
[16]
Op. cit., (3), p. 403.
-
[17]
Ibid., p. 406.
-
[18]
Idid., p. 408.
-
[19]
Hasan Kösebalaban, Turkish Foreign Policy, Islam, Nationalism, and Globalization, Palgrave Macmillan, New York, 2011, pp. 164-172.
-
[20]
Ahmet Davutoglu, Küresel bunalim, (Crise globale), Küre, Istanbul, 2002, pp. 135-165.
-
[21]
Hürriyet, 31 janvier 2010, Davutoglu’ndan Suriye ve Israel’e mesaj, [Le message de Davutoglu à la Syrie et à Israël].
-
[22]
Hürriyet, 7 mars 2010, Davutoglu Suriye’de Esad’la görüstu, [Davutoglu en Syrie à rencontrer Assad].
-
[23]
Özden Zeynep Oktay, “Regionalism or Shift of axis ? Turkish-Syrian Relations?, in Turkey in the 21st century, Quest for a New Foreign policy, Ashgate, Burlington, 2011, pp. 76-94.
-
[24]
Cumhuriyet, 21 juillet 2012, Zeynep Gögus, Suriye, Aleviler, CHP, [La Syrie, les Alévis, le CHP].
-
[25]
Radikal, 14 décembre 2012, Fehim Tastekin, ABD’nin Suriye’deki yeni oyunu tutar mi, [Les États-Unis vont-il jouer un nouveau rôle en Syrie].
-
[26]
Radikal, 13 février 2012, Göktürk Tüysüzoglu, Rusya ve Cin, neden Suriye’nin yaninda, [Russie et Chine, pourquoi sont-ils du côté de la Syrie ?].
-
[27]
Yeni Ufuk, 18 janvier 2013, Hüseyin Erden, Büyük Orta Dogu projesi Suriye uçe bölünün, [Le projet de Grand Moyen-Orient de diviser en trois la Syrie].
-
[28]
Açik Görus, 20 août 2012, Ali Balci, Komsularla sifir sorun sadece bir dis politika ilkesi mi ?, [La ‘politique zéro problème avec les voisins’ est-elle seulement un principe de la politique étrangère ?].
-
[29]
Cumhuriyet, de la politique 1er mars étrangère 2013, ?]. Öztin Akgüç, Türkiye’nin dünya siyasetindeki yeri, [La place de la Turquie dans la politique mondiale].
-
[30]
Sabah, 21 juillet 2013, Ufuk Ulutas, Suriye devriminin “büyük patlamasi?, [Révolution syrienne : la grande explosion].
-
[31]
Radikal, 1er juillet 2012, Ilhan Üzgel, Sifir Sorunun çöküsü, [L’échec de la politique zéro problème avec les voisins].
1La République de Turquie s’est construite en 1923 sur une double rupture : géographique, avec le déport de son centre de gravité territorial à l’Est, et culturelle, à travers une opposition farouche à l’héritage décadent du califat ottoman. Porteurs d’un projet révolutionnaire, les kémalistes estimaient que l’avenir de leur pays allait de pair avec le rejet de l’Orient et de ses mirages. Cette lobotomie culturelle a coupé la Turquie du monde arabe. Les relations entre Ankara et Damas au xxe siècle sont l’illustration la plus nette des conséquences de cette incompréhension réciproque, que la Turquie cherche aujourd’hui à réduire, avec maladresse et difficulté.
2En 2002, l’arrivée au pouvoir en Turquie des islamo-conservateurs de l’AKP s’est accompagnée d’une véritable révolution diplomatique. Tenant de la ligne “zéro problème avec les voisins?, le nouveau ministre des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, né en 1959, tend la main au régime baathiste de Bachar el-Assad, très isolé. Ankara restaure ainsi quelque peu son image de puissance musulmane et la Syrie desserre momentanément l’étau israélo-américain. Toutefois, le “Printemps arabe?, qui éclate en 2011, interrompt ce rapprochement. Devant tenir compte de sa nouvelle image de modèle de démocratie islamique, la Turquie est bientôt contrainte de choisir entre bon voisinage et prestige extérieur. Pariant sur la chute rapide du régime syrien, elle choisit la seconde option. L’opposition désormais exacerbée entre Damas et Ankara justifie de remettre en perspective historique et stratégique les relations entre ces deux ensembles, de manière à mieux éclairer les enjeux du choc diplomatique en cours.
Les racines de la discorde
Turcs et Arabes
3Au cours de leur migration en provenance d’Asie Centrale, les Turcs ont côtoyé de très nombreux peuples, qu’ils soumettent et incorporent au sein des vastes empires qu’ils bâtissent. Mais, en sens inverse, les conquérants, mis au contact de cultures et de traditions nouvelles, s’acculturent. Le phénomène majeur est bien entendu la conversion à l’Islam de ces guerriers nomades, qui va s’accompagner d’une arabisation culturelle à travers l’alphabet et le vocabulaire. En 1058, le chef seldjoukide Tugrul Bey (990-1063) entre à Bagdad et reçoit du calife abbasside le titre de Sultan. Le calife arabe se dépouille de ses prérogatives temporelles et fait des Turcs les porte-cimeterres de l’Islam. À charge pour les nouveaux venus de repousser Croisés et Byzantins. À compter du xvie siècle et de la conquête des lieux saints de l’Islam (La Mecque, Médine, Jérusalem), turcité et arabité fusionnent dans l’ottomanisme. Empire musulman, multiculturel, la Sublime Porte n’établit aucune distinction ethnique ou raciale entre les musulmans. La Charia (loi religieuse) régule la vie des fidèles du Prophète regroupés au sein de l’Umma (communauté des croyants). Le souverain est la source de cette loi. Générant une vision du monde cohérente et grandiose, la souveraineté territoriale se mue en une revendication de type césaro-papiste, qui fait du sultan ottoman le continuateur des grands empires universels.
Un coup de poignard dans le dos ?
4La dialectique de la foi, de la loi et de l’obéissance au souverain constitue jusqu’au début du xxe siècle la clef de voûte de l’édifice impérial. Le sultan Abdullah Hamid II (1876-1909) accentue cette tendance avec la réactivation de la charge califale. Au-delà de la restauration du prestige lié à la fonction, le souverain pense mener à terme l’assimilation définitive des peuples de l’Empire, et sublimer les masses inconscientes en une communauté morale inspirée par une foi sans réserve dans l’Islam [1]. La Révolution Jeune-Turque (1908) met fin à ce projet. Les Jeunes-Turcs, grands lecteurs d’Auguste Comte et de Gustave Le Bon, veulent réformer l’empire selon un prisme scientiste et national. Cette volonté centralisatrice s’appuie sur la mise en avant du noyau touranien originel. Les Jeunes-Turcs souhaitent revigorer le sang turc et retrouver l’élan des premiers conquérants. En d’autres termes, la quête du renouveau national passe par le renoncement à l’universalisme impérial. Dans les provinces arabes, la nouvelle politique ottomane est incomprise. L’adoption d’un lien ethnocentré au détriment d’un référent religieux civilisationnel désoriente ; profondément remis en cause dans ses fondements mêmes, l’ottomanisme dépérit, éloignant les Arabes des Turcs [2].
5La Première Guerre mondiale aggrave le différend. Les Arabes prennent les armes en 1916 contre l’Empire. Instrumentalisée par les Anglais, la révolte ouvre un nouveau front sur les arrières des lignes turques et distrait de précieuses forces sur lesquelles comptait Constantinople. Plus tard, elle donnera naissance chez les historiens turcs à la légende du coup de poignard dans le dos. Acculé à la défaite, l’Empire ottoman signe le 30 octobre 1918 l’armistice de Moudros. Sous les auspices de la Société des Nations, les provinces arabes de la Porte sont partagées en mandats confiés à la France et au Royaume-Uni.
Le miroir négatif de l’autre
6La fin de la première guerre mondiale consomme définitivement entre Turcs et Arabes une rupture géographique, culturelle et politique. En toute logique, ce renversement de paradigme, constate Ahmet Davutoglu dans ses écrits, “nécessite la définition d’une identité politique et nationale. Dans ce processus de parcellisation, l’autre devient un révélateur psychologique de [notre] propre altérité? [3].
7Conscient de l’irréalisme d’une restauration impériale, Mustafa Kemal (1881-1938) se concentre sur la consolidation du réduit national anatolien. Les frontières de la République proclamée en 1923 englobent, à l’exception du Sandjak d’Alexandrette (Syrie) et de la région de Mossoul (Irak), l’essentiel des populations turcophones de l’ancien empire.
8Ce divorce géographique entraîne une cassure culturelle. Mustapha Kemal rejette vigoureusement toute filiation avec un empire qui a épuisé le sang turc dans des guerres lointaines au profit d’une spiritualité importée. Au moment de l’abolition du califat en 1924, Kemal jette un regard désabusé sur ce passé : “Des millions d’entre eux périrent dans les pays où ils allèrent. Savez-vous combien de garçons anatoliens sont morts dans la chaleur suffocante des déserts du Yémen ?? [4]. Au final tous ces efforts, ces sacrifices, sont vains, puisque au premier signe de délitement, les populations arabes trahissent la solidarité islamique avant de basculer dans la rébellion. Un dicton populaire turc reflète ce désenchantement “Ni le sucre de Damas, ni la figure de l’arabe?. Autrement dit : “Je préfère me passer de sucre que de voir la figure de l’arabe? [5].
9Tout ce qui rappelle de près ou de loin l’arabité est alors banni. Le vocabulaire turc est épuré, l’alphabet arabe supprimé, le port du fez prohibé, l’islam rejeté dans la sphère privée. À travers le mythe de la régénération nationale, les kémalistes cherchent à créer un homme nouveau dans le cadre d’un État-nation compact et homogène. La République vise à extraire les Turcs des pesanteurs du cosmopolitisme ottoman. Prolongation cohérente du grand dessein intérieur, la politique étrangère amplifie le rejet de l’Orient. La Turquie choisit la voie autarcique du repli sur le quadrilatère anatolien. Les Kémalistes acceptent le défi de la modernité et se projettent vers le futur avec l’ardeur de ceux qui veulent participer au devenir de la civilisation [6]. Tel est le sens profond du cri de ralliement républicain : “Paix dans la patrie, paix dans le monde?.
10Conséquence de cette amnésie commune, les deux parties réécrivent l’histoire. Les Turcs insistent sur leurs racines antéislamiques et leur origine asiatique. Le kémalisme utilise l’archétype du guerrier des steppes comme outil de purification mémorielle symbolique. Les étendues désolées d’Asie Centrale forment un espace sacré choisi par le destin, où pour la première fois s’est révélée la vocation à la grandeur de la nation turque. La réhabilitation des légendes antéislamiques inaugure un parcours initiatique. À travers l’utilisation de la figure du loup gris inspiré de la légende de l’Ergenekon, le Turc régénéré renoue avec sa plus longue mémoire.
11De manière identique, les Arabes se réfèrent aux premier temps de l’Islam, voire même pour les Syriens à l’héritage araméen. À l’époque mandataire en particulier (1920-1939), le passé turco-ottoman est relégué aux oubliettes. “Pour beaucoup d’intellectuels arabes, à partir de la chute du califat abbasside en 1258, il n’y a rien et cela jusqu’à la constitution des États arabes modernes ; la période ottomane apparaît comme totalement sortie de l’histoire? [7] constate avec amertume Davutoglu.
12Ce phénomène est à l’origine de stéréotypes négatifs. Les Arabes deviennent pour les Turcs, “tout ce qu’ils ne veulent plus être?. C’est à dire paresseux, arriérés, efféminés, fourbes, inaptes en raison de leur mode de vie nomade à toute organisation supérieure. L’Islam, religion “d’un bédouin immoral? selon les mots de Kemal, devient dans le discours de la République un frein majeur à toute modernisation. En fait, le kémalisme considère l’arabe comme un type humain anthropologiquement incompatible avec l’ordre nouveau [8].
13Au contraire, pour les Arabes, l’effondrement de l’empire est synonyme de libération, la fin d’une longue nuit. Les Turcs sont décrits comme brutaux, impies, barbares. Confondus volontairement avec les Mongols, ils sont accusés du sac de Bagdad (1258) et donc de la disparition de la florissante civilisation abbasside. De plus, l’Empire ottoman, en coupant le Moyen-Orient des échanges pendant des siècles, est tenu responsable de l’atrophie technique et intellectuelle du monde arabe. Pour finir, les Arabes accusent les Turcs d’avoir trahi l’Islam en choisissant à travers la laïcité l’imitation la plus servile de l’Occident.
Guerre improbable, paix impossible
Le Sandjak d’Alexandrette : la province perdue
14En 1920, le général Gouraud (1867-1946), Haut-commissaire de la France au Levant, divise le territoire mandataire en plusieurs entités administratives : le grand Liban, le territoire des Alaouites, le gouvernement de Damas, et le gouvernement d’Alep, au sein duquel est organisé le Sandjak d’Alexandrette, qui reçoit un statut autonome. Cette région, située au nord-ouest de la Syrie, regroupe une mosaïque de communautés. La population se répartit entre turcophones (40 %) et arabophones (40 %), divisés eux-mêmes entre Sunnites, Chrétiens et Alaouites. Sur ces deux groupes principaux se greffent des minorités kurdes, arméniennes, juives, tcherkesse (20 % du total). À ces clivages ethniques se superposent des antagonismes politiques. Les partisans d’un rattachement à la Syrie regroupent les paysans et les grands propriétaires terriens tandis que les classes moyennes urbaines penchent davantage vers Ankara. Entre les deux émerge un courant arméno-chrétien favorable à l’indépendance.
15En Turquie, le Sandjak d’Alexandrette, appelé Hatay, fait immédiatement figure de province perdue. En outre, la sécurité nationale exige des frontières naturelles sûres. En ce sens, trois préoccupations inspirent Ankara. Tout d’abord, l’acquisition d’Alexandrette permettrait à la Turquie de disposer d’un port moderne sans île grecque à proximité. Ensuite, la région au débouché de la chaîne du Taurus est un nœud routier qui commande l’accès à la Syrie et à la Palestine. Son annexion établirait un glacis défensif à l’orée du plateau anatolien. Enfin, Ankara craint la constitution d’un État indépendant, tête de pont d’inévitables revendications kurdo-arméniennes [9]. En 1936, les Turcs saisissent l’occasion de la signature du traité franco-syrien. Les clauses de l’accord prévoient l’indépendance à brève échéance. Les Turcs rétorquent qu’ils n’ont aucune confiance dans les garanties du futur État syrien envers les minorités. Inquiète de voir la Turquie attirée dans l’orbite de l’Allemagne, la France recule. En échange de son adhésion à l’alliance franco-britannique, le Sandjak est cédé à la Turquie (1939). Cette décision devient immédiatement pour les nationalistes syriens le symbole de la duplicité française et de l’avidité turque. D’autant que la Turquie lorgne vers Alep. Jusqu’en 2004 où Damas reconnaîtra officiellement l’annexion, le Sandjak figurera sur toutes les cartes officielles de la République syrienne.
Une relation pétrifiée par la guerre froide
16En 1946, la Syrie sort une fois pour toute du giron colonial. Dans les années cinquante, les dirigeants syriens subissent l’attraction du Baath. Ce parti nationaliste d’inspiration socialiste et laïc entend réunir les Arabes dans un même ensemble, de l’Atlantique au golfe Persique. Ces vues, doublées de l’influence grandissante de l’URSS au Moyen-Orient, inquiètent Ankara. Très isolée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale en raison de sa neutralité équivoque, la Turquie est confrontée aux pressions soviétiques. Poussés dans leurs retranchements, les Turcs sont sauvés par la rupture de la Grande Alliance entre Washington, Londres et Moscou. La Guerre froide débutant, elle est l’un des premiers pays à bénéficier du plan Marshall (1947). Ultime étape de cette conversion, l’adhésion à l’OTAN (1952) sanctionne l’intégration de la Turquie dans la stratégie du containment. Pour contrer l’influence de Damas et du Caire tout en continuant d’endiguer l’Union Soviétique, Ankara, avec l’aval des Anglo-saxons, initie le pacte de Bagdad (1955). Le traité réunit la Turquie, la Grande-Bretagne, l’Iran, le Pakistan et l’Irak. La Syrie réagit et signe à son tour un accord de coopération militaire avec Moscou (1957). Dès lors s’ajoute au traditionnel antagonisme turco-arabe l’appartenance à deux blocs idéologiques opposés. La reconnaissance de Tel-Aviv (1948) renforce l’isolement régional de la Turquie [10]. Au cours des années soixante et soixante-dix, on note une brève amélioration des relations entre Damas et Ankara. La Turquie renégocie son alliance avec Washington et diversifie sa politique extérieure. Symbole fort, elle condamne Israël au moment de la guerre des Six jours (1967) et adhère à l’Organisation de la Conférence Islamique (1969) [11].
Le robinet anatolien
17Toutefois, à compter des années 80, les relations se crispent de nouveau. Le partage des eaux du Tigre et de l’Euphrate est à l’origine du litige [12]. En effet, le régime baathiste est confronté à une véritable bombe à retardement démographique. Depuis l’indépendance, la population a systématiquement doublé tous les vingt ans. La Syrie, pour éviter l’explosion, doit donc accélérer son développement économique et assurer l’autosuffisance alimentaire d’une population en pleine expansion. La maîtrise de l’eau est un préalable obligatoire à tout projet agricole, touristique, industriel. Mais les Syriens ne disposent que de ressources limitées. Trois fleuves traversent le territoire : l’Oronte, le Tigre, l’Euphrate ; tous ont leur source en Turquie, dont les autorités contrôlent de fait le débit des eaux en question. Or, Ankara lance au même moment le Great Anadolu Project. Cet ambitieux programme prévoit la construction de 22 barrages et de 19 centrales hydro-électriques. Il s’agit de doubler la surface des terres irriguées afin de sortir le Sud-Est anatolien, à majorité kurde, du sous-développement. Dans l’espoir d’entraver ce projet qui assèche ses réserves aquifères, et de mettre sous pression la Turquie, la Syrie utilise donc le levier kurde.
18Dès 1984, la plaine de la Bekaa au Liban accueille les camps d’entraînement du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) et son leader Abdullah Öcalan (1949-). La Syrie assure la logistique et l’entraînement des combattants kurdes. Au même moment, Damas étend son réseau d’alliance vers la Grèce, Chypre et l’Iran. Des bases aériennes sont mises à disposition d’Athènes. L’acquisition par Chypre de missiles russes S-300 accroît la sensation d’étouffement d’Ankara. Ce geste de Moscou envers Nicosie est la contrepartie inverse du soutien discret des Turcs à la cause tchétchène. Cette tactique habile vise à disperser les efforts d’Ankara dans plusieurs directions différentes en l’empêchant d’établir un ordre de priorité. En clair, “La Syrie a calculé que la création d’une crise politique avec la Turquie dégénérant en conflit ouvert permettrait à la Grèce de réaliser ses objectifs en mer Égée et mettrait la Turquie dans une position où elle devrait mener des opérations sur deux fronts distincts? [13]. En réaction, l’état-major turc théorise la “Stratégie des deux guerres ennemies?. C’est à dire d’un conflit global mené simultanément contre la Grèce, la Syrie et d’une guerre asymétrique contre l’insurrection kurde.
Israël : l’alliance de revers
19Au mois d’octobre 1998, la tension est à son maximum. L’armée turque envisage une prise de gage en direction d’Alep. Conscient de l’imminence d’une invasion, Damas recule et cesse son assistance au PKK. Abdullah Öcalan est expulsé de Syrie et capturé quelques mois plus tard au Kenya. Le succès turc trouve son origine dans l’incapacité du régime syrien à lutter sur deux fronts. Dès 1996, Ankara a réactivé l’alliance israélienne. Dans le contexte du processus de paix débuté à Oslo (1993) la Turquie redoute un accord israélo-syrien. Elle craint qu’une rétrocession du plateau du Golan ne l’oblige en contrepartie à réviser ses prélèvements hydrauliques sur le Tigre et l’Euphrate, et que du même coup Damas en profite de nouveau pour faire entendre ses revendications sur le Sandjak d’Alexandrette. En arrière-fond, les accords turco-israéliens de février 1996 poursuivent deux objectifs : ils prévoient un programme d’assistance technique entre les deux armées (fourniture d’armes à la Turquie, échange d’informations, mise à disposition de l’espace aérien anatolien pour les pilotes israéliens) [14]. Par voie de conséquence, ils signifient à Damas son encerclement. Accaparé par la passation de pouvoir entre Hafez el Assad (1930-2000) et son fils Bachar (1965-), le régime baathiste, désireux de gagner du temps pour panser ses blessures, décide de jouer la carte de l’apaisement.
Du printemps arabe à l’automne kurde
Une nouvelle ère
20En novembre 2002, l’AKP (Parti de la Justice et du Développement) arrive au pouvoir en Turquie. Cette victoire concrétise la montée en puissance d’une nouvelle élite politique anatolienne plus conservatrice religieusement, mais davantage ouverte sur le monde et l’économie de marché. Critiques envers la brutalité des réformes kémalistes, ils estiment que le projet républicain, en se repliant de manière exclusive sur le bastion anatolien, a coupé la Turquie de son environnement naturel [15]. Cet autisme a eu pour résultat de dresser l’ensemble de ses voisins dans un front commun. Plus que tout autre, les néo-islamistes sont dubitatifs quant aux grands canons du réalisme en politique étrangère : politique d’équilibre, alliance périphérique, système de poids et de contrepoids etc. Or, blâme Davutoglu : “Il est facile dans la guerre comme dans la diplomatie de trouver des alliés de revers contre ses ennemis. Néanmoins, l’art de la véritable diplomatie réside dans l’instauration de relations amicales avec des voisins aux antécédents compliqués. La Turquie n’a pas à s’inspirer des rapports entre la Chine et le Pakistan, mais doit chercher à établir des relations saines aussi bien avec la Syrie, l’Iran qu’avec les États-Unis [16]. Ce changement de cap passe par une révolution culturelle : il faut bousculer l’image, chère aux élites républicaines, d’un Islam “entrave à la modernité?. Pour l’AKP et ses théoriciens, l’Islam est au contraire une grammaire commune, source d’une meilleure compréhension entre les peuples de la région. Sa promotion va de pair avec le rappel d’un passé glorieux où Turcs et Arabes vivaient en harmonie. Davutoglu se fait l’écho de cette destinée partagée : “Les Arabes à l’époque abbasside et omeyyade ont mis en place les bases d’une civilisation qui a été ensuite transmise aux Turcs arrivant des profondeurs de l’Asie centrale, qui par leur dynamisme et leur sens de l’organisation, ont ensuite influé sur l’ensemble de l’espace arabe… Aujourd’hui les capitales du monde arabe, Le Caire, Bagdad, Damas, abritent encore des vestiges turco-ottomans. De même, lorsque l’on regarde Istanbul, l’ordonnancement des monuments est arabe. Urfa, Konya, Bursa sont des villes turques, mais elles ressemblent aussi à des villes arabes et font donc partie de la même culture? [17]. Plus qu’une simple occupation, la présence turque a fait office de bouclier protecteur. Aussi, ajoute le ministre-théoricien : “La souveraineté ottomane sur le monde arabe a fait obstacle au colonialisme : pendant des siècles ces régions ont été protégées de l’ouragan du changement et de l’uniformisation culturelle occidentale? [18].
Le chemin de Damas
21Davutoglu est-il entendu ? Les deux pays convergent en tout cas dans le refus de la guerre en Irak (2003). Turcs et Syriens appréhendent une partition du pays et la reconnaissance d’un Kurdistan indépendant. Prise en étau entre Israël et les Américains en Irak, la Syrie cherche un peu d’oxygène. Seule la Turquie, désireuse de prendre du champ par rapport à l’allié américain, tend la main à Damas sous embargo de Washington. Davutoglu juge que la Turquie n’a rien à gagner d’une synchronisation servile avec l’administration Bush [19]. À l’image des pays émergents, la Turquie, puissance ascendante, souhaite développer une approche multipolaire et défendre ses intérêts propres [20]. En même temps, le rapprochement permet à Bachar Al Assad, via le canal turc, de commencer de discrètes négociations avec Tel-Aviv [21].
La roche tarpéienne
22Entre 2007 et 2010, les rapports turco-syriens sont à leur apogée [22]. Les litiges territoriaux liquidés, la question de l’eau réglée, Turcs et Syriens amorcent une coopération stratégique. Une vaste zone de libre-échange est créée au nord de la Syrie. Les visas sont supprimés et les échanges explosent. En 2010 le nombre de visiteurs turcs en Syrie dépasse un million alors que deux décennies auparavant il n’atteignait pas les vingt mille. Recep Tayyip Erdogan appelle de ses vœux la formation d’un espace plus étendu de libre-échange [23]. Sur un plan politique, la Syrie donne quelques gages à la Turquie en ouvrant une liaison maritime directe entre le port de Lattaquié et Chypre nord. Ce geste a valeur de reconnaissance implicite de la République turque de Chypre. Côté turc, l’amélioration des relations bilatérales sert dans le monde arabe de sas de décontamination. Elle permet à la Turquie de se débarrasser de l’image de “laquais de l’Occident? et du même coup de rendre plus crédible ses diatribes à l’égard de l’État hébreu.
23Pourtant, d’autres arrière-pensées moins avouables existent, entretenues du côté turc. Les échanges (commerce, tourisme, médias) sont un préalable à l’éclosion d’une culture commune. L’économie de marché est le cheval de Troie de la démocratie islamique. À terme, ce processus d’ouverture économique doit permettre l’émergence de nouvelles élites, en particulier au sein de la majorité sunnite. La réussite économique engendre la confiance en soi. Au final, c’est la transformation du régime baathiste de l’intérieur et la fin de la confiscation du pouvoir politico-économique par la minorité alaouite qui est visée.
À l’épreuve des révolutions arabes
24Au début du Printemps 2011, une vague de contestation éclate en Syrie. Servie par une répression maladroite et l’action des chaînes d’informations des pétromonarchies du Golfe, le mouvement surprend Ankara par sa vigueur. La Turquie est renvoyée à ses contradictions. D’une part, elle prétend incarner un modèle de démocratie islamique transposable à l’ensemble de la région, de l’autre ses dirigeants se complaisent dans une relation personnelle avec le régime de Damas. Dans un premier temps, les autorités turques réagissent de manière pondérée. Très proche des Frères musulmans, Davutoglu espère arriver à un compromis avec le régime et faire participer la confrérie à un gouvernement de transition. Ces propositions se heurtent au veto catégorique de Damas. Dès lors, estimant la chute du régime syrien imminente, les dirigeants turcs tranchent en faveur d’un soutien net à l’opposition. En raison de la prédominance sunnite au sein de la coalition des contestataires, l’identification des Islamistes turcs avec la rébellion est quasi-naturelle. De surcroît, son combat contre un pouvoir autoritaire impie éveille un fort courant d’empathie dans les rangs de l’AKP, qui achève de terrasser l’establishment militaro-laïc. Fait troublant, l’AKP relaie ce discours sunnite purificateur pour attaquer l’opposition et expliquer la position neutraliste du Parti Républicain du Peuple (gauche kémaliste). En vertu de la proximité d’une fraction conséquente de ses dirigeants avec l’alévisme (branche hétérodoxe de l’islam similaire à l’alaouisme), le parti est accusé d’alliance objective avec Bachar el Assad [24].
Des problèmes avec tous les voisins
25À Damas, le retournement turc est perçu comme une trahison et accentue l’isolement des dirigeants baathistes. L’Arabie Saoudite, le Qatar, la Turquie constituent un axe sunnite [25]. L’une souhaite se débarrasser d’un allié de l’Iran, l’autre du dernier reliquat de nationalisme arabe laïcisant, la dernière veut valider son modèle de “démocratie islamique?. En représailles, à partir du début 2012, la Syrie ravive l’alliance kurde, les principaux leaders de la branche syrienne du PKK sont libérés de prison, tout latitude leur est donnée pour agir sur le territoire turc. Les autorités de Téhéran prêtent une oreille attentive aux craintes de Damas. La chute du régime baathiste priverait l’Iran d’un de ses rares alliés régionaux et acculerait à la mer son auxiliaire, le Hezbollah libanais. Aussi, comme la Syrie, l’Iran amplifie son aide au PKK et négocie une trêve avec les Kurdes. De façon similaire, les autorités chiites de Bagdad se rapprochent de l’axe syro-iranien.
26En réponse, Ankara instrumentalise les velléités d’indépendance des autorités kurdes d’Erbil, au nord de l’Irak. Dans leur quête d’autonomie, les Kurdes veulent s’assurer du contrôle des champs pétrolifères de Kirkouk et de Mossoul. En arrière-plan, se dessine une fracture entre puissances sunnites et chiites. Plus globalement, la crise syrienne cristallise l’antagonisme entre États occidentaux alliés aux pétromonarchies sunnites, et pays chiites soutenus par les puissances émergentes (Russie, Chine) [26]. L’enjeu est le contrôle de la Syrie, déversoir naturel vers l’Europe des routes énergétiques en provenance d’Asie Centrale et du golfe Persique [27], à l’intersection des trois continents.
La fin du système Davutoglu ?
27Nœud gordien du nouveau cours diplomatique initié par Ahmet Davutoglu, le rapprochement avec la Syrie a permis à la Turquie de dénouer l’écheveau complexe des différends qui, jusqu’à la fin des années 90, empoisonnaient sa politique étrangère. Mais à partir de 2011 et des révolutions arabes, ce système vertueux a implosé [28]. En faisant le choix du camp des insurgés sunnites, Ankara ratifie la déstabilisation de l’État syrien et de son rigide carcan centralisateur. Plus grave, elle se coupe de ses voisins iraniens et irakiens effrayés de voir la Turquie prendre éventuellement la tête d’un bloc sunnite. Enfin, considérée comme une courroie de transmission de la politique anglo-saxonne de remodelage du Moyen-Orient, elle perd la bienveillance sino-russe et donc les fruits de sa patiente réorientation multipolaire [29].
28La Turquie est confrontée à une impasse : l’insurrection est trop faible pour vaincre rapidement, mais trop forte pour être écrasée. Aucun des belligérants n’est en position de l’emporter. De facto, la Syrie a éclaté entre un réduit alaouite au centre, tenu par le régime, une zone contrôlée par l’ALS au nord-ouest, et une région autonome kurde à proximité de la frontière irakienne [30].
29Désormais incapable de renouer le fil avec les autorités de Damas, contrainte à la fuite en avant et à la maximisation consécutive de son soutien à l’opposition armée, la Turquie, bien loin des subtilités de la théorie du voisinage de Davutoglu, apparaît, pour un temps du moins, prisonnière de la logique du tout ou rien [31].
Notes
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[1]
Paul Gentizon, Mustapha Kemal ou l’Orient en marche, Bossard, Paris, 1929, p. 87.
-
[2]
Erik J. Zürcher, Turkey a Modern History, I.B.Tauris, Londres, 2004, pp. 94-132.
-
[3]
Ahmet Davutoglu, Stratejik Derinlik, Küre, [Profondeur stratégique], Istanbul, 2008, p. 407.
-
[4]
Op. cit., (1), p. 54.
-
[5]
Hürriyet, 15 février 2013, Cengiz Candar, Ne Sam’in seker, Ne Arap’in yüzü politikasi olabilir mi ? [Ni le sucre de Damas, Ni la figure de l’Arabe, Est-ce une politique ?].
-
[6]
Suat Ilhan, Evrimlesen Türk Devrimi, [Les évolutions de la Révolution Turque], Atatürk Arastirma Merkezi, Ankara, 2008, pp. 197-230.
-
[7]
Op. cit., (3).
-
[8]
Yücel Bozdaglioglu, Turkish Foreign Policy and Turkish Identy, a Constructivist Approach, Routledge, New York, 2003, pp. 112-114.
-
[9]
Frank G. Weber, The Evasive Neutral, Germany, Britain and the Quest for a Turkish Alliances in the Second World War, University of Missouri Press, Columbia & Londres, 1979, pp. 10-19.
-
[10]
Ofra Benjio, The Turkish-Israeli Relationship, Changing ties of Middle Eastern Outsiders, Palagrave Macmillan, New York, 2004, pp. 34-42.
-
[11]
Ferenc A. Vali, Bridge Acros the Bosporus, The Foreign Policy of Turkey, The Johns Hopkins Press, Baltimore, 1970, pp. 272-317.
-
[12]
H. Bülent Olcay, “Politics of the Euphrate and Tigris Water?, in Turkish Foreign Policy in Post cold war era, Idris Bal, Brown Walker Press Boca Raton, Floride, 2004, pp. 374-400.
-
[13]
Sükrü Elekdag, “2 ½ War Strategy?, Perceptions : Journal of International Affairs, vol. 1, n° 1, mars-mai 1996, pp. 46-52.
-
[14]
Op. cit., (11), pp. 144-166.
-
[15]
Gürkan Zengin, Hoca, Türk dis politikasi’nda ‘Davutoglu Etkisi’, [Le maître, ‘l’effet Davutoglu’ sur la politique étrangère turque], Inkilap, Istanbul, 2010, pp. 215-249.
-
[16]
Op. cit., (3), p. 403.
-
[17]
Ibid., p. 406.
-
[18]
Idid., p. 408.
-
[19]
Hasan Kösebalaban, Turkish Foreign Policy, Islam, Nationalism, and Globalization, Palgrave Macmillan, New York, 2011, pp. 164-172.
-
[20]
Ahmet Davutoglu, Küresel bunalim, (Crise globale), Küre, Istanbul, 2002, pp. 135-165.
-
[21]
Hürriyet, 31 janvier 2010, Davutoglu’ndan Suriye ve Israel’e mesaj, [Le message de Davutoglu à la Syrie et à Israël].
-
[22]
Hürriyet, 7 mars 2010, Davutoglu Suriye’de Esad’la görüstu, [Davutoglu en Syrie à rencontrer Assad].
-
[23]
Özden Zeynep Oktay, “Regionalism or Shift of axis ? Turkish-Syrian Relations?, in Turkey in the 21st century, Quest for a New Foreign policy, Ashgate, Burlington, 2011, pp. 76-94.
-
[24]
Cumhuriyet, 21 juillet 2012, Zeynep Gögus, Suriye, Aleviler, CHP, [La Syrie, les Alévis, le CHP].
-
[25]
Radikal, 14 décembre 2012, Fehim Tastekin, ABD’nin Suriye’deki yeni oyunu tutar mi, [Les États-Unis vont-il jouer un nouveau rôle en Syrie].
-
[26]
Radikal, 13 février 2012, Göktürk Tüysüzoglu, Rusya ve Cin, neden Suriye’nin yaninda, [Russie et Chine, pourquoi sont-ils du côté de la Syrie ?].
-
[27]
Yeni Ufuk, 18 janvier 2013, Hüseyin Erden, Büyük Orta Dogu projesi Suriye uçe bölünün, [Le projet de Grand Moyen-Orient de diviser en trois la Syrie].
-
[28]
Açik Görus, 20 août 2012, Ali Balci, Komsularla sifir sorun sadece bir dis politika ilkesi mi ?, [La ‘politique zéro problème avec les voisins’ est-elle seulement un principe de la politique étrangère ?].
-
[29]
Cumhuriyet, de la politique 1er mars étrangère 2013, ?]. Öztin Akgüç, Türkiye’nin dünya siyasetindeki yeri, [La place de la Turquie dans la politique mondiale].
-
[30]
Sabah, 21 juillet 2013, Ufuk Ulutas, Suriye devriminin “büyük patlamasi?, [Révolution syrienne : la grande explosion].
-
[31]
Radikal, 1er juillet 2012, Ilhan Üzgel, Sifir Sorunun çöküsü, [L’échec de la politique zéro problème avec les voisins].